DISPOSITIF D'ACTIVITÉ PARTIELLE : QUEL EST LE BON TRAITEMENT COMPTABLE ? - PWC

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Mise à jour : 6 avril 2020

Dispositif d’activité partielle : quel
est le bon traitement comptable ?
Face à la crise actuelle du Covid-19, le recours au dispositif
d’activité partielle pour les entreprises a été facilité par les
dernières mesures de soutien du Gouvernement visant à
maintenir les emplois. Comment comptabiliser le produit de
l’allocation versée par l’Etat ?

Dans le contexte actuel de crise sanitaire conduisant la très
grande majorité des entreprises à réduire leur activité, de
récents textes ont permis d’assouplir la procédure de recours au
dispositif d’activité partielle, tout en étendant son champ
d’application et en augmentant le plafond des indemnisations.
Grâce à ce cadre juridique favorable, plus de 220 000
entreprises ont ainsi déjà déposé une demande à ce titre.

Quelques rappels utiles pour le raisonnement comptable

Toute entreprise souhaitant recourir au dispositif d’activité
partielle dispose d’un délai de 30 jours à compter de la mise en
activité partielle de ses salariés pour adresser sa demande à
l’administration. Ce qui signifie qu’un employeur peut mettre en
place l’activité partielle sans avoir obtenu l’autorisation.

L’administration a ensuite 2 jours à compter de la réception de
la demande complète d’autorisation pour instruire le dossier
(Décret 2020-325 du 25-3-2020, voir FRC 5/20). L’absence de
décision à l’expiration de ce délai vaut acceptation implicite de
la demande.

Des contrôles a posteriori pourront être réalisés par
l’administration, laquelle se donne la possibilité de remettre
éventuellement en cause le recours à ce dispositif par
l’employeur qui en a bénéficié et de demander la restitution
intégrale des sommes antérieurement versées à l’employeur.

Pour plus de détails sur ce dispositif, voir FRC 5/20.

Plusieurs questions se posent. A quelle date comptabiliser le
produit d’indemnisation ? Doit-on provisionner le coût de
l’activité partielle pour l’employeur ?

Exemple Soit trois sociétés A, B et C :

                    A              B                C
 Date de clôture    31 déc. 2019   31 mars 2020     30 avril 2020
 des comptes
 Date d’arrêté      30 juin 2020   30 sept. 2020    31 oct. 2020
 des comptes

Depuis le 15 mars 2020, les sociétés A, B et C ont recours au
dispositif du chômage partiel. Au 30 juin, le coût total de
l’indemnité versée aux salariés au titre des salaires est de 1 000
K€ et l’allocation reçue de 900 K€, soit un coût non indemnisé
de 100 K€ (correspondant à la quote-part des indemnités
d’activité partielle non remboursées relatives à des salariés dont
la rémunération est supérieure à 4,5 fois le SMIC).
Par souci de simplification, la succession des événements
détaillée ci-après est identique pour les trois sociétés :
– le 31 mars 2020 : dépôt de la demande d’autorisation de mise
en œuvre du dispositif d’activité partielle dans le respect du
délai légal de 30 jours ;
- le 2 avril 2020 : la société n’a reçu aucune réponse à sa
demande. Le délai d’instruction étant échu, la société considère,
à juste titre, que cette absence de décision vaut acceptation
implicite de sa demande ;
- le 10 avril 2020, la société procède à sa demande mensuelle
de remboursement au titre de l’allocation d’activité partielle pour
la période allant du 15 au 31 mars 2020 ;
- le 30 avril 2020, la société reçoit le remboursement de
l’allocation d’activité partielle au titre du mois de mars 2020.

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PwC │ Ed. Francis Lefebvre │ FRC 5/20
Société A (clôture décembre 2019) - Quelle information
donner en annexe ?

Concernant les entités clôturant leurs comptes au 31 décembre
2019, l'épidémie et ses conséquences sont des événements
postérieurs à la clôture de l’exercice sans lien direct avec
des conditions existant à la clôture (voir FRC 5/20). Le
chômage partiel suite à l’épidémie est donc un événement post-
clôture qui n’est pas de nature à ajuster les comptes clos au 31
décembre 2019.

Il doit toutefois donner lieu à des informations adaptées en
annexe (en ce sens Communiqué du Collège de l’ANC du 2
avril 2020 relatif aux conséquences du Covid-19 sur les
comptes au 31 Décembre 2019 », § 2).

Au cas particulier, la société A pourra indiquer, au titre des
événements postérieurs à la clôture :
- que dans le cadre de la mesure gouvernementale de
confinement, elle a dû suspendre temporairement son activité et
a eu recours au dispositif d’activité partielle à partir du 15 mars
2020 ;
- qu’au 30 juin, elle a enregistré une charge totale au titre des
indemnités versées aux salariés de 1 000 K€ et reçu une
allocation totale de la part de l’Etat de 900 K€.

A noter S’il s’avérait que le retour à l’activité normale ne soit pas
rétabli à la date d’arrêté des comptes, l’annexe pourrait être
complétée du coût supplémentaire auquel elle s’attend sur
2020, estimé en fonction des informations à sa disposition à
cette date.

Si la société a des doutes sur son éligibilité au dispositif, elle
doit évaluer la probabilité d’avoir à rembourser les sommes
perçues de l’Etat dans le cadre du dispositif d’activité partielle
(voir ci-après, société C sur le risque en cas de contrôle a
posteriori de la part de l’administration).

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PwC │ Ed. Francis Lefebvre │ FRC 5/20
Société B (clôture mars 2020) – Comment comptabiliser le
coût de l’activité partielle de mars ?

Comptabilisation de la charge liée aux salaires de mars

A la clôture de l’exercice, la société B constate dans ses
comptes l’indemnité versée aux salariés concernés par l’activité
partielle du 15 au 31 mars 2020 au débit du compte 6414
« Indemnités et avantages divers » et la ventile en contrepartie :
- au crédit du compte 421 «Personnel - Rémunérations
    dues » pour le montant net à payer après déduction des
    cotisations salariales (notamment CSG et CRDS) ;
- au crédit des comptes de dettes sociales correspondants
    pour le montant des cotisations salariales.

A noter L’indemnité légale d’activité partielle est exonérée de
cotisations de sécurité sociale, mais soumise à la CSG/CRDS.
L’employeur peut verser une indemnité complémentaire au titre
d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale de
l’employeur.
Celle-ci est également exonérée de cotisations de sécurisation
sociale et soumise la CSG/CRDS (Communiqué URSSAF du 2-
4-2020).

Comptabilisation du produit de l’allocation versée par l’Etat
au titre des salaires de mars

Il est prudent, à notre avis, de considérer que nombre de
dossiers acceptés par l’administration dans l’urgence de la
situation pourraient, lors de futurs contrôles, être remis en
cause. En effet, les conditions à respecter pour pouvoir entrer
dans le dispositif sont peu précisées par la documentation
administrative et donc sujettes à discussion entre l’entreprise et
l’administration en cas de contrôle a posteriori.

L'entité doit donc, à notre avis, dès la mise en place du
chômage partiel, être en mesure de justifier du respect des
conditions et juger si elle a droit ou non à l'indemnité.

Deux cas de figures sont alors possibles :

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PwC │ Ed. Francis Lefebvre │ FRC 5/20
1. Premier cas de figure. La société pense respecter les
conditions prévues par les textes et n’a aucun doute, à la
clôture, sur l’autorisation de l’administration. A la clôture de
l’exercice de la société B, le produit résultant de la demande
d’autorisation d’activité partielle au titre de la période allant du
15 au 31 mars 2020 devrait pouvoir, à notre avis, être
comptabilisé dès le dépôt du dossier auprès de
l'administration, sans attendre son autorisation ni le versement
de l’allocation. En effet, il répond aux critères de
comptabilisation d'un produit :
- il est certain dans son principe, le dossier étant déposé (le 31
mars) et les conditions pour bénéficier du dispositif étant
vérifiées (mise en chômage partiel du fait du confinement,
impossibilité d’utiliser d’autres moyens tel que le télétravail pour
gérer son activité…) ;
- il est certain dans son montant et acquis à l’exercice, les
salaires à indemniser étant constatés en charges à la clôture.

Dans ce cas de figure, le produit correspondant à l’indemnité
due au titre de l’exercice devra être comptabilisé, en même
temps que les indemnités versées aux salariés :
- au débit du compte au débit du compte 443 « Opérations
particulières avec l'État » ;
- par le crédit du compte de charges 6414 précité.

Sur l’information à donner en annexe au titre du coût de
l’activité partielle enregistré sur 2020, voir ci-avant.

2. Deuxième cas de figure. La société a des doutes à la
clôture sur le fait de respecter les conditions et sur
l’autorisation de l’administration. Dans ce cas, le produit ne
devrait pas être comptabilisé. En effet, tant que le délai
d’instruction de l’administration n’est pas encore expiré (dans
cet exemple, le 2 avril), l’administration a la faculté de rejeter sa
demande.

Le produit n’est, dans ce cas, que probable à la clôture et (à
l'inverse des charges probables) un produit probable ne peut
pas être comptabilisé (C. com. art. L 123-21), même si des
événements survenus entre la date de clôture et la date d'arrêté
des comptes rendent le produit certain (au cas particulier,
même si la société B obtient l’autorisation de l’administration).
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PwC │ Ed. Francis Lefebvre │ FRC 5/20
Dans ce cas, une information en annexe peut être nécessaire
(voir Mémento Comptable n° 52520 II.). Sur l’information à
donner en annexe au titre du coût de l’activité partielle
enregistré sur 2020, voir ci-avant.

Absence de provision au titre du coût de l’activité partielle
à partir d’avril et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire

Aucune provision ne devrait être comptabilisée à la clôture au
titre du coût attendu d’activité partielle après mars 2020. En
effet :
- l'indemnité (sortie de ressources) a une autre contrepartie pour
l'entreprise, puisque la mise en activité partielle lui permet de
conserver son personnel et de redémarrer immédiatement son
activité lorsque les conditions économiques le permettront (PCG
art. 322 s. ; voir Mémento Comptable n° 48240) ;
– les salariés n'ont acquis aucun droit à être payés sans travail
effectif à la clôture de l'exercice (contrairement aux jours de
RTT ou de congés payés).

Société C (clôture avril 2020) – Comment apprécier le
risque de remise en cause (a postériori) du recours au
dispositif d’activité partielle ?

Pour la société C, qui a reçu son premier versement de l’Etat, la
question de l’acquisition du produit ne se pose pas. A la clôture,
elle comptabilise obligatoirement le produit de l’allocation reçu
au titre des salaires de mars et avril (voir ci-avant le schéma
comptable, cas 1).

En revanche, lors de contrôles qui seront réalisés a postériori,
l’administration se réserve le droit de pouvoir remettre en cause
le recours au dispositif d’activité partielle et demander le
remboursement par l’employeur des allocations d’activité
partielle qui lui ont été versées à tort.

Pour les exercices clos en 2020, les situations à risques les plus
susceptibles d’être rencontrées à la clôture sont les suivantes :
- absence de vérification en cours mais infractions aux règles
certaines ou probables ;

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PwC │ Ed. Francis Lefebvre │ FRC 5/20
- procédure de contrôle de l’administration en cours, mais non
     terminée à la clôture.

     Les conséquences comptables découlant de ces situations
     doivent, à notre avis, être appréhendées comme pour les
     risques fiscaux (voir Mémento Comptable n° 53260 et 53265).
     Ainsi, si la société C n’a aucun doute sur le respect des
     conditions pour bénéficier du dispositif de l’activité partielle, elle
     n’a pas d’obligation à la clôture.

     En revanche, si elle a des doutes sur son éligibilité au dispositif
     (communication ultérieure de l’administration précisant les
     conditions, rapport d’un expert indépendant, faits semblables
     dans la branche d’activité ou une société du groupe…), elle doit
     évaluer la probabilité de sortie de ressources à la clôture :

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                      Absence de vérification
                                                         l’administration en cours à
                            en cours
                                                                  la clôture
                  La sortie de ressources               La sortie de ressources s’apprécie
                  s’apprécie en fonction :              en fonction :

                  •    des arguments de la société      •   des arguments de la société
                       et donc de ses chances de            et donc de ses chances de
Appréciation           succès en cas de                     succès en cas de contentieux
de la sortie de        contentieux avec                     avec l’administration
ressources             l’administration

                  •    du risque de détection (c’est-
                       à-dire la probabilité de subir
                       un contrôle)

                                                        •   Si la sortie de ressources
                                                            probable peut être chiffrée
                                                            avec une précision suffisante,
                                                            une charge à payer doit être
                  Si la sortie de ressource est
                                                            constatée en compte 448600
Conséquences      probable à l’arrêté des comptes,
comptables        une provision doit être
                                                        •   Si la sortie ne peut être
                  comptabilisée à la clôture
                                                            estimée avec une précision
                                                            suffisante, une provision pour
                                                            risques doit être constituée en
                                                            compte 151800

     Mémento Comptable n° 16900

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