LES SUPERMARCHES ET LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE - Fondation d'utilité publique Boulevard Paepsem 20 - 1070 Bruxelles NE 417541646 - IUFN
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LES SUPERMARCHES ET LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE Fondation d'utilité publique Boulevard Paepsem 20 – 1070 Bruxelles NE 417541646 Auteurs: Rob Buurman & Jan Velghe .
Cette étude a été réalisée avec le soutien de : l’Observatoire Bruxellois de la Consommation Durable (OBCD). L’OBCD est un partenariat entre le CRIOC et Bruxelles Environnement, avec le soutien de la Région Bruxelles-Capitale & la Commission Européenne, par le biais du Programme INTERREG IVB, dans le cadre du projet GreenCook. 2
1. Résumé Cette enquête décrit le rôle des supermarchés en ce qui concerne le gaspillage alimentaire. À cet effet, des interviews ont été réalisées avec des travailleurs/ représentants de 7 supermarchés actifs dans la Région de Bruxelles-Capitale. Cette enquête a permis de poser plusieurs constats sur la situation actuelle et s’appuie sur la littérature existante relative aux causes du gaspillage alimentaire en amont et au sein des supermarchés. L’étude présente la relation entre les supermarchés et le gaspillage alimentaire envisagé au sens large. Elle traite non seulement du gaspillage dans les magasins mais aussi du rôle que les supermarchés jouent en aval (auprès des ménages) ou en amont (chez les fournisseurs) de la chaîne alimentaire. Partant de cette optique élargie, des recommandations concrètes ont été formulées pour les supermarchés, les autorités publiques, les consommateurs et les chercheurs. Selon la Commission Européenne, les pertes alimentaires doivent être réduites de moitié pour 2020 relativement à 2011 (CE, 2011a). Cet objectif représente une énorme tâche pour tous les acteurs dans la chaîne alimentaire, y compris les supermarchés. Une étude réalisée par la FAO montre que 280 kilos d'alimentation sont gaspillés par habitant par an (Jenny Gustavsson et al., 2011). Ce gaspillage comprend non seulement les denrées alimentaires jetées par des consommateurs, mais également, par exemple, une partie des produits qui restent dans les champs lors de la récolte ou qui sont jetés par le personnel de cuisine dans un restaurant. Il y a des pertes dans tous les maillons de la chaîne alimentaire, mais les supermarchés gaspillent relativement peu d'alimentation. En effet, il est estimé que moins de 5% de toutes les pertes alimentaires peuvent être attribuées directement aux supermarchés, qui jouent un rôle-clé dans la chaîne alimentaire. Car c'est là que les consommateurs achètent la plus grande partie de leurs denrées alimentaires, créant un flux important d'aliments au sein des supermarchés et nécessitant la mise en place d'une logistique extrêmement efficace. Cette efficacité est une des raisons principales qui font que les pertes alimentaires aux supermarchés sont peu importantes. Le gaspillage alimentaire selon 10 thèmes Il existe une grande variabilité du niveau des gaspillages alimentaires entre les supermarchés interrogés. Certains supermarchés disent qu'ils ne gaspillent quasiment rien, tandis que d'autres voient encore des possibilités pour réduire leurs gaspillages. C’est surtout sur le plan de la gestion des flux de déchets, de l'offre de poisson durable et de l'information du consommateur que des différences importantes sont constatées. Ces thèmes offrent donc des opportunités pour réduire le gaspillage alimentaire. Dans les interviews, le gaspillage alimentaire est appréhendé à travers dix thèmes. Pour chaque thème, les supermarchés ont exposé comment ils agissent, ce qui donne une vue des diverses pratiques courantes dans les supermarchés, susceptibles de causer ou au contraire de réduire le gaspillage alimentaire. Le tableau ci-après présente quelques résultats pour chacune des thématiques abordées. Thèmes Résultats Information du consommateur Certains supermarchés fournissent aux consommateurs une brève information sur le gaspillage alimentaire via des magazines ou des dépliants. Cependant, on ne trouve aucune information ou action menée au sein des magasins pour sensibiliser les consommateurs. Portions et conditionnement L’offre de différents formats d’emballage permet, en principe, aux consommateurs d’acheter selon leurs besoins. Elle peut néanmoins aussi augmenter le risque de gaspillage dans un supermarché. 3
Promotions Des promotions telles que “deux pour le prix d’un”, qui peuvent aggraver le gaspillage alimentaire par les ménages, sont utilisées de manière courante. Aucun des supermarchés interrogés ne tient compte du gaspillage alimentaire chez le consommateur lors de l’organisation de leurs promotions. La plupart des supermarchés utilisent en outre des promotions pour vente rapide lorsque la date de péremption approche. Normes de qualité pour fruits et Selon la FAO (Jenny Gustavsson et al., 2011), les normes de qualité pour les fruits et légumes légumes sont la cause principale des pertes alimentaires dans le secteur primaire. Néanmoins, les interviews ne permettent pas de savoir si les supermarchés appliquent des normes de qualité spécifiques. Poisson durable Un gaspillage considérable existe pour la pêche. Une partie des poissons capturés est rejetée et destinée le plus souvent à mourir. Quelques supermarchés offrent du poisson en partie durable tandis que d’autres s’efforcent à présenter une offre à 100% durable. Gestion de la chaîne du froid Tous les supermarchés doivent respecter des obligations légales concernant la chaîne du froid. Plusieurs enseignes facilitent le respect cette chaîne par le consommateur en mettant à sa disposition des sacs isothermes et en agençant de manière réfléchie leurs congélateurs dans le magasin. Commandes et gestion des Tous les supermarchés utilisent des systèmes de commande. Dans les petits super- stocks marchés, les systèmes sont moins avancés et le poids de la gestion des commandes et des stocks repose en priorité sur les responsables du supermarché. Dans les grandes enseignes, c’est l’inverse qui se produit : ce poids repose en priorité sur le système de gestion des commandes. Les supermarchés ont des attitudes différentes vis-à-vis des rayons ‘pleins’ et ‘vides’. Quelques supermarchés plus petits tolèrent des rayons relativement vides. Pour le pain, les supermarchés veulent encore offrir plusieurs sortes à la fin de la journée. Les invendus : destination et On constate des différences importantes entre les supermarchés dans la gestion des traitement invendus. Les invendus peuvent, selon les cas, être offerts à des banques alimentaires, utilisés pour l’alimentation du bétail, transformés en biogaz, traités d’une autre manière ou encore jetés. Plusieurs supermarchés collaborent avec des banques alimentaires. Formation Tous les supermarchés offrent des formations à leurs travailleurs notamment pour les aider à réduire les pertes au sein des supermarchés. Aucun des supermarchés interviewés n’a cependant indiqué qu’il cherchait à sensibiliser son personnel au sujet du gaspillage alimentaire. Relation avec l’industrie Certains supermarchés interrogés ont indiqué qu’ils avaient des accords de reprise avec alimentaire certains fournisseurs de produits alimentaires. 4
Grands et petits supermarchés Selon l’enquête, plusieurs différences ont été observées entre les grands et les petits supermarchés. Les grands supermarchés font confiance à leur expertise logistique pour prévenir le gaspillage alimentaire. Les plus petits supermarchés sont un peu plus flexibles et élaborent des moyens originaux pour utiliser les invendus de manière utile. Les grands supermarchés ont donc clairement plus d’influence sur les producteurs et les fournisseurs ainsi que sur le gaspillage alimentaire dans toute la chaîne. Généralement, on considère que les petits supermarchés ont proportionnellement plus de pertes alimentaires que les grands car ils sont davantage fréquentés pour des achats complémentaires occasionnels que pour des courses régulières. Il est donc plus difficile pour un petit supermarché de prédire la demande (Julian Parfitt et al., 2010). Cependant, les résultats des interviews ne permettent pas de conclure que les petits supermarchés gaspillent proportionnellement plus ou moins que les grandes enseignes. Recommandations L’enquête a permis d’adresser des recommandations pour les supermarchés, les autorités publiques, les consommateurs et le secteur de la recherche. Ces recommandations sont reprises dans le chapitre 6. 5
2. Table des matières 1. Résumé .......................................................................................................................................................................... 3 2. Table des matières.......................................................................................................................................................... 6 3. Introduction .................................................................................................................................................................... 8 3.1 Objectif ................................................................................................................................................................... 8 3.2 Partenaires.............................................................................................................................................................. 8 3.3 La problématique du gaspillage alimentaire ............................................................................................................. 8 3.4 Supermarchés et gaspillage alimentaire ................................................................................................................. 10 3.4.1 Le supermarché en tant que maillon de la chaîne alimentaire ........................................................................ 10 3.4.2 Recherches disponibles sur le gaspillage alimentaire et les supermarchés ..................................................... 11 3.5 L’image des supermarchés .................................................................................................................................... 12 3.5.1 Les supermarchés belges .............................................................................................................................. 12 3.5.2 Les supermarchés français et britanniques.................................................................................................... 13 3.5.3 Un plaidoyer pour plus de transparence ......................................................................................................... 14 3.6 La définition de gaspillage alimentaire................................................................................................................... 14 3.6.1 Généralités ................................................................................................................................................... 14 3.6.2 « Gaspillage » alimentaire ? .......................................................................................................................... 15 4. Méthodologie et sélection ............................................................................................................................................. 16 4.1 Méthodologie de la recherche ................................................................................................................................ 16 4.2 Population de la recherche .................................................................................................................................... 16 4.2.1 Délimitation .................................................................................................................................................. 16 4.2.2 Description ................................................................................................................................................... 16 4.3 La sélection des supermarchés .............................................................................................................................. 17 4.3.1 Les critères de sélection................................................................................................................................ 17 4.3.2 Une sélection à deux niveaux ......................................................................................................................... 18 4.3.3 Sélection ....................................................................................................................................................... 18 5 Résultats ....................................................................................................................................................................... 20 5.1. L'information du consommateur ............................................................................................................................ 21 5.1.1 Contexte........................................................................................................................................................ 21 5.1.2 Interviews ..................................................................................................................................................... 23 5.2 Portions & conditionnements ................................................................................................................................. 23 5.2.1 Contexte........................................................................................................................................................ 23 5.2.2 Interviews ..................................................................................................................................................... 24 5.3 Promotions ............................................................................................................................................................ 25 5.3.1 Promotions aux grands volumes .................................................................................................................... 25 5.3.2 Réduction du prix pour vente rapide............................................................................................................... 26 5.4 Les normes de qualité pour fruits et légumes ......................................................................................................... 27 5.4.1 Contexte........................................................................................................................................................ 27 6
5.4.2 Interviews ..................................................................................................................................................... 27 5.5 Poisson durable..................................................................................................................................................... 28 5.5.1 Contexte........................................................................................................................................................ 28 5.5.2 Interviews ..................................................................................................................................................... 29 5.6 La gestion de la chaîne du froid ............................................................................................................................. 30 5.6.1 Contexte........................................................................................................................................................ 30 5.6.2 Interviews ..................................................................................................................................................... 30 5.7 Commandes et gestion des stocks ......................................................................................................................... 31 5.7.1 Contexte........................................................................................................................................................ 31 5.7.2 Interviews ..................................................................................................................................................... 31 5.8 Invendus: destination et traitement........................................................................................................................ 33 5.8.1 Quand des produits ne sont plus vendus ........................................................................................................ 33 5.8.2 Enregistrement des invendus ......................................................................................................................... 35 5.8.3 Les banques alimentaires et les invendus ...................................................................................................... 35 5.9 Formation .............................................................................................................................................................. 39 5.9.1 Contexte........................................................................................................................................................ 39 5.9.2 Interviews ..................................................................................................................................................... 39 5.10 Relation avec l’industrie alimentaire .................................................................................................................... 40 5.10.1 Contexte...................................................................................................................................................... 40 5.10.2 Interviews ................................................................................................................................................... 40 6. Discussion et recommandations.................................................................................................................................... 42 6.1 Observations et actions pour les supermarchés ...................................................................................................... 42 6.1.1. Observations pour les supermarchés ............................................................................................................ 42 6.1.2 Actions pour les supermarchés ...................................................................................................................... 46 6.2 Observations et actions pour les autorités publiques .............................................................................................. 48 6.2.1 Observations pour les autorités publiques ..................................................................................................... 48 6.2.2 Actions pour les autorités publiques .............................................................................................................. 50 6.3 Observations et recommandations pour les consommateurs ................................................................................... 51 6.3.1 Observations pour les consommateurs........................................................................................................... 51 6.3.2 Recommandations pour les consommateurs .................................................................................................. 52 6.4 Observations et suggestions pour la recherche ....................................................................................................... 53 6.4.1 Observations pour la recherche ..................................................................................................................... 53 6.4.2 Suggestions pour la recherche ....................................................................................................................... 54 7. Bibliographie ................................................................................................................................................................ 55 7
3. Introduction La quantité d’aliments produits qui finit par être gaspillé est énorme. La plupart du temps, un aliment est produit, trans- porté, transformé, emballé et enfin vendu pour ensuite terminer à la poubelle du consommateur. Cette perte alimentaire a des impacts très graves tant sur le plan social, écologique que financier. C’est la raison pour laquelle il importe que tous les acteurs concernés fassent des efforts pour arriver à une utilisation optimale de la nourriture disponible. Le supermarché est un des maillons de la chaîne alimentaire1. On constate généralement des pertes, pour différentes raisons, au niveau de ce dernier. Tout d’abord, les pertes peuvent résulter du comportement des clients qui pressent trop fort les kiwis pour tester leur maturité ou peut être lié à la gestion du stock et à la formation du personnel. De nombreux produits alimentaires, fabriqués et traités à différents endroits, se centralisent dans le supermarché pour ensuite être redistribués au sein des familles. Le supermarché remplit une fonction-clé dans la chaîne alimentaire et peut par conséquent avoir une influence sur le gaspillage alimentaire dans d’autres secteurs. 3.1 OBJECTIF Ce rapport traite du rôle joué par les supermarchés dans le gaspillage alimentaire. L’objectif se divise en trois volets : x Premièrement, l’objectif est d’obtenir une vue d’ensemble sur les pratiques quotidiennes des supermarchés confrontés au gaspillage alimentaire, tant ‘en interne’ que vers d’autres maillons de la chaîne alimentaire et plus particulièrement vers le consommateur. x Deuxièmement, ce rapport doit, en partant des constats de l’enquête, offrir des plans d’action aux consommateurs, supermarchés et autorités publiques pour réduire le gaspillage. x Troisièmement, ce rapport se veut offrir, sur base d’un panorama général du gaspillage alimentaire, des perspectives pour la recherche. 3.2 PARTENAIRES L’enquête a été menée dans le cadre du projet GreenCook et de l’Observatoire bruxellois pour la Consommation durable (OBCD). GreenCook est un collectif contre le gaspillage alimentaire, composé d’organisations et d’autorités publiques en Belgique, aux Pays-Bas, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Les partenaires dans GreenCook réalisent des études et des projets ayant pour but de développer la connaissance et la conscience de la problématique du gaspillage alimentaire. Les partenaires se concentrent sur le gaspillage alimentaire chez le consommateur, dans le supermarché et dans les restaurants et cantines. L’OBCD travaille en partenariat avec le CRIOC et Bruxelles Environnement et cherche à promouvoir la consommation durable. L’enquête est menée avec le soutien financier de Bruxelles Environnement et du programme INTERREG IVB NWE. 3.3 LA PROBLEMATIQUE DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE En 2011, la Commission Européenne a présenté l’initiative dans sa “Feuille de route pour une Europe efficace dans l'utilisation des ressources”. Celle-ci annonce que, d’ici 2020, les pertes alimentaires doivent être réduites de moitié et 1 La chaîne alimentaire est celle qui va de la production d’aliments jusqu’à leur consommation. 8
20% de ressources en moins doivent encore être nécessaires pour la production alimentaire (CE, 2011a). Début 2012, le Parlement Européen a fait appel à la Commission Européenne afin de prendre des mesures pratiques pour réduire les pertes alimentaires de moitié pour 2025. En outre, le Parlement Européen a demandé à la Commission Européenne de faire de 2014 l’Année européenne contre le Gaspillage alimentaire (PE, 2012). La Flandre a repris les objectifs de la Commission Européenne (Peeters, 2012). La Région Bruxelles-Capitale a défini des objectifs de réduction séparés pour les écoles, entreprises et ménages. Dans les ménages bruxellois, le gaspillage alimentaire doit être réduit pour 2020 de 5 kg par personne par an par rapport à 2010. Ce qui représente une réduction d’environ 33% (Bruxelles Environnement, 2010). Les autorités publiques néerlandaises envisagent, pour 2015, une réduction du gaspillage alimentaire de 20% comparé à 2009 (Ministerie van Landbouw, Natuur en Voedselkwaliteit, 2009). La France n’a pas encore formulé d’objectifs officiels mais les autorités françaises ont déjà fait savoir qu’un plan sera proposé en 2013 pour réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2025, comme proposé par le Parlement Européen (Gouvernement Français, 2012). Depuis quelques années, le gaspillage alimentaire se trouve en tête de l’agenda politique. La quantité d’aliments gaspillés est en effet considérable. On estime qu’environ un tiers de toute la production alimentaire se perd à un moment ou un autre dans la chaîne. Pour l'ensemble de la population européenne, cela revient à environ 280 kg par capita par an (Jenny Gustavsson et al., 2011). Une étude réalisée à la demande de la Commission Européenne conclut à un chiffre de 179 kg d'alimentation perdue par habitant sans toutefois prendre en considération le secteur agricole et en englobant dans son calcul les parties non comestibles (Véronique Monier et al., 2010).2 Selon une analyse des aliments retrouvés dans les poubelles des ménages bruxellois, réalisée par Bruxelles Environnement en 2004, on estime que 15,2 kg d'alimentation sont gaspillés par habitant par an. Notons cependant que tous les aliments gaspillés n'arrivent pas dans la poubelle. Cette dernière analyse ne fournit des éléments que sur le gaspillage alimentaire causé par les ménages (Bruxelles Environnement, 2004). Tout en prenant en considération la crise alimentaire de 2007-2008 et estimant que la population mondiale s'accroîtra de 30% pour arriver à un total de 9 milliards de personnes en 2050, il est clair que la réduction du gaspillage est primordiale pour pouvoir garantir la sécurité alimentaire. De 2010 à 2012, selon la FAO (l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture), il y avait 868 millions d'hommes souffraient de malnutrition principalement en Afrique et en Asie (FAO portail faim). La quantité de nourriture gaspillée chaque année en Europe suffirait à combler 3 à 7 fois ce déficit alimentaire (Tristram Stuart, 2009). Au niveau de l'agriculture, le gaspillage alimentaire se situe dans une surproduction considérable. Si ce gaspillage était réduit de 50% au niveau mondial, comme le souhaite la Commission Européenne, une surface de terre de la taille de l'Australie se libérerait pour d'autres utilisations3. L'abattage de forêts, par exemple en Amérique du Sud, est directement lié à la production de cultures et à la création d'espaces pour l'élevage de bétails. Une diminution du gaspillage alimentaire signifierait que ces terres pourraient être rendues à la nature ou utilisées d'une manière plus utile. Par ailleurs, le gaspillage alimentaire a un impact environnemental important. La production d'un steak de 150 grammes nécessite par exemple pas moins de 2310 litres d'eau. Les quantités de CO2 et de méthane qui sont dégagées par les aliments gaspillés sont en outre énormes. S'il était mis fin au gaspillage alimentaire, cela aurait pour conséquence une diminution des rejets de CO2 comparable à celle de l'enlèvement d'un cinquième de toutes les voitures de la circulation (WRAP, 2011d). De plus, des matières premières comme l'huile et le fer sont indispensables dans une production de 2 Plusieurs études utilisent différentes manières pour quantifier les pertes alimentaires. La Plateforme Multi-Stakeholder européenne FUSIONS (Food Use for Social Innovation by Optimising waste prevention Strategies) est un projet qui court de 2012 jusqu'à 2016 et qui a entre autre pour but d’harmoniser l'enregistrement des pertes alimentaires. 3 En partant d'une perte alimentaire de 1/3 sur l'ensemble de la chaîne et de 4,9 milliards hectares de terres utilisées pour l'agriculture (y compris les prés), avec une correction de 150 millions hectares pour l'utilisation de terres à d'autres fins que la production alimentaire (FAOSTAT, 2009 & Stefan Wirsenius et al., 2010). 9
nourriture moderne et efficace. Sur une échelle globale, le gaspillage alimentaire représente par conséquent une perte importante de matières premières avec une influence significative sur le climat. Enfin, les coûts financiers du gaspillage alimentaire sont aussi très importants. Une étude de WRAP conclut que les dépenses pour les denrées alimentaires qui finissent par être jetées sont d'environ 565 euros par an par ménage (de 2,4 personnes) (WRAP, 2009). Une étude du CRIOC estime que les pertes financières sont de 175 euros par personne (CRIOC, 2008). Etant donné que les consommateurs sont responsables uniquement pour une partie des pertes, les coûts totaux sur l'ensemble de la chaîne alimentaire sont encore plus importants. 3.4 SUPERMARCHES ET GASPILLAGE ALIMENTAIRE 3.4.1 Le supermarché en tant que maillon de la chaîne alimentaire De l’agriculteur au consommateur, chaque maillon de la chaîne alimentaire est marqué par des pertes. Il s'avère que le consommateur est le plus grand gaspilleur (Jenny Gustavsson et al., 2011) car il achète davantage de denrées alimentaires que ce dont il a vraiment besoin (Tristram Stuart, 2009). Une partie de ce surplus peut malgré tout être consommée entraînant parfois de l'obésité comme grave conséquence. L'autre partie finira comme compost, comme nourriture pour les animaux domestiques, sera déversée dans la toilette ou jetée à la poubelle. Les causes sont très diverses : surestimation des quantités à préparer, mauvaise conservation, achat excessif en magasin,... Une étude du CRIOC sur les supermarchés analyse de quelles manières les consommateurs sont séduits (CRIOC, 2009). Beaucoup de supermarchés tentent d’attirer des clients avec des dépliants contenant des promotions. D'autres annoncent des prix plus bas et fixes. D’autres encore misent sur la qualité des produits. La concurrence entre supermarchés4 est rude et une fois dans le magasin, le client est encouragé à acheter. L'éclairage, la musique, les démonstrations, l'aménagement des rayons: tout doit mener à ce que les consommateurs achètent plus. Les supermarchés ont une forte influence sur le consommateur mais souvent aussi sur les fournisseurs secondaires de denrées alimentaires (figure 1). Ce sont en effet les supermarchés qui déterminent quels produits ils exposeront dans les magasins. Souvent, les fruits et légumes ne doivent pas seulement avoir bon goût mais doivent aussi avoir un aspect appétissant. Dans leurs relations avec leurs propres fournisseurs, les supermarchés sont parfois aussi capables d'influencer le gaspillage très tôt dans la chaîne alimentaire. Des critères de qualité pour fruits et légumes peuvent signifier que certains produits ne seront jamais récoltés. 4 Les ‘supermarchés’ ici comprennent également les enseignes de supermarchés. Dès qu'on parle explicitement d'enseignes de supermarchés, il s'agit exclusivement de l'enseigne et non pas de supermarchés individuels. 10
Figure 1: le supermarché n'est qu'un des maillons de la chaîne alimentaire, mais son influence sur tous les autres maillons est importante. 3.4.2 Recherches disponibles sur le gaspillage alimentaire et les supermarchés Une étude commanditée par la Commission Européenne, à savoir la Preparatory Study on Food Waste Across EU 27, a quantifié les pertes alimentaires dans l'ensemble de la chaîne alimentaire, à l'exception du secteur agricole (Véronique Monier et al., 2010). Pour ce faire, on a commencé par utiliser des données provenant de la base de données d'EUROSTAT, x A - Agriculture, hunting and forestry qui répartit les pertes alimentaires selon les catégories citées ci-après : x DA - Manufacture of food products; beverages and tobacco x HH - Households x Other Sectors Les pertes alimentaires dans les restaurants, les services de restauration collective, le commerce en gros et les détaillants relèvent des ‘other sectors’. Une estimation a ensuite été faite, sur base d'études sur le plan national, du pourcentage du gaspillage alimentaire pouvant être attribué, d’une part, au commerce en gros et aux détaillants et d’autre part, aux restaurants et à la restauration collective. Figure 2: graphique représentant les secteurs responsables du gaspillage alimentaire, l'agriculture non comprise (Véronique Monier et al., 2010) 11
Les pertes au niveau du commerce en détail/en gros sont estimées à 5% (figure 2). Il faut toutefois noter que les données d'EUROSTAT sont fournies par des états membres qui choisissent eux-mêmes leurs méthodes pour la collecte et le calcul des informations. L'étude fait remarquer qu'il est difficile d'obtenir des données fiables et standardisées concernant le secteur de détail au niveau national et que des informations plus détaillées de ce secteur sont par conséquent nécessaires. La FAO a également publié des chiffres concernant le gaspillage alimentaire au niveau du commerce de détail, basés sur FAOSTAT. Les mêmes problématiques quant à la collecte et à la méthodologie employée valent pour l’obtention des données d’EUROSTAT (voir tableau 1). Le tableau nous montre d'ailleurs clairement que les fruits, légumes, carottes, plantes tubéreuses, poissons, fruits de mer et viandes sont les principaux produits perdus au niveau des supermarchés. Agriculture Post-récolte & Traitement & Distribution: Consommation stockage conditionnement supermarché Céréales 2% 4% 0,5%, 10% 2% 25% Carottes & plantes tubéreuses 20% 9% 15% 7% 17% Grains oléagineux et légumineuses 10% 1% 5% 1% 4% Fruits et légumes 20% 5% 2% 10% 19% Viandes 3,1% 0,7% 5% 4% 11% Poissons et fruits de mer 9,4% 0,5% 6% 9% 11% Lait 3,5% 0,5% 1,2% 0,5% 7% Tableau 1: pertes estimées par groupe d'aliments dans chaque étape de la chaine alimentaire en Europe, la Russie incluse (Jenny Gustavsson et al., 2011) 3.5 L’IMAGE DES SUPERMARCHES 3.5.1 Les supermarchés belges En 2012, Steven De Geynst (aussi appelé le ‘Muffinman’ dans la presse) n'a pas été condamné pour vol, bien que le personnel ait averti la police et que le muffinman ait été arrêté par la suite, pour avoir pris deux sacs de muffins du conteneur des déchets du GB à Rupelmonde. Le juge a considéré que les muffins restaient la propriété du supermarché jusqu'à leur collecte par un service de déchets, mais le juge a également déclaré qu'il n'y avait pas eu d'intention de commettre un vol puisque le gérant du GB avait déjà donné l'autorisation d'enlever des produits du conteneur en question (Knack, 2012). L'affaire du muffinman se joue dans un contexte plus large de ‘dumpster diving’ et de 'freeganism’. Le premier cas consiste, par exemple, à enlever les produits alimentaires (ou autres) du conteneur de déchets d'un supermarché. Le freeganism est la récupération et la consommation de produits alimentaires qui autrement seraient perdus. Il importe ici de faire remarquer que la récupération de nourriture se fait pour divers motifs idéologiques concentrés autour de l'idée que toute nourriture est considérée comme trop précieuse pour être jetée. Tristram Stuart, l'auteur du livre Waste – Uncovering the Global Food Scandal, est lui aussi un freeganist et dumpster diver. Pour lui, son style de vie est une façon de mettre le problème à l’ordre du jour. S'il y avait moins de gaspillage, il abandonnerait aussitôt ce style de vie (Tristram Stuart, 2009). L'attention marquée pour le dumpster diving et les actions en justice qui s’ensuivent sont mauvaises pour l'image des supermarchés. Le dumpster diving et les actions en justice font en effet croire que les supermarchés jettent de grandes 12
quantités de produits alimentaires tout en empêchant que la nourriture invendue soit encore consommée. Lors d'une enquête téléphonique demandant à des consommateurs qui, des consommateurs ou des supermarchés, étaient les plus grands gaspilleurs, 78% des répondants affirmaient: "les supermarchés" (CRIOC, 2011). Certains supermarchés reçoivent des échos positifs au sujet du gaspillage alimentaire. Ainsi, Delhaize a participé avec quelques magasins au Limbourg à un projet-pilote dans lequel les invendus étaient collectés et redistribués à des nécessiteux. La ministre Ingrid Lieten a déclaré que le projet sera développé à l'avenir (Ingrid Lieten, 2012). Delhaize signale qu'ils ont déjà commencé le projet. Colruyt distribue une brochure informant de sa stratégie contre le gaspillage alimentaire. Le fondement est une gestion intelligente des stocks : les produits frais sont conservés dans des circonstances optimales et beaucoup de produits frais dont la date limite de consommation s'approche sont retirés des rayons et donnés à des banques alimentaires. En outre, le consommateur peut également trouver dans cette brochure quelques idées et des conseils pour préparer des restes de repas (Colruyt). 3.5.2 Les supermarchés français et britanniques Certains supermarchés E.Leclerc, du Nord-Pas-de-Calais en France, ont entrepris des initiatives, en collaboration avec Greentag (un partenaire dans le projet GreenCook), pour réduire le gaspillage alimentaire et sensibiliser les consommateurs dans les magasins (GreenCook, 2012). Ainsi, ils ont réfléchi sur les possibilités d’utiliser les fruits et légumes invendus comme ingrédients dans de nouveaux produits et concepts dont notamment les paquets d'herbes potagères et les smoothies (voir figure 3). Figure 3: Initiatives dans les supermarchés E.Leclerc du Nord-Pas-de-Calais. Au Royaume-Uni, 53 organisations actives dans le secteur alimentaire, dont 10 détaillants, sont impliquées dans le ‘Courtauld Committment.’ Dans la première phase du projet, 270 000 tonnes d'alimentation en moins ont été gaspillées (WRAP, 2010). Pour la deuxième phase, les organisations se sont engagées à réduire de 4% les déchets alimentaires 13
générés par les ménages (WRAP, 2012). Pour réaliser cet objectif, les supermarchés ont fourni de l'information et des conseils, par exemple sur la différence entre la 'date de durabilité minimale' (DDM) et la 'date limite de consommation’ (DLC) ou sur la façon dont certains produits doivent être conservés. Ils ont également donné des conseils pratiques sur la manière dont les clients peuvent encore utiliser des restes de repas et pour encourager les clients à planifier leurs visites au supermarché (WRAP, 2011a). En 2012, lors de l'assemblée annuelle du Retail Forum for Sustainability, les détaillants ont présenté une convention visant à confirmer la volonté de réduire leur déchet. Delhaize, Colruyt et Lidl International ont cosigné cette convention et lanceront avant le mois de juillet 2014 au moins deux initiatives destinées à améliorer la compréhension du gaspillage alimentaire chez les consommateurs (Retail Agreement on Waste, 2012). 3.5.3 Un plaidoyer pour plus de transparence Lors d’une enquête similaire au Royaume-Uni, Chanel 4 avait demandé aux quatre enseignes de supermarchés les plus importantes de fournir des informations sur la quantité de nourriture gaspillée. Trois ont cependant refusé. A la suite de ce refus, Tristram Stuart a lancé l'idée que tous les supermarchés devraient déclarer les quantités de nourriture gaspillée. Une proposition dans ce sens a également déjà été formulée au Parlement hollandais (Jesse Klaver 2013). Selon Stuart, une telle transparence (obligatoire) encouragerait les supermarchés à entrer en concurrence, l'un avec l'autre sur ce point (Channel 4, 2012). Après l'émission de Channel 4, le site internet Edie.net a réalisé un sondage parmi la population pour savoir ce qu'ils pensaient de ce problème. 41% des répondants ont considéré que plus de transparence était nécessaire, tandis que 28% estimaient que les consommateurs devaient prendre plus de responsabilité dans leur comportement d'achat (Maxine Perella, 2012). 3.6 LA DEFINITION DE GASPILLAGE ALIMENTAIRE 3.6.1 Généralités La FAO fait une distinction entre les pertes alimentaires (food losses) et le gaspillage alimentaire (food waste) (Jenny Gustavsson et al., 2011). Quand l’alimentation est perdue au niveau de la production, de la récolte ou de la transformation, on parle de pertes alimentaires. Dès que ces pertes alimentaires se produisent à la fin de la ‘chaîne alimentaire’, p.ex. dans les supermarchés, restaurants, cantines ou chez le consommateur, la FAO parle de gaspillage alimentaire. L’idée derrière cette distinction est que le gaspillage au bout de la chaîne alimentaire est principalement causé par le comportement des supermarchés et consommateurs tandis que les pertes au début de la chaîne sont plutôt liées aux limitations techniques et logistiques (Julian Parfitt et al., 2010). Les fractions incomestibles, tels que les carcasses, coquilles d’œuf, pépins, la pelure d’ananas sont considérées comme des pertes. Selon la Preparatory Study on Food Waste Across EU 27, les pertes de fractions incomestibles se produisant pendant la production des denrées alimentaires sont aussi considérées comme du gaspillage alimentaire (Véronique Monier et al., 2010). Toutefois, cette étude ne fait pas de distinction entre perte et gaspillage alimentaire. De plus, on parle de perte inévitable lorsque l’aliment est incomestible et de perte évitable lorsque l’aliment est comestible. Le groupe de travail interdépartemental flamand « perte et gaspillage alimentaire » donne pour la perte alimentaire la définition suivante : “chaque réduction de l’alimentation disponible pour la consommation humaine qui se produit dans la chaîne alimentaire, de la récolte jusqu’à la consommation” (Kris Roels & Dirk Van Gijseghem, 2011). Ici, la perte alimentaire est donc utilisée comme une notion qui chapeaute toutes les pertes d’alimentation. Tout comme dans la Preparatory Study on Food Waste Across EU 27, les aliments non comestibles sont marqués comme perte inévitable et on parle de perte évitable quand il s’agit d’aliments comestibles. 14
Il y a donc diverses approches pour définir des pertes alimentaires ou du gaspillage alimentaire. L’approche choisie dépend souvent de l’objectif envisagé. Quand on parle de pertes alimentaires dans un contexte de gestion des déchets, une approche inclusive (dans laquelle des fractions non comestibles sont également prises en considération) est souhaitable. Par contre, si le but est de démontrer le nombre de personnes affamées dans le monde qui pourraient être nourries avec les pertes alimentaires, il est préférable d’exprimer ces pertes alimentaires en unités énergétiques, comme le kilojoule (kJ) ou la kilocalorie (kcal). 3.6.2 « Gaspillage » alimentaire ? Les pertes alimentaires observées suite à des pratiques de supermarchés ou d’actions de consommateurs sont considérées dans ce rapport comme relevant du gaspillage alimentaire. L’accent dans cette étude a en effet été mis sur les pratiques pouvant agrandir ou réduire ce gaspillage alimentaire et qui relèvent le plus souvent des choix des supermarchés (et des consommateurs). Ainsi, certains supermarchés choisissent d’offrir encore différents types de pain à la fin de la journée, augmentant le risque de voir beaucoup de pains invendus. Ce choix peut être dicté par des considérations commerciales mais reste toujours un choix fait par le supermarché. Cet élément rejoint les réflexions émises dans le rapport de la FAO, qui s’attarde sur le gaspillage au bout de la chaîne alimentaire car le comportement des supermarchés et des consommateurs est déterminant en la matière. La notion de ‘pertes alimentaires’ est utilisée dans ce rapport comme la dénomination générale qui chapeaute toute perte d’alimentation. En outre, les notions de pertes alimentaires ou de gaspillage alimentaire portent uniquement sur la perte d’alimentation comestible car les supermarchés vendent des produits alimentaires destinés à la consommation humaine. 15
4. Méthodologie et sélection 4.1 MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE Diverses publications déclarent que les supermarchés sont directement responsables d’une partie du gaspillage alimentaire. Par ailleurs, la documentation qui décrit la manière dont les supermarchés influencent le gaspillage dans d’autres domaines de la chaîne alimentaire est fragmentaire. Sur base d'interviews avec des contact-clés dans les supermarchés, ce rapport tente de dresser une image du gaspillage alimentaire et du rôle joué par les supermarchés en la matière. L'enquête est surtout de nature exploratrice. Nous avons opté pour des interviews ouvertes semi-structurées avec les travailleurs des supermarchés impliqués dans la politique quotidienne de leur magasin. Les interviews s’inscrivent dans un but qualitatif. Les questions ont été posées sur une série de thèmes, comme 'les promotions' ou 'le poisson durable'. L'objectif des interviews permet également aux répondants d’apporter leur contribution personnelle. La sélection des personnes à interviewer a surtout été pragmatique: dans la plupart des supermarchés il y a un règlement intérieur qui mentionne les informations pouvant être communiquées vers des tierces personnes. Nous avons donc été contraint d’interviewer des 'personnes clés' désignées par les supermarchés-mêmes. Le point de départ des interviews était le supermarché en tant que maillon important dans la chaîne alimentaire. Celui-ci prend en effet des décisions susceptibles d’influencer tant le gaspillage au sein du supermarché que le gaspillage chez le consommateur, dans le champ de l’agriculteur ou dans l'industrie alimentaire. L'accent dans ce rapport est toutefois mis principalement sur le gaspillage alimentaire par le supermarché et par le consommateur. Dans les interviews réalisées pour cette enquête, il n'était en effet que partiellement possible d'obtenir une vue sur les relations entre supermarchés d'une part et l'industrie alimentaire et le secteur agricole d'autre part. 4.2 POPULATION DE LA RECHERCHE 4.2.1 Délimitation L'enquête se limite à des supermarchés qui offrent des produits alimentaires. Les enseignes ont au moins un point de vente dans les 19 communes de la Région Bruxelles-Capitale. 4.2.2 Description Les plus grandes enseignes présentes dans la Région de Bruxelles-Capitale sont Carrefour, Delhaize, Colruyt, Cora, Aldi et Lidl. En 2010, la Région Bruxelles-Capitale comptait 285 supermarchés, variant de très grands hypermarchés à des supermarchés relativement petits, aussi appelés supérettes (voir tableau 2). Hypermarché Supermarché Supérette Total Nombre Superficie totale Nombre Superficie totale Nombre Superficie totale Nombre Superficie totale 9 66.050 m² 144 157.480 m² 132 26.715 m² 285 250.245 m² Tableau 2: supermarchés, supérettes et hypermarchés dans la RBC (SPF Economie, 2010) 16
Le Groupe Carrefour comprend Carrefour Planet ou Hyper, Carrefour, Carrefour Market (GB) et Carrefour Express. Le Groupe Delhaize regroupe des supermarchés Delhaize, AD Delhaize, City Delhaize, Proxy Delhaize, Shop’n’Go et Red Market. Delhaize et Carrefour utilisent donc plusieurs formules avec de grandes différences en superficie entre les magasins. À côté des établissements 'classiques' de Colruyt, le Groupe comprend aussi Okay (des magasins de proximité) et Bioplanet (supermarché biologique; pas de sièges à Bruxelles, mais bien un point de vente à Dilbeek), ainsi que Spar et Eurospar (sans points de vente à Bruxelles). Cora Belgique fait partie du Groupe Louis Delhaize et a des points de vente en Wallonie et à Bruxelles. En effet, Cora a deux établissements dans la RBC: 1 à Woluwe Saint-Lambert et 1 à Anderlecht. Ces points de vente se situent tous les deux dans la proximité de grands centres commerciaux bruxellois: le Westland Shopping Center (Anderlecht) et le Woluwe Shopping Center (Woluwe Saint-Lambert). Ensemble, Colruyt, Carrefour et Delhaize détiennent plus de 70% du marché belge de la distribution alimentaire (Pauline Neerman, 2012). Le ‘hard discounter’ Aldi et le 'smart discounter' Lidl possèdent ensemble 15,8% de part de marché. Le reste est réparti entre de plus petits magasins ou enseignes. Dans cette enquête, nous prêtons attention à 2 chaînes moins importantes: le groupe PRIMA et le groupe Origin’O. Les établissements du groupe PRIMA (< 400m² de superficie) sont relativement autonomes: chaque point de vente achète une partie de l'alimentation qu'il offre auprès de PRIMA Huyghebaert (Malines) et mène sa propre politique adaptée aux besoins du quartier. Le groupe Origin’O est une enseigne qui, selon son site internet, offre "des aliments frais et de première qualité, des produits cultivés et travaillés avec le plus grand soin, dans le respect de la nature". (…) L'aménagement du magasin, les commandes, la gestion des stocks, la politique du personnel, l'informatique, la gestion des données et le marketing s'effectuent de manière centralisée par la société” (www.origino.be). Des magasins d'Origin’O offrent de l'alimentation naturelle dans 11 établissements en Flandre et 4 établissements (< 400m² de superficie) dans la RBC. D'autres acteurs sont présents sur le marché alimentaire bruxellois. Par exemple, le Groupe Mestdagh a conclu, en 2012, un accord de coopération avec le Groupe Carrefour. Dans le quartier de Woluwe Saint-Pierre, on trouve un magasin de ROB, qui offre un concept de supermarché particulier, comprenant un restaurant et mettant l’accent sur la qualité et l'exclusivité. 4.3 LA SELECTION DES SUPERMARCHES 4.3.1 Les critères de sélection Dans les supermarchés, plusieurs critères pourraient avoir une influence sur le volume et les causes du gaspillage alimentaire. Les critères de sélection sont: la part de marché, la taille de la chaîne, la superficie de l'établissement, la gestion autonome ou non, la localisation (public aisé ou défavorisé), l'image en général, l'image en matière de gaspillage alimentaire et la nature de l'offre alimentaire (biologique/non biologique). Lors de la sélection de supermarchés, nous avons recherché autant que possible l’hétérogénéité dans les critères. Il en résulte une grande variation entre les différents 'cas de figure' (= supermarchés) en ce qui concerne les éléments qui peuvent éventuellement être pertinents pour la définition du problème. En outre, nous avons tenté de faire une sélection qui reflète (plus ou moins) les choix des Bruxellois qui font leurs courses. Ainsi, nous avons de grands établissements au sein des grandes enseignes pour les achats hebdomadaires et à côté de plus petits établissements pour des achats plus occasionnels et enfin une chaîne bio pour des achats très spécifiques. 17
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