Le printemps est inexorable - instants de la création - Théâtre National Populaire
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Dans ce numéro La Troupe éphémère du TNP, deux chroniques d’André Markowicz, le témoignage de François Hien et un appel à souvenirs en vue du Centenaire ! instants de la création direction Jean Bellorini #3 • avril-juin 2021 La Troupe éphémère en répétition (Elena Guy) © Jacques Grison Le printemps est inexorable « Ils pourront couper toutes les fleurs, de maison à la croisée des chemins formée il y a plus d’un an, arrive enfin ils n’empêcheront jamais le printemps », artistiques. Les artistes, quelles que au terme d’une création dirigée par Jean écrivait Pablo Neruda en 1973. Un vers soient leurs disciplines, ont eu à affronter Bellorini ; le traducteur André Markowicz, devenu célèbre tant il dit en quelques la même interrogation : comment écrire, qui devait tenir une carte blanche en mots toutes les forces dont l’être humain lire, jouer malgré tout ? Chacun, à sa mars, a proposé à des jeunes lycéens est capable : l’espérance, la survie, manière, a fait de la création une forme de Villeurbanne de traduire des poèmes l’insoumission. À ce jour, tandis que de résistance. arabes datés du VIIIe siècle ; François Hien, la crise sanitaire s’est doublée d’une Dans ce numéro, Bref a choisi de auteur du spectacle L’Affaire Correra, a crise culturelle, le TNP soutient les mettre à l’honneur la jeunesse, pilier du pris la mesure de la violence des entraves rassemblements des acteurs culturels projet artistique de Jean Bellorini. Une impliquées par la crise suite à ses et les demandes urgentes de mesures jeunesse si malmenée par la crise et mise échanges avec des lycéens. Les rencontres d’accompagnement, en particulier la également au cœur de la candidature qui s’égrènent dans ce numéro disent une prolongation de l’année blanche pour les heureuse de Villeurbanne à la Capitale seule chose, la nécessité de l’art pour droits des intermittents. Depuis mars, française de la culture 2022. Que ce soit traverser cette crise et plus largement la le théâtre est occupé. Cet activisme à travers une création ou des ateliers de vie. Mettre à l’honneur ces jeunes, c’est essentiel s’est concilié avec les activités transmission, les jeunes ont pu travailler vous redire notre conviction profonde de création : des spectacles se sont avec les artistes, donnant lieu à des qu’un renouveau arrive. Car, pour citer à créés, une tournée hors les murs s’est rencontres aussi riches qu’inattendues. nouveau Pablo Neruda, le printemps est mise en place. Le TNP a tenu son rôle La première Troupe éphémère du TNP, inexorable.
coup de projecteur La Troupe éphémère Aujourd’hui, demain, éternelle antithèse. Aujourd’hui, c’est la Une aventure réalité ; à tort ou à collective raison on ne l’aime en temps de guère. pandémie Demain ce sont les collines bleues du Jean Bellorini rêve son TNP comme un délicat mélange d’ici lointain, ce sont et d’ailleurs, où transmission et les rives nacrées création sont totalement liées. À son arrivée à la direction du à l’horizon. Demain théâtre en janvier 2020, c’est donc tout naturellement qu’il a c’est l’espoir, le rêve. poursuivi l’expérience inventée Malgré toutes les au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis : former une Troupe désillusions, je rêve éphémère avec une trentaine de encore d’un nouvel jeunes du territoire, choisis pour leur motivation et dirigés avec la art dramatique. plus haute exigence, comme des professionnels. Retour sur cette Firmin Gémier, 1er mars 1923. aventure collective en temps de pandémie. La Troupe éphémère en répétition © Jacques Grison L’ aventure de la Troupe éphémère avait rendus plus forts que le doute ? Quelle impé- une première finalité : créer le spec- de rassembler le peuple. Il se positionne ainsi mises en scène. Au lendemain de la guerre, des premières séances de répétition avec la Troupe mélange d’humanité, la dépendance des uns rieuse nécessité les a fait tenir ? Les jeunes tacle d’ouverture du Centenaire du TNP, contre le vaudeville bourgeois et milite en fa- députés lui octroient enfin les subventions né- éphémère, ils ont pris la mesure de la vie et aux autres est remarquable. comédiens et comédiennes, loin de chercher à initialement prévu en novembre 2020. De fé- veur d’un répertoire nouveau. Autour de son cessaires à la création d’un cinquième théâtre du mystère qui parcouraient ces textes a priori donner des réponses à ces interrogations, dé- vrier à novembre 2020, la Troupe devait donc projet, gravitent ainsi les figures tutélaires de national : celui-ci sera « populaire ». L’inaugu- déclamatoires. À condition que les jeunes ac- « Le spectacle est devenu ploient tous les mystères qu’elles contiennent. travailler sur une création en hommage à Fir- Rousseau (premier défenseur de la fête théâ- ration a lieu en 1920, dans la salle des fêtes ceptent de parler en leur nom propre, tous ces un acte de résistance » Les répétitions avancent et la ligne artistique min Gémier, le premier patron de cette grande trale et citoyenne sur les places publiques), du Palais du Trocadéro. Mais les subventions mots étaient capables de briller. Simplement, se resserre : tout se passe dans un théâtre qui maison. Non pas une reconstitution historique, Romain Rolland (écrivain qui souhaite éclairer sont loin d’être à la hauteur d’un tel lieu et sans revendication, avec tendresse. Et pour au- Et puis sont venus le confinement, le couvre- aurait été abandonné depuis des dizaines, mais un spectacle choral, une déambulation les citoyens sur leur vision politique tout en les spectacles qui s’y donnent sont laborieux. jourd’hui. Pour contrer l’écriture un peu passée, feu et les mesures sanitaires restrictives. Les des centaines d’années. Les jeunes viennent joyeuse et festive en écho aux expériences les distrayant), Maurice Pottecher (fondateur Le Théâtre National Populaire entre dans une le vocabulaire suranné, le style parfois pres- répétitions annulées, les rendez-vous man- raconter des histoires de naissance, d’appari- scéniques de cet homme de théâtre méconnu. du Théâtre du Peuple en 1895, qui réunit sur phase de déclin avant la renaissance quelques criptif, ils ont donc travaillé à s’approprier ces qués. À partir de janvier 2021, après plusieurs tions. Des costumes historiques du TNP, prêtés Né en 1869, mort en 1933, Firmin Tonnerre dit scène et dans la salle ouvriers, employés et décennies plus tard, lorsque la femme d’État mots. Lancer des questions plutôt que d’assé- faux-départs, la création reprend pourtant par la Maison Jean Vilar, servent de décor et Firmin Gémier est le grand oublié du théâtre bourgeois), André Antoine (qui prône la recons- Jeanne Laurent voit en Jean Vilar une parfaite ner des vérités générales. Les mots de Firmin pour de bon. Pour tous, ce spectacle prend de présences, comme des fantômes du passé du début du xxe siècle. Véritable vedette de la truction artistique du réel sur les scènes) ou figure de successeur. Gémier pouvaient alors sonner comme un rêve, une couleur particulière. Construit en plein regardant des jeunes gens du présent. scène, il est notamment le créateur du per- Jean Jaurès (intellectuel engagé aux côtés presque inavouable – Gémier se qualifiait lui- cœur d’une longue période de fermeture des Cette première Troupe éphémère du TNP, sonnage d’Ubu dans la pièce d’Alfred Jarry. des ouvriers et des mineurs, chef socialiste). « Des écrits intempestifs même de « perpétuel rêveur éveillé ». Quelque théâtres, il devient un acte de résistance. Les consciente de vivre un moment doublement Fils d’un tanneur reconverti en aubergiste à Mais ce que l’on retient souvent de Firmin et lumineux » chose pouvait alors danser à l’intérieur de cha- jeunes ont pleinement pris conscience que exceptionnel, s’est ainsi trouvée formidable- Aubervilliers, il débute comme apprenti chez Gémier, c’est sans doute son étonnant pro- cun, de chacune. Les jeunes s’improvisaient l’art du théâtre est un art du présent et du ment unie face à l’adversité. Par sa présence un chimiste. Sa curiosité le rapproche peu à jet de théâtre ambulant, amorcé à l’été 1911 : Firmin Gémier, s’il n’a pas été retenu par la dépositaires de rêves du passé. Ils se saisis- vivant. Que les êtres humains ont besoin de se régulière et joyeuse, elle a également revêtu peu du monde théâtral : il fait la claque, de- 8 tracteurs à vapeur et un train de 37 wagons postérité, a ainsi posé de nombreux jalons d’un saient de ce passé pour être là, maintenant. retrouver, de se rassembler pour que le théâtre un poids symbolique fort pour l’équipe du TNP. vient figurant, puis obtient des petits rôles. transportant un gradin de 1 500 places à tra- théâtre populaire, décentralisé, subventionné. Presque malgré eux, ils se rapprochaient du apparaisse. La preuve tangible que le théâtre de demain En 1892, il rejoint le tout jeune Théâtre Libre vers la France, pour partager avec le plus grand Son combat, simple et grandiose, est parvenu théâtre ambulant de Gémier, ce théâtre no- Aux déclarations de Firmin Gémier sur le est bien là. d’André Antoine qui défend un théâtre natu- nombre un théâtre de qualité. Autrement dit, jusqu’à nous grâce aux témoignages de ses made dont la définition la plus simple serait théâtre populaire, répondent des lettres iné- raliste inspiré de Zola. Firmin Gémier se révèle une initiative de décentralisation théâtrale contemporains et grâce à ses nombreux textes la suivante : des gens mus par la nécessité de dites d’acteurs ou d’actrices de Jean Vilar ou À découvrir en septembre 2021, dans le cadre être un acteur généreux, charismatique et ca- avant l’heure. Sa troupe rencontre un vif suc- souvent issus de prises de parole publiques. rassembler d’autres gens. Sur scène, les sin- des extraits de textes phares. Dans tous ses du Centenaire. Ce projet s’inscrit également pable d’interpréter un répertoire très large. cès mais l’investissement est trop lourd et le Ce sont ces écrits, intempestifs et lumineux, gularités des jeunes frappent. Vingt-cinq êtres textes passionnés, émergent les doutes des dans le label Capitale française de la culture Fervent socialiste, il pense le théâtre comme projet s’éteint dès 1913. Firmin Gémier, infati- qui ont d’abord intéressé Jean Bellorini et sa humains réunis sur un plateau de théâtre, c’est directeurs, des artistes et de tous ceux qui 2022, remporté par la ville de Villeurbanne. la nouvelle religion, un acte collectif à même gable, ne capitule pourtant pas et enchaîne les collaboratrice Mélodie-Amy Wallet. Lors des rare. Même avant la crise sanitaire. Dans ce ont porté le projet du TNP. Qu’est-ce qui les a 2 — Bref #3 — avril-juin 2021 Bref #3 — avril-juin 2021 — 3
Conversation avec Chroniques d’André Markowicz les jeunes artistes En mars, le TNP avait laissé à André Markowicz, En mars 2021, Bref a rencontré six participants de la Troupe éphémère. traducteur et artiste associé, une carte blanche en Merci à Ethan Lissillour, Rachel Proot, plusieurs volets. Il avait prévu de vous faire entendre des Adélie Laurent, Tatiana Guille, textes de Marina Tsvétaïeva, d’Anna Akhmatova ou de Baptiste Darras et Martha Jeffrey. Françoise Morvan. Si la plupart des spectacles ont été Quels ont été les temps forts de cette expé- reportés en janvier 2022, André Markowicz et Françoise rience ? Morvan ont tout de même rejoint la vie du théâtre pour Ethan. J’ai l’impression que le groupe s’est uni suite au confinement. Avant cela on avait eu deux semaines. Une présence radieuse, généreuse et seulement trois séances, la rencontre n’avait tendre. Deux événements ont tenu bon : un stage avec pas vraiment eu lieu. Et puis quand on s’est re- trouvés il y a eu assez vite une sorte d’harmo- des élèves de seconde du lycée Faÿs et un atelier à nie. La crise sanitaire a bien sûr été un poids, destination des élèves du 3e cycle du Théâtre de l’Iris- mais a aussi créé l’espoir de se retrouver et de concrétiser le spectacle. Pour tous, le ren- ENMDAD autour d’un texte inédit de Françoise Morvan, dez-vous du samedi est devenu essentiel. En L’Oiseau-Loup. André Markowicz revient sur la richesse ce qui me concerne, j’ai toujours l’impression La Troupe éphémère en répétition (Ethan Lissillour et Baptiste Darras) © Jacques Grison de ces deux expériences de transmission. de m’évader. André Markowicz et Françoise Morvan © Jacques Grison Tatiana. Après le confinement, c’était presque déstabilisant d’être avec autant de monde ! En se réduit pas à eux. Je sens que c’est notre Rachel. Ce que j’aime, c’est comment ces ce moment encore, pour ceux d’entre nous présence, notre écoute qui importe. textes sont devenus les nôtres. J’ai l’im- 26 février 2021 – Ce stage, il a été tellement intense, telle- Et puis, pendant, finalement, deux autres se- qui sont à la fac, c’est notre seul lien social. pression d’avoir un lien avec ces textes, de Je suis au théâtre ment beau, sur Rimbaud et Verlaine, et sur maines, nous avons travaillé avec les élèves du Psychologiquement, ça fait du bien. Ce groupe « Les fantômes sont là, mais connaître les personnages. Par exemple à tra- Ce n’est pas vrai que le théâtre est mort et qu’il Abou Nawas, c’était tellement inouï, que, juste, théâtre de l’Iris, sur L’Oiseau-Loup, et, comme est forcément spécial. tout est dans la continuité » vers Luna, j’ai l’impression d’avoir connu Maria ne passe que son temps à reporter, à retrou- là, ici, publiquement, je veux dire ça, que ça a c’était à visée pédagogique, eh bien, il y a eu Adélie. Je me souviens des premières retrou- Casarès ! Vraiment, on a l’impression d’avoir ver des dates. Non. – Non seulement il y a eu lieu et que, le poème qu’ils m’ont envoyé deux représentations… L’équipe du TNP a pu vailles après le confinement. L’été était passé Pouvez-vous dire un mot de vos textes res- connu ces gens, de les avoir côtoyés. les projets pour les années futures, mais il y à la fin, une fois que le stage était fini, a été maintenir… Mais au lieu des 200 personnes qui par là, puis la rentrée. Il y a eu un exercice où pectifs ? a le travail avec les établissements scolaires pour moi une source d’immense fierté, et de auraient dû y assister, il y avait une quaran- on était allongés par terre et il fallait simple- Tatiana. Mon texte est très politique. C’est une Pouvez-vous revenir plus précisément sur le – fondamental. Parce que, pour l’instant, du grande émotion. Voilà, je le dis comme c’est. taine de spectateurs, personnels de l’Iris et ment trouver quelqu’un et toucher sa main… définition du mot populaire puis plus préci- travail mené avec Jean Bellorini et Mélodie- moins, les lycées (et là encore, dans quelles du TNP, – et les élèves ont dû jouer deux fois C’était tout simple et incroyable. Je me sen- sément du théâtre populaire. Après le confi- Amy Wallet ? conditions…) sont ouverts. Et, moi, donc, 12 mars 2021 – de suite, avec une demi-heure de battement, tais très forte. nement, il résonnait tout particulièrement. Rachel. Ils nous poussent vers un endroit qu’on je travaille avec des lycéens, des secondes, Vivants – devant le mur parce qu’on n’avait pas le droit de mettre 40 Il prône la réouverture des théâtres et pose n’aurait pas imaginé a priori. Et ils nous y em- des élèves d’une enseignante extraordinaire, L’Oiseau-Loup, c’est le dernier texte de Fran- personnes dans la salle. Ceux qui savent, par- « Je me sens chanceuse la question du pourquoi : pour devenir quoi, mènent sans montrer le chemin. Et personne Christine Constantis, du lycée Faÿs. Sur çoise. Le plus récent, je veux dire. Un texte que, mi mes lecteurs, ce que c’est que monter sur d’avoir pu continuer à faire comment veut-on qu’ils rouvrent, quelle forme n’abandonne. Parfois c’est difficile de rester Rimbaud, sur Verlaine… et sur Abou Nawas. là encore, elle a porté pendant des années et scène, la tension de tout son être que c’est, donner alors au théâtre ? quatre heures debout, de goûter les mots. Mais des années, et qui n’est pas la suite du cycle comprendront l’immensité de l’effort que nous du théâtre, être sur scène, Martha. Je dis une lettre de Silvia Montfort, qui à la fin, on est toujours dans un état beau et « Les jeunes découvrent « Sur champ de sable », mais comme à situer avons dû demander à nos treize jeunes comé- jouer, créer » interprétait Chimène dans Le Cid. Elle répond second. la richesse qu’ils pourraient avant, ou à côté, ou autour, – enfin, disons diens. Et, ces jeunes comédiens, mon Dieu, à Jean Vilar, qui se plaignait d’une représen- Tatiana. Dès le début, on est tous montés sur que les textes de « Sur champ de sable », ce comme ils ont travaillé, pendant des jours et Martha. La Troupe m’a donné beaucoup tation qu’il avait jugée mauvaise. Elle tente de scène. On a appris à être ensemble tout le posséder » sont les souvenirs, ou plutôt les remémora- des jours, eux qui, nous disaient-ils, n’avaient d’espoir pour la suite. Je me sens chanceuse se justifier mais elle est très émue, presque temps. Et nous sommes au théâtre pour travailler. Ce tions de l’un des personnages de L’Oiseau- jamais fait de lectures semblables (je veux d’avoir pu continuer à faire du théâtre, être désemparée. On sent que cette lettre de Jean Baptiste. C’est le groupe qui illumine la per- n’est pas dans le lycée. Ils viennent, à vingt- Loup qui raconte l’histoire de deux enfants bien les croire…) – cette foi qu’ils y ont mis. sur scène, jouer, créer, sans penser au Covid Vilar qui lui dit qu’elle a mal joué un soir dit sonne, il n’y a jamais une personne seule en quatre (c’est énorme pour moi), et on lit, et on puis deux adolescents, dans le même bourg du Quand, mardi dernier, ils ont senti que le filage et au monde qui va mal. Savoir qu’on créera beaucoup plus pour elle. Je me suis attachée avant. Il n’y a pas d’individualité. parle et on essaie de s’entendre (je crois qu’on Centre-Bretagne, et, lui, fils de paysan, c’est que nous avions fait était faible, d’eux-mêmes, le spectacle, coûte que coûte, ça sort la tête au personnage, je comprends sa fragilité et Rachel. Ni de rôle secondaire ou de rôle prin- y arrive), et si on parle d’Abou Nawas, c’est un chanteur, – et elle, à la fin, elle écrira son sans nous (moi, j’étais pris ailleurs, au lycée des de l’eau. sa remise en question. J’aime dire ce texte, il cipal. Tout le monde est important. parce que je ne connais pas Abou Nawas, je histoire. Je ne vous raconte rien en disant ça, Chartreux), ils ont demandé à venir travailler, Ethan. Je ne me sens jamais aussi puissant replonge dans l’ambiance de l’âge d’or du TNP. Ethan. On est tout le temps concernés. Notre ne lis pas l’arabe, alors que, parmi les élèves, mais ça se situe dans plusieurs temps à la et le TNP leur a ouvert ses portes, et là, hier, que quand on est tous les trente, alignés de- Ethan. Mon texte parle du théâtre populaire. écoute corporelle, c’est le spectacle. il y en a plein qui le parlent. Mais, justement, fois tout en étant situé, assez précisément mon Dieu, quelle beauté… vant la grande salle vide. Même si on est les Il donne espoir. Il y a une expression qui veut Baptiste. Et on ne sait pas du tout ce qu’il entre parler l’arabe à la maison, l’arabe limité au début des années 1980, à ce moment où la Ils ont été magnifiques, nos élèves. Pour seuls à pouvoir le voir, on sait que le spectacle tout dire, où le personnage se désigne comme restera à la fin. La créativité est toujours en de leur vie quotidienne, et lire Abou Nawas… il société traditionnelle bascule définitivement, quarante personnes… La bienveillance les uns vivant existe. Que la culture n’est pas morte. « le perpétuel rêveur éveillé ». Il parle aussi de marche ! y a un monde que nous essayons de franchir, où l’oppression de l’Église s’efface dans la envers les autres, la « douceur d’âme ». Tout ça l’art dramatique de demain, qui sera le même Rachel. Je crois que cette créativité naît de la – et j’essaie de faire en sorte que des gamins société (mais pas dans les collèges religieux) est à pleurer. Le spectacle parle de gens qui ont suivi leurs qu’hier – ça résonne complètement. Peut-être confiance, de l’autonomie qu’ils nous donnent. prennent ça en charge, et qu’ils apprennent à et où les petites fermes qui entourent cette désirs, leurs rêves parfois extravagants. y a-t-il un « monde d’avant » et un « monde Ethan. Peu importe qui prend la parole, c’est lire eux-mêmes. Qu’ils découvrent, ne serait- petite ville disparaissent avec le remembre- André Markowicz Comment ces histoires ont-elles résonné en d’après » mais la culture ne meurt pas pour toujours un peu le groupe qui parle. ce qu’un petit peu, comment dire ?.. la richesse ment pour laisser place aux zones commer- vous ? autant, elle fera le pont. Certes on fête les qu’ils pourraient posséder. Et ce que je peux ciales et aux quatre-voies. Mais le livre évoque Rachel. Au début, on racontait la naissance du cent ans du TNP, les fantômes sont là, mais Il y a une phrase dans le spectacle : « Et d’autres dire, c’est à quel point je les sens avides… je aussi, de manière récurrente, le souvenir de Les éditions Mesures TNP, ses sources. C’était assez rationnel. Au- tout est dans la continuité. que moi continueront peut-être mes songes ». dis « avides » et je m’arrête : avides de quoi ? la Contre-Réforme en Bretagne, le souvenir Créées en 2019 par André Markowicz et jourd’hui, j’ai l’impression que c’est plus beau. Baptiste. Mon texte est une lettre de Jean Vilar Que signifient ces mots pour vous ? Avides, je dirais, de passions à partager. Et à du père Maunoir (« le prêtre noir ») qui, plutôt Françoise Morvan, les éditions Mesures pro- Je ne sais pas si on jouera avec les masques, à Daniel Sorano, qui interprétait Figaro dans Le Rachel. C’est plein d’espoir. Avec le Covid, bien quel point le monde, autour d’eux, est lourd. qu’évangéliser les Iroquois et risquer de finir posent des beaux livres, imprimés sur un mais en répétition c’est devenu presque un Mariage de Figaro. Au début je ne savais pas sûr, ça résonne. Le théâtre a été considéré Bon, et il y a cette enseignante, Christine, qui mangé à la broche, était parti ré-évangéliser papier agréable à voir et à toucher, et dont symbole : retirer son masque, doucement, trop quoi en faire. On a tous découvert nos comme non essentiel, alors comment fait-on est là, et qui, très délibérément, n’intervient les Bas-Bretons, et avait réussi à stopper la chaque exemplaire est numéroté et signé. Les avant de prendre la parole. À chaque fois il se lettres en les éprouvant… Et puis j’ai compris pour montrer qu’il l’est ? Qu’on en a besoin ? pas, mais… qui est là, qui est avec eux, avec révolte des Bonnets rouges en terrorisant les tirages sont limités. Ces livres se trouvent dans passe quelque chose de fort. que c’était juste deux amis. Je trouve ça beau Et qui prendra cette charge ? Là, c’est nous, nous, et on sent son regard, et, réellement, paysans. L’oppression, la noirceur, et le chant. une vingtaine de librairies à travers la France Adélie. L’idée de départ est presque devenue de rassembler la Troupe éphémère autour de la Troupe éphémère, mais ensuite ce sera le regard que ses élèves portent sur elle, la Ce livre, dans lequel le récit et la poésie vont et, à partir de septembre 2021, à la librairie un prétexte pour autre chose. Les textes n’ont ces anciens comédiens, comme un passage d’autres encore. façon dont ils l’écoutent… ne rien dire. Il y a ensemble, nous le publierons l’année pro- du TNP. pas changé, mais aujourd’hui le spectacle ne entre générations. là quelque chose, vraiment, de fondamental. chaine, aux éditions Mesures. mesures-editions.fr 4 — Bref #3 — avril-juin 2021 Bref #3 — avril-juin 2021 — 5
« Ce quartier, c’est le mien. François Hien : « Le théâtre, c’est du réel » Le TNP a 100 ans ! Espoir ! → présentation de saison 2021-2022 vendredi 18 juin 2021 à 20 h C’est le pays Le Collectif X, compagnie stéphanoise, était invité au TNP fin avril pour présenter Les visages nus des quelques élèves qui s’étaient démasqués nous sont apparus comme en présence de nombreux artistes de mes enfants, L’Affaire réservation obligatoire Correra. Ce feuilleton théâtral une sorte de don. J’ai repensé aux passages de début juin 2021 vigoureux autour de la question du Levinas sur le visage, cette rupture de l’ordre → ouverture ce quartier. relogement social, écrit par François de l’être, cette ouverture à l’au-delà de l’être. Il de la billetterie Hien d’après une enquête menée avec les me semble que, phénoménologiquement, ça n’a sur place ou en ligne sur jamais été aussi vrai. Ces visages offerts, entou- Ils viennent pas interprètes et co-metteurs en scène du tnp-villeurbanne.com spectacle, sera finalement programmé en rés de visages masqués, paraissaient presque abonnements avril 2022. En mars 2021, avec la compagnie impudiques. En réalité, ils faisaient trembler la samedi 19 juin 2021 à 10 h souvent, mais je L’Harmonie Communale, François Hien devait présenter au Théâtre Gérard Philipe réalité même. Ces jeunes gens ont un âge pour qui un an, places à l’unité samedi 26 juin 2021 à 10 h c’est une vie. À leur échelle, cela fait si long- veux que quand de Saint-Denis une autre de ses pièces, Olivier Masson doit-il mourir ?, libre temps qu’ils vivent dans un monde amputé des C’est officiel, le Centenaire du TNP aura lieu du 9 Suite aux dernières déclarations du gouvernement, au 26 septembre 2021 ! Des spectacles, des lectures, visages. Le masque semble presque devenu une ils viennent, ils adaptation de l’affaire Vincent Lambert. les représentations d’avril et seconde peau pour beaucoup d’entre eux. Il fau- mai sont annulées. Quelques représentations scolaires ont pu avoir lieu, et l’équipe du spectacle a mené dra réapprendre à s’en passer, j’imagine. À offrir des rencontres et des soirées de célébration Au moment où nous bouclons retrouvent les son visage nu au visage nu de l’autre. ce numéro, des incertitudes un atelier avec des lycéens. Pour Bref, jalonneront ces deux semaines que nous espérons subsistent quant à l’agenda de Aux murs du lycée, signe d’une époque folle, François Hien revient sur ce que lui a appris juin. deux injonctions contradictoires affichées côte odeurs de leur Plus d’infos sur joyeuses et chaleureuses. cette expérience de transmission à l’heure à côte : le panneau imposant le port du masque ; tnp-villeurbanne.com des visages masqués et des corps éloignés. et celui qui fut posé après l’interdiction du voile enfance. Les intégral en 2010 : « la République se vit à visage R écemment, dans un théâtre de la région pa- découvert ». risienne, nous avons eu la chance de jouer Depuis un an, l’informatique a pris une place Appel à souvenirs Merci ! Toute lune est atroce et paysages où notre pièce Olivier Masson doit-il mourir ? près démesurée dans nos vies, se substituant à des d’une dizaine de fois devant des lycéens. Enchaî- activités qu’il n’avait jusqu’alors jamais été Tandis que ces festivités Historiquement, la revue Bref a été un outil de lien tout soleil amer” Mais… un… jour… ils ont grandi. se rapprochent, il nous ner neuf scolaires était une drôle d’expérience. question de dématérialiser. Je suppose que avec les publics, vecteur toujours avec Rimbaud, semble primordial de vous Pendant nos dates en tout-public, nous avons sur écran, ces jeunes gens voient toutes sortes d’échanges et de débats. nous pourrons dire : associer à la construction Si je vais ailleurs, moments. souvent des rires, qui surviennent aux mêmes de choses infiniment plus impudiques et trans- Même si la boîte contact “Parez-vous, dansez, riez, de cet événement en vous Nous nous y sommes habitués. Nous gressives que ce que nous leur avons présenté numérique remplit au- – Je ne pourrai jamais laissant la parole. Spec- creusons des espaces dans le flux du jeu pour sur scène. Et pourtant, les petites allusions à jourd’hui en partie cette envoyer l’Amour par la mes enfants tatrices et spectateurs accueillir ces réactions. Les lycéens réagissent l’intime dans notre pièce les mettaient, semble- fonction, nous tenions à fenêtre”. du TNP, racontez-nous un peu ou pas du tout à ces moments-là. En re- t-il, dans un drôle d’état. Comme si, parce qu’ils honorer ici vos messages Je vous dis à bientôt… souvenir de spectacle, de viendront encore fois vanche, il en est d’autres où ils réagissent, par- avaient face à eux des comédiens de chair et de soutien tout au long de Nous sommes avec mise en scène, de comé- dans des proportions inouïes. Ces moments d’os, la chose leur sautait au visage. Leurs rires cette saison laborieuse. Ils vous… » dien ou comédienne ! Ces ont un point commun : c’est quand il est ques- témoignaient d’un effet de la représentation nous ont permis de garder moins me voir. tion du corps. De l’intime. Quand l’aide-soignant théâtrale, que les substituts numériques ne Avram Leca raconte comment il prend soin des pourront jamais atteindre. témoignages seront mis à l’honneur en septembre le cap et de réchauffer le moral des troupes. En voici *** « Soyez sûrs, vous et vos Pourquoi ils prochain… patients en état pauci-relationnel, qu’il décrit Le théâtre, c’est du réel. quelques-uns. équipes, que nous ne Envoyez votre souvenir ses gestes à leur égard, comment il les touche, Nous sommes dans une période où le corps vous oublions pas. Vous à centenaire@tnp- *** viendraient me nous entendions souvent des rires dans la salle, des autres est une menace potentielle. Nous nous manquez et il nous villeurbanne.com et la scène se chargeait alors d’une connotation avons appris à nous en tenir à distance. À cesser « Sachez que l’art me tarde également de vous © Jacques Grison sexuelle qu’elle n’avait jamais eue. de nous serrer la main ou de nous embrasser. manque comme il retrouver. Le plus tôt voir dans un lieu À nous parler de loin. À couvrir notre visage. « Ces jeunes gens ont un âge Or, le théâtre, c’est la co-présence. Être dans Les Trois Mousquetaires manque à beaucoup d’autres… Car c’est bien possible. Nos pensées vous accompagnent inconnu ? » pour qui un an, c’est une vie » une même salle avec des inconnus, et découvrir cette part d’art qui nous dans cette période Tout public – d’autres inconnus nous raconter une histoire, impulse dans le plus bouleversée. Notre saisons 1, 2 et 3 Ces rires n’étaient pas de rejet. Ces lycéens ou déployer une forme. Le théâtre, ça ne fonc- intime de notre vie. Au soutien vous est acquis Madame Correra dans L’Affaire Correra étaient avec nous, mais il y avait certaines situa- tionne qu’en IRL, comme disent les internautes : Collectif 49 701 plaisir de refranchir les et nous répondrons Serge Bloch tions dont ils avaient besoin de se protéger par In Real Life. Le cinéma aussi, c’est mieux en En avant-goût du Cente- portes du TNP. » vivement à chacune de de François Hien. le rire. Comme un lieu de sensibilité trop à vif. salle. Mais on peut dire d’un film découvert sur naire, découvrez les 4 et vos sollicitations. Illustrateur, artiste associé à l’identité Je me suis demandé si les réactions auraient son ordinateur qu’on l’a vu. Bien des films ne 5 juin prochains les trois *** À notre tour de vous graphique du TNP été les mêmes avant la pandémie. En marge se découvrent d’ailleurs plus que comme ça. premiers épisodes d’un « Le Théâtre est pour moi souhaiter toute l’énergie, Il poursuit sa collaboration avec le TNP et imagine actuel- de nos représentations, le théâtre nous a pro- Alors qu’une pièce vue en vidéo ne sera jamais feuilleton itinérant sur les une respiration, un saut tout le courage et tout lement les couleurs et les motifs de la saison prochaine. posé d’animer un atelier avec une classe de qu’une trace, souvent faible, d’un événement traces d’Alexandre Dumas. dans le temps… l’espoir dont le théâtre à À découvrir à l’occasion du lancement de la saison 2021- première. Alors que je les faisais répéter, les qui ne se découvre qu’en vrai. Les gadgets nu- Jouer ce roman dans la Il m’aide à vivre, à besoin. » 2022, nous l’espérons. professeurs m’ont dit que les élèves éloignés mériques que les bons élèves de la macronie rue, c’est se souvenir com- m’ouvrir au monde les uns des autres dans le jeu avaient le droit culturelle s’empressent de dégainer ne sont pas bien il rassemble. Collec- d’aujourd’hui, à regarder de retirer leurs masques. Je le leur ai proposé : du théâtre. Ils n’en donneront jamais le goût à tivement, poétiquement. plus loin… Le coin lecture → Requiem, → Vigile de décembre, trois seulement ont accepté, sur la trentaine ceux qui n’y viennent pas. Au mieux servent-ils Roger Planchon, jeune di- Et, c’est vrai quelle Bref sélectionne ses Anna Akhmatova, Éditions Françoise Morvan, d’élèves. De répétition en répétition, j’espérais à soigner la mélancolie des habitués de théâtre recteur du Théâtre de la profondeur ces temps de coups de cœur, en lien de Minuit (poésie) Éditions Mesures (poésie) que d’autres les imitent. Mais les masques res- privés de leur loisir habituel. Cité, avait lui-même adap- silence et cette écoute avec la programmation : → Assomption, → Les Soucieux, taient sur les visages. Un élève a fini par me dire : Pour faire du théâtre ou la révolution, nous té et mis en scène ce ro- qui nous réunit dans un → Firmin Gémier, Françoise Morvan, François Hien, Éditions ça nous protège. Il ne parlait pas du Covid mais avons besoin du corps des autres. man, en 1958. Les trois théâtre… Catherine Faivre-Zellner, Éditions Mesures (poésie) du Rocher (roman) de timidité. De fait, dans la situation de jeu que derniers épisodes du feuil- Avec Rimbaud Actes Sud Papiers → Buée, Françoise Morvan, → Retour à Baby-Loup, je leur proposais, le masque s’offrait comme François Hien leton seront présentés en aujourd’hui, je dis : (histoire du théâtre) Éditions Mesures (poésie) François Hien, Éditions protection. Les aidait sans doute à s’affranchir septembre prochain, au “Mais, vrai, j’ai trop → Les Arbres, → Brumaire, Françoise Petra (essai) d’une certaine retenue. cœur du Centenaire ! pleuré ! Les Aubes sont Marina Tsvétaïeva, Morvan, Éditions Mesures navrantes. Éditions Harpo & (poésie) (poésie) 6 — Bref #3 — avril-juin 2021 Bref #3 — avril-juin 2021 — 7
Soutien aux mobilisations culturelles et sociales © Jacques Grison Bref #4 (septembre-octobre), à paraître en septembre 2021 Théâtre National Populaire direction Jean Bellorini ✁ 04 78 03 30 00 tnp-villeurbanne.com Formulaire d’abonnement Licences : 1-20-5672 ; 2-20-4774 ; 3-20-5674 Je souhaite recevoir gratuitement les prochains numéros du Bref. directeurs de la publication Jean Bellorini et Florence Guinard responsable de la publication Carine Faucher-Barbier Nom——————————————————————— Prénom——————————————————— rédaction Sidonie Fauquenoi conception graphique et réalisation Adresse————————————————————————————————————————————— Philippe Delangle et François Rieg, Dans les villes illustration Serge Bloch Courriel ————————————————————————————————————————————— réalisation au TNP Caroline Coquelet Imprimerie FOT, avril 2021 Bulletin à déposer directement à la billetterie du théâtre ou demande à faire parvenir par courriel Le Théâtre National Populaire est subventionné à l’adresse contact@tnp-villeurbanne.com. Conformément au RGPD, vous disposez d’un droit par le ministère de la Culture, la Ville de Villeurbanne, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Métropole de Lyon. d’accès, de modification, rectification ou suppression des données confiées au TNP. Pour l’exercer, vous pouvez envoyer un mail à dpo@tnp-villeurbanne.com.
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