La famille Bissonnet, inc royable et merveilleuse - BOUCHERS DE PÈRE EN FILS DEPUIS DEUX CENTS ANS, PROPRIÉTAIRES DES BOUCHERIES NIVERNAISES, 200 ...

 
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La famille Bissonnet, inc royable et merveilleuse - BOUCHERS DE PÈRE EN FILS DEPUIS DEUX CENTS ANS, PROPRIÉTAIRES DES BOUCHERIES NIVERNAISES, 200 ...
BOUCHERS DE PÈRE EN FILS DEPUIS DEUX CENTS ANS,
PROPRIÉTAIRES DES BOUCHERIES NIVERNAISES, 200 COLLABORATEURS,
      FOURNISSEURS DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE…

La famille Bissonnet, inc
40                                         3 ÉTOILES / AUTOMNE 2020
La famille Bissonnet, inc royable et merveilleuse - BOUCHERS DE PÈRE EN FILS DEPUIS DEUX CENTS ANS, PROPRIÉTAIRES DES BOUCHERIES NIVERNAISES, 200 ...
B O N N E S C H O S E S | DY N A S T I E

                                               IL EXISTE ENCORE QUELQUES RARES DYNASTIES
                                                 DE BOUCHERS : CE SONT LES ROIS DU CHOIX
                                            DE LA VIANDE, DE LA DÉCOUPE, DE LA PRÉPARATION…
                                             COMME LES BISSONNET, BOUCHERS DE PÈRE EN FILS
                                                      DEPUIS PRÈS DE DEUX CENTS ANS.

                                                                PAR SYLVIE BONIN PHOTOS GRÉGOIRE KALT

                                       C               e n’est pas le jeu des
                                                       sept familles, mais des
                                                       sept générations… Dans
                                                       la famille Bissonnet, je
                                        demande l’arrière-arrière-arrière-
                                        arrière-grand-père, qui était déjà
                                        boucher sous Napoléon III dans
                                                                                        Jean Bissonnet est le premier de
                                                                                    la famille à être monté à Paris, faute
                                                                                    de travail dans la boucherie fami-
                                                                                    liale : « Mon père avait senti le vent
                                                                                    tourner, il pensait que la viande de
                                                                                    cheval n’avait plus trop d’avenir et
                                                                                    qu’il fallait se tourner vers le bœuf. »
                                        le Loiret, berceau de la famille.           Sans un sou en poche, il quitte Briare
                                        Boucher et fier de l’être, comme            pour trouver du travail, comme
                                        toute sa descendance.                       apprenti, dans la capitale. Il n’y
                                            Après un petit saut en avant            trouve pas seulement du travail :
                                        dans le temps, je demande le père,          invité à la communion du fils de son
                                        Jean Bissonnet, le fondateur des            patron, il rencontre Monique. Elle a
                                        Boucheries Nivernaises. Petit-fils de       14 ans, lui 17. Ils se marient huit ans
                                        Louis, fils de Lucien, bouchers cheva-      plus tard. Ils viennent de fêter leurs
                                        lins : une activité qui s’est développée    65 ans de mariage.
                                        après l’arrêt du tractage des péniches
                                        par les chevaux. Jean, le patriarche.
                                        90 ans, une allure de parrain à la
                                                                                         “Bouchers
                                        Gabin, silhouette carrée, regard bleu         et fiers de l’être
                                        et cheveux blancs. Sous sa bonhom-
                                        mie et sa gentillesse, sa simplicité             depuis déjà
                                        souriante, on devine un caractère
                                        bien trempé, une autorité naturelle.
                                                                                     sept générations”
                                        C’est le patron. On ne le contrarie pas.
                                            Aîné de six enfants, il a dû tout
                                        jeune mettre la main à la pâte dans la
                                        boucherie familiale : « J’ai commencé           Dans la famille Bissonnet, je
                                        à aider mon père en épluchant les           demande la mère, Monique. Elle est
                                        têtes d’ail pour le saucisson, je n’avais   du sérail : née à Gien, elle a grandi
                                        pas 10 ans. Je l’accompagnais à l’abat-     dans la boucherie de ses parents, rue
                                        toir, j’apprenais à gonfler la peau des     Cadet à Paris. Réservée, fluette, la
                                        chevreaux pour la retirer… »                douceur du sourire de ses yeux gris-
                                                                                    bleu, elle a été depuis le début le bras
                              Trois générations réunies autour                      droit de son mari – si tant est que
                              de Jean Bissonnet : ses fils, Bernard                 l’autre soit gauche… –, accueillant
                              (à droite) et Michel (à gauche),
                              et ses petits-fils (de gauche à droite) :
                                                                                    les clients, prenant les commandes,
                              Jean-Baptiste, Julien, Charles.                       tenant la caisse ou surveillant

royable et merveilleuse
   3 ÉTOILES / AUTOMNE 2020                                                                                                    41
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                   Jean Bissonnet (en haut) a transmis aux siens sa passion de la chasse. De gauche à droite, de haut en bas : Charles, François
                              et Catherine (la fille de Jean et son mari) ; Thomas (fils de Catherine), Bernard, Jean-Baptiste, Julien.

              les devoirs des trois enfants. « Le
          destin n’est rien sans les sentiments,
                                                          “Notre entreprise,                                 une à Auteuil – où ils se lient d’ami-
                                                                                                             tié avec leur voisin pâtissier qui
          commente Jean. Je dirai même que                    c’est avant                                    démarre lui aussi : Gaston Lenôtre –,
          la saga des Boucheries Nivernaises
          n’aurait jamais été sans notre ren-              tout une histoire                                 puis une à Boulogne. Mais cela ne
                                                                                                             leur suffit pas. Comme au jeu de
          contre avec Monique. »
               En 1954, tout jeunes mariés, ils
                                                              de famille”                                    fléchettes, ils visent le centre. Ils
                                                                                                             reprennent en 1959 à Paris une petite
          reprennent ensemble une boucherie                                                                  boucherie, petite au départ (jusqu’à
          à Suresnes, qui avait déposé deux fois                                                             ce qu’ils s’adjoignent le magasin de
          son bilan dans l’année. Qu’importe…                                                                jouets et le fleuriste contigus) mais
          Ils mettent les « bouchers doubles » :          de notre succès à Suresnes, raconte                à l’adresse prestigieuse : 99, rue
          il est chaque matin à 4 heures aux              Jean, c’est le jour où nous avons offert           du Faubourg-Saint-Honoré, entre
          Halles, elle à 6 heures à la caisse, ils        à nos clients des œillets, nous avons              les magasins de luxe et les galeries
          travaillent cent heures par semaine.            été dévalisés. Même si les fleuristes de           d’art. Jean l’a découverte un jour par
          La qualité de leur viande et la gentil-         la rue nous en ont toujours voulu… »               hasard en allant rendre visite à sa
          lesse de leur accueil font merveille :              Dans la foulée, ils ouvrent une                cousine, couturière dans cette rue
          « Si je ne devais retenir qu’une image          autre boutique à Saint-Cloud, puis                 – vive la famille ! Ils la baptisent

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Jean et Monique Bissonnet, qui ont fondé ensemble en 1959 les Boucheries Nivernaises, viennent de fêter leurs soixante-cinq ans de mariage.

3 ÉTOILES / AUTOMNE 2020                                                                                                                      43
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                        Les camions frigorifiques des Boucheries Nivernaises, ici devant la maison mère rue du Faubourg-Saint-Honoré,
                                                     livrent restaurants et boutiques dans toute la France.

             Les Boucheries Nivernaises – un
          pluriel prémonitoire – en souvenir
                                                            “Depuis le                                  bœuf. Hollande : le veau de Corrèze.
                                                                                                        Macron : pas de réponse, secret
          des parents de Monique qui avaient            général de Gaulle,                              d’État. Peut-être la macreuse, une
          une belle ferme dans le Nivernais.
          Le 9 serait-il leur chiffre porte-bon-        nous servons tous                               viande rouge foncé maigre, divisée
                                                                                                        en deux par un nerf central, à mijo-
          heur ? Jean est né le 9 juillet 1929, il
          s’est installé 99, rue Faubourg-Saint-
                                                          les présidents”                               ter longtemps…
                                                                                                            Parmi les clients fidèles des
          Honoré en 1959. La preuve par 9 : ça                                                          Boucheries Nivernaises, on compte
          marche ! À coups de côtes de bœuf                                                             aussi l’Assemblée nationale et un
          goûteuses, d’entrecôtes moelleuses,                                                           certain nombre de ministères. On n’y
          de tendres faux-filets, de ris de veau       de confidentialité le rend discret, il           attend pas seulement de recevoir la
          savoureux, de cœurs d’aloyau fon-            nous livre tout de même quelques                 rosette… on y apprécie aussi la bonne
          dants (une découpe spéciale inven-           souvenirs : « Le général de Gaulle               viande. Comme tous ces chefs étoilés
          tée par Jean Bissonnet), ils se font         signait lui-même ses chèques, et                 qui s’y fournissent aussi. D’ailleurs
          une belle clientèle. Jusqu’au palais         bien avant la génération de la pho-              la rosette – celle de la Légion d’hon-
          de l’Élysée, distant de seulement            tocopieuse, nous les gardions des                neur –, Jean Bissonnet l’arbore fiè-
          22 numéros dans la même rue, dont            semaines comme un bien précieux                  rement : elle lui a été remise le 5 sep-
          ils deviennent en 1967 le fournis-           avant de nous décider à les encais-              tembre 2017 au musée de la Chasse
          seur. Ils le sont toujours, plus de          ser… » Il entrouvre la porte sur les             par son ami Henri de Castries, pré-
          soixante ans plus tard. « Mais atten-        préférences de quelques présidents.              sident d’honneur du groupe Axa. « La
          tion, ce n’est pas une rente de situa-       Mitterrand : la côte de bœuf. Chirac :           rosette, pour une fois, ce n’est pas moi
          tion, souligne Jean. Il y a des appels       la tête de veau – « Je lui en ai même            qui la sers, c’est moi qui la reçois… »
                                                                                                                                                   LUCIE SASSIAT

          d’offres chaque année. »                     envoyé une à l’occasion de son                   a-t-il déclaré avec humour en rece-
              Il a servi tous les présidents de la     anniversaire alors qu’il séjournait              vant cette distinction. Et c’est avec
          Ve République. Et même si le devoir          à l’île Maurice. » Sarkozy : le filet de         émotion qu’il a rendu hommage à sa

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La famille Bissonnet, inc royable et merveilleuse - BOUCHERS DE PÈRE EN FILS DEPUIS DEUX CENTS ANS, PROPRIÉTAIRES DES BOUCHERIES NIVERNAISES, 200 ...
B O N N E S C H O S E S | DY N A S T I E

famille, à ses parents et grands-pa-             devenue vétérinaire, et l’un de ses                  restaurants comme les Assiettes au
rents qui lui ont tracé la voie, et à ses        fils chirurgien… Avec ses deux fils,                 bœuf, les Bistrots de la gare, le Bœuf
trois enfants : « Toi, Bernard, à 6 mois,        Bernard et Michel, qui travaillent                   à 6 pattes. Il a vendu de la viande
tu jouais avec une queue de cochon               à ses côtés depuis toujours, Jean                    dans le monde entier à travers les
près du billot au grand désespoir de             Bissonnet a construit, en partant                    Boucheries de Paris, en fournis-
ta mère qui te faisait tout beau quand           d’une petite boucherie, un groupe qui                sant les compagnies aériennes et en
tu étais avec nous au magasin. Toi,              compte aujourd’hui plus de 200 col-                  ouvrant des boucheries au Moyen-
Michel, à 7 ans, juché sur un tabouret           laborateurs. Une réussite qui ne l’a                 Orient, notamment à Riyad et à
pour atteindre le billot, tu épluchais           pas empêché de rester humble et                      Djeddah, livrées chaque vendredi par
la viande dans la boucherie de ma                modeste : « J’ai quitté l’école à 14 ans.            un Boeing 747 spécialement affrété
belle-mère, Mémé Alice, rue Saint-               À part le certificat d’étude, je n’ai                qui transportait 50 tonnes de viande
Dominique. Quant à toi, Catherine, tu            aucun bagage. » Sinon le courage,                    fraîche. Il s’est même à un moment
as prêté serment à Hippocrate plutôt             la volonté, le sens du travail et de la              lancé dans l’élevage de bovins dans
qu’à saint Jacques, notre saint patron,          famille. La détermination : « Je n’ai                les grands espaces de l’Uruguay, en
et tu soignes les yeux des gourmets              jamais eu d’autre idée que d’être bou-               créant sa marque Ycare avec son tau-
afin qu’ils dévorent du regard la                cher. » Le goût d’entreprendre, voire                reau Eroticus…
belle côte de bœuf persillée des                 l’audace. Il a été le premier, au début                  Le groupe réunit aujourd’hui
Nivernaises. »                                   des années 1970, à ouvrir des bouche-                plusieurs entités. Sous l’enseigne
    Sa fille Catherine est en effet oph-         ries dans des centres commerciaux :                  des Boucheries Nivernaises : la
talmologiste. Même si elle n’a pas               à Parly 2, Vélizy 2, Créteil, Bobigny,               boutique mère de la rue Faubourg-
été attirée par la boucherie, elle a             Cergy-Pontoise, Sevran, Rosny et                     Saint-Honoré ; celle installée dès
transmis certains gènes : sa fille est           Ivry. Il a participé à la création de                1969 dans le centre commercial

               Un réel air de famille pour les deux fils de Jean Bissonnet, Bernard, l’aîné (à droite), et Michel, qui se partagent
                                         la direction générale du groupe Les Boucheries Nivernaises.

3 ÉTOILES / AUTOMNE 2020                                                                                                                        45
La famille Bissonnet, inc royable et merveilleuse - BOUCHERS DE PÈRE EN FILS DEPUIS DEUX CENTS ANS, PROPRIÉTAIRES DES BOUCHERIES NIVERNAISES, 200 ...
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                                                                                                                 BISSONNET
                                                                                                                UNE DYNASTIE
                                                                                                                 BOUCHERS
                                                                                                               HAUTE COUTURE
                                                                                                               Photos Grégoire Kalt.
                                                                                                                 Un livre anti-morosité
                                                                                                              et anti-malbouffe : à la fois
                                                                                                             une belle histoire de famille
                                                                                                         et d’entreprise, celle des Bissonnet
                                                                                                           et des Boucheries Nivernaises ;
                                                                                                               une présentation vivante
                                                                                                           du métier de boucher ; un tour
                                                                                                          de France des terroirs d’élevage,
                 Jean-Baptiste Bissonnet, le fils de Bernard et l’aîné des petits-fils de Jean,
                                 est directeur des Boucheries Nivernaises.                                 des agneaux de Lozère au porc
                                                                                                         noir de Bigorre ; et une quinzaine
                                                                                                           de recettes de viandes à griller,
             de Parly 2 ; et L’Atelier, ouvert en            restaurants et boutiques en viande,               rôtir, braiser ou mitonner,
          2015 sur 800 mètres carrés à L’Haÿ-                volaille, charcuterie et crèmerie.               de l’onglet de bœuf flambé
          les-Roses, dans l’orbite du marché                    Les Boucheries Nivernaises, c’est         à la tête de veau en cocotte. 40 €.
          de Rungis, d’où partent chaque                     d’abord une entreprise familiale, où
          matin 40 camions frigorifiques                     chacun a sa place. Dans la famille
          pour livrer des restaurants dans la                Bissonnet, je demande les fils :
          France entière, parmi lesquels de                  Bernard et Michel, qui se partagent
          nombreuses tables étoilées, sans                   la direction générale du groupe.         métier et la défense de ses valeurs.
          compter les commandes exportées                                                             « Les bouchers ne sont pas des mar-
          jusqu’à Hong Kong. Deux autres
          boucheries sont venues s’y ajouter :                    “La qualité                         chands de viande, mais des transfor-
                                                                                                      mateurs de viande, insiste Bernard
          Lalauze, maison historique de la
          Villette, achetée à la bougie en 1980 ;
                                                              doit être présente                      Bissonnet. Nous sélectionnons les
                                                                                                      éleveurs, nous choisissons les pièces
          et en 2013 le Coq Saint-Honoré,                       de la fourche                         de viande, que nous découpons
          près de l’Opéra, spécialisée dans
          la volaille et le gibier, que le pro-
                                                               à la fourchette”                       et transformons dans nos ateliers
                                                                                                      et nos laboratoires. Nous sommes
          priétaire, leur ami Jean-Dominique                                                          des artisans. Je dirais même des
          Fröding, maître volailler, a souhaité                                                       artistes… » Une passion qu’ils ont
          leur voir reprendre. Le groupe est                                                          transmise à leurs enfants.
          également entré en 2008 au capi-                   S’ils n’avaient pas été bouchers, quel       Dans la famille Bissonnet, je
          tal de Novoviande, boucheries de                   métier auraient-ils choisi ? Pour        demande les petits-fils, tous trois
          détail adossées aux magasins Grand                 Bernard, l’aîné : « Ingénieur du son     trentenaires, tous trois entrés dans
          Frais. Et il a acquis en 2018 la société           des Rolling Stones ou gardien de         l’affaire après des études de com-
          Cedral, une affaire de distribu-                   phare. » Pour Michel : « Garde fores-    merce et une formation sur le tas,
          tion et de négoce installée à Rungis               tier. » Mais sans regrets… Ils sont      d’un élevage en Irlande à un abat-
          depuis cinquante ans qui fournit                   unis dans la même passion de leur        toir au Brésil. Un passage obligé : on

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La famille Bissonnet, inc royable et merveilleuse - BOUCHERS DE PÈRE EN FILS DEPUIS DEUX CENTS ANS, PROPRIÉTAIRES DES BOUCHERIES NIVERNAISES, 200 ...
répète depuis toujours à ses enfants
                                                                                                       et petits-enfants : « Les garçons,
                                                                                                       l’avenir est devant nous. »
                                                                                                           Quelle famille ! Non seulement
                                                                                                       ils travaillent ensemble toute la
                                                                                                       semaine, mais ils se retrouvent le
                                                                                                       week-end dans la propriété familiale
                                                                                                       en Sologne. Enfants, petits-enfants et
                                                                                                       arrière-petits-enfants (déjà six… et
                                                                                                       d’autres à venir) entourent Monique
                                                                                                       et Jean, partageant tous la passion
                                                                                                       qu’il leur a transmise pour la nature
                                                                                                       et pour la chasse. Respectueux des
                                                                                                       traditions, il leur arrive encore de
                                                                                                       parler ensemble le louchébem,
                                                                                                       cette langue parlée par les bouchers
                                                                                                       depuis le XIXe siècle pour communi-
                                                                                                       quer entre eux, et transmise de père
                                                                                                       en fils. Un signe d’appartenance
                                                                                                       au clan, comme ce même couteau
                                                                                                       Laguiole à manche d’ivoire qu’ils ont
   Charles Bissonnet, fils de Michel, est à la tête de Cedral, entreprise de distribution              tous dans leur poche.
         et de négoce située à Rungis qui fournit l’hôtellerie et la restauration.                         Autre tradition, Jean, le
                                                                                                       patriarche, le sage, devient poète au
n’apprend pas le métier en chambre,                gie. Le matin, et même très tôt le                  moment de clore les soirées au coin
sinon en chambre froide.                           matin, chacun vaque à ses propres                   du feu dans la maison familiale, en
    Jean-Baptiste, 36 ans, fils de                 occupations. Nous échangeons                        ces termes : « Il n’est si douce com-
Bernard, est directeur des Boucheries              dix fois par jour par téléphone et                  pagnie, qui ne se quitte hélas enfin ;
Nivernaises. Aurait-il pu faire un                 nous nous retrouvons plusieurs                      séparons-nous puisque la vie déjà
autre métier ? « Certainement pas.                 après-midi par semaine pour tra-                    sépare nos destins… » Ce que l’on
La boucherie a toujours été pour moi               vailler ensemble, toutes généra-                    pourrait traduire en louchébem par
une évidence. À 6 ans déjà, j’accom-               tions confondues. » Une dynamique                   « Lonsoirbem ! Alientobem ! » Au
pagnais mon père à Rungis en mar-                  entretenue par Jean Bissonnet, qui                  revoir ! À bientôt ! 
chant sur ma blouse trop longue… »
    Julien, 33 ans, fils aîné de Michel,
est directeur du Coq Saint-Honoré.
Il a déjà passé douze ans dans le
groupe. S’il n’avait pas été boucher,
il se serait bien vu chef de cuisine :
« C’est un métier que j’admire : le
choix des produits, des producteurs,
trouver les accords, les saveurs et
transformer un produit brut pour en
faire un mets d’exception. »
    Charles, son frère, 30 ans, est le
directeur de Cedral. Dans une autre
vie, il aurait pu être coutelier : « Car
je suis un amoureux des lames et de
ce savoir-faire d’une minutieuse pré-
cision qui sert au quotidien pour la
découpe de nos produits. »
    « Nous sommes tous complémen-
taires, disent-ils d’une seule voix.                      Julien Bissonnet, fils aîné de Michel, dirige le Coq Saint-Honoré, près de l’Opéra à Paris,
Nous travaillons en pleine syner-                                     une boucherie spécialisée dans la volaille et le gibier en saison.

3 ÉTOILES / AUTOMNE 2020                                                                                                                                47
La famille Bissonnet, inc royable et merveilleuse - BOUCHERS DE PÈRE EN FILS DEPUIS DEUX CENTS ANS, PROPRIÉTAIRES DES BOUCHERIES NIVERNAISES, 200 ... La famille Bissonnet, inc royable et merveilleuse - BOUCHERS DE PÈRE EN FILS DEPUIS DEUX CENTS ANS, PROPRIÉTAIRES DES BOUCHERIES NIVERNAISES, 200 ...
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