L'influence du cycle menstruel sur l'équilibre postural de la femme
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IFPEK Institut de Formation en Pédicurie-podologie, Ergothérapie, Masso-kinésithérapie 12 rue Jean-Louis Bertrand, 35000 Rennes L’influence du cycle menstruel sur l’équilibre postural de la femme MERIEN Mathilde Mémoire d’initiation à la recherche en Pédicurie-Podologie Formation en Pédicurie-Podologie Sous la direction de Mme BOUTSOQUE Bernadette Promotion 2018-2021 Session juin 2021
PRÉFET DE LA RÉGION BRETAGNE DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHÉSION SOCIALE Pôle formation-certification-métier Diplôme d’État de Pédicurie-Podologie Travaux de fin d’études : Mémoire d’initiation à la démarche de recherche Conformément à l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle du 3 juillet 1992 : « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ». J’atteste sur l’honneur que la rédaction des travaux de fin d’études, réalisée en vue de l’obtention du diplôme d’État de Pédicurie-Podologie est uniquement la transcription de mes réflexions et de mon travail personnel. Et, si pour mon argumentation, je copie, j’emprunte un extrait, une partie ou la totalité de pages d’un texte, je certifie avoir précisé les sources bibliographiques. Le : 17 mai 2021 Signature de l’étudiant : Fraudes aux examens : CODE PENAL, TITRE IV DES ATTEINTES A LA CONFIANCE PUBLIQUE CHAPITRE PREMIER : DES FAUX Art. 441-1 : Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Loi du 23 décembre 1901, réprimant les fraudes dans les examens et concours publics. Art. 1er : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l’entrée dans une administration publique ou l’acquisition d’un diplôme délivré par l’État constitue un délit.
MAJ : Nov. 2017 IMPRIME Ip 04.04.03 – A ENGAGEMENT ETUDIANT Doc de rattachement : I 04.04.01 Je soussignée, MERIEN Mathilde, étudiante IFPEK en : þ Pédicurie-Podologie r Ergothérapie r Masso-kinésithérapie þ Reconnaît avoir pris connaissance de la procédure IFPEK « Procédure Interne Ethique Recherche Etudiante » þ Accepte les conditions de réalisation des projets au sein de l’IFPEK þ M’engage à respecter toutes les étapes définies dans la procédure, durant toute la durée de mes études au sein de l’IFPEK, et notamment : o Le recueil des consentements auprès des personnes interrogées dans le cadre de mes projets, o L’anonymisation des personnes interrogées et des données collectées, o La non diffusion de ces données en dehors du cadre pédagogique, o La destruction des données brutes recueillies. En cas de manquement à ces différentes règles, l’IFPEK sera susceptible d’appliquer des sanctions notamment si des plaintes ou réclamations sont déposées par des personnes interrogées (avertissement, conseil de discipline, …). Fait en deux exemplaires à Rennes, le 17/05/2021 L’étudiant IFPEK : MERIEN Mathilde Lu et approuvée Association IFPEK – 12 rue Jean-Louis Bertrand - 35000 RENNES 1/1
NOM : MERIEN PRENOM : Mathilde TITLE: The menstrual cycle’s influence on women’s postural stability ABSTRACT: For the last few decades, scientists have noticed a greater incidence in anterior cruciate ligament (ACL) injuries among women. In order to explain this gender difference, researchers have turned toward the menstrual cycle and have found an impact of steroidal hormones on women’s locomotor system. Indeed, menstrual cycle evolves according to hormone levels, in particularly because of estrogen and progesterone variations. Estrogen is especially harmful to women’s static and brings ligamentous laxity, poor neuromuscular control and postural balance. Postural balance is crucial to the human body and its failure will create abnormal postural sways which can promote greater risks of falling or injuries. The podiatrist, as a physiotherapy professional, will be able to intervene on those postural control defects. The goal of this research paper is to create a data repository of women’s postural sways’ evolution during the menstrual cycle. Thanks to this, the podiatrist will be able to follow and support in the best way possible the female population. KEYWORDS: Postural balance, Females, Menstrual cycle, Proprioception, Sex hormones TITRE : L’influence du cycle menstruel sur l’équilibre postural de la femme RESUME : Depuis plusieurs décennies maintenant, les scientifiques ont noté une plus grande incidence de blessures du ligament croisé antérieur (LCA) chez la femme. Pour expliquer cette différence entre les sexes, les chercheurs se sont tournés vers le cycle menstruel et ont trouvé un impact des hormones stéroïdiennes sur le système locomoteur féminin. En effet, le cycle menstruel évolue en fonction des variations en concentrations hormonales et notamment les fluctuations en œstrogènes et progestérone. L’œstrogène est particulièrement délétère pour la statique féminine et provoque des changements de laxité ligamentaire, de contrôle neuromusculaire et d’équilibre postural. L’équilibre postural est essentiel au corps humain et son dysfonctionnement va engendrer des oscillations posturales anormales qui peuvent favoriser les risques de chute ou de blessures sur le long terme. C’est alors que le podologue, en tant que professionnel de la rééducation, va pouvoir intervenir sur ces défauts de contrôle postural. Le but de ce travail de recherche est donc de mettre en place un référentiel des évolutions d’oscillations posturales de la femme, au cours de son cycle, afin que le podologue puisse accompagner et prendre en charge de la meilleure façon possible cette population féminine. MOTS CLEFS : Équilibre postural, Femmes, Cycle menstruel, Proprioception, Hormones sexuelles INSTITUT DE FORMATION EN PEDICURIE-PODOLOGIE : 12 rue Jean-Louis Bertrand 35000 Rennes TRAVAIL ECRIT DE FIN D’ETUDES – Mai 2021
Remerciements Je voudrais d’abord remercier ma directrice de mémoire, Madame Bernadette Boutsoque pour ses très nombreux conseils, encouragements et relectures tout au long de ces 9 mois de travail. Je tiens également à remercier Madame Carole Puil pour son aide lors de l’élaboration de ce protocole mais aussi pour ses précieuses explications sur le contrôle moteur et la scoping review. Je remercie aussi chaleureusement l’ensemble de l’équipe pédagogique de l’IFPP de Rennes qui a su m’apporter toutes les compétences et connaissances requises pour l’exercice de mon futur métier. Bien évidemment, un grand merci à mes parents pour leur soutien infaillible tout au long de ma scolarité. Merci d’avoir toujours soutenu mes choix, aussi inattendus soient-ils, je vous dois beaucoup. Je remercie aussi mon frère, Alexandre, pour sa bonne humeur et pour m’avoir supporté durant ces dernières semaines d’écriture. Un merci également à mes amis Lorientais pour leur constant soutien et grande compréhension lors de mes défections pour cause mémoire. Enfin, je souhaite remercier tout particulièrement mes collègues de promotions pour ces trois années riches en rencontres et épanouissements. Une pensée pour mes « Cœurs », aux « Pédologues » et aux 3 autres « Fantastiques » : encore merci d’avoir rendu ces trois courtes années aussi belles, je ne serais pas la même pédicure-podologue sans vous.
Table des matières Introduction ............................................................................................................................................ 1 1. Le cycle menstruel .......................................................................................................................... 2 1.1. Un cycle au rythme des variations hormonales ...................................................................... 2 1.2. Endocrinologie et système locomoteur .................................................................................. 3 1.2.1. Épidémiologie .................................................................................................................. 3 1.2.2. Système nerveux central et hormones stéroïdiennes..................................................... 4 1.2.3. Des ligaments réceptifs aux œstrogènes et progestérones ............................................ 4 1.2.4. Des hormones influençant la laxité ligamentaire............................................................ 6 1.3. L’importance de la température du corps .............................................................................. 8 2. Contrôle postural ............................................................................................................................ 9 2.1. Bases du contrôle postural ...................................................................................................... 9 2.1.1. Le système vestibulaire ................................................................................................. 10 2.1.2. Le système visuel........................................................................................................... 11 2.1.3. Le somesthésique .......................................................................................................... 12 2.2. Proprioception et posture : le rôle du contrôle neuromusculaire ........................................ 13 2.2.1. La proprioception et ses modifications lors du cycle .................................................... 13 2.2.2. Le contrôle neuromusculaire ........................................................................................ 14 2.3. Un contrôle neuromusculaire impacté par le cycle menstruel ............................................. 15 2.3.1. Des modèles neuromusculaires différents chez la femme ........................................... 16 2.3.1.1. Dans le plan sagittal .................................................................................................. 16 2.3.1.2. Dans le plan frontal ................................................................................................... 18 2.3.2. Une compensation physiologique intrinsèque ? ........................................................... 20 2.4. La femme : entre équilibre et oscillations posturales ........................................................... 22 2.4.1. L’équilibre...................................................................................................................... 22 2.4.2. Les oscillations posturales ............................................................................................. 23 2.4.3. Des oscillations plus marquées lors de certaines phases du cycle ................................ 24 3. Point sur les perturbateurs du cycle menstruel ............................................................................ 27 3.1. Le Syndrome Prémenstruel ................................................................................................... 27 3.1.1. Définition....................................................................................................................... 27 3.1.2. Son rôle dans les oscillations posturales ....................................................................... 28 3.2. Les contraceptifs oraux ......................................................................................................... 29 3.2.1. Les différents types de contraceptifs oraux .................................................................. 29 3.2.2. L’influence des contraceptifs oraux sur la laxité ligamentaire ...................................... 30
3.2.3. Le système neuromusculaire et la prise de contraceptifs oraux ................................... 31 3.2.4. Les contraceptifs oraux, traitement des oscillations ? .................................................. 31 4. Protocole expérimental : la place du podologue .......................................................................... 32 4.1. Problématisation ................................................................................................................... 32 4.2. Objectifs du protocole........................................................................................................... 33 4.3. Paramètres de l’étude ........................................................................................................... 33 4.3.1. Choix de la population................................................................................................... 33 4.3.2. L’outil de mesure........................................................................................................... 35 4.3.3. L’environnement ........................................................................................................... 36 4.4. Méthode................................................................................................................................ 36 4.5. Résultats ................................................................................................................................ 37 4.6. Limites considérées ............................................................................................................... 38 5. Discussion et ouverture ................................................................................................................ 39 Conclusion ............................................................................................................................................. 41 Bibliographie ......................................................................................................................................... 42 Table des Annexes ................................................................................................................................... I
Table des abréviations CO : Contraceptifs oraux CoP : Centre de pression IJ : Ischio-jambiers LCA : Ligament croisé antérieur SNC : Système nerveux central SPM : Syndrome Prémenstruel Table des figures Figure 1 : Le cycle ovarien et utérin (FibroidsConnect, 2014) ................................................................. 2 Figure 2 : Schéma de la structure d'un ligament et/ou d’un tendon (Fitness Musculation Nutrition, 2015) ....................................................................................................................................................... 5 Figure 3 : Diagramme schématique des périodes du cycle plus touchées par la laxité et les blessures du LCA, crée à partir de celui de ZAZULAK, 2006. ................................................................................... 7 Figure 4 : Graphique des évolutions de la température corporelle de la femme lors des phases du cycle menstruel (SINDICIC, 2021) ............................................................................................................ 8 Figure 5 : Vue postéro-médiale du labyrinthe membraneux (NETTER, 2019) ...................................... 10 Figure 6 : Coupe horizontale d'un bulbe oculaire (NETTER, 2019) ....................................................... 11 Figure 7 : Schéma du contrôle neuromusculaire, crée à partir de celui de LEPHART, 1998 ................. 15 Figure 8 : Schéma de l'angle anatomique Q (GLAZIER, 2006) ............................................................... 16 Figure 9 : Modèle d'activation neuromusculaire (Institut Myologie, 2021).......................................... 17 Figure 10 : Schématisation de la statique de genu varum et valgum (UCORS, 2020) ........................... 19 Figure 11 : Mouvement d'inversion de cheville (CHAUZI, 2021) .......................................................... 22
Introduction Depuis plusieurs décennies maintenant, les femmes sont de plus en plus présentes dans les compétitions sportives et occupent souvent le devant de la scène (GREGG et GREGG, 2017). Influencées par des grandes figures du sport comme Serena Williams ou Alex Morgan, les jeunes filles commencent leur activité sportive de plus en plus tôt (DIFIORI et al., 2019). Cette précocité peut avoir des conséquences sur l’incidence des blessures et notamment au niveau des ruptures du ligament croisé antérieur (LCA), qui sont cinq fois plus fréquentes chez la basketteuse en comparaison à leur homologue masculin (GRAY et al., 1985). Il en va de même pour les entorses de chevilles qui touchent également plus les femmes que les hommes (TANEN et al., 2014). Cependant, ce phénomène n’est pas réservé aux athlètes : les sportives de loisirs et les femmes en règle générale sont plus touchées par des blessures du LCA (CASTELEYN et HANDELBERG, 1996). Alors quelle peut- être la raison de ces différences entre les sexes ? Hormis les différences anatomiques évidentes entre les sexes, les particularités hormonales féminines sont bien souvent mises à l’écart quand il s’agit d’expliquer ces disparités (SIMS et HEATHER, 2018). Pourtant, le cycle menstruel correspond à l’une des boucles physiologiques les plus importantes du corps humain (CONSTANTINI, DUBNOV et LEBRUN, 2005). En effet, les femmes vont être soumises, de la ménarche à la ménopause, à environ 450 cycles menstruels étalés sur 38 années de vie reproductive (VIE PUBLIQUE, 2020). Ce cycle est rythmé par des variations hormonales constantes et périodiques qui vont alors influencer l’entièreté de la physiologie féminine : la gamétogénèse, l’ostéogénèse, la thermorégulation etc. Nous pouvons alors nous poser la question, en tant que professionnel de la rééducation, si ces taux plus élevés de blessures chez cette population féminine ne serait pas en lien avec des modifications de leur système locomoteur du fait des variations hormonales du cycle menstruel. Afin de répondre à cette hypothèse, nous allons dans un premier temps analyser les changements dans la physiologie de la femme au cours de son cycle, ce qui nous amènera à étudier plus en profondeur sa statique posturale et ses mécanismes de contrôle du mouvement. Tout ceci dans le but de trouver une façon pour le pédicure-podologue d’accompagner ces femmes dans leur cycle afin de mettre en évidence mais aussi de minimiser le risque de blessures. 1
1. Le cycle menstruel 1.1. Un cycle au rythme des variations hormonales Le cycle reproductif de la femme repose sur un enchainement ténu et complexe de diverses hormones dont les principales sont les œstrogènes et la progestérone. Cela commence dès la puberté avec l’arrivée de la ménarche1 et n’aura de cesse d’évoluer au fil de la vie reproductive de la femme notamment lors des périodes de grossesses, de post-partum et ce jusqu’à la ménopause (CONSTANTINI, DUBNOV et LEBRUN, 2005). Physiologiquement, chez une femme qui n’est pas sous contraceptif oral, le cycle menstruel est divisé en cycles ovarien et utérin et dure en moyenne 28 jours (Figure 1). Le cycle ovarien est lui-même séparé en 3 phases distinctes ; la première, la phase folliculaire, commence au premier jour des menstruations et dure en général 9 jours. Durant cette période, le taux d’œstrogène est en constante augmentation pour atteindre son pic lors de la phase d’ovulation qui se déroule entre le 10ème et 14ème jour du cycle (ZAZULAK et al., 2006). L’ovulation provoque la libération de l’ovule et la création du corps jaune qui va progressivement sécréter la Figure 1 : Le cycle ovarien et utérin (FibroidsConnect, 2014)2 1 Correspond au moment des premières menstruations. 2 Disponible sur : http://be.fibroidsconnect.com/quest-ce-quun-fibrome/appareil-genital-feminin/hormones- et-cycles-feminins/ (Consulté le 23/02/21) 2
progestérone. La femme rentre alors dans sa phase lutéale qui comprend, vers le 21ème jour, un pic de progestérone. A la fin de cette période d’environ 14 jours, les taux d’œstrogènes et de progestérones vont progressivement diminuer jusqu’au déclenchement d’un nouveau cycle avec l’arrivée de nouvelles menstruations (CONSTANTINI, DUBNOV et LEBRUN, 2005). Seulement, cette danse hormonale précise et coordonnée n’impacte pas uniquement les organes reproducteurs et va, à distance, modifier la physiologie d’autres structures du corps de la femme, comme par exemple les structures intrinsèques au système locomoteur. 1.2. Endocrinologie et système locomoteur Au vu du taux de blessures plus important chez les athlètes féminines (GRAY et al., 1985), l’une des hypothèses de ces différences avec les hommes seraient les changements et constantes variations hormonales du cycle menstruel (WOJTYS et al., 2002). Mais quel est le lien entre ces hormones stéroïdiennes féminines et le système locomoteur ? 1.2.1. Épidémiologie Par empirisme, les professionnels du sport ont, depuis longtemps, noté une sensibilité plus accrue des athlètes féminines aux risques de blessures comme des tendinites, ruptures ligamentaires, entorses etc. Souvent considérée comme « fragile », « maladroite » ou sous entrainée, ce n’est que récemment que les auteurs ont émis l’hypothèse que le cycle menstruel pourrait être l’étiologie de beaucoup de ces maux (SIMS et HEATHER, 2018). Malgré cela, le cycle féminin reste une composante très variable et unique à chaque femme. De ce fait, ces dernières ont souvent été mises de côté lors d’études scientifiques et les variations de leur cycle menstruel n’étaient pas prises en compte. Pourtant, l’omission d’une qualité si intrinsèque et essentielle à toute femme est un biais pouvant fausser l’entièreté d’une étude (SIMS et HEATHER, 2018). Pour cause, il a été prouvé que l’incidence des blessures n’est pas la même en fonction des phases du cycle menstruel. Les auteurs ne sont pas tous d’accord, mais globalement on remarque de façon significative, une plus grande fréquence des ruptures du LCA pendant la phase folliculaire du cycle comparée à la phase lutéale (LEFEVRE et al., 2011). Wojtys et al. en 2002, ont tracé le cycle menstruel de 69 femmes à l’aide de marqueurs stéroïdiens présents dans les urines. Ces participantes devaient rapporter cet échantillon dans les 24h après leur blessure du LCA. C’est alors qu’ils ont trouvé un taux plus élevé de femmes blessées durant leur période d’ovulation (WOJTYS et al., 2002). D’autres auteurs ont trouvé une fréquence plus élevée de rupture du LCA lors des premiers jours du cycle, c’est-à-dire lors des menstruations (SLAUTERBECK et al., 2002). La question 3
maintenant est de savoir quels sont les facteurs qui influencent cette tendance plus élevée aux ruptures lors de la première moitié du cycle menstruel ? 1.2.2. Système nerveux central et hormones stéroïdiennes En dehors de leur action essentielle sur le système reproducteur, les œstrogènes et la progestérone possèdent d’autres effets sur le corps de la femme, et notamment sur le système nerveux central (SNC). Les hormones stéroïdiennes vont moduler l’action de certains neurotransmetteurs naturels comme le GABA qui est le principal inhibiteur du système nerveux central (SMITH, 1994). De par cette action sur ce neurotransmetteur, il a été trouvé un effet « activateur » voir euphorisant de l’œstrogène alors que la progestérone aurait plutôt un rôle anesthésique et anxiolytique. Pour résumer, l’œstrogène est considéré comme un activateur du SNC, alors que la progestérone serait, elle, plus inhibitrice (SMITH, 1994). On peut alors mettre en lien l’anxiété et le blues ressentis lors de la période prémenstruelle, avec la chute parfois brutale de la progestérone en fin de cycle, avant les prochaines menstruations. 1.2.3. Des ligaments réceptifs aux œstrogènes et progestérones Hormis cette action sur le SNC, les hormones stéroïdiennes possèdent une action sur les ligaments de la femme. Les ligaments sont des matériaux composites et incompressibles constitués de tissu conjonctif dense, de fibres de collagènes et de fibres élastiques. Souvent les ligaments renforcent les capsules articulaires au niveau des zones les plus sollicitées, comme pour la hanche et le genou par exemple. Ils jouent un rôle essentiel dans la stabilité d’une articulation et sont, dans un contexte physiologique, inextensibles. Cependant, lorsque les autres structures de stabilité du corps ne sont pas suffisantes, les ligaments peuvent être soumis à une tension excessive qui provoquera leur étirement qui va générer des entorses et même des ruptures ligamentaires dans les cas les plus graves (MARIEB ELAINE N, 1999). Chez les femmes, les hormones stéroïdiennes jouent un rôle dans le métabolisme ligamentaire. Cette action particulière sur ce tissu conjonctif, a surtout été démontrée sur le ligament croisé antérieur (LCA) (Cf. Annexe n°1) avec la présence de récepteurs spécifiques aux œstrogènes et à la progestérone dans les synoviocytes, fibroblastes et cellules de la paroi des vaisseaux sanguins de ce ligament (LIU et al., 1996). Ainsi, les hormones stéroïdiennes vont avoir un impact sur les propriétés ligamentaires et notamment sur l’activité fibroblastique en modifiant la synthétisation de collagène. En effet, les fibroblastes produisent le collagène, protéine qui s’associe entre elles pour former des fibrilles de collagènes (Figure 2) qui apportent au ligament une résistance mécanique à l’étirement, 4
et ainsi confère au LCA une réelle force de résistance face aux tractions et donc une protection face aux blessures (YU et al., 2001). C’est alors qu’il a été prouvé que lorsque la concentration sanguine en œstrogènes augmentait, il y avait une diminution du taux de collagène due à une réduction du nombre de fibroblastes au sein du LCA. Cet effet inhibiteur de l’œstrogène est nuancé par la progestérone qui elle, aurait un effet inverse de stimulation de la synthèse des fibroblastes (YU et al., 2001). Figure 2 : Schéma de la structure d'un ligament et/ou d’un tendon (Fitness Musculation Nutrition, 2015)3 En conclusion, d’après les précédents résultats, une diminution de la synthèse du collagène lors des augmentations des taux oestrogéniques participe à une faiblesse du LCA, qui est alors plus sensible aux phénomènes de tractions et engendre un risque plus important de blessures voire de ruptures (LIU et al., 1996). Mais qu’en est-il des autres ligaments et tissus de soutien ? L’étude menée par Hama, Yamamuro & Takeda, voulait vérifier l’impact des hormones stéroïdiennes sur les tissus conjonctifs de la capsule articulaire de la hanche d’une espèce spécifique de rats. Ils ont également trouvé un lien entre la diminution du collagène dans les tissus coxo-fémoraux et l’augmentation du taux circulant d’œstrogènes. En effet, les rats ayant subi une ovariectomie, et donc la suppression de la genèse de leurs œstrogènes, se retrouvaient avec davantage de collagène que ceux possédant des variations hormonales normales (HAMA, YAMAMURO et TAKEDA, 1976). Il semble alors que ce phénomène endocrinien soit une généralité pour tous les tissus conjonctifs soumis aux œstrogènes (FISCHER, 1973). 3 Disponible sur : https://www.fitness-musculation-nutrition.fr/nutrition/le-collagene-un-allie-sous-estime (Consulté le 31/03/21) 5
Cependant, très peu d’études se sont penchées sur l’impact biologique de telles hormones sur d’autres ligaments ou structures musculo-squelettiques hormis le LCA, et les modèles sont généralement animaux et non humains ce qui rajoute un biais supplémentaire. Néanmoins, il est important de rappeler que la structure d’un ligament est énormément similaire à celle des tendons, avec les mêmes types de collagènes de type I influencés par les œstrogènes. Pour conforter cette hypothèse, nous notons des corrélations entre dérèglement hormonal et tendinites d’Achille chez la femme (LEBLANC et al., 2017). Ainsi, de nombreuses études nous amènent à penser que ce phénomène endocrinien touche l’ensemble des structures ligamentaires et tendineuses chez la femme puisque l’on trouve les mêmes fibroblastes, collagènes et faiblesses à certains moments du cycle (YIM, PETROFSKY et LEE, 2018). 1.2.4. Des hormones influençant la laxité ligamentaire Les hormones féminines possèdent donc un impact sur les propriétés mécaniques des structures ligamentaires de par leurs récepteurs spécifiques sur ces derniers. Elles vont ainsi pouvoir moduler leurs métabolismes ainsi que leurs caractéristiques. Une des caractéristiques qui est modifiée par les variations hormonales du cycle, est la laxité ligamentaire (ZAZULAK et al., 2006). L’un des ligaments le plus touché par ce phénomène est le ligament croisé antérieur (LCA). Plusieurs auteurs se sont penchés sur le sujet avec des approches et résultats parfois différents. Heitz et al. (1999), Deie et al. (2002) et Shultz et al. (2004) ont tous les trois trouvé une laxité plus accrue du LCA en milieu de cycle, lors de l’ovulation et de la phase post-ovulatoire ou lutéale. Cela signifie, que la laxité du LCA augmente en parallèle de l’augmentation des taux circulants d’œstrogène et de progestérone. Cependant, dans les études plus anciennes de Heitz et Deie, il n’est pas précisé si les recherches prenaient en compte le temps de latence entre les changements hormonaux et leurs véritables impacts sur le LCA. En réalité ces travaux de recherche faisaient l’état, à un moment T du cycle, de la laxité du LCA et cela sans prendre en compte un possible temps d’adaptation du corps aux changements hormonaux. C’est Shultz en 2004 qui leva cette incohérence en réalisant un protocole de recherche qui éliminait ce biais : elle décida d’observer la laxité du LCA d’un groupe de femmes chaque jour de leur cycle et non pas seulement lors de périodes bien définies. Elle trouva, comme ses collègues, un LCA de plus en plus souple de l’ovulation jusqu’à la fin de la phase lutéale. Cependant, elle note que les changements de laxité sont détectables sur une période de 3 à 4 jours après les augmentations de concentrations hormonales. 6
Cette période de latence entre laxité et pic hormonal peut ainsi expliquer le décalage entre les périodes plus propices aux blessures (phase folliculaire et ovulation) et les périodes plus sujettes aux laxités ligamentaires (phase lutéale et ovulation) (Figure 3). Ainsi, les laxités sont davantage présentes en fin de cycle et impacteraient alors, à distance, les femmes lors de leur phase folliculaire, engendrant alors un taux plus élevé de blessures (SHULTZ et al., 2004). Il est tout de même à noter, que d’après les premières observations, les périodes d’ovulation, où la concentration en œstrogène est à son maximum, semblent être les périodes les plus exposées aux risques de blessures de par l’association d’une incidence de blessures et d’une laxité du LCA plus élevée. Figure 3 : Diagramme schématique des périodes du cycle plus touchées par la laxité et les blessures du LCA, crée à partir de celui de ZAZULAK, 2006. Ce phénomène particulier est très documenté dans la littérature mais se cantonne principalement aux observations sur le LCA. Cependant, certains auteurs ont émis l’hypothèse que si les hormones impactent l’ensemble des structures de soutien du corps humain, on peut alors penser que cette laxité se retrouve également dans d’autres structures ligamentaires ou tendineuses. C’est ainsi qu’on a retrouvé plusieurs structures du pied impactées par l’œstrogène. D’abord, les femmes qui ont un cycle physiologique possèdent un tendon d’Achille (Cf. Annexe n°2) plus souple que les femmes ne présentant pas de variations des taux d’œstrogènes (BRYANT et al., 2008). L’élasticité de l’aponévrose (Cf. Annexe n°3) est elle aussi touchée et cette dernière devient plus flexible lors de l’ovulation, tout comme le LCA (PETROFSKY et LEE, 2015). Enfin, comme le genou, la 7
cheville est sensible aux taux d’œstrogènes circulants. En effet, le ligament talo-fibulaire antérieur (Cf. Annexe n°2), qui est le ligament souvent en cause lors des entorses de cheville, est plus détendu lors de la période d’ovulation ainsi que lors de la phase lutéale du cycle (YAMAZAKI et al., 2021). Nous pouvons alors mettre en lien cette faiblesse de cheville avec l’incidence plus élevée d’entorse chez la femme (TANEN et al., 2014). Ces données appuient l’hypothèse de la présence de récepteurs aux œstrogènes aussi au niveau des structures de soutien du pied. Sachant cela, si la femme présente une modification des propriétés contractiles de son système ligamentaire à certains moments du cycle, cela voudrait dire que du fait des modifications en concentration de collagène, le tissu est plus déformable et donc plus susceptible de rupture par excès de traction (SHULTZ et al., 2004). 1.3. L’importance de la température du corps 4 Le cycle menstruel va modifier plusieurs composantes chez la femme, l’une d’elles est la température corporelle (Figure 4). La progestérone et les œstrogènes modifient la thermorégulation féminine : quand ces deux hormones sont en forte concentration, une vasodilatation va s’opérer engendrant une augmentation de la température corporelle (CHARKOUDIAN et al., 1999). C’est ainsi que la femme aura une température corporelle plus élevée au moment de sa phase lutéale avec un pic à l’ovulation, due à l’augmentation des concentrations hormonales (PETROFSKY, AL MALTY et SUH, 2007). Ces écarts de température entre les différentes phases du cycle sont souvent utilisés par les chercheurs pour savoir où en est la femme dans son cycle menstruel et quand elle est la plus fertile (LEE et PETROFSKY, 2018). Figure 4 : Graphique des évolutions de la température corporelle de la femme lors des phases du cycle menstruel (SINDICIC, 2021)4 4 Disponible sur : https://www.emancipees.com/methodes-naturelles/temperature/ (Consulté le 1/05/21) 8
D’un autre côté les structures de soutien du corps, dont les ligaments, sont influencées par la température. En effet, la laxité ligamentaire va évoluer parallèlement à une augmentation de la température (CICCONE et al., 2006). Ainsi, les variations hormonales du cycle menstruel ne sont pas les seules à agir sur l’élasticité des ligaments, la température joue aussi un rôle. Cependant, le cycle possède aussi un impact sur la température basale de la femme. C’est alors que la femme va être dépendante de deux valeurs de température. La première est sa propre température corporelle : quand elle augmente lors de sa phase lutéale, ses ligaments vont être plus sensibles à la laxité. La seconde est tout aussi importante, puisqu’elle fait référence à la température de l’environnement extérieur : avec une laxité qui augmente avec la température de la pièce (PETROFSKY et LEE, 2015). On peut alors émettre l’hypothèse que les femmes évoluant dans des climats plus chauds sont potentiellement plus à risque que celles habitant des régions plus froides. Aussi, il devient important, lors de l’étude du cycle menstruel, de prendre en compte ce facteur et ainsi contrôler la température ambiante afin de traiter l’ensemble des sujets dans les mêmes conditions (LEE et PETROFSKY, 2018). En conclusion de cette première partie, le cycle menstruel va impacter la laxité de l’ensemble des structures de soutien de la femme. Sachant cela, la logique voudrait qu’une augmentation de la laxité des articulations des membres inférieurs influence l’équilibre de la femme, amenant celle-ci à être plus instable à certains moments du cycle (PETROFSKY et LEE, 2015). Cette instabilité ligamentaire induite par les hormones va ainsi impacter ce qu’on appelle le contrôle postural de la femme. 2. Contrôle postural 2.1. Bases du contrôle postural Le rôle du contrôle postural est d’assurer le maintien des différents segments du membre dans une position de référence donnée pendant le maintien d’une attitude ou la réalisation d’un mouvement (THOUMIE, 2021). Ces segments sont liés par des articulations qui permettent des mouvements autour d’un ou plusieurs axes. Le sujet peut alors se déplacer dans l’espace grâce à sa force intrinsèque pourvue par les différents muscles squelettiques. Ces derniers, contrôlés par le système nerveux central et périphérique, vont modifier les angulations articulaires afin de réaliser les gestes essentiels du quotidien ou ceux requis lors d’épreuves sportives (NASHNER et MCCOLLUM, 1985). Ce contrôle postural est fait de systèmes afférents, les récepteurs, qui amènent les informations de déséquilibres au SNC qui va, lui, mobiliser les structures efférentes, les muscles, afin de garder une position d’équilibre (HORAK, 2009). Or, le sujet n’est jamais complétement statique et le tonus 9
musculaire va fluctuer en permanence. Ainsi, le contrôle postural est un système cybernétique qui nécessite une disponibilité et une intégrité constante des différentes entrées sensorielles mais aussi des effecteurs musculaires (MASSION, 1992). Cependant, les muscles ne sont pas que des effecteurs de la posture, ils sont également des organes sensitifs et constituent ainsi une source considérable d’afférences. Ainsi, chez l’Homme, le maintien de la posture résulte d’interactions complexes entre divers systèmes : le vestibulaire, le visuel et le somesthésique (PAULUS et al., 1988). Intéressons- nous rapidement au fonctionnement de ces différents récepteurs essentiels au maintien de notre posture. 2.1.1. Le système vestibulaire Les afférences vestibulaires possèdent un rôle conséquent dans le contrôle postural et cela grâce à leurs récepteurs spécifiques situés au niveau du labyrinthe de l’oreille interne (Figure 5). Le labyrinthe comprend les canaux semi-circulaires, qui vont détecter les accélérations angulaires de la tête, et les organes otolitiques, l’utricule et la saccule qui eux vont enregistrer les accélérations linéaires (PURVES, 2001). Ainsi, cet organe est essentiel au sujet dans le contrôle de son orientation spatiale et de sa posture orthostatique. Cependant, comparé aux autres systèmes, le vestibulaire n’est pas le plus important dans le contrôle de la posture. En effet, Simoneau et al. ont testé la stabilité de plusieurs sujets en perturbant une entrée sensorielle à la fois. Ils ont trouvé que la perturbation du système vestibulaire n’impactait qu’à 4% la surface des oscillations de l’individu sur plateforme de force (SIMONEAU et al., 1995). Cependant, lors d’études sur les oscillations ou schémas posturaux, les sujets souffrant de pathologies vestibulaires sont tout de même immédiatement exclus de l’étude, afin de ne pas ajouter de possible biais lors de la recherche. Figure 5 : Vue postéro-médiale du labyrinthe membraneux (NETTER, 2019) 10
2.1.2. Le système visuel La vision contribue à l’orientation corporelle et à la détection des déplacements. Une vision défaillante, comme cela peut être le cas chez la personne âgée, engendre une augmentation du risque de chute. De plus, Lord en 2006, a démontré que lorsqu’un sujet ferme les yeux, ses oscillations posturales augmentent de 20 à 70% (LORD, 2006). Les yeux apportent alors à l’individu une stabilité non négligeable et cela grâce aux mouvements d’orientation et aux réflexes de stabilisation du regard. Les mouvements d’orientation vont permettre la fovéation, phénomène qui permet à l’objet regardé de rester sur la fovéa, assurant la netteté de l’image (Figure 6). Les réflexes de stabilisation, eux, permettent de maintenir l’image sur la rétine même lors de nos mouvements (LEIGH et ZEE, 2015). D’un point de vue plus général, nous pouvons alors en déduire, que la vision centrale, représentée par la fovéa, amène des informations sur le milieu extérieur que l’individu peut alors analyser, alors que la vision périphérique, produite par la rétine, participe à la perception des mouvements du corps dans l’espace (BERTHOZ, 1997). (NETTER, 2019) Figure 6 : Coupe horizontale d'un bulbe oculaire (NETTER, 2019) 11
2.1.3. Le somesthésique Même si les systèmes vestibulaire et visuel sont nécessaires au contrôle de notre posture dans l’espace, c’est le système somesthésique qui est le plus important car plus présent en quantité sur l’ensemble de notre corps. Celui-ci prend en compte la totalité des informations délivrées par les mécanorécepteurs présents au niveau de la peau, des muscles et des articulations (HORAK, 2009). D’abord, la peau est remplie d’extérocepteurs qui peuvent être, soit des thermorécepteurs qui captent les différences de température, soit des nocicepteurs pour les signaux douloureux et enfin les mécanorécepteurs. Ces derniers vont être essentiels au contrôle postural et notamment ceux présents au niveau de la plante du pied : on y retrouve des récepteurs phasiques à adaptation rapide et des récepteurs toniques à adaptation lente. Les premiers servent surtout pour informer sur les oscillations posturales et les changements de direction du mouvement alors que les seconds répondent aux différences de pression sur la peau et donc renseignent davantage sur la statique de la posture (YI et PARK, 2009). L’association de ces deux types de récepteurs permettent au sujet de percevoir de manière fine la résolution spatiale. De plus, les proportions de ces différents récepteurs ne sont pas les mêmes d’une zone plantaire à une autre : on en trouve en plus grande proportion sous les zones d’appuis (KENNEDY et INGLIS, 2002). Il existe donc une importance du contact pied/sol dans le contrôle de la posture et de l’équilibre. Ensuite, les muscles ne sont pas seulement des effecteurs du SNC, ils possèdent également des récepteurs qui servent au système somesthésique : les fuseaux neuro-musculaires (FNM). Situés parallèlement aux fibres musculaires, ils renseignent sur le degré d’étirement du muscle (PURVES, 2001). Enfin, au niveau des articulations nous retrouvons différents récepteurs. D’abord, les corpuscules de Golgi, présents dans les tendons, servent de capteurs de force. Ces derniers vont réagir aux tensions produites par les contractions musculaires, alors que les FNM, eux, enregistrent les étirements passifs du muscle (ROLL, 2003). On trouve également des récepteurs directement au sein de la capsule articulaire, ce sont les corpuscules de Ruffini qui relatent les états de tension capsulaires, informant donc de la position et compression de l’articulation (Cf. Annexe n°4). Ainsi, l’ensemble de ces récepteurs somesthésiques vont participer à la stabilité au sujet en lui donnant les informations relatives à sa représentation spatiale dans l’espace. Cette afférence sensorielle réalisée par les récepteurs somesthésiques fait partie de ce que l’on appelle la proprioception. 12
2.2. Proprioception et posture : le rôle du contrôle neuromusculaire 2.2.1. La proprioception et ses modifications lors du cycle La proprioception peut se définir par une variation spécifique des afférences sensitives qui va encoder des messages relatifs aux changements de mouvements (la kinesthésie) et de position articulaire (LEPHART et al., 1997). En outre, le système somesthésique est souvent associé à la proprioception. Ce dernier reçoit des informations provenant des récepteurs articulaires et musculo- tendineux qui vont alors lui indiquer l’état d’étirement et de tension des muscles mais également la position des articulations dans l’espace. Ceci, dans le but d’une meilleure locomotion et état d’équilibre (FOULADI, 2012). Une bonne proprioception résulte alors de l’intégrité de l’ensemble de ces éléments. Ainsi, les personnes souffrant de neuropathie plantaire, par exemple, possèdent une altération générale de leur stabilité posturale du fait d’une modification de la réponse des mécanorécepteurs (LAFOND, CORRIVEAU et PRINCE, 2004). Mais lorsqu’il est question de la femme réglée : existe-il dans cette population une modification de la proprioception ? On sait qu’une laxité accrue des ligaments péri-articulaires induit des déficits proprioceptifs. Cette laxité favorise alors un retard ou un défaut de sensibilité de la part de l’articulation face à une pression extérieure, ce qui peut favoriser des blessures du ligament ou des autres tissus conjonctifs de l’articulation (ROZZI et al., 1999). C’est ce phénomène que l’on va pouvoir observer au niveau du LCA qui possède énormément de mécanorécepteurs contribuant à la proprioception du genou (ADACHI et al., 2002). C’est alors qu’un LCA plus détendu à certains moments du cycle, amène une information sensorielle différente de la part de ses récepteurs somesthésiques ce qui va perturber la proprioception au fil du cycle. Et effectivement, la proprioception féminine est modifiée car l’étude menée par Rozzi en 1999, a permis d’observer que les femmes avaient besoin de plus de temps pour détecter les mouvements d’extension de leur genou (ROZZI et al., 1999). Or, lors de l’extension, le LCA va être de plus en plus tendu, d’où cette corrélation entre laxité et proprioception. De plus, plusieurs auteurs ont voulu prouver des différences au niveau de la proprioception entre les phases du cycle. Pour ce faire, ils ont utilisé le « Knee Joint Position Sense Test » ou JPST, que l’on peut traduire par « Test de Détection de la Position du Genou » (AYDOĞ et al., 2005). Ce test est semblable à celui de la mobilisation de l’hallux dans l’espace, test communément utilisé par les pédicures-podologues lors du bilan neuromusculaire. Ici, les auteurs, pour évaluer la perception de la position articulaire dans l’espace, ont demandé aux patientes de fléchir leur genou en reproduisant l’angulation du genou controlatéral et cela sur des valeurs d’angles différentes et lors de mouvements de flexion vers l’extension et de l’extension vers la flexion (FOULADI et al., 2012). Chez 13
Aydog et al., ils ont trouvé plus d’erreurs de repositionnement lors des menstruations par rapport aux autres étapes du cycle. Cependant, ces auteurs n’avaient aucun marqueur biologique pour suivre l’évolution du cycle des femmes étudiées : ils se basaient seulement sur la régularité de leur cycle et comptaient ainsi les jours à partir des règles (AYDOĞ et al., 2005). Alors que dans l’étude de Fouladi et al., des prises de sangs sont réalisées tout au long de la recherche afin de savoir précisément la concentration en œstrogène et progestérone du panel de femmes étudié. Dans cette dernière étude, ils ont trouvé des erreurs de repositionnement à environ 30° de flexion lors des 3 phases du cycle. Comme Aydog et al., c’était lors des menstruations que les femmes montraient davantage d’erreurs de repositionnement dans l’espace (FOULADI et al., 2012). Ces résultats montrent une fois de plus l’impact des taux hormonaux, cette fois-ci sur les propriétés proprioceptives des femmes. Ce paramètre est aussi lié au taux d’incidence des blessures du LCA qui est également plus élevé lors des menstruations (WOJTYS et al., 2002). Ces différences en matière de proprioception peuvent avoir plusieurs hypothèses : est-ce dû à une laxité ligamentaire accrue, ou bien à une excitabilité des mécanorécepteurs différente lors des étapes du cycle ? Ces questions restent pour l’instant sans véritable réponse dans la littérature. Les résultats de ces études confortent ceux précédemment avancés et le fait que l’œstrogène possède un impact sur la force et les propriétés musculo-tendineuses et ligamentaires de la femme (SARWAR, NICLOS et RUTHERFORD, 1996). Cependant, dans la proprioception, les muscles possèdent un double rôle : c’est un organe à la fois moteur mais aussi un organe des sens. Les informations qui proviennent des muscles vont remonter au SNC afin que le sujet réajuste sa position et sa représentation dans l’espace à l’aide d’effecteurs dynamiques que sont les muscles (ROLL, 2003). Ainsi, pour que cette position soit évaluée par une bonne proprioception il faut la bonne intégrité de l’entièreté du système neuromusculaire. 2.2.2. Le contrôle neuromusculaire La conscience du mouvement articulaire mais aussi de sa force et position dans l’espace sont essentielles pour l’apprentissage moteur et l’anticipation du mouvement surtout lors de la pratique sportive. La proprioception est plus inconsciente et le sujet ignore l’ensemble des petites modulations musculaires et réflexes pour stabiliser la posture. Dans ce grand thème qu’est la proprioception, la réponse effectrice réalisée par le muscle est appelée contrôle neuromusculaire (FOULADI, 2012) (Figure 7). Lors de stimuli extérieurs, les messages somato-sensoriels amenés par les récepteurs vont converger vers les neurones de la moelle épinière pour ensuite encoder trois types de réponses neuromusculaires : 14
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