Guide d'accompagnement d'un partenariat CRD-CSSS - Implantation d'une offre de services intégrés en dépendance et santé mentale
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CENTRE LE VIRAGE Guide d’accompagnement d’un partenariat CRD-CSSS - Implantation d’une offre de services intégrés en dépendance et santé mentale Inspiré du Programme
2 Coordination des travaux et soutien à la rédaction Guy Dufresne, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage Michel Proulx, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage Élisabeth Hamel, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher Dr Pierre Tétreault, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher Rédaction Guy Vermette, Services de consultation Marijan Collaboration à la rédaction Karine Bertrand, Université de Sherbrooke Jean Côté, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage Lesley Hill, CSSS Pierre-De Saurel Kevin Johnson, Centre d’études en transformation des organisations — CETO, HEC Suzanne L. Kennedy, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher Michel Landry, Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances Nicole Lemire, Consultante, NDL inc Anne Pangaud, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage Johanne Roy, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher Collaboration à l’édition Hélène Dolbec, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage Hélène Lafrenière, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage Mélanie Jolin, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage Édition CRD Le Virage et CSSS Pierre-Boucher Le présent document s’adresse spécifiquement aux gestionnaires du réseau québécois de la santé et des services sociaux et est accessible en version électronique à l’adresse : www.levirage.qc.ca dans la section Actualités www.santemonteregie.qc.ca/cssspierreboucher/apropos/csss-pb/index.fr.html à la section documentation en référant au titre dans le moteur de recherche. Le genre masculin utilisé désigne aussi bien les femmes que les hommes. Référence suggérée : Centre de réadaptation en dépendance Le Virage et Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher, 2012. Guide d’accompagnement d’un partenariat CRD-CSSS - Implantation d’une offre de services intégrés en dépendance et santé mentale, Longueuil, 46 p. Dépôt légal Bibliothèque et Archives Nationales du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISBN : 978-2-9810609-1-4 (version électronique) • 978-2-9810609-2-1 (version imprimée) © CRD Le Virage et CSSS Pierre-Boucher, 2012
3 REMERCIEMENTS La production du présent guide est le fruit d’une étroite collaboration de nombreuses personnes. Nous tenons ainsi à remercier monsieur Michel Proulx du Centre de réadaptation en dépendance (CRD) Le Virage ainsi que madame Élisabeth Hamel et Dr Pierre Tétreault du Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte (PSMDIA) du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) Pierre-Boucher. Ces personnes ont assumé la coordination des travaux en plus de contribuer à la révision du document. Nous remercions également les membres du comité de lecture, soit mesdames Karine Bertrand de l’Université de Sherbrooke, Lesley Hill du CSSS Pierre-De Saurel, Suzanne L. Kennedy et Johanne Roy du programme SMDIA du CSSS Pierre-Boucher, Anne Pangaud du CRD Le Virage et Nicole Lemire, consultante, ainsi que messieurs Jean Côté du CRD Le Virage, Kevin Johnson du Centre d’études en transformation des organisations (CETO) de l’École des hautes études commerciales (HEC) et Michel Landry du Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances (CDC−IUD). Ces personnes ont mis à contribution leurs expertises dans les domaines des pratiques cliniques et de gestion, de la recherche sur les troubles concomitants ou du changement organisationnel permettant ainsi d’enrichir le contenu et l’attrait que représente un tel guide pour les centres de réadaptation en dépendance et les centres de santé et de services sociaux. Nous remercions monsieur Guy Vermette, chargé de projet, qui a rédigé le présent document en étroite collaboration avec les membres du comité de lecture ainsi que mesdames Hélène Dolbec, Hélène Lafrenière et Mélanie Jolin du CRD Le Virage pour le travail de révision du texte et de mise en page du document. Un tel guide n’aurait jamais vu le jour sans l’intérêt des gestionnaires de programme et d’intervenants du CRD Le Virage et du programme SMDIA du CSSS Pierre- Boucher qui ont initié un ambitieux projet de changement des pratiques cliniques et de gestion qui porte maintenant le nom de programme MOSAIC. Ce projet visait à accroître l’accès, la continuité et la qualité des services à des personnes qui présentent ou qui sont à risque de présenter un trouble concomitant de dépendance et de santé mentale. Nous les remercions tous pour ce qu’ils représentent comme source d’inspiration et comme apport à une amélioration de l’offre de service en troubles concomitants. Nous remercions également monsieur Guy Dufresne, directeur général du CRD Le Virage, et madame Caroline Barbir, anciennement directrice générale du CSSS Pierre-Boucher, qui ont appuyé ce projet à toutes les étapes de sa réalisation. Finalement, nous remercions l’Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie qui a financé la production du présent guide dans la perspective de faciliter la mise en place de projets de partenariat entre un centre de réadaptation en dépendance et un centre de santé et de services sociaux en Montérégie bien sûr, mais également dans les autres régions du Québec.
4 AVANT-PROPOS L’objectif premier de cette publication est de rendre disponible un document qui comporte les informations les plus pertinentes et utiles pour faciliter la planification, l’implantation, la consolidation et l’évaluation d’un partenariat entre un centre de réadaptation en dépendance et un centre de santé et de services sociaux en matière de prévention et du traitement des troubles concomitants. Le programme MOSAIC, mis en place par le CRD Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher, sert d’assise expérientielle à la production de ce guide, appuyé de données issues de la littérature scientifique. Ce programme, qui s’adresse à une clientèle adulte, a obtenu en 2011 des prix d’excellence du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (ACRDQ) pour le partenariat développé ainsi qu’une mention d’excellence de l’Association québécoise d’ établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) pour le volet « Accessibilité et continuité des services ». La première section du guide présente les caractéristiques des personnes aux prises avec un trouble de dépendance et de santé mentale ainsi que leurs besoins de service. Les sections 2 et 3 abordent successivement les motifs pour un CRD et un CSSS de travailler ensemble ainsi que ce que signifie de travailler en partenariat dans un tel rapprochement. La section 4 décrit l’expérience vécue par le CRD Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher dans le cadre du programme MOSAIC. Les sections 5 et 6 portent sur les stratégies à privilégier pour planifier et implanter un partenariat entre un CRD et un CSSS pour mieux venir en aide aux personnes qui présentent, ou qui sont à risque de présenter, un trouble concomitant de dépendance et de santé mentale. La section 7 porte sur l’appréciation du changement et de l’attente des résultats alors que la section 8 sur les conditions pour assurer la pérennité du changement. Le guide se termine par une dernière section soulignant certains pièges à éviter ou à contrer dans cette démarche de rapprochement et de travail intégré. Le présent guide est un document de référence et de consultation. Le lecteur est invité à disposer de son contenu non pas comme un livre de recettes, mais bien comme une série de points de repère pour orienter la réflexion et l’action, afin d’initier et de nourrir le changement dans le cadre d’un projet de partenariat entre un CRD et un CSSS. Nous espérons qu’il sera mis à contribution dans le respect du principe que le changement s’exerce toujours dans un contexte singulier. Les organisations, les équipes et les individus sont tous différents, tant dans leurs dynamiques propres que dans les structures, les modes de fonctionnement et les collaborations qui sont mis en place. Tout changement doit ainsi partir de ce constat, sachant que la mobilisation requise des effectifs découle rarement d’un simple processus de planification ou d’une exportation d’un projet à succès. Nous souhaitons que les différents contenus de ce guide soient des plus utiles pour mieux répondre aux nombreux besoins d’aide et d’accompagnement des personnes qui présentent, ou qui sont à risque de présenter, un trouble concomitant de dépendance et de santé mentale. Selon nous, le changement de pratique attendu est celui qui améliore au quotidien le fonctionnement et la qualité de vie de l’usager et qui donne un sens accru à l’intervenant dans son travail en équipe.
5 Table des matières Définition des acronymes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 n Section 6 Les stratégies à privilégier pour implanter Définition de quelques concepts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 le partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 • Personnaliser les collaborations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 n Section 1 • Susciter le changement des pratiques par la formation Les personnes aux prises avec un trouble de dépendance et le soutien professionnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 et de santé mentale et les besoins de service. . . . . . . . . . . 7 • Partager des outils qui facilitent l’intégration des services. 26 • Une réalité qui est bien présente dans la population . . . . . . 7 • Élaborer une trajectoire qui rend compte de • Une réalité qui demande à être comprise. . . . . . . . . . . . . . . . 7 l’intégration des services. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 • Une réalité qui induit une détresse pour laquelle la • Contaminer positivement les équipes. . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 personne demande à être entendue et accompagnée. . . . . 7 • Assurer un suivi de gestion à la fois rigoureux et flexible . . 28 • Une réalité qui pose un problème d’accès à des • Respecter les étapes du changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 services spécialisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 • Une réalité qui est fréquente dans les services de n Section 7 dépendance et de santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 L’appréciation du changement et de l’atteinte • Une réalité qui amène une organisation de services des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 tenant compte des niveaux de gravité . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 • Se doter d’un cadre d’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 • Une réalité qui demande de travailler ensemble pour • Identifier des indicateurs du changement et en assurer favoriser de meilleurs résultats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 le suivi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 • Reconnaître le travail des acteurs du changement. . . . . . . . 32 n Section 2 • Diffuser l’information sur le déploiement du changement Les motifs pour un CRD et un CSSS de travailler et sa valeur ajoutée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 ensemble. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 • Une limite, une impasse ou une impuissance dans ses n Section 8 interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Quelques conditions pour assurer la pérennité du • Un souci de bonifier l’offre de services en dépendance changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 et en santé mentale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 • S’assurer que le changement est légitime et reconnu. . . . . 34 • Une mise à profit des variables associées à l’efficacité . . . . 11 • Identifier des gestionnaires responsables d’assurer la • Une attente d’accroître la performance du système . . . . . . 11 pérennité du changement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 • Enchâsser le changement dans une entente de n Section 3 collaboration ou de service. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Ce que signifie travailler en partenariat. . . . . . . . . . . . . . . 13 • Poursuivre l’exercice d’un bilan pour assurer l’intégration du changement ainsi que son amélioration sur une base continue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 n Section 4 Une source d’inspiration : le programme MOSAIC et n Section 9 le continuum de services dans lequel il s’inscrit. . . . . . . . . 14 Certains pièges à éviter ou à contrer. . . . . . . . . . . . . . . . . 36 • L’historique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 • La dilution dans les priorités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 • Les clientèles visées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 • La remise dans le temps. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 • Les objectifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 • Le qu’en dira-t-on et la rumeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 • Le contenu du programme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 • Le « prendre comme acquis ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 • La structure d’encadrement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 • La suffisance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 • Les réalisations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 • Les « guerres de chapelles ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 • L’isolement dans la pratique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 n Section 5 • Le manque de gestion de la confidentialité. . . . . . . . . . . . . 37 Les stratégies à privilégier pour planifier le partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 • Se rapprocher et assumer un positionnement stratégique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 • Conduire un état de situation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 • S’inspirer des organisations qui réussissent le n Annexe 1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Arbre de décision pour conduire les activités de repérage • Se donner un lieu d’échange, de réflexion et de décision et de détection d’un problème de consommation d’alcool spécifique au projet de partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 ou de drogues dans les services de 1re ligne du Programme • Développer une vision commune sur des concepts-clés. . . 22 santé mentale et déficience intellectuelle adulte du CSSS • Choisir un certain nombre d’actions à entreprendre en Pierre-Boucher premier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 • Se doter d’un contexte favorisant l’engagement des n Annexe 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 acteurs dans le changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Variantes de l’intervention intégrée selon la nature des troubles
6 Définition des acronymes ACRDQ Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (appellation antérieure de l’association : FQCRPAT - Fédération québécoise des entres de réadaptation pour personnes alcooliques et autres toxicomanes) AQESSS Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux ASSSM Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie CAMH Centre for Addiction and Mental Health CDC-IUD Centre Dollard-Cormier — Institut universitaire sur les dépendances CDNO Concurrent Disorders Ontario Network CETO Centre d’études en transformation des organisations COCE Co-Occurring Center for Excellence CRD Centre de réadaptation en dépendance CSSS Centre de santé et de services sociaux HEC Hautes Études Commerciales INSPQ Institut national de santé publique du Québec IPCDC Initiative sur le partage des connaissances et le développement des compétences LEGG — ASSSM Laboratoire d’expérimentation en gestion et en gouvernance de l’Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec NICE National Institute for Health and Clinical Excellence PSMDIA Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte RISQ Recherche et intervention sur les substances psychoactives – Québec SAMHSA Substance Abuse and Mental Health Services Administration SMDIA Santé mentale et déficience intellectuelle adulte Substance psychoactive (SPA) Produit consommé, inhalé ou injecté qui a pour propriété de Définition de stimuler, déprimer ou perturber le système nerveux central ainsi que d’altérer l’état de conscience d’une personne. quelques concepts Abus Mode d’utilisation inadéquat d’une substance psychoactive ou d’un jeu de hasard et d’argent, conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative, Trouble de santé mentale au cours d’une période de 12 mois sans toutefois que les Dans le présent document, réfère à un problème de santé symptômes n’aient jamais atteint les critères de la dépendance mentale dont la gravité des symptômes est cliniquement (APA, 1996). significative. On réfère ici, principalement à un diagnostic de troubles psychotiques, de la personnalité, de l’humeur ou Dépendance anxieux. Mode d’utilisation inadapté d’une substance psychoactive ou d’un jeu de hasard et d’argent, conduisant à une altération du Trouble concomitant fonctionnement ou une souffrance cliniquement significative, Dans le présent document, réfère à la présence simultanée à un moment quelconque d’une période continue de 12 mois d’un abus ou d’une dépendance ainsi que d’un problème ou (APA, 1996). d’un trouble de santé mentale. Problème de santé mentale Usager Dans le présent document, réfère à une détresse Est utilisé comme terme générique pour désigner une psychologique ainsi qu’à une gravité de symptômes associés personne qui reçoit des services de santé ou de services (psychologiques, affectifs, physiques ou relationnels) qui sociaux. Il inclut le terme de « client », appellation fréquente ne sont pas cliniquement significatives pour convenir de la en CRD, et de « patient » largement utilisé dans les services de présence d’un diagnostic de trouble de santé mentale. santé mentale en CSSS.
7 n SECTION 1 LES PERSONNES AUX PRISES AVEC UN TROUBLE DE DÉPENDANCE ET DE SANTÉ MENTALE ET LES BESOINS DE SERVICE Une réalité présente dans la population En 2002, Santé Canada estimait à 20 % le nombre de Canadiens qui seront atteints d’un trouble de santé mentale au cours de leur vie. Le taux de prévalence d’abus ou de dépendance aux substances psychoactives est estimé de manière conservatrice à 5,2 % en référence à certaines études conduites et rapportées par Tremblay et collaborateurs (2007). À la lumière de la documentation relative à la « découverte » des troubles concomitants, Rush et Nadeau (2012, sous presse) soulignent qu’à l’ensemble de la population, la majorité des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et des troubles liés aux substances ne présente pas de troubles concomitants. Au Québec, le terme « trouble concomitant » renvoie à « toute Pour ces mêmes auteurs, ce constat global ne doit pas combinaison de troubles liés à l’utilisation d’une substance ou faire perdre de vue que les personnes ayant un trouble de à la pratique du jeu et de troubles mentaux tels que définis santé mentale présentent nettement plus de risques que par l’Association psychiatrique américaine dans le Manuel la population générale de développer un trouble lié aux diagnostique et statistique des troubles mentaux — DSM IV- substances au cours de leur vie, l’inverse étant également vrai. TR » (APA, 1996 tiré de FQCRPAT, 2005). Cette définition, qui Les taux de comorbidité se situent entre 20 et 40 % chez les inclut la manifestation simultanée de différentes combinaisons personnes alcooliques et entre 30 et 50 % chez les personnes de troubles atteignant un seuil clinique, représente également toxicomanes (Kessler et al., 1996, cité dans Rush et Nadeau, la position d’acteurs majeurs sur la scène canadienne (CDNO, 2012 sous presse) 2005). Une récente publication dans le domaine des troubles Du côté des personnes présentant un trouble de santé concomitants (Fillion-Bilodeau, Nadeau et Landry, 2012, mentale, Fleury et collaborateurs (2012) précisent que les sous presse) souligne le fait que cette définition, basée sur taux de prévalence sont plus élevés lorsqu’il s’agit de sous- un seuil diagnostique, a pour effet d’exclure les personnes populations. À cet effet, ils rapportent que l’Epidemiological qui présentent des problèmes du même ordre sans Catchment Area Study (Regier et coll., 1990) montre que le atteindre toutefois un tel seuil clinique. Conséquemment, taux à vie de l’abus d’alcool et de drogue était de 47 % chez la concomitance serait beaucoup plus vaste dans ses la population atteinte de schizophrénie, de 56 % chez celle manifestations et serait vue sur un continuum de gravité. Cette avec des troubles bipolaires et de 30 % chez celle souffrant de vision plus élargie de la concomitance vient en nuancer et troubles anxieux ou de l’humeur. complexifier davantage la représentation. Une réalité qui demande à être comprise Une réalité qui induit une détresse La trajectoire de vie d’une personne est une aventure propre pour laquelle la personne demande à à chacun, au cours de laquelle elle tente de se définir et de trouver sa place dans un effort continu d’adaptation à être entendue et accompagnée soi-même, à autrui, ainsi qu’à son environnement. Cette La personne qui présente un trouble concomitant vit très singularité des parcours s’explique par la multitude des fréquemment une détresse psychologique. Elle présente des variables (ex. : biologiques, psychologiques, sociales, etc.) besoins qui lui sont spécifiques et tributaires d’une plus grande qui viennent influencer le comportement humain dans ses complexité des problèmes vécus. Le personnel en centre de différentes manifestations. Dans le cours de ces trajectoires, crise ou en service d’urgence est à même de constater que des personnes peuvent en venir à vivre certaines vulnérabilités le désir d’être aidé relève souvent d’un besoin à court terme ainsi que différents problèmes de santé, dont un trouble de de réduire cette détresse, et la souffrance qui l’accompagne, dépendance et/ou de santé mentale. plutôt que d’initier une démarche de changement qui amènera la personne vers une amélioration durable de son état de santé physique et psychologique. Il y a une nécessité de bien comprendre la nature, les liens et la gravité des problèmes en présence ainsi qu’à Dans ce contexte, Rush et Nadeau (2012 sous presse) en saisir le sens dans la trajectoire et le contexte de vie de rapportent certaines études qui montrent l’importance des chaque personne. problèmes d’attitude et de stigmatisation sociale à l’égard de la clientèle qui présente des troubles concomitants. Ces
8 problèmes nuisent à l’accessibilité et à la qualité optimale des fonctionnement entretenant ainsi le syndrome de « la porte soins à offrir à ces personnes en plus d’affecter à la baisse leur tournante ». Ce syndrome favorise le maintien d’une certaine motivation. Le rapport du Comité consultatif de la Stratégie sur chronicité en lien avec la problématique vécue. la santé mentale et le traitement des dépendances (2012) fait L’accès à des services spécialisés et adaptés est d’autant de la réduction de cette stigmatisation une de ces principales plus requis que ces personnes vivent une combinaison plus recommandations pour améliorer l’offre de service auprès de complexe qu’auparavant de troubles physiques, mentaux et cette population. sociaux (MSSS, 2007), en plus de présenter également un risque Par ailleurs, la littérature sur l’efficacité du traitement montre accru de se retrouver en situation d’itinérance (MSSS, 2006). De qu’aucune approche ne se démarque clairement comme étant plus, ne pas repérer et traiter ces personnes accroît les risques supérieure à une autre pour venir en aide aux personnes qui de morbidité et de mortalité (SAMHSA, 2006a, vol 2). présentent des troubles de dépendance et de santé mentale (Joly et coll., 2012, sous presse). Les déterminants d’une Un premier accès à des services spécialisés et adaptés efficacité sont nombreux et leur importance relative est encore s’avère un problème majeur pour les personnes qui difficile à circonscrire. De façon générale, on peut cependant présentent un trouble concomitant. affirmer que le traitement améliore la condition des usagers, peu importe leur état initial et l’approche utilisée (Joly et coll., 2012, sous presse). Il est cependant reconnu que les Ce problème d’accès à des services spécialisés est illustré par de caractéristiques individuelles de la personne ainsi que la qualité récentes données épidémiologiques d’une enquête nationale du lien thérapeutique s’avèrent d’importants déterminants américaine (SAMHSA, 2008). Cette dernière montre que parmi de cette efficacité. Les principales caractéristiques de cette les personnes âgées de 18 ans et plus qui présentaient une alliance ont été rapportées par Nadeau (2010) : importante détresse psychologique et un problème d’abus ou de dépendance aux substances psychoactives au cours des • un rapport émotionnel qui invite à l’accueil et à la confiance; 12 derniers mois précédant l’enquête, environ la moitié (53 %) • un accommodement aux buts de la personne; d’entre elles n’avait reçu aucun traitement pour leurs troubles • une aide et des outils qui ont de la valeur aux yeux de concomitants. l’intervenant; Il se peut que ce problème d’accès soit en partie lié au constat • une capacité de transmettre l’espoir en misant sur les forces que les troubles concomitants demeurent peu dépistés (MSSS, de la personne; 2006), bien que les intervenants de première ligne seraient • un propos qui dit « j’aime vraiment faire ce que je fais » et en position privilégiée pour repérer ces troubles (Agency for « j’aime travailler avec vous »; Healthcare Research and Quality, 2005). • l’importance d’une communauté de valeurs tant dans la Mais ce problème découle également du fait que la plupart représentation de la détresse que dans l’organisation des des centres de traitement en dépendance sont peu organisés services et le développement des collaborations. pour traiter adéquatement la concomitance de troubles De telles caractéristiques valorisant le rôle crucial du lien (SAMHSA, 2002); la situation ne diffère pas au Québec (MSSS, thérapeutique montrent également l’importance accordée 2006). Les organisations reconnaissent que les services actuels à aider l’usager à se donner ou se redonner du pouvoir ne tiennent pas suffisamment compte des besoins particuliers (empowerment) dans la conduite de sa vie. de cette clientèle et des enjeux reliés à son traitement (FQCRPAT, 2005). Une réalité qui pose un problème d’accès à des services spécialisés Une réalité qui est fréquente dans les services de dépendance et de santé mentale Les personnes qui présentent des troubles concomitants de dépendance et de santé mentale ont davantage recours aux Paradoxalement, le problème d’accessibilité à des services services de santé (Fillion-Bilodeau, Nadeau et Landry, 2012, spécialisés pour une majorité des personnes qui présente sous presse). Pour les auteurs, c’est le cumul de détresse un trouble concomitant n’empêche pas que la minorité des psychologique, telle qu’elle se mesure par des troubles usagers qui réussit à y avoir accès s’y retrouve en grande concomitants, qui amènent les personnes à utiliser des services. proportion. En effet, l’ACRDQ (2010a) rapporte qu’au moins En l’absence de corridor de service ou de fonction de liaison 50 % de la clientèle des CRD présente un trouble concomitant ainsi que de services adaptés à la concomitance de troubles, plus ou moins sévère de dépendance et de santé mentale. ces personnes sont grandement à risque de se retrouver en La présence de troubles concomitants constituerait la règle, rupture de service. Elles sont susceptibles de se présenter dans et non l’exception, dans ces établissements (Rush et Nadeau, les services d’urgence en état d’intoxication aiguë ou avec un 2012, sous presse). Les taux se situeraient dans la plupart état mental déstabilisé. Elles sont susceptibles d’être traitées des cas entre 60 et 70 %. Lorsque les sous-populations de la pour des problèmes de santé physique, souvent associés à clientèle sont pris en compte, il s’avère que ces personnes leur problème d’abus ou de dépendance, sans toutefois que présenteraient principalement des troubles anxieux et de ces derniers trouvent une réponse cliniquement adaptée. l’humeur ou un trouble de personnalité. Une faible proportion vivrait une schizophrénie ou un trouble bipolaire. Plusieurs obtiennent rapidement un congé de l’urgence ou d’une unité de soins après une stabilisation de leur condition Lorsqu’il s’agit des personnes qui s’adressent aux services de physique et que leur situation ait été jugée non critique sur santé mentale pour bénéficier d’un traitement et d’un soutien, le plan médical. Ce congé survient sans que leurs besoins les mêmes auteurs rapportent, à l’inverse, que la présence psychosociaux et de santé soient évalués et que des services de troubles concomitants est l’exception plutôt que la règle. adéquats leur soient offerts. Il s’en suit une perspective de se Cependant, dans certaines sous-populations (troubles graves) retrouver à nouveau dans les services d’urgence lors d’une et de certains types de service (i.e. suivi intensif dans le milieu— prochaine intoxication aiguë ou de désorganisation de leur SIM, suivi d’intensité variable—SIV, services de deuxième
9 ligne en santé mentale et services internes de psychiatrie) la puissent accéder facilement à un système de services et de présence d’un trouble concomitant s’avère très fréquente. Les soutien, peu importe la porte d’entrée. Cette disposition troubles graves sont alors fortement associés à un plus grand intègre ainsi l’approche No Wrong Door grandement valorisée risque de développer des problèmes de toxicomanie (Levin et auprès de clientèles très vulnérables telles que les personnes Hennessy, 2004, dans Fleury et collaborateurs, 2012). présentant un trouble concomitant (SAMHSA, 2006b) et celles se retrouvant en situation d’itinérance (MSSS, 2008a). Selon les auteurs, une deuxième composante majeure de cette Une réalité qui amène une approche est que le système en place soit structuré de manière à faciliter les transitions entre les paliers selon la nature et la organisation de services tenant gravité des problèmes vécus par l’usager. compte des niveaux de gravité Le secteur du traitement des troubles concomitants de dépendance et de santé mentale est en grande effervescence Une réalité qui demande de travailler depuis quelques années pour fixer les balises et les approches ensemble pour favoriser de meilleurs à privilégier pour le traitement des troubles concomitants graves. Le COCE de l’organisme SAMHSA des États-Unis résultats (http://coce.samhsa.gov/) s’avère l’instance de référence en L’absence ou le manque d’intervention intégrée est aussi un matière de données probantes sur le sujet. problème important pour les personnes qui réussissent à Il y a cependant un manque de données probantes sur le plan recevoir des services de dépendance et/ou de santé mentale. de l’orientation à donner au traitement concomitant lorsqu’il L’enquête nationale de 2010 de SAMHSA (2012) montre s’agit de troubles moins graves (SAMHSA, 2005). Il se dégage que parmi les personnes qui présentaient des troubles alors de la littérature scientifique une recommandation de concomitants graves, 64 % ont reçu des services en santé prendre en compte des approches éprouvées dans chacun mentale ou en dépendance au cours des 12 derniers mois : des secteurs d’intervention (dépendance et santé mentale) 45 % d’entre elles avaient reçu seulement des services en pour orienter les interventions. Pour les données probantes santé mentale; 4,3 % avaient reçu seulement des services en relatives au traitement en santé mentale, le National Institute dépendance et seulement 14,5 % avaient reçu des services for Health and Clinical Excellence (NICE) au Royaume-Uni en santé mentale et en dépendance. Bien que cette dernière s’avère également un organisme de référence incontournable proportion soit faible, elle l’était davantage (10,5 %) lors de (http://www.nice.org.uk/). l’enquête de 2007 (SAMHSA, 2008). Ce dernier constat s’explique en partie par le fait que les Une approche par paliers est proposée pour moduler services spécialisés de dépendance et de santé mentale ont l’organisation des services. très souvent fonctionné en silo, utilisant l’argument qu’il fallait Le constat relatif au manque de robustesse des données que les personnes présentant un trouble concomitant règlent probantes pour le traitement des personnes présentant un leur problème de toxicomanie, avant d’être aidées dans les trouble concomitant moins grave est important. Il renforce services de santé mentale; l’argument inverse était entretenu l’intérêt d’en venir à disposer d’un cadre d’analyse qui inclurait dans le secteur des dépendances. On reconnaît aujourd’hui, ces données permettant ainsi de concevoir une réponse pour que le traitement des troubles concomitants de dépendance satisfaire la condition et les besoins des personnes, selon le et de santé mentale, par le recours à des systèmes de soins niveau de gravité de leurs troubles. séparés (en silo) et mal coordonnés, donne de piètres résultats (Santé Canada, 2002). Dans cette perspective, une approche par palier est proposée pour moduler l’organisation des services, selon l’acuité, la Les piètres résultats d’un fonctionnement en silo chronicité et la complexité des problèmes présentés, dans invitent à un changement majeur de mentalité chez les une gamme de services répartis sur un continuum allant de intervenants en dépendance et en santé mentale ainsi la promotion/prévention aux services surspécialisés (National qu’à un important changement de pratique. Treatment Strategy Working Group, 2008 ; Rush et Nadeau, 2012, sous presse). Ainsi, une gravité croissante des problèmes Dans cette perspective, le Plan d’action en santé mentale 2005- amène un degré croissant de spécialisation. Pour Rush et 2010 (MSSS, 2004) et l’Offre de service en dépendance 2007- Nadeau (2012, sous presse), une première composante 2012 (MSSS, 2007) soulignent l’importance de développer majeure d’une telle approche est que les usagers présentant des interfaces entre les services de dépendance et de santé une plus grande gravité de problèmes, ainsi que leurs familles, mentale, afin que les personnes aient accès aux services requis par leur condition. Devant la mise en preuve récente de plusieurs variables organisationnelles contribuant à la compréhension de l’efficacité du traitement (Tremblay et coll., 2010), Brochu et ses collaborateurs (2012) avancent l’idée d’une « alliance organisationnelle », en référence à l’alliance thérapeutique, qui représenterait un facteur déterminant pour expliquer l’intégration des services dans les différents modèles d’organisation de services en dépendance. Pour les auteurs, cette alliance reposerait sur l’établissement d’une véritable collaboration entre intervenants, tant à l’intérieur de la même organisation que dans des organisations différentes. Cette forme d’alliance n’est pas étrangère à la façon de définir le partenariat dans le présent document.
10 n SECTION 2 LES MOTIFS POUR UN CRD ET UN CSSS DE TRAVAILLER ENSEMBLE Une limite, une impasse ou une impuissance dans ses interventions Les intervenants en dépendance et en santé mentale occupent leur champ de pratique respectif avec un grand souci d’être à l’écoute des besoins de la clientèle. Très souvent, leur formation et leur expérience contribuent à ce qu’ils développent un sens élevé de leur responsabilité professionnelle avec un besoin de se sentir utiles et efficaces dans leur intervention. Ils exercent leur fonction dans un domaine spécifique d’expertise et avec une certaine autonomie professionnelle qui contribue à rendre plus saillant ce sentiment de responsabilité. L’intervention clinique comporte un défi proportionnel à l’acuité, à la complexité et à la chronicité des problèmes vécus par la clientèle présentant un trouble concomitant. Ces attributs mettent à risque un intervenant d’être confronté à ses limites dans ses pratiques individuelles. Les états de situation Les principaux motifs susceptibles d’amener un CRD et un conduits au CRD Le Virage et au programme SMDIA du CSSS CSSS à travailler ensemble, reposent avant tout sur une Pierre-Boucher ont documenté le besoin des intervenants de volonté et un engagement de répondre le mieux possible à la bénéficier de la contribution de l’un et de l’autre. population, dans l’exercice de leur mandat respectif. Devant la souffrance d’une personne, faire ensemble Tel que souligné dans la section 1, les personnes qui présentent devient un impératif. ou qui sont à risque de présenter un trouble concomitant de dépendance et de santé mentale vivent des situations difficiles Les limites d’un intervenant peuvent être une opportunité et se retrouvent dans des conditions physiques, psychologiques pour mettre à profit les capacités d’un autre intervenant. Il est souhaitable que ce partage se crée avant que s’installe un et sociales pouvant requérir des soins et services variés de sentiment d’impuissance, car ce dernier fait souvent obstacle première, de deuxième et même de troisième ligne. à l’ouverture d’une collaboration par crainte d’être perçu Deux des caractéristiques présentées introduisent en soi comme incompétent. une nécessité de travailler ensemble. Il en est de même des personnes qui présentent fréquemment des troubles concomitants dans les services en dépendance et dans Un souci de bonifier l’offre de services les services de 2e ligne en santé mentale, comme de la en dépendance et en santé mentale recommandation formulée par les experts d’intervenir de Les CRD du Québec sont engagés depuis quelques années manière intégrée pour venir en aide à celles qui présentent un dans un exercice de normalisation de leur offre de service. Cette telle concomitance de troubles. démarche se fait dans le respect des orientations ministérielles Pour donner suite à cette centration clientèle, d’autres motifs (MSSS, 2007) et dans le souci que toutes les régions du de travailler ensemble sont à identifier dans chacun des Québec puissent disposer de services de base permettant établissements sur les plans des orientations, de l’organisation de répondre aux besoins diversifiés de services spécialisés des services ainsi que des pratiques cliniques et de gestion. formulés par les personnes en demande d’aide. L’offre de service en dépendance du MSSS identifie les personnes aux L’expérience de partenariat conduite à ce jour entre le CRD prises avec des troubles concomitants de dépendance et de Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher ainsi que les indications santé mentale comme une clientèle prioritaire. fournies dans la littérature scientifique permettent d’identifier Par ailleurs, la Loi sur les services de santé et les services les principaux motifs suivants qui amènent également un CRD sociaux (L.R.Q., c. S-4.2) confie aux CSSS la responsabilité et un CSSS à travailler ensemble : d’assurer l’accessibilité des services les plus complets • une limite, une impasse ou une impuissance dans ses possibles, la prise en charge et l’accompagnement des interventions; personnes dans leur réseau local de services respectifs. Cette responsabilité est assumée dans le respect du principe de • un souci de bonifier l’offre de service en dépendance et en hiérarchisation des services visant à assurer à la personne le santé mentale; bon service, au bon moment, au bon endroit et en mettant à profit les expertises appropriées. Dans ce contexte, les CSSS • une mise à profit des variables associées à l’efficacité; du Québec planifient et implantent un projet clinique couvrant • une attente d’accroître la performance du système. plusieurs problématiques dont celles en santé mentale et en
11 dépendance. Les CRD sont alors un partenaire incontournable l’usager, de son entourage et de son milieu de vie. en ce qui a trait aux services spécialisés en dépendance. Un autre attrait de cette publication aux fins de la mise à profit Le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 (MSSS, 2005) du présent guide porte sur la prise en compte de dimensions invitait les CSSS à convenir du type de collaboration à organisationnelles reliées à l’efficacité des traitements (ex. : établir pour venir en aide aux personnes qui présentent, ou grosseur et culture des organisations, mode de gestion, qui sont à risque de présenter un problème d’abus ou de charge de travail, clarté des politiques, soutien, climat de dépendance, sachant les fortes prévalences observées de travail, flexibilité dans les prises de décisions, niveau de troubles concomitants dans certains milieux cliniques de ces décentralisation, cohérence, processus d’amélioration deux secteurs d’intervention. continue de la qualité). Du côté de la littérature portant sur les troubles de santé Le repérage systématique et l’intervention précoce mentale, les indications relatives à l’efficacité des traitements représentent un important maillon dans l’intégration des portent particulièrement sur la nature et la gravité des troubles services en dépendance (Simoneau, 2012). et la hiérarchisation des soins. Un tel modèle de référence est Les CRD et les CSSS se réfèrent à l’offre de service en également utilisé dans le traitement des troubles concomitants. dépendance du MSSS (2007) pour circonscrire les rôles et Deux récentes publications québécoises font le point sur le responsabilités dévolus à chacun. Elle couvre l’ensemble du traitement des troubles concomitants (Nadeau et Landry, continuum de services allant de la promotion/prévention à la 2012, sous presse) et l’intégration des services en toxicomanie réinsertion sociale post-traitement. Ce continuum de services (Landry, Brochu et Patenaude, 2012). demande des interfaces entre ces deux types d’établissement Le concept d’approches éprouvées est donc rapporté avec pour assurer l’accessibilité et la continuité des services avec beaucoup de nuances. Les directions, les gestionnaires sur un souci d’efficience, de complémentarité et de qualité. Le le terrain ainsi que les intervenants en CRD et en CSSS sont continuum de services en dépendance requiert également des ainsi invités à prendre connaissance des principaux constats de interfaces avec des actions de santé publique offertes dans telles publications phares, pour orienter plus spécifiquement la communauté aux personnes dépendantes pour prévenir leur programmation clinique et tenter de mieux répondre aux certains problèmes de santé (ex. : ITSS). personnes présentant ou à risque de présenter un trouble La bonification de l’offre de service en dépendance déborde concomitant de dépendance et de santé mentale. les mandats respectifs des CRD et des CSSS. Les organismes La contribution des approches éprouvées doit permettre communautaires investis auprès de ces clientèles assument le maintien de suffisamment d’ouverture et de flexibilité également un rôle important en aidant ces dernières dans pour expérimenter de nouvelles pratiques cliniques et leur démarche d’acquérir et de maintenir un fonctionnement de gestion. personnel et social satisfaisant. Il en est de même de partenaires intersectoriels (ex. : éducation, emploi et solidarité Le développement d’une offre de service conjointe entre un sociale, justice), qui représentent des acteurs de premier plan CRD et un CSSS représente, à l’ensemble du Québec, des dans leurs secteurs d’intervention respectifs. gains potentiels importants en termes de coûts financiers, Ainsi, l’offre de service en dépendance est appelée à se bonifier sociaux et humains. À cet effet, la littérature indique qu’un par une mise en réseau beaucoup plus large permettant dollar investi dans le traitement en dépendance permet d’accueillir, d’aider et d’accompagner une personne en tenant d’économiser 7 $ en matière de services relatifs aux compte de l’ensemble de ses besoins. Cette mise en réseau dysfonctionnements physique, psychologique ou social d’une est d’autant importante que la réinsertion d’une personne à personne dépendante (SAMHSA, 2006b). Il n’est pas exagéré sa communauté demeure un facteur essentiel de protection. alors de parler d’investissement rentable. De plus, le comité consultatif de la Stratégie sur la santé mentale et le traitement des dépendances (2012) a souligné récemment que de plus en Une mise à profit des variables plus de données probantes indiquent que le coût croissant des problèmes non traités, ou sous-traités, de santé mentale et de associées à l’efficacité dépendance est insoutenable pour la société. Les orientations nationales et régionales proposent l’intégration des approches éprouvées (ou best practices) dans les programmations offertes aux clientèles en dépendance et Une attente d’accroître la en santé mentale. Dans ce contexte, les CRD et les CSSS sont invités à se référer à des approches éprouvées pour optimiser performance du système les possibilités que les clientèles qu’ils desservent bénéficient La performance est au cœur du développement des CRD le mieux possible des interventions offertes. Pour ce faire, la et des CSSS. Elle l’est sur les plans de l’imputabilité et de la recherche a rendu disponible un champ de connaissances des reddition de comptes dans le cadre des ententes de gestion plus pertinents au cours des dix dernières années. avec les agences de la santé et des services sociaux. Elle l’est En dépendance, une référence incontournable s’avère également pour les caractères stimulants et mobilisateurs la publication récente d’une recension des écrits sur les stimulant et mobilisateur que peut comporter le fait d’œuvrer meilleures pratiques en réadaptation auprès des adultes dans un système de soins et de services, qui nourrit une alcooliques ou toxicomanes (Tremblay et coll., 2010). Les démarche continue d’amélioration de la qualité, dans le souci approches éprouvées, reconnues comme efficaces, sont mises de répondre le mieux possible aux besoins des personnes en contexte avec un nombre important d’autres variables demandant de l’aide. à prendre en compte lorsqu’il est question de convenir de Fleury et ses collaborateurs (2012) soulignent que les lacunes la nature des services à offrir. Ces variables portent sur les d’intégration des services sont au cœur des enjeux des systèmes caractéristiques du cadre d’intervention, de l’organisation des sociosanitaires, expliquant en partie leur sous-performance services, du lien thérapeutique, de l’intervenant ainsi que de et contribuant à diminuer la qualité des services offerts à la
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