Il a été pape - Ringier Management Conference: "Cut the bullshit!" D MO - Kai Diekmann: chef des chefs du "Bild"
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D MO Ringier Management Conference: «Cut the bullshit!» Le magazine de l’entreprise Juin 2016 Kai Diekmann: chef des chefs du «Bild» Il a été pape
SOMMAIRE 4 12 4 « Les nuances comptent» Chef des rédacteurs en chef, Kai Diekmann est depuis le début de l’année l’éditeur du groupe Bild. DOMO a suivi l’homme de médias le plus craint d’Allemagne pendant toute une journée. 12 Ringier Management Conference «Cut the bullshit!»: tel est le leitmotiv de Michael Derkits, de Vice Magazine. Lui et 25 autres intervenants ont parlé de l’opportunité du changement à la RMC qui s’est tenue à Opfikon. 15 Le réseau dans le sang Entretien avec la cheffe de Mozilla, Mitchell Baker: «Derrière les sociétés qui comptent réellement, il y a des hommes et des femmes qui ont une vraie vision.» 16 En point de mire Les meilleures photos Ringier du trimestre. 18 L’oubli rapide Madrid, Londres, Paris, Tunis, Bruxelles ou Istanbul: la réaction de la société, des médias et des politiques devant les attentats semble être devenue routinière. 16 Notre sensibilité s’émousse-t-elle? n départ par étapes 21 U Le journaliste Fibo Deutsch raconte les années où le terrorisme a fait le plus de victimes en Europe. Et pourquoi, après cinquante-six ans passés chez Ringier, il fait ses cartons… tout en ne partant pas vraiment. 22 I nterview Martin Schneider, CEO d’Admeira, considère la coentreprise comme un projet radical. 24 I n-house: Guider La nouvelle plateforme numérique de conseil aide madame Dupont à faire valoir son bon droit. ingier à la rencontre des stars 26 R Notre Notre rédacteur René Haenig rencontre la beauté du tennis, Anna Kournikova, à Rio. édition Il tente de l’impressionner avec son russe scolaire, et reçoit un baiser! e-magazine ichael Ringier 28 M L’éditeur nous fait part de ses réflexions sur l’idée du revenu inconditionnel de D MO 18 Ringier Management Conference: «Cut the bullshit!» base. alk 29 T Questions aux cadres de Ringier. ntre nous 30 E Anniversaire: Walter Hauser. Le magazine de l’entreprise Juin 2016 Les conseils de lecture de Marc Walder. Photo de couverture: Markus Tedeskino Impressum Editeur: Ringier SA, Corporate Communications. Direction: Edi Estermann, CCO, Dufourstrasse Kai Diekmann: 23, 8008 Zurich. Rédacteur en chef: Alejandro chef des chefs du «Bild» Velert. Collaborations rédactionnelles: Ulli Il a été pape Glantz (réalisation visuelle), René Haenig, Peter Hossli, Adrian Meyer. Traduction: Xavier Pellegrini/textes.ch, Chloé Varrin (français), Claudia Bodmer (anglais), Ioana Chivoiu (roumain), Lin Chao/Yuan Pei Translation (chinois). Correction: Regula Osman, Kurt Schuiki, Peter Hofer (allemand), Patrick Morier-Genoud (français), Claudia Bodmer (anglais), Mihaela Stănculescu, Lucia Gruescu (roumain). Layout /production: 24 26 Zuni Halpern (Suisse), Jinrong Zheng (Chine). Edition d’image: Ringier Redaktions-Services Zürich. Impression: Ringier Print Ostrava et SNP Leefung Printers. Reproduction (même partielle) uniquement avec l’accord de la rédaction. Tirage: 12 000 exemplaires. DOMO paraît en allemand, en français, en anglais, en roumain et en chinois. Photos: Mark Power/Magnum Photos, Thomas Buchwalder (4), Pierluigi Macor pour SI Style, Markus Tedeskino, Vallery Jean/WireImage/Getty Images; Illustration: Handout DOMO – Juin 2016 | 3
L'homme de médias le plus craint d'Allemagne Il aime le «Knäckebrot» et les oeufs au petit-déjeuner, se fie à son instinct lorsqu'il s'agit de titrer la une et accueille des migrants chez lui: Kai Diekmann, journaliste et éditeur, accompagne le mythique quotidien «Bild» dans sa révolution numérique. «DOMO» l'a suivi pendant toute une journée. Text: René Haenig Fotos: Markus Tedeskino 4 | DOMO – Juni 2016
COVER D e fines nappes de brouillard s'étirent au-dessus de la Havel en ce matin du début du mois de mars. maintenant ce qu'il faisait déjà depuis son retour de la Silicon Valley, il y a deux ans et demi, mais désormais de connaître quelqu'un.» Il a aussi pous- sé Tanit Koch, 39 ans, aujourd'hui ré- dactrice en chef du Bild. Ne nomme L'air est frais, le thermomètre indique manière officielle. Sa mission est de pas automatiquement ses adjoints, ce 4°C. Les arbres sont nus. C'est un jour développer la marque Bild et de l'ac- qui fait des déçus. Il doit s'en aller à à cheval entre l'hiver et le printemps. compagner dans sa révolution numé- présent. Une dernière gorgée de thé Potsdam est éloignée d'un jet de rique, sur papier et en ligne. Au quo- piment-poivre, et Diekmann attrape pierre du célèbre pont de Glienicke. tidien, on continue à faire appel à son son sac à bandoulière sur lequel sont Faubourg berlinois, quartier de villas. expérience. Comme la veille au soir, imprimées des unes du Bild comme Des stars comme le couturier Wolf- à propos du gros titre sur l'arrestation «Dieter Bohlen sort une fille du coma gang Joop ou le présentateur alle- de l'homme politique écologiste Vol- en chantant», «Le café fait grimper la mand Günther Jauch y vivent. La ker Beck pour possession de crystal libido des femmes» ou «Sensation à la nature. Le calme. Soudain rompu par meth. Ce matin, la une est titrée «Un Bundesliga: 1er but tiré avec le pénis. un bip sonore. Un bruit de pas, puis Vert pincé avec la drogue de Hitler». l'une des portes en fer forgé du jardin Dans une version précédente, elle En limousine pour Kreuzberg s'ouvre pour laisser sortir Kai Diek- disait «Le gay Beck pincé avec la Une limousine attend devant la mai- mann, 52 ans. drogue de Hitler». «Too much», a son. Le chauffeur, une armoire à glace Depuis le début de l'année, il est l'édi- tranché Diekmann. Faire de la presse au crâne rasé et à la barbe de taliban, teur du groupe Bild, qui comprend les de boulevard requiert de l'instinct. lui dit: «Bonjour, Kai!» Qui lui rend un titres Bild, Bild am Sonntag, BZ et Bild «Les nuances comptent. Il s'agit de salut joyeux, se laisse tomber sur le Digital. C'est le chef des rédacteurs en bien sentir les atmosphères, de discu- siège arrière droit, sort son iPhone et chef. Un des hommes de médias les ter au sein de la rédaction, puis de un carnet de sa poche et se coiffe de plus craints de la République. Aupa- prendre la bonne décision.» son casque à écouteurs. ravant, il a dirigé le journal Bild pen- Kai Diekmann utilise le trajet de dant quinze ans. Avant lui, personne A Bagdad plutôt qu'au 45 minutes entre Potsdam et son n'avait été aussi longtemps à la barre Borchardt bureau, au seizième étage du building du journal au plus fort tirage d'Eu- Prend-il ses dispositions de manière d'Axel Springer dans le quartier ber- rope. Célèbre pour des unes comme aussi instinctive en matière de per- linois de Kreuzberg, pour travailler. «Nous sommes pape!». Redouté pour sonnes? «Bien sûr!» Il a très vite nom- «Hello Paul, how are you?» A l'autre ses enquêtes, comme celle sur le cré- mé Julian Reichelt, 35 ans, à la tête de bout du fil, Paul Ronzheimer, reporter dit immobilier de construction de bild.de. «Je ne suis jamais allé au en chef du Bild. Diekmann et lui ont l'ancien président fédéral allemand Borchardt (le restaurant in de Berlin, interviewé la veille Aléxis Tsípras au Christian Wulff, par exemple. Celui-ci ndlr) avec lui, dit Diekmann, mais sujet de la crise des migrants. Le chef tenta d'empêcher la publication de nous étions à Kaboul et à Bagdad en- du Bild a sur les genoux les notes qu'il l'article sur le financement de sa mai- semble, à une période pas simple. a prises pendant l'entretien avec le son en appelant personnellement C'est là qu'on apprend vraiment à premier ministre grec, et à côté une Diekmann. En vain. Wulff a démis- impression du premier jet de l'inter- sionné de son poste en février 2012. barbe de trois jours, allure sportive. Il Jogging aux la table du petit-déjeuner est mise Un trio soudé: Kai view. «J'ai trouvé très beau ce que Le BlackBerry du journaliste, avec le pèse 75 kg. Son «poids de forme», accents pour lui dans la cuisine: deux œufs de Diekmann, sa Tsípras a dit: «Nous n'avons pas violé message enregistré de l'ancien pré- comme il dit. Il sent l'after-shave. historiques: ses poules, une corbeille de Knäcke- secrétaire en chef, les règles à dessein», dicte-t-il au re- sident fédéral, peut aujourd'hui être «Bonjour, vous avez trouvé facile- pendant la guerre brot et du jus de pomme de sa propre Havva Cam, et son porter en chef. Puis: «Je ferai un admiré et écouté à la Maison de l'His- ment?» demande-t-il en nous collant froide, le pont de récolte. Tous les matins, il boit un responsable de chapeau qui explique comment s'est toire, à Bonn. «C'est un morceau de son iPhone dans les mains pour enfi- Glienicke servait à mélange spécial de thé à base de pi- bureau, Christian déroulé l'entretien: Tsípras est char- l'histoire allemande», constate Kai ler ses gants. Dix kilomètres de course échanger des ment et de poivre («plus besoin de Stenzel. mant, il s'est préparé à l'interview Diekmann non sans fierté. à travers le Neuer Garten. Au bord de agents. café, avec cela»). Fraîchement dou- avec des notes manuscrites.» Diek- Qui est cet homme qui eut pour té- la Havel, saluant les dames qui pro- ché, il se glisse dans son uniforme de mann se fait toujours remettre un moin de mariage, en 2002, l'ancien mènent leur chien. Son téléphone travail: jeans, chemise bleu clair et «griffonnage quelconque» en souve- chancelier fédéral allemand Helmut mobile avec l'application Runtastic veston bleu foncé. nir de la part des personnes qu'il in- Kohl? Puis qui fut lui-même, six ans calé dans la main droite, il s'élance en Le roi allemand de la presse de boule- terviewe. L'œuvre de Tsípras est plus tard, le témoin de mariage de ce direction du célèbre château de Ceci- vard possède vingt poules, huit colo- coincée entre ses pages de notes. dernier avec sa deuxième épouse, lienhof. Kai Diekmann est capable de nies d'abeilles et deux chèvres. «Ca- Après son coup de fil avec Paul Maike Richter. Les uns connaissent dire quelque chose de chaque lieu que deau d'un ami zurichois pour mon Ronzheimer, Kai Diekmann farfouille Diekmann en costume trois pièces et nous traversons. Jogger avec lui, c'est anniversaire.» La maison des Diek- dans son téléphone mobile et nous cheveux lissés au peigne, les autres comme faire un petit marathon à mann est officiellement une ferme montre des photos qu'il a prises en en sweat à capuche et à la barbe de travers l'histoire allemande. agricole. «Sans quoi nous ne pour- Grèce au milieu des migrants. Des hipster. Depuis 2009, l'éditeur vit à Potsdam rions pas offrir d'œufs à nos voisins», enfants. Certains rient, d'autres ont avec sa femme, Katja Kessler, 47ans. précise-t-il. le regard triste. Diekmann se tait. Roi du boulevard et paysan Après des études de dentiste, elle a Une des images montre un homme, Ce matin, il porte des pantacourts été, autrefois, rédactrice pour le Bild. L'instinct de dos, sur le chemin poussiéreux moulants, une veste de jogging et un Ils ont quatre enfants: Yella, 14 ans, Il avait planifié et préparé bien à d'un cimetière. L'homme s'appelle bonnet. Le tout noir, sur des baskets Casper, 12 ans, Kolja, 10 ans, et Lilly, l’avance son retrait en tant que rédac- Mounes. Il est Syrien. Avec ses deux orange. Il est rentré tard d'Athènes 8 ans. Quand Kai Diekmann rentre à teur en chef du Bild. Il parle d'une enfants, il vit depuis des mois chez les hier soir. Kai Diekmann, yeux bleus, la maison, après son heure de jogging, «évolution organique». De facto, il fait Diekmann. Mounes se rend sur la 6 | DOMO – Juin 2016 DOMO – Juin 2016 | 7
COVER La femme de caractère qui se tombe de sa femme. Elle est morte cache derrière «Trésor» en fuyant vers l'Europe. Quiconque veut savoir quel genre d'époux et de père est Kai Diekmann doit en passer par cette (sa) femme: Katja Kessler, 47 Hollande ou vacances de ski? ans, née à Kiel, dentiste diplômée, reporter dans la haute société Une fois arrivé chez Axel Springer, Kai pour le «Bild» et auteure de nombreux livres. C'est elle qui, Diekmann ne saute pas dans le my- notamment, a signé la biographie de Dieter Bohlen, monument thique ascenseur rétro «sans arrêt», allemand de la pop. Le «sprat de Kiel» («Kieler Sprotte»), comme qui a déjà transporté bon nombre de elle se surnomme elle-même, donne un aperçu de la vie de famille stars hollywoodiennes comme Came- des Diekmann dans ses livres: «Frag mich, Schatz, ich weiss es ron Diaz, Will Smith, Tom Hanks ou besser! Bekenntnisse einer Ehefrau» («Demande-moi, Trésor, je David Hasselhoff à l'étage de la rédac- sais mieux que toi! Confessions d'une épouse»), «Das Schatzi-Ex- tion du Bild, mais dans un ascenseur Discussion intime, Udo Lindenberg et Benjamin von periment oder der Tag, an dem ich beschloss, meinen Mann zu ordinaire. chez Axel Stuckrad-Barre. Le chanteur et l'écri- dressieren» («L'expérience Trésor, ou le jour où j'ai décidé de Il est déjà attendu par Christian Sten- Springer, entre Kai vain prévoient de publier ensemble dresser mon mari») et, plus récemment: «Das muss Liebe sein: 54 zel, le responsable du bureau, et Diekmann, la un livre pour le 70e anniversaire 1/2 Pflegetipps für die glückliche Ehe» («C'est sans doute ça, Havva Cam. La première personne rédactrice en chef d'Udo Lindenberg. Benjamin Stuc- l'amour: 54 conseils et demi pour un mariage heureux»). Avec sincérité, Katja Kessler partage avec ses lecteurs sa vie de famille que la secrétaire en chef appellera ce du «Bild», Tanit krad-Barre a rappelé le bureau le entre Potsdam et la Californie. Son mari a un droit de regard sur matin est Benjamin von Stuc- Koch, et le matin pour confirmer la rencontre. ses textes, et il «biffe à tour de bras». Elle trouve que «Trésor» est krad-Barre. Kai Diekmann souhaite ministre bavarois L'éditeur utilise les quelques minutes un lecteur «chiant». Le couple, dont l'ancien chancelier fédéral savoir si le rendez-vous qu'il a avec Markus Söder. avant le départ du train pour s'acheter Helmut Kohl fut témoin de mariage, s'est rencontré au travail. l'écrivain à midi à Hambourg tient un smoothie et s'approvisionner en Katja Kessler composait alors des textes pour la célèbre une du toujours. Un paquet-cadeau est posé nouvelles fraîches: les Potsdamer «Bild», avec sa photo de femme nue, puis a interviewé des sur son bureau, avec les «cordiales Neueste Nachrichten, la Süddeutsche célébrités pour le journal de boulevard. Elle aurait dû reprendre le salutations du premier ministre Zeitung, la Frankfurter Allgemeine et cabinet dentaire de son père. Au lieu de cela, elle mène croate». L'éditeur a un rire en coin et les éditions du Bild pour Berlin et aujourd'hui «Trésor» à la baguette. se prête au jeu des devinettes: «Un Hambourg. «Je suis accro aux mé- livre? Un CD?» Mais la réponse atten- dias», dit-il. Il lit la presse imprimée, dra, car Havva Cam se tient sur le mais consulte aussi les réseaux so- seuil avec deux gros dossiers de cor- ciaux en ligne. Lui-même tweete ré- respondance dans les mains. Kai gulièrement depuis son retour de la Diekmann a été absent du bureau Silicon Valley. Bild atteint désormais pendant trois jours. les jeunes utilisateurs avec Snapchat. Le 29 mars, son agenda dit qu'il inter- «Nous sommes en phase d'expéri- viewera le président français, Fran- mentation.» Quand l'ICE 1684 entre çois Hollande. Est-ce maintenu? en gare, Diekmann monte tout natu- «C'est que je ne l'ai pas encore avoué rellement dans le wagon de 2e classe. à Katja», s'effraie Diekmann. Il avait «Nous voyageons tous en seconde, prévu de partir en vacances de ski même les cadres», dit-il. Il n'a aucun avec sa famille. Prochaine étape: problème à se mêler aux gens. On le discuter de l'itinéraire de la visite qu'il reconnaît, on lui adresse parfois la rendra au premier ministre macédo- parole. L'homme de médias n'a pas nien demain et après-demain. peur du contact. Cela fait quelques années déjà que sa voiture a été incen- Un chef très confiant diée: c'était à Hambourg, où il vivait ««Bloquer cette date», «Signer ceci», avant le déménagement du journal «Qui paie cela?», «Ne rien fixer ce soir- dans la capitale allemande. «Depuis, là, j'ai une rencontre de parents il ne s'est plus rien passé», dit-il en d'élèves»... Les instructions de Kai à touchant le bois du rebord de la fe- Havva sont succinctes. Les deux sont nêtre de l’Intercity-Express. à tu et à toi. C'est que Havva Cam n'est Kai Diekmann, qui a souvent distri- pas simplement la secrétaire en chef; bué des coups avec le Bild, est capable elle est aussi un mélange de confi- d'en encaisser aussi, et il affronte la dente et de disque dur externe. Kai critique avec humour. «Il est vrai que Diekmann ne possède qu'un compte nous sommes parfois injustes», de messagerie électronique, et pas confesse-t-il. Toutefois, la plaisante- d’adresse privée. Ceux qui lui écrivent rie s'arrête avec les menaces de vio- doivent savoir qu'ils ne seront pas lus lence physique. «Dans ces cas-là, je ne Toujours en route: que par le chef, mais aussi par la se- fais pas du tout preuve d'humour et Kai Diekmann à la crétaire en chef et le responsable du porte systématiquement plainte.» gare principale de bureau. Difficile d'être plus confiant. Récemment encore, un «abruti fini», Berlin. Le chef du Gare principale de Berlin, quai 8, qui s'était adressé à lui en ne dissimu- «Bild» voyage en 11 h 30. Kai Diekmann est en route lant pas son identité, a reçu le nombre seconde classe. pour Hambourg. Il a rendez-vous avec maximal de jours-amende d’un 8 | DOMO – Juin 2016 DOMO – Juin 2016 | 9
COVER tribunal. «Saloperie de juif», avait- il écrit. Et aussi: «Si seulement des avions pouvaient s'écraser sur votre maison.» Sur Twitter aussi, Diek- mann contre-attaque dans ce genre de cas. Sa première interview de Helmut Kohl Un article dans les Potsdamer Neuesten Nachrichten attire l'atten- tion de notre homme. Titre de la une: «Le superplaignant.» Kai Diekmann en prend une photo et la poste sur Twitter avec le commentaire suivant: «Il n'est pas interdit de nous citer lorsqu'on nous copie.» L'article parle de l'ancien chancelier fédéral Helmut Kohl. «Je continue à suivre certains sujets moi-même en tant que journa- liste», explique Diekmann. Et ce même s'il ne dirige plus la rédaction du Bild, étant désormais son éditeur. Mais Helmut Kohl est sa chasse gar- semaines sur douze en caserne pour Sommet Atlantic: quelle, cet après-midi, il est en négo- dée. Il a réalisé sa première interview motifs disciplinaires. Un comman- Kai Diekmann en ciations avec l'icône du rock alle- du personnage pour le journal sco- dant de bataillon compréhensif l'en- compagnie d'Udo mand Udo Lindenberg et l'écrivain laire de son gymnase, à Bielefeld. Kai voie finalement au service de presse, Lindenberg, qui pop Benjamin von Stuckrad-Barre Diekmann avait alors 16 ans et Hel- où Diekmann écrira pour deux ma- vit dans cet hôtel derrière les portes closes de l'Hôtel mut Kohl était encore dans l'opposi- gazines de l’armée. «La période la de Hambourg Atlantic au sujet d'un projet de livre tion. «L'entretien a fait fureur et a plus heureuse de ma vie de soldat.» Il depuis vingt ans, à paraître à Noël chez Axel Springer. même été repris par la presse locale», se fait remarquer par les Editions et de l'écrivain Une œuvre culte, avec des dessins se plaît-il à rappeler. Axel Springer. Qui lui proposent tout Benjamin von exclusifs du chanteur. Aussi exclusifs C'est l'époque à laquelle on discute, d'abord un stage, puis un volontariat. Stuckrad-Barre (de que le célèbre Bild Buch dans le bu- en Allemagne, de la double décision Il fait carrière dans la maison, puis dr. à g.). reau du chef du Bild. de l'OTAN. Etre de gauche est alors à part chez l'éditeur Burda, au maga- Dans le train qui le ramène à Berlin, la mode. Pas pour Diekmann. «La zine Bunte, mais revient au Bild, où Kai Diekmann tient un autre livre gauche mainstream m'a toujours fait il est mis sur la touche en 1997 en entre ses mains: Panikherz. Von vomir, je suis plutôt réac.» Il est ca- raison d'une lutte de pouvoir interne. Stuckrad-Barre lui a fait cadeau de tholique romain. Lorsque nous lui On vient le rechercher quelques mois son autobiographie. «Je me réjouis de demandons s'il se rend souvent à plus tard, et il gravit alors rapidement la lire.» Ce qu'il fera peut-être sur la l'église, il se dérobe pour la première les échelons. Comment a-t-il fait pour terrasse de sa maison. «Là, je peux fois. «J'ai pour habitude de ne pas rester rédacteur en chef du Bild pen- vraiment me détendre.» Parfois en aborder ce sujet.» Il parle en revanche dant quinze ans? Explication de posant simplement son regard sur la volontiers de son service militaire. l'intéressé: «Pendant toutes ces an- Havel et les nappes de brume qui Après sa maturité, Kai Diekmann nées, j'ai eu la chance de me réinven- s'étirent au-dessus de l'eau. s'enrôle volontairement. «Mais les ter en permanence, tout comme le Dans ces moments-là, Kai Diekmann blindés et moi, ce fut l'histoire d'un journal.» Aujourd'hui, Kai Diekmann n'est plus ni journaliste, ni rédacteur gros malentendu», raconte-t-il en se réinvente en qualité d'éditeur du en chef, ni éditeur. C'est un homme, riant et en avouant avoir passé dix groupe Bild. C'est la raison pour la- tout simplement. Biographie Kai Diekmann voit le jour le 27 juin 1964 à Ravensburg. Il fréquente l'école Rédacteur en chef du catholique des Ursulines de Bielefeld, où il passe sa maturité en 1983. Il commence Bild pendant quinze ans, Photo: Ullstein Bilderdienst des études à l'Université de Münster, adhère à la corporation d'étudiants Franconia. il a marqué le journal Peu après, il interrompt ses études pour effectuer un volontariat aux Editions Axel de sa patte. «Nous Springer, à Hambourg. En 2014, après son retour de la Silicon Valley, le «nerd barbu» faisons certaines choses fait sensation en se faisant raser la barbe contre un don de 15 000 euros de Procter avant les autres. Pour & Gamble et Edeka à l'organisation caritative du «Bild», Ein Herz für Kinder. Kai beaucoup, nous sommes Diekmann préside la Bonner Stiftung für Kunst und Kultur (Fondation de Bonn pour un exemple dans la l'art et la culture) et a lancé récemment l'exposition «Kunst aus dem Holocaust» branche. («L'art de l'Holocauste») au Musée historique allemand de Berlin. 10 | DOMO – Juin 2016 DOMO – Juni 2016 | 11
COVER RMC situation du groupe. «Nous ne sommes pas les premiers à nous être lancés dans la numérisation, mais nous fai- sons les choses bien», dit-il. Le groupe a réalisé 11 millions de francs de béné- fice l’an dernier, pour un chiffre d’af- faires de près de 1 milliard de francs. «Je serais un actionnaire bien ingrat si je n’étais pas satisfait de ce résultat, dit Michael Ringier. Mais le plus impor- tant est que nous sommes sur la bonne voie!» Pour sa dernière question, Hannes Britschgi lui demande s’il s’apprête vraiment à adopter le CEO Marc Walder, comme il l’a laissé en- tendre il y a peu. «Marc est vraisem- blablement allergique à mon chien, ils doivent donc régler ça entre eux.» Puis il précise, goguenard: «C’est un chien à poil long.» Un spécialiste des données souhaite savoir à quoi ressemblera l’avenir d’un «Le changement? journalisme basé sur les données. Réaction vive de l’intéressé: «J’espère que c’est vous qui me donnerez la ré- ponse!» Une formule qui correspond parfaitement à la culture d’entreprise de Ringier: l’éditeur fait confiance à Une chance!» ses collaborateurs. Ceux-ci, en échange, doivent montrer qu’ils savent faire preuve de responsabilité et d’enthousiasme. Un séminaire d’économie d’entreprise de haut vol suit la prise de parole de Michael Ringier. Felix Oberholzer, L’intelligence artificielle est-elle une révolution ou juste un tigre de papier? professeur suisse à l’université Har- vard, dépeint l’introduction en bourse Comment un entraîneur de football fait-il pour former correctement son de l’entreprise web chinoise Alibaba. Il se déplace entre les rangs, interpelle équipe? Qu’est-ce que le big data? Ringier est-elle sur la bonne voie? directement les cadres. «Ici, c’est moi qui pose les questions», avertit l’inter- Telles sont les questions que se sont posées les cadres de l’entreprise. venant, en mettant les 180 partici- pants sur le gril. Text: Peter Hossli Photo: Thomas Buchwalder David Allemann, quant à lui, aime courir longtemps. C’est la raison pour laquelle il a besoin de bonnes chaus- L ’hôtel Kameha Grand se dresse, stylé, dans cette périphérie inhos- pitalière de la ville de Zurich. Il est pants se pencheront sur l’évolution technologique fulgurante que nous traversons actuellement. Pour qu’ils ner qu’une cliente est enceinte: parce qu’elle achète du calcium, du zinc, du magnésium et du savon sans parfum. plique comment il s’adresse à la géné- ration Y, lassée des médias. Son leit- motiv est: «Cut the bullshit», soit se poser la suivante: «Pourquoi vou- lons-nous revenir au Parlement?» La partie officielle s’achève à 18 Le CEO Marc Walder sur la scène de la Ringier sures. Il les a donc développées lui- même et en a déjà vendu un million de paires. A l’origine de la marque de considéré comme le «Lady Gaga» des puissent se concentrer sur les conte- Les spécialistes de la science des don- «Virer toutes les conneries», car le heures, les cadres de Ringier dé- Management chaussures de course On stand se hôtels cinq étoiles. «Idéal pour le nus, ils ont été priés de débrancher nées comme lui ont «le métier le plus public les remarque. Et le plus impor- gainent leurs iPhone, consultent leurs Conference à trouve un mot, explique David Alle- thème de notre conférence», note le laptops et téléphones mobiles. Le sexy du XXIe siècle», dit Michael Wu. tant: rester authentique. comptes Twitter, Facebook et Ins- l’hôtel Kameha mann dans son exposé passionnant CEO de Ringier, Marc Walder, en sou- premier exposé met la barre très haut, En fin de première journée, c’est au tagram et mangent debout. Grand à Opfikon. sur la scène de l’hôtel Kameha Grand. haitant la bienvenue aux participants et débute par un verre de vin rouge. «Cut the bullshit» tour de Christian Lindner, le jeune But de l’événe- Ce mot est «crazy», «fou». «Serait-ce de la Ringier Management Conference, Michael Wu, data scientist – ou spécia- Le manager de Burda, Stefan Winners, président du FDP allemand, de monter Michael Ringier ouvre la ment: «Faire plaisir fou si David battait vraiment Goliath?» édition 2016, qui se tient à Opfikon. liste de la science des données – au sein aimerait bien du vin, lui aussi. «Mais sur scène. En 2013, lorsqu’il prend la deuxième journée à sa tête et à son Que se passerait-il si lui et ses amis Comme l’indique son intitulé, «Drive de l’entreprise américaine Lithium, seulement après sept heures du soir.» tête du parti libéral, celui-ci vient de Il est 7 h 57, mardi matin. On câble cœur.» développaient une chaussure que les Change!», il y sera question de change- avale une bonne gorgée et se lance Un verre d’eau à la main, il dévoile perdre les élections, se faisant évincer Michael Ringier et on le raccorde au joggeurs préféreraient à celles d’Adi- ment. dans l’explication du fonctionnement comment Burda est passé du statut du Parlement. «Quand on trébuche de microphone. «Sentez-vous une pres- das, de Nike et d’Asics? C’est sans cravate et aussi optimiste du big data. «Les meilleures idées me confortable d’éditeur de magazines à cette manière, il faut s’attendre à des sion à la tête?» demande un techni- La contribution de Frederike Hermi, qu’à l’accoutumée que Marc Walder se viennent quand je suis un peu pom- celui d’entreprise numérique ultrady- railleries et des coups de griffe», dit cien. «Non, tout va bien», répond scientifique EPF, est à la fois stimu- présente sur scène: «Toutes les inter- pette.» Le public rit. Puis ouvre grand namique. La transformation a com- Christian Lindner. C’est le jour des l’éditeur avec sa réserve habituelle. lante et exigeante. Elle parle des liens ventions auront pour sujet le change- les yeux. Michael Wu montre com- mencé en 1996. «Nous nous sommes élections qu’il décide de reprendre le C’est lui qui donne la première confé- neurologiques qui se créent en cas de ment, qu’elles soient données par un ment on transforme des données aperçus que la plus grande croissance parti en main. «Tout le monde se de- rence de la deuxième journée. Interro- changements. D’après la chercheuse, entraîneur de football, un responsable brutes en informations précieuses. se trouvait dans le domaine numé- mandait comment nous allions faire gé avec vigueur et empathie par le un individu ne peut se transformer politique ou un manager.» Comment le détaillant Target par- rique.» pour revenir au Parlement.» Il affirme journaliste de Ringier Hannes Britsch- que s’il apprend, de ses déceptions ou Pendant trois jours, les 180 partici- vient, à l’aide de données, à détermi- Michael Derkits, de Vice Media, ex- qu’il faut oublier cette question, mais gi, l’éditeur informe l’assemblée sur la de ses expériences positives. 12 | DOMO – Juin 2016 DOMO – Juin 2016 | 13
RMC Les conseils de l’entraîneur à mon équipe», dit Ottmar Hitzfeld, 1 «J’ai la Toile Qui est encore prêt aujourd’hui à ancien coach du Bayern Munich et de payer pour du journalisme? Aucune l’équipe suisse de football. Et même question sans doute n’occupe davan- lorsqu’il a repris la tête du petit club tage les nuits blanches des éditeurs... de Zoug, Hitzfeld avoue: «Je voulais Une poignée de jeunes Hollandais créer quelque chose de révolution- dans le sang» croient détenir la solution: Blendle est naire, les demi-mesures ne me satis- un site internet sur lequel on peut font pas.» Ce qui nécessite «courage acheter des articles à la pièce, une et détermination». sorte d’iTunes du journalisme. Son C’est avec une belle assurance que cofondateur, Marten Blankesteijn, Xiaoqun Clever, reponsable du big 2 explique: «En un clic, on peut acheter un article, un journal ou un magazine data au sein de Ringier, monte sur scène. Elle a déjà participé à bon Rien n’est plus important, aux yeux de entier. Si le texte ne plaît pas au lec- nombre de conférences, mais «celle- Mitchell Baker, qu’un internet ouvert – un teur, il est remboursé.» ci est exceptionnellement bien orga- Le soir, les managers font la fête au nisée». Elle se dit «vraiment impres- concept mis à mal par le big data, Google et Studio, au siège principal de Ringier, sionnée et optimiste quant à la voie à Zurich. Parmi eux se trouve l’ancien que Ringier a choisie». Puis décrit le Facebook. La juriste nous parle de la Silicon chancelier fédéral allemand Gerhard Schröder, le seul à porter une cravate. Blick comme «une start-up de 57 ans». Quand le journal de boulevard a fait Valley et explique pourquoi l’appât du gain Marc Walder fait les présentations: «Si l’Allemagne se porte aussi bien au- ses débuts, en 1959, il a vraiment chamboulé la place suisse des mé- 1 Le journaliste Hannes Britschgi 3 n’y est pas le ressort principal. jourd’hui, c’est grâce aux change- dias. A présent, c’est Xiaoqun Clever (à g.) interroge ments que tu as introduits.» Il pense qui secoue Ringier. L’entreprise doit l’éditeur Michael Texte: Peter Hossli Photo: Thomas Buchwalder bien sûr à l’Agenda 2010, que le poli- se servir des données comme d’un Ringier. tique a annoncé en 2003, et qui moteur. 2 «Les meilleures constitue le fondement libéral d’une L’intelligence artificielle est-elle une idées me viennent économie allemande aujourd’hui prospère. L’Agenda a coûté son poste à Schröder. «Parfois, il y a un décalage révolution, ou seulement un tigre de papier? La question est lancée par Karin Vey, experte en innovation au quand je suis pompette.» Michael Wu, data L a juriste Mitchell Baker (59 ans) est prési- dente de la Fondation Mozilla. L’éditeur américain de logiciels est une organisation à tique commerciale bien curieuse. Les entreprises de technologie résolvent donc les problèmes ensemble? il y aurait de meilleures solutions aujourd›hui. Est-il encore possible de se rattraper? Au vu de la quantité de données gérées par temporel entre l’introduction de ré- laboratoire de recherche zurichois scientist. but non lucratif, propriétaire notamment du Aujourd›hui, à la Silicon Valley, des milliers Google, personne ne peut se rattraper. Seul formes et leur résultat.» En 2005, d’IBM. Elle montre de façon saisis- 3 «On ne peut se navigateur Firefox. Il s’engage pour des in- de personnes tentent de résoudre divers Facebook possède un aussi grand nombre de Gerhard Schröder a été remplacé par sante comment l’ordinateur Watson transformer que si frastructures ouvertes sur l’internet. Mitchell problèmes. Espérons que le tout soit plus données. Angela Merkel. «Ce qui est ennuyeux, d’IBM a réussi à battre les têtes hu- l’on apprend Baker a travaillé auparavant chez Netscape. important que ses différentes parties. La Silicon Valley a complètement chamboulé c’est quand les élections tombent maines les mieux faites dans le cadre quelque chose.» En 2005, le magazine américain Time l’a Qu’est-ce qui motive les acteurs de la Silicon des secteurs entiers. Mais pas le secteur pendant ce décalage.» d’un jeu télévisé. Comment il arrive Frederike Hermi, classée au nombre des 100 personnalités les Valley? financier. Après son discours, Gerhard Schröder à lire, mais aussi à interpréter toute chercheuse à plus influentes du monde. Elle est mariée et C›est cette combinaison magique de techno- Ce secteur connaît actuellement d›immenses se retire pour aller manger avec la une bibliothèque de données médi- l’EPFZ. 4 a un fils. logie qui change la vie. Et puis, bien sûr, les bouleversements. Les banques devraient famille de l’éditeur et Marc Walder. cales en seulement six secondes. Se- 4 Meilleurs amis: Madame Baker, vous êtes à la tête du monde gains qui en découlent. engager des managers possédant des compé- Pendant ce temps, autour de sushis rons-nous remplacés par les robots? Claudio Cisullo, de l’internet libre. L’est-il encore vraiment? Le ressort de la Silicon Valley est donc l’appât tences tout à fait différentes. et de vin blanc, les autres parlent «Non!» répond Karin Vey. Les chefs membre du Mitchell Baker: Certaines parties sont en- du gain? Les banques se transformeront-elles de jusque tard dans la nuit. devront encore et toujours se poser conseil d’adminis- core relativement ouvertes. Ce n’est cepen- Derrière les sociétés qui comptent réelle- l›intérieur, ou d›autres entreprises le feront- A 8 h 30, après une poignée d’heures les bonnes questions, embaucher les tration de Ringier, dant pas le cas du modèle du smartphone. ment, il y a des hommes et des femmes qui elles à leur place? de sommeil, débute le troisième et bonnes personnes et se séparer Marc Walder, CEO, Mais c’est grâce à lui que des millions de ont une vraie vision. L›appât du gain ne suffit Les banques se transformeront-elles de l’inté- dernier jour. «Comment avoir votre d’elles si nécessaire. Ils devront fixer et Gerhard personnes ont en permanence accès à l’in- pas. Naturellement, il existe, et il est fré- rieur, ou d’autres entreprises le feront-elles à attention si tôt le matin, après une les objectifs, gérer les incertitudes. Schröder, ancien ternet. quent. Mais le vrai succès naît de l›idée que leur place? nuit de fête?» demande le professeur Les robots savent mieux s’orienter, chancelier fédéral En devant renoncer pour ce faire à leur liberté l›on peut créer quelque chose. Cela dépend en partie de leur propre volonté. en marketing Marcus Schögel, de apprennent et calculent plus vite, allemand (de g. à 5 personnelle? Certains diraient: contrôler. La Silicon Valley L›histoire suggère que les nouvelles entrepri- l’Université de Saint-Gall. Il promet vérifient les faits et décident sans idée dr.). Il s›agit d›un échange. Or le modèle actuel veut-elle dominer le monde? ses ont l›avantage. Si les banques n›arrivent de parler de concepts plutôt que de préconçue. «Mais les humains rêvent, 5 Elles transfor- convient à la plupart des utilisateurs. Toute- Il y a une différence entre ce qui motive les pas à comprendre que le monde a changé et théorie. A peine commence-t-il, en ils ont de l’empathie et de l’imagina- ment Ringier en fois, ce sont clairement les fournisseurs qui gens et la façon dont ils sont perçus. Uber n›a à proposer de meilleures prestations, moins tirant sciemment sur de grosses fi- tion, et ils sont dotés de ce qu’on ap- entreprise mue ont le contrôle. Ce n›est plus un internet ou- pas démarré avec le désir de contrôler le chères, elles en paieront le prix à long terme. celles, que tout le monde est réveillé. pelle le bon sens. Les machines en par les données: vert. monde. Ses fondateurs étaient à Paris et Et vous, qu’est-ce qui vous motive? «Il faut du courage pour se frotter à ce sont dépourvues.» Iris Mayer, Nous accordons donc davantage de valeur au voulaient tout simplement pouvoir rentrer J›ai la Toile dans le sang. A mon avis, un in- fourbi numérique!» Au vu de la confu- Le dernier à se saisir du micro est rédactrice en chef confort qu’à la liberté individuelle? en taxi. ternet ouvert est la clé d›un progrès durable, sion régnante, la question qu’il faut Marc Walder, CEO de Ringier. Il sou- du Blick (à g.), et Ce n›est pas si simple. La plupart des gens Aujourd’hui, tout le monde parle du big data. et d›une justice à l›échelle mondiale. se poser est la suivante: «Sur quoi ligne la diversité des participants. Xiaoqun Clever, disent qu›ils tiennent à la sécurité et à la li- Ce concept doit cependant donner des sueurs La branche dans laquelle vous travaillez adore est-ce que je souhaite me concen- «Nous avons des cadres supérieurs data officer. berté. Mais personne n›agit dans ce sens. froides à la présidente de Mozilla. la nouveauté, la jeunesse, la culture de la trer?» formidables.» Le but de la conférence, 6 Un séminaire en 6 Google et Facebook s›affrontent en duel. Oui et non. En 2008, près de 25% du trafic start-up. Comment êtes-vous parvenue à y Lorsque les managers parlent du pour lui, est clair: «S’amuser! Faire économie Google contrôle la plateforme du smartpho- internet se faisait par l›intermédiaire de exister aussi longtemps? changement, ils aiment bien utiliser plaisir à sa tête et à son cœur.» Marc d’entreprise ne, et Facebook l›interface. Pourquoi Google notre navigateur. Nous aurions pu agréger Il faut pour cela aimer le changement. Ce des allégories tirées du monde du Walder nous pose trois questions donné par Felix ne supprime-t-il pas tout simplement ces données de manière anonyme. Mais au n›est pas le cas de tout le monde, mais pour football. A Opfikon, c’est un des plus pour la route: «Etes-vous entouré(e) Oberholzer, Facebook sur Android? sein de Mozilla, surtout en Allemagne, les moi, c›est une vraie chance. Je recherche la grands entraîneurs de foot qui aborde des bonnes personnes?», «Vivez-vous professeur à Parce que de nombreux individus n›achètent réactions négatives ont été nombreuses, et nouveauté. directement le sujet. «Mon but a tou- dans une bulle?» et «Apprenez-vous Harvard. un smartphone que pour être sur Facebook. nous y avons donc renoncé. A posteriori, je Etes-vous toujours en ligne? jours été, comme entraîneur, de en permanence?». Puis il conclut: «Le Proposer un produit qui ne tiendrait pas dois dire que c›était une grande erreur. Si La plupart du temps, oui, mais je suis capab- transmettre quelque chose de spécial changement, c’est une chance!» compte de la demande No 1 serait une pra- nous avions appliqué nos valeurs au big data, le de tirer la prise. 14 | DOMO – Juin 2016 DOMO – Juin 2016 | 15
EN POINT DE MIRE Dans cette rubrique, DOMO présente régulièrement les meilleures photos Ringier du trimestre Les photos Ringier du trimestre 1 Six photos et leur histoire: des tulipes géantes, un accident spectaculaire, le contrôle total en Russie et une vieille femme que tout indiffère. PIERLUIGI MACOR Photographe KURT REICHENBACH Photographe GIULIANO BEKOR Photographe NICOLE HECHT Rédaction photo NICOLE SPIESS Rédaction photo RALUCA HAGIU Rédaction photo 1 A 16 ans, en 1997, elle était la No 1 du tennis féminin. Près de vingt ans plus tard, Martina Hingis est toujours sur les courts, et de nouveau 3 Comment photographier un record mondial? C’est le défi qu’a décidé de relever le photographe Kurt Reichenbach dans le 5 Du grand cinéma à Hollywood! Le magazine de luxe roumain Unica est connu pour ses shootings photo spectaculaires. Pour ce en tête du classement, mais en double cette nouveau tunnel de base du Gothard. Avec ses numéro, la rédactrice en chef, Raluca Hagiu, a fois. La tenniswoman de 35 ans est en forme, et 57 kilomètres, c’est le tunnel le plus long du voulu faire revivre le glamour hollywoodien des elle le prouve dans le cadre du shooting réalisé monde, et un chef-d’œuvre du génie civil. Pour années 60. «Nous avions envie d’une pour le magazine de mode SI Style. Cinq heures la Schweizer Illustrierte, Kurt Reichenbach a photographie très colorée. J’ai écrit le concept, durant, Martina Hingis a posé pour le photo- accompagné pendant toute une nuit le trouvé les vêtements et rassemblé mon équipe graphe Pierluigi Macor. Et impressionné la conducteur de locomotive Marcel Fischbacher favorite: le photographe Giuliano Bekor – qui a journaliste Daniela Fabian: «Se faire maquiller, lors des courses d’essai. Avant la mise en travaillé avec des stars comme Tom Hanks, coiffer, devoir poser, sautiller, sauter, danser, service, en décembre 2016, 3500 courses Adrien Brody ou Jessica Chastain – le tout cela est fatigant même pour un mannequin d’essai ont été réalisées jour et nuit, par maquilleur Alex Abagiu, de Lancôme, et le professionnel. Mais pour Martina, ce n’était roulement. «La journaliste Jessica Pfister et moi coiffeur Sorin Stratulat.» Les mises en scène ont jamais trop.» Et outre son incroyable silhouette, avons traversé huit fois le tunnel à vive allure», été réalisées dans les rues de Los Angeles. Avec c’est également un sourire radieux qu’elle a raconte le photographe. Pour qu’il puisse le de belles voitures, de faux dinosaures de tendu à l’objectif. Martina Hingis est à l’aise dans prendre en photo, les 9500 lampes du tunnel cinéma ou encore une boîte géante de soupe à cette blouse à ruchés de Rodarte et ce pantalon ont exceptionnellement été allumées. Tandis la tomate Campbell. Raluca Hagiu: «Et là, vous de Public School. C’est donc pleine d’entrain que le train fonçait à plus de 200 km/h du rajoutez encore des vêtements sympas pour les qu’elle prend la pose. Et le résultat final est portail nord au portail sud et retour, Kurt modèles, un maquillage chic et une super convaincant: on n’a jamais vu la championne Reichenbach prenait des clichés depuis la ambiance sur le plateau!» aussi belle et séduisante. cabine de pilotage. Avec un temps d’exposition d’un dixième de seconde pour obtenir cet effet de mouvement. Où exactement cette photo ALEXANDER AKSAKOV Photographe PHILIPPE PACHE Photographe a-t-elle été prise? Il ne le sait pas: «Dans le REMO LÖTSCHER Rédaction photo PASCALE MÉROZ Rédaction photo tunnel, tout se ressemble.» 2 C’est un spectacle multicolore qui attire chaque année des centaines de milliers de VLADIMIR ZIVOJINOVIC Photographe 6 C’est un royaume sur lequel le soleil ne se couche jamais: l’empire Renova, de l’oligarque et investisseur russe Viktor spectateurs au bord du lac Léman: la Fête de la SLOBODAN PIKULA Rédaction photo Vekselberg, compte 29 participations. En tulipe de Morges, dans le canton de Vaud. Cent Suisse, il possède notamment Sulzer et OC vingt mille tulipes, jacinthes, narcisses et fritillaires en 300 variations de couleurs et de formes transforment le parc de l’Indépendance 4 Un accident de la circulation spectaculaire impliquant trois voitures, ce n’est pas si fréquent, même à Belgrade où le trafic est Œrlikon. Jusqu’à présent, on s’y était toujours montré très réticent à l’égard des journalistes. Marc Kowalsky, rédacteur en chef adjoint à en océan de fleurs. L’enchantement dure chaotique. «C’est pourquoi nous avons envoyé Bilanz, est le premier à avoir pu visiter jusqu’à la mi-mai, date à laquelle tous les notre photographe Vladimir Zivojinovic sur les plusieurs sites de production en Russie. Ce qu’il oignons sont déterrés et vendus sur le marché lieux pour le journal Blic. Cela fait moins d’un an a découvert à Iekaterinburg, avec son local. Le photographe Philippe Pache, lui-même qu’il travaille chez nous, mais il est très photographe Alexander Aksakov, fait frémir: originaire de Morges, s’est rendu à la Fête de la talentueux», explique le responsable du service une filiale de Renova a fait construire un tulipe pour le magazine L’illustré. «Je voulais photo de Ringier Serbie, Slobodan Pikula. quartier de la taille de Fribourg; elle surveille ses que, en regardant ma photo, on se sente Quand Vladimir Zivojinovic est arrivé sur le lieu habitants – qui travaillent presque tous pour comme un nain, et qu’on admire ainsi encore de l’accident, l’agitation était à son comble. Les l’entreprise – 24 h/24 à l’aide de 2000 caméras plus les tulipes», dit-il. Pour ce faire, Philippe accidentés, dont, étonnamment, aucun n’était braquées sur chaque centimètre de la ville. Pache a dû s’allonger sur le sol du parc de blessé, étaient sortis de leur voiture, se Même la consommation de gaz, d’eau et l’Indépendance, et faire preuve de de patience. disputaient et discutaient très bruyamment de d’électricité de chaque appartement est «Le ciel était nuageux, et le soleil ne se montrait la question de la responsabilité. Vladimir contrôlée en temps réel. «Orwell était que pendant quelques secondes.» Ainsi, il a Zivojinovic: «La Fiat renversée aurait été une optimiste», dit Marc Kowalsky fallu plusieurs heures jusqu’à ce que l’image photo d’actualité normale, sans plus. Mais tout parfaite soit enfin dans la boîte. Résultat: un à coup, cette vieille femme est apparue, à qui cliché géant! nous devons cette image. Complètement indifférente à l’accident, elle a continué son chemin sans dévier d’un pouce en tirant son chariot à commissions. Je me demande aujourd’hui encore si elle a vu la voiture.» 16 | DOMO – Juin 2016 DOMO – Juin 2016 | 17
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