"Dynamo" au Grand Palais, ou l'art d'hypnotiser en trois leçons

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"Dynamo" au Grand Palais, ou l'art d'hypnotiser en trois leçons
"Dynamo" au Grand Palais, ou l’art d’hypnotiser en trois leçons
Mis à jour le 12/04/2013 | 08:41 , publié le 12/04/2013 | 06:59

Douglas Wheeler, "Light Incasement", 1971. Néons, Plexiglas. 233 × 233 cm. Aix-la-Chapelle, Collection Ludwig, Ludwig Forum für Internationale Kunst.(PHOTO STEDELIJK MUSEUM
AMSTERDAM)

Quatre commissaires d’exposition, 140 artistes occupant pour la première fois tous les espaces du Grand Palais (3 700 m2)… L’ampleur de l’événement
"Dynamo", présenté du 10 avril au 22 juillet à Paris, est totalement inédite. Et l’effet garanti. Car l’exposition propose une expérience sensorielle
exceptionnelle. A coups de couleurs vibrantes, de lumières aveuglantes, d’illusions optiques, vous voilà immergé dans un univers hypnotique mettant les
sens à rude épreuve. Pourquoi et comment les artistes jouent-ils avec notre perception ? Réponse en quelques images. Epileptiques, s’abstenir !

Donner l’illusion du mouvement
L’art qui cherche à soumettre le spectateur à différentes illusions optiques a un nom : l’Op art (ou art optique). Son représentant le plus célèbre n’est autre
que Victor Vasarely (1908-1997), artiste français d’origine hongroise dont vous connaissez déjà au moins une réalisation : c’est à lui que l'on doit le logo
de Renault ! Vasarely commence dès les années 1940 à expérimenter des formules pour "dynamiser" l’art abstrait, en utilisant d'abord des motifs
géométriques en noir et blanc. Résultat : des peintures comme celle-ci qui donnent une impression d’ondulation.
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          Victor Vasarely, "Métagalaxie", 1959-1961. Peinture sur toile. 160 x 147 cm. Collection particulière avec l’amabilité de la galerie Pascal Lansberg, Paris.

          (ADAGP, PARIS 2013)

          Le secret de l’artiste ? Il s’appuie sur les failles de notre perception visuelle. Nous ne pouvons avoir une vision parfaite d’une image aussi complexe :
          notre cerveau la corrige instinctivement. Ainsi, si vous fixez les points blancs entourés de noir, ils vous paraîtront blancs… mais deviendront gris si vous
          cherchez à avoir une vision d’ensemble, car votre œil "additionne" les zones blanches et noires qui les entourent. Cet effet de clignotement est encore plus
          frappant dans une illusion connue depuis plus d’un siècle, celle de "la grille d’Hermann".

          La Britannique Bridget Riley, née en 1931, est une autre figure de proue de l’Op art. Après avoir étudié des techniques illusionnistes du
          XIXe siècle (comme celles des pointillistes, à l’honneur en ce moment au Musée des impressionnismes de Giverny), elle a cherché à rendre à sa façon
          l’impression de mouvement.

          Bridget Riley, "Fall", 1963. Emulsion sur Isorel. 141 x 140 cm. Londres, Tate Modern.

          (TATE PURCHASED 1963, LONDON 2012)

          Ici, on le voit, c’est la répétition d’une forme simple qui donne une sensation de pulsation, d’ondulation. L’œil perçoit une vibration qui se propage dans
          toute l’image, et même une impression de relief, comme si cette peinture plate, simple (elle est seulement composée de lignes noires et blanches) prenait
          vie.

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          Marina Apollonio, "Dinamica circolare", 1968. Bois peint, moteur. D. 40 cm ; base 60 × 60 cm. Collection particulière.

          (COLLECTION PARTICULIÈRE)

          Ci-dessus, cette œuvre basée sur le même principe est signée de l’Italienne Marina Apollonio, née en 1940. Elle invente une forme fuyante dont on ne sait
          plus très bien si elle est concave ou convexe. Ce cercle tourbillonnant, géant, est posé sur le sol. De loin, on a le sentiment bizarre que le spectateur est
          happé par l’œuvre… pourtant totalement plate.

          Jouer avec la couleur
          Un autre artiste présente de drôles de cibles, mais en utilisant cette fois la couleur pour créer un effet de palpitation : Julio Le Parc. Cet Argentin de Paris,
          âgé aujourd’hui de 84 ans, est bien représenté au Grand Palais, et, hasard du calendrier, a droit à une grande rétrospective au Palais de Tokyo au même
          moment.

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          Julio Le Parc, "Surface couleur - série 14-2E", 1971. Acrylique sur toile. 200 x 200 cm. Collection particulière.

          (ADAGP, PARIS 2013 )

          Comme l’avaient déjà montré les pointillistes, on voit bien ici que des couleurs proches sur le cercle chromatique interagissent les unes avec les autres,
          créant un effet de vibration et de relief. Mais cette œuvre exprime aussi une vision politique. Le Parc est foncièrement opposé à l’idée que l’artiste est un
          génie isolé qui peut imposer sa vision personnelle au spectateur. Il cherche à éliminer méthodiquement tout ce qui relève de la subjectivité du peintre, en
          se contraignant, par exemple, à utiliser une palette très resserrée : seulement quatorze couleurs, immuables, qu’il agence de différentes manières (cette
          Surface couleur ne présente qu’une combinaison parmi des centaines d’autres, comme il l’explique sur son site). Il y a aussi chez lui (comme chez
          beaucoup d’autres artistes présents au Grand Palais) l’idée généreuse que l’œuvre est une invitation à jouer, à se laisser troubler, avant d’être une réflexion
          conceptuelle comprise par un petit cercle d’initiés. En somme, parler aux sens et au corps plutôt qu’au cerveau.

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          Ann Veronica Janssens, "Daylight blue, sky blue, medium blue, yellow", 2011. Brouillard artificiel, filtres colorés. Paris, galerie Air de Paris et galerie
          Kamel Mennour.

          (ADAGP, PARIS 2013 / COURTESY AIR DE PARIS, GALERIE MICHELINE SZWAJCER & KAMEL MENNOUR, PARIS.)

          Si vous étiez jusqu’ici seulement pris de vertige, les œuvres d’Ann Veronica Janssens vont vous faire perdre totalement vos repères. Pour cette artiste
          belge née en 1956, tous les moyens sont bons pour nous immerger dans un univers surnaturel : stroboscopes, surfaces réfléchissantes… Ici, elle crée un
          brouillard artificiel coloré qui occulte l’espace (on ne voit même plus les murs de la salle dans laquelle on se trouve) et noie littéralement le spectateur
          dans la couleur.

          Manipuler l’espace
          L’Italien Gianni Colombo (1937-1993) nous fait également pénétrer dans une œuvre perturbante. Pour voir son Espace élastique, il faut entrer dans une
          pièce découpée par un réseau de fils blancs qui s’entrecroisent, éclairés à la lumière noire.

          Gianni Colombo, "Spazio elastico", 1967-1968. Cloisons, lampes de Wood, moteurs et mécanisme étirant des fils blancs. 400 × 400 × 400 cm. Milan,
          Archivio Gianni Colombo.

          (GIORGIO PIZZAGALLI / COURTESY ARCHIVE GIANNI COLOMBO, MILAN)

          Cette toile d’araignée, qui semble fixe, est en fait animée par de petits moteurs et bouge imperceptiblement, donnant l'impression que l'espace est en
          perpétuelle expansion. Gianni Colombo est le principal représentant italien de l’art cinétique (du grec kinêtikos, "qui se meut"), qui s’évertue à faire
          bouger les œuvres par des moyens mécaniques, grâce au vent… ou au spectateur lui-même. Le rapport entre l’art cinétique et l’Op art ? Ils tirent tous deux
          leurs origines de recherches sur la perception effectuées au début du XXe siècle, et ont connu leur heure de gloire dans les années 60. Ils étaient alors si
          populaires qu’ils ont pu s’enraciner dans de nombreux bâtiments publics. On pense par exemple à l’aménagement spectaculaire du palais de l’Elysée ou au
          dos des panneaux publicitaires, qui ont arboré pendant des années des créations de Vasarely.

          Pour créer son illusion, Colombo plonge le spectateur dans l’obscurité. Le Californien Doug Wheeler, 73 ans, fait exactement l’inverse.

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          Douglas Wheeler, "Light Incasement", 1971. Néons, Plexiglas. 233 × 233 cm. Aix-la-Chapelle, Collection Ludwig, Ludwig Forum für Internationale
          Kunst.

          (PHOTO STEDELIJK MUSEUM AMSTERDAM)

          Ce perfectionniste crée ce qu’il appelle des "environnements infinis" en utilisant le réfléchissement de néons sur de simples murs blancs. Les surfaces
          planes prennent de la profondeur, à tel point que certains visiteurs touchent les murs pour vérifier qu’ils ne sont pas creux !

          Informations pratiques :

          "Dynamo"

          du 10 avril au 22 juillet

          au Grand Palais

          3, avenue du Général-Eisenhower, 75008 Paris

          Métro : Franklin-Roosevelt ou Champs-Elysées-Clemenceau.

          9 euros / 13 euros

          10 heures-20 heures, sf mer. (10 heures-22 heures)

          A lire :

          Avec ses 350 illustrations (surtout des œuvres, parfois mises en situation), le catalogue de l'exposition vous permettra de revivre les sensations de l’expo.
          Il donne aussi l’occasion d’aller plus loin en s’interrogeant sur les motivations de ces artistes, qui, peu de temps après la seconde guerre mondiale, comme
          l’explique la commissaire Marianne Le Pommeré, ont voulu créer des images universelles, éternelles, hors du monde, "qui élèvent par leur contemplation
          et apportent l’espoir". A noter qu’à la fin de l’ouvrage, des dossiers bien ficelés font le point sur certaines personnalités clés (Alexander Calder et ses
          "mobiles") ou mouvements (le Groupe ZERO, le Groupe de recherche d'art visuel…). Idéal pour approfondir le sujet.

          Dynamo, collectif, éd. de la Réunion des musées nationaux, 368 p., 45 euros.

          Léo Pajon

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