La question de développement - Dimanche 27 janvier 2019 / Gaétan Genetti - RTS.ch

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La question de développement - Dimanche 27 janvier 2019 / Gaétan Genetti - RTS.ch
La question de développement /
                          Dimanche 27 janvier 2019 / Gaétan Genetti

                       La place des insectes dans le jardin
La préservation de la biodiversité est un défi très complexe à relever. Chaque action
dans un milieu naturel influence des centaines de formes de vies, qui à leur tour
impactent des milliers d’autres espèces. Ce qui fonctionne dans un sens - perte de la
biodiversité - peut aussi fonctionner dans l’autre - augmentation de la biodiversité. Il
est donc important, même dans le milieu restreint qu’est un jardin, d’agir dans l’objectif
d’apporter un bénéfice écologique pour l’ensemble de l’écosystème. Très souvent, ces
actions sont effectuées dans un ensemble coordonné pour tendre vers un jardin qui
soit le plus naturel possible. Il s’agit ici de comprendre l’une des actions les plus
indispensables pour l’ensemble de la communauté : planter des fleurs.

Les insectes sont nos amis

Un jardin peut abriter des centaines d’espèces d’insectes. Ces insectes qui sont les
heureux responsables de nombreuses pollinisations, qui sont les recycleurs d’une
grande partie de la masse végétale, qui sont la nourriture de base d’une multitude
d’oiseaux et de petits mammifères, mais qui sont également des régulateurs de
ravageurs, des aérateurs de sol et surtout, de grands pollinisateurs. Les arguments
pour défendre l’utilité des insectes sont nombreux et ce n’est pas l’objectif de les lister
dans ce texte. L’important est de comprendre qu’ils sont les maillons indispensables
d’un réseau trophique dont la complexité nous dépasse largement.

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En 2006, deux chercheurs américains (John Losey et Mace Vaughan) ont publié un
article sur la valeur économique du service rendu par les insectes. L’estimation totale
est de 57 milliards de dollar par année. 0.4 milliard pour le recyclage des déchets, plus
de 3 milliards pour la pollinisation, 4,5 milliards pour le contrôle des ravageurs et près
de 50 milliards pour des aspects récréatifs (pêche, élevage, observations naturalistes,
etc.). C’est amusant d’en arriver à chiffrer ce qui semble incalculable. C’est
malheureusement grâce à ce genre d’étude que l’on peut prendre conscience de
l’impact des insectes dans notre vie de tous les jours.

Le rapport sur l’état et l’évolution de la biodiversité en Suisse en 2016 évoque que plus
de 50% des 2833 espèces d’insectes étudiées sont menacées ou potentiellement
menacées. Outre la perte de diversités aux seins des espèces, c’est également la
perte de diversité génétique au sein d’une même espèce qui est préoccupante. Les
raisons de ces régressions sont évidemment diverses, mais il en est une qui
m'intéresse particulièrement aujourd’hui : la diminution des fleurs sauvages. Il s’agit
de la source de nourriture directe ou indirecte de pratiquement tous les insectes.
Directes avec le pollen ou les fruits (ovaires) séchés. Indirectes parce que tout un
monde gravite autour de ces fleurs et que tout ce monde est une source de nourriture.

Des recherches ont été effectuées sur la régression des populations d’abeilles
sauvages (qui sont, rappelons-le, bien meilleures pollinisatrices que les abeilles
domestiques, et surtout, beaucoup plus diversifiées, notamment en termes de
morphologie, et donc bien mieux adaptées à différentes espèces de
végétaux). Celles-ci ont démontré que la quasi-disparition des cultures fourragères
traditionnelles (luzerne, sainfoin, trèfle incarnat, etc.), que le nettoyage des cultures
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(désherbage des bleuets, chardons, pavots, etc.) et que l’excès de fumure azotée
favorisant le développement des graminées ont entraîné la quasi-disparition des
dicotylédones à fleurs de notre paysage. A l’échelle de nos jardins il y a trois autres
phénomènes qui appauvrissent le garde-manger des invertébrés : le manque de
plantes à fleurs, la stérilité des variétés et le nettoyage intensif (impulsif).

Le manque de plantes à fleurs

Pour je ne sais quelle raison, ces dernières décennies, les haies de photinia, les
graminées, le gravier sous toute ses formes et les buis taillés en boule semblent être
la quintessence du style dans les jardins du bassin lémanique, et probablement partout
ailleurs en Suisse. Ces “aménagements” ont remplacés les haies du thuya, les talus
de cotonéasters et les gazons tondus trop courts. Mais l’histoire se répète et dans 10
ans, on les arrachera en maudissant le manque de créativité de nos prédécesseurs.

Evidemment, on peut commencer par planter des arbustes indigènes et semer des
prairies. Cependant, tout le monde n’est pas satisfait par ce côté sauvage et bucolique,
parfois un peu terne et désordonné. Il existe pourtant sur le marché, des centaines
d’espèces d’arbres, d’arbustes et de plantes herbacées, vivaces ou annuelles,
exotiques peut-être, mais à floraisons généreuses et mellifères. Les plantes mellifères
sont les plantes produisant une grande quantité de nectar et de pollen de bonne qualité

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et qui sont accessibles pour les insectes pollinisateurs. Le pollen contenu dans ces
fleurs est une source importante de protéines, de vitamines, de lipides, d’acides
aminés, etc. Il s’agit également de multiplier les espèces afin de pouvoir étaler les
floraisons de la fin de l’hiver jusqu’à la fin de l’automne. La tendance des monocultures
saisonnières (colza, tournesol, prairies fourragères, phacélie, etc.) ainsi que tous les
travaux qui se font en “masse” au même moment (la fauches des prairies, les tailles
de haies, le rabattage des massifs, etc.) provoquent des disparitions brutales de
ressources. Un jardin sauvage permet de créer des zones tampons, des îlots
temporaires de nourritures et de protection pour la microfaune.

La stérilité des variétés commercialisées

Une autre habitude, qui heureusement semble être passée de mode, c’est de
développer et de planter des variétés de plantes à fleurs de plus en plus complexes et
sophistiquées. A coup d’hybridations, de sélections et de mutations, existent sur le
marché une multitude d’espèces à fleurs doubles, d’espèces à fleurs ne produisant
pas de pollen ou plus simplement, du pollen inaccessible. C’est le cas par exemple de
la corête du Japon, du weigela, du seringat, des hortensias, des renoncules, de
certains dahlias, de nombreuses espèces de roses, etc. Ces plantes décoratives
n’apportent malheureusement aucun bienfait à la vie du jardin.

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Le nettoyage intensif

Outre le besoin en fleurs et en pollen, les insectes ont besoin d’abris. Plus que d’un
abri, ils ont besoin d’un cosmos. D’un ensemble de relations et d’interactions au sein
d’un même milieu. Recyclage, prédation, déplacement, reproduction, hivernage, ne
sont qu’une partie des actions quotidiennes de nos cousins à 6 et 8 pattes. Tondre,
rabattre, souffler, désherber, couper les bordures ou encore traiter sont des opérations
qui ont un impact destructeur sur la vie du jardin. Il convient donc d’agir par étape,
avec modération, d’être un brin laxiste et surtout, d’être observateur.

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Toutes les photos de cette chronique ont été prises par Gaétan Genetti dans les jardins
dont il s’est occupé.

Liste non-exhaustive d’espèces mellifères

Herbacées :
   • Tanaisie
   • Papaver rhoeas
   • Bourrache officinale (Borago officinalis)
   • Mélilot blanc (Melilotus albus)
   • Trèfles (Trifolium ssp.)
   • Pissenlit (Taraxacum officinale)
   • Luzerne, (Medicago sativa)
   • Sarrasin (Fagopyrum esculentum)
   • Ail des ours, la ciboulette (Allium spp.)
   • Sauges (Salvia spp.)
   • Moutarde (Sinapis arvensis)
   • Tournesol (Helianthus annuus)
   • Hysope anisé (Agastache foeniculum)
   • Vipérine commune (Echium vulgare)
   • Asters d’automne à fleurs simples
   • Bruyères (Erica spp.)
   • Marguerites, echinacées, rudbeckies
   • Achilées
   • Valériane (Centranthus ruber)
   • Monardes
   • Cardère sauvage (Dipsacum fullonum)
   • Cephalaria gigantea

Arbustes :
   • Cornouiller mâle (Cornus mas)
   • Rosiers sauvages
   • Prunellier (Prunus spinosa)
   • Aubépine (Crataegus spp.)
   • Lierre (Hedera helix)
   • Lilas (Syringa vulgaris)
   • Bourdaine (Frangula alnus)
   • Troène (Ligustrum vulgare)
   • Néflier (Mespilus germanica)
   • Framboisier, la ronce commune (Rubus spp.)
   • Cassissier (Ribes nigrum) et les groseilliers (Ribes spp.)

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    •    Romarin (Rosmarinus officinalis)

Arbres :
   • Saule marsault (Salix caprea)
   • Pommier (Malus domestica)
   • Cerisier, merisier et griottier (Prunus avium, P. cerasus)
   • Prunier (Prunus domestica)
   • Tilleul (Tilia platyphyllos)
   • Erable champêtre (Acer campestre)
   • Cytise (Laburnum anagyroides)
   • Noisetier (Corylus avellana)

Références :

    •    Biodiversité et régulation des ravageurs en arboriculture fruitière, Ctifl
    •    Rapport sur l’état et l’évolution de la biodiversité en Suisse,
         https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/biodiversite/info-
         specialistes/etat-de-la-biodiversite-en-suisse.html
    •    Infofauna, http://www.cscf.ch/

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