Et l'Obscur À l'Abbaye du Thoronet - Oliver Beer, Marc Couturier, Jean-Marc Ferrari, Julio Villani - Centre des monuments ...
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...Et l’Obscur À l’Abbaye du Thoronet 24 MAI — 22 SEPT 2019 Une exposition d’art contemporain avec : Oliver Beer, Marc Couturier, Jean-Marc Ferrari, Julio Villani Graphisme : © studio PDT 2019. Photos : © Étienne Revault / © Marc Tulane / Centre des monuments nationaux. www.le-thoronet.fr
LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX ET LE PALAIS DE TOKYO PRÉSENTENT : ... ET L’OBSCUR AVEC : OLIVER BEER, MARC COUTURIER, JEAN-MARC FERRARI, JULIO VILLANI 24 MAI - 22 SEPTEMBRE 2019 À L’ABBAYE DU THORONET L’abbaye du Thoronet n’a besoin de rien, Ainsi, selon l’ordre de leur apparition dans ni commentaires, ni œuvres, ni moines, ni le parcours de l’abbaye, Marc Couturier même visiteurs. Le jeu parfait de la lumière dans le cloître, Julio Villani dans le dortoir sur les facettes vibrantes de chaque pierre et dans l’abbatiale, Jean-Marc Ferrari dans de l’édifice suffit à créer une activité la cellule de l’abbé et dans le parloir et optique générale qui donne raison à sa Oliver Beer dans l’abbatiale, expriment présence. En absence de tout complément, chacun un peu de ce que vécurent ici ceux l’architecture accomplit son projet, les qui y priaient, croyaient, doutaient, rêvaient, murs, inondés de lumière, caressés s’efforçaient de comprendre ce qui ne peut d’ombres, dissous par le soleil, engloutis l’être, de prononcer ce qui ne peut être dit, par la nuit, sont les parois d’un instrument de chanter ce qui ne peut être entendu. cosmique qui répond et célèbre chaque mouvement du ciel. Sans cesse l’abbaye prie. Comment ajouter les interventions de quatre artistes ? Comment faire pour que les œuvres soient présentes mais se retirent, comment être là sans encombrer, comment les glisser dans l’harmonie sans la fausser ? Faudrait-il que les artistes ainsi que le recommandait Saint Bernard aux moines, vivent dans les trous de la pierre comme dans les plaies du Christ ? Le parti pris de l’exposition est, que dans ce monument qui continue son chant, indifférent à la présence de ceux qui y vivaient comme il l’est à leur absence, les artistes en soient un temps la communauté nouvelle, et que l’exposition se consacre à ceux qui furent brièvement les passagers de ce vaisseau interstellaire. 1
LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX ET LE PALAIS DE TOKYO PRÉSENTENT : ... ET L’OBSCUR AVEC : OLIVER BEER, MARC COUTURIER, JEAN-MARC FERRARI, JULIO VILLANI 24 MAI - 22 SEPTEMBRE 2019 À L’ABBAYE DU THORONET « Montrer ce qui ne peut être vu, parler un langage que les mots sont impuissants à exprimer, ne rien savoir, ne rien enseigner, ne pas dogmatiser. », extrait des textes qui composent la voie lactée qui traverse le drap brodé de Julio Villani Marc Couturier inaugure ce parcours, avec un grand Reste à savoir si ce sont ceux des membres de cette dessin en sépia sur un fond dont le ton clair répond au ancienne communauté ou les nôtres qui tissent cette nuit miel des pierres, installé dans la perspective d’une des étoilée. Quelques-uns des cercles brodés présentent des galeries du cloître. Voici le regard confronté à ce qui interruptions du trait desquelles s’échappent des fils de n’est pas représenté mais qui advient, à ce qui n’est pas laine élargissant ici et là les marges de l’œuvre jusqu’au prononcé mais qui se lit. Les dessins du troisième jour sol : descendent-ils des éléments brodés ou remontent-ils sont un geste répété sans autre objet que d’atteindre vers eux ? Qui, du drap ou du visiteur, alimente l’autre en l’état mental dans lequel la répétition installe celui qui songes ? l’exécute et, chaque fois, se produit dans l’œil de ceux qui Du titre de l’œuvre – On ne peut penser la clôture de ce qui les regardent un effet qui déborde toute intentionnalité. n’a pas de fin (1) l’artiste dit : il n’est pas seulement celui de l’univers, mais un « sans fin » qu’il m’importe d’insuffler Comme entre le travail, la méditation et l’oraison, le : celui du questionnement perpétuel du sens des choses, moine passé près d’un même lieu mille fois découvre qui empêche l’adoption définitive d’un signifié unique et par la grâce et par l’ennui une figure qui surgit d’un vieux univoque. Un éloge du peu de réalité (2) de tout objet ou mur, le regardeur, à son tour, voit se construire devant concept, qui préserve intact leur potentiel d’assumer de lui non pas dans le dessin lui-même mais à l’intérieur nouveaux contours. de sa rétine sous l’effet d’une disposition de la pensée Et tandis qu’assommé par le travail du jour, se défaisant à compléter ce qui n’est pas reconnu en recourant à un des inquiétudes, des interrogations, se débrouillant des répertoire archétypal, un paysage du troisième jour. Le insistances de la chair et des exigences de l’esprit, les troisième jour selon la Genèse : Et cela fut ainsi. La terre moines assoupis enluminent le ciel de Julio Villani, en haut produisit de la verdure, de l’herbe portant de la semence de quelques marches, mais auprès de ses frères, dans sa selon son espèce, et des arbres donnant du fruit et ayant minuscule cellule, le Père Abbé s’apprête à accueillir la en eux leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela nuit. était bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le troisième jour. Dans vos yeux, votre vision intérieure, Jean-Marc Ferrari a disposé deux œuvres dans le parcours grimpent les végétaux, s’établissent les perspectives, de l’abbaye, une qui célèbre le couchant et l’arrivée de s’ouvrent les clairières et cela avec la vitalité exubérante l’obscurité, c’est celle qui est installée dans la cellule du de l’énergie à l’œuvre dans la nature, l’énergie de la Père Abbé, et l’autre, dans le parloir, qui évoque l’oraison création et l’énergie de la résurrection qui eut lieu elle de celui qui désire le retour de la lumière. aussi le troisième jour. La première œuvre allume un peu, très peu, la minuscule cellule de celui qui avait la charge de sa communauté et Ainsi installé dans la vie spirituelle et auteur de ses qui observait de sa fenêtre ou de la terrasse voisine, la propres images, le visiteur poursuit son chemin et position des étoiles et de la lune pour accorder le rythme découvre dans le dortoir le grand ciel de Julio Villani. des offices a l’heure du ciel. Une niche sur le mur latéral, Tendu sous la voute, un drap immense historié de déserté aujourd’hui de tout objet, est un creux, une grotte broderies qui dessinent une carte céleste. De ce drap minuscule, une cavité, un point origine du manque. Là, l’artiste écrit : Il recouvre encore – comme un seul corps – dans cette cavité ombreuse, l’artiste a installé un dispositif l’ancien dortoir des moines de cette abbaye cistercienne, optique sommaire qui permet au moment de la disparition remplissant toujours son office : celui d’accueillir des du jour, de maintenir sur la bougie qui bientôt charbonnera, réflexions sur la journée passée, des projections de une ultime étincelle, comme une étoile exténuée mais qui chemins futurs, et surtout des rêves, des amas de rêves. luit encore. (1) « On ne peut penser la clôture de ce qui n’a pas de fin. La clôture est la limite circulaire à l’intérieur de laquelle la répétition de la différence se répète indéfiniment. C’est-à-dire son espace de jeu. Ce mouvement est le mouvement du monde comme jeu » Jacques Derrida, Grammatologie, 1967. Comme souvent chez Villani, le jeu n’est jamais bien loin… (2) Une référence au Discours sur le peu de réalité de Jorge Luis Borges – et titre d’un croquet géant de Villani, qui prend les arcs d’une église pour arceaux du jeu. 2
Cette dernière consumation alors que la nuit gagne est Les pierres arrachées dans la carrière au chevet de la une attitude de l’artiste qui, comme l’abbé, maintient par nef, calcaire dense et brutal se transforme sous l’effet son attention, son corps, sa dévotion, un peu de lumière de la voix en pur cristal proposant à l’âme une même avant cette traversée de l’obscur. Plus loin dans une salle métamorphose que celle qui se produit lors que le plain à demie enterrée, qu’on appelle communément le parloir, chant y fait sonner ses longs appuis. Irreproductible, peu bien que ce soit peu probable, l’artiste, comme en une ou mal enregistrable, seul le vif restitue la mutation de la performance intime, après avoir veillé et peut être dormi chair en corps subtil sous l’effet miraculeux de la pierre, dans cet endroit profond, inspiré par un texte de Michel de le son passant de la voix au calcaire avant d’atteindre Certeau (3). ainsi modifié nos oreilles. C’est exactement ce processus qu’exploite Oliver Beer, proposant à ses performeurs, Jean-Marc Ferrari rapporte son intention : Comme d’une selon une tonalité et un rythme qu’il a conçu à cet image, je partirai de l’expérience de certains moines des effet de chanter à l’intérieur des murs, dans les niches, origines, dans les premiers temps de l’Église, aux III• et anciens tabernacles ou autres. Le chanteur engage IV• siècles. La nuit, ils se tenaient debout, dans la posture alors sa tête dans l’ouverture et entre les résonnances de l’attente. Ils étaient dressés en plein air, droits comme qui jaillissent autour de lui et qui opèrent une pression des arbres, levant les mains vers le ciel, tournés vers acoustique sur sa paroi crânienne et sur ses tympans l’endroit de l’horizon d’où devait venir le soleil du matin. et celles que reçoivent les visiteurs qui voient-entendent Toute la nuit, leur corps en désir attendait le lever du jour. l’amincissement des parois de l’église, ils perçoivent dans C’était leur prière. Ils n’avaient point de mots. Pourquoi cet affinement du matériel une réalité semblable à celle des mots ? Leur parole, c’était leur corps en travail et en que décrivit le fameux spécialiste d+u chant harmonique attente. Ce labeur du désir était leur oraison silencieuse. tibétain Michel Vetter : Les murs autour de moi Ils étaient là, simplement. Et lorsqu’au matin les premiers semblaient la coquille d’un œuf, si délicate et pourtant rayons du soleil atteignaient la paume de leurs mains, si solide, comme la coquille de mon âme que, avec mon ils pouvaient s’arrêter et se reposer. Le soleil était arrivé. chant, je transformais en vibration, qui n’est autre que C’est l’apparition de la première ombre projetée sur le moi-même.(4) sol et le mur par le corps de l’orant alors que la lumière enfin revient et apparaît dans l’embrasure de la fenêtre qui C’est là, à l’issue de ce parcours, que s’accomplit signifie la fin de cette longue prière que montre l’artiste. ce à quoi conduit ce monument, cette exposition : Seule demeure la silhouette du corps que la première lueur la transformation de soi. Les boules de cristal dans du jour avait fait deviner. Mais la persistance de l’ombre sur lesquelles Oliver Beer a emprisonné les osselets du la pierre, alors que l’artiste épuisé par cette performance tympan expriment le véhicule choisi par les cisterciens ou le dévot par sa supplique s’est éloigné ou s’est effondré pour parvenir à cette transmutation ou plutôt à cette et se repose, soutient l’hypothèse de l’inscription définitive transsubstantiation. d’une présence dans ce lieu, par l’effet de ces exercices Cela, ces opérations harmoniques de l’espace, sont spirituels, en dépit de leur évanescence. ordonnées selon une géométrie encore mystérieuse dont l’œuvre de Julio Villani suspendue à la voute du chevet Nous voici dans la nef, après avoir été mis en alerte donne la clef, une clef de miel qui tourne dans l’air et qui par l’activité de nos visions intérieures révélée par Marc appartient à chacun et qui ouvre la seule porte qui vaille. Couturier, guidés par la carte des émotions nocturnes de Vous. Julio Villani, après avoir tenté de déjouer les inquiétudes de la nuit avec les veilles au couchant et au levant performées - Jean de Loisy par Jean-Marc Ferrari, nous voici dans le temple, le lieu sublime et déjà, au bout du dortoir, approchant de l’oratorium sans encore voir la nef, déjà les voix résonnent dans la pierre. Les mêmes qu’il y a huit cents ans les même qu’hier. Curieusement, Oliver Beer dont l’essentiel de l’œuvre est sonore agit dans les cénacles d’art visuels. Sans doute selon un paradoxe semblable à celui qui guidait Saint Bernard pour lequel l’ouïe nous restituait la vue. Curieusement alors que la règle vouait les moines au silence, l’abbatiale est un corps résonnant unique au monde comme ceux de ses deux sœurs provençales, Sylvacane et dans une moindre mesure Sénanque. (3) CF : Michel de Certau : la faiblesse de croire éditions du seuil 2003 ; chapitre 1 :’L’homme en prière, « cet arbre de gestes » ( 4) in le Monde Par Renaud Machart Publié le 22 juillet 2006 : Le Thoronet, un miracle sonore. 3
24 MAI - 22 SEPTEMBRE 2019 ... ET L’OBSCUR AVEC : OLIVER BEER, MARC COUTURIER, JEAN-MARC FERRARI, JULIO VILLANI À L’ABBAYE DU THORONET OLIVER BEER Untitled; Silent is gold, Soprano-Stapes-Right; Silent is gold, Alto-Malleus-Right; Silent is gold, Tenor-Incus-Right Oliver Beer est né en 1985 au Royaume-Uni. Il a étudié la composition musicale avant de s’intéresser aux arts visuels à la Ruskin School of Art de l’Université d’Oxford et à la théorie du cinéma à la Sorbonne à Paris. Sa personnalité et sa formation à la fois musicale et artistique ont suscité chez lui un intérêt précoce pour la relation entre son et espace, et notamment entre voix et architecture. Il réalise des sculptures, des installations et des vidéos qui incarnent cette relation subtile et traduit ses recherches en performances immersives fascinantes où le son vient transformer les objets et les sites architecturaux. Avec et aux côtés de son travail sonore, Oliver Beer crée de subtiles œuvres multidisciplinaires, Oliver Beer à la Galerie Thaddaeus Ropac © Benjamin Westoby dont l’origine semble parfois biographique, mais dans lesquelles il joue avec des préoccupations universelles, et souvent intimes, en s’appuyant sur des émotions et des perceptions communes. Les œuvres d’Oliver Beer ont fait l’objet de nombreuses projections et expositions personnelles et collectives, notamment au Centre Pompidou, au Château de Versailles et à la Fondation Louis Vuitton, à Paris ; au Musée d’Art Contemporain MAC, à Lyon ; à l’Ikon Gallery, à Birmingham ; à Modern Art Oxford ; à WIELS, à Bruxelles et au MoMA PS1, à New York. Beer a également effectué des résidences au Palais de Tokyo, au Watermill Center, à la Fondation Hermès et à l’Opéra de Sydney. En 2018, il était l’un des artistes phares de la 21e Biennale de Sydney. En 2019, Oliver Beer créera une nouvelle installation sculpturale et sonore Silence is Golden: Bass – Malleus Incus Stapes – Left (B-MIS-L), pour le Metropolitan Museum, à New York. Cette pièce 2013 © Oliver Beer incorporera des objets panhistoriques et transculturels choisis dans la collection encyclopédique du Musée. 4
24 MAI - 22 SEPTEMBRE 2019 ... ET L’OBSCUR AVEC : OLIVER BEER, MARC COUTURIER, JEAN-MARC FERRARI, JULIO VILLANI À L’ABBAYE DU THORONET MARC COUTURIER Dessin du troisième jour Né en 1946, Marc Couturier est un artiste français dont le travail est le fruit d’une attention poétique et singulière au monde. Ses œuvres, principalement sculpturales, se situent au croisement d’une double filiation : entre le pouvoir d’évocation du symbolisme et la rigueur formelle du Minimalisme. Son travail a été notamment exposé au Centre Pompidou, au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris, au MUDAM au Luxembourg ainsi qu’à la Mizuma Art Gallery de Tokyo. Autodidacte, Marc Couturier ne vient à l’art que tardivement, à l’âge de trente-huit ans. C’est lors de la première Biennale de Belfort en 1985 que l’artiste expose pour la première fois sa Barque de Saône (1985), quelques années avant d’être enfin révélé au grand public lors de l’exposition mythique du Centre Pompidou, Les Magiciens de la Terre, en 1989. Première occurrence de sa série emblématique de barques évoquant celles des passeurs de la Saône, l’installation fait léviter une embarcation trouvée et remplie d’eau au-dessus du sol. L’œuvre pose les bases d’un art empreint de mystère et de spiritualité, d’attention à l’objet tout autant qu’ouverte à de multiples interprétations. Autoportrait à la chambre bleue d’Iris, 2018 © Marc Couturier, courtesy Galerie Laurent Godin, 2018 Vue d’exposition à l’IAC, Villeurbanne, 2017 (Paysages Cosmogorphes, collection du FRAC Auvergne) © Blaise Adilon, courtesy Galerie Laurent Godin 5
24 MAI - 22 SEPTEMBRE 2019 ... ET L’OBSCUR AVEC : OLIVER BEER, MARC COUTURIER, JEAN-MARC FERRARI, JULIO VILLANI À L’ABBAYE DU THORONET JEAN-MARC FERRARI au couchant; au levant Ancien directeur de l’école d’art d’Avignon, Jean-Marc Ferrari, né en 1951, vit et travaille près d’Avignon. Sa pratique artistique est traversée par la question de l’effondrement de l’amour. Parmi ses œuvres récentes, on peut citer l’installation en deux volets, conçue avec Estelle Delesalle et intitulée De Amore : la fabrique des cœurs brisés, l’ermitage des consolations pour la Nuit Blanche à Paris en 2016. Pour le Parloir des ténèbres qu’il présentera au Thoronet, Jean-Marc Ferrari puise son inspiration dans différentes sources : « Comme d’une image, je partirai de l’expérience de certains moines des origines, dans les premiers temps de l’Église, aux III et IV siècles. La nuit, ils se tenaient debout, dans la posture de l’attente. Ils étaient dressés en plein air, droits comme des arbres, levant les mains vers le ciel, tournés vers l’endroit de l’horizon d’où devait venir le soleil du matin. Toute la nuit, leur corps en désir attendait le lever du jour. C’était leur prière. Ils n’avaient point de mots. Pourquoi des mots? Leur parole, c’était leur corps en travail et en attente. Ce labeur du désir était leur prière silencieuse. Ils étaient là, simplement. Et lorsqu’au matin les premiers rayons du soleil atteignaient la paume de leurs mains, ils pouvaient s’arrêter et se reposer. Le soleil était arrivé. » Michel de Certeau Autoportrait de l’artiste © Jean-Marc Ferrari « C’est que l’obscurité nous mène vers le jour, à la clarté qui rend la vision possible et les choses visibles, à la lumière naissante qui détache les formes du noir et ne retient de la nuit que la trace mobile qui double et accompagne les corps, suivant le déroulement des heures, à la lumière du jour qui nous fait réfléchir dès qu’apparaît la première ombre, « la première ombre » à laquelle Dante reconnaissait le lever du soleil, le grand mont du Purgatoire se dessinant alors sur la Terre. » Agnès Minazzoli 6
24 MAI - 22 SEPTEMBRE 2019 ... ET L’OBSCUR AVEC : OLIVER BEER, MARC COUTURIER, JEAN-MARC FERRARI, JULIO VILLANI À L’ABBAYE DU THORONET JULIO VILLANI Né en 1956 au Brésil, Julio Villani vit et travaille à São Paulo et à Paris, où il s’établit dans les années 80, après des études en arts plastiques à la FAAP, São Paulo, Watford School of Arts, Londres et ESNBA, Paris. Son double parcours se reflète dans la liste de ses expositions, qui se succèdent d’un côté et de l’autre de l’Atlantique : MAM et Musée Zadkine, Paris ; Pinacothèque et MAM, São Paulo; Musée Reina Sofia, Madrid, Fondation Ludwig, Aix-la-Chapelle, Museo del Barrio, New-York. Son œuvre, prolixe et protéiforme (peinture, dessins brodés, vidéo, collages, assemblages), est construite dans une infinité de métaformes autour de thèmes liés au déplacement, à l’instabilité, aux mondes infinis et sans frontières qu’offrent la vie et l’imaginaire. Adoptant tour à tour la géométrie ou les outils de l’enfance, nourrie de références, elle questionne perpétuellement le sens des mots et des choses, guète la parcelle d’inattendu enfouie dans le mille-fois-vu. Car objets usuels et rêverie sont pour Villani l’endroit et l’envers d’une même réalité, comme les deux faces d’une broderie. Il n’est pas surprenant qu’il ait choisi cette technique pour la réalisation du drap qui maintenant recouvre le dortoir de l’abbaye du Thoronet. Trouble dissociatif (volontaire) de l’identité © Julio Villani, Atelier | Paris, Juin 2018. © Julio Vilani 7
L’ABBAYE DU THORONET Avec ses « sœurs », Silvacane et Sénanque, l’abbaye du Thoronet est l’une des trois abbayes cisterciennes de Provence. En 1136, un groupe de moines quitte l’abbaye de Mazan en Ardèche pour fonder un monastère, qu’ils bâtiront 15 ans plus tard près de Lorgues, en un lieu boisé entre le coude d’une petite rivière et une source. L’édification débute en 1160 et se prolonge jusque 1230. Au début du XIIIe siècle, le monastère abrite une vingtaine de moines et quelques dizaines de frères convers. Moins de deux siècles plus tard, le déclin de l’abbaye est déjà entamé. En 1660, le prieur signale la nécessité de la restaurer. En 1699, on déplore fissures et effondrement des toitures, portes rompues et fenêtres délabrées. En 1790, sept moines âgés y résident encore. La disparition de l’abbaye menace lorsque Prosper Mérimée (inspecteur général des monuments historiques) la sauve en la signalant à Révoil, architecte des monuments historiques. La restauration débute en 1841 pour ne plus cesser. L’État achète progressivement le site à partir de 1854. L’abbaye du Thoronet exprime l’essence même de l’art cistercien fait de dénuement extrême, de pureté des lignes, de simplicité de volumes essentiellement dictés par l’organisation de la vie communautaire. À ce titre, elle a inspiré des générations d’architectes, comme en témoigne Fernand Pouillon dans son roman Les Pierres sauvages. Avec Les leçons du Thoronet, un grand architecte contemporain (Eduardo Souto de Moura, Patrick Berger...) est invité chaque année à mener une © Philippe Berthé/CMN réflexion sur les bâtiments et à réaliser une intervention réversible. Le lieu inspire nombre d’architectes et parmi eux Le Corbusier qui visite le site en 1953 : « À l’heure du «béton brut», bénie, bienvenue et saluée soit, au cours de la route, une telle admirable rencontre. » L’église du Thoronet est bâtie sur un plan en forme de croix latine, son tracé correspond au principe du nombre d’or. Ce dernier était l’une des manières des bâtisseurs d’exprimer leur foi à l’époque romane. Il servait à donner des proportions harmonieuses à leurs constructions. Les proportions de l’église sont à l’origine de son acoustique exceptionnelle, celle-ci étant particulièrement propice à l’exécution du chant grégorien. L’abbaye du Thoronet est gérée, restaurée et ouverte au public par le Centre des monuments nationaux. © Philippe Berthé/CMN 8
LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX LE PALAIS DE TOKYO Sites archéologiques de Glanum et de Carnac, abbayes Effervescent, audacieux et pionnier, le Palais de Tokyo est de Montmajour et du Mont-Saint-Michel, châteaux d’If et le lieu vivant des artistes d’aujourd’hui. Il est également d’Azay-le-Rideau, domaine national de Saint-Cloud, Arc de le plus grand centre de création contemporaine en triomphe ou encore villas Savoye et Cavrois constituent Europe, et un espace d’expositions unique en son genre. quelques-uns des 100 monuments nationaux, propriétés Friche rebelle aux allures de Palais, anti-musée en de l’Etat, confiés au Centre des monuments nationaux. métamorphose permanente, le Palais de Tokyo tient Paris Premier opérateur public, culturel et touristique avec en éveil depuis 2002. À la fois accessible et exigeant, plus de 10 millions de visiteurs par an, le Centre des généreux et pointu, chaleureux et radical, poétique monuments nationaux conserve et ouvre à la visite des et transgressif, il est un territoire d’apprentissage, monuments d’exception ainsi que leurs parcs et jardins. d’expériences, d’émotions et de vie ; un territoire d’où Ils illustrent, par leur diversité, la richesse du patrimoine jaillit l’inattendu. français. Porté par la volonté de changer notre vision de l’art, le Palais de Tokyo nous invite à devenir les témoins des S’appuyant sur une politique tarifaire adaptée, le CMN audaces de notre époque et à vivre l’expérience de l’art facilite la découverte du patrimoine monumental pour en train de se faire, sous toutes ses formes. tous les publics. Son fonctionnement repose à plus de 85 % sur ses ressources propres issues notamment de Cette exposition s’inscrit dans le contexte plus large la fréquentation, des librairies-boutiques, des locations d’hors-les-murs organisés depuis 2013. Ce programme d’espaces ou encore du mécénat. Fondé sur un système du Palais de Tokyo a donné lieu à plusieurs projets à de péréquation, le Centre des monuments nationaux est l’étranger et en France : en parallèle de la Biennale de un acteur de solidarité patrimoniale. Les monuments Lyon (2013 et 2015), avec le MoMA PS1 et le Stedelijk bénéficiaires permettent la réalisation d’actions culturelles Museum (2014), pendant Art Basel Hong Kong et à et scientifiques sur l’ensemble du réseau, rejoint Shanghai (2015), au ICA Singapore au moment de Art récemment par des sites confiés par d’autres opérateurs : Stage Singapore (2016), à Zürich, pendant la biennale la villa Kérylos (propriété de l’Institut de France), la chapelle d’art contemporain MANIFESTA 11 (2016), la Nuit de Berzé-la-Ville (Académie de Mâcon), le musée Ochier Blanche à Paris (2016), à Athènes, en parallèle de la (Ville de Cluny), l’ensemble Cap-moderne (Conservatoire du Documenta 14 (2017), en Auvergne avec Le Centre des Littoral). Par ailleurs, le CMN travaille actuellement avec la monuments nationaux (2017) ainsi qu’au Château de ville de Saint-Ouen à l’élaboration d’un projet scientifique Versailles (2017) ou encore - en partenariat avec l’Institut pour l’avenir de son château et restaure et mène les français - à Chicago, à l’occasion d’EXPO CHICAGO (2017) projets d’ouverture au public de l’Hôtel de la Marine pour et à Gwangju à l’occasion de la Biennale (2018). 2020 et du château de Villers-Cotterêts à l’horizon 2022. Enfin, en 2014, le CMN a souhaité s’affirmer comme tête www.palaisdetokyo.com de file dans le numérique appliqué à l’univers patrimonial. En créant son Incubateur du patrimoine en 2018, il a réaffirmé sa volonté d’être au plus près de l’innovation. www.monuments-nationaux.fr CES EXPOSITIONS SONT PRÉSENTÉES À L’INVITATION DU AVEC LE SOUTIEN DE 9
Contacts & informations PALAIS DE TOKYO Informations pratiques COMMUNICATION Abbaye du Thoronet Directrice de la communication 83340 Le Thoronet Natascha Jakobsen Tél. : +33 (0)4 94 60 43 96 Directrice adjointe de la communication Du 1er avril au 30 septembre : 10h-18h30 Dolorès Gonzalez Du 1er octobre au 31 décembre : 10h-13h / 14h-17h00 Ouvert tous les jours TARIFS CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX Plein tarif : 8€ Tarif réduit : 6,5€ Tarif groupe (à partir de 20 personnes) : 6,5€ Tarif groupe scolaire : 30€ COMMUNICATION Gratuité : Moins de 18 ans (en famille et hors groupes Responsable de la communication scolaires) ; 18 - 25 ans (ressortissants de l’Union Européenne Camille Boneu et résidents réguliers non-européens sur le territoire de l’Union Européenne) ; Personne handicapée et son accompagnateur ; CONTACT PRESSE Demandeur d’emploi, sur présentation d’une attestation de moins de 6 mois ; Carte Culture - Carte ICOM ; Pass Education Maddy Adouritz maddy.adouritz@monuments-nationaux.fr +33 (1) 44 61 22 45 10
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