Droits de retransmission de la Ligue : affaire Mediapro - IP World
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Droits de retransmission de la Ligue : affaire Mediapro La Ligue de football professionnel LFP n’est pas tenue de procéder à un appel d’offres dans le cas où une partie des droits doit être réattribuée en cas de défaillance financière du cessionnaire de droits sur un plusieurs lots des droits de retransmission. Défaillance du groupe Mediapro Pour mémoire, la LFP a lancé une procédure d’appel à candidatures en vue de concéder les droits d’exploitation audiovisuelle de la Ligue 1 pour les saisons 2020/2021 à 2023/2024. Cet Appel à Candidatures portait sur sept lots indépendants, commercialisés le 29 mai 2018 et attribués comme suit : +» – Mediapro a remporté les Lots 1, 2 et 4 pour la somme totale de 780 millions d’euros par saison. Il a, par la suite, obtenu dans le cadre de discussions de gré à gré l’attribution des lots 5 et 7 pour lesquels l’appel à candidatures avait été infructueux ; » beIN a remporté le Lot 3 pour la somme totale de 330 millions d’euros par saison (le “Lot 3’constitué des matches du samedi à 21h et du dimanche à 17h) ; » – Free a remporté le Lot 6 pour la somme de 50 millions d’euros par saison. Le groupe Mediapro avait réglé ses premières échéances à la LFP mais a rencontré des difficultés financières dès le mois d’octobre 2020. A l’issue d’une procédure de conciliation menée sous l’égide du Tribunal de commerce de Nanterre, la LFP et Mediapro sont convenus de résilier par anticipation le contrat qui les liait. Aucun diffuseur (ni CANAL +, ni beIN) ne s’étant rapproché du
conciliateur pour formuler une offre amiable de reprise des droits dans le cadre de cette procédure, la LFP a recouvré la propriété pleine et entière des lots 1 et 2 des droits de retransmission. Les sociétés CANAL + et beIN ont saisi le Tribunal de commerce pour faire juger que les lots 1, 2 et 3 étaient liés entre eux en raison du mode d’enchères séquentielles retenu par la LFP et que la LFP avait l’obligation de relancer un appel d’offre pour ces lots. Connexité entre les lots La connexité entre les lots n’a pas été retenue. L’Autorité de la concurrence a explicitement rappelé dans son Avis 04-A-09 du 28 mai 2004, relatif à un projet de décret sur la commercialisation par les ligues professionnelles des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives, que l’existence d’un lien entre les lots n’est caractérisée que dans une situation dans laquelle « le diffuseur est conduit à rechercher l’acquisition de lots couplés ou à se lier avec un autre diffuseur pour être en mesure d’exploiter les lots dans des conditions techniques et économiques satisfaisantes », ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Or, le mode de soumissionnement fixé en 2018 n’était de plus pas une découverte pour les candidats puisque la LFP avaient déjà procédé de la sorte à plusieurs reprises. Si les conditions financières imposées par la LFP au titre de l’appel à candidatures ont pu être a posteriori critiquées pour leur caractère inflationniste, alors même que beIN s’était en 2018 déclarée satisfaite de l’attribution du lot 3, force est de constater, d’une part, que les modalités de l’appel d’offres n’ont jamais été judiciairement critiquées et, d’autre part, que le délai écoulé entre l’appel à candidatures et la sous-licence consentie par beIN à CANAL +
n’a pas conduit à un quelconque ajustement du prix. Les juges consulaires en ont déduit que le prix convenu a été parfaitement consenti par CANAL + dans les circonstances de l’époque. Par ailleurs, il n’était pas démontré que le Code du sport obligerait la LFP, dans l’hypothèse de la défaillance d’un allocataire de droits, à reprendre l’intégralité des droits concédés à d’autres acteurs, pour relancer un processus complet d’appel d’offres et leurs prétentions de ce chef seront rejetées. BeIN et Canal + ont plaidé en vain que les articles L. 333-1 et suivants et R. 333-1 et suivants du Code du sport imposent à la LFP de respecter une procédure d’appel à candidatures publique en cas de défaillance en paiement d’un cessionnaire de droits de retransmission. Abus de position dominante Sur le fondement des articles 102 TFUE, L 420-2, L 420-3 et L 462-3 du Code de commerce, beIN et Canal + ont soutenu sans succès que le refus de la LFP d’intégrer le Lot 3 à un appel à candidatures caractérisait une pratique anticoncurrentielle dès lors que sont globalement en jeu 80% des droits initialement attribués en 2018. Aux termes de l’article 102 c) TFUE, constitue un abus de position dominante, le fait d’«appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ». De même, l’article L. 420-2 du Code de commerce prohibe la pratique, par une entreprise en position dominante, de « conditions de vente discriminatoires ». Aux termes de l’article L. 420-3 du Code de commerce, tout acte juridique qui matérialise une pratique discriminatoire constitutive d’un abus de position dominante
est affecté d’un vice de nullité : « Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-2-2 ». Les dispositions de l’article L. 420-2 du Code de commerce visant à protéger l’intérêt général, la nullité prévue par l’article L. 420-3 présente un caractère absolu. L’article 102 c) TFUE a été interprété en ce sens qu’il y a discrimination dès lors que, par ses pratiques, une entreprise conduit à entraver la position concurrentielle d’une partie de ses partenaires commerciaux par rapport aux autres. A contrario donc, le fait pour un opérateur en position dominante de traiter différemment des acheteurs se trouvant dans des situations différentes n’est pas considéré comme une discrimination. Force est à cet égard de constater en l’espèce que serait discriminatoire le fait de placer des soumissionnaires dans des conditions différentes alors qu’ils sont candidats à l’attribution de lots dans le cadre d’un l’appel à consultation de la LFP. Selon les juges consulaires, tel n’était pas le cas puisque beIN n’était pas dans la même situation au regard de la consultation menée par la LFP et n’était donc pas victime de pratiques discriminatoires, CANAL + ne l’étant donc pas elle-même. La position de la LFP n’a pas pour objet ou pour effet d’évincer beIN et CANAL + d’une consultation ou d’un appel à consultations dès lors que rien ne leur interdit de soumissionner à la réattribution des lots restitués par Mediapro, nonobstant leur capacité financière à s’engager. De plus, le refus de la LEP d’intégrer le Lot 3 dans un appel à candidatures d’ensemble n’a pas pour effet de fausser la concurrence sur le marché aval entre les clients des attributaires des lots, en l’espèce entre les clients de beIN
et de CANAL +. Contexte de l’affaire Pour mémoire, CANAL + appartient au groupe audiovisuel éponyme constitué autour de la chaîne de télévision payante CANAL +, lancée en 1984. Détenue par le groupe Vivendi, CANAL + est l’acteur historique sur le marché des droits de diffusion de la Ligue 1 et demeure, malgré une récente concurrence dans les domaines qui constituent ses principaux vecteurs d’abonnements comme le cinéma et le sport, un des acteurs dominants sur le marché français de la télévision payante. Depuis sa création, CANAL + est le diffuseur des principales rencontres de Ligue 1. Entre 2012 et 2020, elle partageait une partie des droits de diffusion avec le groupe beIN Sports. La Ligue de Football Professionnel (LFP) est une association régie par la loi du 1er juillet 1901, composée de l’ensemble des clubs français professionnels de football et chargée, sur délégation de la Fédération Française de Football, de l’organisation et de la promotion des compétitions de football professionnel. La LFP est ainsi chargée de l’organisation, la gestion et la règlementation du championnat de Ligue 1, du championnat de Ligue 2 et du Trophée des Champions. En vertu de cette même délégation la LFP est chargée (i) d’établir le calendrier des compétitions qu’elle organise et la programmation des rencontres et (ii) de commercialiser à titre exclusif les droits d’exploitation audiovisuelle de ces compétitions, dont les clubs sont propriétaires. Pour ce faire, la LFP est tenue d’organiser une procédure d’appel à candidatures publique et non discriminatoire pour une durée maximale de quatre ans. Si cet appel à candidatures est déclaré infructueux, la LFP est autorisée à mener des discussions de gré à gré avec les candidats afin d’attribuer les droits.
BeIN Sports France SAS a été constituée le 27 décembre 2011. Elle est active depuis 2012 dans le secteur de l’édition de chaînes de télévision sportives payantes en France. Elle est ultimement contrôlée par beIN Corporation, une société de droit privé d’intérêt public située à Doha. BeIN propose des retransmissions de compétitions sportives, des émissions d’information sportive ainsi que des magazines et reportages consacrés au sport et dispose de trois chaînes premium : beIN SPORTS 1, beIN SPORTS 2 et beIN SPORTS 3, ainsi que de sept canaux événementiels (beIN SPORTS Max 4 à 10) permettant de couvrir plusieurs événements en simultané. CANAL + avait, en présence de beIN qui soutient ses prétentions, assigné la LFP à bref délai aux fins d’obtenir l’annulation de la consultation lancée en Janvier 2021 par la LFP afin de commercialiser les droits audiovisuels de la Ligue 1 précédemment concédés à Mediapro, au motif que celle-ci n’inclut pas le Lot n°3, attribué à beIN Sports France en mai 2018 et sous-licencié par cette dernière à CANAL + en février 2020. CANAL + sollicitait également la condamnation de la LFP à lui payer (i) la somme représentant la différence entre le prix du Lot 3 résultant de l’Appel à Candidatures et sa valeur économique au 1er février 2021 au motif que CANAL + aurait ‘surpayé” la sous- licence d’exploitation du Lot n°3, et (ii) la somme de 100.000 euros au titre de son préjudice moral résultant de la prétendue perte de chance de pouvoir remporter les lots proposés dans le cadre de la consultation lancée en janvier 2021. Le 29 janvier 2021, CANAL + a par ailleurs initié deux procédures devant l’Autorité de la concurrence, à savoir une plainte pour abus de position dominante et une demande de mesures conservatoires.
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