Le Poulpe, La Crevette et le Cachalot - Texte et illustrations: Roger Coste
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Nageant côte à côte sans d’autre requête, en une mer lointaine, vivaient une crevette candide et joyeuse, et un poulpe austère dont toutes les craintes ne faisaient point mystère. 1
Alors qu’il naviguait solitaire la crustacée s’incrusta Pour briser le silence de la mer Et converser de bon droit. 3
« Que voici de longs bras, si souples et habiles Quel bonheur de danser dans l’onde avec toi Cela devrait-il être, ô poulpe si agile ! » risqua la crevette d’un sourire courtois « - Quelle chance as-tu d’avoir cette carapace ! » s’émerveilla le céphalopode inquiet « Si j’étais comme toi j’aurais bien plus d’audace jouissant des courants sans jamais me méfier. - Et bien détrompe toi, si petite et fragile je suis bonne à croquer, mais trop m’en soucier serait chose vaine; je dédie mes pensées à tout ce qui est beau, joyeux et futile. 5
- Comment puis-je louer ta tendre insouciance ? Tu as beau jeu d’aimer ces réjouissances Mais tu ne pourras plus jamais t’émerveiller En rassasiant la panse d’un poisson carnassier. Ecoute bien ceci, c’est l’intelligence la meilleure gardienne de notre existence. De sa sœur la défiance on ne doit se défaire Il serait de bon ton de nous en satisfaire. » 7
Tant de sagesse et de prudence Firent taire notre crevette Qui aurait rêvé d’une danse Ou de rencontrer un poète. 9
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Derrière eux une voix troubla leur quiétude Une voix caverneuse qui, de sa puissance Bouscula nos amis d’un courant plus rude Et d’un grand cachalot révéla la présence. 11
« Vous êtes fort imprudents de vous trouver ici, Savez-vous qu’en ces lieux un calamar géant cherchant sa pitance, affamé m’a-t-on dit, Aimerait sans doute vous mettre sous sa dent. Qu’à cela ne tienne, je vous propose alors Dans ma grande bouche de bien vous abriter Vous y auriez à deux sans doute tout le confort Et vos précieuses vies en seraient épargnées. » 13
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Le poulpe s’inquiéta, méfiant comme toujours Craignant du cétacé le jeu d’un mauvais tour : « - De quelle contre-partie faudrait-il s’acquitter en digne réponse à votre hospitalité ? » -Je n’en demande point, je veux rendre service Vous voir ainsi tous deux, bien innocentes proies vulnérables, chétives, s’exposer au supplice m’invite à vous offrir là un tout autre choix. 15
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- Monseigneur Cachalot, répondit la crevette la générosité s’allie ici au bon sens Il y a peu l’on vient de m’enseigner la prudence, Refuser tel havre ! Nous serions si bêtes ! » Le cachalot ouvrit sa bouche béante Et sans plus attendre la crevette y entra. Le poulpe s’exclama : «Mais Quelle inconsciente ! » Et n’eut le temps de la retenir de ses bras. « Il n’est, dans tous les océans et la terre, nulle créature qui ne soit intéressée Cette gueule lui servira de cimetière C’était un vil piège pour pouvoir l’avaler ! - Tu te trompes cent fois lui dit le cétacé » l’invitant prestement, insistant à nouveau. Mais le poulpe s’enfuit, se sachant plus rusé, Pour quérir refuge bien loin du cachalot. 17
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Lorsque soudainement, de derrière les coraux Surgit la silhouette du calamar géant Prédateur redouté de bien des animaux Qui aiment à nager au sein des océans D’un trait il avala le poulpe malheureux puis partit rassasié de ce repas copieux. 19
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La crevette fut libérée de son hôtel, Remercia promptement l’aimable bienfaiteur La vie lui paraissait toujours aussi belle Aimant toujours autant ses joies et ses bonheurs Par excès de prudence, à trop vouloir se méfier l’on oublie que la confiance Doit savoir aussi nous guider. À voir trop de complots et autant de vices Croyant la renforcer on perd sa malice 21
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Le cachalot était poète à ses heures, Et faisait de surcroit un excellent danseur... 23
Textes et illustrations: Roger Coste Remerciements à Perrine Blanc pour ses conseils et encouragements Mai 2020 24
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