L'apprentissage : un impact positif sur la réussite scolaire des niveaux V
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ENSEIGNEMENT - ÉDUCATION L’apprentissage : un impact positif sur la réussite scolaire des niveaux V Elodie Alet * et Liliane Bonnal ** Les élèves qui préparent une formation professionnelle de niveau V (CAP ou BEP) ont le choix entre le lycée professionnel et l’apprentissage (formation professionnelle alternée). S’appuyant sur les données d’un panel d’élèves du second degré, cet article se propose de préciser les déterminants du choix entre ces deux voies, et de mesurer l’effet d’un passage en apprentissage sur la réussite scolaire. En ce qui concerne l’orientation vers l’apprentissage plutôt qu’en lycée professionnel, même si la trajectoire scolaire passée reste déterminante (notamment le faible niveau scolaire en fin de 3e, les orientations précoces dès la 4e ou la 3e vers des classes à ten- dance préprofessionnelle et la scolarisation en ZEP en 3e), c’est le contexte local qui joue le plus grand rôle. En effet, le poids de l’apprentissage dans le dispositif régional des formations de niveau V s’avère un facteur déterminant pour une telle orientation, particulièrement dans le cas des jeunes les plus faibles scolairement. En ce qui concerne l’impact sur la réussite scolaire, la prise en compte du caractère endogène de l’apprentissage permet de mettre en évidence un effet négatif mais non significatif de ce type de formation sur la probabilité de décrochage scolaire et un effet positif significatif sur la probabilité d’obtention du diplôme. Ainsi, pour un élève orienté en BEP ou en CAP, le passage par l’apprentissage implique de meilleures chances d’obtention du diplôme que le passage par le lycée professionnel. * Toulouse School of Economics, Gremaq, Université Toulouse 1 Capitole, Manufacture des Tabacs, Aile Jean-Jacques Laffont, 21 Allée de Brienne, 31 015 Toulouse Cedex 6, France, email: elodie.alet@tse-fr.eu ** Crief-Teir, Université de Poitiers et TSE-Gremaq, UFR Sciences économiques, Université de Poitiers, 2 Rue Jean Carbonnier, 86 022 Poitiers Cedex. Classification JEL : I21, I28, M53. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013 3
D urant les deux dernières décennies, de nombreux pays tels que la France, le Danemark, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas professionnel, ou par la voie de l’apprentissage qui associe formation pratique en entreprise et enseignement théorique en centre de forma- (voir Heckman, 1993 ; Steedman et al., 1998 tion. Une attention particulière est portée à la ou encore Steedman, 2005 ou 2010) ont mis en dimension régionale du mode d’acquisition place des politiques publiques visant à favoriser de la formation : les régions françaises sont le développement des formations en alternance en effet très hétérogènes en ce qui concerne et de l’apprentissage. Bien que très variées la formation professionnelle initiale. Du fait selon les pays, les stratégies de promotion de des traditions locales et de la décentralisation ces dispositifs ont toutes été animées par une vers les régions de la politique de formation volonté explicite de permettre une meilleure professionnelle entamée depuis 1983, ces der- insertion des jeunes sur le marché du travail. nières connaissent des disparités en terme de En effet, au cours de ces vingt dernières années, poids accordé aux formations professionnelles les pays européens, et en particulier ceux du dans l’ensemble des formations mais aussi en sud, ont connu un allongement de la période qui terme de poids relatif de l’apprentissage dans s’étend entre la fin des études et l’obtention du l’ensemble des formations professionnelles.1 premier emploi (Rapport OCDE, 2008). Dans ce contexte, la question de l’insertion des jeunes Dans le but de comparer les deux programmes a pris une importance particulière et les forma- de formation que sont l’apprentissage et le tions par alternance, notamment l’apprentis- lycée professionnel en termes de performances sage, ont connu une période de modernisation scolaires, nous utilisons un échantillon issu du et d’expansion. Panel 1995, base de données constituée par le ministère de l’Éducation nationale. Notre Concernant l’apprentissage, de nombreuses échantillon se restreint aux élèves préparant études ont montré en effet que les apprentis une formation professionnelle de niveau V, ont des durées d’accès à l’emploi plus faibles c’est-à-dire un CAP (Certificat d’Aptitude (Bonnal et al., 2002 ; Winkelmann, 1996), des Professionnelle) ou un BEP (Brevet d’Études emplois plus qualifiés (Bonnal et al., 2006) et Professionnelles) 2. Nous allons mesurer com- sont moins frappés par le chômage (Sollogoub ment le type de formation (apprentissage versus et Ulrich, 1999 ; Winkelmann, 1996 et Parey, lycée professionnel) affecte les résultats sco- 2009) que les jeunes ayant suivi leur formation laires. En particulier, nous nous intéressons au en lycée professionnel. décrochage (i.e. à l’abandon des études) avant la fin de la formation (sans passage de l’examen Cependant, outre son rôle positif dans l’inser et avec rupture de contrat pour les apprentis) tion des jeunes sur le marché du travail, et à l’obtention du diplôme. Cependant, dans l’apprentissage pourrait aussi être un vecteur la comparaison de l’apprentissage et du lycée de motivation pour les études pour des jeunes professionnel, nous devons tenir compte d’un peu stimulés par un cursus scolaire usuel : du possible biais d’endogénéité du mode d’acqui- fait de son lien très important avec le monde sition de la formation : la décision de suivre de l’entreprise, la formation par apprentis- la formation via l’apprentissage est en effet sage est moins académique et sa forte dimen- potentiellement liée à la motivation scolaire, sion pratique pourrait réveiller la motivation variable non observée du point de vue de l’éco- des jeunes en difficulté scolaire et, partant, nomètre, qui à son tour affecte les performances conduire à une amélioration de leurs per- formances scolaires (Ryan, 1998) 1. À notre connaissance, aucune étude empirique n’a 1. Les jeunes accueillis dans la voie professionnelle, en parti- été conduite sur ce thème. Cet article tente culier juste après la classe de 3e, sont, en général, des élèves d’apporter un éclairage nouveau sur les for- connaissant des difficultés scolaires et souvent éloignés de la culture scolaire (Charlot, 1999 ; Moreau, 2003 ; Ramé et mations par apprentissage en comparant deux Ramé, 1995). types de formation professionnelle, la voie sco- 2. Nous excluons de l’échantillon d’étude tous les autres diplômes pouvant être préparés via l’apprentissage, tels le bac- laire et la filière de l’apprentissage, en termes de calauréat professionnel ou autres diplômes de niveau supérieur performances scolaires. Le cas de la France est au baccalauréat, car du fait de la relative ancienneté de nos don- nées, les formations de niveau I à IV représentaient encore une particulièrement adapté à ce type de comparai- part assez marginale de l’apprentissage (moins du tiers en 2002, son puisque c’est un pays où existe une double Kergoat (2010)). Par ailleurs, il est également important de noter que nous étudions un second cycle professionnel différent du voie d’accès à l’enseignement profession- système actuel, puisque les données ont été recueillies avant la nel : tous les niveaux de diplôme de l’enseig disparition du BEP et la généralisation du baccalauréat profes- sionnel en trois ans en 2009. Désormais, le BEP est un diplôme nement professionnel peuvent être abordés intermédiaire présenté pendant le cursus menant au baccalau- par la voie scolaire habituelle dans un lycée réat professionnel. 4 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013
scolaires 3. Afin de prendre en compte cet éven- …et les variables susceptibles d’expliquer tuel problème d’endogénéité, on a recours à le passage par l’apprentissage la technique des variables instrumentales : nous estimons un modèle de deux équations Nous considérons comme ayant effectué sa for- simultanées de type Probit ; la première équa- mation via l’apprentissage tout élève qui a été tion explique le choix du type d’enseignement apprenti pendant au moins une année scolaire (apprentissage ou lycée professionnel), et la au cours de son second cycle professionnel. deuxième le décrochage de l’élève avant l’exa- En dehors du genre, les variables retenues men, conjointement à l’obtention du diplôme comme susceptibles d’expliquer le passage par pour l’un des modèles. Les résultats des estima- l’apprentissage sont les suivantes : 3 tions permettent de calculer l’effet d’un passage par l’apprentissage au cours des formations pro- -- des variables caractérisant la famille et les fessionnelles courtes de niveau V sur les perfor- parents (origine 4 du chef de famille, niveau mances scolaires. d’éducation des parents le plus élevé, situation professionnelle du chef de famille, structure de la famille (famille composée de deux figures Sélectionner les élèves passés parentales ou famille monoparentale), et taille par l’apprentissage… de la fratrie) ; Nous utilisons les données du panel d’élèves du -- des variables résumant le passé scolaire de second degré recrutés en 1995 (panel DEPP95, l’élève. Nous avons tout d’abord construit des Direction de l’évaluation, de la prospective et indicatrices repérant l’entrée tardive en classe de la performance) collecté par le ministère de de CP, le redoublement à l’école primaire et au l’Éducation nationale. Cette enquête suit un collège. Nous savons à partir de la 4e si l’élève échantillon de 17 830 enfants entrés en classe a été orienté dans une classe spécifique 5. Nous de 6e en septembre 1995. prenons en compte la zone d’éducation de l’élève en 3e grâce à une variable indicatrice L’échantillon a été construit de la façon sui- indiquant si celui-ci était scolarisé dans une vante : nous avons sélectionné les jeunes ZEP (Zone d’éducation prioritaire). Les notes qui ont effectué au moins une année en CAP moyennes en mathématiques, français et langue ou en BEP au cours des cinq années qui ont étrangère obtenues durant les classes de 4e et suivi leur dernière année de 3e. Ils se répar- de 3e sont connues (ces notes sont prises en tissent en deux groupes : les jeunes qui ont compte pour le brevet des collèges). Elles per- été directement orientés en BEP ou en CAP mettent de calculer une note moyenne (sur 20) juste après la 3e et ceux qui, dirigés d’abord que l’on intègre dans la modélisation à l’aide vers une seconde générale ou technologique, de trois indicatrices (inférieure à sept, entre sept se sont ensuite réorientés vers un BEP ou un et neuf et supérieure à neuf) notées respective- CAP. Dans le premier groupe, on a éliminé ment score faible, moyen et élevé 6. Cependant, de l’analyse les jeunes réorientés par la suite cette prise en compte du niveau scolaire en fin vers la filière générale ou technique. Très peu de collège n’est pas entièrement appropriée : nombreuses (une vingtaine), de telles trajec- d’une part, calculée à partir de notes de contrôle toires apparaissent après un an seulement et continu du brevet, cette mesure est influencée traduisent vraisemblablement une mauvaise par le niveau de la classe de l’élève ; d’autre orientation. Le deuxième groupe correspond part, les élèves de classes spécifiques sont notés à des jeunes orientés à mauvais escient vers à partir de programmes d’un niveau d’exigence la filière générale ou technologique et qui se réorientent ensuite vers la filière profession- nelle. Par ailleurs, nous excluons de l’échan- 3. En effet, il se peut que, pour un apprenti peu motivé par l’école et ayant de faibles aptitudes scolaires, l’estimation d’un tillon les jeunes formés en dehors de la France modèle « naïf » (c’est-à-dire ne tenant pas compte du caractère métropolitaine ainsi que ceux en situation de endogène de l’apprentissage) ait tendance à surestimer l’effet négatif de l’apprentissage. reprise d’études après leur entrée dans la vie 4. Quatre groupes ont été considérés en fonction du lieu de active. Nous éliminons aussi les jeunes sortis naissance et de la nationalité du chef de famille : Français, Européen non français, Africain du Nord, autre. du panel au cours du second cycle profession- 5. 4e d’aide et de soutien, 3e d’insertion, 4e et 3e technologiques, nel (afin de ne pas les affecter à tort au groupe 4e et 3e agricole, CPA, 4e et 3e SEGPA ; centrés sur les deux der- nières années du collège, ces différents dispositifs visent tous des jeunes qui abandonnent la formation) ainsi à lutter contre le décrochage scolaire et les sorties sans quali- que ceux qui ont omis de préciser leur spécia- fication. Ces différentes orientations ont été agrégées pour des problèmes d’effectifs. lité de formation. L’échantillon final comporte 6. Nous avons testé plusieurs découpages et celui considéré ici 4 664 individus. s’est révélé être le plus pertinent. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013 5
plus faible que celui des élèves de 3e générale. parmi tous les élèves de BEP ou CAP au cours Nous avons donc décidé de rajouter des indi- de l’année scolaire précédent la classe de 3e. catrices associées au niveau moyen acquis en Cette variable mesure l’importance de la pra- mathématiques et en français aux évaluations tique de l’apprentissage dans la région dans nationales de 6e. Cette note moyenne a le double laquelle réside l’élève. En effet, il existe, selon avantage de mesurer le niveau scolaire sur des les régions, une forte disparité de la part de l’ap- épreuves communes et d’être une évaluation prentissage dans la formation professionnelle. standardisée, non susceptible d’être affectée par L’apprentissage est largement pratiqué dans cer- des biais de notation. taines régions comme l’Alsace ou les Pays de Loire et beaucoup moins dans d’autres comme -- Des variables caractérisant la motivation de le Nord de la France (cf. annexe, tableau A). l’élève : être âgé d’au moins 16 ans en 3e (la Il sera d’autant plus facile pour un élève de scolarité n’étant alors plus obligatoire), le fait s’orienter vers une formation par apprentissage d’avoir choisi l’orientation vers une formation que ce mode de formation est développé dans la professionnelle et les aspirations des parents région de résidence de l’élève (cf. graphique I). (mesurées par le diplôme jugé le plus utile par eux sur le marché du travail). …et cette attraction est plus forte Enfin, nous contrôlons les effets spécifiques sur les élèves les plus faibles7 liés à la région et les effets de la taille d’unité urbaine associée à la localisation de l’établis- Par ailleurs, malgré les nombreuses campagnes sement. Ces effets fixes permettent d’éliminer de revalorisation de l’apprentissage qui se sont partiellement l’effet des variables inobservables succédées depuis les années 1990, l’appren- spécifiques à chaque région 7 et de se focaliser tissage pour les formations de niveau V conti- sur les variations intra-régionales. Un décou- nue de souffrir d’une image négative et reste page du territoire à partir de critères socioéco- souvent considéré comme un dispositif de nomiques permettant de prendre en compte les relégation des élèves qui ne s’adaptent pas au structures du marché du travail local, comme le système scolaire traditionnel (Beaud, 2002 ; suggère par exemple Grelet (2004, 2006) serait Berthelot, 1993 ; Dubet et Duru-Bellat, 2000). pertinent mais les informations de la base de Pour les jeunes, il peut donc apparaître plus données ne permettent pas de construire un tel attractif de suivre sa formation professionnelle zonage. À ces variables de localisation, nous en lycée professionnel plutôt que par ce biais. ajoutons des effets fixes de spécialité de la for- Dès lors, plus le poids de l’apprentissage sera mation qui nous permettent de capter la variabi- fort, plus la concurrence pour intégrer un lycée lité entre les différents secteurs d’activité. professionnel sera forte et la sélection difficile, les lycées ayant intérêt à capter les élèves ayant les meilleurs résultats scolaires 8. Par consé- L’apprentissage capte davantage d’élèves quent, le poids régional de l’apprentissage dans les régions où il est devrait avoir un effet plus important pour les le plus développé… élèves en grande difficulté scolaire que pour les « bons » élèves. En effet, si la part de l’appren- Nous utilisons aussi des variables instrumentales tissage dans une région est faible, la proportion afin de garantir l’identification non-paramétrique de BEP/CAP préparés en lycée professionnel va des modèles à équations simultanées estimés. être relativement forte. L’entrée dans ce dernier Ces variables sont supposées n’intervenir de type de formation va donc être moins sélective. façon directe que dans l’équation du choix entre Ainsi, même les élèves ayant les plus mauvais l’apprentissage et le lycée professionnel et non résultats scolaires pourront y accéder. Pour dans l’équation de performance scolaire. Nous tenir compte de ce phénomène, la variable du retenons ici le poids de l’apprentissage dans l’ensemble des formations professionnelles de niveau V dans la région d’habitation de l’élève 7. Tels que le nombre de places en CFA, la part des PME… 8. Ce mécanisme correspond à une vision de l’entrée en appren- ainsi que des variables d’interactions entre ce tissage simpliste, basée sur des hypothèses très fortes. En parti- poids de l’apprentissage et les indicatrices de culier, dans cette théorie, il n’y a pas de place pour les jeunes qui n’envisagent pas de se former autrement que par l’apprentissage notes obtenues au contrôle continu du brevet (on fait référence ici aux jeunes qui choisissent l’apprentissage dont la construction a été expliquée ci-dessus. dans une logique de reproduction sociale, comme les enfants d’agriculteurs ou d’artisans, logique mise en évidence par Grelet, 2004 et 2005) et on ne tient pas compte de la difficulté à trouver Le poids de l’apprentissage a été calculé une entreprise d’accueil. Cependant, à l’aide des modèles éco- nométriques présentés plus loin, nous apporterons des éléments comme la part au niveau régional des apprentis de vérification. 6 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013
taux d’apprentissage par région a été interagie partie pratique). Outre le mode d’acquisition de avec les indicatrices de score moyen obtenu en la formation, les variables explicatives retenues 3e. Ces variables croisées permettent de véri- dans la modélisation des performances scolaires fier l’hypothèse selon laquelle l’influence du sont celles listées précédemment, à l’exception poids régional de l’apprentissage sur le choix bien sûr des variables instrumentales. du mode d’acquisition de la formation profes- sionnelle varie en fonction du niveau scolaire de l’élève. Un premier test de cette hypothèse Les apprentis sont plus nombreux consiste à représenter graphiquement la rela- à « subir » leur orientation tion entre le poids régional de l’apprentissage que les lycéens professionnels et la proportion d’élèves dans notre échantillon orientés vers l’apprentissage en distinguant trois Parmi les 4 664 jeunes orientés en BEP ou CAP groupes de niveau scolaire (cf. graphique II) : qui composent notre échantillon de travail, on observe ainsi que pour les élèves ayant un 644 (soit 14 %) suivent leur formation par la « bon » niveau scolaire (note moyenne supé- voie de l’apprentissage (cf. tableau 1). Le fait rieure à 9), la proportion d’apprentis est stable, de suivre l’une ou l’autre de ces deux voies ne quel que soit le poids de l’apprentissage. Une se traduit pas par des différences de résultats variation du poids régional de l’apprentissage scolaires notables : la proportion de jeunes qui ne semble donc pas avoir d’effet sur le choix abandonnent en cours de formation est de 8,5 % du mode de formation pour les élèves les plus pour les lycéens professionnels et de 10 % pour forts. De plus, et conformément à l’hypothèse les apprentis ; et le taux d’obtention du diplôme émise, on obtient une relation croissante entre est de 72 % pour les jeunes en lycée profession- les deux séries pour les élèves ayant un niveau nel contre légèrement moins de 70 % pour les « moyen » (note moyenne comprise entre 7 et jeunes en contrat d’apprentissage. 9) ainsi que pour les élèves à « faible » niveau (note moyenne inférieure à 7) pour lesquels Les statistiques descriptives réalisées pour les l’effet positif est encore plus fort. deux sous-échantillons (apprentis/lycéens profes- sionnels) laissent apparaitre un certain nombre de Les variables de performances scolaires sur différences (cf. annexe, tableau B). Les apprentis la base desquelles nous souhaitons comparer sont plus souvent des garçons et préparent davan- l’efficacité relative de l’apprentissage et du tage des spécialités jugées masculines (produc- lycée professionnel sont l’abandon de la for- tion et transformation, génie civil, construction, mation avant le passage de l’examen final bois). En moyenne, ils ont de plus mauvais résul- et l’obtention du diplôme (partie théorique et tats scolaires en 3e, mais leur niveau en 6e était Graphique I Pourcentage d’apprentis et poids régional de l’apprentissage Proportion d’apprentis (en %) 25 20 15 10 5 Poids régional de l’apprentissage dans les formations de niveau V 0 (en déciles) 0 2 4 6 8 10 Lecture : dans les régions dans lesquelles la part de l’apprentissage parmi les formations de niveau V est la plus élevée (décile 10), la proportion d’apprentis est de 15,5 % alors qu’elle n’est que de 6 % dans les régions de France dans lesquelles l’apprentissage est le moins présent (décile 1). Champ : élèves préparant un CAP ou un BEP en lycée professionnel ou par voie d’apprentissage. Source : panel 1995 (DEPP, ministère de l’Éducation nationale). Nombre d’observations = 4 664. Calculs des auteurs. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013 7
légèrement meilleur que celui des jeunes entrés En ce qui concerne le milieu familial, les en lycée professionnel. Cependant, au cours de apprentis et les lycéens professionnels dif- leurs années au collège, les apprentis ont plus fèrent sensiblement. Les apprentis proviennent souvent suivi une classe de 4e ou de 3e à carac- davantage de familles non issues de l’immi- tère spécifique, davantage orientée vers le monde gration et moins dotées en capital scolaire. professionnel que les classes de 4e et de 3e géné- Les apprentis sont aussi plus souvent issus du rales. Les apprentis sont aussi plus nombreux à milieu des agriculteurs, artisans, commerçants avoir subi leur orientation vers la voie profes- et ouvriers, ce qui est conforme à une logique sionnelle puisqu’un peu plus de 60 % d’entre eux de reproduction sociale. De plus, les aspira- ont choisi de s’orienter en BEP/CAP contre 76 % tions des parents en termes du diplôme jugé des lycéens professionnels. le plus utile pour trouver un emploi montrent Graphique II Pourcentage d’apprentis et poids régional de l’apprentissage selon le niveau scolaire acquis en 3e Proportion d’apprentis (en %) 45 40 35 30 25 20 15 10 5 Poids régional de l’apprentissage dans les formations de niveau V 0 (en déciles) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Niveau faible Niveau moyen Niveau élevé Lecture : Dans les régions dans lesquelles la part de l’apprentissage parmi les formations de niveau V est la plus élevée (décile 10), la proportion d’apprentis est de 42 % pour les élèves de niveau faible alors qu’elle n’est que de 10 % pour les élèves ayant le niveau le plus élevé. Le niveau scolaire en 3e est apprécié à l’aune de la note moyenne du contrôle continu du brevet (sur 20) : nous qualifions de niveau faible les élèves ayant eu une note moyenne inférieure à 7, de niveau moyen ceux pour lesquels la note moyenne est comprise entre 7 et 9 et de niveau élevé ceux ayant eu une note moyenne supérieure à 9. Champ : élèves préparant un CAP ou un BEP en lycée professionnel ou par voie d’apprentissage. Source : panel 1995 (DEPP, ministère de l’Éducation nationale). Nombre d’observations = 4 664. Calculs des auteurs. Tableau 1 Statistiques descriptives associées à la réussite En % Apprentis Lycéens professionnels Ensemble des entrants en second (N = 644) (N = 4 020) cycle professionnel (N = 4 664) Voie de formation suivie 13,8 86,2 100 Sortie prématurée de la formation 9,9 8,5 8,7 Échec au diplôme de BEP/CAP 20,2 19,6 19,7 Réussite au diplôme de BEP/CAP 69,9 71,9 71,6 Lecture : 13,8 % des élèves du second cycle professionnel préparent le CAP ou le BEP par voie d’apprentissage. 9,9 % des apprentis quittent prématurément leur formation. Champ : élèves préparant un CAP ou un BEP en lycée professionnel ou par voie d’apprentissage. Source : panel 1995 (DEPP, ministère de l’Éducation nationale). Nombre d’observations = 4 664. Calculs des auteurs. 8 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013
clairement que les parents d’apprentis valo- corrélé avec le terme d’erreur ε A et nous notons risent davantage les bas diplômes et en parti- leur covariance σ AY . culier le BEP et le CAP. Si l’on fait l’hypothèse que la covariance Une dernière différence porte sur la zone d’ha- entre les erreurs des deux équations est nulle, bitation de l’élève en 3e : les apprentis ont moins l’équation de décrochage scolaire peut être esti- souvent été scolarisés en ZEP et dans des zones mée seule à l’aide d’un modèle Probit simple. rurales ou des petites villes. Néanmoins, si cette hypothèse a été faite de manière abusive, l’estimation séparée de l’équation d’abandon de la formation conduira à Une modélisation de la réussite scolaire des estimations des coefficients γ et βY biaisées. en deux temps, au moyen d’un modèle Dans ce cas, il convient d’estimer simultané- Probit à deux équations… ment les deux équations du mode de formation et de décrochage scolaire par la technique du Afin d’évaluer l’impact de l’apprentissage sur maximum de vraisemblance. 9 la réussite scolaire, nous estimons un modèle Probit à deux équations. La première équation Nous prolongeons ensuite cette première spé- traite du type de formation professionnelle sui- cification en prenant en compte une mesure vie (apprentissage ou lycée professionnel), et la des performances scolaires un peu plus éten- deuxième permet d’expliquer les performances due puisque nous voulons maintenant nous scolaires de l’élève. intéresser à l’obtention du diplôme. La pre- mière équation est inchangée et nous modifions Le passage par le système de l’apprentissage la seconde équation du modèle qui détermine est modélisé par la variable dichotomique A qui maintenant de façon conjointe le décrochage prend la valeur 1 si l’élève suit la filière profes- scolaire et la réussite au diplôme. Ainsi, la sionnelle via l’apprentissage et 0 si l’élève suit variable Y peut désormais prendre trois moda- la voie plus habituelle du lycée professionnel. lités : 0 si l’élève abandonne la formation avant Cette décision est déterminée par la variable le passage de l’examen final, 1 si l’élève passe latente A* définie par A* = X A′ β A − ε A qui est l’examen mais échoue et 2 si l’élève obtient son positive si l’élève est orienté vers l’appren- diplôme. La modélisation se fait à l’aide d’un tissage. Cette variable latente dépend d’un modèle Probit ordonné de la forme ensemble de variables explicatives exogènes X A et d’un terme d’erreur ε A supposée suivre Y = k ⇔ α k < Y * = Aγ + X Y ′ βY − εY ≤ α k +1 une loi normale centrée réduite. pour k ∈{0,1, 2} Les performances scolaires sont modélisées en Avec les contraintes suivantes : α 0 = −∞, deux temps. Dans un premier temps, l’analyse α 3 = +∞ et α1 = 0 et où Y * représente la propen- porte uniquement sur l’abandon de la formation sion individuelle à la réussite de la formation avant le passage de l’examen final. Dans un professionnelle. Cette variable latente dépend à deuxième temps, nous mesurons conjointement nouveau du type de formation A, de variables le décrochage scolaire et la réussite à l’examen. exogènes XY et d’un terme résiduel εY supposé suivre une loi normale standard et potentielle- L’abandon scolaire avant le passage de l’exa- ment corrélé avec le terme d’erreur ε A de façon men final est représenté par une variable dicho- à prendre en compte l’éventuelle endogénéité tomique Y qui prend la valeur 1 si l’élève ne de l’apprentissage. Comme précédemment, passe pas l’examen final et 0 sinon. Plus pré- l’estimation simultanée de ces deux équations cisément, l’élève abandonne la formation si la est effectuée par la méthode du maximum de variable latente associée Y * est positive. vraisemblance. Cette variable s’interprète comme la propen- sion individuelle au décrochage scolaire et est définie par Y * = Aγ + X Y ′ βY − εY . Cette variable latente dépend du type de formation suivie (apprentissage ou lycée professionnel), qui est une variable potentiellement endogène, mais aussi d’un vecteur de caractéristiques exogènes 9. Un autre avantage de l’estimation jointe des deux équations correspond au fait que nous obtenons ainsi une estimation de la X Y et d’un terme d’erreur εY qui suit une loi covariance σ AY , à partir de laquelle nous pouvons tester l’endo- normale centrée réduite. εY est potentiellement généité du mode de formation. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013 9
…permet de mesurer l’effet troisième estimateur est l’effet moyen du trai- de l’apprentissage tement sur les non-traités (Average Treatment on the Non-treated ou ATNT) et mesure ce que Afin de préciser l’impact d’un passage par seraient devenus les lycéens professionnels l’apprentissage sur la probabilité de décro- s’ils étaient passés par l’apprentissage 10. chage scolaire et sur la probabilité de réussite à l’examen, on utilise les trois estimateurs Après la classe de 3e, les élèves qui se dirigent usuels de la littérature économétrique de vers une formation professionnelle de niveau l’évaluation. V choisissent entre deux modes de formation : l’apprentissage ou le lycée professionnel. Le premier est l’effet moyen du traitement sur L’orientation vers l’une ou l’autre de ces voies les traités (Average Treatment on the Treated dépend à la fois du passé scolaire de l’élève et ou ATT). Il correspond à l’effet moyen du trai- de son environnement (prépondérance locale tement (le passage par l’apprentissage) sur de l’un ou l’autre des modes de formation et ceux qui en ont effectivement bénéficié (les influence du milieu familial évalué au travers apprentis) – à savoir, dans notre cas, l’effet du capital socioculturel des parents et de leurs moyen de la formation par l’apprentissage aspirations éducatives). Afin de mesurer l’im- pour ceux qui y participent. Il s’agit de la portance relative de ces différents éléments, différence de probabilité de réussite scolaire nous examinons ici les déterminants de la liée au fait d’être passé par une formation probabilité, pour un élève en formation pro- par apprentissage, cette différence étant esti- fessionnelle de niveau V, de suivre la voie de mée sur la sous-population des apprentis. Le l’apprentissage, plutôt que celle du lycée pro- second, l’effet moyen du traitement dans la fessionnel (cf. tableau 2). population (Average Treatment Effect ou ATE), estime l’impact moyen qu’aurait le traitement s’il était étendu à l’ensemble de la population ; c’est donc l’effet attendu de la formation par l’apprentissage pour un individu choisi aléa- 10. Pour une formalisation mathématique de ces effets, voir par toirement dans la population totale. Enfin, le exemple Brodaty et al. (2007). Tableau 2 Probabilité de suivre une formation par apprentissage Variables Coefficient Écart type Effets marginaux (EM) Constante - 2,622*** 0,600 Score moyen en 3e Faible ( 9) Réf. Réf. Réf. Part de l’apprentissage régional 0,113*** 0,035 EM, total : 0,020***(0,006) EM, scores faibles : 0,031***(0,008) EM, scores moyens : 0,022***(0,006) EM, scores élevés : 0,017***(0,005) Part de l’apprentissage régional x score faible 0,028*** 0,010 Part de l’apprentissage régional x score moyen 0,018** 0,009 Score moyen en 6e : Faible (< 10) - 0,077 0,080 - 0,012 Moyen (10 – 13) 0,026 0,063 0,004 Élevé (> 13) Réf. Réf. Réf. Fille - 0,259*** 0,071 - 0,043 Structure familiale : Famille monoparentale ou autre Réf. Réf. Réf. Famille à deux responsables 0,011 0,073 0,002 Diplôme le plus élevé des parents : Sans diplôme Réf. Réf. Réf. BEPC 0,073 0,108 0,012 BEP/CAP 0,114 0,075 0,019 Baccalauréat 0,022 0,107 0,003 Diplôme supérieur au Baccalauréat - 0,302** 0,137 - 0,042 Non réponse 0,115 0,136 0,020 ➔ 10 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013
Tableau 2 (suite) Variables Coefficient Écart type Effets marginaux (EM) Origine du chef de famille : France Réf. Réf. Réf. Europe hors France - 0,040 0,156 - 0,007 Afrique du Nord - 0,704*** 0,173 - 0,078 Autre pays étranger - 0,393* 0,205 - 0,051 Non réponse - 0,285 0,183 - 0,039 CSP du chef de famille : Artisan, commerçant, agriculteur Réf. Réf. Réf. Ouvrier non qualifié - 0,262** 0,104 - 0,038 Ouvrier qualifié - 0,075 0,084 - 0,012 Employé - 0,138 0,096 - 0,022 Cadre moyen ou supérieur - 0,151 0,098 - 0,023 Non réponse - 0,264 0,173 - 0,037 Diplôme jugé le plus utile par les parents : Aucun diplôme 0,478** 0,214 0,106 BEP/CAP 0,257** 0,132 0,049 Baccalauréat professionnel 0,024 0,125 0,004 Baccalauréat technique 0,132 0,154 0,023 Baccalauréat général Réf. Réf. Réf. Diplôme du supérieur 0,012 0,137 0,002 Ne sait pas 0,189 0,125 0,033 Non réponse 0,061 0,170 0,010 Taille de la fratrie : Un seul Réf. Réf. Réf. Deux - 0,010 0,091 - 0,002 Trois 0,062 0,093 0,010 Quatre - 0,127 0,118 - 0,019 Cinq et plus - 0,123 0,134 - 0,019 L’élève a choisi la voie professionnelle - 0,463*** 0,057 - 0,089 L’élève a plus de 16 ans lorsqu’il entre en BEP/CAP 0,021 0,088 0,003 Élève en retard à l’entrée en CP - 0,153 0,094 - 0,023 Redoublement au primaire 0,009 0,080 0,001 Redoublement en 6e - 0,060 0,085 - 0,009 Redoublement en 5e - 0,070 0,088 - 0,011 Redoublement en 4e - 0,039 0,088 - 0,006 Redoublement en 3e - 0,148 0,115 - 0,022 L’élève est scolarisé en ZEP en 3e - 0,275*** 0,098 - 0,040 L’élève a suivi une classe spécifique 0,252*** 0,073 0,047 Spécialité de la formation : Agriculture, pêche, forêt, espaces verts - 0,193* 0,117 - 0,029 Spécialités pluri-techniques de la production, transformations, génie civil, construction, bois 0,438*** 0,097 0,092 Mécanique, électricité, électronique Réf. Réf. Réf. Matériaux souples - 0,338*** 0,094 - 0,051 Services aux personnes, services à la collectivité - 0,932*** 0,130 - 0,099 Échanges et gestion - 0,410*** 0,086 - 0,058 Communication et information 0,281** 0,111 0,055 Zone d’habitation en 3e :
Les élèves de faible niveau classe de 6e n’influence directement le mode ont une probabilité plus forte d’acquisition de la formation professionnelle. d’entrer en apprentissage À l’inverse, le niveau scolaire récent de l’élève, en classe de 3e, est un déterminant fort de l’en- Le passé scolaire lointain de l’élève joue un rôle trée en apprentissage : la probabilité de deve- relativement faible dans l’orientation vers l’ap- nir apprenti des élèves de plus faible niveau prentissage. En effet, ni le retard scolaire – qu’il est supérieure de presque 12 points à celle des date de la maternelle, de l’école primaire ou élèves qui ont le niveau le plus élevé. Ceux qui du collège – , ni le niveau scolaire mesuré en étaient scolarisés dans une zone d’éducation Encadré FONCTION DE VRAISEMBLANCE ET CALCUL DES EFFETS MARGINAUX DES VARIABLES INTERAGIES (Modèle Probit simple pour la détermination de l’orientation vers l’apprentissage) On modélise l’entrée en apprentissage à l’aide d’un ∂P( Ai = 1) modèle Probit simple : l’élève i orienté en BEP/CAP = ∂W ) suit sa formation par apprentissage si Ai = 1, avec : ( ϕ X ′β A + W βW A + I1β1A + I2β2A + WI1βW A A 1 + WI2βW 2 . { Ai = I Ai* = X Ai ′ β A − ε Ai ≥ 0 } ( A βW A + I1βW A 1 + I2βW 2 ) Le terme d’erreur ε A suit une loi normale standard. Le vecteur XA se décompose en un vecteur X composé avec ϕ (.) la fonction de densité d’une loi normale de toutes les variables de contrôle hormis les indica- standard. trices de niveau scolaire en 3e I1 et I2, le poids régional de l’apprentissage W et les termes d’interaction entre L’effet marginal de W peut être non nul même dans le cette proportion et les indicatrices de niveau WI1 et WI2. cas où le coefficient qui est associé à la variable W est égal à zéro car l’effet marginal de W dépend non seu- A l’aide de ces notations, le modèle Probit peut se réé- lement de l’effet de la variable W mais aussi des effets crire de la façon suivante: des variables interagies WI1 et WI2. X ′β A + W β A + I β A + I β A + W I β A De plus, On peut aussi s’intéresser à l’effet d’une i i W 1i 1 2i 2 i 1i W 1 Ai = I variation de la variable W pour différentes sous-popu- A +Wi I2iβW 2 − ε Ai ≥ 0 lations d’élèves de niveau scolaire diffèrent. Pour cela, on calcule l’effet marginal de W sur chacun des sous- Les contributions à la fonction de vraisemblance échantillons. X ′β A + W β A + I β A + I β A ∂P ( A = 1 | I1 = 0, I2 = 0) P ( Ai = 1) = Φ ( )( ) i i W 1i 1 2i 2 = ϕ X ′β A + W βW A A . βW +W I β A + W I β A ∂W i 1i W 1 i 2i W 2 ∂P ( A = 1 | I1 = 1) = ϕ ( X ′β + W β + β + W β ) . A A W A 1 A W1 X ′β A + W β A + I β A + I β A ∂W P ( Ai = 0) = 1 − Φ (β + β ) i i W 1i 1 2i 2 A A +W I β A + W I β A W W1 i 1i W 1 i 2i W 2 ∂P ( A = 1 | I = 2 ) 1 = ϕ ( X ′β + W β + β + W β ) . A A W A 2 A W2 avec Φ (.) la fonction de densité cumulée d’une loi nor- ∂W male standard. (β + β ) A W A W2 La log-vraisemblance s’écrit alors: n Effets marginaux des indicatrices ln L = ∑ Ai ln P( Ai = 1) + (1 − Ai )ln P( Ai = 0 ) de niveau scolaire en 3e I1 et I2 : i =1 Lors du calcul des effets marginaux associés aux indi- avec n la taille de l’échantillon. catrices de niveau scolaire en 3e, ces dernières sont aussi utilisées dans les termes interagis avec W. Pour Effets marginaux associés au poids régional j = 1,2: de l’apprentissage W Afin d’obtenir l’effet marginal de W de façon correcte, ( ) P A = 1 | I j = 1 − P ( A = 1 | I1 = 0, I2 = 0) = nous devons utiliser la formule suivante (l’indice i asso- cié à l’élève à été omis pour simplifier les notations): ( Φ X ′β A A + W βW + βA A ) ( A A j + W βWj − Φ X ′β + W βW ) 12 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013
prioritaire en 3e ont une probabilité plus faible qu’aucun diplôme ou un diplôme professionnel d’être orientés vers l’apprentissage. Une expli- de niveau V est le plus utile sur le marché du cation possible pourrait tenir à une politique travail ont une probabilité plus élevée d’être d’orientation des élèves moins sévère dans les orientés vers l’apprentissage plutôt que vers un établissements classés en ZEP. Il est également lycée professionnel.11 possible que les établissements définissent leurs critères d’orientation à partir du niveau relatif de l’élève : étant donnée la plus grande Le rôle important du poids concentration d’élèves de faible niveau en ZEP, de l’apprentissage dans le dispositif il devient alors plus aisé d’éviter les voies de de formation régional est confirmé formation les plus stigmatisées, comme l’ap- prentissage. Le passage par une classe spéci- L’arbitrage entre apprentissage et lycée pro- fique dès la 4e ou la 3e conduit à une plus grande fessionnel est très marqué par les caractéris- probabilité d’être orienté vers l’apprentissage : tiques régionales, et en particulier par le poids les élèves orientés précocement vers des classes de l’apprentissage dans la région. Tout d’abord, à tendance professionnelle sont soit des élèves la probabilité d’être apprenti augmente avec la ayant connu de grandes difficultés scolaires et part de l’apprentissage régional. De plus, même auxquels le modèle scolaire académique clas- si les résultats scolaires en 3e n’influencent pas sique n’est pas adapté, soit des élèves ayant déjà directement la probabilité d’entrer en apprentis- un projet professionnel 11. Ce sont précisément sage, ils ont un effet indirect puisque les coeffi- ces deux types d’élèves qui sont happés par la cients associés aux variables d’interaction entre formation professionnelle par apprentissage. le poids régional de l’apprentissage et le niveau Enfin, si l’élève désirait être orienté vers un scolaire en 3e sont significatifs. On retrouve BEP ou un CAP, sa probabilité de suivre une ainsi le résultat de statistique descriptive men- telle formation par la voie de l’apprentissage est tionné au début de cet article. L’effet de la part plus faible. de l’apprentissage dans les formations profes- sionnelles de niveau V varie avec le niveau scolaire. L’effet marginal du poids régional de Le choix des parents l’apprentissage a été calculé pour les trois caté- est un facteur important de l’entrée gories de niveau scolaire de l’élève : cet effet en apprentissage est d’autant plus important que les élèves ont un niveau scolaire faible (plus le score moyen Le choix du mode de formation, apprentissage est bas, plus la probabilité de suivre une forma- ou lycée professionnel, est également influencé tion par apprentissage augmente avec la part par le genre et le milieu familial. Les filles ont de l’apprentissage dans la région). Le contexte une probabilité plus faible de suivre leur forma- local, résumé par le poids régional de l’appren- tion via l’apprentissage. Ce résultat est obtenu tissage, s’avère un élément prépondérant dans en tenant compte de la spécialité étudiée et l’arbitrage apprentissage / lycée profession- des performances scolaires. Par ailleurs, ni la nel 12. Par ailleurs, comme l’a montré Grelet structure familiale, ni la taille de la fratrie ne (2004), habiter dans une grande ville et en par- jouent sur la probabilité de devenir apprenti. Le ticulier à Paris diminue la probabilité de suivre niveau d’éducation des parents a une influence une formation professionnelle par la voie de certaine sur l’orientation des enfants : les élèves l’apprentissage. Ce résultat peut s’expliquer par des familles les plus diplômées sont moins sou- des effets d’offre de formation et/ou de structure vent orientés vers l’apprentissage. Ceux pro- socioéconomique du territoire. venant de familles issues de l’immigration non européenne (maghrébine tout particulièrement) Enfin, toutes les spécialités ne sont également et de celles dont le chef est ouvrier non-quali- accessibles par l’apprentissage : c’est dans les fié ont également tendance à éviter cette voie. spécialités liées à la production, à la construc- Ces élèves auraient peut-être plus de difficultés tion, à la communication et à l’information à trouver une entreprise d’accueil. Une autre que la probabilité de suivre un apprentissage explication concernant les élèves issus de l’im- est la plus grande. À l’opposé les spécialités se migration serait que les parents souhaitent que leurs enfants fassent des études plus générales 11. Voir le rapport de l’ONEA (2010) pour un éclairage sur et ont donc une préférence pour la formation l’orientation vers une classe de 4e ou de 3e agricole. en lycée plutôt qu’en entreprise. Les aspira- 12. Il serait intéressant d’affiner davantage l’effet régional en prenant en compte l’environnement socioéconomique et donc tions des parents jouent elles-aussi un rôle la structure du marché du travail, comme le suggère Grelet important : les jeunes dont les parents jugent (2004, 2006). ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013 13
rapportant aux services à la personne et à la col- coefficient associé à l’apprentissage. Lorsque lectivité et aux matériaux souples sont associées l’apprentissage est traité de façon exogène, cette à une probabilité plus faible de formation par variable est associée à de plus mauvais résultats l’apprentissage. que lorsque l’endogénéité est prise en compte. Avec le modèle naïf (apprentissage exogène), L’apprentissage serait plus favorable on constate que le fait d’être apprenti n’a d’effet que le lycée professionnel significatif ni sur la probabilité de décrochage, à la réussite scolaire ni sur la probabilité de réussite à l’examen. Lorsque l’on tient compte de l’endogénéité de Ainsi qu’il a été mentionné, l’apprentissage, l’apprentissage, les résultats diffèrent sensible- de par son lien très étroit avec le monde du tra- ment. Si l’on vérifie à nouveau que les appren- vail, peut être source de motivation pour des tis n’ont pas plus de chances que les lycéens de jeunes en rupture avec le système éducatif : il quitter prématurément le système scolaire, le pourrait de ce fait s’avérer plus efficace que le coefficient, même s’il est encore non significa- lycée professionnel en termes de réussite sco- tif, a changé de signe et est négatif. D’autre part, laire ultérieure. le deuxième modèle, qui concerne la réussite à l’examen, montre qu’effectuer sa formation par Afin de tester cette hypothèse, on a comparé la voie de l’apprentissage a un effet positif et la réussite scolaire des jeunes en lycée profes- très significatif sur la probabilité d’obtention sionnel à celle des apprentis. Cette réussite est du diplôme. mesurée, dans un premier temps, par la probabi- lité de décrochage scolaire puis, conjointement, À partir des résultats des estimations, plu- par la probabilité d’obtention du diplôme. On sieurs effets liés au traitement (le passage par utilise à cet effet des modèles Probit bivariés l’apprentissage) ont été calculés : l’effet moyen tenant compte de l’endogénéité potentielle du associé à l’apprentissage (noté ATE), l’effet mode d’acquisition de la formation. moyen d’un passage par l’apprentissage pour la sous-population des apprentis (les traités, noté Avant d’interpréter les paramètres estimés de ATT) et l’effet moyen de l’apprentissage pour ces modèles, on a vérifié l’endogénéité du type les lycéens professionnels (les non traités, noté de formation en comparant les modèles Probit ATNT) (cf. tableau 3). bivariés avec les modèles Probit univariés dans lesquels l’endogénéité n’est pas prise en En ce qui concerne la probabilité de décrochage compte. Le tableau 3 reprend des extraits des scolaire, tous ces effets sont non significatifs : estimations ; l’ensemble des paramètres estimés le passage par l’apprentissage ne semble avoir est présenté dans le tableau 4 pour les modèles aucun effet sur la probabilité d’abandonner la bivariés et dans le tableau C de l’annexe pour formation avant la fin, ni pour les apprentis, ni les Probit univariés. Le coefficient de corréla- pour les lycéens professionnels. tion entre les termes d’erreur des équations de type de formation et de réussite scolaire (noté Quant à la probabilité d’obtention du diplôme, σAY dans les tableaux 3 et 4) s’avère fortement l’effet moyen associé à l’apprentissage (ATE) significatif, ce qui confirme l’endogénéité sus- est de près de 16,5 % : cela signifie qu’un indi- pectée : le mode de formation doit être considéré vidu pris au hasard aurait une probabilité d’ob- comme endogène. En outre, le signe du coeffi- tention du diplôme de 16,5 points supérieure cient de corrélation implique qu’en moyenne, s’il prépare sa formation par la voie de l’appren- les caractéristiques non observées agissent tissage plutôt que dans un lycée professionnel. de la même façon sur l’accès à l’apprentissage Les effets moyens estimés pour la population et sur la sortie prématurée de la formation et de des apprentis et des lycéens montrent, une fois façon opposée sur l’accès à l’apprentissage et encore, un effet positif de l’apprentissage. Pour l’obtention du diplôme. Cela traduit un effet de les apprentis, l’effet moyen calculé (ATT) est sélection négatif : en moyenne, les élèves ayant l’écart entre la probabilité estimée d’obtenir son une motivation au travail scolaire faible auront diplôme et la probabilité estimée d’avoir son plus de chances d’être apprenti, plus de chances examen si l’élève n’était pas passé par l’appren- de quitter prématurément le système scolaire et tissage. Cet écart est d’un peu plus de 19 % moins de chances d’obtenir leur diplôme. en faveur de l’apprentissage. Pour les lycéens, l’effet moyen calculé (ATNT) correspond à De plus, la prise en compte de l’endogénéité l’écart entre la probabilité estimée d’obtenir son conduit à une modification du signe du diplôme si l’élève était passé par l’apprentissage 14 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 454, 2013
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