Les aptitudes langagières : construit et opérationnalisation - Une revue de la littérature Amelia Lambelet Raphael Berthele Isabelle Udry - RERO DOC
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Les aptitudes langagières : construit et opérationnalisation —– Une revue de la littérature —– Amelia Lambelet Raphael Berthele Isabelle Udry 2019 —– Rapport du Centre scientifique de compétence sur le plurilinguisme
Publié par | Herausgeber Institut de plurilinguisme Les aptitudes langagières : www.institut-plurilinguisme.ch — construit et opérationnalisation Institut für Mehrsprachigkeit www.institut-mehrsprachigkeit.ch —– Une revue de la littérature Auteurs | AutorInnen Amelia Lambelet, Raphael Berthele, Isabelle Udry —– Amelia Lambelet Le projet dont il est question a été réalisé dans le cadre du programme de travail 2016-2020 du Centre scientifique de compétence sur le plurilinguisme. Raphael Berthele La responsabilité du contenu de la présente publication incombe à ses auteurs. Isabelle Udry Das vorliegende Projekt wurde im Rahmen des Arbeitsprogramms 2016-2020 des Wissenschaftlichen Kompetenzzentrums für Mehrsprachigkeit durchgeführt. Für den Inhalt dieser Veröffentlichung sind die AutorInnen verantwortlich. Fribourg | Freiburg, 2019 Layout Billy Ben, Graphic Design Studio Avec le soutien de | Unterstützt von 2019 —– Rapport du Centre scientifique de compétence sur le plurilinguisme 2019.002-Aptitudes
4 5 Table des matières 1 Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique 6 3 Aptitudes et apprentissage L2 – questions ouvertes 37 1.1. Introduction 6 3.1. Les aptitudes langagières : traits stables ou états dynamiques ? 37 1.2. Bref panorama historique 8 3.2. Aptitudes et facteur âge 38 1.2.1. Premières batteries de tests d’aptitude 8 3.2.1. Un effet des aptitudes langagières chez les apprenants tardifs mais 1.2.2. Critiques des premières batteries de tests d’aptitude 9 pas chez les apprenants précoces 38 1.2.3. Nouvelle génération de batteries de tests 9 3.2.2. Un effet des aptitudes langagières tant chez les apprenants tardifs 1.3. Évolution du champ théorique 11 que chez les apprenants précoces 39 1.4. Recherche sur les aptitudes : déclin et renaissance d’un champ 13 3.3. Les aptitudes langagières : effet différencié selon le contexte d’apprentissage ? 40 3.4. Aptitudes langagières : effet différencié selon le stade d’apprentissage ? 41 3.5. Aptitudes langagières : blocs ou profils ? 42 2 Aptitudes et apprentissage L2 – résultats empiriques 19 2.1. Facteurs liés au langage 19 4 Futur de la recherche sur les aptitudes 43 2.1.1. Discrimination phonémique 19 2.1.1.1. La discrimination phonémique en comparaison des autres dimensions d’aptitudes 20 4.1. Jeunes enfants 43 2.1.2. Les habiletés d’analyse linguistique 21 4.2. Dépasser les aptitudes 44 2.1.2.1. La sensibilité grammaticale 21 4.3. Recherche-application 45 2.1.2.2. La capacité d’induction linguistique 22 2.1.3. La conscience métalinguistique 23 2.2. Facteurs non liés spécifiquement au langage 23 5 Conclusion : les aptitudes langagières – un champ de recherche 2.2.1. Aptitudes musicales 23 empreint de biais 47 2.2.2. La mémoire (à long terme) 24 2.2.3. Mémoire déclarative et mémoire procédurale 24 5.1. Limites des méthodes et des interprétations 48 2.2.3.1. Mémoires déclarative et procédurale, et apprentissage L2 25 5.1.1. Variables confondues et échantillons de convenance 49 2.2.4. La mémoire de travail 26 5.1.2. Différences ’significatives’ 49 2.2.4.1. Mesures de la mémoire de travail 27 5.2. Des questions restées ouvertes 52 2.2.4.2. Mémoire de travail et apprentissage L2 28 2.2.4.3. Mémoire de travail et apprentissages implicites 30 2.2.4.4. Mémoire de travail et aptitudes 31 6 Bibliographie 54 2.2.5. Intelligence générale 32 2.2.6. La dépendance-indépendance à l’égard du champ 34 2.2.6.1. Mesures de la dépendance-indépendance à l’égard du champ 35 2.2.6.2. Dépendance-indépendance à l’égard du champ et apprentissage de la L2 35
6 7 ← Table des matières 1 Les aptitudes langagières – éléments Chapitre 1 Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique de définition et bref historique en termes de vitesse d’apprentissage, un paramètre des profils avec des forces et des faiblesses dis- intéressant avant tout les didacticiens des langues tribuées différemment selon les individus. 1.1. duelles sont innées ou acquises, les grandes études étrangères. Introduction sur les jumeaux ainsi que sur les enfants adoptés La recherche sur les aptitudes suit plusieurs Assomption 4 : Prédiction de l’apprentissage (par exemple, Dale et al., 2010 ; Rimfeld et al., 2015 ; assomptions que nous présenterons brièvement ici formel uniquement Lorsque l’on pense aux causes des difficultés ou, à Stromswold, 2001) montrent qu’une part importante avant de les rediscuter au chapitre 3 de cette revue l’inverse, des facilités éprouvées dans l’apprentis- du succès acquisitionnel en langue étrangère ou de la littérature. La quatrième assomption est issue initialement sage des langues, de nombreux facteurs explicatifs seconde dépend du patrimoine génétique de l’indi- d’une critique des aptitudes langagières par Krashen viennent rapidement à l’esprit : habiletés liées au vidu. Selon ces différentes études, cette part géné- Assomption 1 : Stabilité (1981), qui en discute la portée explicative. Selon langage, difficultés d’apprentissage de manière tique pourrait en effet expliquer 50% ou plus de la lui, les aptitudes langagières telles que définies générale, motivation, enseignement, etc. Dans une variance des scores en langue cible. Selon la majorité des auteurs, les aptitudes lan- s’appliquent uniquement à l’apprentissage des synthèse de la littérature sur les particularités neu- Si la classification de Reiterer (2009) prend gagières seraient des caractéristiques indivi- langues étrangères en contexte formel et non à rologiques des personnes talentueuses dans l’ap- intuitivement du sens, il nous semble pourtant impor- duelles que l’on ne peut pas ou difficilement l’acquisition en contexte immersif ou naturel. prentissage des langues, Reiterer (2009) classait tant de discuter la définition des aptitudes lan- modifier par entrainement. Il s’agirait donc de Cette assomption a fait l’objet de discussions ces facteurs en trois catégories : 1) les facteurs bio- gagières et en particulier leur relation aux autres traits qu’un individu possède ou ne possède pas. théoriques, mais, comme nous le discuterons dans logiques tels que l’ADN, le sexe, les hormones, le fait facteurs psycho(bio)logiques. Comme nous le verrons Nous reviendrons sur ce point en particulier dans le chapitre 3, de relativement peu d’études empi- d’être droitier ou gaucher, ou les modifications dans les deux prochaines sections, la recherche sur la première section du chapitre de discussion (cf. riques comparant les deux contextes d’apprentis- cognitives liées à l’âge ; 2) les facteurs linguistiques les aptitudes a évolué : elle est passée d’une modé- 3.1. Les aptitudes langagières : traits stables ou sage. Cette critique/assomption est liée à la et socio-culturels tels que la qualité et quantité de lisation à trois ou quatre dimensions liées au langage états dynamiques ? question de l’effet différencié des aptitudes selon l’exposition, l’environnement linguistique, la qualité dans les années 1950, à une intégration de facteurs le type d’apprentissage. Selon Reber (1989 ; Reber de l’enseignement, les attitudes envers la langue tels que la mémoire de travail ou d’autres aspects de Assomption 2 : Indépendance de l’intelligence et al., 1991), les processus d’apprentissages cible et ses locuteurs, la proximité typologique entre la cognition générale depuis les années 1990. De générale implicites ne se différencieraient que très peu la langue cible et les langues appartenant déjà au surcroît, les facteurs individuels tels que les aspects d’un individu à l’autre, car ils se baseraient sur répertoire linguistique de l’apprenant, etc. ; et 3) les affectifs de l’apprentissage des langues (en parti- Les aptitudes langagières seraient construites certains substrats biologiques montrant peu de facteurs psycho(bio)logiques qui regroupent, selon culier l’anxiété, la motivation ou le locus of control) comme indépendantes des autres habiletés cogni- variations entre les individus (voir section 2.2.4.3. l’auteure, des facteurs tels que la motivation, les peuvent être considérés comme proches de la notion tives ; elles constitueraient un ensemble d’habile- Mémoire de travail et apprentissages implicites). stratégies et styles d’apprentissage, la cognition d’aptitudes langagières et ne peuvent, selon nous, tés propre à l’apprentissage des langues Si cette hypothèse était vérifiée, il devrait y avoir d’ordre général, l’intelligence verbale, la mémoire de être négligés dans la recherche empirique du champ, secondes/étrangères. Comme nous le verrons peu de différences individuelles dans les acquis travail, la personnalité ou les aptitudes pour l’ap- même si cela contredit certaines acceptations du dans la suite, cette assomption contredit l’hypo- sous condition implicite. Et si des différences prentissage des langues. terme « aptitudes » s’arrêtant aux aspects cognitifs thèse largement répandue aujourd’hui de l’impor- existent, celles-ci ne devraient pas résulter de Comme nous le discuterons plus en détail au de l’apprentissage des langues étrangères (voir la tance de la mémoire de travail, considérée différences individuelles en termes d’aptitudes chapitre 3 de la présente revue de la littérature, discussion de DeKeyser & Koeth, 2011 : 395). communément comme une dimension des aptitu- pour l’apprentissage des langues étrangères. cette classification en trois catégories est intéres- Au vu des différentes acceptations de ce que des. De manière générale, cette assomption pose En plus de suivre ces 4 assomptions, la sante. D’une part, elle montre la complexité du champ recouvre la recherche sur les aptitudes langagières, la question de la spécificité du langage par rap- recherche sur les aptitudes est également liée aux qui nous intéresse. D’autre part, elle introduit la dis- nous faisons ici le choix de définir ce qui relève des port à d’autres aspects de la cognition. Nous recherches sur les apprenants extrêmement talen- tinction fondamentale qu’est celle de la distinction aptitudes, comme les facteurs qui, intuitivement, ne reviendrons sur ce point dans le chapitre 4 (cf. tueux, capables d’atteindre un niveau de compé- entre les facteurs innés, sur lesquels par définition peuvent être enseignés et ne dépendent pas (ou peu) 4.2. Dépasser les aptitudes). tence en L2 presque natif dans de nombreuses nous n’avons pas d’impact (nature), et les facteurs de facteurs environnementaux. Il s’agit donc des langues (linguistic giftedness). Pour des raisons acquis (y compris les processus épigénétiques), qui habiletés propres à un individu ayant une influence Assomption 3 : Multi-dimensionnalité de place, nous avons choisi de ne pas discuter peuvent évoluer après entrainement ou traitement sur sa capacité à apprendre des langues étrangères cette dimension de la recherche dans cette revue (nurture). Si ces deux catégories de facteurs sont ou acquérir1 des langues secondes, particulièrement Si elles sont indépendantes de l’intelligence géné- de la littérature, car elle n’est pas pertinente pour facilement identifiables dans les deux premières rale, les aptitudes langagières ne constitueraient le contexte scolaire que nous examinons. Nous catégories de la classification de Reiterer, le degré 1 La distinction entre apprentissage (des langues pourtant pas un seul concept. Elles seraient au conseillons aux lecteurs que ce sujet intéresse de étrangères) et acquisition (des langues secondes) a d’inné ou d’acquis des facteurs psycho(bio)logiques, son importance dans les discussions portant sur les contraire définies comme un ensemble d’habiletés lire l’état des lieux de la recherche de Biedron & dont feraient partie les aptitudes pour l’apprentis- processus liés à l’âge et à la quantité d’exposition (voir combinées. Dans les conceptualisations les plus Pawlak (2016). sage des langues, ne fait pas l’unanimité dans la Lambelet & Berthele, 2014). Dans la présente contri- récentes des aptitudes langagières (voir ci-des- bution, nous ferons la distinction lorsque celle-ci est communauté scientifique. Notons cependant que, nécessaire et utiliserons le terme générique ’apprentis- sous 1.3. Evolution du champ théorique), il est par indépendamment de quelles caractéristiques indivi- sage’ pour parler des processus généraux. ailleurs postulé que ces habiletés peuvent former
8 9 ← Table des matières Chapitre 1 Chapitre 1 Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique De même, la recherche sur les aptitudes s’inté- 1.2.1. la recherche sur les aptitudes. Elles sont par ail- cherché à conférer à cette batterie de tests un pou- resse aux personnes se trouvant à l’autre extré- Premières batteries de tests leurs toujours utilisées à grande échelle (voir le voir prédictif, cette critique reste, selon nous, fon- mité du continuum et souffrant de troubles du d’aptitude2 panorama des études empiriques au chapitre 2), et damentale pour une approche empirique du champ. langage qui se répercutent de la L1 vers la L2, en ce, malgré les critiques qui leur ont été faites (voir La deuxième grande critique adressée aux particulier en matière de traitement phonétique Grâce à une série de recherches portant sur les ci-dessous). batteries de tests traditionnelles telles que le (hypothèse LCDH). Pour des raisons de place égale- caractéristiques d’un apprentissage efficace des MLAT et le PLAB porte sur leur mesure de la ment, nous n’aborderons pas cette thématique ici langues étrangères dans des cours de langues mémoire, considérée à l’époque comme une capa- mais conseillons la revue de la littérature de Gri- intensifs à des fins militaires, Carroll (1964 ; 1973) 1.2.2. cité passive de stockage d’information (voir, entre gorenko (2002), ainsi que les études de cas et a défini un ensemble de traits qu’il nommera apti- Critiques des premières batteries autres, Erlam, 2005), ce qui a été remis en question études empiriques de Sparks et collègues (Gan- tudes langagières et regroupera en quatre princi- de tests d’aptitude en particulier depuis les travaux de Baddeley & schow et al., 1991 ; Romonath, 2006 ; Romonath et pales dimensions : Hitch (1974) sur la mémoire de travail et sa fonc- al., 2005 ; Sparks et al., 1998 ; Sparks et al., 1992 ; Les critiques relatives aux batteries de test « tra- tion de traitement de l’information en vue du stoc- Sparks et al., 2011 ; Sparks et al., 1999 ; Sparks & ditionnelles » portent à la fois sur leur manque de kage dans la mémoire à long terme (voir ci-dessous, Ganschow, 1991 ; 1993). Enfin, les aptitudes lan- 1. L’habileté de codage phonémique fondements théoriques, sur leur incapacité à 2.2.4. La mémoire de travail). L’importance de la gagières ont aussi été investiguées en lien avec (phonetic coding) mesurer certains aspects des aptitudes lan- mémoire de travail dans les travaux récents est d’autres phénomènes langagiers, tels que l’attrition, 2. La sensibilité grammaticale (grammatical gagières considérés aujourd’hui comme ayant un telle qu’il a même été proposé de remplacer les par exemple (voir entre autres Bylund et al., 2009). sensitivity) impact important sur l’apprentissage des langues dimensions d’aptitudes par la mémoire de travail 3. La capacité d’induction linguistique étrangères (en particulier des variables cognitives uniquement (Miyake & Friedman, 1998). (inductive language learning) telles que la mémoire de travail), et sur leur inadé- Enfin, la troisième critique porte sur l’inadé- 1.2. 4. La capacité de mémorisation (rote/ quation aux méthodes communicatives modernes quation de ces mesures d’aptitude aux méthodes Bref panorama historique associative memory for foreign language d’apprentissage des langues. d’enseignement des langues. Développés pour materials En ce qui concerne les fondements théo- mesurer les aptitudes à apprendre rapidement des Le questionnement sur les différences indivi- riques, la principale critique porte sur le fait que les langues étrangères avec des méthodes audio-lin- duelles expliquant le succès ou les difficultés ren- dimensions d’aptitudes, telles que mesurées dans guales, le MLAT de Carroll et le PLAB de Pimsleur contrées dans l’apprentissage des langues Les travaux de Carroll ont aussi débouché sur une ces tests, ne sont pas basées sur la théorie mais mettraient ainsi un accent trop fort sur la morpho- étrangères remonte aux années 1920. Suite au batterie de tests commercialisée permettant data-driven, c’est-à-dire issues d’analyses facto- syntaxe et l’analyse grammaticale. Dans la même constat d’une certaine inefficacité de l’enseigne- de mesurer les aptitudes langagières, le MLAT rielles des réponses d’apprenants à une série de veine, comme évoqué brièvement plus haut, ment en langue étrangère dans les écoles et uni- (Carroll & Sapon, 1959), dont une version adaptée tests. De ce fait, ces dimensions sont « a construct Krashen (1981) a remis en question l’efficacité de versités, l’objectif principal était de sélectionner aux enfants d’âge scolaire a été développée en which is, in fact, nothing more or less than what the ces tests d’aptitudes pour l’acquisition de langues des étudiants prometteurs et « aptes » à un ensei- 1967 (le MLAT-Elementary). test measures” (Sáfár & Kormos, 2008 : 4). Elles secondes (c.-à-d. hors contexte scolaire). gnement en langue étrangère. Spolsky (1995) A la même période, Pimsleur a lui aussi déve- sont en outre difficiles à relier aux batteries de relève pourtant qu’avant la deuxième guerre mon- loppé un test d’aptitude pour adultes, le PLAB tests elles-mêmes parce qu’elles ne sont pas clai- diale, les tentatives pour mesurer les aptitudes (Pimsleur, 1966 ; Pimsleur & Quinn, 1971) dont la rement définies et que les tests qui constituent les 1.2.3. langagières étaient localisées et les moyens limités particularité est de contenir une dimension cogni- batteries mesurent différentes composantes en Nouvelle génération de batteries (voir aussi Thompson, 2013 ; Nakamura, 1988). tive (en l’occurrence, la capacité à apprendre de parallèle. Les quatre dimensions des aptitudes lan- de tests Après la seconde guerre mondiale, et en particulier manière inductive, la discrimination phonémique et gagières, telles que définies par Carroll, ne sont en durant la guerre froide, de grands moyens ont été la capacité à associer sons et symboles), une effet pas mesurées directement dans les tests du Plus récemment, différentes batteries de tests ont alloués à la recherche sur les aptitudes pour le dimension affective (la motivation, les attitudes), MLAT/MLAT-Elementary, ni véritablement du PLAB. été développées en se basant sur les avancées domaine militaire dans le cadre de différents pro- ainsi qu’une prise en compte des scores obtenus Cette non-équivalence entre les tests et les empiriques dans le champ de l’apprentissage des jets plus ou moins fructueux. C’est dans ce dans des disciplines non-linguistiques. construits théoriques est un véritable problème langues secondes ou étrangères. Ainsi, Doughty contexte que sont nés les travaux de Carroll à la fin Malgré leurs différences, les batteries de lorsque l’on cherche à systématiser la recherche et et al. (2010) ont présenté le développement d’une des années 1950, considérés comme véritablement tests de Carroll & Sapon et de Pimsleur ont été poser des hypothèses précises concernant les batterie de tests d’aptitudes visant à prédire l’at- fondateurs du champ (nous conseillons au lecteur développées selon les mêmes principes et sont effets de chaque dimension d’aptitudes sur l’ap- teinte de compétences linguistiques très élevées l’interview de Carroll par Stansfield & Reed, 2004, aujourd’hui considérées comme les fondements de prentissage L2. Même si, comme le souligne Skehan (near-native), le HI-LAB. Contrairement aux MLAT/ pour l’histoire du projet et l’origine des fonds dans (1998 : 191), il est difficile de produire des tests PLAB et leurs successeurs, le HI-LAB est formé de la perspective de son principal protagoniste). mesurant une seule habileté ou compétence et que composantes basées sur la littérature sur l’ap- 2 Les différents tests sont décrits en détail dans le chapitre Recherche sur les aptitudes : déclin et renais- l’absence d’équivalence entre les tests et les prentissage des langues étrangères et la psycho- sance d’un champ. dimensions théoriques provient de ce que l’on a logie cognitive, testées ensuite empiriquement.
10 11 ← Table des matières Chapitre 1 Chapitre 1 Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique Malgré différents articles publiés sur ce projet DLAB4 (Petersen & Al-Haik, 1976) et le VORD5 disponibles pour la communauté scientifique, en tion linguistique, entrerait en jeu pour faciliter (Doughty, 2013 ; Doughty et al., 2010 ; Linck et al., (Parry & Child, 1990), développées dans les années dehors des batteries initiales (PLAB, MLAT et l’identification de structures grammaticales de la 2013), il est à noter que la batterie de tests 1970, ainsi que, plus récemment, le HI-LAB. Cer- MLAT-Elementary) et du LLAMA. Comme nous le langue cible.6 Enfin, la mémoire permettrait l’auto- HI-LAB elle-même n’est pas mise à la disposition taines batteries de tests développées avec des discuterons dans la suite, ces tests classiques ont matisation dans les étapes plus avancées de l’ap- de la communauté scientifique, ce qui rend diffi- soutiens étatiques sont disponibles, puisqu’elles été modifiés, adaptés et traduits dans de nom- prentissage. cile son évaluation dans le cadre de cette revue de ont été commercialisées, mais restent difficilement breuses langues sans pour autant avoir été rendus Dans une version plus récente de ce modèle, la littérature. accessibles pour la recherche scientifique en rai- plus accessibles. Une autre constatation est que Skehan définit de manière plus précise les habile- De manière similaire, une autre batterie de son de leur prix et/ou de restrictions. Ainsi, le la recherche sur les aptitudes langagières s’est en tés liées à chaque étape du développement langa- tests récente et prometteuse n’est accessible PLAB et le MLAT-Elementary peuvent dorénavant grande partie portée sur les adultes et que peu de gier. Comme il apparait dans le Tableau 1 repris de qu’au travers des articles scientifiques la présen- être achetés sur le site de la Language Learning tests adaptés aux enfants d’âge scolaire ont été Dörnyei & Skehan (2003), les dimensions tradition- tant. Il s’agit du CANAL-F (Grigorenko et al., 2000) and Testing Foundation contrairement à la version développés. nelles des aptitudes langagières apparaissent, qui simule l’apprentissage d’une langue inventée pour adultes du MLAT qui est inaccessible. Un point important que nous n’avons pas mais elles sont complétées par d’autres facteurs, par le biais de différentes tâches, lesquelles, selon À notre connaissance, la seule batterie de encore abordé ici est l’évolution théorique du en particulier la mémoire de travail et le contrôle les auteurs, tests à accès complètement libre est le LLAMA, champ des aptitudes. Nous avons en effet souligné de l’attention pour les premières étapes de l’ap- développé par Meara et son équipe à l’Université le développement de nouvelles batteries de tests prentissage, durant lesquelles le traitement de requièrent l’action combinée de différents de Swansea (GB). Le LLAMA est particulièrement sans en approfondir les fondements théoriques. l’input est essentiel, puis par d’autres dimensions processus impliqués dans l’apprentissage intéressant car, contrairement à d’autres batteries Pourtant, il est à noter que si les quatre dimen- de la mémoire et des processus d’automatisation des langues étrangères (encodage sélectif de tests, il ne s’adresse pas à un groupe linguis- sions des aptitudes langagières définies par pour les étapes d’analyse et de restructuration du et accidentel, combinaison sélective, com- tique en particulier, mais peut servir à tester des Carroll, basées, rappelons-le, sur les données et système langagier. paraison sélective, et transfert sélectif). participants de toutes langues maternelles. Il non pas sur des hypothèses, continuent d’influen- (Grigorenko et al., 2000 : 401, notre traduc- s’agit en effet de tests informatisés, présentant cer le champ, elles sont régulièrement remises tion) des instructions non pas sous forme de langage en question et discutées. Nous approfondirons mais de stimuli picturaux. Le LLAMA peut en outre ces développements théoriques dans la prochaine Le but du CANAL-F est de tester les capacités être utilisé avec des enfants d’âge scolaire section. d’apprentissage des langues de manière dyna- (contrairement aux autres tests, en dehors du mique et pratique, et non pas uniquement la MLAT-Elementary). Le désavantage, selon ses mémoire ou les capacités analytiques (voir Stern- auteurs eux-mêmes (cf. http://www.lognostics. 1.3. berg, 2002, pour une discussion). co.uk/tools/llama/), est son caractère expérimen- Évolution du champ théorique L’indisponibilité de nombreuses batteries de tal, non-validé et non-standardisé. tests est sans doute l’un des problèmes majeurs En conclusion de ce très bref panorama his- Les évolutions du champ théorique peuvent être du champ de recherche sur les aptitudes lan- torique, l’on peut constater que, malgré son âge, classées en deux grandes catégories : les théories gagières. Cela peut en partie s’expliquer par le fait la recherche sur les aptitudes a débouché sur un consistant en de simples ajustements des dimen- que de nombreux programmes de recherche sur les faible nombre de batteries de tests utilisables et sions définies par Carroll et les théories basées aptitudes ont été financés par des instances éta- sur les avancées cognitives remodelant le concept tiques (en particulier le Département américain de 4 Le Defense Language Institute Battery (DLAB) est d’aptitude dans son ensemble. La première caté- la Défense). Ceci a été le cas dès le début des une batterie de tests développée spécialement pour la gorie comprend le modèle en trois composantes de sélection du personnel militaire formé linguistiquement recherches sur les aptitudes, avec des batteries au Defense Language Institute (DLI) avec comme but Skehan (1998) qui combine la sensibilité gramma- de tests telles que le ALAT3 (Horne, 1971), le une meilleure discrimination dans les hauts niveaux de ticale et la capacité d’induction linguistique en compétence que le MLAT. Selon les auteurs, les tests une seule dimension. Skehan postule en outre que sont basés sur des batteries existantes, mais ne sont 3 Le Army Language Aptitude Test (ALAT) a été pas décrits avec assez de détails pour être reconsti- ces trois composantes des aptitudes interviennent développé à la fin des années 1950 pour mesurer les tués et ne sont, à notre connaissance, pas accessibles à des stades différents de développement de la aptitudes particulières à l’apprentissage des langues à la communauté scientifique. indo-européennes. Il consisterait, selon Parry & Child langue cible. Au début de l’apprentissage, le fac- (1990), en un test au cours duquel les apprenants sont 5 Le VORD (ce qui signifie « mot » dans la langue teur important serait ainsi la capacité de décodage 6 Il est à noter que Chapelle & Green (1992) ont par confrontés à une langue artificielle dont ils doivent artificielle utilisée dans le test) a été développé au phonémique, influant sur la capacité à traiter la suite proposé un modèle dans lequel la capacité étudier la grammaire et le vocabulaire durant un temps début des années 1970 pour mesurer les aptitudes l’input reçu. Ensuite, ce que Skehan nomme la d’analyse linguistique recouvrirait deux dimensions : donné avant de répondre à 57 items mesurant leur spécifiques nécessaires à l’apprentissage de langues language analytic ability et general learning ability ce maitrise de cette nouvelle grammaire. Le ALAT n’est turques, avec un focus porté sur les capacités analy- capacité d’analyse linguistique (notre traduction, qui permettrait, selon les auteurs, de séparer intel- plus disponible, pas plus que ne l’est le rapport de tiques. Dans une étude comparant le VORD et le MLAT, son développement (Horne, 1971) ou toute autre étude le VORD a été trouvé moins prédicteur de l’apprentis- language analytic ability en anglais), qui regroupe ligence et aptitudes (voir section 4.2. Dépasser les empirique. sage que le MLAT (Parry & Child, 1990). la sensibilité grammaticale et la capacité d’induc- aptitudes)
12 13 ← Table des matières Chapitre 1 Chapitre 1 Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique Stades d’apprentissage Dimensions d’aptitude correspondantes gnement explicite (pour une discussion, voir niveau atteint par des apprenants au travers de Segmentation et autres stratégies de traitement de Attention Thompson, 2013 : 687). méthodes audio-linguales. Or, selon certains l’input Mémoire de travail En résumé, les changements dans le champ auteurs, l’avènement de méthodes d’enseigne- Identification de régularités Habileté de codage phonémique théorique ont résulté en deux conceptualisations ment communicatives a rendu ces batteries obso- Mémoire de travail des aptitudes. Selon la première, les aptitudes lètes.7 Cette critique est liée au fait que les Sensibilité grammaticale Capacité d’induction linguistique expliquent les apprentissages langagiers de premières batteries de tests étaient basées sur manière statique : les aptitudes sont des habiletés les données et non pas sur les théories acquisi- Restructuration et manipulation des régularités Sensibilité grammaticale Capacité d’induction linguistique qui, toutes choses égales par ailleurs, permettent tionnelles – d’où les remaniements théoriques du de prédire la vitesse d’apprentissage et par consé- champ que nous venons d’exposer. Contrôle Automatisation Mémoire intégrative quent aussi le niveau atteignable dans un laps de Une autre raison pour le manque d’intérêt temps donné par un apprenant. La seconde tient montré par la communauté scientifique pendant Intégration des régularités Chunking Mémoire compte du contexte d’apprentissage et de l’étape plusieurs années tient au fait que la recherche sur de développement langagier : les aptitudes parti- les aptitudes et son assomption de stabilité des Tableau 1 : Composantes des aptitudes en fonction du stade d’apprentissage selon le modèle de Skehan. culières importantes au début de l’apprentissage habiletés ne correspondait pas à certains idéaux Le tableau est repris de Dörnyei & Skehan (2003) et traduit par nos soins. seraient ensuite reléguées au deuxième plan, acti- pédagogiques : vées ou désactivées en fonction des conditions Dans une veine similaire, Robinson (2001 ; 2002) d’un même individu, les dimensions varient entre d’apprentissage. [A]ptitude is perceived as anti-egalitarian, se basant sur Snow (1987) combine les dimen- elles en termes de forces et de faiblesses : Le troisième développement, représenté par in that if a fixed, immutable interpretation of sions des aptitudes en ensembles complexes exemple par Dörnyei (2010), questionne la perti- aptitude is taken, it is seen as potentially d’aptitudes qu’il relie à différents types d’appren- [F]or example, high phonemic coding ability nence de la notion d’aptitude comme facteur iso- disadvantaging many learners, with no hope tissages (implicites, explicites, incidentels) et dif- does not imply high memory ability. This has lable de manière encore plus fondamentale, en offered of overcoming the handicap of low férents contextes (scolaire, immersion, etc.). Plus considerable importance […] since it sug- modélisant le développement linguistique (pluri- aptitude. It may not be a logical reaction, précisément, il répartit les aptitudes langagières gests aptitudinal strengths and weak- lingue) dans le cadre théorique des systèmes com- but many researchers have turned away en trois niveaux : (1) les ressources cognitives (en nesses, rather than across-the-board plexes et dynamiques. Cette approche intègre from the study of aptitude as a result of particulier, les différentes composantes de la winners and losers. (Skehan, 1998 : 192) facteurs affectifs et aptitude au sens strict, et drawing essentially this conclusion. (Dörnyei mémoire, l’attention et la rapidité cognitive) per- plaide pour des analyses fines de la complexité &S kehan, 2003 : 593) mettent l’activation de processus cognitifs s’ap- Nous reviendrons sur ce point au chapitre 3 (sec- acquisitionnelle au niveau de l’individu. Étant puyant sur des (2) habiletés primaires (primary tion 3.5. Aptitudes langagières: blocs ou profils?). donné que cette approche, du moins dans sa forme Les modèles théoriques de Robinson (2001 ; 2002) abilities) qui influent sur l’apprentissage des lan- La deuxième grande catégorie de redirections actuelle, n’est pas en mesure et n’a pas pour but ou de Skehan (1998) constitueraient ainsi des gues (par exemple, la reconnaissance de patterns théoriques dans le champ des aptitudes consiste de prédire l’acquisition d’une langue étrangère/ alternatives aux modèles d’aptitudes initiaux et linguistiques ou la sensibilité grammaticale), qui en une redéfinition du concept d’aptitude lui-même seconde, nous n’en tiendrons plus compte dans ce permettraient de redonner à l’innovation pédago- elles-mêmes se combinent en (3) habiletés de à partir de résultats empiriques et théoriques qui suit. gique un impact sur les apprentissages, en four- second ordre (higher second-order abilities) avant d’autres champs. Par exemple, le CANAL-F a été nissant à chaque étudiant ce dont il a besoin (voir, de constituer des ensembles complexes d’aptitu- développé en se basant sur le modèle triarchique par exemple, Kocić, 2010). Nous reviendrons sur des. Ce modèle est intéressant parce que ces de l’intelligence de Sternberg (1999 ; 2002), selon 1.4. ce point au chapitre 4 (section 4.3. Recherche-ap- ensembles complexes joueraient un rôle différent lequel l’intelligence est composée de (1) l’intelli- Recherche sur les aptitudes : déclin plication). en fonction du type d’apprentissage et du type de gence analytique (la capacité à analyser, juger, et renaissance d’un champ Enfin, le désintérêt de la communauté scien- tâches (voir Kormos & Trebits, 2012, pour une comparer), (2) l’intelligence créative (qui permet de tifique pour la recherche sur les aptitudes pourrait étude empirique). faire face aux situations nouvelles), et (3) l’intelli- La recherche sur les aptitudes n’a pas toujours aussi tenir au fait que, comme mentionné plus Enfin, les aptitudes peuvent aussi être gence pratique (connaissances implicites, intelli- été un champ aussi florissant qu’il l’est aujourd’hui haut, celle-ci a été, surtout au zénith de sa dyna- conceptualisées sous formes de profils, certains gence sociale). Ces trois dimensions de l’intelligence ou qu’il l’était à ses débuts. Après avoir été large- apprenants se basant plus sur leurs compétences se compléteraient pour expliquer les apprentis- ment utilisés dans les années 1960 et 1970, les 7 Il est intéressant de noter, en suivant Spolsky d’analyse linguistique, d’autres se basant davan- sages linguistiques : l’intelligence analytique per- premiers travaux de Carroll et de ses contempo- (1995 : 39), que la première génération de tests d’ap- titudes développée durant les années 1920 a aussi été tage sur leur mémoire et un apprentissage par mettrait aux apprenants de comprendre le système rains ont en effet abouti à un (quasi-)abandon de critiquée, entre autres par Carroll, comme ne prédisant chunks (pour des résultats empiriques, voir El de la langue cible, l’intelligence créative aiderait à la recherche durant plusieurs décennies, en raison que les résultats obtenus dans les cours suivant la Euch, 1997 ; Skehan, 1986a ; 1991). Comme le décoder les mots inconnus et gérer de nouveaux de leur inefficience supposée dans d’autres méthodologie de l’époque, c’est-à-dire un focus sur la compréhension écrite et la traduction. Avec l’avènement relève par ailleurs Skehan (1998), la définition que contextes, et l’intelligence pratique permettrait contextes d’enseignement et d’apprentissage des de méthodes audio-linguales, de nouveaux types de donne Caroll des aptitudes implique qu’au sein d’apprendre de nouvelles informations sans ensei- langues. Ces batteries permettaient de prédire le tests s’avéraient nécessaires.
14 15 ← Table des matières Chapitre 1 Chapitre 1 Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique mique, liée à des impératifs militaires et dictée par questions du champ de la didactique appliquée, MLAT • Au cours de la troisième partie, Spelling Cues, des agendas politiques. Si le financement des comme le facteur de l’âge sur lequel nous revien- le participant lit une suite de lettres formant phonétiquement, mais non orthographique- grandes batteries de tests traditionnelles (MLAT, drons dans le chapitre trois. Age : adultes ment, un mot et choisit son synonyme entre PLAB, DLAB, etc.) par des agences étatiques amé- quatre possibilités. Cette partie mesure à la ricaines est bien attesté, il est à noter que vers la Langues : le MLAT a été traduit : fois la capacité de discrimination phonémique fin des années 1980, ces mêmes agences (en par- et la connaissance du vocabulaire L1 (i.e. la ticulier la CIA,8 la NSA,9 le FBI10 et le DLI11) ont aussi • vers le français en tant que Test d’aptitude aux mémoire à long terme). été à la source de réflexions visant à les améliorer. langues vivantes (TALV), utilisé entre autres Une table-ronde sur la question a notamment été par Hummel (2009) ; • Dans la quatrième partie, Words in Sentences, le participant est confronté à une paire de organisée en 1987 suite à des discussions au sein • partiellement vers le hongrois dans une version phrases et doit chercher dans la deuxième de l’Interagency Language Roundtable (ILR) au pour adultes (Hungarian Language Aptitude phrase le mot qui a la même fonction que le mot cours desquelles trois « besoins urgents » ont été Test (HUNLAT13), utilisée entre autres par souligné dans la première phrase. Selon Carroll mis au jour, en particulier : (DeKeyser, 2000 ; Sáfár & Kormos, 2008) et une (1990 : 20), ce test pourrait aussi être utilisé version pour adolescents (MENYET, Kiss & comme mesure de l’intelligence générale. the need for new measures of language apti- Nikolov, 2005). • La cinquième partie, Paired Associates, a été tude, the need for a systematic research Il est à noter que, selon la méta-analyse de Li (2015a), développée pour tester la capacité à apprendre plan focusing on improving language mea- la version originale du MLAT a plus de pouvoir prédictif par cœur (et non pas la mémoire générale). Le sures, and the need for a careful review of que ses traductions. participant a deux minutes pour mémoriser une language aptitude assessment applications liste de vocabulaire dans une langue inventée within the government and the foreign lan- Description : Le MLAT est constitué de cinq parties, sa (que Carroll a appelé « kurde », même si ce n’en guage teaching profession as a whole. passation prend entre 60 et 70 minutes. est manifestement pas ; voir à ce sujet l’inter- (Parry & Stansfield, 1990 : 1) view de Carroll par Stansfield & Reed, 2004 : • La première partie, Number Learning, mesure la 51), puis doit choisir la traduction de ces mots mémoire et potentiellement aussi la capacité entre cinq possibilités. Le Paired Associates a Au cours de cette table ronde, et dans le livre qui a d’apprendre de manière inductive. Durant la été adapté en plusieurs langues, souvent avec suivi, les chercheurs travaillant dans le champ des phase d’entrainement, les participants entendent des modifications. Par exemple, Kiss & Nikolov aptitudes langagières ont souligné l’importance de des nombres dans une langue inconnue, puis (2005) présentent aux participants une liste de prendre en considération les avancées en sciences doivent traduire 15 items (phase de test). 12 mots dans une langue inventée ainsi que cognitives ainsi que d’autres variables telles que leurs équivalents en hongrois à étudier pendant les styles et stratégies d’apprentissage (ou styles • La deuxième partie, Phonetic Script, mesure la 6 minutes au total (3 minutes de présentation, discrimination phonémique ainsi que la 3 minutes d’entrainement par remplissage cognitifs) pour une redéfinition du concept des mémoire. Les participants entendent des d’une feuille d’exercice présentant les mots aptitudes (Parry & Stansfield, 1990 : 2).12 séquences consonnes-voyelles-consonnes dans un ordre différent). Dans la partie test, les Aujourd’hui, le champ des aptitudes lan- dont ils peuvent lire la transcription dans leur participants choisissent entre quatre alterna- gagières fait l’objet d’un regain d’intérêt, alimenté cahier d’exercices. Ils doivent ensuite être tives pour chaque item. Dans le même ordre en grande partie par les nombreuses recherches capables de reconnaitre ces sons et leur trans- d’idées, dans le HUNLAT, les participants étu- sur la mémoire de travail, considérée de plus en cription (ils entendent un échantillon de ces dient 24 mots en Swahili durant 5 minutes, puis mêmes sons et doivent choisir entre quatre choisissent la traduction en Hongrois de 20 de plus comme une dimension cognitive fondamentale possibilités leur transcription correcte). Cet ces items entre cinq choix (Sáfár & Kormos, expliquant les différences individuelles dans l’ap- exercice n’a pas été adapté pour le MLAT-E, car 2008). Il est à noter que le Paired Associates prentissage des langues étrangères. Les recherches jugé trop difficile (MLAT-E, Manual : 2), mais est est le test sur la validité duquel Carroll a émis sur les aptitudes langagières sont aussi investi- la base du LLAMA_E. le plus de doutes (voir Carroll, 1990 : 20). guées de manière importante en relation à d’autres 8 Central Intelligence Agency 9 National Security Agency 10 Federal Bureau of Investigation 11 Defense Language Institute 13 Le HUNLAT est constitué d’éléments issus du MLAT 12 Nous signalons ici que l’existence de styles d’ap- (Words in Sentences ; Paired Associates ; Phonetic prentissage est contestée par certains auteurs, cf. Script) et du PLAB (Language Analysis) traduits et Kirschner, 2017 ; Riener & Willingham, 2010. adaptés pour les locuteurs natifs du hongrois.
16 17 ← Table des matières Chapitre 1 Chapitre 1 Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique Les aptitudes langagières – éléments de définition et bref historique MLAT-Elementary (aussi appelé PLAB CANAL-F • Section 5 Learning Language Rules : les parti- cipants, ayant appris le système Ursulu dans MLAT-E / EMLAT) Age : adolescents et adultes Age : adultes (à haut QI) les sections précédentes, doivent choisir entre différentes options les traductions de courtes Cible : 8-12 ans (grades 3 à 6) Langues : Langues : anglais phrases. Langues : le MLAT-Elementary a été développé en • (partiellement) traduit vers le japonais ; batterie Description : le CANAL-F constitue une simulation d’ap- Remarque : dans leur étude de validation du CANAL-F au anglais, puis traduit vers l’espagnol et le catalan (lan- de tests LABJ utilisée, par exemple, par Ross prentissage d’une langue inventée, le « Ursulu », dont les cours de laquelle les participants (n=158, âge moyen : gues dans lesquelles il a été normé et validé).14 et al. (2002) ; Nakano et al. (2008) ; participants sont amenés à développer assez de 23.9 ans) ont répondu au CANAL-F, MLAT, et deux tests connaissances lexicale, morphologique, syntaxique et d’intelligence (fluide : CFT ; crystallisée : CMT), Gri- Description : MLAT-Elementary est constitué de quatre • partiellement traduit vers le hongrois (unique- sémantique pour être capables de comprendre une his- gorenko et al. (2000) ont observé deux facteurs dans les parties. Trois d’entre elles sont des adaptations d’exer- ment le Language Analysis, comme élément du toire courte à la fin du test. Plus précisément, les diffé- données, l’un lié à l’intelligence et l’autre spécifique au cices existant dans le MLAT. HUNLAT, voir note de bas de page 13). rentes parties sont les suivantes : langage. • Dans la première partie Mots Cachés (Hidden • Description : le PLAB est constitué de six par- • Section 1 Learning Meaning of Neologisms from Words), le participant lit une suite de lettres ties, dont seules quatre sont accessibles Context : les participants sont confrontés ora- formant phonétiquement, mais non orthogra- auprès de la Language Learning and Testing lement ou visuellement à 24 paragraphes avec phiquement, un mot et choisit entre quatre Foundation (la première partie est constituée un pourcentage varié de mots inconnus 5%, possibilités de quel mot cette suite de lettres par les notes du participant dans les branches 10%, 20%), puis doivent choisir entre cinq se rapproche. Cette partie du test est consti- non-linguistiques, la deuxième par son intérêt solutions celle qui correspond au néologisme. tuée de 30 items et dure 9 minutes (y inclus les à apprendre des langues étrangères). Le test est appliqué immédiatement (immediate instructions). Elle correspond à l’exercice Spel- recall, pour l’encodage dans la mémoire de tra- ling Clues du MLAT. Elle mesure à la fois la capa- • Dans la troisième partie, Vocabulary, les vail) et après 30 minutes (delayed recall, cité de discrimination phonémique et la connaissances lexicales du participant sont mesure de l’encodage dans la mémoire à long connaissance du vocabulaire L1 (c.-à-d. la mesurées. Le participant doit choisir dans une terme). mémoire à long terme). liste de quatre items le mot synonyme au mot cible. • Section 2 Understanding the Meaning of Pas- • Dans la deuxième partie, Correspondances sages : de la même manière que dans la section Grammaticales (Matching Words), le participant • La quatrième partie Language Analysis teste la 1, les participants sont confrontés oralement est confronté à une paire de phrases. Dans la capacité de raisonner de manière logique et ou visuellement à de courts paragraphes (n=6) première, un mot est écrit en majuscules. Le d’apprendre de manière inductive. Le partici- avec un pourcentage variable de mots incon- participant doit trouver, dans la deuxième pant est confronté à des mots et des phrases nus, mais contrairement à la section 1, ils phrase, quel mot a la même fonction (does the courtes dans une langue inventée, sans expli- répondent ensuite à des questions de compré- same job). L’exercice est constitué de 30 items cation des règles morphosyntaxiques. A partir hension de textes (immediate et delayed recall). et dure 30 minutes (y compris les instructions). des exemples, il doit choisir entre quatre pro- Cet exercice correspond au Words in Sentences positions de traductions de nouvelles phrases • Section 3 Continuous Paired-Associate Learn du MLAT et mesure la sensibilité grammaticale dans la langue inconnue. ing : les participants mémorisent 60 traductions et/ou la capacité d’induction linguistique. en Ursulu. La différence entre ce test et le • La cinquième partie, Sound Discrimination, est Paired Associates du MLAT est que les stimuli • La troisième partie Trouver la Rime (Finding aussi basée sur une langue inconnue. Le parti- suivent des règles facilitant leur apprentissage Rhyme) consiste à trouver le mot rimant avec le cipant apprend une liste de mots proches pho- (par exemple, les adjectifs de couleurs finissent mot-cible entre quatre possibilités. Cette par- nétiquement, puis doit les reconnaitre dans des par -oi). tie est constituée de 45 items et dure 22 phrases. Cette partie mesure la capacité de minutes (y compris les instructions). Elle n’ap- codage phonémique (ainsi que la mémoire). • Section 4 Sentential Inference : les participants partient pas au MLAT original. sont confrontés oralement ou visuellement à • Enfin, dans la sixième partie, Sound Symbol des sets de phrases en Ursulu et leur traduc- • Enfin, dans la quatrième partie, le participant Association, les participants entendent des tion en anglais. Par la suite, ils doivent choisir doit apprendre les noms de nombres dans une non-mots de deux-trois syllabes et doivent entre cinq options la traduction de l’une des langue inventée, comme mesure de la capacité indiquer, entre quatre choix, leur écriture cor- phrases. à apprendre par cœur. recte. 14 Pour plus de détails concernant le développement et la normalisation des versions espagnole et catalane voir del Mar Suárez & Muñoz (2011) et Suárez Vilagran (2010).
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