Les robots mobiles sur Mars : des moyens irremplaçables d'étude

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 Les robots mobiles sur Mars : des moyens
 irremplaçables d'étude
 08/01/2021

 Auteur(s) / Autrice(s) :

 Pierre Thomas

 Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

 Publié par :

 Olivier Dequincey

 Résumé
   Choix de quelques sites martiens visités par des rovers : paysages, formations, roches, minéraux, analyses et
 principaux apports avant l'arrivée de Perseverance.

   Table des matières
       Les voies “normales” d'exploration du système solaire
       Pourquoi aller sur Mars, et pourquoi avec des robots mobiles ?
       Les anciennes questions et les résultats déjà acquis
       Des sites sur Mars
            Site 1 – Spirit près de Home Plate, février 2005
            Site 2 – Le site d'atterrissage de Curiosity, aout et septembre 2012
            Site 3 – Curiosity dans Yellowknife Bay, décembre 2012
            Site 4 – Curiosity près du Mont Remarkable, le 15 mai 2014
            Site 5 – Curiosity dans Hidden Valley, 8 décembre 2014
            Sites 6 et 6 bis – Curiosity dans des strates fines, au pied de Vera Rubin Ridge, le 13 août 2017, ou dans
            Pahrump Hills, le 8 décembre 2014
            Site 7 – Opportunity près du cratère Erebus , 31 décembre 2005
            Site 8 – Curiosity près de la roche Old Soaker, le 17 janvier 2017
            Site 9 – Opportunity près du rocher El Capitan le 2 mars 2004
            Site 10 – Curiosity, entre Pahrump Hills et Gobabed, le 27 août 2015
            Site 11 – Curiosity au pied de Naukluft Plateau le 17 février 2017
            Site 12 – Curiosity près de Maria Pass, mai à juillet 2015
       Des analyses sur Mars
            Analyse 1 – Découverte de la jarosite et d'un milieu acide
            Analyse 2 – Découverte des smectites et d'un milieu neutre
            Analyse 3 – Mesure des relations SiO 2/Na2O+K 2O, découverte d'une série alcaline
              Analyse 4 – Mesure des relation SiO2/TiO2, découverte d'une altération acide
            Analyse 5 – Identification du sulfate de calcium
            Analyse 6 – Il y a des molécules carbonées dans les roches martiennes, mais Curiosity ne peut pas les
            analyser
       Et Perseverance …

                                                                                                           Avertissement

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     Cet article est un développement, une mise en forme au “format” Planet-Terre de conversations téléphoniques,
            d'envois de photos, de mails… que j'ai eu pendant le confinement avec des étudiants en journalisme. Ces
        étudiants devaient faire, dans le cadre de leur cursus, un dossier web sur un thème d'actualité de leur choix.
          Parce qu'un robot de la NASA doit se poser sur Mars en février 2021, ils avaient choisi le thème “Les robots
     martiens, les résultats déjà obtenus, leurs méthodes de travail, leurs avantages sur les missions en orbite, leurs
      limites par rapport aux missions humaines…”. Normalement, ces étudiants auraient dû passer à l'ENS de Lyon
   pour m'y rencontrer, mais le confinement dû à la covid-19 en a décidé autrement. Les développements / mises en
    forme présentés ici ont été faits juste après ces échanges, en profitant du temps libre laissé par ce confinement,
                  mais en gardant l'ordre et le “niveau” des échanges avec des étudiants non spécialisés en géologie.

 Les voies “normales” d'exploration du système solaire
   Cet été, trois sondes sont parties vers Mars, dont deux avec pour mission d'y poser un robot mobile : une sonde
 chinoise, Tianwen-1 , et une sonde américaine, Mars 2020 et son robot Perseverance . Une sonde européenne,
 Exomars, aurait dû aussi profiter de cette fenêtre de tir. Mais des problèmes techniques ont fait reporter ce
 lancement pour la prochaine fenêtre de tir, en 2022. Comment s'intègrent ces sondes dans la “voie normale”
 d'exploration d'une planète ?
   Il y a, en simplifiant, six étapes pour explorer un corps du système solaire.
    1. Un simple survol, la sonde ne faisant que passer au-dessus de la planète pour ensuite continuer plus loin sur
       sa lancée. Tous les corps majeurs du système solaire ont eu droit à de tels survols, mais Uranus, Neptune,
       Pluton (et leurs satellites), quelques comètes et certains astéroïdes n'ont, jusqu'à présent, été étudiés que de
       cette façon.
   2. Une mise en orbite autour du corps. Mercure, Vénus, la Lune, Mars, Jupiter, Saturne, Vesta et Cérès, une
      comète et trois petits astéroïdes ont été étudiés de cette façon.
   3. Se poser à la surface avec un robot fixe, et étudier l'éventuelle atmosphère en la traversant pendant les
      phases d'approche. Cela a été fait pour Vénus, Mars, la Lune, Jupiter et Saturne (sans bien sûr un atterrissage
      sur cette planète gazeuse mais simplement l'étude de la haute atmosphère), Titan, Éros (un astéroïde), la
      comète Churyumov-Gerasimenko, et récemment deux petits astéroïdes Bennu et Ryugu.
   4. Se poser avec un robot mobile (rover) capable de faire plusieurs centaines de mètres ou quelques kilomètres à
      la surface. Cela n'a été fait que sur la Lune (il y a plus de 40 ans avec des missions soviétiques et il y a quelques
      années par deux missions chinoises) et sur Mars (avec des missions américaines).
    5. Se poser avec un robot (fixe ou mobile), ramasser des échantillons, puis redécoller et les ramener sur Terre.
       Pour l'instant seuls les soviétiques et les chinois ont réussi cela sur la Lune et les Japonais sur les astéroïdes
       Itokawa et Ryugu. Une mission américaine de ce type a eu lieu durant cet été 2020 sur l'astéroïde Bennu
       (retour sur Terre prévu pour l'automne 2023).
   6. L'exploration humaine (avec retour d'échantillons), qui n'a été réalisée que sur la Lune par les américains.
      Pour ses missions Apollo, la NASA a sauté les étapes 4 et 5.

 Pourquoi aller sur Mars, et pourquoi avec des robots mobiles ?
   Mais pourquoi étudier Mars plus que Vénus ou Mercure par exemple ? C'est en 1965 avec la sonde Mariner 4
 (simple survol) et surtout en 1972 avec la mission Mariner 9 (mise en orbite) qu'on a commencé à vraiment
 découvrir la surface de Mars. Cette première mission orbitale, puis toutes celles qui ont suivi ont montré que Mars,
 par certains côtés, ressemblait plus à la Terre qu'à la Lune, la seule référence qu'on avait à l'époque. En plus des
 calottes polaires qu'on connaissait depuis longtemps (elles ont été découvertes en 1666 par Cassini) et une
 atmosphère, on voyait des failles et des volcans géants, des lits de rivières… Les rivières étaient asséchées, les
 volcans semblaient éteints, mais cette “inactivité” semblait relativement récente (géologiquement parlant), c'est-à-
 dire postérieure à la fin du bombardement intense des premiers temps du système solaire. Ce qu'on voyait posait
 plein de questions purement scientifiques, dont une qui va plus loin que la seule soif de connaissances à cause de
 ses implications “philosophiques” : au temps où les volcans crachaient et les rivières coulaient, Mars a-t-il été
 habitable, voire habité, ne serait-ce que par les plus simples des micro-organismes possibles ? Il ne faut pas oublier
 que, quand de l'eau coulait sur Mars, la vie naissait sur Terre. Et si une forme de vie est née sur Mars, cette planète
 ne serait-elle pas encore habitée dans quelques recoins à l'abri du rayonnement solaire et des peroxydes qu'il
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 engendre ?
   Pour répondre à ces questions, les études « à distance » depuis l'orbite (et il y en a eu beaucoup), si elles sont
 nécessaires, ne suffisent pas. Pour compléter les apports des sondes en orbite, de leurs caméras, de leur
 spectromètres (optiques, infrarouge, gamma…), il faut que des géologues aillent sur place indirectement par robots
 interposés, aillent « sur le terrain » pour employer leur jargon professionnel. Indirectement sur le terrain, ils vont
 faire le travail dont ils ont l'habitude : analyser l'état actuel de l'affleurement à toutes les échelles et reconstituer ce
 qui s'est passé sur ce site et à telle ou telle époque. Sur Terre, les géologues font ce travail soit pour des raisons de
 recherche fondamentale (quelle est l'origine de l'Himalaya, par exemple, où trouver des traces de vie les plus
 vieilles possibles) soit pour des raisons très appliquées (trouver du pétrole ou des minerais, par exemple, ou étudier
 la stabilité d'un versant…). Sur place, le travail du géologue terrestre consiste certes à reconnaitre les roches (la
 première et souvent la seule chose à laquelle pense un étudiant en géologie lors de sa première sortie sur le terrain),
 mais aussi à étudier la géométrie des affleurements pour retracer leur dynamique sédimentaire ou volcanique, à
 étudier leurs éventuelles déformations, altération…, à déterminer là où il va faire des mesures, et enfin à choisir les
 roches qu'il va prélever et ramener au laboratoire pour des analyses ultérieures.
   Le robot Perseverance de la mission Mars 2020 a pour but ultime de sélectionner des échantillons, de les prélever
 et de les mettre « en dépôts », pour que de futures missions (à la fin des années 2020 / au début des années 2030 si
 tout se passe comme prévu) viennent les rechercher pour les ramener sur Terre. Ramener des échantillons sur Terre
 est en effet nécessaire pour analyser ultra-finement les éventuelles molécules carbonées qui se trouveraient dans
 les échantillons, déterminer si ces molécules ont un “intérêt” prébiotique, ou même si elles sont d'origine biologique,
 dater les roches par radiochronoologie... Les instruments capables de faire cela sont en effet trop massifs pour être
 spatialisés dans l'état actuel de techniques et des lanceurs. Mais ces échantillons à ramener sur Terre ne doivent
 pas être choisis “au hasard” contrairement à ceux ramenés de la Lune en décembre 2020 par la mission chinoise
 Chang'e-5 et prélevés sur place, là où s'est posé la sonde Chang'e-5. La collecte des échantillons martiens à ramener
 se fera “intelligemment”. Elle se fera là où les analyses morphologiques, puis minéralogiques et chimiques faites in
 situ suggèreront qu'ils sont “intéressants”. Et les analyses détaillées in situ , morphologiques et/ou chimiques ne se
 feront que là où des géologues, via les caméras du robot, penseront que les conditions géologiques (eau, argile…)
 auront été propices à de la chimie prébiotique, voire à une forme de vie, et à leurs préservations.
   Dans le cas de Mars, on peut aller sur le terrain « par procuration » avec des robots, mais on pourra aussi y aller
 « en vrai » avec des missions habitées dans un futur plus ou moins lointain. Et un bon géologue sur Mars peut faire
 bien plus qu'un robot. Par exemple, un géologue équipé d'un véhicule semblable à la jeep lunaire des missions
 Apollo 15 à 17 aurait pu en moins d'une semaine obtenir la quasi-totalité des résultats qu'Opportunity a mis 14 ans à
 obtenir. Et si, en plus, il ramène des échantillons lors de son retour sur Terre… Mais si et quand les problèmes
 “techniques” des missions habitées seront résolus, quand il s'agira de choisir entre une (des) missions habitée(s) ou
 une (des) mission(s) robotisée(s), il se posera le problème du rapport “bénéfices scientifiques escomptés / couts
 financiers” entre ces deux options. En effet, on peut estimer le cout d'une mission habitée à 50 à 100 fois celui d'une
 mission robotisée. Ne vaudrait-il pas mieux, si on n'a que des buts purement scientifiques, explorer avec des robots
 100 sites soigneusement choisis plutôt qu'en étudier un seul par des géologues en chair et en os ? Mais si les futurs
 explorateurs martiens ont le moyen de se déplacer sur très de longues distances à la surface de Mars, cela change
 les données du problème. Et aux buts scientifiques, se surajouteront forcément des buts politiques…

 Les anciennes questions et les résultats déjà acquis
   Cela fait donc presque 50 ans que l'on sait que de l'eau a coulé sur Mars. Mais cette eau était-elle pérenne ou très
 épisodique, douce ou salée, neutre, acide ou basique… ? Si la vie terrestre peut habiter dans des milieux aux
 conditions extrêmes (acides, basiques, haute température…, cf. Les extrémophiles dans leurs environnements
 géologiques - Un nouveau regard sur la biodiversité et sur la vie terrestre et extraterrestre), la chimie prébiotique
 terrestre semble nécessiter des pH neutres ou légèrement basiques mais semble impossible en milieu acide (cf.
 L'origine de la vie sur Terre vue par un géologue : quoi de neuf depuis 2015 ?). Et la vie terrestre nécessite une
 certaine “constance”.
  Résumons quelques-uns des résultats géologiques auxquels sont arrivés les géologues des missions Spirit,
 Opportunity et Curiosity.
   Spirit s'est posé en 2004 au fond d'un cratère à fond plat. Les images prises depuis l'orbite laissaient penser (il y a
 plus 16 ans) que le fond de ce cratère était recouvert de sédiments déposés dans un ancien lac. L'étude de ces
 sédiments devait permettre de reconstituer les conditions de l'époque de leur dépôt. Fatale erreur ! Les observations

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 et analyses faites sur place ont montré que ce cratère était rempli d'anciennes laves et cendres basaltiques, qui
 avaient recouvert les éventuels sédiments lacustres. Mais, aussi bien les analyses chimiques (faites
 automatiquement par le robot) que l'interprétation de la géométrie des affleurements d'après les photographies
 faites au sol, ont montré que ces éruptions volcaniques avaient parfois eu lieu sous l'eau d'un lac ou dans des
 terrains gorgés d'eau.
    Opportunity (en 2004) et Curiosity (en 2012) se sont posés, eux, sur des terrains faits de roches sédimentaires bien
 stratifiées comme on l'avait déterminé (sans erreur cette fois) avec les sondes en orbite. En analysant les milliers de
 photographies faites durant leurs trajets et les analyses chimiques et minéralogiques effectuées sur place, on a pu
 reconstituer dans quels milieux et paysages s'étaient déposées ces roches il y a 3 à 4 milliards d'années (Ga) et ce
 qui leur était arrivé depuis. Dans ce passé lointain, la région de Mars où s'est posé Opportunity correspondait à une
 plaine parfois recouverte de dunes éoliennes faites de sable basaltique, parfois inondées sous une faible tranche
 d'eau (quelques centimètres), eau temporaire et alors parcourue de courants déposant du sable. Cette eau était salée
 et très acide. Curiosity s'est posé dans une région successivement occupée, dans ce même passé lointain, par deux
 épisodes lacustres (lacs plus ou moins profonds et temporaires), séparés par une longue période d'émersion avec
 érosion. Les eaux de ces lacs étaient salées, mais non acides. Les sites où a roulé Curiosity pendant ses trois
 premières années correspondaient aux bords du lac le plus récent, bords parfois sous l'eau, parfois en position
 littorale avec des dunes éoliennes. Puis, au bout de 3 ans, Curiosity a atteint des couches sous-jacentes, qui
 correspondaient au centre du lac le plus vieux. Ces deux lacs successifs parfois s'asséchaient temporairement et
 étaient remplacés par des plaines vaseuses ou des champs de dunes. Dans l'ancienne vase, Curiosity a trouvé des
 traces de matière carbonée, mais trop dégradée et en teneur trop faible pour savoir si elle avait ou non une origine
 biologique. Après le dépôt de ces sédiments, aussi bien dans la région explorée par Opportunity que dans celle
 explorée par Curiosity, de l'eau circulait en profondeur dans le sous-sol, en altérait les roches et déposait des
 minéraux dans les fractures.
   Pour choisir les affleurements à étudier en détail, puis pour tirer ces conclusions, les géologues des équipes
 scientifiques qui se trouvaient derrière les caméras et autres instruments des robots devaient avoir une très bonne
 culture géologique et une solide expérience du terrain. Comment ces géologues, sur place par procuration via les
 robots, ont-ils pu arriver à de telles conclusions ?
   Plutôt que de longs discours théoriques, nous allons vous montrer, avec les exemples de douze sites explorés par
 des missions précédentes, la démarche des géologues et le type de conclusions qu'ont pu tirer les scientifiques avec
 les images et mesures des robots mobiles Spirit, Opportunity et Curiosity. Ce sont des études de ce genre (mais avec
 de nouveaux instruments) que mènera l'équipe de géologues pilotant Perseverance afin de choisir le plus
 judicieusement possible les sites d'analyses fines in situ puis de prélèvements. Et les équipes devront travailler
 vite : le prélèvement du jour J dépendra des conclusions tirées le jours J−1 à partir des observations du jour J−2 sur
 un site choisi le jour J−3…

 Des sites sur Mars
   Nous allons donc regarder quelques exemples d'études de terrain et de conclusions qu'on peut tirer de 12 sites
 martiens, conclusions qu'on ne peut pas (dans l'état actuel des sondes) tirer d'études depuis l'orbite. Un site étudié
 sera tiré des explorations du robot de la NASA Spirit (2004-2009), deux seront tirés de la missions Opportunity
 (2004-2018), et neuf de la mission Curiosity (fonctionnant depuis 2012). Dans la mesure du possible, nous
 comparerons roches et paysages martiens avec des équivalents terrestres probables. Nous avons volontairement
 choisi des exemples de milieux les plus différents possibles caractérisés par ces trois robots, avec une logique
 “géologique” et non dans l'ordre chronologique de leur étude, ordre chronologique dépendant beaucoup des facilités
 / difficultés de progresser sur le terrain. Nous verrons ensuite six résultats d'analyses chimiques ou minéralogiques
 effectuées par cinq des instruments d'analyse présents sur Opportunity et Curiosity.

   Site 1 – Spirit près de Home Plate, février 2005

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           Source - © 2014 NASA/JPL – NASA/JPL/Cornell

   Figure 1. Sur cet affleurement martien, on voit des
 roches stratifiées
   Les couches inférieures sont constituées de “grains”
 d'une taille d'environ 0,5 cm. Les grains sont beaucoup
 plus fins dans les couches supérieures. L'analyse
 chimique faite sur place montre que ces couches ont la                       Source - © 1982 Pierre Thomas
 chimie d'un basalte altéré par de l'eau. Ce sont des dépôts Figure 2. Une analogie terrestre (ile Lipari, Italie) des
 de cendres basaltiques, grossières en bas, fines en haut. affleurements martiens de Home Plate
 Au niveau de la flèche blanche (détail en bas à gauche),
                                                              On voit les figures provoquées par la chute de blocs
 on voit que les couches sont défléchies sous un bloc,
                                                            volcaniques projetés par des éruptions volcaniques
 figure caractéristique que fait un gros bloc projeté par
                                                            riches en vapeur d'eau (éruptions phréatomagmatiques).
 une éruption volcanique qui retombe sur des niveaux de
 cendres non consolidées. Un tel dynamisme, commun          C'est la comparaison entre des cas terrestres et des cas
                                                            martiens similaires qui permet au géologue de proposer
 sur Terre, implique un milieu ou un magma très riche en
                                                            des interprétations de ce qu'il voit sur Mars par robot
 gaz. Et, sur Terre, l'eau, sous forme de vapeur, est le
                                                            interposé.
 principal gaz moteur des explosions volcaniques. Tout
 cela fait penser à des éruptions phréatomagmatiques.

   Site 2 – Le site d'atterrissage de Curiosity, aout et septembre 2012

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      Source - © 2012 NASA / JPL-Caltech / MSSS (Malin Space
                        Science Systems)

  Figure 3. Le paysage près du site d'atterrissage de
 Curiosity                                                                     Source - © 2012 NASA / JPL-Caltech / MSSS

   Le substratum est constitué de couches horizontales               Figure 4. Détail d'une des couches photographiées près
 qu'on peut suivre sur plusieurs centaines de mètres.              du site d'atterrissage de Curiosity
 Strates sédimentaires ou strates volcaniques ?                      Même à cette échelle, on voit que cette couche est
                                                                   constituée d'une accumulation de galets maintenant
                                                                   soudés, ce que les géologues appellent un conglomérat.

          Source - © 2012 NASA / JPL-Caltech / MSSS et PSI                                 Source - © - panoramio
   Figure 5. Zoom rapproché du conglomérat martien de la Figure 6. Lits de galets déposés par la Durance à
 figure précédente, et d'un équivalent terrestre, les deux   Manosque (Alpes-de-Haute-Provence)
 roches étant faites d'une accumulation de galets
                                                               Les conglomérats du site d'atterrissage de Curiosity ont
   Certains galets sont émoussés voire arrondis. Ces         dû se déposer dans un contexte analogue, à la végétation
 galets ont été roulés par des courants d'eau. La similitude près.
 des roches suggère fortement une similitude d'origine.

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                 Source - © 2020 Google Earth (Mars)

    Figure 7. Images brute et interprétée du site
 d'atterrissage de Curiosity (punaise jaune) vue depuis
 l'orbite
   Trouver des galets sur ce site n'était pas une surprise.                       Source - © 2020 Google Earth
 En effet, ce robot s'est posé sur la partie distale du cône     Figure 8. Image aérienne d'un cône alluvial juste au
 alluvial (= cône de déjection), surligné en rouge, d'un       centre de l'image
 ancien torrent, surligné en bleu, dévalant du plateau
 entourant la dépression périphérique du cratère Gale (cf.       Ce cône se situe au Sud du Xinjiang, analogie terrestre
                                                               du site d'atterrissage de Curiosity.
 PIA16058: Curiosity Cradled by Gale Crater), cône et
 torrent étant parfaitement visibles sur les photos
 satellites détaillées prises avant l'arrivée de Curiosity. Il
 est à noter que les communicants de la NASA, quand on a
 découvert ces lits de galets et pour faire “mousser” leur
 agence, ont dit aux journalistes (qui n'y connaissaient
 rien) : « ça y est, on à la confirmation que de l'eau a coulé
 sur Mars ! » Et les journalistes s'adressant au public qui
 en connaissait encore moins ont dit : « ça y est, on a la
 preuve que de l'eau a coulé sur Mars. » Trouver des galets
 et la preuve que de l'eau a coulé au niveau d'un ancien
 cône alluvial, quelle nouvelle ! La surprise serait de ne
 pas en trouver.

             Source - © 2014–2015 NASA / JPL-Caltech / LANL / CNES / IRAP / LPGNantes / CNRS / IAS / MSSS– Sauter et al.

   Figure 9. Harrison, un galet martien constitué d'une roche magmatique
   Les photos prises depuis l'orbite montraient que Curiosity s'était posé sur la terminaison d'un cône de déjection.
 On pouvait s'attendre à y trouver des galets, provenant de l'amont du torrent, quelque part sur le plateau ou dans les
 remparts du cratère Gale. Des galets du conglomérat ont été étudiés de près, comme ce galet nommé Harrison. Avec
 les photos disponibles, un géologue reconnait les minéraux blancs en latte, très probablement des feldspaths. Il est
 plus difficile de reconnaitre simplement avec une photo la nature du matériel sombre entourant les feldspaths.
 Verre volcanique foncé, ou pyroxène comme dans un gabbro ? Une analyse chimique (cf. fig. 39) permettra de
 trancher et d'identifier cette roche à une trachy-andésite.
   Voir : V. Sauter et al, 2015. In situ evidence for continental crust on early Mars, Nature Geoscience [pdf]

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   Site 3 – Curiosity dans Yellowknife Bay, décembre 2012

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                 Source - © 2012 NASA / JPL-Caltech                  Figure 11. Gros plan sur la roche constituant les strates
                                                                   de Yellowknife Bay
   Figure 10. Les strates de Yellowknife Bay
                                                                     La forme arrondie des grains de sable constituant ce
   Vues de loin, ce sont des strates horizontales, sans
                                                                   grès est tout à fait compatible avec sa situation à l'aval
 galets visibles, mais faites de grès, ancien sable argileux
                                                                   d'un cône de déjection. Le site 2 correspondait à
 consolidé. Comme le site 2, ce site 3 est situé dans la
                                                                   d'anciens bancs de galets ; ce site 3 correspond à
 partie distale du cône alluvial visible sur la figure 7, à
                                                                   d'anciens bancs de sable. Ce sable a une composition de
 400 m à l'Est du site d'atterrissage (site 2). La figure 11
                                                                   sable basaltique légèrement argileux. C'est dans de telles
 montre un détail de ces strates.
                                                                   couches (un peu plus argileuses) que Curiosity a trouvé
                                                                   les premières traces de molécules carbonées sur Mars
                                                                   (cf. fig. 42).

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             Source - © 2013 NASA / JPL-Caltech / MSSS

   Figure 12. Images brute et annotée montrant la
 géométrie de détail des couches de grès de Yellowknife                              Source - © 2012 Pierre Thomas
 Bay
                                                                 Figure 13. Images brute et annotée des grès, ancien
   Ce dispositif de strates de 2e ordre inclinées contenues sable déposé il y a 250 Ma dans la région de Brive
 dans des strates de 1er ordre plus épaisses et horizontales (Corrèze) et montrant des stratifications entrecroisées,
 est appelé “stratifications entrecroisées”. Un tel dispositif comme dans les dépôts de Yellowknife Bay
 est caractéristique de sable déposé par des courants,
 coulant dans ce cas de droite à gauche.

   Site 4 – Curiosity près du Mont Remarkable, le 15 mai 2014

             Source - © 2014 NASA / JPL-Caltech, modifié                             Source - © 2008 Pierre Thomas

   Figure 14. Couches horizontales recouvrant des                    Figure 15. Analogie terrestre de l'affleurement de la
 couches inclinées toutes dans le même sens sur                    figure 14, grès fluviatiles de l'Éocène (50 Ma), La Caunette,
 plusieurs dizaines de mètres                                      Hérault
   Il s'agit du même dispositif que dans les figures 12 et 13, En bas, les couches inclinées ont été déposées par un
 mais à une beaucoup plus grande échelle. Très                courant allant de gauche à droite pendant un temps
 probablement, en ce lieu, un courant d'eau coulant de        assez long. Les couches du haut, plus horizontales ont dû
 droite à gauche a déposé des strates inclinées sur une       être déposées sur une topographie plus plate et presque
 grande épaisseur, ce qui montre une certaine pérennité sans courant (cf. Stratifications obliques dans les grès du
 dans la géométrie des courants dans ce secteur.              Cuisien de La Caunette, Hérault).

   Site 5 – Curiosity dans Hidden Valley, 8 décembre 2014
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             Source - © 2014 NASA / JPL-Caltech / MSSS

   Figure 16. Image de couches régulières mais                                       Source - © 2019 Pierre Thomas

 relativement épaisses, et très régulières                           Figure 17. Exemple de strates terrestres déposées au
   De telles strates sont caractéristiques d'un milieu             fond d'un lac il y a 220 millions d'années (Ma) au pied des
 relativement stable, mais avec d'importants apports               Andes d'Argentine, une analogie terrestre de la figure
 (sable et argile) venant du bord du lac.                          précédente

   Sites 6 et 6 bis – Curiosity dans des strates fines, au pied de Vera Rubin Ridge, le 13 août 2017, ou
   dans Pahrump Hills, le 8 décembre 2014

             Source - © 2017 NASA / JPL-Caltech / MSSS                         Source - © 2014 NASA / JPL-Caltech / MSSS
   Figure 18. Exemple de strates très fines au pied de Vera Figure 19. Strates d'épaisseur centimétriques dans
 Ridge, caractéristiques d'un milieu très calme, avec une Pahrump Hills, caractéristiques d'un milieu très calme,
 très faible sédimentation, et sans doute assez loin du    sans doute assez loin du bord du lac et sous une
 rivage                                                    profondeur “notable”, plus profond que la limite d'action
   Ces strates sont recoupées de fins filons blancs.       des vagues

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                                                     Source - © 2019 Pierre Thomas

   Figure 20. Deux zooms sur des strates très fines et très régulières de sédiments déposées au Miocène (7 Ma) dans
 un ancien lac volcanique ardéchois, une analogie terrestre de la figure précédente
   À retrouver dans Des volcans du Massif Central aux prix Nobel et à la bière, une roche peu connue aux usages
 insoupçonnés : la diatomite.

   Site 7 – Opportunity près du cratère Erebus, 31 décembre 2005

                  Source - © 2014 NASA/JPL/Cornell                                    Source - © 2008 Pierre Thomas
   Figure 21. Images brute et annotée d'un affleurement où    Figure 22. Affleurement terrestre constitué d'un
 un voit que certaines couches (F) sont comme festonnées ancien sable âgé de plusieurs milliers d'années où on
   Ces sortes de rides, nommées ripple marks sont ici       voit que certaines couches sont comme festonnées
 symétriques, avec des pentes identiques de part et d'autre (ancien lac glaciaire du Chili)
 des crêtes sommitales. Un tel dispositif avec rides                   Ces sortes de rides, nommées ripple marks sont ici
 symétriques se crée sous de l'eau “clapotante”, les                symétriques, avec des pentes identiques de part et
 ondulations de la surface de l'eau déplaçant/regroupant            d'autre des crêtes sommitales. Un tel dispositif avec
 les grains de sable du fond de l'eau. Dans la nature comme         rides symétriques se crée sous de l'eau “clapotante”, les
 au laboratoire, l'écartement entre deux rides symétriques          ondulations de la surface de l'eau déplaçant/regroupant
 (ici environ 5 cm) est du même ordre de grandeur que la            les grains de sable du fond de l'eau. Dans la nature
 profondeur de l'eau. Ce sable martien s'est donc déposé, il        comme au laboratoire, l'écartement entre deux rides (ici
 y a 3 à 4 Ga au fond d'une étendue d'eau agitée par le vent,       environ 10 cm) est du même ordre de grandeur que la
 mais profonde de seulement quelques centimètres.                   profondeur de l'eau. Ce sable terrestre s'est donc déposé,
                                                                    il y a environ 150 000 ans au fond d'une étendue d'eau
                                                                    profonde de seulement quelques centimètres.

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                                                     Source - © 2017 Pierre Thomas

   Figure 23. “Flaque d'eau” dégagée par la marée basse en Normandie
   Avant de se vider au bout de 2 ou 3 heures, cette ”flaque d'eau” d'environ 10 cm de profondeur avait sa surface
 agitée par le vent. Le sable au fond de la flaque s'est organisé en ripple marks symétriques, que la “vidange” de la
 flaque d'eau a mis en évidence.

   Site 8 – Curiosity près de la roche Old Soaker, le 17 janvier 2017

                                                                        Source - © 2017–2008 NASA / JPL-Caltech / MSSS – Pierre
                                                                                              Thomas

                                                                     Figure 25. Détail de la dalle rocheuse du centre de la
                                                                   figure précédente (à gauche) et équivalent terrestre (à
                                                                   droite)
                                                            Ces dalles, à gauche, sont constituées d'un ancien sable
                 Source - © 2016 NASA / JPL-Caltech       argileux (maintenant consolidé et transformé en roche).
   Figure 24. Surface de dalles de roches parcourues d'un Le réseau polygonal qu'on y voit correspond à des fentes
 étrange réseau polygonal : des fentes de dessiccation    de dessiccation, figures classiques de sable argileux
 probables                                                déposé sous l'eau et qui se craquelle dès que l'eau
                                                          disparait. Ce sable argileux s'est déposé à une période où
                                                          le lac était très peu profond, et s'asséchait pendant les
                                                          périodes chaudes et sèches. À droite, équivalent terrestre
                                                          (en bordure du désert de Gobie, Mongolie) des fentes de
                                                          dessiccation martiennes.

   Site 9 – Opportunity près du rocher El Capitan le 2 mars 2004

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      Source - © 2004–2012 NASA / JPL / Cornell – NASA / JPL /
                         Cornell / USGS

   Figure 26. Affleurement photographié par Opportunity
 montrant des strates horizontales perforées de “trous” de
 forme géométrique
   Un géologue expérimenté reconnait des emplacements                         Source - © 2007 Pierre Thomas
 de cristaux solubles qui ont cristallisé dans la roche en
                                                                Figure 27. Exemple de roche sédimentaire terrestre
 formation, et qui ensuite ont été dissouts. Ces “trous” sont
                                                              âgée de 20 Ma (Peyriac-de-Mer, Aude) et contenant des
 nommés “pseudomorphoses”. La forme de ces
                                                              cristaux de gypse
 pseudomorphoses suggère fortement que ces cristaux
 disparus étaient des cristaux de gypse, sulfate de calcium Cette roche et ses cristaux ont été dégagés par un
 hydraté. Sur Terre, le gypse se dépose classiquement au éboulement récent. Le gypse étant soluble, il suffira
 fond de lac salé (ou de lagune côtière) en voie              d'attendre quelques années d'humidité et de pluie pour
 d'évaporation.                                               que le gypse disparaisse et qu'il ne reste plus que des
                                                              trous de forme géométrique, comme sur Mars à la figure
                                                              26.

                                                    Source - © 1994 Pierre Thomas

   Figure 28. Exemple d'un milieu terrestre (le désert d'Atacama, au Chili) où l'on voit, du premier à l'arrière-plan (1)
 des fentes de dessiccation, (2) des croutes de sel et de gypse, (3) des plans d'eau très peu profonds, (4) des
 épandages de sables volcaniques provenant (5) d'une chaine de volcans
   Ce paysage terrestre est l'équivalent d'une synthèse des paysages martiens révélés par (dans le même ordre) les
 figures 24 et 25 (fentes de dessiccation), 26 (cristaux de gypse), 21 (rides de clapot), 11(sable basaltique) et 1 (paysage
 volcanique). Ce paysage montre en plus quelque chose de jamais vu sur Mars : la vie, sous la forme, ici, de trois
 flamants roses volant à droite du volcan, et d'un autre tout à droite fouillant la vase de son bec pour en extraire sa
 nourriture constituée de petits crustacés et bactéries diverses qui abondent dans ces milieux terrestres sursalés.

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   Site 10 – Curiosity, entre Pahrump Hills et Gobabed, le 27 août 2015

             Source - © 2015 NASA / JPL-Caltech / MSSS

   Figure 29. Exemple de stratifications obliques                          Source - © 1979 Pierre Thomas
 photographiées par Curiosity dont la disposition rappelle Figure 30. Exemple de stratifications éoliennes
 beaucoup les stratifications éoliennes, couches de sable terrestres dans le Canyon de Chelly, grès éoliens du
 déposés par les vents dans les déserts, les dunes des    Permien inférieur d'Arizona
 environnements littoraux…
                                                            À retrouver dans Stratifications éoliennes.

                                              Source - © 2014 NASA / JPL-Caltech, modifié

   Figure 31. Images dessinées par la NASA reconstituant ce que pouvaient être différents paysages à différentes
 périodes dans la région explorée par Curiosity
   Sur la photo de gauche, des argiles se déposent dans des étendues d'eaux peu profondes qui s'assèchent souvent.
 Tout à gauche, des petites dunes de sable rouge recouvrent les argiles.
   Sur la photo du centre, la région au pied d'un cône alluvial est inondée. Des bancs de sables et de galets se
 déposent sur les bords des torrents coulant sur le cône, ou sous l'eau près du “rivage”. Des sédiments plus fins et en
 couches régulières se déposent au milieu du lac.
   Sur la photo de droite, on est à une époque avec forte érosion et où le cône alluvial progresse beaucoup, en
 déposant des galets à son pied.

   Entre le moment où se forment les roches et aujourd'hui, il peut leur arriver beaucoup de choses. Elles peuvent
 être déformées, altérées, érodées… Dans les régions explorées par Opportunity et Curiosity, les roches ont été
 fracturées et parcourues par des eaux riches en sels divers.

   Site 11 – Curiosity au pied de Naukluft Plateau le 17 février 2017

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                                          Source - © 2016 NASA / JPL-Caltech / MSSS, modifié

   Figure 32. Réseau de filons de gypse (CaSO4 , 2 H2O) recoupant des roches martiennes

   Il s'agit d'anciennes fissures dans lesquelles a circulé de l'eau riche en sulfates (eaux acides), sulfates qui se sont
 déposés sur les bords des fractures.

                                                                                     Source - © 2013 Pierre Thomas
             Source - © 2016 NASA / JPL-Caltech / MSSS
                                                              Figure 34. Vues d'ensemble et de détail sur un filon de
   Figure 33. Gros plan sur un filon de gypse martien
                                                            gypse du Pays basque, équivalent terrestre des deux
   On reconnait bien les cristaux de gypse, et on remarque photographies précédentes
 qu'ils ont crû perpendiculairement aux épontes, comme
                                                              On reconnait la même structure interne que dans la
 dans les filons de gypse terrestres. L'analyse chimique a
                                                            figure 33.
 confirmé qu'il s'agissait de sulfate de calcium (cf., plus
 loin, la figure 41).

   Site 12 – Curiosity près de Maria Pass, mai à juillet 2015

                                              Source - © 2015 NASA / JPL-Caltech / MSSS

   Figure 35. Contact entre deux unités de terrains martiens
   En haut, avec des strates visibles, on voit des grès fluviatiles et/ou éoliens semblables à ceux du site 3. En bas,
 plus clairs et plus roses, on voit des sédiments beaucoup plus fins (strates invisibles depuis cette distance),
 semblables à celles des sites 6 et 6 bis. Des mini-dunes actuelles de sables, mobiles au grès de vents, recouvrent
 partiellement ce contact.

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                                              Source - © 2015 NASA / JPL-Caltech / MSSS

   Figure 36. Plan rapproché sur le contact entre les deux unités de terrains martiens visibles sur la photo
 précédente
   En haut les strates de grès formant des couches relativement épaisses identiques à celles du site 3, très
 vraisemblablement déposées par des cours d'eau.
   En bas des strates fines (épaisseur < 1 cm), identiques à celles du site 6 bis (fig. 19), très vraisemblablement
 déposées dans des eaux calmes d'un lac assez profond. Cette unité inférieure est traversée de filon de gypse, comme
 au niveau du site 11. Ces filons s'arrêtent au sommet de l'unité inférieure, sans pénétrer l'unité supérieure.
   On peut reconstituer l'histoire de ce site 12 de la façon suivante. Dans un premier stade, se déposent des couches
 fines et régulières dans un lac calme et relativement profond. Dans un deuxième temps, ces couches sont
 fracturées, et les fissures sont remplies de gypse par des circulations d'eau. Dans un troisième temps, une érosion
 enlève une certaine épaisseur de l'unité inférieure et des filons qui la recoupent. Enfin, dans un quatrième temps,
 des cours d'eau déposent des sables relativement grossiers. Une érosion “récente” donne au site son visage actuel.

 Des analyses sur Mars
   En plus des observations “visuelles”, les robots étaient pourvus de divers instruments d'analyse minéralogique ou
 chimique, plus performants pour Curiosity que pour Spirit et Opportunity. Nous vous montrons six résultats
 d'analyses et les conclusions qu'on peut rapidement en tirer.

   Analyse 1 – Découverte de la jarosite et d'un milieu acide

                                           Source - © 2004 NASA / JPL / University of Mainz

   Figure 37. Exemple d'un résultat d'une analyse Mossbauer faite par Opportunity près du site 9
   Cette technique permet d'identifier les minéraux contenant du fer. Un spécialiste de cette spectroscopie
 identifierait sans problème de la jarosite, un sulfate hydraté de potassium, sodium et fer. L'intérêt géologique de la
 jarosite, c'est que ce sulfate ne précipite qu'en milieu très acide (pH de 2 à 4). Le milieu aquatique dans lequel se
 sont formés les sédiments explorés par Opportunity avait donc un pH inférieur à 4. Sur Terre, un tel milieu peut
 abriter de nombreuses formes de vie (dites acidophiles). Mais les chimistes nous disent que les réactions chimiques
 nécessaires à la formation des molécules prébiotiques et à leur polymérisation sont impossibles à un pH aussi bas.
 Si la vie est née sur Mars avant que ce pH n'existe, ou ailleurs sur Mars, elle aurait pu continuer à se développer.
 Mais elle n'aurait pas pu apparaitre dans un tel milieu acide, si la vie martienne était basée sur le même genre de
 molécules que la vie terrestre.

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   Analyse 2 – Découverte des smectites et d'un milieu neutre

                                              Source - © 2013 NASA / JPL-Caltech / Ames

   Figure 38. Exemple des 1 re et 2e diffractions X faites par Curiosity, la première sur le sable d'une dune active
 (Rocknest Sand, à gauche), et la 2e sur les sédiments gréseux de Yellowknife Bay (John Klein , à droite)
   Un spécialiste de diffraction X identifierait sans problème de la smectite, une variété d'argile (phyllosilicate) dans
 les sédiments gréseux de l'affleurement nommé John Klein . L'intérêt géologique des smectites, c'est que cette
 famille d'argiles ne se forme qu'en milieu neutre. Le milieu aquatique dans lequel se sont formés les sédiments
 explorés par Curiosity dans Yellowknife Bay avait donc un pH voisin de 7. Un tel pH est favorable et à une chimie
 prébiotique et au développement de la vie, du moins la vie “à la mode” terrestre.

   Analyse 3 – Mesure des relations SiO 2/Na2O+K2O, découverte d'une série alcaline

                                                      Source - © 2015 Sauter et al.

   Figure 39. Résultats de très nombreuses analyses chimiques dans un diagramme alcalin / silice (diagramme TAS
 = Total Alkali Silica ) faites sur échantillons magmatiques martiens, analyses faites par spectroscopie X-a et/ou par
 ChemCam
    Ces résultats montrent que la chimie des roches magmatiques analysées par Spirit est “monotone”, et proche de
 celle des basaltes. Par contre, l'analyse des roches magmatiques de Curiosity dans le cratère Gale (éléments trouvés
 dans les conglomérats) montre qu'une différenciation magmatique a eu lieu dans ce secteur de Mars. Cette
 différenciation ressemble beaucoup à celle conduisant, sur Terre, à la série alcaline. Le galet nommé Harrison
 (figure 9) est représenté par des étoiles vertes. Il a la chimie d'une trachy-andésite, ce qui est tout à fait compatible
 avec l'observation macroscopique (feldspath et verre assez sombre).
   Voir : V. Sauter et al, 2015. In situ evidence for continental crust on early Mars, Nature Geoscience [pdf]

   Analyse 4 – Mesure des relation SiO 2/TiO2, découverte d'une altération acide

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                                       Source - © 2015 NASA / JPL-Caltech / University of Guelph

    Figure 40. Exemple de résultats obtenus par l'analyse (spectroscopie X-a) de la composition chimique de
 nombreuses roches analysées par Curiosity le long de son trajet, analyses concernant les teneurs en silicium et en
 titane
    La teneur en ces deux éléments varie de façon conjointe dans les roches altérées et enrichies en silice. Un
 spécialiste de l'altération reconnaitrait l'évolution caractéristique de roches silicatées altérées en milieu légèrement
 acide. Si cette interprétation est correcte, cela signifie que ces roches ont été déposées en milieu neutre (elles
 contiennent des smectites, cf. figure 38) puis ont été altérées au contact d'une eau plus acide. On assiste là à
 l'acidification des eaux martiennes.

   Analyse 5 – Identification du sulfate de calcium

                             Source - © 2013 NASA / JPL-Caltech / LANL / CNES / IRAP / LPGNantes / CNRS

    Figure 41. Résultat de l'analyse de deux filons blancs (nommés Crest et El Capitan) semblables à ceux du site 11
 (fig. 32 et 33) par la caméra chimique ChemCam (analyse spectrale d'un plasma engendré par un “flash laser”)
   L'analyse d'un basalte voisin est donnée pour comparaison. Ces deux filons contiennent du calcium, du soufre et
 de l'hydrogène. Par comparaison, on voit que le basalte contient du calcium, mais quasiment pas de soufre ni
 d'hydrogène. Le minéral remplissant ces filons est donc très vraisemblablement du gypse (CaSO 4 , 2 H2O), ou
 éventuellement de la bassanite (CaSO 4 ,1/2 H2O). La présence de gypse remplissant des filons montre que de l'eau
 chargée en sulfates a circulé (à basse ou moyenne température) dans un réseau de fractures affectant les sédiments
 de Yellowknife Bay.

   Analyse 6 – Il y a des molécules carbonées dans les roches martiennes, mais Curiosity ne peut
   pas les analyser

                                                  Source - © 2014 NASA / JPL-Caltech

   Figure 42. Exemple des résultats des premières recherches de molécules carbonées dans les sédiments de

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 Yellowknife Bay par le spectromètre de masse de Curiosity installé à l'aval d'un chromatographe en phase gazeuse
   Ces analyses prouvent qu'il y a des traces de molécules carbonées dans ces sédiments, mais la technique
 analytique employée (analyse des gaz dégagés par une pyrolyse) associée à la présence de perchlorates dans le sol
 a presque totalement détruit ces molécules carbonées, ce qui empêche d'en connaitre la masse et nature ; on ne
 récupère que de petits fragments organochlorés. Étaient-ce des molécules biologiques, prébiotiques, d'origine
 purement “minérale” ? D'autres techniques analytiques devront être employées lors des prochaines missions
 martiennes, comme la spectroscopie Raman.

 Et Perseverance…
    C'est en combinant toutes ces observations faites sur des sites comme les douze sélectionnés dans cet article,
 sélectionnés pour leur variété et pour la richesse des conclusions qu'on peut en tirer, et faites bien sûr sur des
 centaines d'autres sites, que les géologues des équipes de Spirit, Opportunity et Curiosity ont pu reconstituer
 l'histoire géologique de ces trois sites d'atterrissage relatée au début de cet article.
   Et c'est ce genre de démarche que devront faire « en direct » les scientifiques et les ingénieurs de Perseverance
 (robot de la mission Mars 2020 qui doit se poser le 18 février 2021 sur la planète rouge). Avec des vues orbitales et
 d'autres prises par Perseverance avec des caméras à grand angle, les ingénieurs et les géologues choisiront les sites
 à visiter et le trajet à prendre pour y aller. Avec les caméras à plus petit champ, donc à meilleure résolution, et avec
 le spectro-imageur à distance SuperCam, les géologues choisiront quelle(s) partie(s) du site étudier à haute
 résolution, « par contact ». Au contact de l'affleurement et grâce à un bras porte-outils, la spectrométrie X à haute
 résolution, la fluorescence UV et la diffusion Raman permettront aux ingénieurs et aux géologues de connaitre les
 compositions chimique, minéralogique et « organique ». En fonction de ces résultats, les géologues décideront ou
 non de prélever des mini carottes à ramener sur Terre dans une dizaine d'années. Comme Perseverance ne pourra
 recueillir au maximum que 43 carottes d'une dizaine de grammes chacune, les géologues n'auront pas intérêt à se
 tromper dans leur choix au risque de rapporter des « cailloux sans intérêt ».

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