Guide d'accompagnement d'un partenariat CRD-CSSS - Implantation d'une offre de services intégrés en dépendance et santé mentale

 
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Guide d'accompagnement d'un partenariat CRD-CSSS - Implantation d'une offre de services intégrés en dépendance et santé mentale
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               LE VIRAGE

Guide d’accompagnement
d’un partenariat CRD-CSSS
- Implantation d’une offre de services
  intégrés en dépendance et santé mentale

                 Inspiré du Programme
Guide d'accompagnement d'un partenariat CRD-CSSS - Implantation d'une offre de services intégrés en dépendance et santé mentale
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    Coordination des travaux et soutien à la rédaction
    Guy Dufresne, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
    Michel Proulx, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
    Élisabeth Hamel, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher
    Dr Pierre Tétreault, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher

    Rédaction
    Guy Vermette, Services de consultation Marijan

    Collaboration à la rédaction
    Karine Bertrand, Université de Sherbrooke
    Jean Côté, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
    Lesley Hill, CSSS Pierre-De Saurel
    Kevin Johnson, Centre d’études en transformation des organisations — CETO, HEC
    Suzanne L. Kennedy, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher
    Michel Landry, Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances
    Nicole Lemire, Consultante, NDL inc
    Anne Pangaud, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
    Johanne Roy, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher

    Collaboration à l’édition
    Hélène Dolbec, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
    Hélène Lafrenière, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
    Mélanie Jolin, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage

    Édition
    CRD Le Virage et CSSS Pierre-Boucher
    Le présent document s’adresse spécifiquement aux gestionnaires du réseau québécois de la santé et des services sociaux et est
    accessible en version électronique à l’adresse :
       www.levirage.qc.ca dans la section Actualités
       www.santemonteregie.qc.ca/cssspierreboucher/apropos/csss-pb/index.fr.html
       à la section documentation en référant au titre dans le moteur de recherche.
    Le genre masculin utilisé désigne aussi bien les femmes que les hommes.
    Référence suggérée :
      Centre de réadaptation en dépendance Le Virage et Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher, 2012. Guide
      d’accompagnement d’un partenariat CRD-CSSS - Implantation d’une offre de services intégrés en dépendance et santé
      mentale, Longueuil, 46 p.

    Dépôt légal
    Bibliothèque et Archives Nationales du Québec
    Bibliothèque nationale du Canada
    ISBN : 978-2-9810609-1-4 (version électronique) • 978-2-9810609-2-1 (version imprimée)

    © CRD Le Virage et CSSS Pierre-Boucher, 2012
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REMERCIEMENTS
La production du présent guide est le fruit d’une étroite collaboration de nombreuses
personnes. Nous tenons ainsi à remercier monsieur Michel Proulx du Centre de réadaptation
en dépendance (CRD) Le Virage ainsi que madame Élisabeth Hamel et Dr Pierre Tétreault du
Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte (PSMDIA) du Centre de santé et de
services sociaux (CSSS) Pierre-Boucher. Ces personnes ont assumé la coordination des travaux
en plus de contribuer à la révision du document.

Nous remercions également les membres du comité de lecture, soit mesdames Karine Bertrand
de l’Université de Sherbrooke, Lesley Hill du CSSS Pierre-De Saurel, Suzanne L. Kennedy et
Johanne Roy du programme SMDIA du CSSS Pierre-Boucher, Anne Pangaud du CRD Le Virage
et Nicole Lemire, consultante, ainsi que messieurs Jean Côté du CRD Le Virage, Kevin Johnson
du Centre d’études en transformation des organisations (CETO) de l’École des hautes études
commerciales (HEC) et Michel Landry du Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur
les dépendances (CDC−IUD). Ces personnes ont mis à contribution leurs expertises dans les
domaines des pratiques cliniques et de gestion, de la recherche sur les troubles concomitants
             ou du changement organisationnel permettant ainsi d’enrichir le contenu et l’attrait
             que représente un tel guide pour les centres de réadaptation en dépendance et les
             centres de santé et de services sociaux.

            Nous remercions monsieur Guy Vermette, chargé de projet, qui a rédigé le présent
            document en étroite collaboration avec les membres du comité de lecture ainsi que
            mesdames Hélène Dolbec, Hélène Lafrenière et Mélanie Jolin du CRD Le Virage
            pour le travail de révision du texte et de mise en page du document.

            Un tel guide n’aurait jamais vu le jour sans l’intérêt des gestionnaires de programme
            et d’intervenants du CRD Le Virage et du programme SMDIA du CSSS Pierre-
            Boucher qui ont initié un ambitieux projet de changement des pratiques cliniques
            et de gestion qui porte maintenant le nom de programme MOSAIC. Ce projet
            visait à accroître l’accès, la continuité et la qualité des services à des personnes qui
            présentent ou qui sont à risque de présenter un trouble concomitant de dépendance
            et de santé mentale. Nous les remercions tous pour ce qu’ils représentent comme
            source d’inspiration et comme apport à une amélioration de l’offre de service
            en troubles concomitants. Nous remercions également monsieur Guy Dufresne,
            directeur général du CRD Le Virage, et madame Caroline Barbir, anciennement
            directrice générale du CSSS Pierre-Boucher, qui ont appuyé ce projet à toutes les
            étapes de sa réalisation.

            Finalement, nous remercions l’Agence de la santé et des services sociaux de la
            Montérégie qui a financé la production du présent guide dans la perspective de
            faciliter la mise en place de projets de partenariat entre un centre de réadaptation
            en dépendance et un centre de santé et de services sociaux en Montérégie bien
            sûr, mais également dans les autres régions du Québec.
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    AVANT-PROPOS
    L’objectif premier de cette publication est de rendre disponible un document qui comporte
    les informations les plus pertinentes et utiles pour faciliter la planification, l’implantation, la
    consolidation et l’évaluation d’un partenariat entre un centre de réadaptation en dépendance
    et un centre de santé et de services sociaux en matière de prévention et du traitement des
    troubles concomitants.

    Le programme MOSAIC, mis en place par le CRD Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher, sert
    d’assise expérientielle à la production de ce guide, appuyé de données issues de la littérature
    scientifique. Ce programme, qui s’adresse à une clientèle adulte, a obtenu en 2011 des prix
    d’excellence du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et de l’Association des
    centres de réadaptation en dépendance du Québec (ACRDQ) pour le partenariat développé
    ainsi qu’une mention d’excellence de l’Association québécoise d’ établissements de santé et de
    services sociaux (AQESSS) pour le volet « Accessibilité et continuité des services ».

    La première section du guide présente les caractéristiques des personnes aux prises avec un
    trouble de dépendance et de santé mentale ainsi que leurs besoins de service. Les sections 2 et
    3 abordent successivement les motifs pour un CRD et un CSSS de travailler ensemble ainsi que
    ce que signifie de travailler en partenariat dans un tel rapprochement.

    La section 4 décrit l’expérience vécue par le CRD Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher dans
    le cadre du programme MOSAIC. Les sections 5 et 6 portent sur les stratégies à privilégier
    pour planifier et implanter un partenariat entre un CRD et un CSSS pour mieux venir en aide
    aux personnes qui présentent, ou qui sont à risque de présenter, un trouble concomitant de
    dépendance et de santé mentale.

    La section 7 porte sur l’appréciation du changement et de l’attente des résultats alors que la
    section 8 sur les conditions pour assurer la pérennité du changement. Le guide se termine par
    une dernière section soulignant certains pièges à éviter ou à contrer dans cette démarche de
    rapprochement et de travail intégré.

    Le présent guide est un document de référence et de consultation. Le lecteur est invité à
    disposer de son contenu non pas comme un livre de recettes, mais bien comme une série de
    points de repère pour orienter la réflexion et l’action, afin d’initier et de nourrir le changement
    dans le cadre d’un projet de partenariat entre un CRD et un CSSS.

    Nous espérons qu’il sera mis à contribution dans le respect du principe que le changement
    s’exerce toujours dans un contexte singulier. Les organisations, les équipes et les individus
    sont tous différents, tant dans leurs dynamiques propres que dans les structures, les modes de
    fonctionnement et les collaborations qui sont mis en place. Tout changement doit ainsi partir
    de ce constat, sachant que la mobilisation requise des effectifs découle rarement d’un simple
    processus de planification ou d’une exportation d’un projet à succès.

    Nous souhaitons que les différents contenus de ce guide soient des plus utiles pour mieux
    répondre aux nombreux besoins d’aide et d’accompagnement des personnes qui présentent,
    ou qui sont à risque de présenter, un trouble concomitant de dépendance et de santé mentale.

              Selon nous, le changement de pratique attendu est celui qui améliore au
              quotidien le fonctionnement et la qualité de vie de l’usager et qui donne un
              sens accru à l’intervenant dans son travail en équipe.
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Table des matières
Définition des acronymes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6                       n Section 6
                                                                                                      Les stratégies à privilégier pour implanter
Définition de quelques concepts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6                            le partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
                                                                                                      • Personnaliser les collaborations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  25
n Section 1                                                                                           • Susciter le changement des pratiques par la formation
Les personnes aux prises avec un trouble de dépendance                                                  et le soutien professionnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  25
et de santé mentale et les besoins de service. . . . . . . . . . . 7                                  • Partager des outils qui facilitent l’intégration des services.  26
• Une réalité qui est bien présente dans la population . . . . . .  7                                 • Élaborer une trajectoire qui rend compte de
• Une réalité qui demande à être comprise. . . . . . . . . . . . . . . .  7                             l’intégration des services. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
• Une réalité qui induit une détresse pour laquelle la                                                • Contaminer positivement les équipes. . . . . . . . . . . . . . . . . .  27
  personne demande à être entendue et accompagnée. . . . .  7                                         • Assurer un suivi de gestion à la fois rigoureux et flexible . .  28
• Une réalité qui pose un problème d’accès à des                                                      • Respecter les étapes du changement. . . . . . . . . . . . . . . . . .  28
  services spécialisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  8
• Une réalité qui est fréquente dans les services de                                                  n Section 7
  dépendance et de santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  8                       L’appréciation du changement et de l’atteinte
• Une réalité qui amène une organisation de services                                                  des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
  tenant compte des niveaux de gravité . . . . . . . . . . . . . . . . . .  9                         • Se doter d’un cadre d’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  30
• Une réalité qui demande de travailler ensemble pour                                                 • Identifier des indicateurs du changement et en assurer
  favoriser de meilleurs résultats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  9                  le suivi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  31
                                                                                                      • Reconnaître le travail des acteurs du changement. . . . . . . .  32
n Section 2                                                                                           • Diffuser l’information sur le déploiement du changement
Les motifs pour un CRD et un CSSS de travailler                                                         et sa valeur ajoutée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  33
ensemble. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
• Une limite, une impasse ou une impuissance dans ses                                                 n Section 8
  interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  10      Quelques conditions pour assurer la pérennité du
• Un souci de bonifier l’offre de services en dépendance                                              changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
  et en santé mentale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  10            • S’assurer que le changement est légitime et reconnu. . . . .  34
• Une mise à profit des variables associées à l’efficacité . . . .  11                                • Identifier des gestionnaires responsables d’assurer la
• Une attente d’accroître la performance du système . . . . . .  11                                     pérennité du changement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  34
                                                                                                      • Enchâsser le changement dans une entente de
n Section 3                                                                                             collaboration ou de service. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Ce que signifie travailler en partenariat. . . . . . . . . . . . . . . 13                             • Poursuivre l’exercice d’un bilan pour assurer
                                                                                                        l’intégration du changement ainsi que son
                                                                                                        amélioration sur une base continue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  35
n Section 4
Une source d’inspiration : le programme MOSAIC et                                                     n Section 9
le continuum de services dans lequel il s’inscrit. . . . . . . . . 14
                                                                                                      Certains pièges à éviter ou à contrer. . . . . . . . . . . . . . . . . 36
•   L’historique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  14   •   La dilution dans les priorités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  36
•   Les clientèles visées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  14        •   La remise dans le temps. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  36
•   Les objectifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  14    •   Le qu’en dira-t-on et la rumeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  36
•   Le contenu du programme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  15                  •   Le « prendre comme acquis ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  36
•   La structure d’encadrement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  17                 •   La suffisance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  36
•   Les réalisations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  18     •   Les « guerres de chapelles ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  37
                                                                                                      •   L’isolement dans la pratique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  37
n Section 5                                                                                           •   Le manque de gestion de la confidentialité. . . . . . . . . . . . .  37
Les stratégies à privilégier pour planifier le
partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21               Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
• Se rapprocher et assumer un positionnement
  stratégique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  21      Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
• Conduire un état de situation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  21
• S’inspirer des organisations qui réussissent le                                                     n Annexe 1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
  changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  22         Arbre de décision pour conduire les activités de repérage
• Se donner un lieu d’échange, de réflexion et de décision                                            et de détection d’un problème de consommation d’alcool
  spécifique au projet de partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  22                      ou de drogues dans les services de 1re ligne du Programme
• Développer une vision commune sur des concepts-clés. . .  22                                        santé mentale et déficience intellectuelle adulte du CSSS
• Choisir un certain nombre d’actions à entreprendre en                                               Pierre-Boucher
  premier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  23
• Se doter d’un contexte favorisant l’engagement des                                                  n Annexe 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
  acteurs dans le changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  24                   Variantes de l’intervention intégrée selon la nature des troubles
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6

    Définition des acronymes
      ACRDQ                      Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (appellation antérieure de
                                 l’association : FQCRPAT - Fédération québécoise des entres de réadaptation pour personnes
                                 alcooliques et autres toxicomanes)
      AQESSS                     Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux
      ASSSM                      Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie
      CAMH                       Centre for Addiction and Mental Health
      CDC-IUD                    Centre Dollard-Cormier — Institut universitaire sur les dépendances
      CDNO                       Concurrent Disorders Ontario Network
      CETO                       Centre d’études en transformation des organisations
      COCE                       Co-Occurring Center for Excellence
      CRD                        Centre de réadaptation en dépendance
      CSSS                       Centre de santé et de services sociaux
      HEC                        Hautes Études Commerciales
      INSPQ                      Institut national de santé publique du Québec
      IPCDC                      Initiative sur le partage des connaissances et le développement des compétences
      LEGG — ASSSM               Laboratoire d’expérimentation en gestion et en gouvernance de l’Agence de la santé et des
                                 services sociaux de la Montérégie
      MSSS                       Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec
      NICE                       National Institute for Health and Clinical Excellence
      PSMDIA                     Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte
      RISQ                       Recherche et intervention sur les substances psychoactives – Québec
      SAMHSA                     Substance Abuse and Mental Health Services Administration
      SMDIA                      Santé mentale et déficience intellectuelle adulte

    Substance psychoactive (SPA)
    Produit consommé, inhalé ou injecté qui a pour propriété de
                                                                                              Définition de
    stimuler, déprimer ou perturber le système nerveux central
    ainsi que d’altérer l’état de conscience d’une personne.
                                                                                         quelques concepts
    Abus
    Mode d’utilisation inadéquat d’une substance psychoactive ou
    d’un jeu de hasard et d’argent, conduisant à une altération du
    fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative,        Trouble de santé mentale
    au cours d’une période de 12 mois sans toutefois que les              Dans le présent document, réfère à un problème de santé
    symptômes n’aient jamais atteint les critères de la dépendance        mentale dont la gravité des symptômes est cliniquement
    (APA, 1996).                                                          significative. On réfère ici, principalement à un diagnostic de
                                                                          troubles psychotiques, de la personnalité, de l’humeur ou
    Dépendance                                                            anxieux.
    Mode d’utilisation inadapté d’une substance psychoactive ou
    d’un jeu de hasard et d’argent, conduisant à une altération du        Trouble concomitant
    fonctionnement ou une souffrance cliniquement significative,          Dans le présent document, réfère à la présence simultanée
    à un moment quelconque d’une période continue de 12 mois              d’un abus ou d’une dépendance ainsi que d’un problème ou
    (APA, 1996).                                                          d’un trouble de santé mentale.

    Problème de santé mentale                                             Usager
    Dans le présent document, réfère à une détresse                       Est utilisé comme terme générique pour désigner une
    psychologique ainsi qu’à une gravité de symptômes associés            personne qui reçoit des services de santé ou de services
    (psychologiques, affectifs, physiques ou relationnels) qui            sociaux. Il inclut le terme de « client », appellation fréquente
    ne sont pas cliniquement significatives pour convenir de la           en CRD, et de «  patient » largement utilisé dans les services de
    présence d’un diagnostic de trouble de santé mentale.                 santé mentale en CSSS.
Guide d'accompagnement d'un partenariat CRD-CSSS - Implantation d'une offre de services intégrés en dépendance et santé mentale
7

n SECTION 1
     LES PERSONNES AUX PRISES AVEC UN TROUBLE DE DÉPENDANCE
     ET DE SANTÉ MENTALE ET LES BESOINS DE SERVICE

Une réalité présente dans la
population
En 2002, Santé Canada estimait à 20 % le nombre de Canadiens
qui seront atteints d’un trouble de santé mentale au cours de
leur vie. Le taux de prévalence d’abus ou de dépendance aux
substances psychoactives est estimé de manière conservatrice
à 5,2 % en référence à certaines études conduites et rapportées
par Tremblay et collaborateurs (2007).
À la lumière de la documentation relative à la « découverte »
des troubles concomitants, Rush et Nadeau (2012, sous presse)
soulignent qu’à l’ensemble de la population, la majorité des
personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et
des troubles liés aux substances ne présente pas de troubles
concomitants.                                                      Au Québec, le terme «  trouble concomitant  » renvoie à « toute
Pour ces mêmes auteurs, ce constat global ne doit pas              combinaison de troubles liés à l’utilisation d’une substance ou
faire perdre de vue que les personnes ayant un trouble de          à la pratique du jeu et de troubles mentaux tels que définis
santé mentale présentent nettement plus de risques que             par l’Association psychiatrique américaine dans le Manuel
la population générale de développer un trouble lié aux            diagnostique et statistique des troubles mentaux — DSM IV-
substances au cours de leur vie, l’inverse étant également vrai.   TR » (APA, 1996 tiré de FQCRPAT, 2005). Cette définition, qui
Les taux de comorbidité se situent entre 20 et 40 % chez les       inclut la manifestation simultanée de différentes combinaisons
personnes alcooliques et entre 30 et 50 % chez les personnes       de troubles atteignant un seuil clinique, représente également
toxicomanes (Kessler et al., 1996, cité dans Rush et Nadeau,       la position d’acteurs majeurs sur la scène canadienne (CDNO,
2012 sous presse)                                                  2005).
                                                                   Une récente publication dans le domaine des troubles
Du côté des personnes présentant un trouble de santé
                                                                   concomitants (Fillion-Bilodeau, Nadeau et Landry, 2012,
mentale, Fleury et collaborateurs (2012) précisent que les
                                                                   sous presse) souligne le fait que cette définition, basée sur
taux de prévalence sont plus élevés lorsqu’il s’agit de sous-
                                                                   un seuil diagnostique, a pour effet d’exclure les personnes
populations. À cet effet, ils rapportent que l’Epidemiological
                                                                   qui présentent des problèmes du même ordre sans
Catchment Area Study (Regier et coll., 1990) montre que le
                                                                   atteindre toutefois un tel seuil clinique. Conséquemment,
taux à vie de l’abus d’alcool et de drogue était de 47 % chez
                                                                   la concomitance serait beaucoup plus vaste dans ses
la population atteinte de schizophrénie, de 56 % chez celle
                                                                   manifestations et serait vue sur un continuum de gravité. Cette
avec des troubles bipolaires et de 30 % chez celle souffrant de    vision plus élargie de la concomitance vient en nuancer et
troubles anxieux ou de l’humeur.                                   complexifier davantage la représentation.

Une réalité qui demande à être comprise                            Une réalité qui induit une détresse
La trajectoire de vie d’une personne est une aventure propre       pour laquelle la personne demande à
à chacun, au cours de laquelle elle tente de se définir et
de trouver sa place dans un effort continu d’adaptation à
                                                                   être entendue et accompagnée
soi-même, à autrui, ainsi qu’à son environnement. Cette            La personne qui présente un trouble concomitant vit très
singularité des parcours s’explique par la multitude des           fréquemment une détresse psychologique. Elle présente des
variables (ex. : biologiques, psychologiques, sociales, etc.)      besoins qui lui sont spécifiques et tributaires d’une plus grande
qui viennent influencer le comportement humain dans ses            complexité des problèmes vécus. Le personnel en centre de
différentes manifestations. Dans le cours de ces trajectoires,     crise ou en service d’urgence est à même de constater que
des personnes peuvent en venir à vivre certaines vulnérabilités    le désir d’être aidé relève souvent d’un besoin à court terme
ainsi que différents problèmes de santé, dont un trouble de        de réduire cette détresse, et la souffrance qui l’accompagne,
dépendance et/ou de santé mentale.                                 plutôt que d’initier une démarche de changement qui amènera
                                                                   la personne vers une amélioration durable de son état de santé
                                                                   physique et psychologique.
  Il y a une nécessité de bien comprendre la nature, les
  liens et la gravité des problèmes en présence ainsi qu’à         Dans ce contexte, Rush et Nadeau (2012 sous presse)
  en saisir le sens dans la trajectoire et le contexte de vie de   rapportent certaines études qui montrent l’importance des
  chaque personne.                                                 problèmes d’attitude et de stigmatisation sociale à l’égard
                                                                   de la clientèle qui présente des troubles concomitants. Ces
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8

    problèmes nuisent à l’accessibilité et à la qualité optimale des     fonctionnement entretenant ainsi le syndrome de « la porte
    soins à offrir à ces personnes en plus d’affecter à la baisse leur   tournante ». Ce syndrome favorise le maintien d’une certaine
    motivation. Le rapport du Comité consultatif de la Stratégie sur     chronicité en lien avec la problématique vécue.
    la santé mentale et le traitement des dépendances (2012) fait
                                                                         L’accès à des services spécialisés et adaptés est d’autant
    de la réduction de cette stigmatisation une de ces principales
                                                                         plus requis que ces personnes vivent une combinaison plus
    recommandations pour améliorer l’offre de service auprès de
                                                                         complexe qu’auparavant de troubles physiques, mentaux et
    cette population.
                                                                         sociaux (MSSS, 2007), en plus de présenter également un risque
    Par ailleurs, la littérature sur l’efficacité du traitement montre   accru de se retrouver en situation d’itinérance (MSSS, 2006). De
    qu’aucune approche ne se démarque clairement comme étant             plus, ne pas repérer et traiter ces personnes accroît les risques
    supérieure à une autre pour venir en aide aux personnes qui          de morbidité et de mortalité (SAMHSA, 2006a, vol  2).
    présentent des troubles de dépendance et de santé mentale
    (Joly et coll., 2012, sous presse). Les déterminants d’une             Un premier accès à des services spécialisés et adaptés
    efficacité sont nombreux et leur importance relative est encore        s’avère un problème majeur pour les personnes qui
    difficile à circonscrire. De façon générale, on peut cependant         présentent un trouble concomitant.
    affirmer que le traitement améliore la condition des usagers,
    peu importe leur état initial et l’approche utilisée (Joly et
    coll., 2012, sous presse). Il est cependant reconnu que les          Ce problème d’accès à des services spécialisés est illustré par de
    caractéristiques individuelles de la personne ainsi que la qualité   récentes données épidémiologiques d’une enquête nationale
    du lien thérapeutique s’avèrent d’importants déterminants            américaine (SAMHSA, 2008). Cette dernière montre que parmi
    de cette efficacité. Les principales caractéristiques de cette       les personnes âgées de 18 ans et plus qui présentaient une
    alliance ont été rapportées par Nadeau (2010) :                      importante détresse psychologique et un problème d’abus ou
                                                                         de dépendance aux substances psychoactives au cours des
    • un rapport émotionnel qui invite à l’accueil et à la confiance;    12 derniers mois précédant l’enquête, environ la moitié (53 %)
    • un accommodement aux buts de la personne;                          d’entre elles n’avait reçu aucun traitement pour leurs troubles
    • une aide et des outils qui ont de la valeur aux yeux de            concomitants.
      l’intervenant;                                                     Il se peut que ce problème d’accès soit en partie lié au constat
    • une capacité de transmettre l’espoir en misant sur les forces      que les troubles concomitants demeurent peu dépistés (MSSS,
      de la personne;                                                    2006), bien que les intervenants de première ligne seraient
    • un propos qui dit « j’aime vraiment faire ce que je fais » et      en position privilégiée pour repérer ces troubles (Agency for
      «  j’aime travailler avec vous  »;                                 Healthcare Research and Quality, 2005).
    • l’importance d’une communauté de valeurs tant dans la              Mais ce problème découle également du fait que la plupart
      représentation de la détresse que dans l’organisation des          des centres de traitement en dépendance sont peu organisés
      services et le développement des collaborations.                   pour traiter adéquatement la concomitance de troubles
    De telles caractéristiques valorisant le rôle crucial du lien        (SAMHSA, 2002); la situation ne diffère pas au Québec (MSSS,
    thérapeutique montrent également l’importance accordée               2006). Les organisations reconnaissent que les services actuels
    à aider l’usager à se donner ou se redonner du pouvoir               ne tiennent pas suffisamment compte des besoins particuliers
    (empowerment) dans la conduite de sa vie.                            de cette clientèle et des enjeux reliés à son traitement
                                                                         (FQCRPAT,  2005).

    Une réalité qui pose un problème
    d’accès à des services spécialisés                                   Une réalité qui est fréquente dans les
                                                                         services de dépendance et de santé mentale
    Les personnes qui présentent des troubles concomitants de
    dépendance et de santé mentale ont davantage recours aux             Paradoxalement, le problème d’accessibilité à des services
    services de santé (Fillion-Bilodeau, Nadeau et Landry, 2012,         spécialisés pour une majorité des personnes qui présente
    sous presse). Pour les auteurs, c’est le cumul de détresse           un trouble concomitant n’empêche pas que la minorité des
    psychologique, telle qu’elle se mesure par des troubles              usagers qui réussit à y avoir accès s’y retrouve en grande
    concomitants, qui amènent les personnes à utiliser des services.     proportion. En effet, l’ACRDQ (2010a) rapporte qu’au moins
    En l’absence de corridor de service ou de fonction de liaison        50 % de la clientèle des CRD présente un trouble concomitant
    ainsi que de services adaptés à la concomitance de troubles,         plus ou moins sévère de dépendance et de santé mentale.
    ces personnes sont grandement à risque de se retrouver en            La présence de troubles concomitants constituerait la règle,
    rupture de service. Elles sont susceptibles de se présenter dans     et non l’exception, dans ces établissements (Rush et Nadeau,
    les services d’urgence en état d’intoxication aiguë ou avec un       2012, sous presse). Les taux se situeraient dans la plupart
    état mental déstabilisé. Elles sont susceptibles d’être traitées     des cas entre 60 et 70 %. Lorsque les sous-populations de la
    pour des problèmes de santé physique, souvent associés à             clientèle sont pris en compte, il s’avère que ces personnes
    leur problème d’abus ou de dépendance, sans toutefois que            présenteraient principalement des troubles anxieux et de
    ces derniers trouvent une réponse cliniquement adaptée.              l’humeur ou un trouble de personnalité. Une faible proportion
                                                                         vivrait une schizophrénie ou un trouble bipolaire.
    Plusieurs obtiennent rapidement un congé de l’urgence ou
    d’une unité de soins après une stabilisation de leur condition       Lorsqu’il s’agit des personnes qui s’adressent aux services de
    physique et que leur situation ait été jugée non critique sur        santé mentale pour bénéficier d’un traitement et d’un soutien,
    le plan médical. Ce congé survient sans que leurs besoins            les mêmes auteurs rapportent, à l’inverse, que la présence
    psychosociaux et de santé soient évalués et que des services         de troubles concomitants est l’exception plutôt que la règle.
    adéquats leur soient offerts. Il s’en suit une perspective de se     Cependant, dans certaines sous-populations (troubles graves)
    retrouver à nouveau dans les services d’urgence lors d’une           et de certains types de service (i.e. suivi intensif dans le milieu—
    prochaine intoxication aiguë ou de désorganisation de leur           SIM, suivi d’intensité variable—SIV, services de deuxième
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9

ligne en santé mentale et services internes de psychiatrie) la       puissent accéder facilement à un système de services et de
présence d’un trouble concomitant s’avère très fréquente. Les        soutien, peu importe la porte d’entrée. Cette disposition
troubles graves sont alors fortement associés à un plus grand        intègre ainsi l’approche No Wrong Door grandement valorisée
risque de développer des problèmes de toxicomanie (Levin et          auprès de clientèles très vulnérables telles que les personnes
Hennessy, 2004, dans Fleury et collaborateurs, 2012).                présentant un trouble concomitant (SAMHSA, 2006b) et celles
                                                                     se retrouvant en situation d’itinérance (MSSS, 2008a). Selon
                                                                     les auteurs, une deuxième composante majeure de cette
Une réalité qui amène une                                            approche est que le système en place soit structuré de manière
                                                                     à faciliter les transitions entre les paliers selon la nature et la
organisation de services tenant                                      gravité des problèmes vécus par l’usager.
compte des niveaux de gravité
Le secteur du traitement des troubles concomitants de
dépendance et de santé mentale est en grande effervescence           Une réalité qui demande de travailler
depuis quelques années pour fixer les balises et les approches
                                                                     ensemble pour favoriser de meilleurs
à privilégier pour le traitement des troubles concomitants
graves. Le COCE de l’organisme SAMHSA des États-Unis                 résultats
(http://coce.samhsa.gov/) s’avère l’instance de référence en         L’absence ou le manque d’intervention intégrée est aussi un
matière de données probantes sur le sujet.                           problème important pour les personnes qui réussissent à
Il y a cependant un manque de données probantes sur le plan          recevoir des services de dépendance et/ou de santé mentale.
de l’orientation à donner au traitement concomitant lorsqu’il        L’enquête nationale de 2010 de SAMHSA (2012) montre
s’agit de troubles moins graves (SAMHSA, 2005). Il se dégage         que parmi les personnes qui présentaient des troubles
alors de la littérature scientifique une recommandation de           concomitants graves, 64 % ont reçu des services en santé
prendre en compte des approches éprouvées dans chacun                mentale ou en dépendance au cours des 12 derniers mois :
des secteurs d’intervention (dépendance et santé mentale)            45 % d’entre elles avaient reçu seulement des services en
pour orienter les interventions. Pour les données probantes          santé mentale; 4,3 % avaient reçu seulement des services en
relatives au traitement en santé mentale, le National Institute      dépendance et seulement 14,5 % avaient reçu des services
for Health and Clinical Excellence (NICE) au Royaume-Uni             en santé mentale et en dépendance. Bien que cette dernière
s’avère également un organisme de référence incontournable           proportion soit faible, elle l’était davantage (10,5 %) lors de
(http://www.nice.org.uk/).                                           l’enquête de 2007 (SAMHSA, 2008).
                                                                     Ce dernier constat s’explique en partie par le fait que les
  Une approche par paliers est proposée pour moduler
                                                                     services spécialisés de dépendance et de santé mentale ont
  l’organisation des services.
                                                                     très souvent fonctionné en silo, utilisant l’argument qu’il fallait
Le constat relatif au manque de robustesse des données               que les personnes présentant un trouble concomitant règlent
probantes pour le traitement des personnes présentant un             leur problème de toxicomanie, avant d’être aidées dans les
trouble concomitant moins grave est important. Il renforce           services de santé mentale; l’argument inverse était entretenu
l’intérêt d’en venir à disposer d’un cadre d’analyse qui inclurait   dans le secteur des dépendances. On reconnaît aujourd’hui,
ces données permettant ainsi de concevoir une réponse pour           que le traitement des troubles concomitants de dépendance
satisfaire la condition et les besoins des personnes, selon le       et de santé mentale, par le recours à des systèmes de soins
niveau de gravité de leurs troubles.                                 séparés (en silo) et mal coordonnés, donne de piètres résultats
                                                                     (Santé Canada, 2002).
Dans cette perspective, une approche par palier est proposée
pour moduler l’organisation des services, selon l’acuité, la           Les piètres résultats d’un fonctionnement en silo
chronicité et la complexité des problèmes présentés, dans              invitent à un changement majeur de mentalité chez les
une gamme de services répartis sur un continuum allant de              intervenants en dépendance et en santé mentale ainsi
la promotion/prévention aux services surspécialisés (National          qu’à un important changement de pratique.
Treatment Strategy Working Group, 2008 ; Rush et Nadeau,
2012, sous presse). Ainsi, une gravité croissante des problèmes      Dans cette perspective, le Plan d’action en santé mentale 2005-
amène un degré croissant de spécialisation. Pour Rush et             2010 (MSSS, 2004) et l’Offre de service en dépendance 2007-
Nadeau (2012, sous presse), une première composante                  2012 (MSSS, 2007) soulignent l’importance de développer
majeure d’une telle approche est que les usagers présentant          des interfaces entre les services de dépendance et de santé
une plus grande gravité de problèmes, ainsi que leurs familles,      mentale, afin que les personnes aient accès aux services requis
                                                                     par leur condition.
                                                                     Devant la mise en preuve récente de plusieurs variables
                                                                     organisationnelles contribuant à la compréhension de
                                                                     l’efficacité du traitement (Tremblay et coll., 2010), Brochu
                                                                     et ses collaborateurs (2012) avancent l’idée d’une « alliance
                                                                     organisationnelle », en référence à l’alliance thérapeutique,
                                                                     qui représenterait un facteur déterminant pour expliquer
                                                                     l’intégration des services dans les différents modèles
                                                                     d’organisation de services en dépendance. Pour les auteurs,
                                                                     cette alliance reposerait sur l’établissement d’une véritable
                                                                     collaboration entre intervenants, tant à l’intérieur de la même
                                                                     organisation que dans des organisations différentes. Cette
                                                                     forme d’alliance n’est pas étrangère à la façon de définir le
                                                                     partenariat dans le présent document.
Guide d'accompagnement d'un partenariat CRD-CSSS - Implantation d'une offre de services intégrés en dépendance et santé mentale
10

     n SECTION 2
          LES MOTIFS POUR UN CRD ET UN CSSS
          DE TRAVAILLER ENSEMBLE

                                                                         Une limite, une impasse ou une
                                                                         impuissance dans ses interventions
                                                                         Les intervenants en dépendance et en santé mentale occupent
                                                                         leur champ de pratique respectif avec un grand souci d’être à
                                                                         l’écoute des besoins de la clientèle. Très souvent, leur formation
                                                                         et leur expérience contribuent à ce qu’ils développent un sens
                                                                         élevé de leur responsabilité professionnelle avec un besoin de
                                                                         se sentir utiles et efficaces dans leur intervention. Ils exercent
                                                                         leur fonction dans un domaine spécifique d’expertise et avec
                                                                         une certaine autonomie professionnelle qui contribue à rendre
                                                                         plus saillant ce sentiment de responsabilité.
                                                                         L’intervention clinique comporte un défi proportionnel à
                                                                         l’acuité, à la complexité et à la chronicité des problèmes
                                                                         vécus par la clientèle présentant un trouble concomitant. Ces
                                                                         attributs mettent à risque un intervenant d’être confronté à ses
                                                                         limites dans ses pratiques individuelles. Les états de situation
     Les principaux motifs susceptibles d’amener un CRD et un            conduits au CRD Le Virage et au programme SMDIA du CSSS
     CSSS à travailler ensemble, reposent avant tout sur une             Pierre-Boucher ont documenté le besoin des intervenants de
     volonté et un engagement de répondre le mieux possible à la         bénéficier de la contribution de l’un et de l’autre.
     population, dans l’exercice de leur mandat respectif.
                                                                           Devant la souffrance d’une personne, faire ensemble
     Tel que souligné dans la section 1, les personnes qui présentent      devient un impératif.
     ou qui sont à risque de présenter un trouble concomitant de
     dépendance et de santé mentale vivent des situations difficiles     Les limites d’un intervenant peuvent être une opportunité
     et se retrouvent dans des conditions physiques, psychologiques      pour mettre à profit les capacités d’un autre intervenant. Il
                                                                         est souhaitable que ce partage se crée avant que s’installe un
     et sociales pouvant requérir des soins et services variés de
                                                                         sentiment d’impuissance, car ce dernier fait souvent obstacle
     première, de deuxième et même de troisième ligne.
                                                                         à l’ouverture d’une collaboration par crainte d’être perçu
     Deux des caractéristiques présentées introduisent en soi            comme incompétent.
     une nécessité de travailler ensemble. Il en est de même
     des personnes qui présentent fréquemment des troubles
     concomitants dans les services en dépendance et dans                Un souci de bonifier l’offre de services
     les services de 2e ligne en santé mentale, comme de la              en dépendance et en santé mentale
     recommandation formulée par les experts d’intervenir de
                                                                         Les CRD du Québec sont engagés depuis quelques années
     manière intégrée pour venir en aide à celles qui présentent un
                                                                         dans un exercice de normalisation de leur offre de service. Cette
     telle concomitance de troubles.                                     démarche se fait dans le respect des orientations ministérielles
     Pour donner suite à cette centration clientèle, d’autres motifs     (MSSS, 2007) et dans le souci que toutes les régions du
     de travailler ensemble sont à identifier dans chacun des            Québec puissent disposer de services de base permettant
     établissements sur les plans des orientations, de l’organisation    de répondre aux besoins diversifiés de services spécialisés
     des services ainsi que des pratiques cliniques et de gestion.       formulés par les personnes en demande d’aide. L’offre de
                                                                         service en dépendance du MSSS identifie les personnes aux
     L’expérience de partenariat conduite à ce jour entre le CRD         prises avec des troubles concomitants de dépendance et de
     Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher ainsi que les indications       santé mentale comme une clientèle prioritaire.
     fournies dans la littérature scientifique permettent d’identifier   Par ailleurs, la Loi sur les services de santé et les services
     les principaux motifs suivants qui amènent également un CRD         sociaux (L.R.Q., c. S-4.2) confie aux CSSS la responsabilité
     et un CSSS à travailler ensemble :                                  d’assurer l’accessibilité des services les plus complets
     • une limite, une impasse ou une impuissance dans ses               possibles, la prise en charge et l’accompagnement des
       interventions;                                                    personnes dans leur réseau local de services respectifs. Cette
                                                                         responsabilité est assumée dans le respect du principe de
     • un souci de bonifier l’offre de service en dépendance et en       hiérarchisation des services visant à assurer à la personne le
       santé mentale;                                                    bon service, au bon moment, au bon endroit et en mettant à
                                                                         profit les expertises appropriées. Dans ce contexte, les CSSS
     • une mise à profit des variables associées à l’efficacité;
                                                                         du Québec planifient et implantent un projet clinique couvrant
     • une attente d’accroître la performance du système.                plusieurs problématiques dont celles en santé mentale et en
11

dépendance. Les CRD sont alors un partenaire incontournable          l’usager, de son entourage et de son milieu de vie.
en ce qui a trait aux services spécialisés en dépendance.            Un autre attrait de cette publication aux fins de la mise à profit
Le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 (MSSS, 2005)             du présent guide porte sur la prise en compte de dimensions
invitait les CSSS à convenir du type de collaboration à              organisationnelles reliées à l’efficacité des traitements (ex.  :
établir pour venir en aide aux personnes qui présentent, ou          grosseur et culture des organisations, mode de gestion,
qui sont à risque de présenter un problème d’abus ou de              charge de travail, clarté des politiques, soutien, climat de
dépendance, sachant les fortes prévalences observées de              travail, flexibilité dans les prises de décisions, niveau de
troubles concomitants dans certains milieux cliniques de ces         décentralisation, cohérence, processus d’amélioration
deux secteurs d’intervention.                                        continue de la qualité).
                                                                     Du côté de la littérature portant sur les troubles de santé
  Le repérage systématique et l’intervention précoce
                                                                     mentale, les indications relatives à l’efficacité des traitements
  représentent un important maillon dans l’intégration des
                                                                     portent particulièrement sur la nature et la gravité des troubles
  services en dépendance (Simoneau, 2012).
                                                                     et la hiérarchisation des soins. Un tel modèle de référence est
Les CRD et les CSSS se réfèrent à l’offre de service en              également utilisé dans le traitement des troubles concomitants.
dépendance du MSSS (2007) pour circonscrire les rôles et             Deux récentes publications québécoises font le point sur le
responsabilités dévolus à chacun. Elle couvre l’ensemble du          traitement des troubles concomitants (Nadeau et Landry,
continuum de services allant de la promotion/prévention à la         2012, sous presse) et l’intégration des services en toxicomanie
réinsertion sociale post-traitement. Ce continuum de services        (Landry, Brochu et Patenaude, 2012).
demande des interfaces entre ces deux types d’établissement          Le concept d’approches éprouvées est donc rapporté avec
pour assurer l’accessibilité et la continuité des services avec      beaucoup de nuances. Les directions, les gestionnaires sur
un souci d’efficience, de complémentarité et de qualité. Le          le terrain ainsi que les intervenants en CRD et en CSSS sont
continuum de services en dépendance requiert également des           ainsi invités à prendre connaissance des principaux constats de
interfaces avec des actions de santé publique offertes dans          telles publications phares, pour orienter plus spécifiquement
la communauté aux personnes dépendantes pour prévenir                leur programmation clinique et tenter de mieux répondre aux
certains problèmes de santé (ex. : ITSS).                            personnes présentant ou à risque de présenter un trouble
La bonification de l’offre de service en dépendance déborde          concomitant de dépendance et de santé mentale.
les mandats respectifs des CRD et des CSSS. Les organismes
                                                                       La contribution des approches éprouvées doit permettre
communautaires investis auprès de ces clientèles assument
                                                                       le maintien de suffisamment d’ouverture et de flexibilité
également un rôle important en aidant ces dernières dans
                                                                       pour expérimenter de nouvelles pratiques cliniques et
leur démarche d’acquérir et de maintenir un fonctionnement
                                                                       de gestion.
personnel et social satisfaisant. Il en est de même de
partenaires intersectoriels (ex. : éducation, emploi et solidarité   Le développement d’une offre de service conjointe entre un
sociale, justice), qui représentent des acteurs de premier plan      CRD et un CSSS représente, à l’ensemble du Québec, des
dans leurs secteurs d’intervention respectifs.                       gains potentiels importants en termes de coûts financiers,
Ainsi, l’offre de service en dépendance est appelée à se bonifier    sociaux et humains. À cet effet, la littérature indique qu’un
par une mise en réseau beaucoup plus large permettant                dollar investi dans le traitement en dépendance permet
d’accueillir, d’aider et d’accompagner une personne en tenant        d’économiser 7 $ en matière de services relatifs aux
compte de l’ensemble de ses besoins. Cette mise en réseau            dysfonctionnements physique, psychologique ou social d’une
est d’autant importante que la réinsertion d’une personne à          personne dépendante (SAMHSA, 2006b). Il n’est pas exagéré
sa communauté demeure un facteur essentiel de protection.            alors de parler d’investissement rentable. De plus, le comité
                                                                     consultatif de la Stratégie sur la santé mentale et le traitement
                                                                     des dépendances (2012) a souligné récemment que de plus en
Une mise à profit des variables                                      plus de données probantes indiquent que le coût croissant des
                                                                     problèmes non traités, ou sous-traités, de santé mentale et de
associées à l’efficacité                                             dépendance est insoutenable pour la société.
Les orientations nationales et régionales proposent
l’intégration des approches éprouvées (ou best practices) dans
les programmations offertes aux clientèles en dépendance et          Une attente d’accroître la
en santé mentale. Dans ce contexte, les CRD et les CSSS sont
invités à se référer à des approches éprouvées pour optimiser        performance du système
les possibilités que les clientèles qu’ils desservent bénéficient    La performance est au cœur du développement des CRD
le mieux possible des interventions offertes. Pour ce faire, la      et des CSSS. Elle l’est sur les plans de l’imputabilité et de la
recherche a rendu disponible un champ de connaissances des           reddition de comptes dans le cadre des ententes de gestion
plus pertinents au cours des dix dernières années.                   avec les agences de la santé et des services sociaux. Elle l’est
En dépendance, une référence incontournable s’avère                  également pour les caractères stimulants et mobilisateurs
la publication récente d’une recension des écrits sur les            stimulant et mobilisateur que peut comporter le fait d’œuvrer
meilleures pratiques en réadaptation auprès des adultes              dans un système de soins et de services, qui nourrit une
alcooliques ou toxicomanes (Tremblay et coll., 2010). Les            démarche continue d’amélioration de la qualité, dans le souci
approches éprouvées, reconnues comme efficaces, sont mises           de répondre le mieux possible aux besoins des personnes
en contexte avec un nombre important d’autres variables              demandant de l’aide.
à prendre en compte lorsqu’il est question de convenir de            Fleury et ses collaborateurs (2012) soulignent que les lacunes
la nature des services à offrir. Ces variables portent sur les       d’intégration des services sont au cœur des enjeux des systèmes
caractéristiques du cadre d’intervention, de l’organisation des      sociosanitaires, expliquant en partie leur sous-performance
services, du lien thérapeutique, de l’intervenant ainsi que de       et contribuant à diminuer la qualité des services offerts à la
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