INFORMATIQUE : LE RESUME DE SOINS INFIRMIERS, UTOPIE OU NECESSITE ?

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INFORMATIQUE : LE RESUME DE SOINS INFIRMIERS,
                                UTOPIE OU NECESSITE ?

Synthèse des éléments essentiels de la démarche de soins, le résumé de soins infirmiers (RSI) n’a
pas encore été expérimenté sur une grande échelle. Mais son adoption paraît imminente dans un
contexte d’évaluation et de valorisation de la profession infirmière.
Par Bernard Germain, Cadre infirmier supérieur au centre hospitalier de Valenciennes, maître en
sciences de la vie, mention soins, option sciences infirmières, université Paris XIII-UFR Bobigny.
in Objectif Soins, n° 14, juin 1993.

RÉSUMÉ DE SOINS INFIRMIERS ?
Cette expression est encore nouvelle, son contenu peu évident et sa réalisation…. hypothétique.
Pourtant, si « être professionnel, c’est savoir exactement ce que l’on fait, pourquoi on le fait et
comment on pourra vérifier les résultats de ses actions » (Poletti, 1991), le RSJ se situe tout à fait
dans cette perspective de professionnalisation. Le RSI représente un effort pour communiquer
l’essentiel de la prestation infirmière auprès d’un patient. Son fil conducteur est la démarche de
soins, écrite dans le dossier de soins. A ces éléments infirmiers essentiels s’ajoutent des éléments
démographiques relatifs au patient et des éléments administratifs relatifs à son hospitalisation.
Utopie aujourd’hui encore dans la mesure où toutes les conditions pour sa mise en place ne sont pas
réunies, le RSI pourrait devenir demain une réalité dont la nécessité s’imposerait dans un contexte
d’évaluation de l’activité soignante et de valorisation d’une profession en quête de reconnaissance
sociale
SUR LE CHEMIN DU PROFESSIONNALISME
Depuis quelques années, la fonction d’infirmier(ère) est entraînée dans une mutation importante. Le
processus de professionnalisation en cours devrait amener peu à peu les infirmier(ère)s à un statut
reconnu. « Le statut de profession, par rapport à celui de métier, se différencie par la possession
d’un certain nombre d’attributs dont la composante constante est qu’ils tendent à conférer à
l’activité une autonomie, un pouvoir d’autocontrôle explicitement reconnu par la société » (Jobert,
1985). Etre reconnu professionnellement implique d’apporter la preuve de son utilité, et donc de
présenter les résultats de son travail.
Or, l’activité infirmière n’est pas facile à décrire. Elle est complexe, riche, variée... C’est ainsi
qu’une liste ne comportant pas moins de 340 soins infirmiers a pu être établie récemment par une
équipe de chercheurs américains dirigée par Mc Closkey et Bulechek (1992). En outre, cette
difficulté est majorée par la nécessité d’intégrer les données infirmières dans un système
d’informations le plus souvent informatisé où il n’est pas question de tout dire, mais plutôt de
synthétiser et de standardiser les données significatives.
En milieu hospitalier, cette nécessité se fait plus pressante aujourd’hui. La maîtrise des dépenses de
santé est à l’ordre du jour et la loi hospitalière du 31juillet1991 rend obligatoire l’évaluation
quantitative et qualitative de l’activité hospitalière. Depuis 1989 déjà, les médecins ont l’obligation
de produire, pour chaque patient, un résumé standardisé de sortie (RSS) comportant un certain
nombre de données médicales. Le but des RSS est de cerner l’activité de l’hôpital en matière de
soins. Mais celle-ci ne peut se réduire à des données médicales. C’est pourquoi l’idée d’un RSI,
complémentaire du RSS médical, a émergé en France. Ce RSJ pourrait être une synthèse de
l’essentiel de l’activité infirmière auprès d’un patient.
L’exploitation des RSJ permettrait de mieux cerner la contribution spécifique des infirmier(ère)s
dans le domaine de la santé. Leur utilité sociale, facteur de reconnaissance professionnelle, pourrait
être alors clairement perçue par les autres professionnels de santé, par les partenaires médicaux,
administratifs et financiers, et également par les usagers. Il nous a semblé intéressant d’aborder ce
thème, non à partir du point de vue des leaders et des chercheurs de la profession, mais à partir du
point de vue des infirmier(ère)s de terrain, qui sont au plus proche du patient et qui seraient les
premier(ère)s concerné(e)s par l’élaboration de résumés de soins infirmiers.
La recherche bibliographique et l’interrogation d’une banque de données (Medline) ont permis de
relever l’existence d’un résumé infirmier dans la littérature professionnelle de trois pays :
  -   la Belgique, où un résumé infirmier minimum (RIM) est couramment pratiqué depuis 1988 ;
  -   les Etats-Unis, où depuis les années 80 une vaste recherche est menée sur le nursing minimum
      data set (NMDS) sans que celui-ci soit, à ce jour, reconnu et pratiqué officiellement ;
  -   la France, où le terme « résumé de soins infirmiers » (RSI) commence à apparaître dans les
      revues professionnelles.
En revanche, dans des pays comme le Canada, le Royaume-Uni ou la Suisse, il ne semble pas que le
résumé infirmier ait encore fait l’objet de publications ou d’indexations.
HISTORIQUE
Dans ce chapitre, nous donnerons la priorité à la pratique par rapport à la recherche d’abord
l’expérience belge, puis la recherche américaine, relativement avancée, enfin les premières
approches françaises.
FLORENCE NIGHTINGALE DEJA
Le concept de « résumé infirmier », qu’on semble découvrir depuis quelques années, n’est pourtant
pas nouveau. Au XIXe siècle déjà, Florence Nightingale, infirmière anglaise bien connue, avait
imaginé pour les hôpitaux de Londres (the War Office et the Army Medical Department) un
« recueil standardisé d’informations » (Cohen, 1984). Elle avait ainsi proposé le « premier système
de recueil de données essentielles qui représente les premières statistiques hospitalières »
(Thompson in Werley et Lang, 1988). Le but de ce recueil d’informations était d’établir des
comparaisons entre les résultats de soins de ces différents hôpitaux par le biais des renseignements
suivants nombre de cas par âge, sexe, maladie durée moyenne de séjour à l’hôpital mortalité, taux
de guérison par lits occupés et cas traités » (Grier in Werley et Lang, 1988). Elle voulait ainsi
« mesurer la qualité des soins hospitaliers, leur valeur pour la société ainsi que l’incidence et la
prévalence des maladies sur la population » (Thomp son in Werley et Lang, 1988).
LA PRATIQUE BELGE
L’arrêté royal du 14 août 1987 a rendu obligatoire l’enregistrement d’un résumé infirmier minimum
(RIM) dans toutes les unités de soins belges, à partir du îer janvier 1988 (Moreau, 1989). Au début
des années 80, la Belgique, comme d’autres pays similaires, connaît une croissance rapide des
dépenses de santé. Le financement des hôpitaux, basé sur le prix de journée, se révèle inadéquat et
inflationniste. Un nouveau mode de financement, basé sur l’activité réelle des unités de soins, est
mis en place, grâce à un résumé clinique minimal ne contenant que des données administratives et
médicales. Les infirmières, par le biais de leur association, l’Union générale des infirmières belges,
réagirent devant la non-prise en compte de l’activité infirmière comme composante de l’activité
globale de l’unité de soins. En effet, les infirmières figuraient, dans le budget, au chapitre des
dépenses au même titre que les médicaments ou le matériel médical, et non à celui d’une activité de
production comme les médecins, les sages-femmes et les kinésithérapeutes, rémunérés « à l’acte ».
En 1985, les infirmières obtiennent du ministère de la Santé publique une bourse leur permettant de
mener une recherche afin d’inclure des données infirmières dans le résumé clinique minimal. Au
terme de cette recherche, qui a duré deux ans, 23 soins ou « facteurs types » ont été mis en évi-
dence. Ils représentent un résumé significatif, fiable et valide de l’ensemble des soins. Le RIM
belge est donc « un ensemble minimal et significatif d’ interventions infirmières permettant de
connaître le profil en soins infirmiers des unités de soins » (Jongert, 1990). Il ne veut pas être une
synthèse de l’hospitalisation d’un patient, mais une photographie des soins effectués dans une unité
de soins par le relevé de la présence ou de l’absence de ces 23 facteurs dans les dossiers de soins à
des jours déterminés.
Le but du RIM est seulement de connaître le profil en soins infirmiers (et non la charge) des unités
de soins afin d’établir des comparaisons et d’affecter le même budget aux unités comparables. Le
RIM n’est donc pas un RIM-patient mais un RIM-unité de soins.
Outre ces 23 facteurs, sont également enregistrés l’âge des patients, les diagnostics médicaux, ainsi
que le personnel présent le jour de l’enregistrement. L’enregistrement du RIM n’est obligatoire que
15 jours par trimestre, et sur ces 15 jours, le ministère de la Santé publique n’en exploite que 5 :
ainsi le profil en soins infirmiers d’une unité de soins est élaboré à partir de 23 soins et 20 jours par
an. Après quatre ans d’existence, de 1988 à 1992, il s’avère que d’une part le RIM a été très utile au
niveau national car il a permis de repérer des incohérences ou des situations particulières qui ont fait
l’objet de réajustements, et que d’autre part la prise en compte et l’exploitation des données
infirmières par le ministère entraînent une reconnaissance professionnelle certaine. En revanche, au
niveau local, le RIM n’a pas encore donné les résultats escomptés et les infirmières commencent
seulement à percevoir son utilité.
LA RECHERCHE AMÉRICAINE
Aux Etats-Unis, sous la pression de plusieurs facteurs (augmentation des dépenses de santé,
évaluation et amélioration de la qualité des soins, besoin croissant d’informations sur les soins,
création d’un nouveau système de remboursement), divers résumés minimaux (minimum data set)
ont fait leur apparition depuis les années 70. Tous ces minimum data set ont en commun quatre
types de renseignements :
  -   éléments d’identification du patient,
  -   éléments financiers,
  -   éléments sociaux,
  -   éléments médicaux ou relatifs aux traitements.
Ils ont également en commun le même processus d’adoption et de mise en place : conférence de
consensus des professionnels de santé, tests de faisabilité sur le terrain, adoption par les autorités
publiques (Mac Philips, in Werley et Lang, 1988). Ce n’est qu’en 1985 que le concept de nursing
minimum data set (résumé infirmier minimum) a vraiment pris forme lors d’une conférence
organisée à l’université de Wisconsin-Milwaukee School of Nursing. Lors de cette conférence, le
nursing minimum data set (NMDS) a été défini ainsi « Un ensemble minimal d’éléments
d’information avec des définitions et des catégories uniformes concernant la dimension spécifique
des soins infirmiers, répondant aux besoins d’information de plusieurs utilisateurs dans le système
de santé » (Werley et coll., 1986).
Le nombre d’éléments d’information contenus dans le NMDS a été fixé à 16. Le test de faisabilité a
été effectué sur le terrain (Devine et Werley, 1988). Depuis 1985, de nombreux écrits ont été
publiés sur le sujet. Mais, en 1991, le nursing minimum data set n’était toujours pas reconnu et
agréé par les autorités publiques au même titre que les autres minimum data set. Six ans après la
conférence de Wisconsin-Milwaukee, Werley continue à publier de vibrants plaidoyers pour le
nursing minimum data set (Werley et Lang, 1988, et Werley et coll., 1991). De son côté, Williams
(1991) écrit: « Il faut renforcer et affiner les éléments infirmiers du NMDS en les confrontant à la
pratique du terrain... Il est prématuré de l’adopter sous sa forme actuelle... »Il semble donc que la
recherche américaine ne soit pas terminée et que le NMDS, « s’il a des qualités scientifiques et
pratiques indéniables, n’ait pas encore obtenu le consensus permettant une décision concernant son
adoption... Alors continuons à progresser », comme le souligne Williams. Quant à Simpson, elle
conclut son article en disant: « L’adoption du NMDS est probablement l’étape la plus importante
pour l’essor des soins infirmiers. Sans cela, nous nous condamnons à un combat stérile... »
LES PRÉMICES FRANÇAISES
Le thème du résumé infirmier ne semble pas avoir été traité comme tel dans la littérature profes-
sionnelle française ni avoir fait l’objet d’une recherche particulière. D’ailleurs, ce terme ne figure
pas dans le guide du service infirmier « Terminologie des soins infirmiers » (1986). En 1983, dans
le but de limiter la croissance des dépenses hospitalières, le budget global est instauré dans les
hôpitaux. En 1989, après une période de conception (1982-1985) et une période d’expérimentation
(1985-1989), est mis en place le programme de médicalisation du système d’information (PMSI).
Son but est de faire entrer des données médicales dans le système d’information hospitalier, en vue
de mieux cerner l’activité de l’hôpital en matière de soins. Le recueil de ces données s’effectue par
le biais d’un résumé standardisé de sortie (RSS) qui contient d’une part des données administratives
concernant le patient (nom, prénom, date d’entrée, date de sortie...), et d’autre part des données
médicales (diagnostic principal, cinq diagnostics secondaires éventuels et cinq actes «coûteux »
éventuels).
Aucune donnée infirmière n’est prise en considération dans le PMSI si ce n’est un indice de
pondération en soins infirmiers (IPSI) variant de 2 à 8 et affecté à chaque pathologie sans tenir
compte de la variabilité des situations pour une même pathologie. Pour pallier ce manque, la
recherche infirmière s’oriente vers une évaluation plus précise de la charge en soins. Le projet de
recherche en nursing (PRN) importé du Canada connaît un certain succès : 63 hôpitaux sur 1.013
établissements l’utilisent, d’après une enquête de la Direction des hôpitaux, réalisée en 1991.
Parallèlement, un autre indicateur d’activité est élaboré : les soins infirmiers individualisés à la
personne soignée (SlIPS). D’après la même enquête, 106 établissements l’utilisent.
Ces premières recherches sur les indicateurs d’activité en soins infirmiers ont été consignées dans le
Guide du service infirmier sur la charge de travail (1987) dans lequel apparaît d’ailleurs, pour la
première fois semble-t-il, le concept de résumé infirmier standardisé de sortie. Sous l’influence des
publications américaines, l’utilisation du diagnostic infirmier s’est développée comme outil de
formalisation de l’activité infirmière. De plus en plus, un lien est établi entre diagnostics infirmiers
et indicateurs d’activité. C’est sur ce « terreau » que l’on commence à voir germer le résumé de
soins infirmiers, sous l’impulsion en particulier de Catherine Duboys-Fresney, conseillère technique
à la Direction des hôpitaux.
A son initiative, deux conférences ont été organisées, l’une en décembre 1990, l’autre en octobre
1991, sur le thème « soins infirmiers et indicateurs d’activité ». Au cours de ces journées, le RSI a
été évoqué par plusieurs participants. Selon les propres termes de C. Duboys-Fresney, « seule
l’utilisation du résumé de soins infirmiers en complément du résumé standardisé de sortie peut
valablement rendre compte de la variabilité de la charge en soins ». Le décret du 30mai 1992 relatif
au dossier médical indique que parmi les documents établis à la fin de chaque séjour et devant faire
partie du dossier médical figure, « le cas échéant, une fiche de synthèse contenue dans le dossier de
soins infirmiers ».
En juin 1992 paraissent deux nouveaux Guides du service infirmier qui tous deux font allusion au
résumé de soins infirmiers. Ce concept semble donc se développer en France sous l’impulsion de la
Direction des hôpitaux et de certains leaders de la profession. Il émerge dans un contexte de
meilleure reconnaissance professionnelle par la prise en compte de l’activité infirmière, en parti-
culier dans le système d’information hospitalière. Assez proche des recherches américaines, ce ré-
sumé de soins infirmiers semble se construire autour de trois pôles : les diagnostics infirmiers, les
indicateurs d’activité en soins infirmiers, le résultat des soins.
Comme nous l’avons vu, plusieurs appellations ont été utilisées pour désigner la même réalité
(résumé infirmier standardisé de sortie résumé multimédia de sortie infirmier résumé infirmier de
sortie résumé infirmier minimum standardisé résumé infirmier minimum résumé de soins
infirmiers). A partir de 1992, à l’instigation de C. Duboys-Fresney, cette dernière appellation
semble s’imposer et c’est elle que nous utilisons dans ce travail.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Notre recherche s’est déroulée en deux phases successives et complémentaires
  -   d’une part, la rédaction de RSI par des infirmier(ère)s et leur analyse,
  -   d’autre part, la construction d’un questionnaire et l’analyse des réponses de ces mêmes
      infirmier(ère)s.
RÉDACTION DE RSI
Des « synthèses infirmières » d’hospitalisations de patients ont été réalisées par 70 infirmier(ère)s
d’unités de soins. Bien qu’ils n’aient pas participé à la rédaction de ces RSI, les cadres infirmiers
ont contribué à l’élaboration de la méthode. Ces résumés ont été rédigés entre février et juin 1992
dans 9 services représentant 3 centres hospitaliers (CH) 4 unités de soins du CH de Valenciennes, 3
unités de soins du CH de Roubaix, 2 unités de soins du CHU d’Amiens. Afin d’obtenir des résumés
relativement homogènes, ceux-ci ont été réalisés uniquement dans des services de médecine
d’adultes (pneumologie, néphrologie, cardiologie, médecine générale), les services de chirurgie et
les services d’enfants ayant été exclus.
Un certain nombre de précautions furent prises pour que les RSI soient réalisés dans les conditions
habituelles de travail des unités de soins. Chaque résumé devait être rédigé a posteriori sur un
patient ayant quitté l’hôpital afin que soit évitée une attention particulière au patient ou au dossier
de soins dans l’optique de réaliser un « meilleur» résumé.
Le résumé devait être réalisé personnellement et « spontanément » par chaque infirmier(ère), sans
informations ou conseils préalables ni réflexion d’équipe sur le contenu ou sur la forme, afin
d’éviter la production de résumés stéréotypés. Les infirmier(ère)s ne devaient pas choisir les pa-
tients qui faisaient l’objet d’un résumé de soins infirmiers ces derniers étaient tirés au sort sur un
échantillon excluant seulement les personnes présentes à l’hôpital depuis moins de cinq jours.
ENQUÊTE PAR QUESTIONNAIRE
Un questionnaire a par ailleurs été adressé aux auteurs des RSI. Il comprenait 15 questions et
explorait 6 thèmes différents :
  -   les documents utilisés,
  -   le « vécu » des infirmier(ère)s par rapport à la rédaction des RSI,
  -   le contenu du RSI,
  -   l’utilité du RSI,
  -   les conditions préalables à la rédaction régulière des RSI,
  -   le sentiment personnel des infirmier(ère)s par rapport au RSI (aspects positifs/négatifs).
Avant sa distribution, le questionnaire a été testé auprès de cinq personnes (trois cadres infirmiers,
deux infirmières) afin de nous assurer de la bonne compréhension des questions et des différents
items. Le questionnaire a été distribué aux infirmier(ère)s ayant rédigé les RSI dans les 9 unités de
soins précédemment citées. Nous avons nous-mêmes présenté les objectifs et le contenu du
questionnaire aux équipes les cadres infirmiers se sont chargés de la distribution elle-même et du
recueil des réponses après un délai fixé à environ huit jours.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Le vécu des infirmières
La surprise est grande de découvrir l’intérêt porté par les infirmier(ère)s à la rédaction du RSI :
89,4 % ont trouvé beaucoup ou assez d’intérêt à cet exercice inhabituel 64,8 % se sont acquitté(e)s
très facilement ou assez facilement de cette tâche. Pourtant la notion de RSJ était peu claire ou
absolument pas claire pour 50,8 % et cette rédaction a demandé du temps (de trente minutes à une
heure pour 50,8 %). Or, les infirmier(ère)s vivent mal ce temps « dérobé au patient et se sentent
toujours plus ou moins coupables dès qu’il s’agit de s’asseoir et d’écrire, même si au bout du
compte le résultat est meilleur « meilleure prise en charge du patient lors d’un transfert »,
« meilleure connaissance du patient par l’infirmière ». Il reste que cet outil potentiel n’est pas rejeté
comme c’est souvent le cas lorsqu’un outil est mal adapté ou inutile. D’emblée, l’intérêt du RSI
est bien perçu et sa mise en place sur le terrain serait relativement aisée si toutes les conditions
étaient réunies.
Documents utilisés pour la rédaction des rsi
« Montre-moi ton RSI, je te dirai quel est ton dossier de soins » En effet, un RSI ne peut être une
génération spontanée il est tributaire en grande partie des documents réalisés en amont, ainsi que
des modèles de présentation et de synthèse existants. Notre but était donc de mettre en évidence les
éléments précurseurs du RSI. Les réponses des infirmier(ère)s constituent un véritable plébiscite
pour le dossier de soins 98,2 % l’ont utilisé. 87,7 % avouent qu’il a été le document le plus utile. A
la question « Quelle condition préalable doit être remplie pour une rédaction régulière de RSI ? »,
94,7 % répondent : « que le dossier de soins contienne toutes les informations nécessaires ». Le
dossier de soins est donc l’élément de base sur lequel se construit le RSI.
En outre, si beaucoup d’infirmier(ère)s ont fait référence à la lettre médicale de sortie (31,5 %), la
majorité (50,8 %) a utilisé la démarche de soins comme fil conducteur en se référant à la présenta-
tion de cas concrets qu’ils ont appris durant leurs études (56 %). A la question 13, concernant les
conditions préalables à la réalisation de RSI, 73,6 % des infirmier(ère)s répondent : « que
l’infirmière travaille selon la démarche de soins ». A travers les réponses apparaît donc un lien entre
dossier de soins, démarche de soins et résumé de soins infirmiers : la démarche de soins apparaît
comme la démarche professionnelle infirmière, formalisée dans le dossier de soins et synthétisée
dans le RSI.
La rédaction d’un RSI est donc subordonnée à la démarche de soins écrite, au jour le jour, dans le
dossier de soins. Il semble toutefois que, au-delà de la « mémoire professionnelle » (le dossier de
soins), les infirmier(ère)s aient largement utilisé leur mémoire personnelle puisque 91,2 %
reconnaissent avoir eu recours à elle. Cela veut-il dire que le dossier de soins était défaillant dans la
presque totalité des cas enregistrés ? Il reste que les RSI ont été rédigés immédiatement après la
sortie du patient : si le délai avait été plus long, le recours à la mémoire n’aurait sûrement pas eu la
même portée. 51,4 % ont eu recours également au dossier médical : pour quel type de
renseignements non contenus dans le dossier de soins ? La feuille de température au lit du patient
est-elle considérée comme faisant partie du dossier médical ou du dossier de soins ? Dans certaines
unités cette feuille est incluse dans le dossier de soins. Si l’on ne peut répondre d’une façon précise
à cette question, on peut cependant conclure que l’infirmier(ère) a besoin de données médicales
pour rendre compte de son activité.
Le contenu du RSI
Le contenu de ce paragraphe résulte de l’analyse des RSI rédigés par les infirmier(ère)s, puis de
l’enquête par questionnaire. La grille d’analyse utilisée fut celle des 16 éléments du NMDS
américain... Retrouvait-on en France les mêmes éléments et dans quelle proportion ?
En fait, neuf éléments furent retrouvés de façon significative. En revanche, les infirmières
françaises ont ajouté deux éléments médicaux qui ne figurent pas dans le NMDS. Parmi les
éléments spécifiquement infirmiers, l’élément « intensité des soins » n’est pas jugé important par
les infirmières. Peut-être est-il davantage une préoccupation des cadres infirmiers ? Pourtant, en ce
qui nous concerne, il semble bien qu’il faille le considérer comme un élément essentiel et
significatif devant figurer dans un RSJ.
Le diagnostic infirmier est, quant à lui, un concept relativement récent dans l’histoire de la profes-
sion. En France, il vient seulement d’être intégré au programme des études d’infirmier(ère) de 1992.
Le concept et le contenu des diagnostics infirmiers n’ont pas encore fait l’objet d’un consensus
général et plusieurs taxinomies existent. La Direction des hôpitaux a adopté celle de la NANDA
(Guide du service infirmier, 1992). Malgré sa nouveauté, l’importance du concept est bien perçue
par les infirmières. Il semblerait donc que le RSI doive se construire sur un élément de base, les
diagnostics (infirmier et médical), à partir desquels les infirmier(ère)s pourront à la fois justifier
leurs interventions, déterminer le temps passé auprès du patient et évaluer le résultat des soins
donnés à ce malade. L’ensemble des quatre éléments (diagnostics interventions intensité résultats)
forme l’essentiel des informations infirmières.
A cet ensemble, il est nécessaire d’adjoindre, d’une part, des données démographiques concernant
le patient (nom, prénom, âge, sexe, adresse) et, d’autre part, des données administratives concernant
son séjour à l’hôpital (date d’entrée, date de sortie, devenir du patient, organisme payeur). En outre,
peuvent être ajoutés des éléments facultatifs soit démographiques (ethnie, situation familiale), soit
médicaux (antécédents, éléments de traitement médical, examens et résultats d’examens, traitement
à la sortie), lorsque leur présence s’avère indispensable pour la connaissance du patient et pour la
compréhension de la situation de soins.
L’utilité du RSI
Les résultats du questionnaire montrent que les infirmières privilégient l’aspect « connaissance des
patients » (96,4 %) et l’avantage qui en résulte au niveau des soins immédiats : continuité des soins
Si transfert (91,2 %), prise en charge plus rapide si transfert ou réhospitalisation (85,9 %), meilleur
suivi si réhospitalisation (68.4 %). De manière secondaire est perçu un intérêt en vue d’une
reconnaissance professionnelle (64,9 %), une mise en évidence du travail infirmier (61,4 %), une
connaissance de l’activité infirmière par les médecins (61,4 %) et par les gestionnaires (50,8 %). En
revanche, l’intérêt en vue d’une évaluation qualitative et quantitative est peu perçu et l’idée de
vouloir établir des comparaisons entre les unités de soins par le biais des RSI semble peu judicieuse
(19,2 %). En résumé, les infirmier(ère)s voient surtout l’utilité immédiate des RSJ pour leur propre
bénéfice et celui des patients dans la perspective de soins plus adaptés aux besoins de ceux-ci.
Conditions préalables à la rédaction régulière de RSI dans les services
Le RSI n’est pourtant pas à concevoir uniquement comme un outil à usage interne au seul profit de
l’infirmière) et du patient. Il pouffait être aussi « un résumé multimédia » (Forcioli, 1990), un outil
de communication, une banque de données accessible aux différents partenaires de santé en
fonction de leurs propres besoins, tout en respectant le secret professionnel. Il ne servirait à rien
d’être au clair sur le contenu des RSI ni d’avoir perçu leur utilisation possible si le projet était
complètement utopique et irréaliste. C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de connaître le
point de vue des infirmier(ère)s sur les conditions à remplir pour espérer la réalisation régulière de
RSI dans les services. Les intéressé(e)s pensent qu’il faut avant tout leur donner du temps (96,4 %)
entre cinq et vingt minutes par RSI.
Il est surprenant toutefois de constater que l’outil informatique ne recueille que 28 % des suffrages,
car seule l’informatisation pourra procurer le gain de temps réclamé par les infirmier(ère)s si, en
effet, le dossier de soins était informatisé, le RSI pourrait être produit automatiquement à la sortie
sans que l’infirmière ait besoin de rédiger elle-même une synthèse. Cela suppose bien évidemment,
avant d’en arriver à ce stade, que les conditions énoncées plus haut soient remplies car comme le
disent Cuzin et Pascal (1992), « l’ordinateur ne fera pas la démarche de soins à la place des
soignants » et seul « ce qui fonctionne sur papier peut être informatisé.
Opinion des infirmières sur le RSI
Une dernière question (ouverte) demandait aux infirmier(ère)s de donner leur propre opinion et
leurs propres impressions sur le RSI. Les réponses confirment tout à fait les réponses précédentes
tant en ce qui concerne les aspects positifs que négatifs du RSI il pourrait contribuer à une meilleure
prise en charge d’un patient changeant de structure par une meilleure connaissance de ses
problèmes et des soins qu’il a déjà reçus ; le RSI pourrait être en outre un outil de reconnaissance et
de valorisation de la profession ; en revanche, dans l’état actuel des conditions de travail,
l’infirmier(ère) n’aurait pas la possibilité de prendre du temps supplémentaire pour rédiger des RSI ;
de plus, cet écrit s’ajouterait à d’autres, déjà trop nombreux.
CONCLUSION
Ensemble minimal d’informations essentielles et standardisées concernant la totalité de la prestation
infirmière auprès d’un patient dans un contexte donné, le RSI
  -   représente la synthèse des éléments essentiels de la démarche de soins écrite au jour le jour
      dans un dossier de soins ;
  -   concerne la totalité de la prestation infirmière non seulement les actions de soins (nature et in-
      tensité) mais également les diagnostics qui les justifient en amont et les résultats qui
      s’ensuivent en aval ;
  -   est ciblé sur un patient dans un contexte de soins donné pour lequel il est nécessaire de fournir
      également un certain nombre d’informations indispensables ;
  -   est ouvert aux autres acteurs de santé, pour lesquels il constitue une base de données pouvant
      être mises à leur disposition en fonction de leurs besoins.
Il est évident toutefois qu’au-delà de cet « essentiel » que l’infirmier(ère) tentera de résumer, il
restera toujours un « essentiel » plus profond et indicible, celui de « toutes ces petites choses qui
font tout », comme le dit une infirmière dans l’enquête, c’est-à-dire la qualité de la relation, la
compréhension à demi-mot, l’échange de deux regards, la connivence de deux sourires. Cet
essentiel-là demeurera toujours « invisible aux yeux » du lecteur du RSI ; pourtant, il est le cœur
même du soin infirmier et il fait partie intégrante de la démarche de soins qui au-delà d’une
démarche méthodologique, est essentiellement une démarche « auprès » et « en compagnie » d’une
personne soignée.
Néanmoins, le RSI apparaît comme le fruit actuel et naturel de toute une évolution de la profession,
commencée à la fin des années 70 (reconnaissance du rôle propre) et jalonnée de points de repère
(mise en œuvre de la démarche de soins, élaboration du dossier de soins, étude des charges de
travail, découverte et mise en pratique des diagnostics infirmiers). Actuellement, grâce aux
évolutions antérieures et à la faveur de la conjugaison de la quête de reconnaissance professionnelle
des infirmier(ère)s et de la politique de santé visant à l’évaluation de l’activité soignante, la
« naissance » du RSI apparaît comme imminente. Sa réalisation à grande échelle est encore à venir
et suppose au préalable des expériences pilotes sur le terrain, précédées d’un effort de clarification
des concepts et d’adaptation des documents de travail. S’il peut sembler une utopie aujourd’hui, le
RSI sera sans doute une réalité demain, et nous croyons avec R. Simpson (1991) que « son adoption
est probablement l’étape lapins importante pour l’essor des soins infirmiers ». Alors, comme le dit
C. Williams (1991) : « Acceptons le défi et allons de l’avant. »
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