Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? - Comparaison du commerce des vins et des spiritueux au Québec et en Colombie-Britannique - IRIS Recherche
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Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? – IRIS MAI 2016 Rapport de recherche Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? Comparaison du commerce des vins et des spiritueux au Québec et en Colombie-Britannique Julia Posca, chercheure Simon Tremblay-Pepin, chercheur – 01 –
IRIS – Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? REMERCIEMENTS Les auteur·e·s tiennent à remercier un ensemble de personnes sans qui l’étude n’aurait pu être. Les commentaires de l’équipe de chercheur·e·s de l’IRIS et les corrections de Martin Dufresne et de Danielle Maire ont rehaussé la qualité de cette étude, tant du point de vue de la forme que du fond. Nous leur transmettons tous nos remerciements. Toutes les erreurs se trouvant encore néanmoins dans ce texte relèvent de l’entière responsabilité des auteur·e·s. IMPRESSION Katasoho imprimerie & design 5000 rue d’Iberville #202, Montréal, QC H2H 2S6 514.961.5238 / info@katasoho.com – 02 –
Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? – IRIS SOMMAIRE Principales conclusions Dans son rapport publié en août 2015, la Commission • En nous rendant en Colombie-Britannique et en de révision permanente des programmes proposait de vérifiant le prix de 584 bouteilles d’alcool, nous libéraliser davantage la vente d’alcool au Québec en per- avons constaté que les prix des magasins privés de mettant à des magasins privés de lui faire concurrence la Colombie-Britannique sont 9,6 % plus élevés que en vendant les produits disponibles à la SAQ. Selon la ceux des magasins publics de cette province et 6,7 % commission, une telle libéralisation permettrait de ré- que ceux de la SAQ. Les prix de la SAQ et des magasins duire les coûts d’administration de la SAQ et d’offrir des publics de la Colombie-Britannique sont, quant à eux, à prix plus bas aux consommateurs et consommatrices tout peu de chose près les mêmes (une différence inférieure en maintenant des dividendes gouvernementaux élevés. à 3 %). Il est donc faux de prétendre qu’en Colombie- En comparant la Colombie-Britannique – où la vente Britannique, le privé offre des prix plus bas. d’alcool a été libéralisée – et le Québec, la présente étude démontre que l’extension de la libéralisation de la vente • En fait, le réseau de distribution, la capacité de stoc- d’alcool ne serait pas une politique avantageuse pour le kage et la dimension des magasins publics font qu’il Québec. est reconnu en Colombie-Britannique – même par certain·e·s employé·e·s des établissements privés – que l’ancien monopole offre toujours les meilleurs prix. • Les fluctuations de l’indice des prix à la consommation ne nous permettent de confirmer que l’approfondisse- ment de la libéralisation de l’alcool en Colombie-Bri- tannique aurait mené à une diminution du prix de l’alcool en Colombie-Britannique. • Depuis 1997, la Colombie-Britannique a vu le prix du vin diminuer plus vite que celui du Québec, tandis que le Québec a vu les prix de ses spiritueux diminuer plus vite que ceux de la Colombie-Britannique. • Par contre, tant dans le vin que dans les spiritueux, les Québécois·es ont vu leur consommation augmenter plus rapidement qu’en Colombie-Britannique. Les prix pratiqués par la SAQ ne poussent donc pas ses client·e·s à diminuer leur consommation, bien au contraire. • Il est vrai d’affirmer que la libéralisation n’a pas empê- ché la Colombie-Britannique de maintenir les revenus qu’elle percevait grâce à l’alcool ; par contre, le régime en place au Québec a quant à lui permis de grandement augmenter les revenus du gouvernement. – 03 –
Table des matières SOMMAIRE 03 LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES 07 LISTE DES SIGLES 09 INTRODUCTION 11 Chapitre 1 – BREF APERÇU HISTORIQUE DE LA VENTE AU DÉTAIL D’ALCOOL EN COLOMBIE-BRITANNIQUE 13 La réforme réglementaire de 2002 13 Chapitre 2 – COMPARAISON DE LA VENTE DE PRODUITS ALCOOLIQUES AU QUÉBEC ET EN COLOMBIE-BRITANNIQUE À PARTIR DE DONNÉES MACROÉCONOMIQUES 17 L’évolution des prix du vin et des spiritueux au Québec et en Colombie- Britannique selon les données de l’IPC 17 L’évolution de la consommation du vin et des spiritueux au Québec et en Colombie-Britannique 20 Que peut-on conclure de l’étude de la fluctuation des prix et des habitudes de consommation ? 23 L’évolution des frais d’administration de la SAQ et du BCLS 23 L’évolution des revenus gouvernementaux tirés de la vente d’alcool 24 Chapitre 3 – COMPARAISON DU PRIX DE CERTAINS PRODUITS EN COLOMBIE- BRITANNIQUE ET AU QUÉBEC 27 Méthodologie 27 Résultats quantitatifs 28 Observations et remarques qualitatives 31 CONCLUSION 33 LEXIQUE 35 NOTES 37 ANNEXE 1 – ADRESSES DES ÉTABLISSEMENTS VISITÉS 41 – 05 –
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES GRAPHIQUE 1 Croissance cumulative des permis de vente d’alcool accordés à des magasins privés, Colombie-Britannique, janvier 2003-septembre 2005 14 GRAPHIQUE 2 IPC du vin vendu en magasin, Québec et Colombie-Britannique, 1997-2014 (base 100 = 1997) 18 GRAPHIQUE 3 IPC des spiritueux vendus en magasin, Québec et Colombie-Britannique, 1997-2014 (base 100 = 1997) 18 GRAPHIQUE 4 Croissance de l’IPC du vin, dont est soustrait l’IPC d’ensemble sans les produits alcooliques, Québec et Colombie-Britannique, 1997-2014 (base 100 = 1997) 19 GRAPHIQUE 5 Croissance de l’IPC des spiritueux, dont est soustrait l’IPC d’ensemble sans les produits alcooliques, Québec et Colombie-Britannique, 1997-2014 (base 100 = 1997) 19 GRAPHIQUE 6 Dollars dépensés par personne en vin acheté en magasin (en dollars constants de 2013), Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 20 GRAPHIQUE 7 Prix du vin par litre acheté en magasin (en dollars constants de 2013), Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 20 GRAPHIQUE 8 Nombre de litres de vin par personne achetés en magasin (en dollars constants de 2013), Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 21 GRAPHIQUE 9 Dollars dépensés par personne en spiritueux achetés en magasin (en dollars constants de 2013), Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 21 GRAPHIQUE 10 Prix des spiritueux par litre achetés en magasin (en dollars constants de 2013), Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 22 GRAPHIQUE 11 Nombre de litres de spiritueux par personne achetés en magasin (en dollars constants de 2013), Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 22 GRAPHIQUE 12 Part des litres de produits vendus par type d’alcool (en pourcentage), SAQ et BCLS, 2014 23 GRAPHIQUE 13 Part des ventes nettes que représentent les coûts d’administration(en pourcentage), SAQ et BCLS, 1997-2014 24 GRAPHIQUE 14 Revenus gouvernementaux provenant de la vente d’alcool par personne (en dollars constants de 2013), Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 25 GRAPHIQUE 15 Revenus gouvernementaux provenant de la vente d’alcool par litre (en dollars constants de 2013), Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 25 TABLEAU 1 Produits ciblés par notre étude de prix 27 – 07 –
GRAPHIQUE 16 Prix moyen des produits pour l’ensemble des établissements (en dollars), Québec et Colombie-Britannique 29 GRAPHIQUE 17 Prix moyen selon le type de produit (en dollars), Québec et Colombie- Britannique 30 GRAPHIQUE 18 Prix moyen des produits selon la taille de la ville et celle de l’établissement (en dollars), Québec et Colombie-Britannique 30 GRAPHIQUE 19 Prix moyen selon le type de magasin (en dollars) 30 – 08 –
LISTE DES SIGLES BC VQA British Columbia Vintners Quality Alliance BCGEU British Columbia Government and Service Employees Union BCLS BC Liquor Stores CRPP Commission de révision permanente des programmes IPC Indice des prix à la consommation IRIS Institut de recherche et d’informations socioéconomiques LCB Liquor Control Board LDB British Columbia Liquor Distribution Branch SAQ Société des alcools du Québec – 09 –
Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? – IRIS Introduction En août dernier, la Commission de révision permanente des programmes (CRPP), prési- dée par Lucienne Robillard, déposait un rapport qui proposait de libéraliser le commerce du vin et des spiritueux au Québec. C’est à la suite de la publication de ces conclusions que nous avons mené la présente étude. Pour aider à mieux saisir notre démarche, voyons d’abord rapidement sur quels arguments se fonde la Commission pour faire une telle proposition. Le rapport de la CRPP consacre 17 pages1 à la Société des alcools du Québec (SAQ ). Sur ces 17 pages, seulement six présentent sa proposition de libéralisation de la SAQ. Dans ces six pages, on ne trouve que deux données pour appuyer cette recommandation : les coûts d’administration sur les ventes totales et les coûts salariaux sur les ventes totales, ce qui, au bout du compte, revient à la même donnée, les coûts d’administration étant surtout des coûts salariaux. Le raisonnement de la Commission, mené en quelques phrases, tient à ceci : l’administration de la SAQ coûte plus cher que celle d’entreprises comparables ; en conséquence, il faudrait libéraliser la vente de vins et de spiritueux pour encourager la SAQ , par le biais de la concurrence, à réduire à la fois ses prix et ses coûts d’administration. La diminution conséquente des profits de la SAQ serait compensée par une augmentation des taxes afin de maintenir les recettes de l’État. On remarque trois postulats à la base de ce jugement : la SAQ a des frais d’administration trop élevés ; la libéralisation ferait diminuer à la fois les prix et les coûts d’administration ; et une SAQ libéralisée pourrait rapporter autant que la SAQ actuelle à l’État québécois. Dans la présente étude, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) se penche sur ces arguments et tente d’en vérifier la validité en comparant les ventes d’al- cool en Colombie-Britannique et au Québec. Nous avons choisi la Colombie-Britannique parce que la vente d’alcool y a été libéralisée récemment et parce que la Commission elle- même met de l’avant cet exemple dans son rapport. Notre étude est répartie sur trois chapitres. D’abord, nous verrons rapidement l’histoire de la vente d’alcool en Colombie-Britannique. Ensuite, nous présenterons l’évolution des prix, de la consommation d’alcool, des coûts administratifs et des revenus gouvernemen- taux liés à la vente d’alcool dans chacune des deux provinces. Enfin, nous comparerons, à partir d’une étude de prix que nous avons réalisée en Colombie-Britannique, le prix de produits identiques en Colombie-Britannique et au Québec. – 11 –
Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? – IRIS CHAPITRE 1 Bref aperçu historique de la vente au détail d’alcool en Colombie-Britannique L’évolutiona de la vente d’alcool en Colombie-Britannique En 1992, le gouvernement impose un moratoire sur peut être interprétée comme l’ensemble des transforma- l’octroi de nouveaux permis à des établissements privés. tions législatives qui, au gré des changements de menta- L’objectif de ce gel est d’éviter que des débits de boisson lités, ont fait tomber les restrictions créées par la n’apparaissent à tous les coins de rue. En ce sens, l’ancien prohibition au début du 20e siècle. Les modifications député libéral Tex Enemark, qui a piloté plusieurs réformes survenues dans les dernières décennies sont aussi le réglementaires en matière de vente d’alcool, explique que reflet de la pression exercée par certains groupes pour cette directive est conforme à la logique de plusieurs autres une libéralisation accrue de la vente au détail des éléments de la législation britanno-colombienne, c’est-à- produits alcooliques. dire faire en sorte que les bénéfices de l’encadrement de Entrée en vigueur en 1917, la loi prohibant la vente la vente de l’alcool soient supérieurs aux problèmes d’alcool en Colombie-Britannique est devenue caduque sociaux qu’engendre sa consommation 2. en 1921, après que la population se soit exprimée sur le sujet par voie de référendum et ait consenti à ce qu’un monopole sur la vente soit accordé au gouvernement de LA RÉFORME RÉGLEMENTAIRE DE 2002 la province. Le Liquor Control Board (LCB) distribue dès 1925 des licences permettant aux hôtels de vendre de Au début des années 2000, la croissance en Colombie- l’alcool à l’intérieur de tavernes aménagées dans leurs Britannique est anémique, comme dans le reste du locaux, tandis que le feu vert à l’établissement de pubs Canada et des États-Unis, à cause du climat de méfiance de quartier est donné dans les années 1970. Le LCB est subséquent au 11 septembre 2001. Les revenus de l’État scindé en 1975, créant la Liquor Distribution Branch sont en baisse, notamment ceux provenant des sociétés (LDB). Les premières agences rurales voient aussi le de la Couronne, et le déficit s’accroît. Par contre, les jour cette année-là. L’apparition des magasins privés revenus provenant de la LDB et de la B.C. Lottery (licensee retail store, aussi appelé private liquor store ou cold Corp. sont en hausse malgré la morosité économique beer and wine store) date de 1985, lorsque les pubs et les ambiante3. hôtels obtiennent le droit de vendre de l’alcool au détail. Des élections sont déclenchées en 2001 sur fond de Seule la vente de bière et de vin leur est autorisée, la scandales impliquant le premier ministre néo-démocrate société d’État se réservant le privilège de vendre des spi- Glen Clark. Le Parti libéral, alors dirigé par Gordon ritueux. Dix ans plus tard, une nouvelle catégorie de Campbell, est élu avec une écrasante majorité. Le nou- permis est créée, qui permet à certains établissements de veau premier ministre s’entoure notamment de gens ne vendre au détail que du vin produit en Colombie- issus du secteur des ressources naturelles et de l’entou- Britannique, d’appellation BC VQA (British Columbia rage du premier ministre albertain de l’époque, le pro- Vintners Quality Alliance). gressiste-conservateur Ralph Klein4. Rick Thorpe, qui est nommé ministre de la Compétition, de la Science et de l’Entreprise, a pour sa part travaillé pendant 22 ans dans l’industrie brassicole et cinq ans dans celle du vin a La chronologie présentée ci-après est en grande partie tirée de la avant de piloter la réforme réglementaire du commerce page « B.C. Liquor Policy Reviews », qui se trouve sur le site Internet du de l’alcool qui sera instaurée en 2002. gouvernement de la Colombie-Britannique (http://engage.gov.bc.ca/ En réponse au contexte économique difficile, le Parti liquorpolicyreview/history/). libéral propose un vaste programme de réduction des – 13 –
IRIS – Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? dépenses publiques et un allègement des règles bureau- entre 2003 et 2005. Au moment du dépôt de cette nou- cratiques dans divers secteurs du gouvernement. Il velle loi, la Colombie-Britannique comptait 223 magasins affiche une volonté de réduire les impôts afin, dit-il, de gouvernementaux, 143 agences rurales, 288 magasins pri- stimuler la croissance5. Quant au commerce de l’alcool, vés de bière et vin, 96 magasins spécialisés en vin et 23 le gouvernement souhaite, malgré les bonnes perfor- points de vente dans des brasseries et vineries. mances de la LDB, se retirer progressivement de ce sec- teur afin de se concentrer sur la perception de revenus Graphique 1 (par la taxation) et la sécurité publique6. Rick Thorpe Croissance cumulative des permis de vente d’alcool affirme que le gouvernement ne possède « aucun talent accordés à des magasins privés, Colombie-Britannique, particulier dans la vente, l’entreposage ou la distribution janvier 2003-septembre 2005 de l’alcool7 ». Le projet mis de l’avant consiste à fermer pro- 300 gressivement les magasins opérés par la LDB et à ouvrir la porte à de nouveaux détaillants privés. Le gouvernement demeurerait le seul grossiste autorisé pour les produits 250 alcooliques, afin de s’assurer un contrôle sur les prix de l’alcool et donc sur les revenus que l’État peut en tirer8. 200 Ce faisant, le gouvernement Campbell prend le parti des groupes qui militent pour une plus grande libérali- sation du secteur, tels que la B.C. Restaurant and 150 Foodservices Association, la Fédération canadienne des contribuables et la Coalition of B.C. Businesses, qui 100 prétendent que le privé est plus efficace et pourrait offrir des prix plus bas9. À l’inverse, les critiques de cette libé- 50 ralisation accrue, telle la B.C. Government and Service Employees Union (BCGEU) ou la B.C. Federation of Labour, craignent qu’elle ne s’accompagne d’une hausse 0 des prix, d’une diminution du choix dans les petites 3 3 3 3 4 4 4 4 5 5 5 00 00 00 00 00 00 00 00 00 00 00 communautés, d’une détérioration des conditions de /2 /2 /2 /2 /2 /2 /2 /2 /2 /2 /2 01 04 07 10 01 04 07 10 01 04 07 travail et d’une augmentation des problèmes de santé et de sécurité publique10. Des microbrasseries s’inquiètent SOURCE Consumers’ Association of Canada, British Columbia’s Liquor aussi de l’avantage qui serait donné aux gros producteurs Distribution System “Does it work for consumers?”, mars 2006, p. 9, www. bcgeu.ca/sites/default/files/Resourcescac_LDB_study06.pdf dans un système où il n’y aurait que des détaillants pri- vés11, tandis que d’autres comme l’Association des distil- lateurs canadiens, qui souhaite que les magasins privés Aucune taxe spécifique sur l’alcool n’est introduite puissent vendre des spiritueux, ne considèrent pas pour lors de cette réforme réglementaire, même si dans le autant la disparition prévue des magasins du gouverne- budget de 2002, les libéraux font passer la taxe de vente ment comme un atout pour le commerce de l’alcool12. provinciale de 7 % à 7,5 %. Le gouvernement contrôle Le nouveau cadre réglementaire est introduit en 2002. cependant en partie le niveau des prix en fixant un prix Il permet notamment aux établissements détenant une au détail plancher, qui est le prix au-dessus duquel les licence de magasin de vente au détail d’alcool, soit les magasins privés doivent vendre leurs produits. Au hôtels et les pubs, de vendre également des spiritueux au moment de la réforme de 2002, le prix au détail devait détail. La réglementation est aussi allégée et les heures équivaloir au prix du gros plus 53 % pour la bière, 110 % d’ouverture permises, prolongées. Le moratoirea de 1992 pour le vin et 159 % pour les spiritueux13. En clair, cela est levé durant quelques mois pour accueillir les demandes signifie que pour une bouteille de vin dont le prix de de permis en vertu de ces nouvelles règles. Le graphique 1 gros serait de 1 $, le prix au détail avant les taxes devrait présente l’évolution du nombre de demandes approuvées être au minimum de 2,10 $ (1 $ + 1,10 $). Ces taux ont d’ailleurs été augmentés de 3 % en 2004 (la première hausse depuis 1996). La LDB consentait toutefois aux a Il est à noter que ce moratoire est toujours en vigueur (jusqu’au 1er avril 2022), de même qu’un moratoire sur l’octroi de permis pour un magasin de vente au détail de vin (wine store). – 14 –
Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? – IRIS détaillants privés un rabais sur ce prixa. En 2003, ce rabais est passé de 10 % à 12 % pour leur permettre de mieux concurrencer les magasins publics. La privatisation complète de la vente au détail de l’al- cool est finalement stoppée fin 2003 en échange de concessions de la part du BCGEU, auquel sont affiliés les employé·e·s du BC Liquor Stores (BCLS), lors d’une ronde de négociation avec le gouvernement14. À ce jour, le projet d’une privatisation complète n’a pas été mené à terme. La réforme de 2002 a donc surtout été l’occasion de fermer une poignée de magasins du gouvernement, tout en permettant à de nouveaux établissements privés d’ouvrir leurs portes. Le cadre réglementaire britanno-colombien pour le commerce de l’alcool est en constante évolution. Une nouvelle réforme, entrée en vigueur le 1er avril 2015, permet notamment aux magasins de vente au détail d’alcool et à ceux spécialisés dans le vin de relocaliser sous certaines conditions leur commerce à l’intérieur d’une épicerie, en plus de modifier le système de fixa- tion des prix15. En 2015, on pouvait, en Colombie- Britannique, se procurer de l’alcool dans des magasins opérés par le gouvernement (199), des magasins privés de vente au détail d’alcool ou spécialisés en vin (671), dans certaines épiceries, dans des distilleries, vineries et brasseries, ainsi que dans des agences localisées dans certaines petites épiceries en zone rurale, pour un total de 1439 points de vente à travers la province. En comparaison, rappelons pour terminer que le marché québécois est déjà en partie libéralisé. En effet, la bière et certains types de vin sont vendus en dépan- neur et en épicerie. À cet égard, la Colombie- Britannique a, sur certains aspects, choisi de rejoindre le Québec en matière de libéralisation lors de sa transformation réglementaire de 2002. Comme on le sait, le Québec a aussi un grand nombre d’agences de la SAQ , soit des commerces privés qui vendent de l’alcool dans des régions où la SAQ n’est pas présente. Ainsi, la grande différence entre le Québec et la Colombie- Britannique est la présence de commerces privés pratiquant la vente de vin et de spiritueux dans les villes où est déjà présente l’entreprise d’État. C’est cette extension de la libéralisation qui intéresse la Commission de révision permanente des programmes et c’est sur celle-ci que notre étude se penchera. a Selon le type de licence, ce rabais valait de 12 % à 30 % avant la réforme de 2015. – 15 –
Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? – IRIS CHAPITRE 2 Comparaison de la vente de produits alcooliques au Québec et en Colombie-Britannique à partir de données macroéconomiques L’ÉVOLUTION DES PRIX DU VIN ET qu’on y trouve avec ceux de l’alcool vendu au Québec. DES SPIRITUEUX AU QUÉBEC ET EN C’est ce à quoi sera consacré le chapitre suivant. COLOMBIE-BRITANNIQUE SELON Une autre limite des données de l’IPC réside dans le fait qu’elles ne permettent pas de distinguer ce qui cause LES DONNÉES DE L’IPC les fluctuations des prix. Est-ce le marché intérieur ? Est-ce Pour évaluer l’effet de la libéralisation accrue de l’alcool le marché international ? Est-ce la fluctuation du taux de en Colombie-Britannique sur les prix de ces produits, change ? Plus important encore, ces fluctuations sont-elles nous pouvons faire usage des données rassemblées par causées par des hausses de taxes ? Comme nous l’avons Statistique Canada pour la mesure de l’indice des prix à signalé dans une étude précédente à propos de l’Alberta, la consommation (IPC). En effet, Statistique Canada les hausses de taxes spécifiques sur l’alcool font partie du diffuse des données spécifiques sur l’alcool vendu en programme de réforme albertain des années 199016 et elles magasin et les sépare entre le vin, la bière et les spiri- font partie, rappelons-le, de la proposition contenue dans tueux. Ces données sont disponibles séparément par le rapport actuel de la CRPP17 que nous étudions main- province. Ainsi, il nous est possible de comparer l’évolu- tenant. De plus, comme nous l’avons vu plus haut, dans tion des prix du vin et des spiritueuxa au Québec et en le cas de la Colombie-Britannique, les quelques hausses Colombie-Britannique avant et après la réforme régle- de taxes qui ont eu lieu ne sont pas majeures. Pour éva- mentaire survenue en 2002 en Colombie-Britannique. luer l’effet de la privatisation à l’albertaine, il fallait Nous nous concentrerons donc sur la période allant de conserver ces éléments, il le faut encore ici. C’est le prix 1997 à 2015. total que les gens paient qui nous intéresse, peu importe Bien sûr, les données de l’IPC ont des limites, c’est qu’il augmente à cause d’un mode de vente ou d’une d’ailleurs pourquoi nous ne fonderons pas notre analyse augmentation des taxes. uniquement sur celles-ci. La première limite, impor- Une autre limite des données de l’IPC est que leur tante, est qu’il s’agit de données relatives. On y suit fluctuation peut être causée par des changements d’ha- l’évolution des prix à partir d’un univers de prix donné : bitudes des consommateurs et consommatrices d’alcool. on peut dire grâce à l’IPC que les prix du Québec sont Si les gens achètent davantage de vins de grand cru ou X % plus élevés que l’an dernier, mais on ne peut pas dire d’alcools fins, l’enquête de Statistique Canada nous dira qu’ils sont X % plus ou moins chers que ceux de la que les prix augmentent alors que les prix en magasin Colombie-Britannique. On peut seulement affirmer que n’ont pas bougé. Il est impossible de répondre à ces les prix du Québec ont augmenté plus ou moins vite que questions avec précision et savoir ce qui cause les fluc- ceux de la Colombie-Britannique, sans pour autant tuations de prix. Pour éclaircir une partie du problème, savoir quels étaient les prix de départ en valeur absolue. nous étudierons les données disponibles sur la consom- Pour obtenir cette information, il faudrait se rendre en mation d’alcool dans les deux économies étudiées pour Colombie-Britannique et comparer les prix de l’alcool contrôler ces variables, bien que, comme nous le verrons, ces données aient d’importantes limites. Voyons d’abord la variation du prix du vin et des spi- a Comme la vente de bière est déjà libéralisée au Québec, nous ritueux vendus en magasin en Colombie-Britannique et nous concentrerons uniquement sur le vin et les spiritueux. – 17 –
IRIS – Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? Graphique 2 Graphique 3 IPC du vin vendu en magasin, Québec et Colombie- IPC des spiritueux vendus en magasin, Québec et Britannique, 1997-2014 (base 100 = 1997) Colombie-Britannique, 1997-2014 (base 100 = 1997) 125 115 120 110 115 105 110 105 100 100 95 95 90 90 85 85 80 80 19 7 19 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 20 5 20 6 20 7 20 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 14 19 7 19 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 20 5 20 6 20 7 20 8 20 9 20 0 20 1 12 20 3 14 9 9 9 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 1 9 9 9 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 19 19 20 Québec Colombie-Britannique Québec Colombie-Britannique SOURCE Statistique Canada, CANSIM, Tableau 326-0021. SOURCE Statistique Canada, CANSIM, Tableau 326-0021. au Québec, telle que publiée par Statistique Canada. Le graphique 2 nous présente cette variation pour le vin. quant à lui ce prix augmenter – pour ensuite voir son prix Premier constat : le prix du vin vendu en magasin aug- hausser puis stagner, suivant alors le même mouvement mente au Québec et diminue en Colombie-Britannique. que le Québec. Au début des années 2010, les tendances Ainsi, on pourrait croire que la libéralisation tend à faire se séparent à nouveau, le Québec connaissant une nou- diminuer les prix. Cependant, si on tient compte de la velle remontée et la Colombie-Britannique une baisse. périodisation, le graphique 2 brosse un tout autre portrait. Enfin, on note aussi en 2003 une baisse et une remontée En effet, en Colombie-Britannique, le prix du vin a dimi- très soudaine du prix du vin en Colombie-Britannique nué de façon importante de 1997 à 2002, perdant près de qui peut avoir été causée par plusieurs facteursb. Mais cet 12 % de sa valeur. À partir de 2002, moment de la libéra- élément ne doit pas retenir notre attention, puisqu’il est lisation accrue du marché, on le voit plutôt augmenter. Il fort probable qu’il s’agisse d’une aberration dans la série stagne ensuite de 2007 à 2012, où il entreprend une légère de données et non d’une évaluation réelle du prix de 2003. descente. Pendant ce temps, au Québec, le prix croît rapi- Voyons maintenant, grâce au graphique 3, la fluctua- dement de 1997 à 2005 en augmentant de 15 %, moment tion du prix des spiritueux en Colombie-Britannique et à partir duquel il stagne. En 2011, la montée reprend, au Québec. mais elle semble fléchir dès 2013. Bien sûr, le prix du vin Ici, il semble plutôt que ce soit le Québec qui, en bout ne dépend pas que du Québec et de la Colombie- de piste, ait vu le prix de ses spiritueux croître moins Britannique ; comme il s’agit d’un marché mondial, ses rapidement. Cependant, là encore, il est important de fluctuations sont expliquées par d’autres facteursa. Pour le voir l’évolution temporelle de cette croissance. De 1997 moment, nous voyons donc en Colombie-Britannique le à 2002, le prix des spiritueux au Québec croît de 5 % ; prix du vin baisser avant 2002 – alors que le Québec voit pendant ce temps, le prix des spiritueux stagne en a Il est aussi possible de trouver des facteurs propres aux économies b Le fait que Statistique Canada utilise l’année précédente (2002) étudiées, par exemple l’exigence de rendement imposée à la SAQ par le comme base de son calcul de l’IPC peut, par exemple, avoir entraîné des gouvernement du Québec, qui la pousse à augmenter ses prix. irrégularités. – 18 –
Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? – IRIS Colombie-Britannique, alors sous monopole d’État. De plus importante au Québec qu’en Colombie-Britannique, 2002 à 2014, le Québec connaîtra une croissance très puisque le Québec voit sa courbe de prix décroître au lente du prix de ses spiritueux : il lui faudra 12 ans pour lieu de croître, comme elle le faisait au graphique 2, et se accomplir la même croissance qu’entre 1997 et 2002. À rapprocher considérablement de celle de la Colombie- l’inverse, après la libéralisation de l’alcool en Colombie- Britannique. Au Québec, le fléchissement du prix du vin Britannique, cette province rattrape et finalement a cependant débuté plus tard (2002) qu’en Colombie- dépasse le Québec en 2008, connaissant une croissance Britannique, qui manifeste cette tendance depuis le totale sur cette période de 13 % alors que le Québec ne début de la période de référence. Cependant, il est per- gagne que 11 %. tinent de noter que cette décroissance suit un rythme Cela dit, la croissance du prix de l’alcool ne se produit annuel moyen légèrement plus lent depuis la libéralisa- pas isolément, en dehors du reste des prix. Il est possible tion britanno-colombienne (-2,1 %) qu’avant celle-ci que l’ensemble des prix croissent plus vite dans une éco- (-2,8 %). Par contre, il est aussi intéressant de noter que nomie que dans une autre. Il est donc pertinent d’obser- depuis que le Québec a amorcé une décroissance des ver les fluctuation des prix de l’alcool relativement aux prix en 2002, celle-ci est moins rapide (-1,5 %) que celle autres prix. Pour vérifier ce qu’il en est, on peut mesurer de la Colombie-Britannique libéralisée. Le graphique 5 la différence entre la croissance des prix de l’alcool et présente la même tendance, mais cette fois pour les celui du reste des prix d’une économie ; on obtient alors, spiritueux. pour le vin, le graphique 4, qui offre un tout autre por- Ici aussi, on peut constater une décroissance du prix trait que celui présenté au graphique 2. des spiritueux relativement aux autres biens sur toute la Premier constat : sur la période étudiée, le prix du vin a période, tant au Québec qu’en Colombie-Britannique. augmenté moins rapidement que celui des autres produits Cette dernière connaît encore ici une évolution en deux dans les deux économies ; le vin est donc relativement de temps, avant 2003 et après. Avant 2003, le prix de ses moins en moins cher par rapport au reste des biens. spiritueux décroît relativement aux autres produits, et Deuxième constat : on remarque que la différence entre ce, plus rapidement qu’au Québec avec un rythme l’inflation des prix du vin et celle des autres produits est Graphique 5 Graphique 4 Croissance de l’IPC des spiritueux, dont est sous- Croissance de l’IPC du vin, dont est soustrait l’IPC trait l’IPC d’ensemble sans les produits alcooliques, d’ensemble sans les produits alcooliques, Québec et Québec et Colombie-Britannique, 1997-2014 Colombie-Britannique, 1997-2014 (base 100 = 1997) (base 100 = 1997) 120 120 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 19 7 19 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 20 5 20 6 20 7 20 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 14 9 9 9 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 1 19 19 7 19 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 20 5 20 6 20 7 20 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 14 9 9 9 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 1 19 Québec Colombie-Britannique Québec Colombie-Britannique SOURCE Statistique Canada, CANSIM, Tableau 326-0021. SOURCE Statistique Canada, CANSIM, Tableau 326-0021. – 19 –
IRIS – Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? annuel moyen de -1,5 %. Après 2003, ses prix stagnent Graphique 6 jusqu’en 2014 (ils connaissent en fait une croissance Dollars dépensés par personne en vin acheté en annuelle de -0,4 %). Au Québec, cependant, les prix magasin (en dollars constants de 2013), Québec et présentent un rythme constant de décroissance relative Colombie-Britannique, 1997-2013 sur toute la période. 300 Donc, sur la période étudiée, les prix du vin ont décru plus vite en Colombie-Britannique qu’au Québec. Pour les spiritueux, c’est plutôt l’inverse, le Québec ayant 250 connu une diminution plus marquée. Cependant, il est important de noter que dans les deux cas, la Colombie- 200 Britannique connaît une décroissance des prix plus importante pendant sa période de quasi-monopole que pendant sa période libéralisée. 150 100 L’ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION DU VIN ET DES SPIRITUEUX AU QUÉBEC ET EN 50 COLOMBIE-BRITANNIQUE Les fluctuations de prix que nous venons de décrire pour- 0 raient être, au moins en partie, causées par des variations 19 7 19 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 20 5 20 6 20 7 20 8 20 9 20 0 20 1 20 2 13 9 9 9 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 19 dans les habitudes de consommation des gens, et c’est ce que nous tenterons d’examiner dans cette section. Le Québec Colombie-Britannique graphique 6 est une comparaison de la dépense par per- SOURCE Statistique Canada, CANSIM, tableaux 183-0015 et 051- sonne pour le vin au Québec et en Colombie-Britan- 0001, calcul des auteur·e·s. nique. Ce graphe ne nous permet pas d’inférer de conclusions sur la cause des fluctuations de prix (les gens Graphique 7 dépensent-ils plus ou moins en raison du prix ou le prix Prix du vin par litre acheté en magasin (en dollars fluctue-t-il en fonction de leur consommation ?), mais il constants de 2013), Québec et Colombie-Britan- nous permet d’entrevoir l’interaction entre ces deux nique, 1997-2013 dynamiques. Alors que les habitants des deux provinces dépen- 16 saient en 1997 environ 132 $ annuellement en vin, le Québec a vu ses dépenses par personne croître beaucoup 14 plus rapidement que la Colombie-Britannique jusqu’en 12 2002. De 2003 à 2009, les deux courbes croissent à la même vitesse ; à partir de 2010, la Colombie-Britannique 10 recommence à stagner. Au bout du compte, la dépense annuelle de vin par personne est passée de 132 $ à 284 $ 8 au Québec (une croissance de 116 %) tandis que la 6 Colombie-Britannique passait de 133 $ à 230 $ (une croissance de 73 %). Cette évolution peut refléter deux 4 phénomènes : soit les gens achètent plus de vin, soit les gens achètent du vin plus cher. Vérifions cette deuxième 2 possibilité avec le graphique 7 qui présente le prix du vin 0 par litre acheté en magasin. 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 Le montant payé par litre n’a pas du tout suivi la même 19 19 19 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 fluctuation que la dépense par personne. En effet, tant au Québec qu’en Colombie-Britannique, le prix du litre de Québec Colombie-Britannique vin a relativement stagné surtout en comparaison avec la SOURCE Statistique Canada, CANSIM, tableaux 183-0015 et 051- dépense, le Québec connaissant une croissance de 17 % 0001, calcul des auteur·e·s. – 20 –
Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? – IRIS (passant de 12,37 $ le litre à 14,52 $) et la Colombie- consommation qui détermine le prix, nous constatons Britannique de 15 % (passant de 11,76 $ le litre à 13,49 $). néanmoins que malgré des prix qui diminuent moins Donc l’hypothèse selon laquelle l’augmentation du prix vite, le Québec voit sa consommation de vin augmenter payé par personne s’expliquerait par le fait que les gens plus rapidement que celle de la Colombie-Britannique. achètent du vin plus cher ne se vérifie pas. Si le prix par Il ne semble donc pas que le niveau des prix du vin au litre n’a pas connu une croissance importante, il se peut Québec décourage la consommation de ce produit ; bien que la hausse de la dépense par personne soit causée par au contraire, cette consommation augmente. le nombre de litres consommés par personne, donnée Voyons maintenant quelle a été l’évolution de la illustrée au graphique 8. consommation de spiritueux au Québec et en Colombie- Alors qu’en 1997, le Québec affichait une consom- Britannique, en commençant avec le graphique 9 qui mation de vin par personne légèrement inférieure à retrace l’évolution de la dépense par personne. celle de la Colombie-Britannique (10,6 litres contre Alors que pour le vin, le Québec et la Colombie- 11,3 litres), la situation a bien changé en 2013 alors que Britannique affichaient des chiffres relativement sem- le Québec consomme 19,6 litres de vin par personne blables, la dépense par personne passe du simple au (une croissance de 84 %), tandis que la Colombie- double pour ce qui est des spiritueux. Contrairement Britannique en consomme maintenant 17,1 litres (une aussi à l’évolution du vin, où le Québec a distancé la croissance de 52 %). Colombie-Britannique avec le temps, les positions Donc, les Québécois·es ont vu leur dépense en vin relatives des deux provinces sont restées à peu près augmenter plus rapidement que celle des Britanno- stables en matière de spiritueux. Néanmoins, la Colombien·ne·s parce que leur dépense par litre a aug- dépense moyenne annuelle du Québec a augmenté de menté légèrement plus vite, mais, surtout, parce que la 31 % (passant de 67 $ à 87 $), tandis que celle de la quantité de vin qu’ils achètent chaque année a augmenté Colombie-Britannique a augmenté de 11 % (passant beaucoup plus rapidement. S’il n’est pas possible de juger de 171 $ à 190 $). si c’est le prix qui détermine la consommation ou la Graphique 8 Graphique 9 Nombre de litres de vin par personne achetés en Dollars dépensés par personne en spiritueux ache- magasin (en dollars constants de 2013), Québec et tés en magasin (en dollars constants de 2013), Colombie-Britannique, 1997-2013 Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 25 250 20 200 15 150 10 100 5 50 0 0 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 19 7 19 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 20 5 20 6 20 7 20 8 20 9 20 0 20 1 20 2 13 19 19 19 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 9 9 9 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 19 Québec Colombie-Britannique Québec Colombie-Britannique SOURCE Statistique Canada, CANSIM, tableaux 183-0015 et 051- 0001, calcul des auteur·e·s. SOURCE Statistique Canada, CANSIM, tableaux 183-0015 et 051- 0001, calcul des auteur·e·s. – 21 –
IRIS – Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? Graphique 10 Graphique 11 Prix des spiritueux par litre achetés en magasin (en Nombre de litres de spiritueux par personne ache- dollars constants de 2013), Québec et Colombie- tés en magasin (en dollars constants de 2013), Britannique, 1997-2013 Québec et Colombie-Britannique, 1997-2013 35 9 8 30 7 25 6 20 5 15 4 3 10 2 5 1 0 0 20 8 20 9 20 0 20 1 20 2 13 20 4 20 5 20 6 20 7 19 7 19 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 0 1 1 1 0 0 0 0 0 9 9 9 0 0 0 0 19 19 19 19 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 Québec Colombie-Britannique Québec Colombie-Britannique SOURCE Statistique Canada, CANSIM, tableau 183-0015, calcul des SOURCE Statistique Canada, CANSIM, tableaux 183-0015 et 051- auteur·e·s. 0001, calcul des auteur·e·s. Comme pour le vin, cette légère croissance de la spiritueux que les Québécois·es. Malgré tout, il est dépense par personne s’explique soit parce qu’ils achètent intéressant de noter que le Québec a vu sa consomma- des spiritueux plus coûteux, soit parce que les gens achètent tion annuelle augmenter de 72 % (passant de 2 litres à une plus grande quantité de ces alcools. Le graphique 10 3,5 litres) alors que celle de la Colombie-Britannique nous présente l’évolution du montant dépensé pour chaque a progressé de 49 % (passant de 5,3 litres à 8 litres). litre de spiritueux. Pour les spiritueux, nous avons constaté plus tôt que le La dépense par litre a suivi une courbe très similaire prix a décru plus rapidement au Québec qu’en Colombie- entre le Québec et la Colombie-Britannique et a connu, Britannique. Cette décroissance est survenue pendant dans les deux cas, une diminution d’environ 25 %. Si que les Québécois·e·s voyaient leur quantité de spiritueux une différence peut être repérée, c’est qu’entre 1997 et consommés (surtout en litres, mais aussi en dollars) aug- 2002, la dépense par litre a diminué plus rapidement en menter plus vite qu’en Colombie-Britannique. Ici Colombie-Britannique qu’au Québec, tandis qu’à partir encore, l’on ne saurait affirmer que l’évolution des prix de 2003, les deux valeurs ont suivi la même courbe. Pour des spiritueux au Québec tend à décourager leur le reste, la tendance est la même. Le graphique 11 pré- consommation. sente la quantité de spiritueux achetés par personne. Résumons ce que nous pouvons percevoir de l’évolu- En comparant le graphique 11 avec le graphique 10, tion des prix. Du côté des vins, le Québec voit son prix on voit tout de suite que l’élément qui différencie le moyen diminuer moins vite que celui de la Colombie- Québec de la Colombie-Britannique pour la dépense Britannique entre 1997 et 2014. Pendant ce temps, la de spiritueux par personne, c’est la quantité consom- quantité de litres de vin achetée par personne au Québec mée. Bien que, dans les deux cas, la période de la baisse augmente plus rapidement qu’en Colombie-Britannique. de la dépense par litre s’accompagne d’une croissance de Pour les spiritueux, les Québécois·e·s voient aussi la la quantité consommée, elle n’a pas changé les positions quantité de litres d’alcool par personne augmenter plus relatives de chaque province. Les Britanno- rapidement que celle des Britanno-Colombien·ne·s. Colombien·ne·s consomment un peu plus du double de Cependant, le prix des spiritueux diminue plus rapide- – 22 –
Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? – IRIS ment au Québec qu’en Colombie-Britannique sur la 11 % pour le BCLS. À partir de cette seule donnée, la même période. Commission conclut qu’il faudrait libéraliser davantage le marché. Cette inférence pose de nombreux problèmes. La première difficulté est qu’il est loin d’être démon- QUE PEUT-ON CONCLURE DE L’ÉTUDE tré qu’un monopole public entraîne des coûts élevés DE LA FLUCTUATION DES PRIX ET DES d’administration. Certaines données présentées par la HABITUDES DE CONSOMMATION ? Commission invalident d’ailleurs une telle inférence. Par exemple, en Ontario et en Saskatchewan, où la vente D’abord, bien que différents en termes de consomma- d’alcool est réalisée par des sociétés d’État, les frais tion d’alcool, les deux marchés semblent relativement d’administration équivalent à respectivement 16 % et similaires. Le prix payé par bouteille ne connaît pas de 12 % des chiffres de vente. Ce taux peut donc être plus divergence majeure, et les courbes des graphiques sont faible que celui du Québec sans exiger le sacrifice d’un souvent parallèles. Le Québec semble avoir un avantage monopole public, comme le montre le cas de l’Ontario. sur l’évolution du prix des spiritueux, tandis que la On peut aussi atteindre un taux semblable à celui de la Colombie-Britannique semble en avoir un sur l’évolu- Colombie-Britannique sans céder à un marché libéra- tion du prix du vin (une affirmation qu’il faudrait appro- lisé, comme le montre l’exemple de la Saskatchewan. fondir car la consommation augmente plus vite au Le deuxième problème est que la Commission a laissé Québec qu’en Colombie-Britannique). Dans les deux de côté un facteur explicatif crucial à propos des coûts cas, cet avantage paraît relativement mineur, surtout d’administration : le type de produits vendus. La SAQ quand on reconnaît qu’il est très difficile de jauger l’évo- vend d’abord du vin, tandis que le BCLS (et nombre lution de la consommation de ces produits. De plus, d’autres sociétés d’État du reste du Canada) vend d’abord comme le Québec a vu sa consommation croître plus de la bière. Le graphique 12 montre bien la différence rapidement que celle de la Colombie-Britannique, il marquée dans le type de produits vendus. serait difficile de soutenir que la politique de prix de la Le vin constitue 83 % des ventes de la SAQ , tandis SAQ décourage davantage la consommation que les prix que la bière assure 75 % de celles du BCLS. Ces deux pratiqués en Colombie-Britannique. Graphique 12 Il ne nous est pas possible de savoir ce qui a causé les Part des litres de produits vendus par type d’alcool fluctuations du prix du vin, ni au Québec, ni en (en pourcentage), SAQ et BCLS, 2014 Colombie-Britannique. Sur cette période, le type de produit acheté a pu changer tout comme le taux de 90 change avec les divers pays concernés exportateurs. Avec ces seules données il n’est pas possible d’arriver à la 80 conclusion que l’approfondissement de la libéralisation 70 britanno-colombien a fait baisser ou augmenter les prix. On ne note pas en Colombie-Britannique de change- 60 ment de cap majeur après cette période, mais trop de facteur entre en ligne de compte pour savoir ce qui 50 explique les fluctuation de prix. 40 30 L’ÉVOLUTION DES FRAIS 20 D’ADMINISTRATION DE LA SAQ ET DU BCLS 10 Comme nous l’avons mentionné en introduction, le 0 Vin Spiritueux Bière et seul argument mis de l’avant par la CRPP pour justifier autres une libéralisation est celui des coûts d’administration du système. Cet argument est fondé sur la donnée suivante : SAQ BC Liquor Stores les coûts d’administration représentent 21 % des ventes de la SAQ alors que ces coûts sont plus faibles ailleurs, SOURCES SAQ, Rapport annuel 2014-2015, p. 2 ; BCLS, 2014-2015 notamment en Colombie-Britannique où ils totalisent Annual Service Plan Report, p. 9. – 23 –
IRIS – Faut-il mettre fin au monopole de la SAQ ? types de produits appellent des stratégies de gestion Graphique 13 très différentes. La diversité des produits du vin est de Part des ventes nettes que représentent les coûts loin supérieure à celle des bièresa, ce qui a des consé- d’administration(en pourcentage), SAQ et BCLS, quences sur le plan de l’espace et de l’organisation de 1997-2014c l’entreposage, mais aussi pour l’effort nécessaire à leur 30 sélection. Quant à l’approvisionnement, le vin acheté par la SAQ est surtout produit hors de nos frontières, 25 alors qu’une grande partie de la bière vendue est pro- duite ici, ce qui influence non seulement les coûts de transport, mais les choix des acheteurs. De même, le 20 vin exige des méthodes de conservation plus complexes que la bière. Bref, en raison de tous ces aspects, il exige 15 davantage de frais d’administrationb. Ne pas tenir compte de cette différence fondamentale (soit celle entre les types de produits commercialisés au Québec 10 et en Colombie-Britannique) grève de beaucoup la lec- ture de la Commission. 5 L’analyse de la CRPP est problématique à un autre égard, celui de l’évolution temporelle des coûts d’admi- 0 nistration. Si c’est grâce à la libéralisation que la 19 7 19 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 20 5 20 6 20 7 20 8 20 9 20 0 20 1 20 2 20 3 14 Colombie-Britannique offre des coûts d’administration 9 9 9 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 1 19 plus faibles, alors nous devrions pouvoir le constater au graphique 13, par une décroissance de ces coûts à partir Québec Québec (nouvelle série) de la libéralisation adoptée en 2002. Colombie-Britannique Colombie-Britannique Comme on le voit, les frais d’administration sont (nouvelle série) relativement stables au BCLS depuis 1997 : ils fluctuent SOURCE Statistique Canada, CANSIM, Tableaux 183-0017 et 183- légèrement entre 13 % et 9 %. Du côté de la SAQ , la 0025, calculs des auteur·e·s. fluctuation est beaucoup plus grande. En fait, dans les 10 dernières années, c’est plutôt la SAQ qui a vu ses frais en demeurant un monopole. Dans son plus récent bud- d’administration rogner de moins en moins sur ses get, le gouvernement a d’ailleurs exigé d’elle qu’elle ventes, alors qu’elle avait connu un mouvement inverse améliore sa performance en la matière18. de 1997 à 2005. Bref, il est impossible d’affirmer sur la base des don- nées disponibles qu’une libéralisation de la vente d’al- L’ÉVOLUTION DES REVENUS cool au Québec ferait diminuer les frais d’administration GOUVERNEMENTAUX TIRÉS de la SAQ. En fait, aucune donnée ne semble soutenir DE LA VENTE D’ALCOOL cette inférence. Par contre, la SAQ montre déjà qu’elle est en mesure de réduire ses frais d’administration tout Un autre des objectifs importants pour la Commission est de « protéger les revenus du gouvernement19 ». La proposition en ce sens est simple : transformer en taxe le profit réalisé par la SAQ sur chaque bouteille. Ainsi, peu importe le détaillant, le gouvernement pourrait a À titre d’exemple, selon son site web, le BCLS offre 606 différents continuer de percevoir le même montant. D’éventuelles types de bières, tandis que la SAQ offre 8281 vins différents. On sait qu’une grande partie de la consommation de bière porte sur un faible économies en coûts d’administration pourraient même nombre de produits, ce qui est beaucoup moins vrai pour le vin. permettre à la SAQ soit de diminuer les prix, soit d’aug- menter les bénéfices gouvernementaux. En contrepartie, b Un élément qu’ont souligné à la fois la SAQ par voie de com- muniqué (www.saq.com/content/SAQ/fr/a-propos/la-saq/nouvelles/ rapport-de-la-commission-robillard.html) et son ancien président, c Comme Statistique Canada a changé ses séries comptables, nous Gaétan Frigon, dans un texte paru dans La Presse : « La Commission présentons la nouvelle et l’ancienne série, qui mesurent des quantités Robillard est dans les patates », 1er septembre 2015. légèrement différentes, mais reflètent les mêmes variations. – 24 –
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