Entrer à l'École préparatoire en 1829 - Brill

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revue de synthèse 138 7 e SÉrie n o 1-4 (2017) 419-444

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              Entrer à l’École préparatoire en 1829
                                      Norbert Verdier

L   ors des réformes napoléoniennes, est mis en place en 1809 l’École
    normale afin d’y former des professeurs de l’enseignement secondaire.
En 1822, Denis-Antoine-Luc Frayssinous (1765-1841) devenu chef de l’Instruc-
tion publique en tant que « Grand maître de l’Université » décide la ferme-
ture de l’établissement ainsi que la faculté de médecine. Selon lui, ce sont des
lieux d’encouragement dangereux pour les jeunes gens car ils développent les
opinions libérales si contraires à l’esprit de la seconde Restauration1. Il fallait
« royaliser » l’Université : Cousin, Guizot et l’abbé Louis-Eugène-Marie Bautain
(1796-1867)2 en font les frais. Frayssinous crée, pour remplacer l’École normale,
des « écoles normales partielles » rassemblant dans les départements des
boursiers voulant se destiner à l’enseignement en les guidant « dans une direc-
tion religieuse et monarchique »3 : c’est un échec. En 1826, une réouverture est
décidée avec un changement de nom : au mot « École » est substitué l’adjectif
« préparatoire ». Bien que sans commune mesure avec l’École polytechnique,
au moins sur toute la première moitié du dix-neuvième siècle4, entrer à l’École
préparatoire passe par la réussite à un concours a priori très codifié.

       ÊTRE CANDIDAT : RECOMMANDATIONS ET ÉPREUVES ÉCRITES

Pour pouvoir être candidat à l’École préparatoire, il convient dans un premier
temps d’être recommandé par le proviseur de son établissement sur ses ver-
tus morales et religieuses. L’« État des candidats présentés par les Recteurs »
présent dans les dossiers d’archives permet de suivre les appréciations des

1 	À noter que Frayssinous n’a pas décidé unilatéralement ces fermetures ; il agissait sous la
    direction du ministre sans portefeuille mais en charge de l’Instruction publique : Jacques-
    Joseph Corbière (1766-1853). Voir Garnier, 1961.
2 	Voir Lamazou, 1867.
3 	Voir Garnier, 1961, p. 157.
4 	Zwerling, 1990.

© koninklijke brill nv, leiden, 2017 | DOI: 10.1007/s11873-000-0000-20
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candidats présentés. Les recteurs envoient un tableau relativement standardi-
sé indiquant les noms et prénoms du candidat, ses dates et lieux de naissance,
l’état de leurs parents et de leur fortune présumée ou celle acquise du candidat,
la considération dont jouit la famille du candidat sous le double rapport poli-
tique et religieux, le degré d’instruction des candidats, leurs dispositions pour
les lettres, les sciences ou la philosophie, les succès qu’ils ont obtenus dans
leurs études et des observations.
    Certaines appréciations pourraient laisser penser que les avis sont tendan-
cieux et politiquement orientés comme le sont les observations concernant
Alexandre Desmaroux :

      « Beau-fils de M. le Baron Varlet. […] Excellente conduite, exactitude à remplir
      ses devoirs religieux ; principes politiques excellents ; s’est fait remarquer par
      une droiture d’esprit et une maturité de goût qui donnent lieu de croire qu’il
      serait propre à l’enseignement ; a montré de bonne heure un caractère grave et
      sérieux5. »

Desmaroux intègre la section lettres de l’École préparatoire en 1829. L’examen
de l’ensemble des dossiers montre qu’il convient de nuancer. Les situations
sont gérées avec doigté quel que soit le statut social du candidat ou sa rigueur
dans sa gestion de son inscription. Galois, nous le verrons, en bénéficiera. Dans
un second temps, le candidat doit se présenter à une série d’épreuves écrites
et orales. Environ un mois avant les épreuves, une lettre type est envoyée du
Ministère de l’Instruction publique à chaque recteur d’Académie. Celle du
concours de 1829 stipule :

      « J’ai l’honneur de vous faire passer la liste de ceux qui ont été reconnus avoir
      satisfait aux conditions prescrites ; et qu’il y a lieu d’admettre en conséquence
      au concours destiné à constater les connaissances acquises par chacun des aspi-
      rants, ainsi que le degré de leur aptitude. Ce concours consistera, comme par le
      passé, en compositions écrites, et en épreuves orales6. »

Le document détaille ensuite les épreuves à passer suivant la section visée par
l’aspirant. Un tableau permet d’avoir une vue synthétique.

5 	Archives nationales, F 17/4176.
6 	Archives nationales, F 17/4176.

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Epreuves et durée pour les élèves qui se destinent aux lettres et aux sciences

« Pour les élèves qui se          « Pour les élèves qui se destinent              Durée des épreuves
destinent aux lettres »           aux sciences »

                                  Questions sur les mathématiques                 6h
                                  Questions sur la physique                       6h
Un discours latin                                                                 6h
Un discours français*             Un discours français*                           6h
Des vers latins                                                                   6h
Une version latine*               Une version latine*                             4h
Une version grecque                                                               4h
Une question de                   Une question de philosophie*                    6h
philosophie*

* « Les trois sujets sont les mêmes que pour les élèves des lettres, la question de philosophie sera
    traitée en français pour les élèves des deux sections ».

Le document explicatif gère le cas des élèves concourant pour les deux
sections :

       « Dans le cas où il se présenterait des élèves qui se destineraient à la fois aux
       lettres et aux sciences, ils pourraient s’essayer sur les matières affectées aux deux
       classes d’élèves, ou ne traiter que les matières affectées à l’une ou l’autre classe
       à leur choix7. »

À l’issue des épreuves écrites, le processus se poursuit ainsi : « Les copies re-
mises à la fin de chaque séance au surveillant que vous aurez désigné, seront
réunies en un paquet que vous voudrez bien m’envoyer cacheté »8. Les copies
sont ensuite corrigées par les correcteurs affectés à chacune des disciplines.

                    ÊTRE CORRECTEUR DES ÉPREUVES ÉCRITES

L’examen des paquets de copie permet de reconstituer qui corrigeaient les co-
pies lors des épreuves du concours de 1826 à 1830 ; nous nous bornerons aux
correcteurs de la section sciences de l’année 1829.

7 	Ibid.
8 	Ibid.

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    Les mathématiques sont corrigées par Charles-Félix-Augustin Leroy (1786-
1854), maître de conférences à l’École normale « depuis le 26 septembre 1809,
jusqu’à la suppression de l’École en septembre 1822 »9, puis maître de confé-
rences à l’École préparatoire depuis 1826 et professeur de géométrie descriptive
à l’École polytechnique depuis 181710. Il a conçu les sujets sur toute la période
1826-183011, tandis que pour le concours 1828, les corrections ont été assurées
par l’inspecteur général Antoine-Charles Marcelin Poullet-Deslile (1778-1849).
    La physique est corrigée par Jean-Claude-Eugène Péclet (1793-1857), ancien
élève de l’École normale qui vient d’être nommé (en 1828) maitre de confé-
rences de physique à l’École préparatoire après avoir passé huit ans au collège
royal de Marseille. Personnalité ouverte au développement des sciences indus-
trielles, il fait partie en 1829 des pères fondateurs de l’École centrale des arts et
manufactures12. En devenant correcteur au concours de l’École préparatoire, il
succède à André-Marie Ampère (1775-1836) qui corrigeait les épreuves depuis
1826.
    L’épreuve de français est corrigée par Claude-Hippolyte Gibon (1802- 1864)
qui vient de succéder au professeur de rhétorique au lycée Henri IV, Joseph
Naudet (1786-1878) qui, en 1828, corrigeait les dissertations de français et de
latin. En 1828, Gibon était déjà affecté à la correction des versions et des vers
latins pour la section sciences. Une notice biographique très documentée13 dé-
taille son parcours. Ancien maître d’étude au collège Henri IV, il « fut reçu agré-
gé des lettres, à l’un des premiers concours établis en 182114. Il utilisa ce titre,
jusqu’à la révolution de 1830, en enseignant la grammaire et les humanités
dans différents Collèges royaux de Paris. »15 et en bénéficiant de ses « ardentes
convictions traditionalistes »16.

9 		Archives nationales, LH/1607/28.
10 	Voir notice « Charles-Augustin Leroy » dans « Les professeurs des facultés des lettres et
     des sciences en France au XIXe siècle (1808-1880) ».
11 	Les épreuves de mathématiques sur cette période ont été analysées dans Ehrhardt,
     2008.
12 	Pour une histoire, certes hagiographique mais suffisante ici, nous renvoyons à
     Comberousse, 1879. À noter que Péclet était affilié à Gaspard-Gustave de Coriolis (1792-
     1843), professeur de mécanique à l’École centrale, en devenant en 1837 son beau-frère.
     Voir Moatti, 2014.
13 	Le Roy, 1869, p. 337-346.
14 	Cette affirmation n’est pas confirmée par la base de données : « Les agrégés de
     l’enseignement secondaire. Répertoire 1809-1960. ».
15 	Ibid.
16 	Ibid. La notice décrit ensuite son parcours, semé d’embûches, de l’université de Liège à
     Ismaïlia où, « aumônier des ouvriers du canal de Suez », il décède en 1864.

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   L’épreuve de latin est corrigée par Pierre-Auguste Lemaire (1802-1887). Major
de l’agrégation de lettres en 1823, nommé maître de conférences à l’École pré-
paratoire en 1827, il est le digne successeur17 de son oncle, le latiniste Nicolas-
Eloi Lemaire (1767-1832). Le Moniteur du 17 décembre 1821 précise que :

      « Pour éterniser le souvenir des deux prix d’honneur remportés au Concours
      général de l’Université de Paris, par Nicolas-Eloi Lemaire, élève de rhétorique
      en 1787, et Pierre-Auguste Lemaire, élève de philosophie en 1821, il sera planté
      solennellement deux arbres devant la maison paternelle du sieur Lemaire, sur la
      place publique, et ces deux arbres seront entretenus à perpétuité aux frais de la
      commune de Triaucourt. »

Au moment du concours 1829, Macaire s’apprête à devenir professeur sup-
pléant de poésie latine à La Sorbonne18.
   Il nous reste à nous intéresser, avec davantage d’acuité, à l’épreuve de philo-
sophie. Il nous faut distinguer la conception de la correction du sujet. Depuis
la création de l’École préparatoire, en 1826, c’est l’abbé Daburon, inspecteur
général de l’Université qui a la charge des corrections. Quant à la conception,
c’est le jeune maître de conférences à l’École préparatoire, Michelet, qui s’en
charge19. En 1828, il avait posé : « Quelle est l’origine de nos idées ? Le système
qui cherche l’origine de nos idées dans la sensation peut-il se concilier avec la
liberté morale ? »20. En 1829, et pour la première fois semble-t-il, c’est un sujet
sur l’induction qui est proposé aux candidats : « Définir l’induction. Donner
les règles de la méthode inductive »21. Nous allons largement citer le rapport
général sur l’épreuve envoyé, courant octobre comme tous les autres rapports,
par Daburon. Précisons préalablement certains points de parcours sur l’abbé
Daburon, personnage clé de la philosophie et de son enseignement sous la
Restauration. Au moment où il lit la copie de Galois, Daburon vient d’avoir
soixante-dix ans et a une très longue expérience de responsabilité au titre de
l’enseignement22. Jusqu’à la Révolution française, Daburon enseigne dans la

17 	Le mot « successeur » est à prendre au premier degré puisqu’à la mort de son oncle lors
     de l’épidémie de choléra de 1832, il lui succède à la direction de la Bibliothèque classique
     latine, l’une des références des latinistes du XIXe siècle créée sous la Restauration. Voir
     Lemaire, 1886.
18 	Voir notice « Pierre-Auguste Lemaire » dans « Les professeurs des facultés des lettres et
     des sciences en France au XIXe siècle (1808-1880) ».
19 	Monod, 1994.
20 	Archives nationales, F/17/4174 & 4175.
21 	Archives nationales, F/17/4176.
22 	Voir notice « Daburon » dans Caplat, 1986.

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congrégation des Oratoriens, à laquelle il appartient. Après avoir émigré en
Italie pendant la Révolution, il revient sous le Consulat et, avec la création
de l’Université impériale, fait carrière au sein du corps des inspecteurs géné-
raux en devenant « Inspecteur général » dès 1808 puis « inspecteur général
des études » en 1824. C’est à ce titre qu’il participe à la sélection des candidats
de l’École préparatoire en 1826 avec Augustin-Louis Cauchy (1789-1857) pour
les mathématiques, son ami Ampère pour la physique23, l’abbé Beato Mablini
dit Mablin (1774-1834) pour les deux discours (français et latins) et Jean-Louis
Burnouf (1775-1844) pour les vers et les versions24. En 1827, et toujours par sa
fonction d’inspecteur, il succède à Jean-Marie Burnier-Fontanel (1763-1827) et
devient président du jury d’agrégation de philosophie.
    Concernant l’épreuve proprement dite de 1829, « le très humble et très
obéissant serviteur Abbé Daburon, inspecteur général des études » stipule le
1er octobre 1829 dans son Rapport au ministère25 :

       « Je viens de terminer l’examen de la composition en philosophie, et je m’em-
       presse d’en adresser les résultats à votre Excellence. J’ai reconnu, Monseigneur,
       dans le cours de ce travail, que la question à traiter, l’induction considérée sous
       le double point de vue de procédé de l’intelligence et de méthode spéciale, avait
       dû paraître nouvelle à la plupart des élèves26. »

23 	Daburon a enseigné au collège de la Trinité à Lyon. C’est là qu’il aurait rencontré le jeune
     Ampère qu’il aurait initié au cours du premier semestre 1788 aux rudiments du calcul
     intégral. Leur amitié est attestée par une dizaine de lettres (Voir site « Ampère et l’histoire
     de l’électricité »). Dans sa lettre de Gènes de 1805, Daburon se qualifie « d’ami pour la
     vie » et se plaint de ne voir là où il est « que des corps » et que « [C]’est à Lyon qu’[il veut]
     aller chercher des âmes ». Par l’intermédiaire d’Ampère et de Joseph Marie de Gérando
     (1772-1842), alors secrétaire général au Ministère de l’Intérieur (qui a la tutelle sur l’ensei-
     gnement) Daburon est nommé au collège de Lyon. Il visait un poste de censeur des études
     mais n’y obtient qu’un poste de professeur de mathématiques en sixième et en cinquième.
     Sans doute, est-ce encore par l’intermédiaire d’Ampère, qu’il devient Inspecteur général
     de l’Université, en même temps que lui, en septembre 1808. Une vingtaine d’années plus
     tard, ils participent ensemble à des tournées en tant qu’inspecteurs généraux dans toute
     la France. Nous possédons plusieurs descriptions précises de ces tournées dans des lettres
     d’Ampère à son fils écrites au cours des années 1830.
24 	Feller, 1848, p. 296.
25 	Courant octobre, chaque correcteur envoie ensuite un rapport général sur l’épreuve qu’il
     a corrigée.
26 	Archives nationales, F/17/4176.

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Daburon pose explicitement la nouveauté de la question au concours de 1829
et se livre ensuite à une analyse du sujet :

      « Il est facile de s’en convaincre par de modestes aveux consignés dans bien des
      copies, mais surtout par des définitions plus ou moins erronées, et reproduites,
      quelquefois timidement, le plus souvent avec confiance, où l’examinateur ne
      voit pas sans peine les premiers pas de la discussion marqués par des écarts. Le
      véritable domaine de l’induction, soit comme acte de l’esprit, soit comme mé-
      thode philosophique, a été généralement méconnu oubliant qu’elle s’applique
      d’une manière exclusive aux sciences fondées sur l’observation et l’expérience.
      On l’a cherchée dans les conséquences qui résultent de principes généraux, dans
      le syllogisme, dans les sorites où elle obtient une grande faveur. On en fait un
      moyen de démonstration géométrique, plus fréquemment, un moyen oratoire,
      un ornement du discours, un lien intrinsèque pour l’invention, tels que l’accu-
      mulation, l’énumération des parties. Mettre hors de rang tous ceux qui n’ont pas
      abordé le sujet de la composition était une chose de rigueur : mais combien de
      noms, Monseigneur, eussent été écartés, qui d’ailleurs ne sont pas sans gloire, et
      peuvent réclamer l’honneur d’être mis sous les yeux de votre Excellence ! Eh bien,
      me suis-je dit alors, voyons comment on a traité un sujet [d’examen]sup libre, un
      sujet que l’imagination s’est créé. Examinons l’ordre, l’enchaînement des idées, le
      mérite du style, en un mot cherchons le talent. Heureusement, Monseigneur, un
      choix plus nombreux qu’il n’est ordinairement, et peut-être qu’il n’a jamais été,
      le concours permet à votre Excellence un choix digne de l’intérêt qui vous anime
      en faveur de l’instruction publique27. »

                               LES ÉPREUVES ORALES

Dans la lettre de cadrage envoyée à chaque recteur, un passage détaille le dé-
roulement des épreuves orales. Il est précisé :

      « Les épreuves orales consisteront ; pour la section des lettres, en explication
      des auteurs latins et grecs dont on se sert en Rhétorique. Les candidats de la sec-
      tion des sciences n’expliqueront que les auteurs latins, en usage dans la même
      classe. En les soumettant les uns et les autres à cet exercice, vous vous assurerez
      non seulement qu’ils sont familiarisés avec la littérature ancienne, l’histoire et
      la géographie ; et qu’ils énoncent leurs idées sans difficulté ; mais encore qu’ils

27 	
    Ibid.

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      n’ont point de défaut naturel de prononciation. Les résultats de l’examen seront
      consignés dans un rapport que vous m’adresserez avec les copies des élèves28. »

Le rapport « sur les aspirans à l’École Préparatoire concernant l’explication
des auteurs » prend la forme d’un tableau envoyé par chaque recteur. Il est
généralement constitué de colonnes indiquant successivement les « noms des
concurrens », les auteurs grecs et latins sur lesquels le candidat est interrogé,
des appréciations sur le « mot à mot », la « traduction », le « développement »,
« l’histoire et la géographie ». Une dernière colonne indique des « obser-
vations ». À titre d’exemple, voici les appréciations portées sur le candidat
poitevin Chauveau concernant ses explications sur des textes d’Horace (65 av.
J.-C.) et d’Homère (Fin du VIIIe siècle av. J.-C.) :

Auteurs    Mot à mot Traduction Développement Histoire et                Observations
                                              géographie

Horace Très bien Très bien            Très bien         Très bien        A présenté pour
Homère Bien      Bien                 Faible            Très bien        l’examen tout
                                                                         le 19e chant de
                                                                         l’Iliade et la moitié
                                                                         d’un discours de
                                                                         Démosthène.

Malgré ces appréciations toutes très positives (excepté le développement sur
le texte d’Homère), Chauveau n’est pas admis à l’École préparatoire29.
    Pour les candidats à la section sciences, un oral de « vérification » est prévu
en mathématiques et en physique ; nous y reviendrons en étudiant le cas de
Galois.

28 	Archives nationales, F/17/4176.
29 	L’examen des sources imprimées sur les affectations d’enseignement (Almanach de l’uni-
     versité royale & Bulletin universitaire) montre que Jules Aristide Chauveau (1811-1876) a
     été affecté en 1829 après son baccalauréat ès lettres en tant que maître d’études au collège
     royal de Poitiers. Il y a effectué toute sa carrière pour devenir proviseur du lycée impé-
     rial et a été promu chevalier de la légion d’honneur en 1864. Voir Archives nationales,
     LH/509/34.

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N. Verdier : Entrer à l’école préparatoire en 1829                                             427

                                     RÉUSSIR LE CONCOURS

  Grâce au travail historique de Bruno Belhoste30, nous savons que les mathé-
  matiques étaient au cœur du processus de sélection pour l’entrée à l’École
  polytechnique tout au long de la première partie du dix-neuvième siècle.
  Interrogeons-nous sur les modalités d’admission à l’École préparatoire dans
  la section sciences. Il n’y avait pas de notes chiffrées, seulement un classement
  par matière des candidats et des appréciations qualitatives concernant les
  épreuves écrites et orales. Quels étaient les rouages en filigrane pour décider si
  un candidat était admis ou non ? Dans le tableau qui suit, nous nous sommes
  intéressés aux admis des sections sciences à la cession de 1829 en reportant
  pour chacun d’eux les classements obtenus dans chacune des matières du
  concours.

  L es admis de la cession 1829a dans la section sciences avec leurs classements dans chacune des
   matières du concours

Nom             Classement      Classement    Classement Classement Classement Classement
                final           Mathématiques physique   philosophie Français  latin

Pollet          1                3                   1             32              6            11
Galois          2                1                   7             46             70            21
Lassasseigne    3                2                   8             26             93            93
Choffel         4                4                  22             34             68            66
Trécourt        5                7                   2             23             39            24
Moreau          6                9                  20             68             77            32
Totaux          6               24                  24             92             94            93

  a 	Nous n’avons pas comptabilisé les situations de Adolphe-Nicolas-Hubert Laurent (1806- ?)
      et de Théodore-François Gérard admis ultérieurement. Voir « Arrêté n° 1311 du 15 novembre
      1829 ». Leur insertion ne change rien à notre analyse.

  Une chose frappe. Les matières non scientifiques (Philosophie, Français et
  Latin) semblent ne pas entrer en ligne de compte dans la décision finale.
  Beaucoup des admis sont pourtant dans le dernier quartile. Le correcteur de
  l’épreuve de français Gibon a beau émettre un avis négatif sur presque toutes

  30 	Belhoste, 2002.

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les copies à partir du trente cinquième rang (et donc des admis de la section
sciences à l’exception de Pollet) en écrivant :

       « Les compositions suivantes, et même quelques-unes de celles qui précèdent, se
       ressemblent tellement, et pour le fond et pour la forme qu’il devient très difficile
       de caractériser isolément chacune d’elles. Les idées sont fausses, inconvenantes
       ou nulles ; et le style n’a ni élégance, ni correction, ni couleur. La classification de
       ces copies, que j’ai lues toutes avec le plus grand soin, a même été fort souvent
       embarrassante31. »

Même Charles-François-Honoré Pollet (1811- ?), qui sera major d’entrée et qui
est pourtant 6e sur 94 à l’épreuve de français, obtient comme annotation :
« Assez commun sous le rapport des idées. Style passable. Fin hâtée ! »32. La
physique n’est pas non plus déterminante. Le correcteur Péclet envoie sa clas-
sification des copies en spécifiant :

       « J’ai cru devoir diviser les compositions en 3 sections, dans la première j’ai placé
       par ordre de mérite, celles qui renferment, au moins, une solution passable d’une
       des deux questions proposées ; j’ai mis dans la seconde, celles qui ont été faites
       évidemment avec le secours d’un ouvrage de physique et qui me paraissent de-
       voir être mises hors de concours ; enfin dans la troisième, j’ai placées [sic] les
       compositions, où aucune des deux questions proposées, n’est résolue d’une ma-
       nière satisfaisante, et qui appartiennent à des élèves trop faibles pour être admis
       à l’école préparatoire »33.

Ses affirmations montrent en filigrane que l’organisation du concours n’était
pas aussi codifiée que les lettres de cadrage aux recteurs le laissaient croire. Le
sujet de physique se termine par un très explicite : « Il est de toute nécessité
que les élèves n’aient à leur disposition aucun livre de physique »34 et pour-
tant, malgré cela, Péclet estime que trois candidats ont triché. Elles montrent
aussi que selon lui Jacques-François Choffel (1803- ?) et Jean-François Moreau
étaient « trop faibles » pour être admis. Ils le seront néanmoins. Caroline
Ehrhardt35 – grâce à des éléments quantitatifs relatifs aux concours de 1827 et
1828 qu’elle a extrapolés à celui de 1829 –, a montré que le classement obtenu

31   	Archives nationales, F/17/4176.
32   	Ibid.
33   	Archives nationales, F/17/4176.
34   	Ibid.
35   	Ehrhardt, 2008.

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N. Verdier : Entrer à l’école préparatoire en 1829                                          429

en mathématiques était primordial dans le processus de filtrage des candidats
d’où la décision finale pour appuyer la candidature de Galois : « L’élève Galois
est faible en physique, mais son examen de mathématiques est bon et doit
prévaloir. Il est quelquefois obscur dans ses idées, mais il a de l’intelligence et
montre un esprit de recherche très remarquable »36.
   Des études restent à mener pour bien comprendre les processus d’admis-
sion en sciences et en lettres. Pour les onze admis de la section lettre, conten-
tons nous d’indiquer leur nom (par ordre de classement) et, entre parenthèses,
leur rang à l’épreuve de philosophie : Vendriesh (18), Dabas (26), Monin (1),
Roux (6), Huguenin (25), Capel (36), Hamel (16), Collet (58), Barry (15), Lafaist
(5) & Desmaroux (20). Les corrélations entre le classement en philosophie et
l’admission en lettres ne sont pas absentes mais ne semblent pas non plus pré-
pondérantes : quatre des onze admis ne sont pas dans le premier quartile.

                                  GALOIS ET SA COPIE

L’élève Galois en 1828-1830
Nous ne reviendrons pas sur les éléments biographiques concernant Galois.
Insistons seulement sur les années 1828-1830 jusqu’à son engagement défi-
nitif à l’École préparatoire. Le tableau ci-joint présente le parcours de l’élève
Galois entre la rentrée 1828 et son engagement définitif à l’École préparatoire
en 183037.

Des dates                       Des faits et des sources

Octobre 1828                    Devient élève de M. Richard en mathématiques spécia-
                                lesa au lycée Louis-Le-Grand. Nous possédons douze
                                copies de Galoisb.
Avril 1829                      Il publie son premier texte sur les fractions continues
                                dans les Annales de mathématiques pures et appliquéesc.
25 mai & 1er juin 1829          Présente à l’Académie des sciences ses premières recher-
                                ches sur les équations algébriques de degré premier, par
                                l’intermédiaire de Cauchy.
2 juillet 1829                  Suicide de son père.

36 	Archives nationales, F/17/4176.
37 	Il a été reconstitué à partir de plusieurs sources primaires et secondaires dont principale-
     ment Bourgne & Azra, 1997, p. XXVIII-XXIX.

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Table (cont.)

Des dates                         Des faits et des sources

3 août 1829                       Concours de l’École polytechnique.
12 août 1829                      L’inspecteur général chargé de l’administration de
                                  l’Université de Paris intervient auprès de son ministre
                                  pour que Galois puisse présenter le concours de l’École
                                  préparatoired. Galois passe le concours général de
                                  mathématiquese.
18 août 1829                      Galois reçoit le premier Prix de mathématiques de sa
                                  classe mais au Concours général n’obtient qu’un sixième
                                  prix (4e accessit)f.
20-27 août 1829                   Écrits du concours à l’École préparatoireg.
25 octobre 1829                   Galois est nommé à l’École préparatoireh.
Début novembre 1829               Galois n’est pas reçu à l’École polytechnique.
5 novembre 1829                   Début des cours à l’École préparatoire et à la faculté des
                                  sciences.
Décembre 1829.                    Obtention des baccalauréats ès sciences & ès lettres.
                                  Oraux d’admission en mathématiques et en physique
                                  pour le concours d’entrée à l’École préparatoire.
20 février 1830.                  Galois signe son engagement décennal à l’École prépara-
                                  toire et candidate à l’Académie pour le Grand prix de
                                  mathématiquesi.

a Pour contextualiser la notion de mathématiques spéciales au XIX e siècle, nous renvoyons à
  Brasseur & Verdier, 2013.
b Galois, Bibliothèque de l’Institut de France, Ms 2108, dossier 26. Elles ont été contextuali-
  sées dans Ehrhardt, 2011a, p. 105-106.
c Verdier, Gérini & Moatti, 2011.
d Archives nationales, F/17/4176.
e Le concours général est au début du XIX e siècle une véritable épreuve de prestige ; il est or-
  ganisé à l’échelle de toutes les mathématiques spéciales de Paris et de Versailles. Pour une
  histoire du concours général, dont l’histoire reste à faire, nous renvoyons à Chauvin, 1866,
  p. 207-273 et à Champion, 1975.
f Ces résultats sont consignés dans ces utiles publications qui répertorient, au XIXe siècle,
  chaque année vers mi-août les listes des lauréats aux différents prix qui sont organisés. Pour
  l’année 1829, voir Distribution des prix, 1829, p. 83 & Distribution générale des prix, 1829, p. 10.
  Pour la copie de mathématiques de Galois et pour la solution mathématique, nous renvoyons
  à la discussion que nous avons initiée. Voir site « Concours général 1829 ». En 1829, Galois a
  obtenu le quatrième accessit, c’est-à-dire la sixième place, mais il a été le premier du collège

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N. Verdier : Entrer à l’école préparatoire en 1829                                            431

  Louis-le-Grand. Le premier du concours est Auguste Bravais (1811-1863) qui, en minéralo-
  gie laissera son nom, lui aussi, à un pan de la théorie des groupes. À noter, pour l’anecdote,
  que Galois a été devancé par Michel-Eugène Lefébure de Fourcy (1812-1889), le fils de Louis
  Lefébure de Fourcy (1787-1869), un des exa­minateurs de Galois à l’École polytechnique,
  quelques jours auparavant, et au baccalauréat ès sciences quelques semaines plus tard.
g Ibid. & Archives nationales, F/17/4174.
h Voir « Ordonnance du Roi », 1830.
i Son mémoire – suite à la mort de Jean-Baptiste-Joseph Fourier (1768-1830) –, est égaré. Le
  Grand prix est décerné à titre posthume à Niels Henrik Abel (1802-1829) et à Karl Gustav
  Jacob Jacobi (1804-1851). Voir Ehrhardt, 2011a, p. 133-155.

Ce tableau appelle plusieurs commentaires. La réussite de Galois à l’École pré-
paratoire s’inscrit dans un parcours marqué par les vicissitudes de la vie (sui-
cide du père et double échec au concours d’entrée à l’École polytechnique).
L’admission à l’École polytechnique passe par un entraînement assidu dispen-
sé dans les classes de mathématiques spéciales – comme la classe de Galois
du professeur Louis-Paul Émile Richard (1795-1849)38 à Louis-Le-Grand – mais
aussi dans l’une des nombreuses institutions privées qui se trouvent dans le
quartier latin39. Dans ces institutions, où exercent le plus souvent les profes-
seurs des classes préparatoires, on y prépare systématiquement à l’oral du
concours. Dans les classes de mathématiques spéciales des lycées, cette pré-
paration à l’examen oral n’était pas possible du fait du trop grand nombre
d’élèves. Pour la seule classe de Richard, on comptait presque 120 élèves40.
Il ne semble pas avéré que Galois ait été inscrit dans une institution privée,
condition presque nécessaire pour avoir des chances d’être admis à l’École
polytechnique41.
   Le cas Galois – et c’est loin d’être une exception – montre également que l’or-
ganisation du concours s’adapte largement aux situations personnelles. Ainsi,

38   	Brasseur, 2010.
39   	Voir Chauvin, 1866 & Belhoste, 2001.
40   	Courcelle, 2016.
41   	Voir Belhoste, 2003, p. 355-357. De l’étude d’Olivier Courcelle (« Les condisciples de
       Galois en maths spé », op. cit.), nous pouvons déduire que plus de la moitié de la classe
       de maths spé de Galois était inscrite aux cours de la célèbre institution Mayer et que plus
       de 80 % des élèves étaient inscrits dans une institution privée. Les raisons profondes
       pour lesquelles Galois n’était pas inscrit dans une institution privée restent inconnues.
       Sont-elles d’ordre financier ou sont-elles dues au fait que Galois avait la certitude d’être
       admis par « sa supériorité marquée sur ses condisciples » ainsi que l’écrivait le professeur
       Richard dans un des bulletins trimestriel de l’année 1828-1829. (Voir Dupuy, 1992, p. 88
       ou Archives de Paris, D3T3 230).

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Galois s’est inscrit après la date limite de clôture des inscriptions et il n’était pas
lauréat des baccalauréats ès sciences et ès lettres malgré l’article 7 régissant les
règles d’admission à l’École préparatoire. Le 1er septembre 1829, l’inspecteur
général adresse à son ministre de tutelle le « procès-verbal de M.M. les juges
qui ont été chargés de l’épreuve orale » et souligne que, pour certains candi-
dats, il a cru « devoir les admettre provisoirement, parce que cela ne préjugeait
rien en leur faveur, tandis qu’en les refusant, ils se trouvaient nécessairement
rejettés [sic] jusqu’au Concours de l’année prochaine »42. Comme d’autres, ce
n’est qu’au dernier trimestre 1829 qu’il prépare le baccalauréat. Son premier
biographe, Paul Dupuy, décrit :

      « [I]l ne pouvait d’ailleurs qu’être admis définitivement qu’après avoir pris les
      grades de bachelier es lettres et es sciences. Le premier lui donna quelque peine ;
      refusé une première fois le 2 décembre, il fut reçu le 14, avec des épreuves litté-
      raires mauvaises, mais deux très bien en mathématiques et en physique. Quinze
      jours après, MM. Francoeur, Hachette et Lefébure de Fourcy le reçurent bache-
      lier es sciences, avec deux boules blanches et une rouge43. »

Pour être admis définitivement, il ne lui reste plus qu’à passer les deux oraux
en mathématiques et en physique. Ce sont là deux interventions sanctionnées
par une note chiffrée. Leroy lui octroie un 08/10 et commente : « Cet élève
laisse quelquefois de l’obscurité dans l’expression de ses idées, mais il a de l’in-
telligence et montre un esprit de recherche très remarquable. Il m’a commu-
niqué des remarques neuves sur l’analyse appliquée »44. Péclet lui attribue un
03/10 et assène sèchement : « On m’a dit que cet élève avait de la capacité en
mathématiques ; cela m’étonne beaucoup ; car d’après son examen je lui crois
peu d’intelligence, ou du moins il l’a tellement cachée qu’il m’a été impossible
de la découvrir ; si cet élève est réellement ce qu’il m’a paru être, je doute fort
qu’on en fasse jamais un bon professeur. »45. La prépondérance des mathéma-
tiques permet son admission définitive à l’École préparatoire en février 1830.
   Retenons encore de ce tableau l’extrême densité des événements pour
Galois au cours de l’été 1829. C’est un candidat qui est sur tous les fronts. Ses
priorités sont d’intégrer l’École polytechnique et de poursuivre ses recherches

42 	Cité dans Auffray, 2004, p. 202. Voir Archives nationales, F/17/4174.
43 	Dupuy, 1992, p. 32.
44 	Les commentaires sur les épreuves orales sont classés dans le carton d’archives relatives
     au concours 1828, voir Archives nationales, F/17/4174.
45 	Ibid. Dupuy a rétabli l’orthographe et rectifié les fautes de grammaire par rapport au texte
     original.

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N. Verdier : Entrer à l’école préparatoire en 1829                                           433

coûte que coûte en les publiant ou en les proposant aux Annales de mathé-
matiques pures et appliquées, ce premier journal de mathématiques français46,
au Bulletin de Férussac47 ou à l’Académie des sciences. Galois n’est pas qu’un
élève de mathématiques spéciales confiné dans un lycée, il fréquente la biblio-
thèque mise en place par le baron de Férussac48 ou l’Académie des sciences49.
    Après son deuxième échec à l’École polytechnique, il écrit au ministre de
l’instruction publique pour pouvoir être admis au concours de l’École prépa-
ratoire en justifiant sa demande en ces termes : « Depuis longtems destiné à
cette école. Mais les espérances qu’on m’a fait concevoir de ce côté n’ont pu
m’aveugler sur ma véritable vocation, et je ne peux que regretter de ne m’être
pas fait inscrire à l’époque prescrite pour l’école préparatoire »50 avant d’in-
sister sur sa volonté d’intégrer l’École préparatoire : « Les encouragements des
personnes placées à la tête du monde se joignent à mon propre goût pour me
déterminer et embrasser cette carrière. »51. Les années 1830-1831, comme 1829,

46 	Gérini & Verdier, 2014.
47 	Pour une histoire du Bulletin des Sciences mathématiques, physiques et chimiques – dit
     Bulletin de Férussac – nous renvoyons à Taton, 1947 et à Bru & Martin, 2010, p. 17-31.
     C’est au cours du premier semestre 1830, que paraissent dans le Bulletin de Férussac
     un compte-rendu sur son article publié dans les Annales de Gergonne et ses « Notes
     sur quelques points d’analyse », voir Bulletin des Sciences mathématiques, physiques et
     chimiques, XIII (1830), p. 271-272, p. 413-414 et p. 428-435.
48 	René Taton (« Les mathématiques dans le bulletin de Férussac », op.cit.) mentionne cette
     présence de Galois dans ce cercle de sociabilité scientifique qu’est la bibliothèque de
     Férussac. Bernard Bru &Thierry Martin, dans Antoine Augustin Cournot, Écrits de jeunesse
     et pièces diverses, op.cit., se sont particulièrement intéressés à l’une des figures notoires
     du salon et du Bulletin de Férussac : Jacques Frédéric Saigey (1797-1871). Ce dernier, nous
     écrit Bernard Bru dans un courriel du quinze décembre 2016, « était à l’affut des jeunes
     génies maltraités par les notables et le baron avait ouvert son salon à tous. […]. Galois a
     publié dans le Bulletin de Férussac et fréquentait le salon de la rue de l’abbaye qui était
     plus ouvert que la bibliothèque de l’Institut et était mieux achalandé. ». Faute d’archives,
     nous sommes en revanche incapables de quantifier la présence de Galois dans ce salon.
49 	Comme pour la fréquentation du salon de Férussac, nous manquons d’éléments pour
     quantifier ses présences à l’Académie ; nous disposons d’un seul document (Henry,
     1879) – une célèbre lettre de Sophie Germain (1776-1831), envoyée quelques semaines
     avant son décès à Guillaume Libri (1803-1869) ; elle y souligne ses « dispositions heu-
     reuses » pour les mathématiques mais aussi ses « impertinances [sic] » et son caractère
     injurieux en citant une séance de l’Académie « dont il vous a donné à vous-même un
     échantillon après votre meilleure lecture à l’académie ». Pour contextualiser mathémati-
     quement, nous renvoyons à Ehrhardt, 2011b.
50 	Cité dans Auffray, 2004, p. 194. Archives nationales, F/17/4176.
51 	Ibid.

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se déroulent pour Galois à bâtons rompus sous le signe d’une pulsation entre
« fureur des mathématiques », comme l’indiquait un de ses bulletins trimes-
triels52 et, comme beaucoup d’élèves de son temps53, engagements politiques.
Le 4 janvier 1831, un arrêté du conseil royal décide une éviction de Galois de
l’École préparatoire sur laquelle nous ne reviendrons pas54.
    Avant d’aborder la dissertation de Galois, il convient de rappeler un certain
nombre d’éléments du contexte à propos de ses rapports aux disciplines dites
« littéraires ».
    Un an après son entrée à Louis-le-Grand (en 1824), Galois, alors en troi-
sième, obtint le premier prix de vers latins et trois accessits, dont un accessit
au concours général de version grecque55. Il découvre les mathématiques à
l’âge de 15 ans, en 1826 : il redouble alors sa classe de seconde de rhétorique
avec des cours supplémentaires dits de « mathématiques préparatoires » pour
les élèves qui se destinaient à une carrière scientifique56. Son redoublement –
auquel son père résista dans un premier temps – fut causé par « Son travail […]
jugé médiocre, sa conduite dissipée, son esprit trop jeune pour profiter de la
classe »57. Il va y retrouver le succès, sans se donner aucune peine :

      « Ses allures parurent des plus bizarres à son maître d’étude : si le sujet d’un de-
      voir lui déplaisait, il le bâclait ou s’en dispensait ; pour les leçons, point de mi-
      lieu : ou très bien sues ou pas du tout ; en réalité, il ne consacra que les quinze
      derniers jours de l’année aux facultés de sa classe. C’était sans doute assez pour
      son amour-propre, puisque, outre un second prix de version grecque, il obtint
      des accessits dans les quatre autres facultés, et un accessit de version grecque
      au Concours. C’était beaucoup, si l’on songe que cette Seconde redoublée avait
      été pour lui l’année de crise intellectuelle, comme la Quatrième avait été celle de
      crise morale58. »

52 	Dupuy, 1992, p. 87 et Archives de Paris, D3T3 230.
53 	Caron, 1991.
54 	Voir Ehrhardt, 2011a, p. 157-183.
55 	Dupuis, 1896, p. 197-266. Réédition en 1903 par Charles Péguy dans le cahier de la
     Quinzaine (deuxième de la cinquième série) avec une préface de Jules Tannery, ici p. 19.
56 	« Les classes de mathématiques n’avaient pas alors, comme aujourd’hui, une existence
     indépendante ; elles ne prenaient qu’une partie du temps de leurs élèves et les recrutaient
     dans les diverses classes supérieures de lettres, selon la force, les convenances et les vues
     d’avenir de chacun », Dupuis, ibid., p. 21.
57 	Ibid., p. 20.
58 	Ibid., p. 21.

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On sait que c’est pendant cette période que Galois succombe à « la fureur des
mathématiques » et « proteste contre le silence ». Un livre l’absorba quelques
jours, les Éléments de Géométrie de Legendre :

      « Ses premières recherches apportèrent d’abord à Galois une méthode simple de
      raisonnement. Son originalité fut de comprendre la nécessité d’une langue bien
      faite. Galois rejeta dès le début ces manuels scolaires où l‘art de disposer des
      mots tient lieu d’art de raisonner […] Galois reçut de Legendre le contrôle d’une
      langue bien faite ou, ce qui est identique, la pratique de l’exposition d’un raison-
      nement […] Ces heureuses études n’expliquent pas, à elles seules, le génie de
      Galois. Toutefois, elles éclairent sa “manière” et rendirent possible cette “claire
      voyance” qu’il eut très jeune des besoins de la science, et qui l’amena plutôt à
      prévoir la nécessité des structures qu’à traiter de problèmes particuliers59. »

Dès lors,

      « son allure intellectuelle plus encore que son talent de mathématicien le dis-
      tinguait de ses condisciples. Non qu’il abandonnât l’étude des matières autres
      que les mathématiques, mais il estimait qu’elles étaient enseignées avec aussi
      peu de soin que l’algèbre des manuels scolaires. Les méthodes de ses professeurs
      irritaient Galois »60.

« Au Concours général [de mathématiques, en 1828], Galois obtint le qua-
trième accessit avec une composition qui […] ne se distinguait de celle de
Bravais, classée la première, que par une tendance à généraliser qui n’était
plus d’un élève »61. Pendant cette année Galois publia son premier mémoire,
« Démonstration d’une théorie sur les fractions continues périodiques », dans
le cahier du premier mars 1829 des Annales de Gergonne. Il fit aussi sa première
communication à l’Académie des Sciences. Il avait dix-sept ans. Il n’avait plus
de classe de lettres, mais une classe de physique à suivre, et c’était un autre
sujet de discorde avec l’administration du collège. Celle-ci ne pouvait prendre
son parti de la note « travail nul » que le professeur, M. Thillaye, inscrivait sys-
tématiquement sur son bulletin trimestriel62.

59 	Dalmas, 1982, p. 29 et p. 30. Ces caractéristiques sont essentielles pour prendre toute
     la mesure de son devoir de philosophie présenté en 1829 au concours d’entrée à l’École
     normale.
60 	Ibid., p. 31.
61 	Dupuy, 1903, p. 26.
62 	Ibid., p. 27.

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