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Tendances en matière de Pluralisme des médias Vue d’ensemble D epuis la première édition des Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias, le pluralisme des médias a fait face à de profondes transformations, mettant en relief une série de tendances contradictoires qui affectent les systèmes médiatiques et les expériences des utilisateurs des médias partout dans le monde. Les tendances dégagées ici abordent la question du pluralisme sous plusieurs angles : le niveau d’accès, les modèles économiques, la diversité des contenus et la place des femmes dans les médias. L’accès à une pluralité de médias a continué de se développer, grâce à la formidable démocratisation d’Internet et au passage au numérique. Cela a permis d’augmenter considérablement la disponibilité des contenus médiatiques, en particulier des contenus partagés et produits par les utilisateurs sur les médias sociaux, à quoi s’est ajoutée une multiplication des chaînes numériques auxquels les gens ont accès par le biais de la télévision et de la radio. Cette diversité accrue des contenus s’est cependant accompagnée d’une tendance dominante - observée partout dans le monde, mais avec des expressions régionales différentes - vers une nouvelle forme de « pluralisme polarisé»1. L’interaction entre habitudes de consommation, modification des modèles économiques et dispositifs techniques a creusé les divisions en matière d’utilisation des médias : différentes sources d’information et de programmes sont disponibles, mais chaque groupe segmenté ne consomme qu’un nombre limité d’entre eux. Dans les régions où la pénétration d’Internet et l’utilisation des ressources en ligne pour s’informer sont à leur plus haut niveau, les filtres et les algorithmes basés sur les choix antérieurs des utilisateurs risquent de donner lieu à un cloisonnement croissant des débats. Dans d’autres régions, comme les États arabes ou l’Afrique, cette tendance à la polarisation a surtout été alimentée par la radiodiffusion, notamment dans les pays où la libéralisation a provoqué une montée du sectarisme et une mainmise d’acteurs politiques rivaux sur les médias. Certains aspects de cette fragmentation ont également affecté les infrastructures. La tendance au développement du mobile s’est souvent opérée, notamment au sein des économies émergentes, grâce à la pratique du « zero rating », par lequel les fournisseurs de services Internet ou de téléphonie mobile permettent aux utilisateurs d’accéder à des contenus ou des applications spécifiques sans les décompter de leur forfait. 1 Ce terme a été appliqué pour la première fois aux systèmes médiatiques par Hallin et Mancini 2004. 71
Tendances en matière de pluralisme des médias Les modèles commerciaux traditionnels des médias d’information continuent d’être bousculés, débouchant sur une concentration à la fois verticale et horizontale et sur l’apparition de nouveaux types de participations croisées. Les défis actuels en ce qui concerne le financement des médias ont conduit de nombreux médias à expérimenter de nouveaux modèles économiques, tels que l’accès payant ou les initiatives de financement participatif, avec des résultats mitigés. Le pluralisme reste bridé par la sous-représentation persistante des femmes tant dans le personnel des médias, en particulier aux postes de décision, que dans leurs contenus. Les femmes rencontrent toujours des obstacles importants pour progresser dans leur carrière. Face à cela, la société civile a intensifié ses efforts de diversification des médias et de lutte contre la marginalisation endémique des femmes, notamment par le biais de l’Alliance mondiale genre et médias lancée par l’UNESCO et l’application d’indicateurs d’égalité des genres dans les médias. Qu’entend-on par « pluralisme des médias » ? Élément clé de la liberté d’expression et du développement des médias, le pluralisme signifie qu’il y a choix en matière de consommation et de production de médias, par opposition à la monopolisation des offres et des possibilités. Le pluralisme exige une sensibilité à une diversité des modèles de propriété économique et à une architecture technique de la diffusion dans laquelle celle-ci peut emprunter une multiplicité de canaux et de plates-formes. Le pluralisme appelle souvent des engagements forts de la part des gouvernements à l’égard du service public et des médias communautaires pour assurer la diversité. Jusqu’à présent, les débats concernant le pluralisme des médias ont surtout porté sur les questions de « fourniture » et d’« offre » de contenus médiatiques et sur l’impact des informations dont dispose la société2 . Les évaluations du pluralisme des médias examinent généralement le nombre de médias disponibles, la représentation qu’ils donnent des différents groupes et intérêts présents dans la société, les propriétaires des médias et les personnes capables d’y exercer une influence. La présente étude aborde ces importantes dimensions. En outre, l’explosion de l’accès aux médias par le biais d’Internet, la pratique de plus en plus répandue chez les utilisateurs de consommer de l’information à travers une variété de plates-formes, et l’essor du profilage algorithmique, soulèvent des questions concernant les utilisateurs et la manière dont ils accèdent - ou sont gardés d’accéder - à une pluralité de sources. Ce chapitre analyse donc les tendances persistantes qui ont affecté et continue d’affecter le pluralisme - telles que la concentration de la propriété et l’équilibre entre les sources d’information publiques et privées - et les tendances nouvelles, qui exigent d’adopter de nouveaux outils conceptuels pour comprendre si la pléthore d’informations et l’apparition de nouvelles plates-formes médiatiques reflètent et servent réellement les principes du pluralisme des médias. L’évaluation ci-dessous mesure les tendances en matière de pluralisme des médias sous l’angle de l’accès à une gamme de médias, de la production et de la disponibilité d’une diversité de contenus sur les plates- formes médiatiques prises individuellement et dans leur ensemble, ainsi que de la pluralité des modèles économiques et de la multiplicité des propriétaires et des types de médias qui, ensemble, structurent la consommation et la production de l’information. Le présent chapitre comprend aussi un examen de l’égalité des genres dans les personnels, les postes de décision et les représentations des médias, qui sont autant d’éléments clés d’un environnement médiatique pluraliste. 2 Jakubowicz 2015. 72 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018
Encadré 2-1 : L’action de l’UNESCO en faveur du pluralisme des médias En tant qu’agence spécialisée des Nations Unies expressément mandatée pour défendre la liberté d’expression, l’UNESCO agit à plusieurs niveaux pour promouvoir le pluralisme des médias. Ces dernières années, elle a mené les actions suivantes : 1 Autonomisation d’institutions clés et Des lignes directrices pour la préparation de politiques renforcement des capacités et de stratégies d’EMI ont été élaborées en vue de leur adaptation par les États membres au niveau national, Les radiodiffuseurs tant publics que privés de et six pays ont mis en œuvre le Cadre d’évaluation de l’ensemble de la région arabe et de l’Afrique l’EMI. francophone ont bénéficié d’une formation aux Indicateurs d’égalité des genres dans les médias (GSIM) Cinq consultations nationales ont été organisées sur et à l’élaboration de plans d’action concernant leur la formulation de politiques et de stratégies d’EMI, suivi. et un curriculum EMI a été mis à l’essai dans des instituts de formation et des modules de formation des Les chaînes de radio locales de sept pays d’Afrique enseignants. ont vu leurs capacités renforcées dans le domaine de l’utilisation des TIC, de la prise en compte des questions de genre, de l’application de normes journalistiques et du journalisme d’investigation. 3 Sensibilisation des médias, des citoyens et d’autres parties prenantes Des efforts pour promouvoir un secteur La Journée mondiale de la radio (13 février) reste cinématographique respectueux de l’égalité des l’occasion chaque année de plaider en faveur du genres ont été engagés dans les pays du sud de la pluralisme des médias, de la diversité et de la viabilité Méditerranée. des médias communautaires. 37 organisations de jeunes ont été formées à intégrer Une Semaine mondiale de l’EMI a été organisée chaque l’éducation aux médias et à l’information (EMI) dans année, avec pour thème, en 2017, « L’éducation aux leurs politiques et leur fonctionnement. médias et à l’information en temps critiques : réinventer Plus d’un millier de jeunes sont formés à l’EMI grâce les méthodes d’apprentissage et les environnements aux innovations apportées par les médias sociaux : de l’information ». MILCLICKS (réflexion critique et créativité, éducation, interculturel, citoyenneté, connaissance et durabilité), La célébration annuelle de la campagne « Les femmes formation EMI en ligne ouverte à tous et cours en font l’info » promeut l’égalité des genres dans les présentiel associés. médias. 2 Cadres politiques et lignes directrices 4 Recherche universitaire et guides pratiques L’UNESCO a accueilli une conférence mondiale visant à promouvoir une information de sur les politiques destinées à assurer la viabilité qualité dans le cadre du pluralisme des médias des médias communautaires (2015) et adopté des recommandations sur une série concrète de notes Les médias face au terrorisme : manuel pour les d’orientation dans ce domaine (2016). journalistes L’UNESCO assiste les régulateurs des médias dans la Le changement climatique en Afrique : guide à l’intention mise en œuvre de politiques de soutien au secteur des journalistes des médias communautaires, et des processus de consultation sont en cours dans plusieurs pays. Media and Information Literacy: Reinforcing Human Un soutien a été apporté à l’élaboration du code Rights, Countering Radicalization and Extremism d’éthique et des statuts de l’Alliance mondiale genre et médias (GAMAG), ainsi que du Réseau genre, médias et TIC du Programme de mise en réseau des universités (UNITWIN). Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 73
Tendances en matière de pluralisme des médias Accès L’accès à une diversité de médias s’est accru entre 2012 et 2016. Malgré des différences notables entre les régions, cette croissance a coïncidé avec des changements majeurs dans la manière dont les utilisateurs conjuguent médias anciens et nouveaux pour accéder à l’information et au divertissement. Internet a enregistré la plus forte croissance en utilisateurs, en particulier dans les régions historiquement à la traîne, grâce à des investissements massifs dans les infrastructures et au développement de la téléphonie mobile. La télévision n’en reste pas moins le média le plus populaire, bien que sa suprématie ait été fortement entamée par les plates-formes de médias en ligne. Il reste que c’est la consommation de la radio et des journaux qui a le plus pâti de ces nouvelles tendances. La consommation du journalisme, qu’il s’exprime par le son, l’audiovisuel, le texte ou l’image, passe de manière croissante par les plates-formes Internet. Internet et téléphonie mobile On a assisté ces cinq dernières années à une augmentation des engagements internationaux envers la fourniture d’accès Internet pour tous. Les plus éminents sont le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, les travaux de la Commission « Le large bande au service du développement durable », codirigée par l’UNESCO, et les travaux intersessions du Forum sur la gouvernance de l’Internet visant à « Connecter le prochain milliard ». L’accès à Internet n’a cessé de croître au cours de la période considérée, notamment dans les zones où il était historiquement inexistant. L’amarrage entre 2009 et 2012 de six câbles sous-marins en Afrique orientale et occidentale (Seacom, Teams, Eassy, Main One, ACE et WACS), par exemple, a beaucoup amélioré la disponibilité et le caractère financièrement abordable des connexions Internet durant la période couverte par la présente étude. L’Afrique a été le continent qui a connu la plus forte croissance en utilisateurs d’Internet. Figure 2-1 : Pourcentage d’individus utilisant Internet, 2012-2017 % d'individus utilisant Internet Taux annuel de croissance 100 90 80 70 60 50 48% Source: Union internationale des 40 34% télécommunications (UIT), 2017 : « Key ICT 30 indicators for developed and developing 20 countries and the world 10% (totals and penetration 10 5% rates) ». Statistiques 0 mondiales TIC : www.itu. int/en/ITU-D/Statistics/ 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Pages/facts/default.aspx 74 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018
Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), à la fin de 2017, on estimait à 48 % la part des personnes régulièrement connectées à Internet, contre 34 % en 20123 . Mais si l’augmentation a été substantielle en chiffres absolus, le taux annuel de croissance des utilisateurs d’Internet a baissé au cours de la même période, de 10 % en 2012 à 5 % en 2017 (voir la figure 2-1). Cette baisse peut être imputée à la très faible croissance enregistrée en Europe occidentale et en Amérique du Nord et à une baisse moins spectaculaire, mais relativement généralisée, dans toutes les autres régions. La connectivité mobile a largement contribué à l’extension de l’accès à Internet ces dernières années, notamment en Asie et dans le Pacifique et en Afrique. Le nombre d’abonnés uniques à la téléphonie mobile cellulaire est passé de 3,89 milliards en 2012 à 4,83 milliards en 2016, soit les deux tiers de la population mondiale, plus de la moitié des abonnements étant situés en Asie et dans le Pacifique ; on prévoit une hausse du nombre des abonnements à 5,69 milliards d’utilisateurs en 20204 . En 2016, près de 60 % de la population mondiale avait accès à un réseau mobile 4G à large bande, contre un peu moins de 50 % en 2015 et 11 % en 20125 . L’élargissement de l’accès renforce le pluralisme des médias, mais la connectivité mobile crée aussi des défis particuliers. L’accès à l’information par le biais des applications mobiles tend à offrir une expérience sensiblement différente de l’accès obtenu par le biais des ordinateurs et des navigateurs ouverts. Alors que l’Internet ouvert permet des explorations au-delà de la palette d’intérêts immédiate de l’utilisateur, les applications mobiles tendent à créer des espaces d’information cloisonnés, qui prédisposent les utilisateurs de téléphonie mobile à n’accéder qu’à une part restreinte de l’information disponible. Figure 2-2 : Nombre d’abonnements à la téléphonie mobile cellulaire, 2012-2016 en milliards ? 3,89 en 2012 4,83 en 2016 5,69 en 2020 Source : GSMA, 2017. The Mobile Economy 2017. 3 Union internationale des télécommunications (UIT) 2017a. 4 GSMA 2017. 5 Ibid. Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 75
Tendances en matière de pluralisme des médias Les limites auxquelles se heurtent les utilisateurs pour accéder à l’information grâce aux applications mobiles coïncident avec un processus plus large de fragmentation d’Internet, qui s’est accéléré durant la période couverte par la présente étude sous l’effet de forces tant commerciales que politiques. Cette fragmentation restreint l’accès au contenu médiatique et tend à pénaliser surtout les utilisateurs les plus pauvres. Bien que l’image qu’on se fait le plus souvent d’Internet soit, traditionnellement, celle d’un réseau permettant de connecter les individus et de faciliter la circulation des contenus indépendamment des frontières nationales ou des appareils utilisés pour se connecter, des espaces dits « protégés » ont fait leur apparition partout sur la planète. Le « zero-rating », cette pratique des fournisseurs d’accès à Internet consistant à offrir aux usagers une connectivité gratuite pour accéder sans bourse délier à des contenus ou des applications spécifiques, a permis aux gens, dans une certaine mesure, de surmonter les obstacles d’ordre économique, mais il est également accusé de créer un Internet « à deux vitesses ». Les données concernées par ce « taux zéro » ne sont pas décomptées du volume de données alloué aux utilisateurs, les incitant à accéder aux informations et aux divertissements. À ceci près que ce ne sont pas les utilisateurs, mais les fournisseurs de contenus (comme Facebook) et les opérateurs de réseau mobile (comme Vodafone) qui décident du type d’informations accessibles gratuitement. Le « zero-rating » illustre la complexité de mesurer le pluralisme des médias aujourd’hui : il peut en effet encourager le pluralisme en favorisant l’accès, mais l’appauvrir en termes de choix, bien que des destinations comme Facebook ou Wikipedia ne constituent pas en soi des environnements fermés. Pour remédier aux problèmes posés par le « zero-rating », un modèle alternatif, sous le concept d’« equal rating », c’est-à-dire de traitement égal des données, a fait son apparition et il est actuellement testé en Afrique par Mozilla et Orange. L’« equal rating » empêche de prioriser un type de contenu et autorise l’accès à tous les contenus jusqu’à un certain plafond. Cependant, il ne s’agit pas encore d’offres commerciales, et ces projets expérimentaux n’ont dans la région qu’une présence symbolique. On manque de données globales concernant le « zero-rating », mais durant la période couverte par la présente étude, ce service est devenu disponible dans la plupart des pays où la pénétration d’Internet a été historiquement limitée, car les fournisseurs d’accès Internet cherchent à pénétrer sur les marchés émergents. Selon une étude publiée par Chatham House, sur 19 pays d’Amérique latine étudiés, 15 disposaient d’un type de produit hybride ou à « taux zéro ». Certains pays de la région n’avaient qu’une poignée d’offres disponibles (sur l’ensemble des opérateurs mobiles), alors que dans d’autres, comme la Colombie, on trouvait jusqu’à 30 offres de prépaiement et 34 offres de postpaiement6 . Une étude menée dans huit pays du Sud mondial a trouvé des offres de « zero-rating » dans tous ces pays, bien qu’il y ait une large variation dans la fréquence avec laquelle elles sont proposées et effectivement utilisées dans chacun d’eux7 . Sur les 181 offres examinées, 13 % proposaient ce type de services. Selon une autre étude, menée en Afrique du Sud, au Ghana, au Kenya et au Nigéria, les contenus sans décompte les plus courants étaient l’application Free Basics de Facebook et le programme Wikipedia Zero8. Si le « zero-rating » illustre les tendances commerciales pouvant restreindre ou augmenter l’accès aux médias en ligne, il n’en demeure pas moins que les facteurs politiques, comme la censure et la surveillance, restent 6 Galpaya 2017. 7 Alliance for Affordable Internet (A4AI) 2015. Cette étude examine les trois à cinq premiers fournisseurs d’accès classés selon leur part de marché au Bangladesh, en Colombie, au Ghana, en Inde, au Kenya, au Nigéria, au Pérou et aux Philippines. 8 Gillwald et al. 2016. 76 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018
de bons critères pour apprécier le pluralisme dans de nombreuses régions du monde. Selon les États, les interventions politiques ont causé des expériences radicalement différentes pour les utilisateurs d’Internet. Les possibilités d’intervention des États dans ce domaine sont très nombreuses, et beaucoup excèdent les normes internationales concernant les limitations légitimes au droit d’expression. Ces mesures vont de la censure de contenus considérés comme déstabilisants par les gouvernements aux interventions des opérateurs liées à leurs conditions de services et obligations légales, telles que le retrait de contenus visant à protéger la dignité des individus dans le cadre du « droit à l’oubli » [voir TENDANCES EN MATIÈRE DE LIBERTÉ DES MÉDIAS]. Télévision Médias en ligne Figure 2-3 : Principales sources d’information + de 55 ans selon l’âge 55% 28% Source : Newman, N., Fletcher, R., Kalogeropoulos, A., Levy, D.A.L., Nielsen, R.K., 2017. Reuters 18-24 ans Institute Digital News Report 24% 2017. Reuters Institute for the Study of Journalism, Oxford. 64% Médias radiodiffusés En Europe occidentale et en Amérique du Nord, la suprématie de la télévision comme principale source d’information est menacée par Internet, alors que dans d’autres régions, comme l’Afrique, la télévision gagne en part d’audience par rapport à la radio, la plate-forme médiatique historiquement la plus utilisée. Outre des variations géographiques, l’âge joue un grand rôle pour déterminer la répartition entre radio, télévision et Internet comme première source d’information. Selon le Rapport sur l’information numérique 2017 du Reuters Institute, dans les 34 pays et territoires étudiés, 51 % des adultes de 55 ans et plus considèrent la télévision comme leur principale source d’information, contre 24 % seulement des répondants âgés de 18 à 24 ans9 . C’est le schéma inverse qui se vérifie en ce qui concerne les médias en ligne, choisis comme première source d’information par 64 % des 18-24 ans, et par seulement 28 % des utilisateurs âgés de 55 ans ou plus. Dans les 34 mêmes pays couverts par l’étude, les variations semblent bien moindres en ce qui concerne la radio, qui est le premier média pour 4 % seulement du groupe des répondants les plus jeunes, et pour 7 % des plus âgés. Cette différenciation selon l’âge pourrait avoir son importance pour les médias à l’avenir, avec des corrélations potentielles aux sociétés vieillissantes et à celles où prédominent les jeunes. En dehors des pays couverts par le rapport du Reuters Institute, l’évolution vers les médias en ligne comme principale source d’information se produit aussi dans d’autres régions du monde. En 2016, selon l’Arab Youth Survey, 45 % des jeunes interrogés considéraient les médias sociaux comme une source majeure de nouvelles10 . La télévision, qui était regardée régulièrement par 63 % des répondants, n’en demeurait pas moins le principal moyen utilisé pour recevoir l’information, y compris chez les plus jeunes. 9 Newman et al. 2017. Ce rapport couvre 34 États membres de l’UNESCO, situés pour l’essentiel en Europe occidentale et en Amérique du Nord, mais également en Europe centrale et orientale, en Asie-Pacifique et en Amérique latine et dans les Caraïbes. 10 ASDA’A Burson-Marsteller 2016. Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 77
Tendances en matière de pluralisme des médias Le passage de la télévision analogique à la télévision numérique a été inégal à travers le monde, mais il élargit régulièrement l’éventail des chaînes auxquels les individus ont accès. Selon l’UIT, qui suit les progrès du passage au numérique dans le monde, en 2017, la conversion avait été achevée dans 56 pays et se poursuivait dans 68 (voir la figure 2-4)11 . Figure 2-4 : État d’avancement du passage L’accès aux contenus est également augmenté par les à la radiodiffusion télévisuelle numérique changements survenus dans les modes d’utilisation terrestre grâce au visionnement non linéaire, le streaming en Non entamé ligne devenant un élément important de l’expérience des utilisateurs. Depuis qu’il a étendu ses services Terminé En cours mondiaux à 130 pays en janvier 2016, Netflix a vu 7% bondir le nombre de ses abonnés, qui sont passés de 40 millions en 2012 à plus de 100 millions au deuxième trimestre de 2017. Son audience s’est également 35% diversifiée, 47 % des utilisateurs étant situés à 28% Total l’extérieur des États-Unis, où la société a commencé 198 ses activités en 199712 . La télévision par satellite a continué d’ajouter des alternatives mondiales ou transnationales aux options nationales de visionnement pour de nombreuses audiences. Des fournisseurs d’information mondiaux 30% comme la BBC, Al Jazeera, l’Agence France-Presse, RT (ex-Russia Today) et l’Agencia EFE hispanophone Absence de données utilisent Internet et la télévision par satellite pour Source: Union internationale des télécommunications mieux toucher les spectateurs par-delà les frontières, UIT, 2017. Status of the transition to Digital Terrestrial et ils ont créé des chaînes spécialisées afin de cibler Television Broadcasting: Figures. ITU Telecommunication certains publics étrangers. Reflet d’une orientation Development Sector. https://www.itu.int/en/ITU-D/ Spectrum-Broadcasting/Pages/DSO/default.aspx plus ouverte sur l’extérieur, le China Global Television Network (CGTN), groupe multilingue et multi-canaux appartenant à China Central Television et exploité par elle, a changé de nom en janvier 2017, abandonnant celui de CCTV-NEWS. Après des années de coupes budgétaires et de réduction de ses opérations mondiales, la BBC a annoncé en 2016 le lancement de 11 nouveaux services linguistiques (en amharique, en coréen, en gujarati, en igbo, en marathi, en oromo, en penjabi, en pidgin, en telougou, en tigrigna et en yoruba), ce qu’elle présente comme un élément de sa plus grande expansion « depuis les années 194013 ». Certaines entreprises de radiodiffusion internationales et étrangères ont eu tendance à faire le reflet des intérêts des gouvernements ou des intérêts et points de vue de leurs pays respectifs, tandis que d’autres ont conservé davantage d’indépendance. Le rayonnement croissant des médias d’information publics à diffusion internationale a également été influencé par des dynamiques régionales particulières. Globalement, la plus grande attention accordée aux audiences des médias radiodiffusés du Golfe a gagné de vitesse le reste du monde arabophone. On estime 11 Union internationale des télécommunications (UIT) 2017b. 12 Huddleston 2017. 13 BBC 2016. 78 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018
que ce sont surtout les intérêts géopolitiques qui ont présidé au lancement des chaînes arabophones, même si les considérations commerciales n’y sont pas totalement absentes. Industrie de la presse écrite La presse écrite a été de nouveau le secteur le plus fortement ébranlé par l’essor des médias numériques. Si Internet s’est imposé comme source alternative d’information et d’opinion, il a également procuré une nouvelle plate-forme aux organes de la presse écrite pour atteindre de nouvelles audiences. Entre 2012 et 2016, la circulation des journaux imprimés a continué de chuter dans presque toutes les régions, à l’exception de l’Asie et du Pacifique, où la montée en flèche des ventes dans certains pays est venue compenser les baisses sur des marchés asiatiques historiquement solides comme le Japon ou la République de Corée. Il y a eu notamment une hausse spectaculaire de la circulation de la presse en Inde, où elle a grimpé de 89 % entre 2012 et 201614 . Les médias imprimés ont aussi continué d’être affectés par l’évolution des tendances en matière de publicité, dont la part dans le revenu total des médias d’information au niveau mondial est pour la première fois passée sous la barre des 50 % en 2012, poursuivant cette baisse ensuite pour atteindre 38 % en 2016. Dans la mesure où de nombreux journaux effectuent leur transition vers les plates-formes en ligne, les revenus de la diffusion et de la publicité numériques ont augmenté substantiellement. Un défi urgent pour les journaux consistera toutefois à profiter davantage de cette croissance15 . Les difficultés qu’ont les médias imprimés à attirer la publicité ont également provoqué une baisse massive de la diffusion des « quotidiens gratuits », segment qui avait connu un rapide essor au début des années 2000, mais qui a été le plus touché par la concurrence avec les autres médias : le nombre de quotidiens gratuits a chuté de façon spectaculaire dans toutes les régions. Modèles économiques Les systèmes médiatiques reposent sur des modèles économiques variés, dont des combinaisons alliant marché, service public, entités communautaires et entités étatiques. La présence d’une pluralité de propriétaires de médias et de modèles économiques est un élément essentiel du pluralisme externe, garanti par la concurrence. Les médias de service public et communautaires sans but lucratif peuvent contribuer au pluralisme interne en intégrant la diversité sociale et culturelle dans les contenus qu’ils produisent. Les médias communautaires, qui se caractérisent par leur appel aux bénévoles, peuvent être une source exceptionnelle de dialogue et d’échange d’information au niveau local. Là où prédominent des médias détenus par l’État et contrôlés par le gouvernement, l’accès au pluralisme des médias est réduit d’autant. Certains éléments centraux des modèles traditionnels de propriété et de financement ont néanmoins connu des bouleversements ces cinq dernières années. L’ouverture à la propriété privée en Afrique, dans la région arabe et ailleurs, par exemple, a réduit le contrôle monopolistique de l’État sur l’information – évolution positive, mais qui a aussi conduit, dans certains cas, à ce qui a été perçu comme un renforcement du sectarisme et une prolifération de médias certes privés, mais entretenant des liens étroits avec la sphère politique. En Europe occidentale et en Amérique du Nord, le secteur de la presse écrite, tout en s’efforçant d’étendre son empreinte numérique, a été incapable de cueillir les fruits de la publicité numérique, de plus en plus concentrée dans des médias détenus par une poignée de leaders du marché. 14 Campbell 2017. 15 Ibid. Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 79
Tendances en matière de pluralisme des médias Ces bouleversements sont intervenus parallèlement à l’apparition de nouveaux modèles économiques, souvent basés sur le streaming de l’information et du divertissement sur Internet, mais aussi sur les contributions financières de « sponsors ». Bien que ces possibilités amènent une diversification des modèles économiques, l’érosion des sources de revenu disponibles pour la radiodiffusion publique et la production de journaux de qualité pourrait avoir des répercussions négatives sur l’indépendance des médias [voir TENDANCES EN MATIÈRE D’INDÉPENDANCE DES MÉDIAS]. La volonté politique de financer des médias publics authentiques semble sur le déclin. Pluralisme de la propriété des médias La tendance à la privatisation des médias et à la diminution de l’emprise de l’État sur le contenu des médias s’est poursuivie après 2012. Dans la région arabe, l’Union de radiodiffusion des États arabes (ASBU) comptait 1 230 chaînes de télévision diffusant grâce à des satellites arabes et internationaux, réparties en 133 chaînes publiques et 1 097 chaînes privées16 . Selon le rapport de l’ASBU, ces chiffres sont la preuve d’une baisse du pourcentage de chaînes publiques et d’une augmentation des chaînes privées nationales et des chaînes publiques étrangères ciblant la région arabe. La réduction de la part directe de l’État dans l’ensemble du secteur des médias est généralement mentionnée comme une tendance positive, mais elle s’est faite parallèlement à une croissance de médias dotés d’un agenda sectaire. En Afrique, certains médias privés ont conservé des liens étroits avec des gouvernements ou des personnes politiques, tandis que les maisons de presse aux mains de patrons politiquement non alignés, souvent confrontés aux boycotts publicitaires des agences de l’État, ont eu du mal à survivre. Dans la quasi-totalité des régions, les modèles de radiodiffusion publique ont peiné à obtenir des financements. En Europe occidentale, centrale et orientale, les fonds destinés à la radiodiffusion publique ont stagné ou baissé après 201217 . Dans la région Asie et Pacifique, le processus de libéralisation contrôlée de la presse s’est poursuivi, assorti de puissantes incitations à la mise en place de modèles rentables de journaux appartenant à l’État, mais relativement indépendants. On trouve toujours dans de nombreux pays africains et dans la région arabe des cas où des journaux d’État sont les publications les plus vendues, mais leurs contenus sont généralement perçus comme ne reflétant pas la pluralité de leurs sociétés respectives. En Europe centrale et orientale, l’intégration et la concentration verticales sur des marchés solides se sont accélérées. Cette tendance s’est accompagnée d’un manque de transparence concernant la propriété, et de mesures institutionnelles de protection du pluralisme (telles que suivi de la concentration et intervention réglementaire). En Europe occidentale, les limites à la concentration ont généralement été fixées plus clairement, sauf dans quelques pays où les acteurs des médias ont su faire pression sur les gouvernements pour obtenir un assouplissement dans les normes et l’application de la loi. De nouveaux types de propriété croisée ont fait leur apparition au cours des cinq dernières années, et ont suscité de nouvelles interrogations concernant la limite à tracer entre les médias et les autres industries. L’événement le plus remarquable a été l’acquisition du Washington Post par le fondateur du détaillant en ligne Amazon. Si elle a d’abord suscité des inquiétudes quant l’indépendance du journal, ce dernier a considérablement renforcé sa position au sein des médias en ligne - et imprimés - et introduit des innovations importantes. Des questions demeurent quant aux possibles avantages pouvant être apportés par Amazon 16 Union de radiodiffusion des États arabes (ASBU) 2015. 17 Union européenne de radiotélédiffusion (UER) 2015 80 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018
en termes de profilage des utilisateurs et de collecte de données, et à la nécessité de prendre de nouvelles mesures pour garantir une concurrence loyale sur le marché des médias. Un modèle alternatif de propriété communautaire survit encore dans certaines zones, notamment isolées, rurales ou défavorisées, et le média concerné est généralement la radio. Selon ce modèle, des stations à but non lucratif sont exploitées et gérées par les communautés qu’elles servent, même s’il s’agit rarement d’une propriété communautaire au sens littéral du terme. Ce type de modèle représente une « troisième voie », pouvant répondre à certaines inquiétudes suscitées par la présence d’intérêts économiques et politiques derrière les radiodiffuseurs publics et commerciaux, comme le soulignait une récente note d’orientation de l’UNESCO concernant la viabilité des médias communautaires. Il favorise aussi une plus grande diversité des expressions et permet de mieux couvrir les problèmes locaux, à une époque où les contenus médiatiques uniformisés et syndiqués semblent tout envahir. De nombreuses stations de radio communautaires ont toutefois bien du mal à assurer leur viabilité financière sans les sources fiables sur lesquelles peuvent compter les autres types de médias. Davantage de soutien et de meilleures politiques nationales sont essentiels pour assurer la viabilité future de ce type de diffuseurs. La publicité : entre anciens et nouveaux modèles Les sources de revenu des médias ont beaucoup changé, ce qui pose avant tout problème aux médias traditionnels. Les revenus des abonnements et des ventes des médias de presse sont restés relativement stables au niveau mondial (la croissance réalisée dans des régions comme l’Asie et le Pacifique et l’Afrique ayant compensé les baisses enregistrées en Europe occidentale et orientale). Mais les recettes publicitaires des médias imprimés ont chuté de 27 % entre 2012 et 201619 . En 2012, la part de la publicité imprimée dans le montant total des recettes publicitaires des médias d’information était de 48 %, et de 38 % seulement en 201620 . La circulation des versions numériques des journaux traditionnels et les annonces publicitaires numériques ont fortement augmenté, mais cela n’a pas suffi à compenser les pertes de l’imprimé. Le défi de préserver les recettes publicitaires tout en passant du papier au numérique a été important, mais de nouveaux modèles ont aussi fait leur apparition, empêchant les médias historiques de bénéficier pleinement de la publicité numérique. Comme le montre la figure 2-5, après des années d’incertitude sur la rentabilité de la publicité numérique, ce secteur s’est considérablement développé ces dernières années, et ses recettes ont doublé entre 2012 et 201621 . 18 UNESCO 2017d. 19 Campbell 2017. 20 Ibid. 21 PwC 2017. La tendance identifiée par l’étude du Internet Advertising Bureau se limite aux États-Unis, où se trouve le siège des principales multinationales auxquelles on doit les transformations de la publicité numérique. 81
Tendances en matière de pluralisme des médias Figure 2-5 : Revenus publicitaires d’Internet, Cette croissance s’est inégalement répartie entre 2012-2016 les différents types d’acteurs numériques. Ce sont Google et Facebook qui en ont bénéficié le Taux de croissance Revenus publicitaires annuels (en milliards de dollars) plus, absorbant près des deux tiers du marché 100 dans de nombreuses régions. Leurs positions 90 dominantes en tant que moteur de recherche et 80 70 fournisseur de réseaux sociaux et leur capacité 60 à recueillir des informations pour élaborer des 50 40 profils d’utilisateurs complexes n’ont pas eu 30 leur pareil pour aider les annonceurs à atteindre 20 leurs cibles. Mais s’ils ont conquis cette position 10 0 dominante, c’est souvent en s’appuyant sur des 2012 2013 2014 2015 2016 contenus produits par des entreprises de médias qui n’auront pas nécessairement été rétribuées Source: PwC, 2017. Rapport de l’IAB, revenus publicitaires en retour, selon que l’utilisateur aura décidé de d’Internet, résultats pour l’année entière (2016). Interactive Advertising Bureau (IAB). consulter le site Web d’origine après avoir lu le titre ou la légende de l’article, ou bien de poursuivre sa navigation sur l’application ou le site du média social ou du moteur de recherche concerné. Avec l’essor des mégadonnées, les médias semblent avoir perdu les « subventions publicitaires » du contenu journalistique, grâce auxquelles la publicité « privée » finançait le « journalisme public22 ». Avant l’avènement de la publicité ciblée, née des possibilités de profilage offertes par les mégadonnées, les annonceurs étaient prêts à payer des prix très élevés à des publications de qualité pour qu’elles placent leurs annonces bien en vue des audiences, ce qui procurait en retour les ressources nécessaires pour que ces titres puissent financer un journalisme de qualité. Or, depuis l’arrivée des mégadonnées, leur analyse permet aux annonceurs d’aller chercher de manière lisée des consommateurs de média et de poster leurs annonces sous ses yeux quel que soit le contenu qu’il est en train de consommer. Ceci s’étend à la publicité politique, parfois utilisée pour éclipser certaines informations au moment des élections23. Figure 2-6 : Les nouveaux modèles économiques des médias 22 Harper 2016. 23 Pariser 2011; Couldry and Turow 2014. 82 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018
Nouvelles plates-formes et nouveaux modèles commerciaux Parallèlement aux bouleversements vécus par les segments traditionnels du marché de l’information, de nouveaux modèles commerciaux ont fait leur apparition. Pour certains, il s’agit d’extensions ou de variations des modèles existants, comme les formules d’accès payant introduites par des publications considérées comme d’excellente qualité ou occupant une niche spécifique (comme le New York Times aux États-Unis ou le Mail & Guardian en Afrique du Sud). D’autres ont emprunté leurs stratégies à d’autres secteurs, comme l’illustrent les fréquents appels à financer son journalisme de qualité lancés par le Guardian à ses lecteurs, après ceux de Wikipédia appelant aux dons de soutien pour ses contenus gratuits. L’enthousiasme suscité par le financement participatif du journalisme s’est accru. Sur Kickstarter, une plate- forme de financement participatif lancée en 2009 pour soutenir les projets créatifs dans divers secteurs, le nombre des projets de journalisme à financement participatif a augmenté de façon importante. Alors qu’en 2012, 88 projets avaient été financés grâce à cette plate-forme, en 2015, le nombre des projets soutenus était passé à 173, disséminés dans 60 pays (même si l’Amérique du Nord enregistre toujours la majorité des projets financés). Les fonds collectés sont passés de 1,1 million de dollars des États-Unis en 2012 à 1,9 million en 201524 . Cela dit, ces projets ne représentent qu’une faible part du marché de l’information, et il faut aussi tenir compte des échecs d’autres initiatives de ce genre. Spot.Us, Contributoria et Beacon ont tous commencé par créer ou consolider des communautés d’individus ayant les mêmes affinités et cherchant à soutenir et produire un journalisme de qualité, mais en 2015, ils avaient tous mis la clé sous la porte25. Figure 2-7 : Part des recettes publicitaires d’Internet selon la plate-forme, 2012-2016 Part des recettes annuelles mobile Part des recettes annuelles non mobile $milions de dollars 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Source : PwC, 2017. Rapport de l’IAB, revenus publicitaires de Internet, résultats pour l’année entière (2016). Interactive Advertising 2012 Bureau (IAB). 2013 2014 2015 2016 24 Vogt and Mitchell 2016. 25 DeJarnette 2016. Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 83
Tendances en matière de pluralisme des médias D’autres changements dans les modèles économiques reposent sur les plus larges reconfigurations structurelles du marché. Comme indiqué plus haut, le marché de la publicité numérique a connu une croissance exponentielle durant la période couverte par la présente étude, mais de nouvelles tendances en ont aussi modifié la dynamique de l’intérieur. Comme le montre la figure 2-7, alors qu’en 2012, les recettes publicitaires du mobile ne représentaient qu’une part infime du marché aux États-Unis, en 2016, elles ont dépassé celles de toutes les autres plates-formes. Divers acteurs médiatiques ont également commencé à tester de nouveaux formats et techniques de journalisme, afin de vérifier si la réalité ou les jeux virtuels pouvaient faciliter les expériences d’immersion dans des événements relativement éloignés. Ainsi, en 2015, le New York Times a inauguré son Laboratoire de réalité virtuelle, cherchant à apporter des points de vue originaux sur des sujets qui vont de la guerre en Iraq et du conflit au Soudan du Sud à l’amincissement de la banquise en Antarctique. L’application RV est aujourd’hui la plus téléchargée des applications interactives lancées par ce journal26 . Les efforts pour mettre au point des jeux vidéos destinés à sensibiliser aux questions complexes, depuis les conflits jusqu’aux épisodes de famine, se sont poursuivis au cours des années couvertes par la présente étude, comme l’illustre l’exemple des communautés formées autour d’initiatives comme Games for Social Change, et les tentatives de plus en plus nombreuses d’associer les étudiants à la programmation et à la création de jeux27 . Bien que ces initiatives constituent une contribution supplémentaire au renforcement du pluralisme, en offrant aux utilisateurs de multiples moyens d’accéder aux contenus, leur viabilité économique reste un défi, car la plupart des jeux ou documentaires de réalité virtuelle reposent soit sur des dons ou sur les subventions de grands groupes médiatiques, et leur capacité de générer des revenus durables est limitée. Contenus Parallèlement à la forte progression de l’accès, on note depuis 2012 une disponibilité accrue des contenus médiatiques. Bien que cette facette du pluralisme des médias soit plus difficile à évaluer quantitativement, on connaît le volume de données échangées au niveau mondial. En 2016, selon Cisco Systems, une moyenne de 96 000 pétaoctets ont été transférés chaque mois sur Internet, soit plus de deux fois plus qu’en 201228 . En 2016, le nombre de sites Web actifs a dépassé le milliard, en hausse de quelque 700 millions par rapport à 201229 . Ces chiffres, tout en montrant clairement la tendance à une plus grande disponibilité de l’information, risquent toutefois de masquer des transformations plus subtiles dans la production de contenus sur les plates-formes médiatiques, que l’on examinera ici. Contenus générés par les utilisateurs La croissance des contenus sur Internet est due en grande partie à la popularité croissante des plates-formes de réseaux sociaux. Facebook, qui, en juin 2017, affichait 2 milliards d’utilisateurs quotidiens actifs, est devenu de loin la plate-forme des médias sociaux la plus populaire au monde30 . Au niveau régional, toutefois, d’autres plates-formes ont réussi à contester la position commerciale dominante de Facebook31 . Twitter est la plate- forme de médias sociaux la plus populaire au Japon, tandis que Naver, une plate-forme offrant des nouvelles, des jeux vidéos et des services de courrier électronique, est l’espace en ligne le plus visité en République de Corée. En Afrique, Instagram (propriété de Facebook) et LinkedIn (propriété de Microsoft) occupent une 26 Welsh 2015. 29 Internet Live Stats 2017. 27 Games for Social Change 2017. 30 Reuters 2017. 28 Cisco Systems 2017. 31 Cosenza 2017. 84 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018
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