Géante=Création. Le monde d'Adolf Wölfli
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Guide de l’exposition Fondée par Maurice E. et Martha Müller et les héritiers de Paul Klee Géante=Création. Le monde d’Adolf Wölfli 21.05. – 15.08.21
Plan de la salle 6 7 5 4 3 8 1 2 2
« Eh bien !! C’est comme si la bengalisation et la projection d’étincelles de notre tube d’omnipotence, rempli et presque illimité, ne devaient jamais prendre fin. Et une fois de plus, la nouvelle Géante-Création de saint Adolphe s’étend et s’amplifie dans toutes les directions imaginables de la rose des vents, encore bien davantage que la dernière fois. » Citation d’Adolf Wölfli 3
Introduction Il y a 100 ans, qualifier Adolf Wölfli ( 1864 – 1930 ) d’artiste était une affirmation audacieuse. C’est pourtant ce qu’a osé le psychiatre et médecin Walter Morgenthaler dans la première monographie Ein Geisteskranker als Künstler ( Un malade mental artiste ) qu’il consacre au patient de la Waldau en 1921 ; ce faisant, il défie aussi bien la psychiatrie que l’art. Aujourd’hui, l’œuvre extraordinaire de Wölfli jouit d’une véritable reconnaissance dans le monde entier. Wölfli, en revanche, était depuis longtemps conscient de son statut. Il vient à l’art à l’âge de 35 ans, alors qu’il est interné à l’hôpital psychiatrique de Waldau à Berne. Dessinateur, compositeur et écrivain, il y crée jusqu’à sa mort, en 1930, une œuvre tentaculaire : un univers de plus de 25 000 pages – la « Géante-Création de saint Adolphe », comme il l’appelle lui-même. Son œuvre est unique dans l’art du 20ème siècle. Que Wölfli puisse un jour envisager une carrière artistique était loin d’être acquis, étant donné ses origines. Il naît dans un milieu très pauvre, est employé comme main-d’œuvre bon marché et exerce ensuite différents métiers comme journalier. Il est empri- sonné pour maltraitance d’enfants et transféré à la Waldau en 1895 après avoir été diagnostiqué schizophrène. Malgré son manque d’éducation, il a créé en autodidacte une œuvre qui fascine, aujourd’hui encore, par sa puissance visionnaire. 4
Wölfli considère lui-même ses écrits littéraires comme son œuvre majeure. Il y travaille avec peu d’interruptions de 1908 à sa mort en 1930, transformant sa vie en un récit idéalisé dans lequel lui et ses fidèles compagnons voyagent à travers les pays et les conti- nents de mondes imaginaires. Il s’agit de voyages mentaux fantas- tiques qui se prolongent même dans l’espace et contrastent éton- namment avec son internement à la Waldau. Dans un acte fort d’autodétermination, il réinvente ses conditions de vie. Les écrits de Wölfli sont reliés dans de somptueux folios, entre- coupés de pièces sonores, de poèmes et d’illustrations. L’exposition du Zentrum Paul Klee, réalisée en collaboration avec la Adolf Wölfli-Stiftung, Kunstmuseum Bern, respecte les préférences de l’artiste et centre la présentation, pour la première fois, sur une sélection de ses livres. Les dessins sont ainsi replacés dans leur contexte, celui des écrits. L’exposition offre une occasion unique de redécouvrir cette œuvre extraordinaire. Son œuvre se développe le long des abîmes qui ont, de fait, déter- miné la vie de Wölfli. Il érige, a u-dessus des fragments d’une exis- tence problématique et grâce au pouvoir de l’art, une œuvre d’une grande force poétique qui nous touche encore aujourd’hui. Cette exposition se veut un plaidoyer pour le marginal et l’extra-ordinaire, qui ne trouvent plus guère de place dans un monde de plus en plus normé. L’exposition est une collaboration entre le Zentrum Paul Klee et l’Adolf Wölfli-Stiftung. Toutes les œuvres exposées sont prêtées par la Adolf Wölfli-Stiftung, Kunstmuseum Bern. 5
Adolf Wölfli dans sa cellule, à côté de la pile de ses écrits, 1921 Adolf Wölfli-Stiftung, Kunstmuseum Bern 6
C’est ainsi que Walter Morgenthaler décrit le portrait photo- graphique d’Adolf Wölfli dans son ouvrage de 1921 Ein Geistes- kranker als Künstler. Adolf Wölfli : « La pose qu’il prend habituellement pour expliquer ses peintu- res est caractéristique. Ces derniers temps, il n’enlève jamais le béret qu’il a plaisir à porter du matin au soir, ni le tabac à chiquer qui lui gonfle la joue gauche. Été comme hiver, il porte ses pantalons, ses chaussettes et ses manches de chemise retroussés. Il est très solidement bâti. L’an dernier, il a pas mal vieilli. Il n’a accroché ces deux peintures que pour le temps de la photo ; d’ordinaire, les murs de sa cellule sont nus, à l’exception de trois ou quatre images tirées de revues illustrées. Devant lui se trouve une pile de ses œuvres, celles du haut ne sont pas encore fixées ; en bas, quatre volumes imposants. Tout en haut, deux rouleaux de papier sont superposés en croix : ce sont les trompettes avec lesquelles il fait sonner ses compositi- ons. Derrière lui, sur le sol, du papier vierge et des dessins non encore insérés. » Walter Morgenthaler, Ein Geisteskranker als Künstler. Adolf Wölfli, Berne 1921, p. 125s. 7
Biographie 1864 Wölfli, né le 29 février à Bowil, dans l’Emmental ( canton de Berne), est le cadet d’une famille de sept enfants. Son père, tailleur de pierre, est alcoolique. Adolf Wölfli grandit dans la misère. Vers 1870 Son père abandonne la famille. Sa mère gagne sa vie comme blanchisseuse. 1872 Wölfli et sa mère, malade, bénéficient de l’assistance aux indigents et sont relogés par les autorités bernoises dans leur commune d’origine, Schangnau. Ils sont séparés et placés chez des paysans pour lesquels ils travaillent. 1873 Mort de sa mère. 1873 – 1879 Forcé à travailler, Wölfli est hébergé chez différentes familles de paysans et vit dans des conditions très dif- ficiles et dégradantes. 1880 – 1890 Wölfli travaille comme valet de ferme et homme de main dans différents lieux des cantons de Berne et Neuchâtel. Une première relation amoureuse échoue pour des raisons sociales. Il connaît d’autres aventures amoureuses, qui échouent toutes en raison de sa pauvreté. 1890 Wölfli est arrêté pour tentative de viol sur une jeune fille de quatorze ans et une fillette de cinq ans et il est condamné à deux ans de prison. 8
1892 – 1895 Solitude et isolement social croissants. 1895 Wölfli est à nouveau arrêté pour tentative de viol sur une fillette de trois ans et demi. Il est admis à l’hôpital psychiatrique de Waldau, près de Berne, pour y faire examiner sa santé mentale. Diagnostic : schizophrénie. Wölfli est interné à la Waldau où il restera jusqu’à sa mort en 1930. 1899 Wölfli commence à dessiner à la Waldau. Aucune œuvre de cette période n’a été conservée. 1904 – 1906 Les premiers dessins conservés forment un groupe d’œuvres à part entière et se distinguent par la grande qualité du graphisme et la vision artistique qui s’y d éveloppe ( quelque 50 dessins au crayon de grand format sur 200 à 300, à l’origine). 1907 Le médecin et psychiatre Walter Morgenthaler arrive à la Waldau, où il travaille par intermittence jusqu’à la fin de 1919. Premiers dessins en couleur de Wölfli. 1908 – 1912 Wölfli commence à écrire sa première œuvre Von der Wiege bis zum Graab. Oder, Durch arbeiten und schwitzen, leiden und Drangsal, bettend zum Fluch. Manigfalltige Reisen, Abenteuer, Un-glücks-Fälle, Jagten, und sonstige Erlebnisse eines verirrten, auf dem gantzen Erdball herum. Oder, Ein Diener Gotes, ohne Kopf, ist ärmer als der ärmste Tropf ( environ 3000 pages ). Des dessins au crayon de couleur illustrent le texte. 9
1912 – 1916 Rédaction des Geographischen und allgebräischen Hefte ( environ 3000 pages ). Des images de musique et de nombres accompagnent le texte. À partir de 1916 Wöl- fli signe sous le nom de St. Adolphe II. 1916 Début de la production des dessins sur feuille volante, appelés « art gagne-pain », qui sont réalisés spéciale- ment pour la vente. 1917 – 1922 Rédaction des Hefte mit Liedern und Tänzen ( environ 7000 pages ). Premières œuvres de commande pour la Waldau. De petites collections des dessins de son « art gagne-pain » se constituent, notamment celles de médecins et d’artistes. 1921 Walter Morgenthaler publie Ein Geisteskranker als Künstler. Adolf Wölfli, sa célèbre monographie sur la vie et l’œuvre de Wölfli. À l’occasion de cette publica- tion, des dessins de Wölfli sont exposés pour la pre- mière fois dans des librairies à Berne, Bâle et Zurich. 1924 – 1928 Rédaction des Allbumm-Hefte mit Tänzen und Märschen ( environ 5000 pages ). 1928 – 1930 Rédaction de la Trauer-Marsch ( environ 8000 pages ). 1930 Le 6 novembre Adolf Wölfli meurt d’un cancer du pancréas. 10
1 Premiers dessins 1904 – 1907 Les tout premiers dessins conservés d’Adolf Wölfli remontent aux années 1904 à 1907. Mais d’après son dossier médical, il se serait mis à dessiner spontanément dès 1899. De cette première phase de son œuvre, il reste une cinquantaine de travaux, sur un total es- timé à 200 – 300 dessins. « A dessiné tout l’été avec assiduité et usé son crayon semaine après semaine, ses dessins ne ressemblent à rien, un fouillis inextricable de notes, de mots, de figures, il donne à chacune de ces feuilles des noms fantaisistes tels que cordes de trom- bone, enroulis-refuge, etc. » Dossier médical, 19.10.1902 Les premiers travaux forment un ensemble autonome de grande qualité graphique et force visionnaire, sur la base duquel se déve- loppe ensuite l’art de Wölfli. Dans ces travaux, on identifie déjà les éléments formels et thématiques qui s’imposeront pour établir la continuité de l’œuvre. Les principaux éléments structurants sont les portées, mais celles-ci n’accueillent pas encore de notes. Les scènes narratives sont insérées dans un riche décor ornemental entrecoupé de textes. Le dessinateur élargit ses compositions en passant d’une première feuille à deux ou quatre. Cela annonce déjà sa tendance à travailler en séries et son penchant pour la narration. Les dessins en noir et blanc sur papier journal non imprimé sont parfois signés : « Adolf Wölfli, compositeur de Schangnau ». Wölfli décrit alors ces travaux comme des « compositions musicales ». 11
Vers 1907, Wölfli passe à la couleur, qui va devenir un élément de conception déterminant, notamment pour les dessins qui figurent dans ses écrits. Cette nouvelle orientation a peut-être été inspirée par Morgenthaler. Le jeune médecin et psychiatre Walter Morgen- thaler a effectué un premier stage à la Waldau en 1907 en tant qu’interne. Il y retourne en tant que médecin assistant de 1908 à 1910, puis y travaille comme chef de clinique de 1913 à 1920. Morgenthaler accompagne et soutient le travail de Wölfli. En 1921, il publie une monographie sur la vie et l’œuvre de Wölfli, dont il est le témoin direct – un travail de pionnier dans le domaine de la psy- chopathologie et de l’art, qui est toujours d’actualité. Cet ouvrage porte un titre programmatique : Ein Geisteskranker als Künstler. ( Un malade mental artiste ). Pour la première fois, le patient est qualifié d’artiste et présenté avec son nom complet ( et non seule- ment avec ses initiales ). Description par Walter Morgenthaler, extraite de son ouvrage de 1921 Ein Geisteskranker als Künstler. Adolf Wölfli du dessin de Wölfli Leichenfeier. Seite 5., nommé Der Springbrunnen par Morgenthaler : « Le puissant jet d’eau qui monte retombe en un large rideau. Dans le bassin, entouré d’une clôture et d’un chemin, il y a, sur la droite, une anguille et une nasse ; et les deux extrémités e ffilées du bassin forment à leur tour une grosse tête de poisson, du fait que l’œil, la nageoire, etc. sont placés dans l’eau. Et troisièmement il y a aussi aux mêmes endroits, en plus de l’eau et des têtes de poisson, des oisillons que l’on repère à leurs yeux, plus petits, insérés dans des lignes ondulées qui entourent le grand œil du poisson. 12
Au bord du bassin se trouvent quatre arbres avec des drapeaux et des fanions, entre lesquels sont incrustées des créatures singulières ressemblant à des oiseaux ou des phoques ( surtout dans le fanion du troisième arbre ). L’arrière-plan est constitué d’un mur colossal, qui, dans ses parties supérieures, est percé de nombreuses portes, fenêtres, cheminées, niches, etc. – La partie inférieure est moins nette : au centre, un miroir ovale ( miroir de jeune fille ? ), une femme avec une poire au bout d’une ficelle, un homme également avec une pomme, différentes têtes, deux H, un plus grand, foncé, et en dessous une rangée de coupes blanches, assez petites. En bas, en guise de termin- aison horizontale, des portées vides ; en marge un motif avec des étoiles, dans les angles des têtes fantastiques, un croise- ment de têtes d’animaux et de têtes humaines, etc. Dans tout le tableau sont à nouveau insérés de nombreux petits oiseaux, escargots, têtes de poissons, etc. ( le jet de la fontaine, par exemple, est également divisé en oisillons ). Comme bande horizontale le «Glöggliring», plus bas des variations de celui-ci. De plus, une grande partie de l’image est recouverte de jeux de mots, de rimes et de rythmes qui n’ont aucun sens pour nous. » Walter Morgenthaler, Ein Geisteskranker als Künstler. Adolf Wölfli, Berne 1921, p. 119s. 13
2 Écrits et dessins 1908 – 1930 En 1908, Wölfli commence son œuvre narrative, l’œuvre de sa vie, sur laquelle il travaillera avec peu d’interruptions jusqu’à sa mort en 1930. En réalisant un tissage complexe de prose, de poésie, de tableaux de classification, de chiffres inventés, d’illustrations, de collages et de compositions musicales, il transforme son enfance en passé prestigieux et son avenir en utopie individuelle. « Dessine moins. En revanche, écrit maintenant des histoires, toutes sortes d’autobiographies affabulées contant ses multiples aventures dans les parties les plus diverses du monde – atta ques de brigands, naufrages, luttes avec des sauvages –, dans les villes il a visité des théâtres et assisté à des concerts, etc. » Dossier médical, 25.09.1908 L’ensemble des œuvres que nous laisse Wölfli se compose de cinq parties ; il comprend en tout 45 grands carnets reliés par ses soins ainsi que 16 cahiers totalisant plus de 25 000 pages. Wölfli conçoit chaque page comme une composition achevée dont l’élément por- teur est l’écriture manuscrite, qui se déploie à un rythme constant. La typographie fait ressortir certains mots et lettres dont les caractères sont grossis ou colorés. Des illustrations, qui complètent l’écrit par leur forme et leur contenu, viennent ici et là interrompre le texte. L’ensemble forme un tout, constitué de lettres décoratives, de bordures, de vignettes, de marges, de petites compositions au- tonomes ou même de dessins pleine page et de planches à rabats. 14
Plus de 1600 dessins et 1600 collages ont été intégrés aux 16 cahiers : ces travaux ( dessins et collages ) ont été détachés pour être montrés dans des expositions et sont présentés en tant qu’œuvres individu- elles depuis les années 1970. L’exposition organisée pour le Zentrum Paul Klee replace plus résolument ces dessins dans le contexte des livres. 3 Du berceau au tombeau 1908 – 1912 Cahiers n° 1, 2, 9, 3, 10, 17 ( 3a ), 4, 5 La première partie des écrits de Wölfli raconte la vie qu’il s’ima- gine avoir vécue sous la forme d’un récit de voyage « naturaliste » dans lequel fiction et réalité s’entremêlent. Ce livre comprend en tout 2970 pages de texte et 752 illustrations, qu’il a lui-même reliées en albums. Wölfli y réinterprète son enfance problématique en un récit glorieux ponctué d’aventures merveilleuses, de découvertes et de combats victorieux contre le danger. Ainsi débute une œuvre narrative qui comptera 25 000 pages et l’occupera jusqu’à sa mort. Ce récit tentaculaire est intitulé Du berceau au tombeau. Ou, par le travail et la sueur, la souffrance et la tribulation, implorant la malédic- tion. Les multiples voyages, aventures, malheurs, poursuites et autres expériences d’un être perdu, à travers le monde. Ou encore, Un serviteur de Dieu, sans tête, est plus pauvre que le plus pauvre des idiots ( Von der Wiege bis zum Graab. Oder, Durch arbeiten und schwitzen, leiden und Drangsal, bettend zum Fluch. Manigfalltige Reisen, Abenteuer, Un-glücks-Fälle, Jagten, und sonstige Erlebnisse eines verirrten, auf dem gantzen Erdball herum. Oder, Ein Diener Gotes, ohne Kopf, ist ärmer als der ärmste Tropf ). 15
Le récit prend la forme d’un carnet de voyages dont le héros est un garçon nommé « Doufi » ( diminutif bernois d’Adolf ). Avec sa famille, « Doufi » parcourt pour ainsi dire le monde entier. Les contrées qu’il traverse sont mesurées, codifiées et inventoriées au moyen de de- scriptions détaillées, d’indications de distances et de longues listes de villes, de montagnes, de rivières, d’îles et de caves, conformément à cette foi dans le progrès en vogue au tournant du siècle. Le texte combine prose, poésie et inventaires détaillés ; il est com- plété par des cartes colorées, des portraits et des illustrations d’événements tels que batailles, chutes et catastrophes. Dans ces dessins, nous trouvons à répétition le motif du « Vögeli » ( petit oiseau ), qui deviendra un élément important du vocabulaire for- mel de Wölfli. Dans ce petit oiseau on peut voir un protecteur de l’alter ego omniprésent de Wölfli ; il représente en même temps un symbole sexuel qui complète et remplit l’espace vide comme un élément de construction modulable. 4 Cahiers d’algèbre et de géographie 1912 – 1916 Cahiers n° 6, 7, 8, 11, 12, 13, 15 Si, dans Du berceau à la tombe, Adolf Wölfli réécrit le passé, c’est un avenir glorieux qu’il évoque dans ses Cahiers d’algèbre et de géographie ( Geographische und allgebräische Hefte ). Il s’approprie l’ensemble du globe et arpente ensuite le cosmos auquel il accède dès le cahier n° 11. L’histoire de la «Géante-Création de saint Adolphe » culmine le 23 juillet 1916 lorsque Wölfli s’autoproclame « saint Adolphe II » ( cahier n° 13 ). 16
Wölfli décrit à son neveu Rudolf comment faire naître la future «Géante-Création de saint Adolphe ». L’ensemble du globe doit être racheté, réorganisé, intégralement urbanisé pour qu’il puisse finalement se l’approprier entièrement en en modifiant le nom de manière systématique : Schangnau devient « la demeure de saint Adolphe », la Suisse « la forêt de saint Adolphe », l’océan est nommé « océan de saint Adolphe » et l’Afrique « le Sud de saint Adolphe ». Wölfli lui-même devient saint Adolphe et ses compagnons, « Com- pagnie de voyage des chasseurs et des naturalistes suisses », devient « l’avant-garde des voyages géants ». Les membres de cette « avant-garde » quittent ensuite le monde à bord de la « Banderole de voyages géants » ou du « Voyage du serpent éclair ou de la Corbeille de transport » et ils parcourent le cosmos. Comme la terre auparavant, c’est maintenant tout l’univers qui est mesuré, inventorié et renommé. Et puisque les nombres habituellement utilisés ne correspondent plus aux dimensions gigantesques de la future «Géante-Création de saint Adolphe », Wölfli en étend le système et y ajoute plusieurs unités : le « Quad- rilliarde » est désormais suivi de « Regonif, Sunif, Jeratif, Unitif, V idonis, Weratif, Hylotif, Ysantteron », et ainsi de suite. Dorénavant, le nombre le plus élevé aura pour nom « Zorn » ( colère ). Cette expansion spatiale s’accompagne de la croissance du « capital fortune de saint Adolphe », que Wölfli calcule, gère et augmente sous la forme de « calculs d’intérêts sur le capital » au-delà de l’an 2000. Ces calculs et tableaux font apparaître des images de chiffres qui, avec les partitions, constituent les nouveaux types d’illustrations qu’il développe. Partitions et images de chiffres symbolisent la p uissance, l’immensité et la beauté de la création du monde de Wölfli. 17
5 Cahiers de chants et de danses 1917 – 1922 Cahiers n° 15, 16, 17, 18, 19, 20 Dans ce récit tentaculaire de plus de 7000 pages, Wölfli chante et célèbre sa « Géante-Création de saint Adolphe » dans le style des marches, polkas et mazurkas. Il utilise pour cela différents t ypes de papier : papier d’emballage et papier magasin, nappes en p apier usagées, emballages en laine d’acier, affiches de casino, rapports médicaux, etc. Wölfli chante sa création dans des variations toujours renouvelées. Ses chants et danses se composent de rimes dialectales et phoné- tiques, ainsi que de solmisations, procédé par lequel les degrés d’une tonalité sont chantés sur certaines syllabes. Ils portent des prénoms de femmes : « Santta Ida », « Santta Lina » ou des noms inventés : « Kanaari », « Dalaari ». Certains reprennent les noms de personnes ou d’événements réels : « Dr. Morgenthaler Pollka », « Plébiscite Pollka » etc. La structure est un aspect important des cahiers de chants et de danses. Tandis que les écrits précédents étaient structurés par la narration continue et la pagination, les Cahiers de chansons et de danses ( Hefte mit Liedern und Tänzen ) ont leur propre système de numérotation, à partir duquel Wölfli élabore ses compositions musicales. Cette numérotation constitue l’élément porteur de la structure, d’autant plus que les textes se basent de moins en moins sur une continuité narrative. Les numéros des chants déter- minent la succession des différentes danses. 18
Cette vénération hymnique se caractérise par des compositions musicales, qui sont complétées par des illustrations découpées dans des revues que Wölfli utilise de plus en plus souvent à partir de 1915. Dans ces collages il reprend des motifs de son univers, sous une forme concentrée et toujours renouvelée. Partitions et collages offrent un panorama de la nouvelle création de Wölfli, de ses désirs et de ce monde dont il restera exclu, en tant que patient à la Waldau. 6 Art gagne-pain 1912 – 1930 Parallèlement à son œuvre narrative, Wölfli crée des dessins sur des feuilles volantes – d’abord de manière sporadique, puis réguliè- rement, à partir de 1916, en raison d’une demande croissante ; il les échange contre des crayons de couleur et du tabac ou les vend à des admirateurs et des collectionneurs. Walter Morgenthaler, psychiatre à la Waldau et mécène de Wölfli, a donc qualifié cet ensemble d’œuvres d’« art gagne-pain » ( Brotkunst). Sur les plus de 1000 dessins réalisés par Wölfli, environ 760 œuvres ont survécu jusqu’à ce jour. Il s’agit en général de dessins aux crayons de couleur, exception- nellement aussi de collages, que Wölfli a exécutés sur du papier à dessin sous forme de feuilles volantes. Au verso de chaque œuvre figurent des explications de l’artiste, qui établissent une relation avec la Géante-Création de saint Adolphe. Sur les plans de la forme et du contenu, ces travaux sont donc étroitement liés à ses écrits, mais plus simples dans leur conception. Cette structure picturale plus claire est aussi une concession au goût de sa clientèle, Wölfli ayant compris que cela lui permettait de mieux vendre ses dessins. 19
En raison d’une forte demande de « portraits », comme Wölfli ap- pelle lui-même les dessins sur feuilles volantes, il lui faut parfois faire appel à un assistant qui vient le seconder. Les revenus que Wölfli tire de ces ventes sont gérés par la maison de santé psychiatrique de Waldau, qui les utilise pour racheter du matériel de dessin. Les dessins sur feuilles volantes sont d’une grande importance pour la réception de l’œuvre de Wölfli. Alors que l’on ne découvre ses écrits, et donc l’étendue réelle de son univers mental, qu’en 1976, les feuilles volantes circulaient déjà publiquement de son vivant : d’abord dans un petit cercle d’amateurs, puis parmi les artistes ( Jean Dubuffet, André Breton, Arnulf Rainer et bien d’autres ), et depuis les années 1970 également dans les expositions et sur le marché de l’art. 7 Œuvres de commande Adolf Wölfi travaille sur commande à diverses occasions, créant ainsi des œuvres pour un usage public ou privé. Ces travaux sont une façon d’affirmer sa conscience d’artiste et montrent claire- ment que son travail s’adresse à un public. À la suite de la présentation de la psychiatrie suisse à l’Exposition nationale de 1914, Walter Morgenthaler conçoit un musée de la psychiatrie à la Waldau. Il charge Wölfli de décorer les armoires et les vitrines où seront exposées les pièces provenant de la collection Waldau. Actuellement, ces vitrines sont encore utilisées au Musée de la psychiatrie à Berne et sont accessibles au public. 20
Dans les années 1920, Adolf Wölfi décore également d’autres meubles pour Hermine Marti, une enseignante qui, en tant qu’ad- miratrice et mécène de son art, aura acquis jusqu’en 1930 une im- pressionnante collection d’œuvres, directement auprès de l’artiste. En 1922 c’est Oscar Forel, médecin à l’hôpital psychiatrique de Waldau, qui charge Wölfli de créer un paravent en quatre panne- aux, recouvert des deux côtés respectivement de 12 et 4 dessins ( aujourd’hui Collection de l’Art Brut, Lausanne ). Incité par Walter Morgenthaler, Adolf Wölfli réalise en 1926, pour la salle de conférence du nouveau bâtiment de la Waldau, la fresque Memorandumm ( 1,5 × 3 m ). Il y revient une fois encore, dans une sorte de rétrospective, sur la genèse de la « Géante-Création de saint Adolphe ». Pour des raisons de conservation, cet œuvre ne peut pas être présentées actuellement. 21
8 Marche funèbre 1928 – 1930 16 cahiers sans numéros La Marche funèbre ( Trauer-Marsch ) constitue la conclusion de l’œuvre poétique de Wölfli. Elle se compose de 16 cahiers de plus de 8300 pages de collages et de textes peu aérés. Le récit est remplacé par des sons et des rythmes et prend la forme d’un poème onomatopéique. La Marche funèbre n’a pu être achevée avant la mort de Wölfli, en 1930. « Je travaille depuis de longues années sur une marche funè- bre très belle et très forte qui comptera en tout 8850 magnifi- ques chants de marche. Et j’en ai déjà composé 7 150. Dans certaines parties y sont insérés de nombreux et beaux poèmes, énigmes, blagues et pièces d’un style enjoué : récits de voyage ! Récits de guerre et de chasse ! Ainsi qu’un nombre tout à fait respectable de belles images. Toute cette œuvre, une fois terminée, atteindra la somme irréprochable de 55 000 Francs. » Citation d’Adolf Wölfli 22
Sa Marche funèbre, Wölfli la conçoit comme son propre requiem, lequel se condense en un mantra captivant. Dans les « Chants de marche » qui s’y trouvent, la notation n’est plus basée sur la solmi- sation, comme dans les cahiers précédents, mais sur des structures phonétiques presque abstraites. Partant des mots clés de son univers, Wölfli développe une rime dialectale pour « Wiiga » ( mot dialectal pour berceau ). Cette rime dialectale est suivie d’une série de structures phonétiques qui riment avec les voyelles a, e, i, o, u. Chacune de ces structures phonétiques est séparée de la suivante par l’indication « 16.Cher:1 » que l’on peut interpréter comme une indication de mesure. La Marche funèbre ne contient plus que quelques dessins. Elle est illustrée par plus de 1000 collages, des images provenant de revues contemporaines. Lorsqu’on les parcourt, elles s’assemblent pour former un grand panorama qui reflète les visions de Wölfli et celles de toute une époque. Dans la Marche funèbre Wölfli convoque en mots et en images, une fois encore et de manière condensée, les thèmes centraux de sa création du monde et les relie à « Wiege » ( berceau ), mot qui se trouve au début de sa vie et de ses écrits. 23
Führungen und Samstag 29. Mai 2021 13:00 Sinn-Reich Begleitprogramm Eine alle Sinne ansprechende Führung für Gäste mit und Platzzahl beschränkt. ohne Behinderung. Mit Programmänderungen und Gebärdendolmetscherin und Einschränkungen vorbehalten induktiver Höranlage (siehe zpk.org) Sonntag 13. Juni 2021 15:00 Sonntags 12:00 L’Art Brut: Un art libre Öffentliche Führungen et affranchi des normes culturelles Dienstags 12:30 – 13:00 Führung im Gespräch zum Kunst am Mittag Begriff Art Brut des Künstlers Jean Dubuffet, mit Sarah Fremdsprachige Führungen Lombardi, Collection de l’Art Französisch, Englisch, Brut, Lausanne, und Fabienne Italienisch siehe zpk.org Eggelhöfer, Chefkuratorin Zentrum Paul Klee Montag 24. Mai 2021 14:00 / 16:00 Sonntag 20. Juni 2021 11:00 Un=glücks=fall=linien Wölflis Weltreise Märsche, Tänze und andere Eine Spoken-Word-Hommage Rituale von Adolf Wölfli inter- an den Künstler Adolf Wölfli pretiert von Meret Matter, von «Bern ist überall», mit Stimme, und Lucas Niggli, Musikbegleitung. In deutscher Schlagwerk und französischer Sprache Mittwoch 26. Mai 2021 14:00 Einführung für Lehrpersonen Mit Dominik Imhof, Leiter Kunstvermittlung 24
Donnerstag 24. Juni 2021 18:00 Sonntag 15. August 2021 17:00 Freunde ZPK «und 10 stük vom sommer» Führung für die Mitglieder der Das Ensemble Proton Bern «Freunde ZPK» mit dem Kurator spielt Kompositionen von Ezko Hilar Stadler sowie Experten und Kikoutchi, Annette Schmucki Expertinnen des Hauses und Walter Feldmann nach Wölflis «musikalischem Ansatz» Sonntag 27. Juni 2021 15:00 Kunst und Religion im Dialog Barbara Schmutz, Ökumene Bern Nord, im Dialog mit Dominik Imhof, Leiter Kunst- vermittlung Samstag 03. Juli 2021 14:00 – 19:00 Wölfli in aller Munde Gemeinschaftliche Nonstop- Lesung aus Adolf Wölflis Schriften. Alle sind eingeladen, mitzu-wirken und Wölflis Werk ihre Stimme zu verleihen. Weitere Informationen unter paulundich.ch 25
Kunstvermittlung Samstags 09:30 – 11:45 Kinderforum für Familien Kunst am Samstag für Kinder ab 7 Jahren zum Thema 21.05. – 15.08.21 «Welten erkunden» Interaktive Ausstellung «Kleines Universum» Kreativer Brückenschlag von den Ateliers des Kinder Publikation museum Creaviva in die Ausstellungen des Zentrum Neuauflage zum 100-Jahr- Paul Klee Jubiläum der Publikation von Walter Morgenthaler Dienstag bis Freitag 14:00 / 16:00 «Ein Geisteskranker als Künst- Samstags und sonntags ler», Hrsg. Adolf Wölfli-Stiftung, 12:00 / 14:00 / 16:00 mit Beiträgen von Magaly Tornay Offenes Atelier im Kinder und Hilar Stadler, 186 Seiten, museum Creaviva ca. 20 Abb., Verlag der Buch- Stündige Workshops zu einem handlung Walther und Franz monatlich wechselnden Thema König, Köln 2021 in Verbindung zu den Ausstel- lungen im Zentrum Paul Klee Sonntags 10:15 – 11:30 Familienmorgen In der Ausstellung und im Atelier des Kindermuseum Creaviva für die ganze Familie 26
Weitere 01. – 19.06.21 Der Wolf ist los Veranstaltungen Plakatausstellung auf dem in Bern Bahnhofplatz Bern mit Werken von Künstlerinnen und Künst- 20.05.21 – 26.02.22 lern des Ateliers Rohling, Fragmente Creahm Fribourg, der Kunst Das Schweizerische Psychia werkstatt Waldau Bern und des trie-Museum Bern präsentiert Psychiatriezentrums Münsingen Deckenmalereien aus Wölflis Weitere Informationen: Zelle sowie Werke seiner Kol- derwolfistlos.kulturpunkt.ch leginnen und Kollegen Weitere Informationen: Mittwoch 09. Juni 2021 18:30 psychiatrie-museum.ch Offene Kirche Bern – Heiliggeistkirche Samstag 19. Juni 2021 Weg vom Rand. Neues Interesse Schweizerisches an «Outsider»-Kunst? Psychiatrie-Museum Bern Öffentliches Podium im Originalschauplätze R ahmen von «Der Wolf ist los». 14:00 Führung mit Andreas Einführung Katrin Luchsinger, Altorfer, Leiter Psychiatrie- Kunsthistorikerin, mit Gästen Museum Bern, an Wölflis aus Kunst und Kultur Werk- und Lebensstätte in der Psychiatrischen Heilanstalt Waldau 16:00 Buchvernissage und Lesung Neuauflage von Walter Morgenthalers «Ein Geistes- kranker als Künstler» ( 1921). Lesung mit Ariane von Graffenried 27
Avec le soutien de Ruth & Arthur Scherbarth Stiftung Le Zentrum Paul Klee est accessible à tous et propose des manifestations inclusives. Zentrum Paul Klee Monument im Fruchtland 3 3006 Bern Tel +41 (0)31 359 01 01 info@zpk.org www.zpk.org Horaires dʼouverture Mardi – Dimanche 10:00 –17:00 Vous nous trouvez aussi sur Fondée par Maurice E. et Martha Müller et les héritiers de Paul Klee
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