L'OUVERTURE PÉTROLIÈRE DE CUBA DANS LE GOLFE DU MEXIQUE: ENTRE L'IMMOBILISME MEXICAIN ET LE BLOCUS DES ÉTATS-UNIS (*)

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L’OUVERTURE PÉTROLIÈRE DE CUBA
                     DANS LE GOLFE DU MEXIQUE:
                    ENTRE L’IMMOBILISME MEXICAIN
                    ET LE BLOCUS DES ÉTATS-UNIS (*)
                                                 parANGEL DE LA VEGA NAVARRO (**)

    L’avenir du pétrole pour Cuba, le Mexique et les États-Unis – qui ont des frontières         Unis dans la partie qui leur correspond dans
  maritimes communes – se trouve dans les eaux profondes du golfe du Mexique. Cuba               une zone limitrophe avec le Mexique ne
fait face à une transition énergétique où cette source d’énergie doit encore jouer un rôle,      cessent d’augmenter. De son côté, l’entre-
      compte tenu des structures économiques et technologiques héritées du passé. Parmi          prise Petróleos Mexicanos (PEMEX (1)) s’est
         d’autres mesures, elle a ouvert son territoire aux compagnies internationales qui       limitée à parler des « ressources prospec-
   accèdent ainsi à des ressources en hydrocarbures dans une zone qui a une importance           tives » dans la partie mexicaine du golfe, les-
stratégique, au milieu d’une situation énergétique mondiale où chaque baril de pétrole           quelles, pour être converties en réserves, exi-
         compte. Outre des facteurs économiques et technologiques, l’ouverture pétrolière        geraient d’énormes moyens financiers, tech-
cubaine s’explique par la situation critique créée après la rupture des liens que le pays a      nologiques et organisationnels.
     maintenus durant plusieurs décennies avec l’URSS. Les résultats et la crédibilité de        Mais le Mexique n’a pas qu’une frontière
                cette ouverture sont à mettre en relation avec sa capacité de construire un      dans le golfe qui porte son nom (pour une
       environnement institutionnel et régulatoire susceptible d’attirer les investissements     vue d’ensemble de cette zone, voir la carte
      étrangers dans des activités d’exploration et production (E & P) à haut risque. En         n° 1, page suivante). Les frontières ont
             même temps, Cuba a aussi réussi à compléter l´effort interne conduit avec la        représenté trop souvent pour les Mexicains
  coopération de compagnies internationales, en entrant dans une relation spéciale avec          des zones de conflit et de violence, tant au
          le Venezuela, dans le cadre de nouvelles initiatives d’intégration régionale et de     Nord qu’au Sud. C’est peut-être pour cela
                                             coopération énergétique impulsées par ce pays.      qu’on ne pense pas à une autre frontière,

                                                L
                                                         e Mexique devra faire, au cours des     (*) Une première et courte version de cet article a été publiée
                                                         prochaines années, un grand effort      par l’auteur en espagnol: « La frontera olvidada: México y
                                                                                                 Cuba en el Golfo », Energía a Debate, tome IV, n° 20, Mexico,
                                                         en matière d’exploration et produc-     mai-juin 2007, pp. 8-14. La présente version a bénéficié d’in-
                                                 tion d’hydrocarbures, non seulement s’il        formations recueillies au cours d’un séjour de recherche effec-
                                                                                                 tué dans le Centre de recherches de l’économie mondiale
                                                 souhaite maintenir une place importante en      (CIEM,Havane,Cuba).Ce séjour,du 28 juin au 21 juillet 2007,
                                                 tant qu’exportateur de pétrole, mais surtout    a permis à l’auteur de réaliser plusieurs entretiens avec des
                                                 s’il veut faire face à la demande interne de    chercheurs et des spécialistes cubains du secteur de l’énergie.

                                                 pétrole et de gaz. Il est assez probable que    (**) Professeur de la faculté d’Économie de l’université natio-
                                                                                                 nale autonome du Mexique (UNAM),Angel de la Vega Navarro
                                                 son plus grand effort se dirige vers les eaux   a publié des articles dans les numéros suivants de la Revue de
                                                 profondes du golfe du Mexique, où d’autres      l’Énergie: 456, 484, 539 et 548.
                                                 pays ont pris les devants, comme les États-     (1) Société Nationale Pétrolière du Mexique.

Revue de l’Énergie, n° 578, juillet-août 2007                                                                                                           231
CARTE 1

       très importante et stratégique. « Quand on                  times (3) (voir la carte n° 2) qui devien-        Dans cet article nous privilégierons le cas de
       réfléchit sur le Mexique et Cuba, nous le                   dront de plus en plus importantes, ne serait-     Cuba, avec des références aux États-Unis et
       faisons sur deux pays indépendants, assez                   ce qu’à cause de la nouvelle situation éner-      au Mexique, en suivant les points suivants:
       proches entre eux, sans frontières com-                     gétique mondiale et des ressources dont
       munes », ainsi que l’a écrit récemment un                   cette zone dispose dans les « eaux pro-
       ancien président du Mexique (2).                            fondes ». Si les prix internationaux du
       Les États-Unis et le Mexique partagent                      pétrole se maintiennent à des niveaux             (2) Carlos SALINAS de GORTARI, « Cuba y Estados Unidos.
       pourtant avec Cuba des frontières mari-                     proches de ceux atteints actuellement             Construyendo puentes para la distensión y el reencuentro »,
                                                                                                                     Revue Milenio, Mexico, 5 février 2007, pp. 4-13. (C’est nous
                                                                   (juillet 2007), assez vraisemblablement une       qui soulignons,AVN).
                            CARTE 2                                bonne partie de ces ressources deviendra des      (3) En 1977, sous la présidence de James CARTER, les eaux
                                                                   réserves viables économiquement. Pour ces         du golfe du Mexique ont été partagées en zones d’exclusion
                                                                                                                     économique entre les États-Unis,le Mexique et Cuba:Treaty on
                                                                   trois pays, le futur, du point de vue des         Maritime Boundaries between the United States and the
                                                                   hydrocarbures, se trouve donc dans les eaux       United Mexican Status; the Maritime Boundary Agreement
                                                                                                                     between the United States and the Republic of Cuba
                                                                   profondes du golfe du Mexique. Pour les           (16December 1977). Le but de ces traités était de sauvegar-
                                                                   États-Unis en particulier, compte tenu du         der les droits économiques de chaque pays, y compris l’accès
                                                                                                                     aux ressources se trouvant sous les eaux de part et d’autres
                                                                   degré de maturité de leur industrie, ces eaux     des frontières maritimes. Malgré ces traités, des zones en dis-
                                                                   représentent aussi la dernière partie de leur     pute subsistent:c’est le cas des « donut holes ».On en distingue
                                                                                                                     deux: 1) ceux à l’Ouest, concernent seulement le Mexique et
                                                                   territoire où des réserves importantes de         les États-Unis (voir carte n° 3, page suivante) et leurs limites
Cette carte provient de: « Current status of exploration-produc-   pétrole et de gaz restent à découvrir et à        ont été définies par un traité signé entre ces deux pays,le 9 juin
tion activities in Cuba », document présenté dans la US-Cuba                                                         2000; 2) ceux se trouvant à l’Est concernent les trois pays et
Energy Conference, Mexico, 2 février 2006.                         valoriser.                                        le tracé de leurs limites doit encore être négocié entre eux.

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CARTE 3                                                 Pour les États-Unis, le golfe du Mexique
                                                                                                       (OCS – Outer Continental Shelf) représente
                                                                                                       13 % de leurs réserves prouvées et 1/4 de
                                                                                                       leur production du pétrole et du gaz.
                                                                                                       Le Mexique, pour sa part, est le leader mon-
                                                                                                       dial dans la production offshore, mais seule-
                                                                                                       ment à une profondeur de moins de
                                                                                                       100mètres. Pemex a fait connaître officiel-
                                                                                                       lement, en 2005, des chiffres de « ressources
                                                                                                       prospectives » existant en territoire mexi-
                                                                                                       cain. Plus récemment, concernant les eaux
                                                                                                       profondes de la partie mexicaine du golfe
                                                                                                       du Mexique, le chiffre de 29,5 milliards de
                                                                                                       barils de pétrole brut équivalent a été pré-
                                                                                                       cisé (4). Ces ressources ont besoin, pour
                                                                                                       devenir des réserves, d’énormes moyens
                                                                                                       financiers et technologiques que Pemex n’a
                                                                                                       pas pu engager encore pleinement (5) et
                                                                                                       qu’il n’a pas la possibilité d’obtenir en s’as-
— la place et les initiatives de Cuba dans le                                                          sociant à des compagnies étrangères (6).
golfe du Mexique sous la contrainte du blo-
                                                                I. — LA PLACE
                                                                                                       Du point de vue des visions d’avenir et des
cus des États-Unis;                                      ET LES INITIATIVES DE CUBA                    stratégies, en matière d’hydrocarbures, le
                                                         DANS LE GOLFE DU MEXIQUE                      golfe qui porte le nom du Mexique devien-
— les raisons, les conditions et les implica-
tions de l’ouverture pétrolière cubaine.
                                                           SOUS LA CONTRAINTE                          dra-t-il seulement un golfe de Cuba et des
                                                         DU BLOCUS DES ÉTATS-UNIS                      États-Unis? Imaginons que la nouvelle
Sur la scène pétrolière internationale, des                                                            situation pétrolière et les intérêts des com-
acteurs publics et privés se positionnent de         Il est inutile d’insister sur l’importance du     pagnies conduisent dans un délai plus au
façon innovante pour tirer profit des cir-           golfe du Mexique dans l’histoire mondiale         moins proche à la levée du blocus (7)
constances et des ressources dont ils peu-           du pétrole, en particulier en relation avec les   imposé par les États-Unis à Cuba, ou que
vent disposer ou auxquelles ils peuvent              États-Unis et le Mexique. Au cours des            des exceptions dans le domaine énergétique
avoir accès. Après la rupture, en 1992, des          décennies récentes, jusqu’aux années 90, il
liens établis avec l’URSS, Cuba a dû faire           apparaissait cependant comme une « mer
face à une situation très difficile, en particu-     Morte » (Dead Sea). Les progrès technolo-
lier du point de vue de son approvisionne-           giques et organisationnels réalisés depuis, en
                                                                                                       (4) Bulletin de presse 024 du 5 mars 2007: « Pemex main-
ment énergétique. Le pays a réagi en pre-            particulier pour la prospection en eaux pro-      tient son évaluation des ressources prospectives dans le Golfe
nant des mesures que certains n’attendaient          fondes, sont venus changer cette percep-          du Mexique ».
pas de la part d’un gouvernement qui a               tion. À cela se sont ajoutées les consé-          (5) L’objectif de Pemex est de changer cette situation:
décidé de maintenir des options socialistes,         quences des hausses des prix du pétrole ainsi     entre 2004 et 2006 les investissements en exploration dans
                                                                                                       les eaux profondes ont été de 265 millions de US$, alors que
au moment où elles disparaissaient ailleurs          que les études montrant avec acuité le carac-     pour 2007-2009 est prévue la somme de 1,21 milliard.
dans le monde. Un aspect important de son            tère fini des ressources fossiles (peak oil,      (6) Toute forme d’association ou de contrats (production sha-
action a été la mise en oeuvre d’une ouver-          déplétion). Soudainement le golfe du              ring contracts, par exemple) est bannie par la Constitution du
ture pétrolière qui dure depuis une quin-            Mexique apparaissait comme une nouvelle           Mexique, si elle implique l’appropriation ou le partage de
                                                                                                       réserves, considérées comme « propriété de la nation ».
zaine d’années et qui présente de bons résul-        frontière et les activités d’exploration et de
                                                                                                       (7) Le Gouvernement des États-Unis préfère parler de « trade
tats. Il s’agira ici de connaître les caractéris-    production (E & P) connaissaient un               embargo ». Au-delà des questions sémantiques ou juridiques,
tiques et les options prises pour que cette          regain: actuellement le pétrole est extrait à     hors de notre portée,nous utiliserons le mot blocus dans le sens
                                                                                                       généralement accepté: ensemble de mesures prises par un
ouverture devienne une réalité crédible sur          2000 mètres environ et des forages attei-         gouvernement pour empêcher les relations commerciales d’un
la scène internationale.                             gnent plus de 3500 mètres.                        autre pays.

Revue de l’Énergie, n° 578, juillet-août 2007                                                                                                                  233
soient acceptées. Il est intéressant de remar-      compte tenu de la situation géographique            des exportations possibles de Sherritt ne
quer que des réunions et des déclarations se        stratégique de Cuba. On en trouve la                sont pas élevés, mais sont significatifs quand
succèdent pour analyser les perspectives            preuve dans les importations réalisées par les      on se trouve à côté du consommateur le
cubaines, autant dans les sphères gouverne-         États-Unis en provenance des pays des               plus assoiffé du monde. La production de
mentales que dans les milieux universitaires        Caraïbes, comme Trinidad et Tobago, les             Sherritt est actuellement en moyenne de
et même les compagnies (8).                         Antilles hollandaises, les îles Vierges, ou         30,000 barils par jour (b/j), en provenance
                                                    Porto Rico. Que Cuba soit exclu de ces              des champs de pétrole lourd qui se trouvent
Il est vrai que jusqu’ici, les États-Unis, qui se
                                                    mouvements, et d’autres plus importants             le long de la côte nord de Cuba.
présentent comme le porte drapeau du libre
                                                    encore, en particulier du point de vue scien-       Les États-Unis violent le droit international
commerce et de l’ouverture, n’ont pas
                                                    tifique et technologique, montre bien qu’il         et leurs propres lois avec le blocus, mais
trouvé, depuis près d’un demi siècle une
                                                    ne s’agit pas seulement d’un blocus écono-          agissent aussi contre leurs propres intérêts,
meilleure attitude vis-à-vis d’un voisin avec
                                                    mique, mais aussi mental, ancré dans les            non seulement parce que des compagnies
lequel ils partagent une frontière maritime
                                                    schémas des années cinquante et soixante,           d’autres zones (Europe, Asie, Amérique
que de le laisser en dehors des très impor-
                                                    correspondant aux pires moments de la               latine), ont pris quelques longueurs
tants flux économiques, scientifiques et            guerre froide.
technologiques. Ceci malgré le fait que la                                                              d’avance, mais aussi parce que des res-
proximité géographique commanderait une             Mais les compagnies pétrolières des États-
relation plus étroite, par exemple pour             Unis ne pensent pas rester inactives, en
appuyer la rénovation complète des infra-           regardant comment, malgré les menaces du
structures énergétiques cubaines.                   Helms-Burton Act, ses rivaux européens,
                                                    canadiens, asiatiques et latino-américains (la      (8) Un exemple est une réunion très importante qui a eu lieu
Le produit intérieur brut (PIB) par tête de         compagnie vénézuélienne PDVSA) pénè-                à Mexico, le 2 février 2006:The US-Cuba Energy Conference
Cuba, selon la Commission Économique                trent dans les eaux profondes de la Zone            dans laquelle ont été représentés: ExxonMobil,Valero Energy,
pour l’Amérique Latine (CEPAL), a connu                                                                 Louisiana Department of Economic Development, parmi
                                                    Économique Exclusive (ZEE) cubaine,                 d’autres, pour échanger des informations avec des fonction-
une croissance de 6,1 % en moyenne                  située à quelques kilomètres des côtes des          naires cubains sur les opportunités d’investissement dans l’in-
entre 2000 et 2006. Pour maintenir ce taux          États-Unis. De fait, une initiative législative
                                                                                                        dustrie pétrolière cubaine.
de croissance, une consommation accrue              récente cherche des exceptions à l’applica-         (9) Cuba a souvent fait des appels au dialogue avec les États-
                                                                                                        Unis, en particulier depuis que Raul Castro est le chef de l’État
d’énergie sera nécessaire, même si on prend         tion du blocus, au seul profit des compa-           cubain par intérim. Le 26 juillet de cette année, à l’occasion de
en compte les nouvelles options qui orien-          gnies pétrolières (10) dans le but, en parti-       la fête nationale cubaine, il a renouvelé encore une fois son
tent ce pays vers une économie capable de                                                               appel, s’adressant à la future administration américaine: elle
                                                    culier, de permettre l’exploration d’hydro-         « devra décider si elle maintient la politique absurde, illégale et
produire des services d’une valeur ajoutée          carbures dans les eaux cubaines.                    infructueuse contre Cuba, ou si elle accepte le rameau d’olivier
élevée, comme ceux qui ont une relation                                                                 que nous lui avons tendu » le 2 décembre 2006 (date de la
avec les sciences de la médecine, l’éduca-          En appuyant cette proposition, les compa-           première offre de dialogue depuis que Raul Castro assure l’in-
                                                    gnies n’ont certainement pas été indiffé-           térim).
tion, le sport et la culture, etc. Ces options
impliquent des complémentarités claires             rentes aux nouvelles concernant les réserves        (10) Voir, par exemple, la « Western Hemisphere Energy
                                                                                                        Security Act » de 2006, portant les labels H.R. 5353 à la
avec le voisin du Nord, mais à la logique du        pétrolières au nord de Cuba, tout près des          Chambre des Représentants et S. 2787 au Sénat. Cette pro-
                                                    côtes des États-Unis. Il aurait été étonnant        position législative cherchait une exception à l’embargo, per-
voisinage géographique s’est superposée une                                                             mettant aux compagnies américaines de réaliser des activités
                                                    que la ZEE cubaine, proche des zones avec
logique politique de distance et de rup-                                                                d’exploration dans les eaux cubaines, en la présentant comme
                                                    des réserves prouvées ne possède pas de res-        une mesure qui collaborerait à la solution de la crise énergé-
ture (9).
                                                    sources. Sherritt International Corp., com-         tique.
La disponibilité de technologies, les coûts,        pagnie canadienne, a non seulement parlé            (11) Sherritt International, dans un rapport où elle faisait état
les nouvelles préoccupations des États-Unis         de découvertes en territoire cubain, mais a         de ses profits en 2006, a affirmé qu’en 2007 elle avait des
                                                                                                        « plans to export a portion of its Cuban production as a conse-
pour leur sécurité énergétique sont des fac-        aussi commencé cette année l’exportation            quence of anticipated production growth and limited demand
teurs qui devraient favoriser une relation          d’une partie du pétrole qui lui revient dans        for domestic heavy oil». Sherritt International est le plus impor-
énergétique bénéfique pour les deux pays,                                                               tant producteur étranger de pétrole à Cuba.
                                                    le cadre des contrats signés (11). Cuba pays
non seulement dans les activités d’explora-         exportateur de pétrole au cours de la décen-        (12) Dans un rapport à la SEC (Securities and Exchange
                                                                                                        Commission) des États-Unis, dont la presse mexicaine a fait
tion et de production, mais aussi dans              nie prochaine? L’ironie est que des scénarios       état le 26 juillet 2007, Pemex a signalé qu’au 31 décembre
d’autres activités comme le raffinage et le         construits au Mexique prévoient que, sur ce         2006, les réserves prouvées de pétrole brut s’élevaient à
                                                                                                        8,98 milliards de barils, tandis que la production annuelle, en
stockage de produits pétroliers ou les prépa-       même horizon, ce pays deviendra un                  2006, a été de 1,33 milliard. À ce rythme, le Mexique a du
rations et distributions de gaz naturel,            importateur net de pétrole (12). Les chiffres       pétrole pour sept ans seulement.

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sources importantes peuvent rester en            cubaine), a identifié en 2004 cinq champs         « Les fournisseurs des États-Unis de biens et
dehors de leur orbite alors que ce pays          qu’elle a classifiés comme étant « d’une          de services pétroliers sont invitées à partici-
insiste tant sur sa sécurité énergétique.        grande qualité » dans les eaux profondes du       per à l’industrie pétrolière cubaine émer-
Certains aux États-Unis sont conscients des      détroit de Floride, 32 km à peine au nord-est     gente, sur la base du respect et de bénéfices
enjeux: « For the first time in 45 years,        de la Havane (14). Quelques mois après, en        mutuels ».
Cuba now has something of strategic              février 2005, le US Geological Survey a
                                                                                                   Comment expliquer cette attitude de Cuba,
importance to the US-oil and [natural]           confirmé que le bassin au nord de Cuba
                                                                                                   qui contraste avec celle du Mexique, face à
gas, » a fait récemment remarquer Kirby          contenait du pétrole en quantités impor-
                                                                                                   la participation des compagnies pétrolières
Jones, président de la US-Cuba Trade             tantes et de bonne qualité: entre 4,6 et
                                                                                                   internationales sur son territoire? Outre le
Organization (13).                               9,3 milliards de barils de brut et entre 9,8 et
                                                                                                   degré insuffisant de développement techno-
                                                 21,8 milliards de pieds cubes de gaz naturel
Paradoxalement, si le blocus est levé les                                                          logique et la capacité financière réduite de
                                                 (15). On considère, dans des milieux infor-
compagnies pétrolières des États-Unis, qui                                                         l’industrie pétrolière cubaine, il y a une
                                                 més du secteur énergétique cubain, qu’une
ne peuvent pas entrer dans les eaux de la                                                          compréhension claire du rôle des investisse-
                                                 fois convertie en réserves, une bonne partie
Floride à cause des normes en vigueur,                                                             ments privés. Les Cubains ont parfaitement
                                                 de ces ressources pourrait être commerciali-
pourraient pénétrer dans une zone proche,                                                          compris que, du point de vue économique,
                                                 sée aux environs de l’an 2012.
ayant été invitées de manière souveraine par                                                       il n’est pas possible d’entrer seuls dans l’ex-
Cuba. Aux compagnies pétrolières qui sont                                                          traction de pétrole en eaux profondes, à
déjà présentes dans le golfe du Mexique,                                                           cause des risques économiques inhérents
Cuba offre l’opportunité d’explorer, de réa-              II. — LES RAISONS,                       aux activités exploratoires (dry holes). Deux
liser des forages et d’extraire du brut dans               LES CONDITIONS                          autres ensembles de facteurs peuvent être
des zones avoisinant celles qui leur sont               ET LES IMPLICATIONS                        aussi avancés pour expliquer l’ouverture
interdites du côté des États-Unis. Une suc-                DE L’OUVERTURE                          cubaine: 1) la situation énergétique créée à
cion possible de pétrole (« effet de paille »,                                                     partir de la disparition de l’URSS; 2) les
                                                        PÉTROLIÈRE CUBAINE
dit-on au Mexique) pourrait avoir lieu,                                                            caractéristiques de l’environnement institu-
appliquée par les compagnies américaines                                                           tionnel et régulatoire pour attirer les inves-
aux gisements de leur propre pays à partir       De plusieurs manières Cuba a manifesté            tissements étrangers. Concernant ce dernier
de Cuba. Cette situation, tout à fait envisa-    son intérêt pour la participation de capitaux
                                                 étrangers, en provenance d’horizons les plus
geable, ne serait pas sans intérêt.
                                                 divers, dans l’exploration et l’exploitation
En effet, tout près des côtes des États-Unis,    de ses ressources. Dès 1993, des compagnies
dans les eaux du détroit de Floride, un          pétrolières on répondu favorablement aux
potentiel important d’hydrocarbures est          premières ouvertures cubaines (16), y com-        (13) International Oil Daily, 2 février 2006. Kirby Jones a été
déjà entré dans les activités des compagnies     pris des compagnies françaises comme              le principal organisateur de la US-Cuba Energy Conference qui
provenant d’horizons divers: Chine, Inde,                                                          a eu lieu à Mexico (voir note 8).
                                                 Total (17).
Norvège, Espagne, Canada, Venezuela.                                                               (14) Cependant, après avoir dépensé 53 millions de US$,
                                                 Dans les cas concrets des compagnies des          Repsol a dû abandonner, car bien que de bonne qualité le
Depuis 2003 elles réservent des blocs pour                                                         pétrole se trouvait « dans des quantités non commerciales ».
                                                 États-Unis, selon un document offi-
l’exploration pétrolière sur la base de                                                            En association avec Norsk Hydro (30 %) et ONGC-Videsh
                                                 ciel (18), des questions directes sont posées:    (30 %), Repsol (40 %) se propose maintenant de revenir dans
contrats de partage de production
                                                 « Pourquoi les compagnies pétrolières des         les eaux profondes cubaines.
(Production Sharing Contracts ou PSC).
                                                 États-Unis ne pourraient-elles pas participer     (15) Voir le rapport de l’USGS « Assessment of Undiscovered
Dans ce domaine Cuba s’aligne sur les pra-                                                         Oil and Gas Resources of the North Cuba Basin 2004 »,publié
                                                 dans le tout proche et important potentiel
tiques usuelles de l’industrie pétrolière                                                          en février 2005.
                                                 des eaux profondes de la nouvelle frontière
internationale, en améliorant même les                                                             (16) Quarante-huit compagnies pétrolières s’étaient montrées
                                                 du golfe du Mexique? Les activités cubaines       intéressées en 1993 à l’appel d’offres international présenté
conditions pour les compagnies, comme
                                                 d’exploration et production on shore et off-      par Cuba pour la prospection et l’exploitation de 11 zones
nous le verrons plus loin.                                                                         pétrolières (Cf. réunions à Calgary et Londres en février 1993).
                                                 shore, qui sont en augmentation, deman-
Les compagnies des États-Unis ont sûrement       dent des quantités énormes de fournitures         (17) Total a abandonné Cuba en 1995 après avoir réalisé des
                                                                                                   activités de forage dans deux « Dry holes ».
bien pris note quand la compagnie espa-          et de services, pourquoi pas des États-
                                                                                                   (18) « Current status of exploration-production activities in
gnole Repsol-YPF, en association avec Cupet      Unis? ». Une fois posées ces questions, les       Cuba », document présenté dans la US-Cuba Energy
(Cubapetroleo, la compagnie nationale            compagnies ont reçu une invitation claire:        Conference mentionnée plus haut.

Revue de l’Énergie, n° 578, juillet-août 2007                                                                                                              235
point, l’aspect fondamental est qu’à Cuba           culier les graves coupures d’électricité             La situation a donc changé avec le rôle que
s’est imposée une conception moderne de la          encore courantes il y a deux ans), tout en           joue maintenant le Venezuela, mais Cuba
propriété publique qui n’assimile pas la pro-       avançant sur la voie d’un approvisionne-             semble décidé à ne pas se trouver dans la
priété de la nation sur les ressources du           ment énergétique plus propre (énergie                même situation de dépendance presque
sous-sol à l’intervention exclusive de l’État       éolienne et solaire, éthanol sur la base de la       totale qu’elle a connue avec l’URSS.
dans leur exploration, exploitation et valori-      canne à sucre). Progressivement est née une          En 1991, Cuba produisait seulement
sation.                                             « révolution énergétique » qui ne peut pas,          10 000 b/j, tandis qu’actuellement la
                                                    cependant, ignorer le rôle et la place du            production s’élève à 85 000 b/j, pour
1. La situation énergétique cubaine                 pétrole, compte tenu des structures écono-           une consommation totale d’environ
                                                    miques et technologiques de l’économie               180000b/j. Cette multiplication de la pro-
à partir de la disparition de l’URSS
                                                    cubaine. En 2004, le pétrole brut produit à          duction est le résultat, selon le gouverne-
Faisant partie du camp socialiste – et              Cuba couvrait déjà 57 % de l’offre natio-            ment cubain lui-même, de la participation
compte tenu aussi d’autres considérations           nale d´énergie primaire et le gaz naturel un         des compagnies étrangères pétrolières et de
spéciales concernant son isolement produit          peu plus de 10 % (19). Le reste, importé,            services : une coopération qu’il semble bien
                                                                                                         décidé à continuer, y compris avec la parti-
par le blocus des États-Unis – Cuba a pu            représentait un poids important pour l’éco-
                                                                                                         cipation des compagnies pétrolières des
assurer durant plusieurs années son approvi-        nomie cubaine, avant les accords avec le
                                                                                                         États-Unis. Une question qui serait intéres-
sionnement énergétique, en grande partie            Venezuela. Encore en 2003, selon le Bureau
                                                                                                         sante à explorer concerne l’attitude du
grâce à des importations de pétrole à des           national des statistiques, Cuba devait
                                                                                                         Venezuela face à l’ouverture cubaine et à ses
prix préférentiels. En 1989, Cuba recevait          importer environ un milliard de dollars de           conditions contractuelles. Comme on le
220.000 barils par jour, dont une partie            brut et produits pétroliers chaque année, ce         sait, depuis l’avènement au pouvoir du pré-
était écoulée sur le marché international.          qui représentait près de 22 % du total de ses        sident Hugo Chávez, des mesures à carac-
Dans ces conditions, la consommation                importations.                                        tère nationaliste ont été prises à l’égard des
d’énergie a augmenté à Cuba, basée massi-           Une précision importante: jusqu’à mainte-            compagnies étrangères et des révisions des
vement sur le pétrole. L’offre totale d’énergie     nant la production est composée surtout de           modalités de l’ouverture pétrolière réalisée
primaire, c’est-à-dire toute l’énergie utilisée     pétrole très lourd (entre 10° et 20°) avec           dans les années 90 se sont succédées.
y compris les pertes, est passée de                 une teneur élevée en soufre. Ce pétrole peut
10934 Mtep (millier de tonnes d’équivalent          être utilisé seulement dans certaines installa-
pétrole) en 1971 à 16877 Mtep en 1989,              tions industrielles: production de ciment,
l’année de la chute du mur de Berlin. Après         de nickel et, surtout, d’électricité. Cette der-
avoir baissé de façon drastique, ce volume          nière utilisation a posé énormément de pro-
est remonté en 1999 à 12464 Mtep et attei-          blèmes (20) et a commencé à diminuer dès             (19) Cubaenergía : (http://www.cubaenergia.cu/lo_ultimo/
gnait en 2003 un total de 11 381 Mtep               2004: tandis que cette dernière année la             datinteres.htm).
(production nationale plus importations).           part du pétrole national dans la production          (20) « Ainsi qu’il est largement connu, le pétrole brut national
                                                                                                         a été utilisé en grande partie pour la génération d’électricité
Cette même année, la partie qui représentait        d’électricité était de 81 %, en 2002 elle            dans les centrales thermoélectriques du SEN (Système Élec-
le pétrole dans l’offre totale d’énergie a été de   s’élevait à 92 %. En plus de l’effort interne,       trique National). Cela a produit un certain nombre de difficul-
80 %. Si on prend en compte seulement le                                                                 tés à ses technologies et composantes, à cause de la haute
                                                    appuyé par les compagnies étrangères                 teneur en soufre, la viscosité élevée et d’autres inconvénients
pétrole, le gaz et le charbon, le pétrole et les    depuis l’an 2000, Cuba a pu compter sur le           techniques que présente ce combustible », Julio Torres
produits pétroliers représentaient 96.2 %,          pétrole vénézuélien. Les chiffres varient,           MARTÍNEZ et RicardoTORRES PÉREZ [2007], p. 42.
dont 80 % importés.                                 mais selon des évaluations bien informées            (21) Le 30 octobre 2000 les présidents Hugo Chavez et Fidel
                                                                                                         Castro ont signé un accord sur un approvisionnement de
La situation créée par l’interruption de l’ap-      recueillies sur place, les importations en           pétrole dans des conditions favorables de paiement pour Cuba,
provisionnement soviétique a exigé un               provenance du Venezuela atteignent envi-             une partie à court terme et une autre à long terme. De plus,
                                                                                                         des modalités de troc ont été accordées,prévoyant la fourniture
énorme effort: des mesures radicales de             ron 95000 b/j entre brut et produits pétro-          par Cuba des services, technologies et produits divers pour
conservation d’énergie, la recherche de nou-        liers, sous des conditions financières favo-         appuyer le développement du Venezuela. L’accord était prévu
                                                                                                         pour une durée de cinq ans, renouvelable, mais il a été conti-
veaux fournisseurs et des efforts pour aug-         rables. En outre, dans le cadre d’un accord          nué dans le cadre de nouvelles initiatives concernant de nou-
menter la production nationale de pétrole,          signé en 2000, Cuba envoie au Venezuela              velles formes d’intégration en Amérique latine (ALBA :
                                                                                                         Alternative Bolivarienne pour l’Amérique) et Petrocaribe, une
parmi d’autres. Des efforts ont été faits pour      des médecins, des enseignants, des infir-            initiative de coopération énergétique entre les pays des
résoudre le problème énergétique (en parti-         mières, des entraîneurs sportifs, etc. (21).         Caraïbes, sous l’impulsion du Venezuela.

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2. la construction d’un cadre                       et cubaines. La Constitution cubaine,             doit être soumis aux règles de conciliation et
institutionnel et régulatoire                       modifiée en 1992, a reconnu la propriété          d’arbitrage de la chambre de commerce de
spécifique pour obtenir                             des sociétés, des entreprises conjointes et des   Paris.
                                                    associations économiques constituées selon        D’autres caractéristiques des contrats mis en
la participation des compagnies
                                                    la loi. Pour ce qui concerne le pétrole, le       œuvre à Cuba sont les suivantes:
pétrolières                                         principal élément du cadre légal est la loi
                                                    pour l’investissement étranger (loi n° 77 de      • durée: Onshore and Shallow, 25 ans; eaux
« Tu peux faire des contrats à risque et tu n’as                                                      profondes, 30 ans pour le pétrole et 35 pour
                                                    la République de Cuba). Ainsi, Cupet,
ni la technologie ni le capital. Ce que tu dois                                                       le gaz;
                                                    société nationale pétrolière de Cuba, est
connaître très bien ce sont toutes les normes
                                                    légalement autorisée à négocier et à entrer       • des achats obligatoires ne sont pas requis;
internationales qui régissent ces accords, discu-
                                                    en association avec les compagnies pétro-
ter en détail et avec fermeté »,                                                                      • les droits de douane sur les équipements et
                                                    lières internationales désireuses d’investir
                               Fidel Castro (22).                                                     matériaux importés sont remboursables;
                                                    dans la prospection et l’exploitation de
Pour Cuba, l’introduction de technologies           pétrole sur le territoire cubain dans le cadre    • le contractant a le droit de:
avancées en exploration et forage est indis-        de PSC (Production Sharing Contracts).
                                                                                                      – ouvrir des comptes bancaires à Cuba;
pensable pour une meilleure connaissance            C’est sur cette base que les 112000 km2 de
et exploitation de ses ressources en pétrole et     la zone économique exclusive cubaine ont          – recevoir et retirer des fonds sur ses
en gaz, en particulier celles qui se trouvent       été divisés en 59 blocs d’exploration, d’en-      comptes bancaires;
dans les eaux profondes du golfe du                 viron 2000 km2 chacun, pour attirer les           – réaliser des paiements et des transferts à
Mexique, entre 2000 et 4000 mètres. Ces             compagnies étrangères en leur offrant ce          l’étranger.
technologies et méthodologies avancées              type de contrats, qui est l’une des modalités
sont la propriété et sous la maîtrise des com-      des contrats à risque.                            Depuis 1999, Repsol-YPF, Pebercan,
pagnies étrangères avec lesquelles Cuba doit                                                          Sherritt International et Sinopec sont deve-
                                                    Dans le cadre de ce type d’association éco-       nus des noms usuels dans les publications
négocier. Des entreprises de différents pays
                                                    nomique, la compagnie étrangère apporte le        internationales en rapport avec le pétrole
sont présentes, mais le blocus appliqué par
                                                    capital, la technologie et le savoir-faire en     cubain. Plus récemment ont signé des
les États-Unis a empêché Cuba de compter            échange de 50 % de la production, laquelle
avec les technologies les plus avancées, les-                                                         contrats pour différents blocs : Petronas (la
                                                    peut être vendue à Cupet (qui a la priorité)      compagnie pétrolière nationale de la
quelles sont contrôlées en grande partie par        ou exportée. Dans le premier cas, la vente se
des compagnies de ce pays. En outre le blo-                                                           Malaysie), ONGC (la compagnie pétrolière
                                                    fait aux prix internationaux, et si la produc-    nationale de l’Inde), PDVSA et
cus oblige à chercher des services et des           tion est exportée elle n’est pas imposée fis-
équipements dans des conditions telles que                                                            Petrovietnam. Quelques uns des blocs
                                                    calement. Les profits nets annuels des tran-      octroyés se trouvent juste au sud de trois
les coûts d’opération augmentent, souvent           sactions réalisées à Cuba sont imposés à
au-delà de 30 %. Malgré ces difficultés, sur                                                          sections du US Minerals Management
                                                    hauteur de 30 %. Le pourcentage de la pro-        Service, proches des côtes du sud-est de la
la base des travaux effectués par les compa-        duction pour récupérer les coûts (Cost reco-
gnies présentes sur le terrain, qui ont                                                               Floride. Au total, actuellement, 24 blocs se
                                                    very oil) doit être négocié sur la base du        trouvent sous contrat pour un total de
accepté de participer à l’ouverture pétrolière      potentiel et des caractéristiques de chaque
cubaine, on considère que le secteur cubain                                                           45000 km2 : six avec un consortium de
                                                    bloc. Deux aspects des contrats sur lesquels      trois compagnies (Repsol, Norsk Hydro,
du golfe du Mexique peut contenir plus de           certains pays producteurs s’efforcent de ne
4 milliards de barils de réserves récupé-                                                             ONGC Videsh, de l’Inde), quatre avec
                                                    pas céder sont acceptés dans les PSC              Sherritt International, deux avec ONGC
rables, dans les conditions économiques et          cubains: le régime fiscal n’envisage pas le
technologiques actuelles.                           paiement de royalties et de bonus de signa-
Depuis 1991, dans plusieurs secteurs clés de        ture (signature bonus). De fait, l’État cubain
l’économie, les investissements étrangers           impose fiscalement les compagnies pétro-
ont été encouragés et pour cela des change-         lières comme n’importe quelle autre entre-
ments ont été effectués dans le cadre insti-        prise, c’est-à-dire qu’il ne demande pas une      (22) Cette citation, traduite de l’espagnol, se trouve dans le
tutionnel et régulatoire, pour définir par          rente. L’autre aspect important que Cuba          livre: Ignacio RAMONET, Fidel CASTRO, « Biografía a dos
                                                                                                      voces »,Debate,México 2006,655 p.Il existe une version fran-
exemple les droits de propriété dans le cas         accepte dans ces contrats est l’arbitrage         çaise de ce livre (Fidel CASTRO, « Biographie à deux voix »,
des associations entre entreprises étrangères       international: en cas de désaccord, le litige     Fayard/Galilée, 2006).

Revue de l’Énergie, n° 578, juillet-août 2007                                                                                                                237
CARTE 4                                                — des innovations régulatoires pour le
                                                                                                   développement des activités d’E & P ont été
                                                                                                   effectives.

                                                                                                      CONSIDÉRATIONS FINALES

                                                                                                   Dans une situation complexe, Cuba s’est
                                                                                                   situé sur la carte pétrolière mondiale d’une
                                                                                                   façon assez inattendue, même pour les
                                                                                                   experts. Le pays a réussi, en effet, à rendre
                                                                                                   crédible une ouverture de son territoire aux
                                                                                                   compagnies étrangères et peut présenter
                                                                                                   maintenant des résultats significatifs. Outre
                                                                                                   des facteurs économiques et technolo-
                                                                                                   giques, l’ouverture pétrolière cubaine s’ex-
                                                                                                   plique par la situation critique créée après la
                                                                                                   rupture des liens qu’elle a maintenus durant
                                                                                                   plusieurs décennies avec l’URSS. Les résul-
                                                                                                   tats et la crédibilité de cette ouverture sont à
                                                                                                   mettre en relation avec sa capacité de
                                                                                                   construire un environnement institutionnel
seule, quatre avec Petronas (Malaisie),           type stratégique doivent être prises en
                                                                                                   et régulatoire susceptible d’attirer les inves-
quatre avec Petrovietnam, quatre avec             compte dans cette évaluation, en particulier     tissements étrangers dans des activités
PDVSA. Vers la fin de 2006, la distribution       du point de vue cubain. Cependant,               d’E & P à haut risque.
des blocs se présentait comme le montre la        quelques éléments peuvent être avancés.
carte n° 4, mais elle se trouve désormais                                                          Les deux côtés sont en train de trouver leur
                                                  Depuis le début de l’ouverture, Cuba:
dépassée. Elle ne peut être utile maintenant                                                       compte. Cuba a besoin de pétrole pour
que pour situer l’ensemble des blocs.             — a reçu 1,5 milliard de dollars d’investis-     acquérir une certaine autonomie, en même
Certaines absences dans la liste des compa-       sements étrangers pour le développement          temps qu’il doit faire face à une transition
gnies qui participent à l’effort cubain dans      de l’exploration dans le golfe du Mexique;       énergétique dans laquelle le pétrole jouera
les eaux profondes sont à remarquer. C’est                                                         encore un rôle important, compte tenu des
                                                  — sa production de brut a été multipliée         structures économiques et technologiques
le cas de la brésilienne Petrobras, leader
                                                  par sept (on shore et offshore);                 héritées du passé. Les compagnies, elles,
technologique mondial dans l’exploration
en eaux profondes, qui a été présente à           — le gaz associé obtenu est utilisé pour la      accèdent à des ressources en hydrocarbures
d’autres moments. Il ne faut pas oublier, en      génération d’électricité et la consommation      dans une zone qui a une importance straté-
tout cas, que des aspects politiques inter-                                                        gique, dans une situation énergétique mon-
                                                  domestique;
viennent sans doute dans l’ouverture                                                               diale où chaque baril de pétrole compte.
cubaine: la présence de la compagnie véné-        — des progrès technologiques et la moder-
                                                                                                   Pour Cuba, les premiers résultats de son
zuélienne ou celle de Petrovietnam pourrait       nisation de l’infrastructure d’E & P ont été     ouverture sont donc satisfaisants, du point
s’expliquer à ce niveau, hormis d’autres fac-     accomplis;                                       de vue de la couverture d’une partie impor-
teurs qui concernent les caractéristiques et                                                       tante de la consommation interne. Il a
                                                  — une percée dans l’exploration des eaux
les performances de ces entreprises.                                                               réussi, en même temps, à compléter cet
                                                  profondes du golfe du Mexique a été réus-
À ce propos, les résultats de l’ouverture ne      sie;                                             effort qu’il mène avec la coopération des
peuvent pas être évalués seulement en                                                              compagnies étrangères, en entrant dans une
termes de ressources trouvées ou de produc-       — un entraînement de personnel cubain a          relation spéciale avec le Venezuela, dans le
tion obtenue. D’autres considérations de          été réalisé;                                     cadre de nouvelles initiatives d’intégration

238                                                                                              Revue de l’Énergie, n° 578, juillet-août 2007
régionale et de coopération énergétique                     de son peuple. Il est pour le moins para-                  voisin du Nord, pour son manque de
impulsées par ce pays.                                      doxal qu’au moment où, aux États-Unis on                   confiance en soi-même face au possible
Que dire alors des États-Unis et de ses com-                lance des appels pressants et on exerce des                retour des compagnies pétrolières interna-
pagnies pétrolières, invités par Cuba à parti-              pressions pour que le Mexique ouvre son                    tionales, exprimé sur le ton du discours qu’il
ciper à son ouverture? Peut-être qu’un jour                 sous-sol, ce pays reste sourd aux appels et
                                                                                                                       tenait lors des nationalisations de 1938.
l’invité inflexible se décidera à faire un signe            invitations de Cuba pour que ses compa-
                                                                                                                       Mais quel pays peut paraître plus archaïque,
de tête: ce serait moins effrayant et terrible              gnies pétrolières participent à l’exploration
que de lancer une offensive contre un pays                  et à l’exploitation des ressources énergé-                 en ce début du XXIème siècle, que ces
qui situe au plus haut point les valeurs d’in-              tiques de sa Zone économique exclusive. Le                 mêmes États-Unis, au vu du discours tenu à
dépendance, de souveraineté et de dignité                   Mexique est très souvent critiqué par son                  l’égard de Cuba? ■

                                                                            BIBLIOGRAPHIE

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                                                            http://www.mms.gov/. Le MMS est, aux États-
 Center for Western Hemisphere Studies, The                                                                            Cubano », Cuba Siglo XXI, Economía,
                                                            Unis, l’organisme régulateur chargé des licitations
 Graduate Center, The City University of New York           publiques pour l’exploitation des hydrocarbures.           http://www.nodo50.org/cubasigloXXI/econo-
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                                                            MORA CONTRERAS Jesús [2007], « Ventajas para la
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 pétrolière cubaine): des matériaux divers sur les          ration et de production à Cuba.                            mia. htm
 activités de cette société et sur les activités d’explo-   PÉREZ Guillermo H., BLICKWEDE Jon Frederic
 ration et de production à Cuba.                                                                                       Articles divers d’information parus dans des jour-
                                                            [2000], « Cuba deepwater exploration opportuni-
                                                                                                                       naux: La Jornada, Financial Times, The Economist,
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Revue de l’Énergie, n° 578, juillet-août 2007                                                                                                                        239
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