Le Ski-Line de Tignes - Master 2 Droit de la Montagne 2016-2017 Droit de l'urbanisme - Vivre & Agir en Maurienne

 
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Le Ski-Line de Tignes - Master 2 Droit de la Montagne 2016-2017 Droit de l'urbanisme - Vivre & Agir en Maurienne
ASTIER Laurie

BARUT Thérèse

CARDOSO Emily

         Le Ski-Line de Tignes

                Master 2 Droit de la Montagne
                         2016-2017
                    Droit de l’urbanisme
Le Ski-Line de Tignes - Master 2 Droit de la Montagne 2016-2017 Droit de l'urbanisme - Vivre & Agir en Maurienne
Sommaire

Introduction ....................................................................................................................................................... 1

I. Le Ski-Line, un projet questionnant l’avenir de la station de Tignes ....................................... 6

    A. Un projet clivant sur le plan sociologique .................................................................................... 6
    B. Un projet clivant sur le plan économique ..................................................................................... 9

II. Le Ski-Line, un projet aux implications urbanistiques complexes ....................................... 13

    A. Des instruments au service de la légitimité du projet .......................................................... 13
    B. Des objets de contentieux variés.................................................................................................. 18

Conclusion ....................................................................................................................................................... 23

Table des matières ....................................................................................................................................... 24

Liste d’acronymes......................................................................................................................................... 26

Bibliographie .................................................................................................................................................. 27

Table des annexes ........................................................................................................................................ 29
Le Ski-Line de Tignes - Master 2 Droit de la Montagne 2016-2017 Droit de l'urbanisme - Vivre & Agir en Maurienne
Introduction

        « Au crépuscule, une ligne de lumière se dessine et monte vers le ciel pour pénétrer
au cœur de la montagne. Cette image de strates en mouvements, cette ligne de lumière, ce
nouveau Ski‐Line, devient une nouvelle marque de la station de Tignes, appelant à une
nouvelle expérience de glisse1. » Cette description, onirique s’il en est, a pour vocation de
mettre en valeur le Ski-Line de Tignes, projet pour lequel la commune support de station
a effectué une demande d’Unité Touristique Nouvelle (UTN).

La présentation du dossier UTN

       La demande d’UTN se décompose en deux projets tout { fait indépendants, que
sont le Ski-Line et le Village-Club. Le village-club est constitué de 1050 lits et situé à Val
Claret tandis que le Ski-Line sera lui composé de la piste de ski, d’une vague de surf, d’un
restaurant et d’un magasin louant des skis, { proximité du village Club. Concernant la
surface de plancher dont fait l’objet le projet, elle est de 67 500 m² au total, soit 23 900
m² pour le Ski‐Line et 43 600m² pour le Village Club. Le coût du Ski-Line est estimé à
62,7 millions d’euros hors taxes. Il est prévu que le délégataire finance { 76 %
l’opération. La commune de Tignes espère faire financer le reliquat en faisant appel à du
crowfunding.

        Ce projet porté par la commune de Tignes a d’abord été présenté aux services de
l’Etat, les 7 et 19 juillet 2016. Le bureau chargé d’élaborer le Schéma de Cohérence
Territoriale (SCoT) de l’Assemblée du Pays Tarentaise Vanoise a donné son avis sur le
projet le 12 juillet 2016. Après la présentation du dossier { l’ensemble des élus le 13
juillet 2016, le conseil municipal de la commune de Tignes a pris une délibération le 2
août 2016 aux fins d’approuver le dossier d’UTN. Il a le même jour autorisé le maire à
déposer une demande d’autorisation auprès du Préfet de la Savoie. Par la suite, le
dossier de projet d’UTN a été mis { la disposition du public du 22 août au 23 septembre
2016 à la Mairie de Tignes, à la Sous-Préfecture d’Albertville, ainsi qu’{ la Direction
départementale des Territoires (DDT) de Chambéry. Une seconde période de
consultation par le public a été ouverte du vendredi 7 octobre 2016 au mardi 8
novembre 2016.

       Pour rappel, la procédure UTN, issue de la loi Montagne du 9 janvier 1985 est
codifiée { l’article R.122-6 du Code de l’Urbanisme. Cet article précise que « Sont
soumises à autorisation du préfet coordonnateur de massif, (...) les unités touristiques

1Dossier « Les caractéristiques du projet - UNITE TOURISTIQUE NOUVELLE DU COMPLEXE SKI‐LINE ET
VILLAGE CLUB AU VAL CLARET ‐ TIGNES », MDP Consulting / EPODE, p.239.

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nouvelles ayant pour objet : 2°) Des opérations de constructions ou d’extension
d’hébergements et d’équipements touristiques d’une surface de plancher hors œuvre
nette supérieure à 12 000 mètres carrés, (...) ».

        Au cas particulier, le projet est supérieur au seuil des 12 000 m² de surface de
plancher, la surface totale de plancher étant de 23 900 m². De plus, il est en discontinuité
du bâti existant. Cela justifiait donc d’engager une procédure astreinte { l’autorisation
du Préfet coordonnateur de massif. Pour rappel, la procédure UTN vise à analyser
principalement cinq aspects du projet, en vertu de l’article R.122-11 du Code de
l’urbanisme. En effet, la procédure UTN vise à étudier les caractéristiques principales du
projet au regard de ses impacts notamment sur l’économie locale, l’urbanisme, et
l’environnement. Son mode d’exploitation, ainsi que les impacts environnementaux sont
particulièrement analysés, notamment eu égard aux mesures compensatoires.
L’équilibre économique et financier du projet est un élément déterminant quant à
l’autorisation qui va être délivrée.

       C’est en prenant en compte l’ensemble de ces paramètres que le 25 novembre
2016, la Commission UTN du comité de massif Alpes s’est réunie. Cette commission
composée d’élus, d’associations en faveur de l’environnement, d’institutions, ainsi que
d’acteurs de l’économie montagnarde, a rendu un avis favorable à dix voix contre deux.
Par un arrêté du 19 Décembre 2016, le préfet de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur,
coordonnateur de massif, a validé l’UTN tout en émettant néanmoins des prescriptions à
respecter. La station de Tignes exploitée par la STGM prévoirait une ouverture du Ski-
Line { l’horizon 2019, sous réserve d’obtenir les financements nécessaires, de respecter
les prescriptions du Préfet, et ne pas être “entravée” par une procédure judiciaire
éventuelle engagée par des Associations environnementales ou de locaux, sans quoi la
réalisation du projet sera indéniablement retardée, voire compromise.

        Par ailleurs, l’obtention de plusieurs autorisations est nécessaire pour pouvoir
débuter la construction du complexe. Compte tenu de l’ampleur et de la nature des
travaux (notamment piste de ski de 2 hectares en site vierge, et travaux d’une surface
totale supérieure { 40 000 m carrés), une étude d’impact devrait être menée afin de
mesurer les impacts environnementaux (Cf. annexe de l’article R 122-1 du Code de
l’environnement, modifié par Décret n°2016-1110 du 11 août 2016 - art. 1). Et ce
d’autant plus que la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAe) de la
Région Rhône Alpes-Auvergne a rendu un avis alarmant le 21 mars 2016 dernier, dans le
cadre de l’analyse du SCoT Tarentaise-Vanoise, qui indiquait en substance : « ce projet a
des impacts importants en matière de paysage, de consommation d’eau et de
consommation d’énergie. De plus, et peut-être plus fondamentalement, il semble en
contradiction totale avec "l’esprit des lieux" de ce territoire et avec l’image "sport et
nature" qui est l’un des moteurs de la Tarentaise. L’Autorité environnementale
s’interroge sur la justification de tels équipements qui paraissent totalement
contradictoires, de façon emblématique, avec une démarche de développement

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durable. » La MRAe ajoute que le futur SCoT traite de la consommation énergétique du
Ski-Line en ces termes : « la commune de Tignes projette la construction d’une centrale
hydro-électrique afin de générer une énergie propre permettant de compenser les
consommations d’énergie induites par le développement de la station. » L’autorité
environnementale ajoute qu’ « une telle initiative, louable (sous réserve, bien sûr, de
l’impact d’une telle centrale), ne peut en aucune manière amoindrir l’impact énergétique
global de ce projet ; la présenter comme une compensation relèverait d’une pratique
manifeste de green-washing.2 »

       L’Autorité Environnementale n’a donc pas la même vision que la Mairie de
Tignes, qui persuadée d’un « fonctionnement raisonné en matière de ressources » avait
indiqué sur son site que l’alimentation en énergie du futur Ski-line aura recours aux
énergies renouvelables, telles que « chaudière biomasse, vitrage photovoltaïque, toit
végétalisé, transfert de calories entre Ski-Line et vague de surf, alimentation en eau par
circuit court [qui] sont autant de solutions techniques déployées pour minimiser
l’impact environnemental3. »

       Même si l’avis de l’Autorité Environnementale n’est pas contraignant pour le
porteur du projet, il n’en demeure pas moins qu’il constitue un argument de plus pour
les opposants au Ski-Line, et devrait inciter la mairie de Tignes à réaliser une étude
d’impact sérieuse, au risque de voir de potentiels recours contentieux engagés par la
suite. Or, il semblerait qu’{ ce stade, aucune étude d’impact n’ait été concrètement
réalisée. Seules quelques lignes dans le dossier de présentation du projet font
principalement état de la proximité de deux zones Natura 2000 – zones situées dans la
zone d’adhésion du Parc de La Vanoise – et d’une utilisation raisonnée des ressources
par la mise en place d’une centrale hydro-électrique.

       Le projet pourrait également être soumis à la loi sur l’eau de 1992, réformée en
2006 et codifiée dans le Code de l’environnement. Cette loi réglemente les Installations,
Ouvrages, Travaux et Activités (IOTA), réalisés à des fins non domestiques par des
personnes publiques ou des personnes privées, et qui entraînent notamment des
prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non. Au cas
d’espèce, l’eau pourrait être prélevée du lac situé { proximité ce qui nécessiterait une
autorisation.

       Complétées par différents textes d’application, les dispositions législatives et
réglementaires visent à évaluer les dangers que présentent ces installations et la gravité
de leurs effets sur l'environnement (Cf. Code de l’environnement : articles L 214-1 à L
214-11, R214-1 à R214-56).

2 Mission Régionale d’Autorité Environnementale-Elaboration SCoT Tarentaise-Vanoise, avis délibéré du
21 mars 2017.
3 Une Ski-Line attendue pour 2019. Un outil pour renforcer et pérenniser l'activité économique d'une ville

de montagne sur l'ensemble de l'année. www.mairie-tignes.fr, consulté le 30 mars 2017.

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Outre ces exigences, un permis de construire devra également être obtenu auprès
de la mairie, en premier lieu pour la construction du dôme. Afin d'installer la remontée
mécanique à l'intérieur du dôme on suppose qu'il faudra, comme c'est le cas pour toutes
les remontées mécaniques, déposer une demande d’autorisation d’exécution des travaux
(DAET). Elle est donnée par l'autorité compétente en matière de permis de construire
c’est-à-dire le maire, à la suite d'un avis conforme du préfet. Cette autorisation est
mentionnée par le Code de l’urbanisme { l'article L.472-1. Il faudra par la suite
demander une autorisation de mise en exploitation (AME) pour pouvoir utiliser la
remontée mécanique. Hormis la remontée mécanique, les pistes doivent elles aussi faire
l'objet d'aménagements. Il faudra ainsi solliciter une demande d’autorisation
d’aménagement des pistes (DAAP) auprès de l'autorité compétente en matière de
permis de construire. Cette autorisation est mentionnée { l’article L.473-1 du Code de
l’urbanisme.

Une justification du projet de Ski-Line

       Ce projet trouve sa justification dans plusieurs domaines liés à la volonté de
Tignes de garantir son activité ski. La commune de Tignes cherche à la fois à créer un
équipement utile aux débutants qui ne peuvent plus skier sur le bas du glacier en raison
de sa fonte, mais aussi à un public sportif par le biais d’entraînements et de
l’organisation de compétitions pour les clubs de sport.

       Si on revient plusieurs années en arrière, le slogan de Tignes était { l’origine
« Tignes, le ski 365 jours par an ». A l’heure actuelle, la commune ne peut plus
revendiquer ce slogan, car le réchauffement climatique a pour effet de faire fondre le
glacier de la Grande Motte, qui n’est plus exploité de façon annuelle. L’activité de ski est
donc menacée en été, alors qu’elle permet { la station d’accueillir des équipes pour leur
entraînement hors-saison, ce qui génère des recettes importantes.

        Afin de garantir une fréquentation touristique malgré le réchauffement
climatique, les stations de sports d’hiver françaises ont développé trois types de
réponses. La première est de créer des évènements au sein de la station, { l’instar de
compétitions sportives. La seconde est de miser sur les activités festives, avec
notamment le développement de dance-floors sur les pistes. La dernière réponse a été
d’imaginer des complexes multi-sports, comme le Palais de Megève. C’est dans cette
dernière « vague » si l’on peut dire, que s’inscrit le Ski-Line de Tignes. Il s’agit d’un
exemple de complexe encore inédit dans les stations de ski des Alpes, qui propose une
activité de ski sur piste se trouvant sous un dôme. Une vague de surf artificielle est
ajoutée afin de varier les activités sportives proposées. La station espère maintenir et

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développer son activité économique tant au niveau des hébergeurs, des commerces que
des remontées mécaniques.

Les options inhérentes au mode de gestion du Ski-Line

        Le Ski-Line comportant une piste de ski et une remontée mécanique est soumis à
l’article L342-9 du Code du tourisme qui précise que « Le service des remontées
mécaniques, le cas échéant étendu aux installations nécessaires à l'exploitation des
pistes de ski, est organisé par les communes sur le territoire desquelles elles sont situées
ou par leurs groupements ou par le département auquel elles peuvent confier par
convention, dans les limites d'un périmètre géographique défini, l'organisation et la mise
en œuvre du service. » Ainsi, le Ski-Line doit être régi de la même façon que les
domaines skiables. La création et d’exploitation du Ski-Line fera l’objet d’une convention
de délégation de service public prenant la forme d’une concession. A l’heure actuelle, la
Société des Téléphériques de la Grande Motte (STGM) est le délégataire choisi par la
commune de Tignes pour gérer son domaine skiable. Afin de gérer le Ski-Line, deux
options se présentent à la commune. Elle peut tout d’abord choisir de passer un avenant
avec le STGM, mais cette solution est conditionnée à des seuils financiers. En effet, eu
égard au montant de l’investissement demandé pour le Ski-Line, la possibilité de
recourir à un avenant semble peu probable. La commune peut également passer une
nouvelle convention de délégation de service public en mettant en concurrence
plusieurs délégataires. Comme dans toute délégation de service public, la construction et
l’exploitation à ses risques et périls du Ski-Line reviendra au concessionnaire. En
contrepartie, il bénéficiera des recettes d’exploitation.

       Bien que le dossier d’UTN mentionne deux projets que sont le Ski-Line et le
complexe hôtelier, nous avons choisi de porter notre étude sur le seul Ski-Line pour
plusieurs raisons. Tout d’abord car les deux projets, bien que présentés ensemble, n’ont
pas de lien direct. Il faut ajouter à cela que le Ski-Line est un projet innovant, dans le
sens où il n’a encore jamais été proposé dans les Alpes, et encore moins dans une station
de ski se trouvant { 2000m d’altitude. Par ailleurs, le Ski-Line cristallise les tensions,
aussi bien du côté des associations de protection de l’environnement que des habitants
de la station, ou encore de certains skieurs. Et enfin, l’arrêté rendu par le préfet
coordonnateur de massif est assorti de prescriptions spécifiques au seul Ski-Line, ce qui
rend pertinente une étude détachée de celle du complexe hôtelier. Les nombreuses
critiques que ce projet a pu subir nous amènent à nous interroger sur son bien-fondé.

       Tout en étant un projet clivant, le Ski-Line propose une piste de ski artificielle
néanmoins originale à plusieurs égards. Il interroge en ce qu’il peut représenter une
réelle fuite en avant face aux enjeux du réchauffement climatique (I) ou apparaître
comme un projet suffisamment solide et pertinent sur le plan socio-économique. En

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effet, l’autorisation accordée par le Préfet Coordonnateur lui octroie une certaine
crédibilité, ce qui nous amènera à nous pencher sur les interrogations urbanistico-
juridiques sous-jacentes (II).

I. Le Ski-Line, un projet questionnant l’avenir de la station de Tignes

       De nombreuses oppositions au projet de Ski-Line ont été émises, par diverses
sources et pour plusieurs raisons. Toutefois, concernant les aspects écologiques, il
semble que, du fait de l’urbanisation de la zone de Val Claret, les enjeux écologiques
soient limités4. C’est pour cela que les enjeux purement environnementaux liés au
terrain lui-même seront traités à la marge, et que nous nous pencherons sur les enjeux
écologiques à une échelle plus globale, notamment par le prisme du réchauffement
climatique. Le Ski-Line se voulant un projet respectueux des principes du
développement durable5, il conviendra donc de s’arrêter sur les critiques tenant aux
aspects sociologiques (A), avant d’étudier les critiques portant sur l’économie générale
du projet (B).

A. Un projet clivant sur le plan sociologique

       Les critiques émises sur le plan sociologique portent notamment sur la vision
court-termiste de la Montagne (1), et déconnectée des enjeux du territoire de Tignes
(2), portée par le projet de Ski-Line.

1. Une vision à court-terme de la Montagne

         Aussitôt le projet adopté par la commission UTN, des mécontentements émanant
de plusieurs sources se sont fait entendre. Les critiques émises sont portées sur l’aspect
environnemental, éthique, sur la démocratie locale et sur le bien-fondé du projet. A ce
titre, trois acteurs principaux ont fait part de leurs réticences: il s’agit des associations
de protection de l’environnement, de certains acteurs des sports de montagne, ainsi que
de certains tignards eux-mêmes, qui se sont constitués en association.

4Voir entretien avec Vincent Neirinck, Mountain Wilderness (Annexes).
5 Pour une illustration, “Ce nouveau modèle économique vise l’exemplarité avec une philosophie «
Développement Durable » forte.” Dossier « Les caractéristiques du projet - UNITE TOURISTIQUE
NOUVELLE DU COMPLEXE SKI‐LINE ET VILLAGE CLUB AU VAL CLARET ‐ TIGNES » Page 201. MDP
Consulting / EPODE.

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Concernant les associations de protection de l’environnement, Mountain
Wilderness, qui fait partie du comité UTN, avait voté contre le projet. Menant presque
seule ce combat au niveau de la commission, le projet donc été adopté. Suite à cette
adoption, l’association n’a pas hésité { le qualifier de « Dubaï en Tarentaise », en
référence au ski-dôme de Dubaï, permettant de skier toute l’année en plein désert. Ce
qualificatif a été renforcé par la mise en avant du fait que le Ski-Line est un véritable
non-sens écologique. De son côté, la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature
(FRAPNA) Savoie a fait part de son mécontentement en adressant un courrier au maire
de Tignes6, et a récemment déposé un recours gracieux conjointement avec
l’association « Non au Ski-Line de Tignes », sidérées toutes deux par le manque d’éthique
de ce projet7.

        Certains acteurs des sports de montagne ont également montré leur
mécontentement face { l’annonce de l’adoption du projet. Le site Skipass qui, est une des
références en matière de ski, a tourné en dérision le projet de Ski-Line. Dans un article
intitulé « Tropic’Alpes Tignes », du 29 novembre 2016, il s’est livré { une critique acerbe
du projet qui, selon l’auteur de l’article, est totalement démesuré. Le Ski-Line est tantôt
considéré comme un parc d’attractions, tantôt comme une farce. Certains skieurs et
clients potentiels de la station voient eux aussi dans ce projet une artificialisation
outrancière de la montagne, qui ne correspond pas { leur vision des sports d’hiver et de
l’environnement montagnard. Toutefois, cette vision n’est pas partagée par tous : un
éditorial de Skieur magazine a, pour sa part, considéré que le projet de Ski-Line est
nécessaire pour la station.

       Enfin, les tignards eux-mêmes et les personnes ayant des liens avec la commune –
résidents secondaires ou encore les saisonniers – sont nombreux { s’opposer au projet
de Ski-Line. Une pétition en ligne a été déposée sur le site Change.org et a, à ce jour,
récolté plus de mille signatures8. L’objet de cette pétition était { l’origine d’inciter le
maire à réaliser un référendum local permettant à la population de décider si le projet
de Ski-Line doit être maintenu ou non. Par cette pétition, est affirmée une volonté de
démocratie locale, les tignards, se sentant les premiers concernés, tant au niveau
urbanistique qu’environnemental ou encore des finances locales. Selon certains
opposants au projet, le Ski-Line n’est pas une réponse adaptée au changement
climatique et s’apparente { une fuite en avant, faute de vision globale de la part de la
municipalité de Tignes.

6 Voir courrier du 11 novembre 2016 de la FRAPNA au maire de Tignes (Annexes).
7 Voir recours gracieux du 21 février 2017 (Annexes).
8 1021 signatures au jour de la consultation de la pétition “Non au Ski Line de Tignes” le 27 mars 2017, sur

le site Change.org.

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2. Une vision déconnectée des enjeux du territoire de Tignes

        En tant que station de sports d’hiver, Tignes doit affronter divers enjeux du fait
de l’accélération du réchauffement climatique. Les stations se sont lancées dans la
recherche de solutions diversifiées par rapport au ski. Ainsi, certaines misent
dorénavant beaucoup sur le tourisme quatre saisons impliquant les enjeux de la
fréquentation touristique et de l’attractivité de la station. De plus, le développement des
stations doit être raisonné en veillant à préserver leurs ressources naturelles. L’étude du
Ski-Line permet d’éclairer la façon dont Tignes répond aux enjeux qui pèsent sur son
territoire.

        Par ce projet de Ski-Line, Tignes entend se diversifier et améliorer son
positionnement « Quatre saisons ». Toutefois, il semble que l’invocation de cet argument
ne soit pas fondée. En effet, le tourisme quatre saisons implique de proposer des
activités qui permettent { la station de tourner toute l’année, en se basant sur une
diversité d’activités, qui varient en fonction des saisons. Or Tignes utilise l’argument du
tourisme quatre saisons pour promouvoir une activité unique – le ski – qui sera exercée
à l’année de façon artificielle et déconnectée des saisons.

       Le ski-dôme de Tignes est donc déconnecté de la saisonnalité, sa fréquentation
pourra être annuelle, indépendamment des conditions météorologiques, et surtout du
réchauffement climatique. C’est d’ailleurs le but de cette installation, mais au lieu de
chercher { diversifier les activités proposées et donc assurer l’attractivité { l’année,
Tignes s’obstine { conserver un positionnement uniquement axé vers le ski. Mais ce
n’est pas le ski-dôme qui pourra pallier, à terme, tous les enjeux liés au réchauffement
climatique. Au contraire, l’absence de diversification des stations de ski pourra être une
cause majeure de leur déclin à partir du moment où la saison hivernale ne pourra plus
leur assurer des recettes suffisantes.

        Pour la station, le projet paraît cohérent du point de vue environnemental. En
effet, le dossier de présentation du projet affirme que « si la conception d’un tel projet
peut sembler incohérente en montagne, il s’avère qu’elle a tout son sens dans notre
station de haute altitude d’un point de vue du développement durable puisque la nature
elle-même permet son exploitation dans des conditions raisonnables du fait de la faible
variation de températures (indoor et outdoor) pour la production de neige de culture9. »
Mais cette exemplarité écologique du Ski-Line ne pourra pas être réalisée lorsque les
températures augmenteront sous l’effet du réchauffement climatique. La quantité
d’énergie nécessaire au maintien d’une température optimale sous le ski-dôme pourra
être bien supérieure aux prévisions actuelles, ce qui enlèvera au projet toute crédibilité
écologique.

9   Compte-rendu des délibérations du Conseil Municipal, commune de Tignes, Séance du 2 août 2016.

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Le concept de développement durable dont se revendique le Ski-Line impose de
concilier les nécessités économiques, écologiques et sociales. Concernant l’économie
générale du projet, il s’avère que tant l’équilibre financier que la rentabilité de la
structure sont incertains.

B. Un projet clivant sur le plan économique

        La procédure UTN impose de réaliser une prévision économique en termes de
recettes et dépenses, afin de vérifier que le projet puisse être viable. Bien que le dossier
UTN comporte une prévision financière, les détracteurs du Ski-Line mettent en avant
des failles et problèmes tenant au financement et à la rentabilité économique (1), ainsi
qu’{ la stratégie économique et touristique de Tignes (2).

1. Un financement et une rentabilité économique incertains

        Un des aspects originaux du Ski-Line de Tignes tient à son mode de financement.
En effet, une part substantielle du projet a vocation à être financée par le crowdfunding,
c’est-à-dire un financement participatif, mis en place sur une plateforme en ligne, et
faisant appel aux internautes intéressés par le projet. Toutefois, ce mode de financement
pose quelques problèmes, { l’instar de la détermination des cibles potentielles et du
contenu du financement.

        Concernant les cibles de financement, la commune de Tignes a pour ambition de
faire appel en premier lieu à des acteurs locaux des sports d’hiver. Ainsi, la CDA et les
fédérations de ski sont citées parmi les principaux partenaires potentiels10. Ces acteurs
disposent de moyens financiers conséquents, et leur participation au financement du
Ski-Line permettrait de couvrir une partie importante de la part de crowdfunding. En
revanche, une grande société telle que la CDA n'investit que dans des projets dont elle
est assurée de la rentabilité, en particulier depuis la perspective sérieuse d’une entrée
d’investisseurs chinois dans son capital. Compte tenu de la fragilité financière de ce
projet, elle ne semble pas, pour l’heure, disposée { investir.

      Mais faire appel { des entreprises et fédérations de sports d’hiver ne se fera pas
sans contreparties de la part de la commune. Un des exemples de contrepartie est le
naming, qui consiste { nommer une enceinte sportive d’après le nom d’une entreprise,
en échange d’un financement. D’autres contreparties peuvent être imaginées, comme

105.2.2.2. Financement de l’investissement, Les caractéristiques principales du projet (Dossier UTN) page
420.

                                                                                                       9
des tarifs préférentiels { destination de l’organisme qui a financé une partie de la
structure.

        Toutefois, le financement participatif a vocation { s’adresser { tous, surtout si les
quelques entreprises sollicitées n’ont pas donné assez d’argent pour couvrir le montant
espéré. Cela pose la question de l’attractivité d’un tel projet et de la capacité de la
campagne de financement participatif { récolter plusieurs millions d’euros auprès de
particuliers. En premier lieu, la pétition du collectif tignard contre le projet peut avoir
pour effet de rendre les internautes méfiants et peu enclins à financer une infrastructure
contestée. La mise en avant de la pétition sur les réseaux sociaux et sur les moteurs de
recherche pourrait faire douter voire décourager certains particuliers. Par ailleurs,
l’obligation de mettre de côté une provision financière en cas d’échec du projet pourra
avoir pour effet de refroidir les investisseurs potentiels, qui verront dans cette provision
une lacune en termes de garanties économiques du projet. Cette obligation illustre la
problématique du contenu du financement, le préfet coordonnateur de massif ayant
exigé une provision pour la destruction potentielle de l’installation.

        Le dossier de demande d’UTN comporte la prévision des recettes et dépenses en
matière de gestion du Ski-Line. Cette évaluation financière est obligatoire en vertu de
l’article R.122-11 du Code de l’urbanisme et, en l’espèce, elle démontre la capacité du
complexe à générer des recettes positives. Toutefois, de vraies questions se posent
concernant la rentabilité économique réelle d’un ski-dôme. En effet, la seule structure
française de ce type, qui se trouve à Amnéville, et gérée en régie, est en faillite. Le
rapport annuel 2016 de la Cour des Comptes pointe du doigt la fréquentation très faible
du ski-dôme d’Amnéville qui est une des causes d’un déficit structurel. L’institution
recommande même la fermeture de cette activité au plus vite. Si, à la différence
d’Amnéville, le ski-dôme de Tignes sera géré par une personne privée par le biais d’une
concession, ce mode de gestion n’exclut pas le risque de faillite.

        Cette question de la rentabilité économique du Ski-Line apparaît notamment
dans les arguments du collectif tignard contre le Ski-Line – désormais devenu une
association – qui demandait un référendum local sur le sujet. Il faut rappeler que
l’investissement initial pour ce projet est de 63 millions d’euros hors taxes, auxquels il
faudra ajouter la provision exigée par le préfet coordonnateur de massif, ce qui suppose
une rentabilité financière suffisante pour maintenir l’exploitation.

        Il convient enfin de souligner que le problème majeur de la rentabilité
économique a été entendu par le préfet coordonnateur de massif dans son avis de
décembre 2016. En effet, ce dernier impose à la commune de Tignes de prévoir une
provision financière qui sera utilisée en cas de faillite de la structure. Cette provision
aura vocation à financer la reconversion ou la démolition du Ski-Line et procéder à une
remise en état du site. Le risque de faillite économique d’une telle structure est donc réel
et est pris en compte dans l’avis rendu sur l’UTN (voir infra : II. A.).

                                                                                          10
C’est d’ailleurs sur ces problématiques financières liées { l’équilibre financier et
prescriptions du préfet que les associations ont fondé leur recours gracieux. En effet, les
prescriptions émises par le préfet ne représentent-elles pas un désaveu du projet sur le
plan de son équilibre financier ? Et partant de ce constat, n’aurait-il pas dû mettre sa
décision en attente d’éléments plus objectifs et concrets?

2. Une stratégie touristique favorisant le ski

       Le projet de Ski-Line est basé principalement sur le ski : les cibles potentielles
sont notamment les apprenti-skieurs ainsi que les clubs. Cela amène à se poser deux
interrogations majeures sur le plan touristique et commercial portant sur les raisons
d’un tel projet (a), et sur les destinataires de ce projet (b).

a. Pourquoi un tel projet ?

       Le Ski-Line serait réalisé principalement à destination des équipes de ski, afin de
permettre leur entraînement l’été, ainsi qu’{ destination des touristes qui voudraient
réaliser une nouvelle expérience ou se familiariser de façon douce avec le ski alpin. La
vocation du Ski-Line est de pallier la fonte du glacier de la Grande Motte, lieu habituel du
ski d’été à Tignes, menacé par le réchauffement climatique. Avec la fonte du glacier, ce
sont d’importantes recettes financières qui manqueront { Tignes, dont la fréquentation
touristique risque de baisser pendant la saison d’été, avec une diminution des plages
d’ouverture du glacier. En réalité, selon certains protagonistes, ce serait plutôt une réelle
volonté personnelle du maire de Tignes de vouloir être le premier à réaliser un ski-dôme
dans cette région.

       Le Ski-Line a également vocation à conserver la place dominante du ski dans
l’économie de la station, permettant de renouer avec le slogan revenir vers le slogan des
365 jours de ski par an à Tignes. Etre la première station de sports d’hiver { disposer
d’un tel équipement relève également d’une action marketing, dans un contexte où
Tignes se positionne comme une station sportive. Toutefois, ces positionnements
touristiques se traduisent par une course effrénée { l’équipement.

        Par ailleurs, concernant les stages d'entraînement l’été, Tignes est désormais en
concurrence avec entre autres les pays d’Amérique du Sud, qui bénéficient de hautes
montagnes et d’une période d’enneigement complémentaire à la France. Le Ski-Line se
veut dès lors être une infrastructure moderne, correspondant aux attentes des équipes
de ski, et conservant une certaine proximité géographique.

                                                                                          11
b. A qui profite réellement ce projet ?

       Pour bien comprendre quels sont les destinataires réels de ce projet, il convient
de rentrer dans l’étude des jeux d’acteurs qui sont { l’œuvre en matière de tourisme
dans les stations de sports d’hiver.

        De prime abord, il faut rappeler que la demande d’UTN est relative { deux projets
: le Ski-Line et un village-club attenant. Ce village-club sera géré par le Club Med, qui est
désormais la propriété du fonds d’investissement chinois Fossun. Bien que ces deux
projets soient indépendants et auraient pu relever de deux demandes d’UTN distinctes,
il convient de s’interroger sur les potentiels liens entre le Ski-Line et le Club Med.

       Par sa proximité avec le village-club, le Ski-Line pourrait être un moyen de
garantir au Club Med l’attractivité touristique de la destination, et donc des recettes en
matière d’hébergement. Mais dans le même temps, la Compagnie des Alpes (CDA),
société gestionnaire du domaine skiable de Tignes, est convoitée par ce même fonds
d’investissement. En effet, des négociations sont en cours entre Dominique Marcel,
directeur général de la CDA, et le fonds d’investissement Fossun afin de faire entrer ce
dernier au capital de la CDA. La construction du Ski-Line serait donc pour Fossun une
garantie de l’exploitation du domaine skiable de Tignes de façon annuelle, et une
garantie de résultats financiers. Mais même si le Ski-Line ne réalise pas de résultat
financier exceptionnel, il demeure un outil de communication et de publicité, qui aura
pour effet d’attirer les touristes { Tignes. Le projet peut donc avoir pour vocation de
rassurer les investisseurs chinois sur la fréquentation annuelle de la station de Tignes,
dans un contexte de réchauffement climatique.

       Le fonctionnement du Ski-Line sera découpé en trois périodes. Durant la saison
hivernale, les clients seront principalement des skieurs venant du domaine skiable.
Pendant la saison touristique estivale et la période d’intersaison, le Ski-Line accueillera
des touristes aussi bien que des entraînements. Le Ski-Dôme a pour vocation d’attirer
des clubs de ski et ainsi, le dossier de présentation avance que « des contacts avec
différents clubs de sports de Savoie et Haute Savoie ont confirmé leur intérêt pour un tel
équipement, soit une centaine de clubs représentant plus de 2 000 skieurs 11 ». Un
potentiel d’attraction de clubs plus éloignés est possible, avec les clubs se trouvant vers
Lyon, Grenoble, Chambéry voire { l’étranger, notamment en Suisse et en Italie. Avec
cette infrastructure, Tignes espère tirer des avantages concurrentiels liés à des tarifs
plus avantageux que les pistes de ski sur glacier { l’étranger, et garantir les conditions
optimales de ski, quelle que soit la saison. On devrait donc assister à un report de
clientèle, qu’il est cependant difficile d’estimer.

11Dossier « Les caractéristiques du projet - UNITE TOURISTIQUE NOUVELLE DU COMPLEXE SKI‐LINE ET
VILLAGE CLUB AU VAL CLARET ‐ TIGNES », MDP Consulting / EPODE, p232.

                                                                                            12
En conclusion, ce projet porte la vision d’une montagne hors-sol, en ayant
notamment pour ambition de faire découvrir les sports d’hiver aux personnes qui ne
sont pas familières de la montagne et qui trouvent les conditions climatiques trop
agressives. Ici, la montagne est vue comme aseptisée, { la manière d’un parc
d’attractions. Le ski est séparé du milieu classique de la pratique, c’est-à-dire dans un
environnement relativement naturel. Cette montagne aseptisée se retrouve dans le
dossier de présentation du Ski-Line qui avance que le Ski-Line « apporte le niveau de
service sur mesure en montagne en gommant tous les aspects rudes et rebutants que ce
milieu englobe (froid, pente, difficulté, etc).12 » Toutefois, si l’on suit cette logique
d’éviter tous les aspects rudes de la montagne, la question de la nécessité-même d’aller {
la montagne de pose. En effet, des pistes de ski de la sorte existent déjà dans les villes et
même dans le désert. Finalement, l’un des arguments développé par Atout France est de
rapprocher la création du Ski-Line avec les piscines d'hôtels en bord de mer, que plus
personne ne conteste aujourd’hui. Si cet argument peut être entendu, la taille, le prix et
les conséquences en termes d’urbanisme pour ces équipements demeurent toutefois
sans commune mesure avec un ski-dôme.

II. Le Ski-Line, un projet aux implications urbanistiques complexes

       Bien que le Ski-Line soit soumis à la procédure UTN, l’examen de ce projet
d’urbanisme ne se limite pas { cette caractéristique. En effet, en raison des contingences
de l’espèce, plusieurs considérations urbanistico-juridiques doivent être soulignées. Ces
dernières se caractérisent tout d’abord par les instruments au service de la légitimité du
projet (A), et par les possibles sources de contentieux (B).

A. Des instruments au service de la légitimité du projet

       Comme nous avons pu le développer (voir supra), le Ski-Line fait l’objet de
nombreuses oppositions, aussi bien au niveau local que de la part d’associations de
protection de l’environnement. Lorsqu’il a été autorisé par le préfet coordonnateur de
massif, le projet de Ski-Line s’est vu accompagné de deux instruments obligatoires (1).
De son côté, la commune de Tignes est également confrontée au choix de mettre en
œuvre certains instruments donnant une place à la population locale (2).

12Dossier « Les caractéristiques du projet - UNITE TOURISTIQUE NOUVELLE DU COMPLEXE SKI‐LINE ET
VILLAGE CLUB AU VAL CLARET ‐ TIGNES », MDP Consulting / EPODE, p213.

                                                                                            13
1. Des instruments rendus obligatoires par le préfet coordonnateur de massif

        Le préfet coordonnateur de massif, dans son arrêté du 19 décembre 2017, a
accepté la mise en œuvre du projet de Ski-Line. Toutefois, il a posé certaines conditions
que la commune devra respecter. La première provision étudiée, de par son aspect
original, est la provision financière pour assurer la reconversion ou la destruction du
Ski-Line en cas de faillite (a). La seconde se rapporte { la mise en place d’un comité de
suivi rassemblant différents acteurs ayant un intérêt au suivi des opérations liées au Ski-
Line (b).

a. Une réserve originale sous la forme d’une provision financière

       Dans son arrêté autorisant le Ski-Line, le préfet coordonnateur de massif impose
la constitution d’une provision. L’article 2 de l’arrêté dispose « que soit prévu par
l’exploitant et dans l’hypothèse d’une rentabilité économique non atteinte du dôme Ski-
Line, des modalités de financement pour prévoir soit sa démolition, soit sa reconversion
{ un autre usage, afin d’éviter l’apparition d’une friche touristique dommageable pour la
station. »

       Cette prescription peut être analysée en regard de la loi de modernisation, de
développement et de protection des territoires de montagne, à deux égards. Tout
d’abord, cette provision doit être mise en perspective avec un projet émis durant les
discussions sur l’acte 2 de la loi montagne d’insérer un article additionnel ; projet
d’amendement au Sénat datant du 1er décembre 2016 mais qui n’a pas été soutenu13. Ce
projet d’amendement prévoyait : « Art. L. 122-15-… – Les autorisations d’urbanisme
délivrées pour la réalisation d’une unité touristique nouvelle, { l’exception des
bâtiments { usage d’habitation ou d’hébergements, sont assorties d’une obligation de
démolition et de remise en état des lieux, qui doit intervenir dans les cinq années
suivant la cessation complète d’activité de l’installation (...) ». Etait donc prévu le
principe d’une obligation de démolition lorsque le bâtiment n’est plus exploité. Par
ailleurs, une prescription spécifique aux UTN se justifie, car elles sont construites en
discontinuité, ce qui démontre une volonté de limiter les friches touristiques et de
préserver le paysage. Ce projet d’amendement n’aura pas été présenté, mais révèle une
certaine prise de conscience de la nécessité de limiter les friches touristiques et de
raisonner l’extension de l’urbanisation en montagne.

13Projet de loi Modernisation, développement et protection des territoires de montagne, (1ère lecture)
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE), N° 94 rect. 12 décembre 2016, amendement présenté par MM. CORNANO,
ANTISTE, S. LARCHER et PATIENT et Mme YONNET.

                                                                                                   14
Cette prescription est également à mettre en lien avec l'obligation de démontage
des installations obsolètes, intégrée dans l’acte 2 de la loi Montagne. En effet, l’article 71
de cette loi modifiant l’article L.472-2 du Code de l’urbanisme impose « une obligation
de démontage des remontées mécaniques et constructions annexes, ainsi qu’une remise
en état des sites, sous trois ans après l’arrêt définitif de l’exploitation de la remontée
mécanique. » Cette obligation de démontage et de remise en état ne comporte toutefois
pas d’obligation de constituer une provision financière, tout comme le projet
d’amendement du Sénat qui concernait les UTN. Sur ce point, l’arrêté du préfet
coordonnateur de massif va donc plus loin que l’esprit de la loi montagne.

       Il est difficile de dire dans quelle mesure l’arrêté du préfet a été inspiré par ces
deux dispositions et par les débats au Parlement, mais avec cette prescription, le préfet
fait preuve de pragmatisme. En effet, il prend en compte les différentes remarques
émises par des courriers de Mountain Wilderness, du collectif des tignards contre le Ski-
Line et de la FRAPNA. Il insiste en outre sur les préoccupations environnementales avec
la notion de remise en état du site, et touristiques en évitant les friches touristiques. La
préoccupation économique, concernant la rentabilité de la structure, a joué un rôle de
moteur dans la mise en œuvre de cette prescription. Cet argument économique a été mis
en avant par le collectif tignard, et est renforcé par les difficultés économiques
rencontrées par le ski-dôme d’Amnéville. Toutefois, le préfet coordonnateur de massif
n’impose pas de délai entre la constatation de l’échec de la structure et la date à laquelle
la reconversion ou la destruction de l’ouvrage doit être réalisée, de sorte que cette
prescription perd en force obligatoire. En revanche, le montant de la provision, s’il n’est
pas encore connu, sera probablement être un frein financier pour les investisseurs
potentiels.

b. L’accompagnement du projet par la mise en place d’un comité de suivi

        L’article 3 de l’arrêté du préfet coordonnateur de massif impose la mise en place
d’un comité de suivi, qui sera présidé par le préfet de la Savoie. Ce comité a pour objet de
garantir « la mise en œuvre des prescriptions contenues { l’article 2 et au
fonctionnement durable du projet tant sur le plan des consommations d’énergie que sur
l’équilibre financier.14 » A certains égards, la mise en place d’un comité de suivi peut
s’apparenter { une aide technique offerte { la commune pour réfléchir sur l’UTN. En
effet, selon Aldo Sevino, « Dans cette hypothèse, le comité a alors en charge de surveiller
la réalisation des travaux conformément aux éléments techniques et aux préconisations
environnementales énoncées dans le dossier de demande d'autorisation. Dans la
majorité des cas, les intervenants composant le comité interviennent dans le cadre de

14   Arrêté du préfet coordonnateur de massif, 19 décembre 2016, article 3.

                                                                                           15
leur propre mission, de sorte que les prestations de ce comité de suivi n'entraînent
généralement pas de frais supplémentaires pour les collectivités.15 »

        Pour Monsieur Billard, de la FRAPNA Savoie, ce comité de suivi pose une
difficulté en termes de légitimité16. En effet, selon lui, seule une administration a
juridiquement la possibilité de contrôler, voire de dresser des procès-verbaux, en cas de
non-respect des prescriptions émises par le préfet coordonnateur de massif. Dès lors, on
peut s’interroger sur la légitimité d’un tel comité dont le préfet n’a d’ailleurs donné
aucune modalité de constitution.

       Divers acteurs interrogés affirment que les comités de suivi sont assez fréquents,
et que la mise en place d’un tel comité pour le Ski-Line n’est pas une surprise.
Actuellement le comité de suivi n’a pas encore été créé, et c’est le préfet de la Savoie qui
choisira qui fait partie de ce comité. Mountain Wilderness a affirmé ne pas vouloir en
faire partie, mais concernant les acteurs intéressés par le projet, l’association contre le
Ski-Line peut avoir un intérêt à participer au futur comité de suivi.

2. L’invocation d’instruments complémentaires au niveau local

      La commune de Tignes a été confrontée à des oppositions au Ski-Line, qui se sont
exprimées au niveau local. Un collectif s’est créé, et demandait { l’origine que les
habitants de la commune puissent prendre part à la décision de construire ou non ce
complexe (a). Après un tel refus et dans le but garder une certaine proximité avec les
habitants sur ce dossier, a été prise la décision de créer un comité ad hoc (b).

a. Le refus d’un référendum local

        La revendication principale du collectif tignard contre le Ski-Line était la tenue
d’un référendum local sur le projet, revendication appuyée par une pétition en ligne.
Cette revendication était motivée par le fait que le maire n’avait pas présenté ce projet
avant d’être élu, le collectif voulant plus de démocratie au niveau local. Par ailleurs, le
président de l’association « Non au Ski-Line de Tignes » voit dans le référendum local
moyen pour les individus de se prononcer librement et hors de toute pression, car dans
l’isoloir est garant d’une liberté d’expression vis-à-vis du projet. Mais cette demande de
référendum a été refusée par le maire.

15 Absence d'aide de l'Etat aux collectivités territoriales à l'occasion de l'instruction des demandes
d'autorisation d'unités touristiques nouvelles (UTN). – A. Sevino – Tourisme et Droit 2002, n°35, p.20.
16 Voir le recours gracieux du 21 février 2017 (Annexes).

                                                                                                    16
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