Le Lothier roman Les Solvay à Genappe 2019

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Le Lothier roman Les Solvay à Genappe 2019
Le Lothier roman
                   Trimestriel du Cercle d’histoire et d’archéologie
                   du pays de Genappe

                                      Les Solvay
                                      à Genappe

                                                        2019
Publié avec le concours
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Le Lothier roman Les Solvay à Genappe 2019
Le Lothier roman

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Le Lothier roman Les Solvay à Genappe 2019
Le Lothier Roman 2019 n°1                                 3

            Hulencourt, Hagnisart,
                 Chantelet…
 A l’origine de l’empire foncier des Solvay
                  à Genappe

Par Eric Meuwissen

   Il faut imaginer « ces belles campagnes de la région de Genappe, Ways, Gla-
bais. Les coteaux croulent sous leur charge de froment, seigle et orge. Des milliers
d’hectares de terres riches sur lesquelles, l’été venu, une mer de blé doré étend ses
vagues chaudes et odorantes. Ici la plaine n’est plus « morne ». Ici les terres ne se
reposent jamais. Elles sont cultivées avec le plus grand soin. Elles laissent subsister
près des bourgs ou le long des cours d’eau des îlots boisés, des chemins creux et
des boqueteaux... Dans ce coin aimé des Dieux, les « châteaux de la terre », grand
volume en carré et leur grange cathédrale sont là. Bien présents et lestés d’un
lourd passé agricole, même si les meules et les tas de fumier au cœur de leurs
cours ont disparu. Dans ce vieux terroir agricole européen, la paix des champs
n’est pas un vain mot, même si la répartition de la terre y est parfaitement inéga-
litaire. Les censes locales se démarquent par leur volumétrie dominante dans les
villages ou tels des jalons dans les campagnes. Nous sommes ici sous le régime
des grandes fermes en carré, au pays des terres fumées à profusion et des vastes
exploitations d’obédience ecclésiastique.
Le Lothier roman Les Solvay à Genappe 2019
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  L’impressionnante ferme d’Hulencourt semble d’ailleurs avoir été déposée sur
ce paysage bucolique. Un paysage jadis boisé1 et depuis défriché par les moines.
Mais aujourd’hui, au lieu des blés dorés, le vert gazon des fairways a remplacé les
vagues chaudes et odorantes.

                                           La ferme d’Hulencourt
                                      (Photo Véronique Vander Meiren)

 Patrick Solvay2 est le propriétaire et président du golf d’Hulencourt. Il a hérité
de son père Pierre3, qui l’a hérité de son père Louis, qui l’a hérité de son père

1
    Les fermes du Foriest et de Hélincourt permettent de localiser les bois anciens qui portaient la
    même dénomination. Leurs bâtiments s’élèvent à quelques centaines de mètres du chemin de
    Lillois à Promelles, au nord et au sud du lieu-dit « Trou du Bois » , au nom évocateur. Vers 1775 et en
    1786, subsistaient encore les petits bois du Foriest - au sud des fermes du Grand et Petit Foriest - et
    d’Hélincourt, au sud de la cense.
2
    Solvay Patrick (1958- ). Fils (adoptif ) de Pierre Solvay (1904-1989) et de Marie-Louise Requillart
    (1914-2008). Frère de Denis (1957-), époux (séparé) Eickhoff (fille de Jacques et de Marie Thérèse
    Leirens (1922-2007). Patrick Solvay a reçu en héritage du vivant de son père, la ferme d’Hulen-
    court. Créateur en 1988, du golf d’Hulencourt.
3
    Solvay Pierre (1904-1989). Administrateur de la S.A Solvay de 1969 à 1973 et Commissaire de la Société Géné-
Le Lothier roman Les Solvay à Genappe 2019
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Alfred. Un ensemble foncier ponctué hier encore par de nombreuses et opulentes
fermes4.

La ferme d’Hulencourt bien de l’abbaye d’Afflighem
  La ferme d’Hulencourt, sise à 4.400 mètres de l’église de Vieux-Genappe, a été
complètement rénovée par Patrick Solvay. Ce dernier ne cache pas qu’il a eu le
coup de foudre pour « ces vieilles pierres ». « J’ai été frappé par l’harmonie ». La
partie arrière a été transformée en 1989-1990 : les étables en club-restaurant, en
salle de séminaire et la grange en restaurant du club de golf.

                                           AE, Bru,NGB, 33826

    rale. Administrateur d’Abelag Aviation. Fils de Louis (1876-1952) et d’Odile Fontaine (1877-1962). Époux en
    1947, de Marie Louise Requillart (1914-2008). Père adoptif de Denis (1963-) et Patrick (1958-).
4
    VETS (Henri) et MEVISSE (Jean) : L’abbaye d’Afflighem et Genappe. Lothier Roman, 4, 1996, pp.1-18.
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 Quel curieux destin pour cette très ancienne ferme appartenant sous l’Ancien
Régime à l’abbaye d’Afflighem5.
  Afflighem fut sans conteste l’abbaye préférée des Croisés qui lui firent des dons
considérables. Si considérables que, lors de sa suppression en 1796, l’abbaye
détenait 8.108 ha de biens, sur le territoire belge6 dont 5.607 ha furent vendus par
les Républicains dans le département de la Dyle7. Afflighem passait pour la plus
importante abbaye du duché de Brabant, la plus riche des Pays-Bas méridionaux8.
Au total, l’abbaye régnait sur une cinquantaine de fermes. Le Quartier de Nivelles,
duquel dépendaient les fermes de Genappe et Vieux-Genappe, disposait de 13
censes9. C’est sur le territoire de Vieux-Genappe que s’étendait la majeure partie
des biens d’Afflighem dans la région. Et cela tout simplement, parce que Vieux-
Genappe n’avait pas de seigneurie laïque puissante comme Loupoigne, Baisy,
Bousval, Ways et Houtain-le-Val. Rien qu’à Vieux-Genappe, l’abbaye possédait pas
moins de 1098 ha, soit les 2/3 de la superficie de la commune.
     L’abbaye était ainsi propriétaire des censes du Grand Foriest (149 ha)10, du

5
     Afflighem, abbaye d’hommes fondée en 1083 et organisée en monastère de l’Ordre de Saint-Benoît en 1086.
     A la veille de la Révolution française, son domaine constituait l’un des plus importants patrimoines monas-
     tiques des Pays-Bas autrichiens. En 1147, Afflighem possédait déjà depuis un certain temps, la ferme de Lillois
     ou Hélincourt au nord est de Genappe. Voir DE MARNEFFE (E) : Cartulaire de l’abbaye d’Afflighem. Louvain,
     1894-1896, p.117. La tradition fait remonter à Ide de Boulogne, la donation de cette ferme.
6
     OCKELEY (Jaak) : Kaartboek van de Abdij Affligem, 1717-1756, T. VIII de la série cartes et sources iconographiques
     pour l’histoire du paysage en Belgique, AR/ AGR. À Wavre, l’abbaye détenait 424 ha; à Vieux-Genappe 1098 ha;
     à La Hulpe 98 ha; à Sart-Dames-Avelines 140 ha; à Maransart 328 ha; à Marbais 92 ha; à Court-Saint-Etienne
     73 ha; à Jodoigne 40 ha; à Lillois 45 ha; à Ottignies 27 ha à Frasnes-lez-Gosselies 988 ha... Voir aussi OCKELEY
     (Jaak). L’Atlas terrier de l’abbaye d’Affligem 1717-1756. Wavriensia, T. LIII, 2004, n°5, pp.22. L’abbaye possédait 53
     fermes dans le pays. Voir MEVISSE (Jean) : Les fermes du Grand Genappe. Répertoire. Genappe, 1998. Voir TAS
     Thomas) : Het domeinbeheer van de abdij van Afflighem. Het kwartier van Nyvel. 1660-1796. Mémoire en histoire.
     Université de Gand, 2009-2010.
7
     ANTOINE (François) : La vente des biens nationaux (1789-1867) en France et dans les territoires annexés. Bilan d’un
     siècle d’études. (Chapitre Belgique). p.289.
8
     OCKELEY (Jaak) : Het Affligems kloosterdomein op het einde van de 18de eeuw. Eigen Schoon en Brabander, LXVI,
     jg 4 5 6, April-Mei-Juni 1983, p. 182.
9
     Afflighem possédait au « Quartier de Nivelles » 13 fermes, à savoir : sous Vieux-Genappe : les deux fermes
     d’Helincourt (Hulencourt) (165 bonniers et 167 bonniers) : le Foriet (Foriest) (178 bonniers) ; Passavant (213
     bonniers) ; sous Sart-Dames-Avelines : la Cense du Bois de Bourdeau (75 boniners) : à Marbais, la Cense de
     Gentissart (97 bonnniers) ; à Maransart, la Cense du Croissant (206 bonnies), la Cense d’Hubermont (107 bon-
     niers), la Cense de Maransart (80 bonniers) et sous Frasnes-lez-Gosselies, la Cense de l’Encloître (173 bon-
     niers), la Cense de Grandchamps (119 bonniers), la Cense de Lesrales (109 bonniers), la Cense de Pierpont (179
     bonniers.). Voir TAS (Thomas) : Het domeinbeheer van de abdij van Affligem. Het Kwartier van Nijvel 1660-1796.
     Mémoire en histoire. Université de Gand, 2009-2010.
10
     La ferme du Foriest, réputée pour la qualité de ses chevaux de trait, ancienne propriété Ramsay, fut acquise
Le Lothier roman Les Solvay à Genappe 2019
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Passavant (178 ha)11, du Petit Foriest12 et bien entendu d’Hulencourt (280 ha)13
de Court-le-Moine. Autant de censes (à l’exception de Passavant14 et de Court-
le-Moine15) passées dans le patrimoine des Solvay. S’y ajoute encore, la ferme du
Comte à Promelles16.

     en 1892, avec 10 ha pour 31.400 francs d’Isabelle Pierart, veuve de Léopold Wauthier, par Alfred Solvay. AE (Ar-
     chives de l’Etat), LLN (Louvain-la-Neuve), Cons Hyp, (Conservation des hypothèques) (2009), Nivelles, n°106,
     acte n°52 devant Hector Brulé, notaire à Rebecq. En 1909, la ferme du Foriest (88 ha), sise route de Lillois, au
     hameau de Promelles et datant du 13e siècle est la propriété de Marie Masson, veuve Solvay. Elle est donnée
     à bail à Clément Maubille (1837-1917), époux de Sylvie Delpierre, pour 9.692 francs par an. AE, LLN, Notaire
     Joseph Berger, n°98, en date du 17 août 1909. Idem en 1914, avec Louise Maubille (fille de Clément) et son
     mari Eugène Defalque (1881- ) et son épouse en 1909, Berthe Maubille (1884- ). Notaire Berger, 117. La ferme
     resta dans la famille Solvay jusqu’en 1975. Elle fut vendue aux locataires, les époux Depuyt-Giblet.
11
     La ferme de Passavant fut achetée à la République française par le négociant d’Amsterdam de la « Cie néer-
     landaise des Indes orientales » ( ?), Jean Tencate, le 17 germinal de l’An VI. Il revend la ferme de Passavant pour
     40.000 francs, en l’an X, au négociant Richard Ramsay (AE, LLN, Cons Hyp, 2916/41) qui la cède pour 107.444
     francs avec 115 ha en 1810, à Antoine Félix Gonse (1770-1821), directeur des Postes de France. Ses héritiers
     se débarrassent de la ferme qui fait alors 101 bonniers, estimés à 60.000 francs, au profit de Maximilien baron
     Duvivier, lieutenant colonel de la garde civique de Mons qui la revend en 1874 avec 107 ha pour 555.000
     francs à Gustave Henri t’Serstevens (1809-1901), époux Françoise Claes, qui l’a transmet à sa fille Julie (1848-
     1925), épouse d’Albert de Smet (1848-1926). Sur cette famille voir MEUWISSEN (Eric) : La bonne fortune foncière
     des t’Serstevens. Wavriensia, T LXV, janvier-février 2016, n°1, pp.3-41.
12
     La ferme du Petit Foriest (30 ha) se situe à gauche le long de la route de Vieux-Genappe Lillois, à Vieux-Ge-
     nappe fut acquise par la famille Solvay à la fin du 19e siècle. Elle fut revendue en 1969. En 1912, elle fut donnée
     à bail par Marie Masson, veuve Alfred Solvay, à Léon et Florian Glibert, fermiers à Vieux-Genappe. AE, LLN,
     Notaire Berger Joseph, n°110.
13
     Louis Solvay à Vieux-Genappe. CDB (Cadastre du Brabant). NM (Nouvelles Matrices). n°125 : 340 ha en 1927
     (lieux-dits : Pré d'Hulencourt, Hulencourt, Champ du Prévost, Bois du Foriest, Champ Gobiet, Taille d'Aulne,
     Trou du Bois, Champ du Caillou). À Lillois (CDB, NM, n°912) : 261 ha en 1936, 223 ha en 1951 (lieux-dits: Village,
     l'Escavée, Bois Planté, Bois Amory, Champ du Bailly...). La ferme (40 ha) est donnée à bail en date du 4 juin 1917
     par Louis, Alice et Thérèse Solvay à Gaston Defalque et Léon Defalque, fermiers à Vieux-Genappe. AE, LLN,
     Notaire Joseph A Berger, n°124. En 1978, les Defalque émigrèrent au Canada. La ferme regroupe aujourd’hui
     140 ha dont la moitié est consacrée au golf.
14
     Jean Mévisse dans son Répertoire des fermes du Grand Genappe 2. Les fermes de Vieux-Genappe, Genappe, 1998,
     signale p.82 que la ferme de Passsavant fut achetée par la famille Solvay. Nous n’avons trouvé aucune trace de
     cet achat.
15
     La Court le Moine fut achetée le 13 pluviôse de l’an V (janvier 1797) par Michel Ange Suzanne demeurant à
     Paris, rue de Lille n°499. La Compagnie Suzanne achète 940 ha de biens dans la Dyle dont 9 fermes, le couvent
     des Bénédictines et 41 maisons à Bruxelles et de vastes biens dans le département de Jemmapes (182 ha).
     Michel Ange Suzanne est le prête-nom des actionnaires de la Compagnie : Liévin Bauwens, Cornil Marin Beths,
     Nicolas Bonaventure, Jean-François Jeanneret. De plus Michel Ange acheta le prieuré de Basse-Wavre en 1797
     pour 117.000 livres. Il vend en 1801, le moulin de Basse-Wavre avec la ferme (37 bonniers/ 40 ha) à Cornil-Ma-
     rin Beths, propriétaire et négociant à Paris qui le revend à Pierre François Xavier Debienne pour 18.000 francs.
16
     AE, LLN, Notaire Joseph A Berger, n°33, en date du 9 mars 1892. Joseph Maubille, propriétaire bourgmestre
     de Vieux-Genappe (1881-1896) vend à Alfred Solvay pour 350.000 francs, la ferme dite du Comte ou de la
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  Au 17e siècle, le domaine d’Hulencourt fut divisé en deux exploitations : « la
Grande Ferme » 105 ha et la « Petite Ferme », 75 ha. Les deux corps de logis des
deux fermes étaient contigus. Tous les bâtiments furent remaniés au cours des
siècles et formèrent plus ou moins deux cours distinctes, quoique non séparées17.
  De la possession de la ferme d’Hulencourt par les moines d’Afflighem, il reste
une pierre armoriée aux armes de l’abbaye, encastrée dans le mur du colombier
dominant le porche principal. Elle porte la date de 1680. Cette pierre échappa
à la furie destructrice des révolutionnaires français qui faisaient alors la chasse
aux signes proscrits (statues, croix et même celles qui couronnaient les clochers).
                                          Tout ce qui rappelait l’Ancien Régime,
                                          la religion et la féodalité devait alors
                                          disparaître. Il fallait marteler les armoi-
                                          ries sculptées. Il fallait d’autant plus les
                                          faire disparaître que les porches de ces
                                          grandes fermes abbatiales étaient là,
                                          pour signifier, « pour vouloir dire ». Le
                                          colombier était un signe extérieur de
                                          richesse. Il témoignait du prestige de la
                                          ferme et de son détenteur, car la posses-
                                          sion de pigeons n’était permise qu’aux
                                          grands propriétaires. Quant au porche,
                                          élément visuel fort, il exprimait dans le
                                          monde rural d’alors, le statut prééminent
                                          du propriétaire. Raison de plus pour dé-
                                          truire ces signes féodaux qu’étaient les
                                          armoiries.
         J. H Sciot 1988. (Coll Lothier Roman)

     Fontaine, chemin du Prévôt. Au décès du comte Charles de Wonsheim (1751-1794), propriétaire depuis le 17e
     siècle de trois des quatre seigneuries de Vieux-Genappe (Vieux-Genappe, Promelles et Gempioul) et de son
     épouse Catherine Françoise de Brouchoven de Bergyck (1749-1820), la propriété passa dans la famille Lichter-
     velde et ensuite dans la famille Solvay. Cette ferme est sise face à la ferme Gaillard, peinte en rose. La ferme du
     Comte possède un haut corps de logis de deux étages au toit d’ardoises.
17
     La famille Defalque s’y installa au 19e siècle. La petite ferme, dont le corps de logis fut aménagé dans la cha-
     pelle du lieu était occupée par la famille Taminiaux qui y resta plus de 150 ans. En 1850, elle est tenue par la
     famille Lisart à laquelle ont succédé les familles Viseur et Debaene. Voir MEVISSE (Jean) : Vieux Genappe ou
     l’histoire d’un village du Roman païs de Brabant. p.148. Louis Solvay donne la ferme d’Hulencourt à bail en 1923,
     à Constant Debaene, pour 12.632 francs soit 180 francs par hectare. AE, LLN, Notaire Berger 148.
Le Lothier roman Les Solvay à Genappe 2019
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                                      Ferme d’Hulencourt
                                          280ha au XVIe siècle

                  Petite ferme                                               Grande ferme
                      75ha                                                      105ha

                    LAMBRECHTS                                                 TOPS X PIRON

                   DUMONCEAU
                                                                                    PIRON
                    JACQUELART

                   DUMONCEAU                                                     DEFALQUE
                  DE BERGENDAL

                       SOLVAY                 1935 : réunion                       SOLVAY
                        1887                 des deux fermes                        1887

La Grande ferme d’Hulencourt :
Du négociant bruxellois Tops au rentier Piron
  La Grande ferme d’Hulencourt (139 bonniers) fut acquise en 1798 (an VI) lors
de la vente des biens nationaux, pour un tiers par le négociant bruxellois Evrard
Tops18, époux de Marie Joseph Piron19. Le deuxième tiers fut acheté par Pierre

18
   Evrard Tops achète les 6 et 7 janvier 1798, la ferme d’Hulencourt pour 1/3, avec les louvanistes Pierre Jeunesse
   (1/3) et Jean-Philippe Pirlet (1/3). Prix de la transaction 1.142.000 francs. Tous trois étaient des grands ache-
   teurs de biens nationaux.
19
   Tops Evrard Joseph (1756-1816). Négociant bruxellois. Franc maçon aux « Amis Discrets » à l’Orient de Nivelles.
   Frère de Marie Anne Tops (+ an XI), épouse de Casimir Édeline. Epoux Charlotte Fayelle (+1806) et ensuite de
Le Lothier roman Les Solvay à Genappe 2019
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Jeunesse 20et le troisième tiers par Jean Philippe Pirlet. Evrard Tops racheta en
1822, le tiers de Pierre Jeunesse21.
  Avec les acheteurs des biens nationaux,22 voici l’émergence au grand jour
« d’une nouvelle classe dirigeante, plus rustre, plus âpre au gain, « un syndicat des
voleurs » pour reprendre l’expression de l’historien Pierre Chaunu23. Elle annonce
le règne des notables, des « grands notables. »24 , des descendants des « grands
recéleurs d’effets volés » selon l’expression féroce de Chateaubriand. Il s’agit de
« l’événement le plus important de la Révolution française »25, qui consiste en
une importante mutation foncière, une mise à l’encan des biens du clergé et
dans une moindre mesure chez nous, des biens des émigrés. Nous sommes-là,
selon l’historien français Michelet, « face à une foule d’hommes qui engagent leur
fortune dans la cause révolutionnaire, plus que leur fortune peut être, leur vie et
plus encore que leur vie, la destinée de leurs familles »26.

   Marie Joseph Piron (+1844). Tops acquit 260 ha, l’abbaye Saint-Bernard de Diest, la moitié du couvent des
   Bogards de Diest, le couvent des Capucins à Bruxelles (Il le divise en petits terrains afin de mieux les revendre
   publiquement), le tiers du couvent de Berlaimont, le quart du couvent des Dominicains de Louvain et 5 mai-
   sons dont 3 à Bruxelles, une à Wezemaal et une à Braine-l’Alleud. Il achète 9 ha de biens appartenant au
   chapitre de Nivelles. Il achète à Bernard Laterrade (« négociant retors et sans scrupules » qui acquit l’abbaye
   de Villers et la pilla, arrachant sans vergogne ferrailles, toitures, charpentes et même pierre de taille pour en
   faire de l’argent), des terres à Chastre, Villeroux, Mellery. Tops habite successivement : rue Neuve, rue du Persil
   à Bruxelles et aussi à Basse-Wavre.
20
   Pierre Jeunesse. Époux en premières noces de Barbe Depuyter et en 1780 d’Anne Catherine Claes. Père (de 1)
   de Guillaume, directeur de l’atelier de charité de Louvain et (de 2) de Charles, serrurier; Marie Rosalie ; Wilhem
   et Jeanne Maximilienne.
21
   Les héritiers Jeunesse revendent le tiers que leur père possédait dans la cense d’Hulencourt (139 bonniers au
   total) en 1822 pour 37.159 francs AE, LLN, EDD (Enregistrement et domaine), table alphabétique. Bureau de
   Genappe 1821/12. Notaire Bourdin en date du 16 mars 1822.
22
   ANTOINE (François) : La vente des biens nationaux dans le département de la Dyle. Bruxelles. 1997, Thèse, AGR,
   545 p. ANTOINE (François) : Le monde des affaires bruxellois et l’achat des biens nationaux dans le département
   de la Dyle. Acte du LIe congrès de la Fédération des cercles d’histoire et d’archéologie de Belgique. T.II, Liège,
   1999, pp.181-188. ANTOINE (François) : La vente des biens nationaux, vecteur de l’implantation foncière de la
   bourgeoisie bruxelloise dans le Brabant wallon. Noordbrabants Historisch Jaarboek. n°14, 1997, pp. 85-107.
23
   CHAUNU (Pierre) : Le Livre Noir de la Révolution française. Cerf, 2008, p.26.
24
   LOGIE (Jacques) : Les grands notables du Premier Empire dans le département de la Dyle. Bruxelles, 2013.
25
   BODINIER (Bernard), TESSYER (Eric), ANTOINE (François) : L’événement le plus important de la Révolution : La vente
   des biens nationaux (1789-1867) en France et dans les territoires annexés. Société des études robespierristes et
   éditions du CTHS. Aris, 2000, 503 p.
26
   MICHELET (Jules) : Histoire de la Révolution française. T I, Livre V. Chapitre XI. p.751.
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  Le régime ploutocratique né du Directoire27 fit hâter, après le coup d’Etat de
Fructidor en septembre 1797, la vente des biens nationaux dans nos régions. C’était
une république de propriétaires, base de l’ordre social, composée selon la formule
de Mathiez « de spéculateurs de haut vol bénéficiant de l’appui de politiciens
peu scrupuleux pour mener à bien et organiser le pillage de la République ». A
Bruxelles, le Directoire s’apparenta à « un régime de délation, de basse flagornerie,
d’égoïsme effréné, d’intrigues et de manque d’enthousiasme »28. Il faut dire que
le sursaut antireligieux d’après Fructidor ulcéra la population, restée très dévote.
  La vente des biens nationaux fut un vrai chambardement. Le grand chambar-
dement même. Le perdant, le clergé régulier, le gagnant, la grande bourgeoisie.
L’abstention en masse des catholiques, choqués par la politique religieuse de la
France, laissa le champ libre aux détenteurs de capitaux et autres spéculateurs.
Les Compagnies de fournitures aux armées se trouvèrent au premier rang des
acquéreurs des grands domaines fonciers, mais bien d’autres personnages liés à la
finance, au commerce et à la politique prirent place auprès d’eux et s’approprièrent
une part non négligeable des biens nationaux29.
  Une grande bourgeoisie carnassière et rusée accapara en Brabant wallon la
richesse foncière des abbayes de Villers (2885 ha), d’Afflighem30, d’Heylissen, de La
Ramée, du Chapitre noble de Nivelles, de l’Ordre de Malte (1000 ha)… Le député
de Mons Charles François Foncez31 , pourtant ardent jacobin, dénonçait au Conseil
des Cinq-Cents en 1798, ce qu’il appelait « les dilapidations scandaleuses dont la
Belgique était le théâtre. Il s’exclamait au corps législatif en l’an VI : « Plus d’une
fois nous avons gémi avec tous les amis de la République »32. La Belgique disait

27
   Le Directoire désigne le conseil des cinq membres chargés du pouvoir exécutif de 1795 à 1799. Il est encadré
   par la Terreur d’une part et le régime napoléonien de l’autre.
28
   PERGAMENI (Charles) : L’esprit public bruxellois au début du régime français. Bruxelles, 1914, p.154.
29
   DE OLIVIERA (Matthieu) : Les routes de l’argent. Réseaux et flux financiers de Paris à Hambourg, 1789-1815. Comité
   pour l’histoire économique et financière de la France, 2011, p. 96.
30
   A la fin de l’Ancien Régime, Afflighem passait pour la plus riche des abbayes des Pays-Bas méridionaux. Af-
   flighem possédait près de 10. 000 ha dont plus de 2000 ha de bois. Ces biens étaient dispersés sur plus de 125
   villages allant de la Flandre zélandaise en passant par la Campine anversoise, la région de Louvain jusqu’au
   nord du Hainaut et de la Flandre, avec comme noyau l’ouest du Brabant et le Brabant wallon. (Voir OCKELEY
   (Jaak) : Het Affligems kloosterdomein op het einde van de 18de eeuw. Eigen Schoon en Brabander, LXVI, jg 4 5 6,
   April Mei Juni 1983, pp. 154-184.
31
   Foncez Charles François Joseph (1752- ). Président de la Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité en 1792.
   Député au Conseil des Cinq-Cents du 14 avril 1798 au 26 décembre 1799. Il fut secrétaire de la loge maçon-
   nique « La Concorde ».
32
   VERHAEGEN Paul : La Belgique sous la domination française. Bruxelles, 1981 (rééd)… op cit ; T III, p.235.
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Jean-Baptiste Digneffe33, député de Liège, « est devenue le repaire des grands
voleurs »34. Le grand juriste tournaisien Nicolas Bonaventure35, bien qu’associé
occulte de la Compagnie Suzanne (voir infra), critique aussi la vente à vil prix des
biens nationaux en Belgique, au profit des fournisseurs de la République.
   La terre, « très bien achetée, très mal payée, très bien revendue »36 est maintenant
une marchandise. Fini la main morte qui la retire des circuits commerciaux et du
fisc. Elle peut désormais être vendue sur le marché. La Révolution n’a supprimé
que les privilèges de naissance que pour les remplacer par ceux de la fortune. Et
les acquéreurs de biens nationaux comme Tops, Pirlet, Jeunesse peuvent s’affirmer
comme appartenant à la nouvelle classe dirigeante.
  Pour les acquéreurs, comme Tops, il s’agissait d’asseoir leur fortune sur la
propriété foncière laquelle constituait pour eux, la reconnaissance de leur statut
de notable au sein d’une nouvelle société. La propriété leur permettait d’affermir
leur crédit, d’agrandir et d’étendre leurs entreprises ; de s’élever dans la hiérarchie
sociale et de jouer un rôle politique dans la vie de la cité. Etre propriétaire foncier
était désormais la condition pour faire partie de la nouvelle classe des notables. Ils
accédaient ainsi à la notabilité à défaut d’accéder à la respectabilité. Encore que…
   Tops, Pirlet et Jeunesse ne sont pas des saints. La délicatesse de conscience
n’est pas leur fort. Ils font partie de cette kyrielle de spéculateurs qui pratiquèrent
des opérations frauduleuses, même si une large partie de ces opérations furent
commises par les compagnies financières37. C’est le temps où les négociants qui
s’étaient considérablement enrichis dans les fournitures aux armées - en livrant
des souliers sans semelle et des gamelles de riz avarié - ont vu l’Etat se libérer de
ses dettes à leur égard, en leur procurant les moyens d’acquérir des domaines
nationaux pour le montant de leurs fournitures.

33
   Digneffe Jean-Baptiste (1761- ). Député de l’Ourthe. Il siège au Conseil des Cinq-Cents du 13 avril 1799 au 16
   décembre 1799.
34
   VERHAEGEN Paul : La Belgique sous la domination…op cit, T III, p.31.
35
   Bonaventure Melchior (1753-1831). (Baron de l’Empire). Juriste, né à Thionville en Moselle. Naturalisé belge
   sous Joseph II. Avocat (1775) auprès du Conseil provincial de Tournai. Nommé en 1787 conseiller pension-
   naire des échevinages de Tournai-Tournaisis. Membre des Etats Généraux. Membre du Conseil des Cinq-Cents
   (1796-1797) en tant que mandataire des électeurs du département de la Dyle. Président du tribunal criminel
   du département de la Dyle. Président de la Cour de Justice criminelle de Bruxelles. Nommé baron de l’Empire
   en 1811. Maire de Jette (1813-1831). Il dispose d’une rente annuelle de 125.000 livres. Il fit partie des 22 dépu-
   tés belges qui militèrent pour la suspension des lois antireligieuses et la surséance de la vente des biens
   nationaux à des profiteurs.
36
   Formule de Mathieu de Oliviera
37
   ANTOINE (François) : La vente des biens … op cit, p.227.
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   Le marchand louvaniste Jean-Philippe Pirlet38 n’était pas à son coup d’essai
avec l’achat d’Hulencourt, puisqu’il emporta l’adjudication pour 414.000 livres
des bâtiments conventuels de l’abbaye d’Aywiers39 à Couture-Saint-Germain.
Il agissait alors pour le compte du grand spéculateur Louis Vincent Pommier,
célèbre fournisseur aux armées40.
  De son côté Tops achète beaucoup41 et notamment à Bruxelles. Surtout en 1797-
1798. Parfois seul, parfois en association avec d’autres42. Il achète seul, une maison
conventuelle près de l’église Saint-Nicolas. Il achète avec H Rommel, la maison
conventuelle des Carmélites et une maison Petite rue au Beurre ; avec Pirlet, deux
maisons de « la plus belle place du monde », la Grand-Place de Bruxelles appartenant,
                                                        l’une à la corporation43 des
                                                        tailleurs de pierre (les Quatre
                                                        couronnes)44 ; l’autre à la
                                                        corporation des bateliers (Le
                                                        Cornet)45. En 1814, Tops
                                                        déclare       transférer   son
                                                        domicile à Basse-Wavre.
                 Signature Tops (AE, Bru, NGB, 36462)

38
     Pirlet Jean-Philippe. Négociant, spéculateur de Louvain. Il achète 203 ha. La moitié du couvent des Dames
     Blanches de Vilvorde, le quart de l’abbaye d’Averbode, un cinquième du couvent des Augustins de Louvain, les
     couvents des Carmes et des Dominicains de Louvain, les couvents des Sœurs grises de Diest et des Récollets
     de Diest, celui des Oratoriens de Montaigu, la moitié d’une ferme provenant de l’abbaye d’Afflighem à Vieux-
     Genappe (aff 58 n°20), un moulin provenant des Chartreux d’Hérinnes et 9 maisons. ANTOINE (François) : La
     vente des biens nationaux dans le département de la Dyle. AGR, 1997, p. 227. AE, LLN, Archives ecclésiastiques
     du Brabant. 5394. Etat des biens an IV.
39
     LEVEQUE-LAMOTTE (Isabelle) et SCHUERMANS (Dorothy) : L’abbaye d’Aywiers. Au-delà des jardins. Le Carré
     Gomand, Editions Lasne, 2015, p.92.
40
     Pommier Louis Vincent ( - ). Parisien (Rue Monceau, section Roule), fournisseur aux armées, acheteur de biens
     nationaux. Outre l’abbaye d’Aywiers, il achète, via son fondé de pouvoir Thomas Vincent Gilet (1759-1826),
     en octobre 1798, la chapelle royale à Waterloo, la ferme de la Converterie à Melin, Il commence à revendre ses
     biens entre 1802 et 1812 après le Concordat. La Compagnie Pommier acquit 347 ha dans la Dyle, 575 ha dans
     l’Ourthe et 6,5 ha dans l’arrondissement de Namur.
41
     Notamment un tiers de 65 ha à Tilly en l’an X. AE, LLN, Cons hyp, 2916/27.
42
     BOGAERTS (François) : La vente des biens nationaux à Bruxelles 1796-1814. Mémoire de licence UCL, 1958.
43
     Les biens nationaux provenaient aussi des corporations de métiers.
44
     La Colline. Maison de la corporation des Quatre Couronnes. Il s’agit d’une des sept maisons qui constituent
     ensemble la maison des Ducs de Brabant (côté est de la Grand-Place). Acquisition le 8 fructidor de l’an VI (août
     1798) pour 232.000 francs
45
     Le Cornet (Den Horen). Maison de la corporation des bateliers depuis le 15e siècle. Reconstruite en 1697 par
     Antoine Pastorana (1640-1702) qui dessine un pignon en forme de poupe de navire. Restaurée de 1889 à
     1902. Côté ouest de la Grand-Place. Acquisition le 15 fructidor de l’an VI, pour 254.000 francs.
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  Tops achète et vend beaucoup, comme tout bon spéculateur. Les lucratives
combines du métier n’ont pas de secret pour lui. Mais il semble avoir cependant
poursuivi un projet patrimonial en inscrivant certains de ses achats, comme la
ferme d’Hulencourt, dans la durée. Pour preuve, il transmet ses biens à sa famille,
ou plutôt n’ayant pas d’enfant, à celle de sa femme, née Piron.
  En 1844, au décès de la veuve Tops, née Piron, la ferme d’Hulencourt fut divisée
en deux lots au profit de son neveu et de sa nièce, chacun pour moitié. Léontine
Piron46 reçut le premier lot avec le corps de logis. Le second lot fut attribué à son
frère Jules Emmanuel Raymond Piron47, négociant à Tournai.
  Léontine Piron avait épousé Albert Charles Honnorez48, militaire de son état. Ce
dernier était le beau-frère du député François Louis Anspach49, administrateur de
la Banque de Belgique. Albert Charles Honnorez était aussi l’oncle du bourgmestre
de Bruxelles, Jules Anspach qui disait en plaisantant que « le pays était gouverné
par les trois Jules : Jules Anspach, Jules Malou et Jules Van Praet, le secrétaire du
Roi ».
  Le mari de Léontine Piron, désormais à la tête d’Hulencourt, était apparenté
aux célèbres frères Honnorez à qui l’on doit l’exécution et la construction des
travaux du canal de Mons à Condé (1807-1814), ce qui donnait aux cousins50 du

46
     Piron Léontine Charlotte Amélie Pauline (1816-1893), fille de Emmanuel Etienne Piron (1782-1817), avocat et
     de Charlotte Zéphirine Louise Édeline, née à Verviers (1790-1817). Épouse d’Albert Charles Honnorez (1812-
     1862), major au régiment des Grenadiers. Mère de Mélanie Honnorez, épouse d’Henri Adan, avocat et de
     Laure Joséphine Honnorez, épouse de Charles Bisserot, lieutenant général.
47
     Piron Jules Emmanuel Raymond (1811-1867). Négociant et fabricant d’étoffe. Petit-fils (par sa mère) de Casimir
     Édeline (+1821) et de Marie Anne Tops (+an XI). Fils d’Emmanuel Étienne Piron (1782-1817) et de Charlotte
     Édeline (1790-1817). Époux de Léonarde Elisabeth Cécile Allard (1808-1871). Père de Valéry Jules Narcisse
     Piron (1837-1867), négociant à Paris.
48
     Honnorez Albert Charles (1812-1862). Petit-fils de Pierre Lambert (1738-1709), médecin pensionnaire de la
     ville de Mons et de Marie Madeleine Legente (1733-1815). Fils de Jean Remi François (1768-1828) , avocat.
     Epoux de Léontine Piron (1816- ). Père de Mélanie, épouse Henri Adan et de Laure, épouse Charles Biberot. Le
     decujus est le beau-frère de Charles Eppo Dumonceau de Bergendal (1800-1881).
49
     Anspach François Louis Jean Jacques (1784-1858). Banquier, député. Directeur de la S.A de la Caisse hypo-
     thécaire. Fils d’Isaac Salomon (1746-1825), pasteur protestant et d’Aimée Papet (1753-1811). Époux en 1826,
     de Mélanie Marie Françoise Aglaé Honnorez (1807-1851), fille de Jean Remi François Honnorez (1768-1828),
     avocat et d’Ernestine Bara (1771-1814). Père de Jules Victor (1829-1879), bourgmestre de Bruxelles, époux en
     1851, de Fanny Urban (1828-1895) ; Édouard (1831-1902), époux de Marie Catherine Nieuwenhuys; Eugène
     (1833- ), époux en 1855, d’Adèle Deswert.
50
     Jean Remy François Honnorez (1768-1828), le père du propriétaire d’Hulencourt, était le cousin germain des
     frères Augustin (1770-1840) et Florent (1780-1830) Honnorez.
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propriétaire d’Hulencourt, une situation de monopole sur le trafic de charbon du
Borinage vers Paris. Il en résulta pour ces entrepreneurs de travaux publics, une
des plus grandes fortunes de l’époque. A sa mort en 1840, la succession d’Augustin
Honnorez s’élevait à 9,6 millions51, matérialisés par 34 fermes et deux châteaux
soit 2926 ha donc notamment par 842 ha de forêts achetées en 1826 pour 974.
000 florins au Syndicat d’amortissement52.
  En 1865, Joseph Emmanuel Piron et son fils Narcisse Valéry vendirent pour
200.000 francs à Antoine Joseph Defalque, fermier demeurant à la ferme
d’Hulencourt, 50 ha de terre entourant ladite ferme53.

     Evrard TOPS                                PIRON                 Casimir EDELINE      x    Marie Anne
        -1816                                                              -1821                  TOPS

         x 1 Charlotte FAYELLE
                  - 1806
         x 2 Marie Jos PIRON                    Emmanuel Etienne PIRON              Charlotte EDELINE
                 - 1844                                                        x
                                                     1782-1817                         1790-1817

      Lenarde ALLARD           x Joseph E. Raymond PIRON                   Léontine PIRON
         1808-1879                      1811-1867                              1816-

                                                                                   x

                                                                                       Albert Charles HONNOREZ
                            Valéry                                                             1812-1862
                          1837-1867

51
   AE, Namur, Fonds Licot, n°23. Voir aussi BELVAUX (Marc) et de MONTPELLIER (Frédéric) : La famille Licot et Licot
   de Nismes. Cinq siècles de production et de travail du fer dans l’Entre-Sambre et Meuse. 2018, p.177.
52
   Tallier (Pierre-Alain) : La vente des forêts domaniales des provinces méridionales du Royaume des Pays-Bas par le
   Syndicat d’Amortissement (1824-1830). BCRH, CLXVI, Bruxelles 2000, 303 p. Le syndicat d’amortissement fut
   mis en place en 1822 par le souverain des Pays-Bas, pour gérer, en échappant au contrôle des Etats Géné-
   raux, l’énorme dette publique. Il était chargé de la gestion des forêts dans le but d’en tirer le maximum de
   ressources, notamment en les vendant.
53
   AE, LLN, Cons Hyp, 3717/52.
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La Petite Ferme d’Hulencourt :
de Lambrechts à Jacquelart en passant par Dumonceau
                                                  Vendue comme bien national54, la Petite ferme
                                                d’Hulencourt fut acquise par le célèbre juris-
                                                consulte belge, franc maçon55 ex-joséphiste56
                                                et partisan de la Révolution française, Charles
                                                Joseph Mathieu Lambrechts57. Alors qu’il était
                                                ministre de la Justice (1797-1799)58 sous le Di-
                                                rectoire, il achète en ventôse de l’an VI (février
                                                1798), le premier lot59, avec 92 bonniers, pour
                                                609.000 francs60.
                                                  Lambrechts vit à Paris où il est logé et meublé
                                                aux frais de la République. Il touche un traite-
                                                ment, qui est de la moitié de celui des directeurs,
 Charles Joseph Mathieu Lambrechts
           (Coll Wikipédia)
54
   Au cours de l’année 1797, après avoir réalisé « l’inventaire », l’administration des domaines procéda aux pre-
   mières adjudications publiques des immeubles confisqués. Selon François Antoine : le département de la
   Dyle adjugea 14.439 lots entre 1796 et 1813. Ces biens appartenaient à 95 % à l’Eglise. Le Chapitre de Nivelles
   (1145 ha) ; Villers (2885ha), Afflighem (5606 ha). L’Ordre de Malte disposait de moins de 1000 ha. Au total ce
   furent 56.168 ha qui ont été aliénés soit 17% de la superficie du département de la Dyle à quoi s’ajoutaient
   343 fermes et 77 moulins. La bourgeoisie emporta 77 % de la superficie. Les Bruxellois acquièrent plus de 37
   % de la superficie du sol.
55
   Lambrechts fut initié en 1774 à la Loge des « Amis de Salomon » regroupant des étudiants en droit de l’uni-
   versité de Louvain.
56
   Sous Joseph II, il se fit remarquer, puisque l’Empereur dans sa volonté de renouveler l’enseignement, le desti-
   nait à la chaire de droit public de l’université de Louvain.
57
    Lambrechts Charles Joseph Mathieu (1753-1823). (Comte de l’Empire). Issu d’une famille terrienne de Hes-
   baye liégeoise. Jurisconsulte, né à Saint-Trond. Ancien recteur de l’université de Louvain (1786), juriste remar-
   quable, il fut successivement agent municipal, commissaire du directoire exécutif, président de l’administra-
   tion centrale de la Dyle, ministre de la Justice, sénateur (1799). Fils aîné d’Egide Jean, colonel au régiment de
   Zell au service des Etats Généraux des Provinces unies et d’Anne Nathalie de Malouy. Célibataire.
58
   Après le coup d’Etat de Fructidor (an V), il fut ministre du 3 vendémiaire de l’an VI (septembre 1797) à la fin
   messidor de l’an VII (juillet 1799). Les ministres étaient nommés par le Directoire et révocables à sa volonté. Ils
   faisaient un peu office de chefs de bureaux, tant les directeurs empiétaient sur leurs prérogatives.
59
   La vente du 2 ventôse de l’An VI (février 1798) contient 8 lots. Des lots de peu d’importance, sauf le premier
   avec le bâtiment de la ferme (92 bonniers) et le quatrième (170 bonniers) acquis par Jean Gérard Van Cyl de
   Bruxelles pour la somme de 1,2 million de francs. Sur ce dernier, nous n’avons pas trouvé d’information.
60
   Lambrechts. PV d’adjudication du 2 ventôse de l’an 6 (affiche 65).
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c’est-à-dire 25.000 myriagrammes de froment, soit en fait une soixantaine de
mille francs. Il vit simplement, ce qui pour un ministre sous le directoire, n’était
pas commun. D’ailleurs quand il prit ses fonctions au ministère de la Justice, les
huissiers de l’hôtel, serviteurs à cadenettes, poudrés, bien élevés et silencieux, sty-
lés par leurs contacts avec des dignitaires graves distants et discrets, eurent du
mal à voir dans la mise toute simple de Lambrechts, l’arrivée du nouveau ministre.
Les concierges lui disputèrent un moment l’entrée de l’immeuble. Il faut dire que
c’était un ministre, certes excellent administrateur, mais pris dans la province.
  Le nouveau propriétaire d’Hulencourt est un homme nouveau dans un monde
nouveau. C’est un fervent adepte de l’annexion et des idées françaises. Il est contre
les prêtres, contre les nobles, contre les rois. C’est un radical, un missionnaire
de l’ordre nouveau, « un paperassier méticuleux et sectaire »61. Il combat « les
monstruosités de l’Ancien Régime ». C’est un ancien vonckiste62. Un adversaire de
la « république sacerdotale » issue de la révolution brabançonne. Il est tétanisé par
ce qu’il a vu alors. Et de raconter l’aventure d’un infortuné jeune homme, que l’on
disait d’ailleurs bon catholique et qui fut assailli à Bruxelles par des fanatiques, qui
lui scièrent la tête, pour avoir, disaient-ils, manqué de respect à une procession de
capucins. « Je vis, de mes propres yeux, cette populace effrénée passer sous mes
fenêtres avec la tête sanglante du malheureux ; elle allait présenter son exécrable
offrande au couvent des révérends pères : cette affreuse image ne sortira jamais
de ma mémoire. » Il partage la réflexion de Camille Desmoulins qui voit dans les
Belges : « une sorte de peuple oriental dont la raison sommeillante ne progresse
jamais et dont l’esprit comme la bière restaient exactement les mêmes d’année
en année ».
  Lambrechts est un ami du révolutionnaire Nicolas Jean Rouppe63, ex sous-diacre
et devenu énergique commissaire du directoire, mais ni rabique, ni intolérant, et

61
   PERGAMENI (Charles) : L’esprit public bruxellois au début du régime français. Bruxelles, 1914, p.37.
62
   Du nom de Jean-François Vonck (1743-1792), un des leaders de la Révolution brabançonne 1789-1790. Il est
   le porte-parole de tous ceux qui veulent suivre le modèle français avec le principe de la souveraineté natio-
   nale du peuple. Il se heurte aux Statistes, dirigés par Henri Van der Noot (+1827) et à son grand mouvement
   conservateur. Le mouvement vonckiste tourna court et Vonck dut fuir en France.
63
   Rouppe Nicolas (1769-1838). Né à Rotterdam. Commissaire de la Convention à Louvain. Commissaire du direc-
   toire exécutif près de l’administration municipale de Bruxelles. Maire de Bruxelles de 1800-1802 sous le Consu-
   lat. Conseiller de la préfecture de la Dyle sous l’Empire. Il fut révoqué par Fouché qui s’opposa à sa nomination
   comme juge de paix. Il devint bourgmestre de Bruxelles (1830-1838). Membre du Congrès National. Député
   libéral de l’arrondissement de Bruxelles.
18                                   Le Lothier Roman 2019 n°1

qui sera maire de Bruxelles sous le Consulat. Lambrechts est un jacobin convain-
cu. Plus convaincu d’ailleurs que la plupart des représentants de la municipalité
de Bruxelles. Il fait courber le dos à bien des désemparés. Il est l’artisan le plus im-
pitoyable de la politique antireligieuse du nouveau régime. Il s’est associé à toutes
les mesures persécutrices du Directoire. Il s’agissait avec lui de bien prêter « le ser-
ment de haine à la royauté ». Il passe pour « un novateur impénitent qui s’efforça
de mutiler et d’anéantir sa patrie à partir de 1794 » selon la formule de l’historien
catholique, le baron Paul Verhaegen64. Bref ce que la République appelle « un
républicain sage et ferme », qui n’avait rien d’un flibustier pressé de faire fortune.
  Cocarde tricolore, Salut et Fraternité. Voici les fêtes décadaires et les saturnales de
la Révolution, sans oublier l’humanitarisme et la raison raisonnante. Plus question
de danser et de boire de la bière le dimanche. Il y a maintenant un nouveau
calendrier à respecter. Le calendrier républicain65. Aux saints du calendrier furent
substitués des noms de légumes (choux, carottes…) ou d’instrument agricole
(charrue, brouette…). On raconte l’histoire vraie ou supposée du baron Louis de
Saint Janvier, convoqué au tribunal révolutionnaire. Ayant déclaré son nom, il lui
fut répondu : il n’y a plus de « baron », plus de « Louis », plus de « de » plus de « saint »
et plus de « janvier ». Vous êtes le citoyen Chou Carotte Nivôse ». Avec des gens
comme Lambrechts, la ci-devant Belgique est mise au pas. Fini les processions
de capucins. À Genappe, le peuple se doit de suivre la fête de l’Agriculture. Mais
la déesse revêtue de céréales et l’Arbre de la Liberté n’enthousiasment personne.
  Le propriétaire d’Hulencourt est et sera un des hommes les plus en vue de
notre pays. C’est une sommité dans son domaine (le droit). Il faillit même deve-
nir membre du Directoire avant que « la taupe de la Révolution », Sieyès66 ne lui
fut préféré. Il fallait un successeur de grande réputation pour donner un peu de
considération au Directoire et l’on songea à Sieyès dont le nom après celui de Bo-
naparte était le plus important de l’époque67. À la Justice, Lambrechts sera finale-
ment évincé par Cambacérès68. Il revient alors quelques mois à Bruxelles, à titre de

64
   VERHAGHEN (Paul) : La Belgique sous la domination française. Bruxelles, 1981, T II, p.92.
65
   Il est institué pendant la Révolution par la Convention le 5 octobre 1793. Il commence rétroactivement le 22
    septembre 1792 à minuit (jour de la fondation de la République) et perdure jusqu’au 31 décembre 1805 (10 ni-
    vôse an XIV). C’est à l’instigation de Napoléon que le calendrier grégorien le remplacera dès le 1er janvier 1806.
66
   Sieyès Emmanuel Joseph (1748-1836). Abbé, homme politique et essayiste. Élu à la Convention en 1792. Il
    vote la mort du Roi en 1793 et se « déprêtrise ». En 1799, il entre au Directoire et prépare le coup d’État du 18
    Brumaire. Consul. Président du Sénat. Comte de l’Empire (1808).
67
    THIERS (Adolphe) : Histoire de la Révolution française. Paris, 1857, T.X, p.186.
68
   Cambacéres (1753-1824), duc de Parme, archichancelier de l’Empire.
Le Lothier Roman 2019 n°1                                               19

président de l’administration centrale de la Dyle. Rallié au coup d’Etat du 18 bru-
maire (1799), il s’oppose par la suite, non sans audace, au despotisme du Premier
consul, à l’octroi à Bonaparte du Consulat à vie. Il entra au Sénat conservateur, dès
sa création le 3 nivôse de l’an 8 (1799) et ne tarda pas à passer de la bonne bour-
geoisie d’Ancien Régime à la grande notabilité d’Empire. Car sous l’Empire, il vivait
à Paris69 et ne possédait plus de résidence à Bruxelles. On le décrivait alors comme
« un sénateur intègre, juste irréprochable dans sa conduite selon le commentaire
de la liste des notabilités de 1806 »70.
  Sorte de Caton souvent en délicatesse avec Napoléon, il dressa un réquisitoire
impitoyable du régime. Lambrechts fit partie pendant 11 ans au Sénat, de cette
minorité courageuse qui osa s’opposer à Napoléon. C’est le très républicain
Lambrechts qui demanda d’ailleurs le premier et vota en avril 1814, la déchéance
de Napoléon et de sa famille. Les sénateurs, véritables girouettes, aiguillés par
Lambrechts, prirent ainsi leur revanche sur leur longue docilité. Ce que d’aucuns
appelèrent « l’ultime lâcheté du Sénat », « cette citadelle de profiteurs et de nantis
de Brumaire ». D’autres évoquèrent un geste d’adieu ingrat en partant du prin-
cipe qu’il n’y eut jamais « un corps plus adulateur, plus vil, plus rampant et plus
ingrat » que le Sénat-conservateur. Le propriétaire d’Hulencourt a sauvé l’hon-
neur de cette institution de reptiles. Il fut d’ailleurs chargé de rédiger « l’acte de
déchéance » de Napoléon. Il fut aussi chargé de préparer avec quatre autres séna-
teurs, un projet de Constitution71. C’est assez dire l’envergure du bonhomme.
  Au moment de son achat d’Hulencourt, Lambrechts fait partie de la liste des
60 propriétaires du département de la Dyle les plus distingués par leur fortune
et leurs vertus publiques et privées. Riche de biens nationaux acquis en grand
nombre72 et sans le moindre scrupule de conscience, le vertueux citoyen se fixe
à Paris.

69
   Lambrechts est propriétaire depuis 1803, d’un hôtel à Paris, rue du Cherche-Midi, l’actuel n°18 de cette rue
   occupée par un bureau d’archives généalogiques.
70
   LOGIE (Jacques) : Les grands notables du Premier Empire dans le département de la Dyle. Fontes Bruxellae, 6,
   2013, p.34.
71
   AZIMI (Vida) : Les premiers sénateurs français. Consulat et Premier Empire. Picard, 2000, p.166.
72
   Il achète notamment en l’an IX des biens à Braine-l’Alleud aux frères Bodin Louis et Victor. Les frères Bodin
   abandonnèrent en l’an IX, leurs activités de fournisseurs pour se spécialiser dans l’achat et la revente des
   biens nationaux tant en France qu’en Belgique et surtout dans le département de la Dyle. AE, LLN, Cons Hyp,
   292 /142.
20                                   Le Lothier Roman 2019 n°1

   L’achat de biens noirs73 ne l’empêcha pas de dormir. Pourtant à l’époque, tout Belge
acheteur de ces « biens noirs » se coupait de l’assentiment général. Voilà pourquoi
beaucoup hésitaient alors à faire cette démarche impie, craignant la vengeance
divine, le courroux divin. Il y avait du sacrilège dans l’air, une aversion des Belges
pour ce genre d’achat. Sans parler de l’incertitude où l’on était sur le futur sort de la
Belgique. Nombreux étaient ceux qui répugnaient à en acheter, persuadés que ces
biens ne porteraient pas « bénédiction aux familles » que la « prospérité temporelle
ne les suivrait pas », que Dieu se refuserait à leur accorder « la rosée du ciel ». À
Jodoigne, le citoyen Hubert Colsoul, grand acheteur de biens nationaux, dont une
ferme à Piétrain appartenant à l’abbaye de La Ramée, s’était suicidé. Les catholiques y
virent un signe. Cette forme de croyance à la malédiction qui frappait les possesseurs
de biens noirs était particulièrement forte dans les milieux ruraux, mais aussi dans les
couches les plus aisées du monde catholique de l’époque. La crainte de l’un ou de
l’autre « désastre temporel », soit dans leur fortune, soit dans la transmission des biens
soit dans la conservation de la famille en avait incité plus d’un à rester éloigné de
ce genre de transaction immobilière. Une légende voulait que les familles enrichies
dans les biens noirs disparaissent sans descendance. Autant dire que ces scrupules de
bondieuserie et de superstition n’effarouchaient pas le ci-devant citoyen Lambrechts.
Que du contraire. Il s’agissait de ne pas manquer une telle aubaine.
   Chez nous, les ventes se firent après la période la plus chaude de la Révolution,
car il fallut attendre 1796. À savoir la promulgation de la loi de 1796, (soit deux ans
après la seconde occupation française et un an après le décret d’adoption de nos
provinces par la République) qui supprimait dans les départements nouvellement
réunis, tous les ordres et congrégations religieuses et confisquait leurs biens
au profit de la Nation. Au cours de l’année 1797, après avoir réalisé l’inventaire,
l’administration des domaines procéda aux premières adjudications publiques
des immeubles confisqués.
       « On jeta sur le marché des quantités considérables d’immeubles, hôtels
     somptueux, châteaux princiers, terres, prés et bois en plein rapport, alors que la
     hâte d’en toucher le prix, l’absence de numéraire et le petit nombre de citoyens
     disposés à acheter, en dehors des jacobins français ou belges, empêchait toute
     concurrence. Ainsi on obtint des sommes dérisoires pour les caisses publiques
     et on enrichit contre toute justice quelques acquéreurs impudents, assez osés
     pour braver l’opinion et assez confiants pour escompter la continuation du
     régime de conquête »74.

73
     Dont, outre Hulencourt, quelques fermes et terres aux environs de Louvain.
74
     VERHAGHEN (Paul) : La Belgique sous la domination… op cit ; T I, p.484.
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