À la recherche d'Orlando - Un projet d'opéra de François Ribac et Eva Schwabe

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À la recherche d'Orlando - Un projet d'opéra de François Ribac et Eva Schwabe
À la recherche d'Orlando
Un projet d'opéra de François Ribac et Eva Schwabe
À la recherche d'Orlando - Un projet d'opéra de François Ribac et Eva Schwabe
Orlandossier / François Ribac et Eva Schwabe

ORLANDOPÉRA // François Ribac et Eva Schwabe

Prélude
Nous rêvons d'Angleterre et d'Écosse
Nous voudrions faire du roman de Virginia Woolf, Orlando, un spectacle musical, une sorte
d'opéra pop et épique. See below why and how.

I D'abord, il faut parler du livre
        Orlando est un ouvrage étonnant, drolatique, léger. Virginia Woolf y réfléchit au
passage du temps, à l'Angleterre, à ses paysages, à sa vie littéraire, à sa dimension
insulaire, à la (non) différence entre les sexes, à l'isolement des êtres et aux possibilités que
l'écriture et la fiction offrent pour parler de tout cela. Orlando pose des questions
pertinentes sur l'identité (une question brûlante). Orlando est une sorte de fantaisie, un
manifeste joyeux pour la liberté de l'artiste. Nous aimons ça, yes my dear.

a) Le passage du temps
        Le livre débute par le récit de la vie -parfois palpitante, parfois contemplative,
souvent imprévue,- d'un noble de la période élisabéthaine (c'est-à-dire le règne d'Elisabeth
1ère à la fin du 16e siècle) qui s'appelle Orlando. Là où les choses se corsent c'est que notre
héros n'est pas seulement beau, riche et favori de la reine mais également qu'il ne meurt ni
ne vieillit. Et contrairement au roman Dorian Gray d'Oscar Wilde ou au Swan du film
Phantom of the Paradise de Brian de Palma, Orlando n'a pas besoin de passer un pacte avec
le diable pour rester jeune. Son éternité ne le voue pas à la damnation... D'ailleurs, Virginia
Woolf ne perd pas son temps à justifier cette extravagance puisque c'est précisément de
cette liberté que le livre traite.

-Et que se passe t-il alors dans ce bouquin ?
-Tout un tas de choses et d'histoires. Par exemple, un froid polaire s'abat sur Londres et
recouvre la ville d'une couche de glace de plusieurs mètres, transformant la capitale en
une sorte d'aquarium où le théâtre social est figé. C'est dans ces conditions (climatiques)
qu'Orlando patine sur la Tamise avec Sacha, une aristocrate russe, et que tous deux
s'échappent de la cour. A un autre moment du livre, Orlando s'enferme dans son château
de 365 pièces et explore chaque soir une nouvelle chambre. Évidemment, la plus
extraordinaire des histoires advient lorsque Orlando sombre dans une espèce de léthargie
de cinquante ans et qu'à son réveil il est désormais... une femme. Femme qui saura
néanmoins se faire reconnaître comme la (le) même que “l'autre”, prendra amants et in fine
enfantera. De par cette transformation, c'est un peu comme si ROLAND - le chevalier
mythique de l'Europe chrétienne - devenait ORLANDO, son quasi anagramme féminin.
       Quand le roman s'achève, l'année 1928 est déjà bien avancée. Le roman parcourt
donc cinq siècles.

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b) Un portrait en creux
       Dans ce livre, Virginia Woolf se demande si les hommes et les femmes ressentent les
choses différemment. Elle s'interroge aussi sur le fait de savoir s'il est possible -dans une
même vie- de passer d'un genre à l'autre. Pour cela, elle emprunte beaucoup à la vie réelle
de Vita Sackwille-West (1892-1962), une écrivaine anglaise avec qui Virginia a eu une
liaison amoureuse et intellectuelle d'une grande intensité. De nombreux détails du livre
évoquent -à mots plus ou moins couverts- l'environnement, l'existence privée et publique
de Vita ; son enfance (Vita a vraiment grandi dans un château avec 365 pièces et 52
couloirs), sa vie amoureuse (la figure de Sacha évoque la romancière Violet Trefusis avec
qui Vita -qui se déguisait en garçon- a eu une longue liaison), ses créations littéraires et les
paysages où elle a vécu (notamment le jardin de Sissinghurst créé par Vita et son mari et
qui se situe dans le Kent ).

c) Les objets et les lieux comme personnages
       Mais, Virginia Woolf ne se contente pas d'évoquer des figures telles que la reine
Elisabeth, Shakespeare, d'autres personnages de l'époque victorienne ou Vita. Elle
convoque aussi les paysages Anglais et Écossais et leurs métamorphoses au gré des
saisons, les architectures, les intérieurs des demeures (seigneuriales ou pas), le mobilier, la
peinture (et du 16e au 20e siècle il y a de quoi faire) et les jardins (une des merveilles de la
Grande-Bretagne). Sans oublier les rues des quartiers mal famés du Londres du 19e siècle
(clin d'oeil à Jack l'éventreur et aux débauches nocturnes de Dorian Gray) et de nombreux
paysages urbains.

                                                             Les villes (et notamment Londres), les lieux,
                                                        les objets sont donc de véritables personnages
                                                        du roman qui parlent avec Orlando et servent de
                                                        repères. À la façon dont une lignée d'aristocrates
                                                        se représente sur une série de portraits
                                                        accrochés au murs d'un château, Woolf se sert
                                                        des lieux et des choses pour dresser une sorte de
                                                        cartographie sensible de l'Angleterre et des ses
                                                        mutations. Orlando ressemble ainsi un peu à un
                                                        mobile à la Calder où les personnes se mêlerait
                                                        avec les objets, les territoires, les paysages, les
                                                        rues, les végétaux, les pierres...

II Ce que nous pourrions faire à partir d'Orlando
       Nous concevons et réalisons des opéras, c'est-à-dire que nous racontons des
histoires avec de la musique, des textes et des scénographies1. Ce récit où le temps s'étire
nous fascine, la légèreté et la fantaisie du style nous plaisent. Dès lors, comment traiter
scéniquement et musicalement Orlando ? Voici quelques idées notées dans notre carnet de
travail.

1 Cf. notre biographie et nos CV(s) respectifs à la suite de cette présentation

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a) Comment passer de l'un à l'autre en musique ?
        Dans Orlando, Virginia Woolf et son personnage réfléchissent à la différence entre le
masculin et le féminin. Virginia observe, commente, dissèque la transformation de son
héros en héroïne. Devenu une femme, Orlando expérimente en pratique (c'est-à-dire dans
son corps) ce que signifie passer de “l'autre côté”. À notre avis, Virginia cherche moins à
dé-montrer qu'il existe une différence essentielle entre les sexes qu'à parler de ce que ça
fait d'être considéré par les autres comme une homme ou une femme. De ce point de vue, ce
qui arrive à Orlando évoque ce que Alice ou Gulliver (deux figurent majeures de
l'imaginaire anglais) éprouvent lorsqu'ils deviennent géants ou minuscules. Comment
traiter cette transformation sur une scène ?
        Nous voulons confier à deux interprètes, Cathal Coughlan et Eva Schwabe, un
homme et une femme, une contralto et un baryton basse, le soin d'interpréter le rôle
d'Orlando. Ce faisant, le passage du féminin au masculin s'incarnerait fondamentalement
dans l'alternance de ces deux voix. Au point de vue dramaturgique, notre idée centrale est
d'alterner des scènes où un narrateur raconte l'histoire et des scènes du livre où d'Orlando
est “en situation”. Dans ce cadre, chacun des deux interprètes alternerait entre le rôle du
narrateur et celui d'Orlando. De ce fait, lorsque les interprètes seraient les narrateurs, ils
pourraient alors incarner vocalement et scéniquement les autres personnages de l'histoire,
non pas seulement des êtres humains mais aussi des lieux, des objets, des demeures des
époques etc... Par ailleurs, Cathal Coughlan étant pianiste, nous imaginons qu'il
s'accompagnerait lui-même lorsqu'il serait le narrateur, tandis qu'Eva Schwabe serait
accompagnée par l'orchestre lors des récits.
                                      Au point de vue musical, la métamorphose vocale, les
                                 registres extrêmes de la voix, le travestissement sonore (au
                                 moyen d'effets électroniques tels que le vocoder), l'alternance
                                 entre l'anglais et l'allemand seraient des pistes à explorer.
                                 L'ambiguité pourrait également être renforcée par
                                 l'utilisation du falsetto pour la voix d'homme et du registre
                                 bas pour la voix de femme et par des moments où les deux
                                 tessitures se recouvreraient sans qu'on puisse les discerner.
                                      Autre proposition. Le trouble de l'identité est une chose
                                 courante dans le rock des années soixante-dix. Il y a donc
                                 quelque chose à imaginer à partir de ça, une séquence de
                                 cabaret à la Lou Reed (un de ses disques s'appelle
                                 Transformer justement), une référence à des androgynes
                                 comme David Bowie, à Patti Smith ? Oui pourquoi pas. Si
l'on parle de travestissement, on pense aussi à la figure du camp anglais, un personnage de
cabaret masculin qui joue à être une femme, mais sans nécessairement être gay. Ray
Davies, le chanteur des Kinks a souvent joué avec ce stéréotype. Peut-être alors qu'un
chanteur et/ou une chanteuse changeraient de sexe au milieu du spectacle mais sans
changer de voix ? On pourrait aussi utiliser le rythme et/ou la métrique pour signifier des
changements d'époque, le son des voix et du petit orchestre pourraient être amplifiés et
spacialisés en fonction des volumes du décor.
        D'une façon générale, on comprend que le fait de confier à deux personnages le soin
d'incarner une même figure est riche de potentiel tant du côté du travail vocal, de
l'agencement de la partition que de la mise en scène.

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b) Représenter le passage du temps : les arts de la mémoire
        On pourrait confier à différentes techniques scéniques la mission de représenter
certaines époques. Ainsi, on pourrait utiliser des marionnettes et un castelet lorsque
Orlando et Sacha observent le Londres du 16e siècle sous une couche de glace. Autre
proposition, pas nécessairement contradictoire avec la précédente, utiliser les lumières
pour évoquer des demeures et des volumes spécifiques. Dans un même ordre d'idées,
projeter sur un écran des façades, des bouts de quartiers, des perspectives, des paysages.
Faire apparaître -fugitivement ?- des effigies, des sculptures, des fresques un peu à la façon
de l'art mural. Recourir aux toiles peintes... Les meubles, les objets pourraient également se
métamorphoser au gré des époques et des lieux parcourus par Orlando. L'ensemble de ces
volumes, de ces figures, de ces objets pourraient s'inspirer des demeures de Virginia ou de
Vita, des objets et des fresques murales du Bloomsbury Group (un groupe d'artistes auquel
appartenait Virginia), du design et des constructions d'Arts and Crafts.
        Du reste, le fait d'utiliser des objets ou des figures pour refaire surgir des choses
enfouies évoque les arts de la mémoire, une mnémotechnique que les artistes de la
Renaissance (et particulièrement les Élisabéthains) utilisaient couramment. Dans un
monde où il était difficile de prendre des notes et où les livres étaient rares, les pratiquants
de cette technique associaient des textes avec des lieux et des objets qui leur étaient
familiers. Ils pensaient par exemple à un château qu'ils connaissaient et s'imaginaient
qu'ils y effectuaient un certain parcours. À chaque pièce, à chaque objet mémorisé (par
exemple une sculpture placée devant une alcôve) correspondait l'extrait d'un texte.
L'ensemble du parcours permettait de mémoriser un texte complet. Cette technique était
ainsi utilisée au Globe, le théâtre de Shakespeare, où des statues disposées de part et
d'autre de la scène permettaient aux acteurs de se rappeler non seulement les textes de
pièces mais aussi leur déroulement et la liste des personnages2.
        Les portraits réalisés tout au long de l'histoire anglaise, les photos de Vita (se
travestissant en homme) pourraient être collectées afin de servir de modèles pour
imaginer des costumes, des silhouettes, des expressions, des situations. Ce qui est sûr, c'est
qu'Orlando parle de l'identité, de son instabilité et qu'il faut donner à voir et à entendre
cela.
        Nous aimons l'idée de donner un rôle aux objets dans ce spectacle ; il faudrait
vraiment en faire de véritables personnages.

2 Là-dessus : Frances A.Yates L’art de la mémoire (1966) (Traduit de l’anglais par Daniel Arasse) Gallimard Paris
1975

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KINOPERA                        LE REGARD DE LYNCEE                    MARGUERITE IDA ET HELENA ANNABEL

QUI EST FOU ?                            PETIT TRAITE POP DU                LA NOCE DES PLATINES
                                          JARDIN BOTANIQUE

Compagnie RIBAC-SCHWABE
         Le compositeur François Ribac et la chanteuse Eva Schwabe travaillent ensemble depuis 1990. Venue
d’Allemagne, Eva Schwabe s’inscrit dans la tradition musicale issue du théâtre musical de Kurt Weill et
Bertolt Brecht, elle a également pratiqué le tango. De son côté, François Ribac a d’abord emprunté les
chemins du rock et du jazz, puis, à partir du milieu des années quatre-vingt, il a complété sa formation par
des études d’harmonie et d’électroacoustique. Depuis 1995, le duo mène ses propres projets. Son champ
d’action est le théâtre musical et la musique populaire avec un accent mis, depuis quelques années, sur la
pop, tant du point de vue du style vocal que de l’instrumentation. Les créations sont souvent bilingues et
associent la musique et le théâtre à d’autres formes comme le cinéma, la vidéo, le reportage radiophonique,
les arts plastiques ou encore la botanique. Pop oblige, le rôle dévolu à l’amplification et au chant sont
déterminants tandis que la lumière et la scénographie sont l’objet d’une attention particulière.
         Depuis ses premiers pas à la Péniche Opéra en octobre 1995, la compagnie a créé et tourné huit
spectacles ; Un Demi-Siècle (1995), Kinopéra (1996-97), ses deux derniers projets mis en scène par Denis Krief,
Le Regard de Lyncée (1998-99), MIHAO (2000), Qui est Fou ? (2002-03), une comédie musicale pop créée à
l'opéra de Reims, Le Petit Traité POP du Jardin Botanique (2004-2006), La noce des Platines (2007-08), La mélodie
de l'Ombre (2008-2010) et un cabaret de chansons de Kurt Weill, Eisler et Ribac. Les opéras ont été présentés
en France, au Bénélux et en Allemagne. Cinq disques témoignent de cette activité.

        Ensemble ou séparément, François Ribac et Eva Schwabe ont été lauréats de la Fondation
Beaumarchais (1995 et 2007), de la bourse “Louis Lumière“-Villa Médicis hors les Murs- (1996), du fonds
SACEM-GEMA (1998), du concours de composition de Pro-Lyrica/SACD (1999) et du programme “en quête
d’auteurs“ du Ministère Français des Affaires Étrangères et de Beaumarchais (2003). La Fondation France
Telecom a régulièrement soutenu les projets de la compagnie. François Ribac a reçu des commandes de
Musique Nouvelle en Liberté (1995 et 1999) et de l’Etat Français (1997). De 1999 à 2001, le duo a été en
résidence au Forum Culturel du Blanc-Mesnil, à l'Espace 1789 de Saint-Ouen en 2007 et régulièrement
associé au Moulin du Roc/Scène Nationale de Niort (1996-2007).

François Ribac est également sociologue et l'auteur d’un livre L’avaleur de rock publié aux Éditions de la
Dispute (Paris) en 2004.

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Compagnie Ribac/Schwabe
177Avenue du Président Wilson
F. 93210 Saint-Denis
+ 33 (0) 6 75 24 21 23
contact@lesribacschwabe.net

http://www.lesribacschwabe.net

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