LA POSSIBILITÉ D'UN TRANSFERT CULTUREL - STRATÉGIES DE TRADUCTION DES NOMS PROPRES ET DES MÉTAPHORES DANS UN TEXTE SOCIO-POLITIQUE - DIVA

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Magisteruppsats

La possibilité d’un transfert
culturel
Stratégies de traduction des noms propres
et des métaphores dans un texte socio-
politique

                           Författare: Jessica Turesson
                           Handledare: Liviu Lutas
                           Examinator: Nathalie Hauksson Tresch
                           Termin: VT2020
                           Ämne: Franska
                           Nivå: Avancerad
                           Kurskod: 4FR32E
Abstract
The aim of this study is to analyse the translation strategies used in order to translate a
socio-political text from French to Swedish with focus on proper names and metaphors.
Proper names and metaphors are deeply culture rooted and containers of specific
elements familiar only to an initiated audience. The main purpose is to investigate the
possibility of transferring these underlying elements from one culture to another,
keeping in mind the genre, the aim (or skopos), the Interpretive Theory of Translation
and the pragmatic aspect.
   Vinay and Darbelnet and Rune Ingo offered the methods for the translation of proper
names. The most common strategy used was transfer or literal translation, in certain
cases followed by a complementary information, and equivalence. The conceptual
theory worked as a starting point for the classification of metaphors and the strategies
proposed by Peter Newmark structured the translation. With the concepts of war and
family the pragmatic aspect needed to be considered more frequently than with the
concept of game and the procedures of conversion of metaphor to sense and translation
of metaphor by simile were used to a lager extent than that of reproducing the same
image.
   Analysing each case one by one and applying the most suitable strategy according to
context and circumstances, with respect to culture differences and sense, helped us to
form a coherent unity providing a suitable ground for a cultural transfer to grow, or at
least to show.

Mots-clés
traduction, métaphores, noms propres, transfert culturel, aspect pragmatique

                                           i
Table des matières

1     Introduction ______________________________________________________ 1
    1.1   Objectif et délimitation __________________________________________ 1
    1.2   Matériel ______________________________________________________ 2
    1.3   Méthode ______________________________________________________ 3
2     Cadre théorique ___________________________________________________ 4
    2.1 Définir un genre et un type _______________________________________      4
    2.2 Le transfert culturel _____________________________________________      5
      2.2.1  Interpréter pour traduire ______________________________________    5
      2.2.2  Fonction, sens et équivalence __________________________________    5
      2.2.3  L’aspect pragmatique ________________________________________       6
    2.3 Les noms propres et les métaphores ________________________________      7
    2.4 Stratégies de traduction __________________________________________      9
3     Analyse _________________________________________________________ 12
    3.1 Classification _________________________________________________     12
    3.2 Les noms propres ______________________________________________      15
    3.3 Les métaphores _______________________________________________       19
      3.3.1 Le concept de la guerre ______________________________________   20
      3.3.2 Le concept de famille _______________________________________    22
      3.3.3 Le concept du jeu __________________________________________     23
4     Conclusions _____________________________________________________ 25

Bibliographie ________________________________________________________ 27

Annexes
Annexe 1. Classement des noms propres et des métaphores                      1
Annexe 2. Liste nominative                                                   6

                                        ii
1 Introduction
« Énonciation dans une autre langue (ou langue cible) de ce qui a été énoncé dans une
langue (la langue source), en conservant les équivalences sémantiques et stylistiques ».
Tel est défini le mot traduction dans le dictionnaire Larousse. Dans le Dictionnaire de
l’Académie française nous pouvons lire que traduire « signifie, par extension,
Expliquer, interpréter, exprimer ». En effet, la responsabilité du traducteur ne s’arrête
pas à simplement transférer un énoncé dans une langue vers une autre ; elle exige que
l’information transmise soit correcte, de qualité et compréhensible dans la langue cible.
Quelles stratégies utiliser afin de transférer les références culturelles d’un texte source à
un texte cible ? Est-il question de transmettre les aspects culturels (foreignization) ou les
adapter à la culture cible (domestication) ? La question que l’on se pose est de savoir
comment garder le fond et la forme du texte source sans se heurter aux normes
linguistiques et culturelles de la langue cible. De trouver une stratégie qui à la fois reste
fidèle à l’original et qui soit compréhensible dans la langue cible sans pour autant nier
l’aspect étranger du premier et de succomber à la domestication et à une traduction
ethnocentrique comme l’explique Jeremy Munday dans Introducing translation studies.
Theories and applications, en exposant la théorie d’Antoine Berman (2016 : 230).
   Avant d’entamer un projet de traduction, il est bien nécessaire de connaitre le public
visé car sans cette information, ainsi qu’une analyse préalable du texte, le niveau risque
d’être erroné et au lieu d’offrir une lecture agréable, d’être une source de frustration et
d’incompréhension. De ce fait, nous avons choisi d’étudier la possibilité de transférer
des éléments culturels, en nous concentrant sur les noms propres et les métaphores dans
un texte sociopolitique.

1.1 Objectif et délimitation
L’objectif de cette étude est d´analyser les stratégies de traduction employées lors de la
traduction du français vers le suédois des noms propres (NP) et des métaphores, dans un
texte sociopolitique. Plus précisément, il s’agit d’étudier la possibilité de transférer le
sens d’un texte source fortement ancré dans la société et dans la culture de celui-ci, vers
une langue cible dont la culture, sans être diamétralement différente, comporte
néanmoins des dissimilitudes au niveau des références culturelles. Le choix des NP et

                                             1(29)
des métaphores est fondé sur leur faculté de véhiculer non seulement un sens premier,
mais également un sens dissimulé, qui se dévoile par rapport à la culture, à l’histoire et
aux connaissances du public. En effet, comment traduire des NP et des métaphores dont
le sens a également une forte connotation culturelle ? Comment transférer ces noms et
ces métaphores dans un autre milieu culturel et linguistique ?

1.2 Matériel
Le texte qui a été retenu pour cette étude est un extrait du livre La possibilité d’un
centre. Stratégies de campagne de François Bayrou, paru en 2007 aux Éditions
Michalon à Paris. L’auteur, Richard Robert, est agrégé de Lettres modernes. Il est
historien des idées, éditeur ainsi qu’écrivain et il a également enseigné à la Sorbonne et
à Science Po (Institut d'études politiques de Paris).
   Le livre, dont la publication a eu lieu quelques mois avant l’élection présidentielle
française de 2007, est une analyse, comme le titre l’indique, des stratégies de campagne
de François Bayrou, qui en décembre 2006 annonce sa candidature aux présidentielles
pour la deuxième fois. Sous le regard analytique de l’auteur nous pouvons suivre
l’avancement de François Bayrou, de la campagne présidentielle de 2002 jusqu’au
printemps 2007. Ce qui est au centre de l’analyse de Richard Robert est l’ascension
étonnante de cet homme politique dans l’esprit du peuple français, une ascension qui
repose sur son discours : « Son discours est le lieu d’une restauration des hiérarchies,
des rangs, de la ‘distinction’ dont la société française reste au fond nostalgique »
(Éditions Michalon 2007, quatrième de couverture).
   Comme le sujet du livre est fortement ancré dans la société française nous y
rencontrons de nombreuses références liées à la vie politique, sociale et culturelle. Ces
références présentent un défi même pour un public français est seront inévitablement un
obstacle au niveau de la compréhension pour un lecteur d’une autre culture. De même
que le texte source s’adresse à un public avisé, le texte cible est destiné à un lecteur
éduqué et qui porte un grand intérêt à la culture française et à la vie politique en France.
L’étude se limitera par rapport au texte choisi, qui comporte environ 5 300 mots et
constitue les trente premières pages du livre, soit approximativement un quart du récit.

                                            2(29)
1.3 Méthode
Notre analyse est fondée sur la traduction personnelle, du francais au suédois, d’un texte
sociopolitique (voir chapitres 1.2 et 2.1). Au cours de ce travail, nous avons consulté
plusieurs outils informatisés ; des dictionnaires bilingues comme Nationalencyclopedin
(NE) et Glosbe, des dictionnaires de langue française (Larousse et Dictionnaire de
l’Académie Française) ainsi que des dictionnaires de langue suédoise (Svenska
akademins ordböcker). Afin d’acquérir une connaissance plus approfondie du système
politique français en général et de l’élection présidentielle en particulier, le site du
gouvernement français et celui de l’administration française ont été sollicités, de même
que le site officiel du gouvernement suédois. Nous avons également interrogé
l’encyclopédie collective Wikipédia qui nous a fourni l’information nécessaire en ce qui
concerne les anthroponymes (surtout les noms des ministres) et des abréviations dont le
nombre est abondant dans le texte.
   Notre objectif est donc d’étudier les NP et les métaphores et par ce travail tenter de
mieux comprendre la possibilité de transférer aussi bien le sens premier que le sens
dissimulé (voir définitions dans chapitre 1.1) d’une langue source vers une langue cible,
dont les cultures varient. Dans cette analyse, la méthode de Newmark nous a aidé à
formuler une stratégie de traduction de même que les notions d’Ingo (voir chapitre 2.3).
Les idées de Lakoff et Johnson nous ont servi comme point de départ pour l’analyse et
la classification des métaphores. Nous nous sommes également appuyés sur les idées de
Newmark qui offre un cadre fonctionnel auquel nous avons eu recours pour la
traduction (voir chapitre 2.3).

                                             3(29)
2 Cadre théorique
Nous allons dans cette partie présenter les recherches antérieures et les outils théoriques
liés à notre étude.

2.1 Définir un genre et un type
Stalloni (2016) nous présente l’utilisation du genre comme « un outil opératoire dans la
démarche rationnelle qui consiste à passer de l’imprécis au précis, de l’indéterminé au
déterminé, du général au particulier » (2016 : 8-9). En effet, la classification des textes
aide le traducteur à définir une stratégie et à prendre conscience des aspects différents
des textes. Connaitre l’appartenance d’un texte à un certain genre permet une meilleure
vision sur les différences qui existent entre la langue source et la langue cible et le sens
que chacune donne à un genre précis. Ainsi le traducteur peut s’appuyer sur des règles
liées à un contexte précis. Nous pouvons donc constater que l’acquisition des outils
nécessaires afin d’analyser et de comprendre un texte est le fondement de toute
traduction et qu’il est d’abord nécessaire de bien comprendre le sens du texte pour le
traduire correctement. Dans L’Analyse textuelle : méthode, exercices (1990) Lita
Lundquist met l’accent sur l’importance de la compréhension, à la fois à un niveau
linguistique « de surface » (1990 : 9) et à un niveau extra-linguistique « [où] il convient
de déterminer le rapport qui existe entre la forme du texte et son environnement »
(1990 : 15). Lundquist (1990) a recours au terme typologie et à la classification des
textes selon leur fonction (émotive, référentielle ou conative), leur rapport avec la réalité
(fiction ou non-fiction) et leur forme de représentation (forme expressive, forme
informative).
   Suivant la classification de textes que propose Ingo dans L’Art de la traduction
(notre traduction) nous devons considérer trois types (2007 : 217) : le texte informatif
qui est centré sur le contenu, le texte expressif qui est centré sur celui qui parle et le
texte impératif qui est centré sur le lecteur, sans pour autant oublier de souligner que
chaque catégorie de texte comporte plusieurs sous-catégories.
   Selon ces critères nous avons envisagé une traduction de notre texte en le considérant
appartenir à la fois au type informatif et expressif car malgré son caractère non-fictif et
référentiel il présente des formes expressives.

                                             4(29)
2.2 Le transfert culturel
Cette section est divisée en trois parties selon la théorie présentée : Interpréter pour
traduire (2.2.1), fonction, sens et équivalence (2.2.2) et l’aspect pragmatique (2.2.3).

2.2.1 Interpréter pour traduire
Dans l’introduction de ce mémoire, nous avons évoqué que l’Académie française inclut
par extension, le sens interpréter au verbe traduire. Danica Seleskovitch, interprète de
conférence et directrice de l’École Supérieure d’Interprètes et Traducteurs (ÉSIT) de
1980 à 1989, conjointement avec Marianne Lederer, qui lui a succédée au poste de
directrice de l’ÉSIT en 1990, est à l’origine de ce qui est connu aujourd’hui sous le
nom de « Théorie interprétative de la traduction » (TIT). Le modèle de traduction
proposé par Seleskovitch se divise en trois temps : interprétation, déverbalisation et
réexpression, ce qui est repris par Lederer qui se concentre sur la phase de
déverbalisation ainsi que le sens (Guidère 2016 : 71-72). De même, dans Interpréter
pour traduire, Lederer nous explique que la traduction fonctionnelle utilisée pour
transmettre un message est également discours et par ce fait marquée par les
caractéristiques du discours : « Pour rendre intelligible le sens original, elle doit, après
l’avoir cerné, le séparer soigneusement de l’enveloppe verbale première pour le
recouvrir de l’enveloppe approprié dans l’autre langue. [...] il s’agit, [...] non
d’interpréter le sens du texte, mais d’interpréter le texte pour en restituer le sens intact »
(2014 : 81-82). En conclusion, Guidère met l’accent sur l’aspect cibliste de la TIT,
fondé sur l’importance du lecteur cible et de l’acceptation de la traduction dans la
culture d’accueil (2016 : 73).

2.2.2 Fonction, sens et équivalence
L’importance de la fonction du texte est le fondement de skopos. Munday nous présente
la théorie de Katharina Reiss et Hans Vermeer et nous explique que selon cette doctrine
la traduction est une action avec un but bien précis dont le résultat dépend de fonction
du texte cible (2016 : 126-127). Rune Ingo insiste également sur la notion de fonction. Il
constate que si le texte à une fonction autre que de transmettre de l’information, le
traducteur se doit d’aller au-delà de la signification et de s’efforcer de trouver un
équivalent à un autre niveau (2007 : 133). Ainsi, le modèle de Justa Holz-Mänttäri
auquel Munday se réfère s’aligne sur cet aspect et s’approche du lecteur du texte cible :

                                             5(29)
Translatorial action focuses very much on producing a TT that is
      functionally communicative for the receiver. This means […] that the form
      and genre of the TT must be guided by what is functionally suitable in the
      TT culture. […] The needs of the receiver are the determining factors for the
      TT. (Munday 2016 : 125)

L’importance de transmettre le sens d’un texte est également développée par Eugène
Nida et se cristallise dans sa notion d’équivalence dynamique et Munday d’expliquer
que : « This receptor-oriented approach considers adjustments of grammar, of lexicon
and of cultural references in order to achieve naturalness » (2016 : 68). De même, dans
Textbook of Translation Peter Newmark nous explique que « the translator of a cultural
word, which is always less context-bound than ordinary language, has to bear in mind
both the motivation and the cultural specialist (in relation to the texts topic) and
linguistic level of the readership » (1988 : 96). Il poursuit la réflexion et précise que
plus le niveau de connaissance du lecteur est élevé, plus l’importance de transférer le
sens augmente (1988 : 100) et par ce fait de constater que « [w]ithin the limits of
comprehension, the more that is transferred and the less that is translated, then the closer
the sophisticated reader can get to the sense of the original [...] (1988 : 101).

2.2.3 L’aspect pragmatique
Ingo (2007) explique que l’aspect pragmatique est un des quatre aspects dont un
traducteur doit tenir compte. Il s’agit d’assurer que le texte traduit puisse fonctionner
correctement dans son nouvel environnement linguistique et culturel. Il décrit ce
processus en s’appuyant sur l’importance de prendre en considération les différents
facteurs relatifs à la situation de la culture d’arrivée lors de l’établissement d’une
stratégie de traduction et de bien définir la fonction de chaque partie du texte source afin
de trouver la traduction adéquate à celle-ci (2007 : 126-129).
   Newmark (1991) accorde également une place importante à l’aspect pragmatique et
le place à côté de la nécessité d’une exactitude référentielle comme étant les éléments
indispensables pour la réalisation d’une traduction correcte. Selon lui, le facteur
pragmatique a deux constituants : « the first is relatively extra-contextual, and relates to
the reader’s characteristics at the time of reading […] and the time distance from the
compilation of the [source language] SL text » (1991 : 117). En effet, le temps passé
entre l’écriture du texte source et la traduction de celui-ci joue un role important dans
les choix que le traducteur sera amené à faire. Cela est d’autant plus important pour un

                                             6(29)
texte traitant un sujet d’actualité, comme le nôtre, et dont l’aspect sociologique et
politique est une source de changement continuel.

2.3 Les noms propres et les métaphores
« Le nom propre possède une fonction fondamentale de désignateur social ou spatial
mais il contient aussi du sens par sa motivation et l’histoire de l’individu qui le porte »
(Ballard 2011 : 39). Comme l’explique Michel Ballard, le NP n’est pas uniquement une
unité que l’on transfère d’un milieu culturel-linguistique vers un autre, mais il est
également un récipient de sens qui va au-delà du nom-même. Il est d’avis que face à une
traduction, le traducteur ne doit pas seulement identifier la nature et la fonction des NP
mais aussi tenir compte de la manière dont le NP sera exprimé par rapport aux données
existantes (2011 : 39).
   Traditionnellement, il est pourtant généralement admis que les NP ne se traduisent
pas, que, sémantiquement, ils n’ont pas de véritable sens à part comme identificateur.
Cependant, comme Ingo en fait mention (2007 : 137), il existe des situations où il faut
envisager le statut extralinguistique du NP. En effet, un nom peut avoir un sens
d’origine encore sémantiquement valable et de ce fait pourrait être traduisible. Il ajoute
qu’il y a des noms qui ont des équivalents connus dans d‘autres langues, souvent les
noms des grandes villes (London > Londres), des personnes historiques (Vilhelm
Erövraren > Guillaume le Conquérant) et des prénoms (Karl > Charles) et il propose
aussi quelque directives au sujet de la traduction des villes comme suit : s’il existe un
nom équivalent dans la langue cible il est conseillé de l’utiliser ; si la langue cible n’a
pas d’équivalent, on adopte la forme de la langue source ; si le nom est inconnu dans la
langue cible, il est d’usage d’employer la dénomination qui est utilisée par la population
locale ou une variation qui soit adapté à la situation donnée (2007 : 138).
   En évoquant quelques solutions afin de mener à bout le travail de traduction des NP,
Peter Newmark commence par souligner qu’un nom (prénom, nom de famille) ne doit
pas être traduit, à condition qu’il ne soit pas porteur d’une connotation particulière.
Comme Ingo, il met l’accent sur la possibilité de traduire un nom qui se réfère à une
personne appartenant à la sphère historique comme les rois et les saints. Il parle de
naturalisation, la procédure qui décrit une équivalence de prononciation avec une
équivalence morphologique dans la langue cible, et donne comme exemple les
classiques grecs (Sofokles – Sophocle), et il constate que les noms dont la connotation se

                                             7(29)
trouve dans le monde littéraire imaginaire, comme les contes pour enfants, se traduisent,
si l’importance de garder l’empreinte de nationalité n’est pas primordiale (1988 : 214-
215).

Selon Lakoff et Johnson, contrairement à la notion de métaphore comme un ornement
figuratif dont l’usage est propre à la poésie et à la rhétorique, notre langage, celui de
tous les jours, est constamment accompagné par les métaphores. Certains aspects
fondamentaux de notre vie sont d’emblée métaphoriques car les concepts que nous
utilisons afin de percevoir ces aspects sont métaphoriques. Afin de montrer comment un
concept peut être métaphorique et structurer une activité quotidienne, ils nous présentent
l’exemple de la métaphore conceptuelle « ARGUMENT IS WAR » et expliquent que
nous abordons la discussion sur le modèle de la guerre et de ce fait, il y a métaphore
lorsque nous percevons quelque chose en termes d’autre chose (2003 : 3-5).
   Les métaphores conceptuelles apparaissent sous trois formes : structurales,
d’orientation et ontologiques (2003 : 3-32) :

   -    La métaphore structurale, comme son nom l’indique, implique que la structure
        conceptuelle d’un phénomène est définie par la structure conceptuelle d’un autre
        phénomène. C’est en comparant les deux structures que nous pouvons
        comprendre et expliquer le sens de la structure source.
   -    La métaphore d’orientation est largement fondée sur nos expériences physiques
        et culturelles du monde. Elle donne une orientation spatiale à un concept tel que
        la direction et la distance.
   -    La métaphore ontologique utilise l’expérience physique de l’homme, où le corps
        humain constitue un instrument très important, afin de catégoriser un concept.
        La catégorisation de ces expériences en termes d’objets ou de substances permet
        de quantifier ou de définir des phénomènes à l’aide de différentes propriétés
        physiques.

« Whenever you meet a sentence that is grammatical but does not appear to make sense,
you have to test its apparently nonsensical element for a possible metaphorical
meaning ... » (1988 : 106). Ainsi décrit Newmark l’éventuelle présence d’une
métaphore dans un texte et sa détection, en ajoutant que n’importe quel mot peut
s’avérer être une métaphore dont le sens premier doit être considéré par rapport au

                                            8(29)
contexte linguistique, situationnel et culturel. Il souligne que les métaphores demandent
une connaissance détaillée de la culture source et de la langue cible afin de produire une
traduction correcte (1988 : 106-113). En ce qui concerne les métaphores dans des textes
informatifs il constate que la question fondamentale est de savoir « when and whether
one is permitted to convert sense to metaphor and vice versa » (1988 : 207).

2.4 Stratégies de traduction
Dans L’Art de la traduction (2007) Ingo met l’accent sur l’importance de préalablement
définir une stratégie de traduction et d’établir un « programme de principe ». Il nous
explique les différents principes à considérer lors de l’établissement d’un tel
programme : ceux liés à la traduction du texte même, se positionnant au niveau
grammatical, sémantique, pragmatique et stylistique et ceux liés au niveau d’exactitude
de la traduction où sont à évaluer la nécessité/l’obligation, la possibilité et la volonté du
traducteur de produire un texte qui soit fidèle ou libre (2007 : 338-339).
   Peter Newmark, (1988) nous expose sa théorie sur le processus de traduction en
s’appuyant sur l’importance de garder une forme « naturelle » dans le texte traduit :

      […] when the main purpose of the text is to convey information and
      convince the reader, a method of translation must be ‘natural’; if, on the
      other hand, the text is an expression of the peculiar innovative (or clichéd)
      and autoreactive style of an author […], the translator’s own version has to
      reflect any deviation from a ‘natural’ style. (Newmark 1988 : 19-20)

En effet, il existe un certain nombre de théories autour des différentes stratégies à
utiliser pour mener à bien une traduction. Nous souhaitons ici en présenter quelques-
unes qui nous ont servi comme base pour le travail de cette étude. Premièrement les
stratégies de Vinay et Darbelnet et d’Ingo suivies par des stratégies plus adaptées pour
les métaphores comme celles définies par Newmark. Nous avons également pris en
considération les stratégies d’Ingo concernant les idiomes. Nous sommes d’avis que ces
modèles sont également applicables aux métaphores car les idiomes demandent les
mêmes connaissances culturelles et linguistiques que les métaphores. En ce qui est des
NP, quelques procédées ont été présentées auparavant dans chapitre 2.3.

                                             9(29)
Les sept procédés de Vinay et Darbelnet (1977 : 47-54) :
   -   Emprunt : On utilise le même mot dans la langue cible que dans le texte source
   -   Calque : On emprunte la structure de la langue source mais les différents
       éléments sont littéralement traduits dans la langue cible
   -   Traduction littérale : On transfère mot-à-mot
   -   Transposition : On garde le sens du texte source mais les éléments
       grammaticaux sont modifiés
   -   Modulation : Consiste en un changement de point de vue
   -   Équivalence : On utilise des moyens stylistiques différents pour exprimer une
       situation connue dans la langue cible.
   -   Adaptation : On remplace une situation dans la langue source, dont la référence
       culturelle est inconnue dans la langue cible, par une situation équivalente
       connue.

Quelques stratégies de traduction évoquées par Rune Ingo (2011 : 123-124, 134, 287 ) :
   -   Complément : Une information complémentaire est ajoutée dans la langue cible
   -   Explicitation : Une information connue mais implicite dans la langue source est
       rendue explicite dans la langue cible
   -   Omission : Une information considérée superflue dans la langue source n’est pas
       transférée dans la langue cible
   -   Généralisation : On utilise une structure plus générale dans la langue cible

Les stratégies d’Ingo concernant les idiomes (2011 : 144-145) :
   -   Traduire l’idiome par un autre idiome
   -   Traduire l’idiome littéralement
   -   Convertir l’idiome en une expression standard
   -   Traduire une expression par un idiome

Les stratégies de Newmark pour la traduction des métaphores (1981 : 88-91) :
   -   Reproduire la même image de la langue source dans la langue cible
   -   Remplacer l’image dans la langue source par une image standard dans la langue
       cible
   -   Traduire la métaphore par une image similaire
   -   Traduire la métaphore par une image similaire avec une explication

                                          10(29)
-   Transformer la métaphore en une explication (de sens)
   -   Omission
   -   Conserver la métaphore et rajouter une explication

Certaines de ces stratégies seront plus amplement étudiées dans la troisième partie de ce
mémoire.

                                          11(29)
3 Analyse
Afin de résoudre les difficultés rencontrées et de trouver un ton juste, pour à la fois
plaire à un lecteur suédois et sauvegarder l’essence et le sens de la culture d’origine,
nous avons eu recours à certaines stratégies. Nous allons dans cette partie étudier ces
stratégies en espérant trouver la réponse à l’objectif établi dans chapitre 1.1, à savoir,
comment traduire des NP et des métaphores dont le sens a une forte connotation
culturelle et par quel moyen les transférer dans un autre milieu culturel et linguistique.
   Nous commençons par une classification des NP et des métaphores afin de proposer
une vue d’ensemble de leur disposition dans le texte. Par la suite nous faisons une
analyse plus approfondie des NP et des métaphores selon les dispositions présentées
dans chapitre 1.3.

3.1 Classification
Le but de cette classification est d’offrir une synthèse des NP et des métaphores que
nous avons choisis d’examiner. L’objectif d’une telle présentation est de montrer
comment ils sont repartis dans un texte classé comme sociopolitique, en partant de leur
catégorie (NP) et leur concept (métaphores).

Les NP présents dans le texte ont été classés par catégories selon le tableau ci-dessous :

                                                     Quantité                   Quantité
Catégories                                          unique par           %     totale par    %
                                                     catégorie                 catégorie
Anthroponymes :                                           45             59%      147       68%
dont personnes réelles                                    38             50%      140       65%
dont personnes fictives                                    7             9%        7        3%
Noms des partis politiques                                 7             9%        9        4%
Toponymes                                                  6             8%       21        10%
Noms des plateformes audiovisuelles                        6             8%        8        4%
Noms des journaux                                          3             4%        3        1%
Abréviations                                               9             12%      28        13%
                                                          76         100%         216       100%

Figure 1 : Tableau des catégories de NP et leur quantité (nombre et %)

                                                       12(29)
Pour chaque catégorie, nous avons relevé leur taux de représentation dans le texte en
procédant à une étude quantificative selon deux systèmes :

    1. Représentation unique (aucun doublet n’a été pris en compte)
    2. Représentation multiple (tous les NP, même cités à plusieurs reprises ont été
         prise en compte)

Comme nous pouvons le constater, la majorité des NP sont des anthroponymes. En
effet, les noms des candidats et des hommes et femmes politiques sont fréquemment
mentionnés. Sans surprise, en haut de la liste nous trouvons François Bayrou, dont le
nom est cité à 55 reprises. Les partis sont également fortement représentés ; comme
nous avons opté pour une classification avec une catégorie à part pour les abréviations,
le taux n’est pas entièrement visible dans ce tableau, mais en incluant les cinq
abréviations désignant un parti politique ainsi que leur taux de présence dans le texte
(25 citations), nous arrivons à une vue plus juste.
   Nous avons également souhaité classifier les NP par rapport à leur appartenance à un
domaine précis, défini par le texte. Ainsi, nous avons voulu montrer que leur présence
est une marque significative du genre et du type de texte auquel appartient notre texte.
Dans le tableau suivant, nous pouvons observer que le domaine politique est le plus
important suivi par le domaine de la communication, fait qui n’est guère surprenant
pour un texte d’analyse politique portant sur la stratégie communicative de François
Bayrou.

                                                    Catégories
               Anthro- Partis               Plateformes
Domaines                          Toponymes                Journaux Abréviations Total %
               ponymes politiques           audiovisuelles
Communication                                     5                      2         7    9%
Divertissement                                    1                                1    1%
Historique         1                                                               1    1%
Journalistique     2                                           3                   5    7%
Judiciaire         1                                                               1    1%
Littéraire         3                                                               3    4%
Géographique                          6                                            6    8%
Politique         33        7                                            6        46 61%
Religieux          4                                                               4    5%
Société                                                                  1         1    1%
Symbolique         1                                                               1    1%
Total             45        7         6           6            3         9
                                                                                     76
%                59%      9%         8%          8%          4%        12%
Figure 2 : Présentation des NP dans le texte, par catégorie et domaine (nombre et %)

                                                       13(29)
Un tableau complet d’analyse des NP est disponible dans l’annexe 1 de cette étude.
Nous allons par la suite regarder la classification des métaphores. Pour ce faire nous
proposons une classification fondée sur la structure conceptuelle de Lakoff et Johnson
(2003) dont la théorie est présentée dans chapitre 2.3.2. En nous inspirant de leur
méthode nous considérons ici que le concept POLITIQUE, qui est le fondement de
notre texte, peut être structuré ou plus précisément être compris par d’autres concepts et
de ce fait former un possible classement qui est présenté ci-dessous (Figure 3). La
disposition proposée se base sur un choix de métaphores relevées dans le texte, un choix
dont la liste n’est pas exhaustive. Cette liste est également disponible dans l’annexe 1.

Figure 3 : Vue conceptuelle des métaphores dans le texte

Ce classement nous servira comme point de départ dans l’analyse que nous regarderons
dans chapitre 3.3.
   Afin de compléter le classement des métaphores il nous a semblé important de les
identifier et de les quantifier, comme nous l’avons fait pour les NP. Dans Figure 4 nous
avons détaillé les différents concepts ou domaines ainsi que leur quantité, en nombre et
en pourcentage. Il en ressort que le concept LA POLITIQUE EST UNE GUERRE est le
plus représenté dans le texte suivi par LA POLITIQUE EST UN JEU, UNE FAMILLE
et UN POUVOIR. À notre avis, ce résultat est la confirmation que nous nous trouvons
bien en face d’un texte sociopolitique.

                                                      14(29)
Figure 4 : Présence dans le texte des métaphores par concept (nombre et %)

Nous tenons à rappeler que les classifications présentées dans cette partie sont des
classements parmi d’autres et ne sont en aucun cas porteurs d’une vérité autre que celle
sur laquelle repose cette étude.

3.2 Les noms propres
« La traduction commence par une lecture et à ce stade apparaît le fait que le nom
propre est loin d’être un signe inerte, sa fonction primordiale de désignateur (et souvent
de désignateur culturel) fait appel non seulement à une connaissance encyclopédique
mais aussi au bon sens, au jugement, à l’attention » (Ballard 2011 : 36). Ainsi dépeint
Ballard la complexité du NP et le travail que doit faire le traducteur afin de bien le
définir pour produire un texte dont le sens est correct.
   Comme nous l’avons fait remarquer, le fondement de notre texte repose en grande
partie sur un certain nombre de NP. Comme nous considérons que ces NP sont des
marqueurs significatifs de la culture source nous souhaitons ici en faire l’analyse en
nous concentrant sur les anthroponymes.

Dans le texte source, comme nous l’avons indiqué auparavant, il y a une forte présence
d’anthroponymes. Parmi les 45 anthroponymes (avec les doublets ce nombre est de
147), 38 désignent des personnes réelles et 7 des personnes fictives.

                                                      15(29)
Le fait qu’un nom ne devrait pas être traduit, cela nous a été indiqué aussi bien par
Newmark que par Ingo (voir chapitre 2.3) mais par la même occasion, nous apprenons
qu’il existe des situations dans lesquelles cette règle ne s’applique pas d’une manière
exhaustive. La manière dont ces noms sont transférés du texte source au texte cible
varie mais l’objectif a été de transmettre le sens du nom tout en restant vigilant à son
poids culturel. Nous allons ici regarder les stratégies utilisées afin d’atteindre cet
objectif.
      Dans la plupart des cas, nous avons opté pour un transfert, ou, selon le classement de
Vinay et Darbelnet, la traduction littérale, sans aucune adaptation. Ainsi nous restons
fidèles au texte source et le transfert est immédiat.

(3)         ... une campagne présidentielle            ... valkampanjen domineras av
[7]         dominée par l'affrontement                 huvudmotståndarna Chirac och
            Chirac/Jospin.                             Jospin.

Ce choix repose sur le nombre abondant d’anthroponymes et une volonté de ne pas
alourdir le texte avec trop de précisions. Les noms présents dans (3), (Jacques) Chirac et
(Lionel) Jospin ne devraient pas poser de problème pour un public averti mais afin de ne
pas laisser le lecteur du texte cible dans le doute sur l’identité des personnes dont le
nom est cités dans le texte, nous proposons en complément, une liste nominative en
ordre alphabétique (voir annexe 2).
      Par contre, dans le texte nous trouvons des noms dont la signification va au-delà de
l’identification simple, des noms qui représentent autre chose et dont la signification est
étroitement soudée avec la culture source. Dans le but de transmettre cette signification
cachée nous avons choisi le transfert avec un complément, comme le propose Ingo pour
expliquer des phénomènes ou des expressions qui sont peut-être inconnus pour le
lecteur cible (2011 : 134). Dans (82) le nom Marianne n’a pas d’autre sens que celui
d’un prénom féminin pour un lecteur suédois. Sans une explication complémentaire de
la signification de Marianne, le message véhiculé par cette phrase serait entièrement
perdu et risquerait même d’être incompréhensible.

(82)        ... les épousailles du candidat avec       ... alliansen mellan kandidaten och
[15]        Marianne : la dimension                    den franska republikens
            matrimoniale reste un classique de         nationalsymbol Marianne. Den
                                                       äktenskapliga dimensionen förblir en

                                              16(29)
la présidentielle française.                   klassiker i det franska presidentvalet.

La situation est presque identique dans l’exemple ci-dessous. N’ayant pas la
connaissance nécessaire afin d’identifier les noms cités, la signification de l’expression
« de Rocard à Barre » demeurerait inaccessible pour un lecteur du texte cible et l’axe
réformiste n’aurait aucun sens.

(157)    ... d'un axe réformiste allant « de            ... en reformatorisk linje som går ”
[27]     Rocard à Barre »...                            från Rocard till Barre” [Michel
                                                        Rocard, socialistisk politiker och
                                                        Raymond Barre, högerpolitiker,
                                                        övers. anmärkning]...

Nous avons envisagé d´omettre les anthroponymes et adopter une expression plus
générale comme « de gauche à droite » mais, craignant par ce fait de perdre une partie
trop importante de la culture source et par un souci de vouloir transférer autant que
possible de cette culture, cette option a été rejetée.
   La situation dans l’exemple ci-dessous peut d’emblée avoir la même apparence mais
nous tenons à la mettre à part car nous considérons que la problématique de
compréhension va encore plus loin. Nous sommes ici en face d’une référence dont
l’identification des personnes ne suffit pas pour bien comprendre l’impact de l’allusion
dans la langue cible. Pour y remédier, un complément d’information incluant une
référence connue pour un lecteur suédois a été ajouté. Effectivement, nous sommes
conscients que Bernard Tapie et Philippe de Villiers ne sont pas Bert Karlsson et Ian
Wachtmeister mais ils représentent des références similaires, dont chacune est connue
dans la culture concernée. Par cette stratégie nous avons essayé de transférer le sens
sous-jacent des anthroponymes en question.

(19)     ... chacun sait que les européennes,           ... alla vet att valet till
[9]      ce ne sont pas des élections                   Europaparlamentet inte är seriöst.
         sérieuses : on s'y défoule, on vote            Man släpper loss och röstar på
         Villiers ou Tapie pour faire bisquer           Villiers eller Tapie [Philippe de
         les partis de gouvernement.                    Villiers och Bernard Tapie. För
                                                        tankarna till Ian Wachtmeister och
                                                        Bert Karlsson, övers. anmärkning]
                                                        för att reta upp de etablerade
                                                        regeringspartierna.

                                               17(29)
Quant aux noms de personnages fictifs nous nous sommes appuyés sur les propos
d’Ingo qui explique qu’il existe des circonstances quand la traduction d’un nom est
envisageable, à savoir que, s’il existe un nom équivalent dans la langue cible, il est
conseillé d’appliquer cette solution (2007 : 137-138) comme le montre l’exemple ci-
dessous.

(38)       Moïse ou Dom Juan, l'homme qui        Moses eller Don Juan. En som
[10]       coupe les liens pour les renouer à sa klipper band för att på eget vis åter
           mode.                                 knyta dem samman.

Ainsi Moïse et Dom Juan se sont adaptés à la langue cible et ont pris l’orthographe
acceptée par la culture cible. Ceci est valable pour les noms fictifs venant de la
littérature. Dans (129), nous trouvons une référence au conte pour enfants de Charles
Perrault, le Petit Poucet. Comme cette histoire a été traduite en suédois auparavant, le
nom a déjà un équivalent dans la langue cible et est largement connu par le lecteur
suédois.

(129)      Bayrou : le Petit Poucet contre            Bayrou är Tummeliten mot jätten,
[23]       l'ogre, David contre Goliath, Eliott       David mot Goliat, Eliot Ness mot
           Ness contre la mafia municipale.           maffian.

Si l’équivalence présente une solution confortable au niveau de la compréhension, le cas
où l’information demeure inexprimée est un cas qui demande plus d’attention. Dans
(41) l’anthroponyme n’est pas exprimé directement. Il est implicitement présent dans le
texte source est son identité repose uniquement sur la connaissance du lecteur. Si
l’auteur ici compte sur le niveau d’éducation du public francais pour saisir la
signification, le public suédois aurait besoin de plus d’information afin de profiter du
sens de la phrase. Dans le but de rendre l’information implicite visible, nous avons fait
le choix d’avoir recours à l’explicitation. Charles de Gaulle a été rendu explicite par un
ajout et par ce fait, le nom et son sens a pu être transmis au lecteur cible.

(41)       Dans l'histoire de la Ve République,       Under den femte republikens historia
[11]       Pompidou l'héritier est l'exception        är det enbart Pompidou som är
           qui confirme la règle, élu comme           undantaget från regeln då han valdes
           l'ombre respectée d'un fondateur           i egenskap av en respekterad arvinge

                                             18(29)
encore sacré.                               till en högt värderad ledare [Charles
                                                    de Gaulle, övers. anmärkning].

Dans un dernier exemple, nous allons regarder un cas où l’anthroponyme est porteur de
plusieurs niveaux de sens et qui présenterait un défi pour un public suédois. Dans (171)
le nom Gaston Defferre désigne une personne avec un rôle bien précis, aussi bien dans
le monde réel que dans le texte.

(171)   Cela étant, le pari de Bayrou réside        Detta sagt så är det underförstått att
[29]    implicitement dans l'échec de               Bayrou satsar på att Ségolène
        Ségolène Royal, et ce n'est pas un          Royal förlorar. Det är inte en slump
        hasard s'il rappelle de temps à autre       att han med jämna mellanrum tar
        l'échec de Gaston Defferre à la             upp den socialistiska kandidaten
        présidentielle de 1969.                     Gaston Defferres förlust i
                                                    presidentvalet 1969 [då
                                                    mittenpartiets kandidat Alain Poher
                                                    gick vidare till andra valomgången,
                                                    övers. anmärkning].

Afin de transmettre la totalité du message, il ne suffit pas de simplement transférer le
nom, il est également nécessaire de le compléter et finalement de l’expliciter. Gaston
Deferre ne signifie probablement rien pour un lecteur suédois. Le nom a été transféré
mais sans information complémentaire il reste inaccessible car « la présidentielle de
1969 » ne donne aucun renseignement sur la couleur politique du candidat Deferre, une
information assez importante dans cette situation spécifique. Une fois cette précision
fournie (socialistiska kandidaten), il nous a semblé essentiel de fournir un troisième
niveau d’information afin de rendre l’allusion à « l’échec de Gaston Defferre » visible
pour le lecteur cible. Ainsi une explicitation a été donnée pour clarifier un événement
implicitement compris dans le texte source. Par ces dispositifs nous espérons avoir
réussi à transférer non uniquement le nom mais également l’empreinte culturelle dont le
nom est doté.

3.3 Les métaphores
Malgré son sujet catégorisé comme informatif, le texte est parsemé d’expressions
émanant de la sphère esthétique. En effet, on y trouve un langage qui puise son

                                           19(29)
inspiration dans plusieurs registres. Nous souhaitons ici regarder comment ces différents
registres sont transmis au travers des métaphores conceptuelles, en portant une attention
particulière aux métaphores structurales, dont nous avons parlé dans le chapitre 3.1, et
cela sans perdre de vue les propos de Dobrzyńska dans Journal of Pragmatics :

      […] transfer of a metaphor into another language puts it into an entirely
      different communicative situation, and the change in the pragmatic factors
      automatically brings about a change of the audience's response. A metaphor
      becomes then a product of a different world of ideas and begins to generate
      a different sense. (Dobrzyńska 1995 : 598-599)

Nous allons focaliser sur les trois concepts les plus représentatifs de notre texte, à
savoir : la guerre, la famille et le jeu.

3.3.1 Le concept de la guerre
De trouver un vocabulaire émanant du registre martial dans un texte parlant de
stratégies de campagne pour les présidentielles en France n’est pas surprenant.
L’histoire du pays est ponctuée de guerres dont la Révolution française, avec ces
conséquences sur la structure de la société, ainsi que les deux guerres mondiales, ont
imprégné la culture française d’un fort sentiment de mobilisation et de puissance
nationale. En Suède, peut-être en raison d’une politique de neutralité et d’une paix qui
règne depuis plus de 200 ans, le vocabulaire de guerre n’a pas beaucoup d’espace dans
la sphère politique. Après avoir consulté plusieurs discours du gouvernement suédois
accessibles sur le site officiel du gouvernement (regeringen.se) ainsi que des articles
traitant des sujets politiques dans la presse quotidienne et hebdomadaire - dont la liste
est disponible dans la partie Bibliographie - nous avons pu constater que, dans la culture
cible, la guerre n’est pas une image qui est fréquemment utilisée, ni pour exprimer une
intention politique ni pour l’analyse de cette dernière. En tenant compte de cette
observation nos choix de stratégies de traduction varient tout en gardant notre objectif :
une volonté de transmettre la culture d’origine.
   En nous appuyant sur les stratégies de Newmark (voir chapitre 2.4) nous avons opté
pour des solutions que nous considérons plus pragmatiques afin de ne pas déconcerter le
lecteur suédois. Dans les deux exemples ci-dessous, attaques et guerre ont semblé
appartenir à un registre trop fort par rapport au sujet traité et par ce fait nous avons

                                            20(29)
choisi de traduire la métaphore par une image similaire, plus générique (guerre > strid
et attaque > utfall).

(13)     Son passé ministériel tient en une             Hans erfarenhet som minister kan
[8]      ligne, et s'il a défrayé la chronique          sammanfattas på en rad. Måhända
         en relançant la guerre scolaire en             lyckades han nå huvudrubrikerna
         1993...                                        1993 genom att sätta fart på striden
                                                        om skolan,

(89)     ... tout comme il serait réducteur             Likväl skulle bilden av att hans
[16]     d'expliquer sa popularité par ses              popularitet enbart grundar sig på
         seules attaques contre TF1.                    hans utfall mot tv-kanalen TF1 vara
                                                        förenklad.

Comme la stratégie ci-dessus a été adoptée dans de nombreuses situations, la volonté de
revenir au registre d’origine afin de sauvegarder la notion de combat a été une force
motrice dans le travail de traduction. Dans (1) nous avons donc conservé la métaphore,
campagne, dans le sens militaire et rajouté une explication (val) pour guider le lecteur,
sachant que ce terme est également utilisé en Suède pour désigner la même activité
politique.

(1)     La possibilité d’un centre :       Mittens möjligheter: François
        Stratégies de campagne de François Bayrous valkampanjsstrategier
        Bayrou

En regardant l’exemple ci-dessous nous sommes allée plus loin dans la volonté de
conserver la couleur locale. Ici, le choix de reproduire la même image dans la langue
cible a été adopté car nous avons estimé que cette solution s’accordait favorablement
avec la suite de la phrase en suédois où le mot éléphants a été substitué par veteranerna
(fr. les vétérans).

(123)    Une partie des troupes déserte,                Delar av trupperna deserterar
[23]     donnant raison aux éléphants                   vilket ger de socialistiska
         socialistes qui rappellent à l'envi            veteranerna rätt i sin tävlan om att
         que Bayrou est de droite.                      påvisa att Bayrou är till höger.

                                               21(29)
3.3.2 Le concept de famille
Comme l’explique Newmark : « Each linguistic culture has its own set of political
metaphors. » (1991 : 158). Ceci apparait dans l’attachement de l’auteur au concept de
famille pour structurer l’image d’une appartenance politique, une image qui s’adapte
mal à la vie politique en Suède. Au lieu d’utiliser le concept familial, la langue cible est
plus prédisposée à employer des termes plus génériques, comme groupement ou bloc
(voir les textes consultés dans la partie Bibliographie). De ce fait, la traduction a dû
s’adapter pour que le lecteur cible puisse se reconnaitre dans les références structurales.
   Regardons l’exemple (82) ci-dessous. Ici, deux stratégies différentes (voir Newmark
1981 dans chapitre 2.4) ont été appliquées. En ce qui concerne les épousailles du
candidat nous avons décidé de traduire la métaphore par une image similaire. En effet,
le concept du mariage est trop éloigné de la culture cible et risquerait de générer une
image incomprise et erronée. Par contre, afin de ne pas entièrement perdre cette notion,
le choix de reproduire la même image dans la langue cible a paru possible, étant donnée
la référence culturelle qui suit et qui s’introduit naturellement dans le texte.

(82)     L'une des fonctions symboliques de          En av valets mer symboliska
[16]     cette élection reste les épousailles        funktioner är alliansen mellan
         du candidat avec Marianne : la              kandidaten och den franska
         dimension matrimoniale reste un             republikens nationalsymbol
         classique de la présidentielle              Marianne. Den äktenskapliga
         française.                                  dimensionen förblir en klassiker i
                                                     det franska presidentvalet.

Par contre, comme le montrent les exemples ci-dessous, l’option de sauvegarder le
concept familial a été rejetée car elle aurait provoqué un écart entre le texte source et le
texte cible. Ainsi nous avons adopté la stratégie de transformation de la métaphore en
une explication (de sens) et crée une généralisation au niveau de la signification. Dans
(71) chef de famille devient chef en suédois et famille politique se transforme en
groupement politique ou, dans (181), en blocs politiques.

(71)     C'est bien ici un chef de famille qui       Vi har här en ledare som uttalar
[14]     s'exprime, le chef d'une famille            sig, en ledare för en politisk
         politique ...                               gruppering ...

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