Logement et bien-être du lapin : les nouveaux enjeux
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Logement et bien-être du lapin : les nouveaux enjeux L. MIRABITO ITAVI, 28, rue du Rocher, 75008 Paris, France Résumé - Au cours de la dernière décennie, de nombreux travaux ont été consacrés à l’étude de l’impact du système de logement sur le bien-être des lapins. Au travers de cette synthèse, nous avons choisi d’aborder certains points clés du débat comme la question du type de sol, de l’enrichissement du milieu avec l’apport de substrats pour les activités orales ou la restructuration de l’espace avec la mise en place d’une plate-forme à l’intérieur des cages, de l’enrichissement social avec la question du logement collectif des reproducteurs et, enfin, celle de l’espace disponible. A partir des éléments bibliographiques rapportés et de l’expérience acquise au travers de nos propres travaux, nous avons tenté de formuler quelques pistes pour essayer de mieux concilier les attentes légitimes des éleveurs et des citoyens. Abstract – Housing and welfare of rabbits : new prospects. During the last ten years, many studies about housing and welfare of rabbits have been published. In this paper, we tried to synthesize recent data available about the effect of floor type, enrichment, group-housing and space allowance on welfare of rabbits. From these references and our own experience, we aimed to outline new trends for rabbit housing, taking into account both welfare and production. Introduction conséquence pour l’animal de ces contraintes, en Depuis 1996, le bien-être des lapins élevés pour la d’autres termes de s’assurer que ces capacités production de chair est devenu un sujet d’intérêt pour d’adaptation ne sont pas dépassées sur le plan le Comité permanent de la Convention Européenne physiologique comme sur le plan mental. Plusieurs sur la protection des animaux dans les élevages. A indicateurs peuvent être utilisés dans ce but : des terme, cette commission établira une recommandation critères zootechniques, physiologiques, de santé et qui devra ensuite être intégrée aux pratiques comportementaux (voir Appleby et Hughes, 1997 d’élevage. Le bien-être des animaux d’élevage est un pour synthèse). Sur le plan du comportement, on peut sujet d’intérêt pour les consommateurs-citoyens mais retenir que, de façon très schématique, deux aussi pour les éleveurs. Garder ces animaux en bonne approches sont envisageables. 1) Interroger l’animal santé au travers du maintien de bonnes conditions lui-même ; cela revient à poser la question de la d’ambiance, d’une gestion sanitaire rigoureuse et préférence et de la motivation pour réaliser certains d’une alimentation adaptée revient à adopter une comportements. Par exemple, l’animal souhaite-t-il attitude positive vis à vis du bien-être des animaux. disposer de plus d’espace ? On peut alors lui Cependant, s’il n’existe pas une définition unique de demander d’appuyer sur une pédale pour en obtenir et cette notion (Duncan et Fraser, 1997), il est souvent mesurer le travail qu’il est prêt à fournir pour savoir fait référence à la nécessité pour l’animal de pouvoir s’il est fortement motivé (Bessei, 1997). Mais cette exprimer les comportements propres à l’espèce. Au stratégie a ses limites puisque, entre autres, il faut delà des enjeux économiques, cette prise en compte encore être sûr que l’animal se représente l’espace de d’un « besoin éthologique » de l’animal explique en la même façon que l’expérimentateur. 2) Autre grande partie la dimension polémique du débat entre solution possible, observer les comportements de le monde professionnel et les associations de l’animal dans un environnement donné et les protection animale. Il est évident que la fonction de interpréter soit comme des signaux révélateurs de production pour laquelle les animaux sont élevés et problèmes particuliers (par exemple, la posture sélectionnés ne nécessite pas l’expression de tous les caractéristique adoptée par les lapines atteintes de comportements de l’espèce considérée et peut même lésions podales) soit comme des comportements être antagoniste avec celle-ci. Il en découle que les anormaux ce qui est généralement plus délicat. Chez conditions de logement des animaux visent surtout à le lapin, par exemple, le mordillage du grillage, le optimiser cette fonction et peuvent, par conséquent, léchage de la fourrure répété ont ainsi été considérés soit induire des pathologies sans conséquence comme des comportements anormaux (Gunn et économique directe soit restreindre les possibilités Morton, 1995). Mais cela reste sujet à discussion car d’expression des comportements de l’animal. La il nous semble qu’il manque encore aujourd’hui de principale difficulté est alors de mesurer la certitude dans cette interprétation. Une version plus courte de ce texte a été publiée dans Sciences et techniques Avicoles, Septembre 203, Hors série, pp. 43-50 10èmes Journées de la Recherche Cunicole, 19-20 nov. 2003, Paris 163
La question du bien-être se pose par rapport à grave pour montrer des signes d’inconfort. Mais la l’ensemble des pratiques d’élevage. Ainsi, chez le situation était très variable puisque les fréquences lapin, la question du rythme de reproduction peut être mesurées variaient entre moins de 5% et plus de 40% posée au même titre que celle du logement en cage. des animaux atteints par élevage. Dans 50% des Cependant, les débats en cours mettent l’accent sur élevages, cette fréquence était inférieure à 10%. La certains points particuliers et nous avons donc parité des femelles semblait être le principal facteur volontairement choisi de n’aborder qu’une partie de la de variation puisque au-delà de six portées, plus de problématique en nous limitant à la question du 16% des animaux présentaient une lésion contre 5% logement de l’animal. En effet, plusieurs auteurs ont lorsque les femelles avaient réalisé moins de trois au cours de ces dernières années suggéré une portées et l’âge du matériel dans une moindre mesure. inadéquation entre le logement actuel des lapins et la En revanche, les caractéristiques techniques du satisfaction d’un niveau de bien-être acceptable. bâtiment, le type de cage, entre autres, ne semblaient Lehmann (1989) ou Drescher (1992) ont ainsi posé la pas liés à la fréquence des lésions (Mirabito et question de l’impact de la taille des cages sur Delbreil, 1997). l’expression des postures ou du comportement Toutefois, depuis de très nombreuses années, des locomoteur de l’animal. Ce dernier auteur, de plus, alternatives au sol grillagé ont été recherché, cela critique sévèrement le logement sur grillage passant notamment par le recours à des planchers considèré comme cause principale des lésions synthétiques à maille rectangulaire ou à des planchers podales. Stauffacher (1988, 1992) ajoute à ces métalliques perforés. Rommers et Meijrhof (1996) questions celles de l’impact de la restriction des ont ainsi comparé 6 types de sols au cours de deux interactions sociales chez les adultes, de la qualité des expérimentations. Les femelles nullipares ont été relations mère-jeunes et, plus généralement, la suivis au cours d’une année. Globalement, 80 % des question de l’impact de l’enrichissement du milieu. femelles logées sur grillage ont développé des maux Par rapport à toutes ces points, le problème peut être de pattes après la quatrième portée contre 30 % de abordé de deux façons. D’une part, les restrictions celles disposant de planchers alternatifs, ces derniers comportementales notamment mentionnées ci-dessus n’étant pas tous équivalents sur ce critère. Par ailleurs, sont-elles source de mal être ? On peut s’interroger, un des types de sol alternatif a provoqué des fractures par exemple, sur l’impact des limitations de posture. de pattes, deux autres ont été jugés trop peu résistant D’autre part, les modifications envisagées du et deux types de sols ont été considérés par les auteurs logement de l’animal sont-elles de nature à améliorer, comme générant des problèmes d’hygiène. Par si ce n’est son bien-être, au moins son confort en étant conséquent, en dépit de leur intérêt dans la prévention efficace par rapport aux objectifs zootechniques et des lésions, les problèmes posés par ces matériaux, sans conséquences secondaires négatives ? Dans la ainsi que leur prix élevé, n’ont jusqu’à présent pas suite de ce texte, nous avons essayé, à partir des conduit à une généralisation de leur diffusion. références bibliographiques disponibles ou de notre Récemment, l’importance de la conception des propre expérience, d’aborder ces questions en plancher alternatifs a aussi été mentionné par Petersen recentrant aussi le problème par rapport aux et al. (2000) qui ont montré, à partir de l’observation conditions d’élevage actuelles qui constituent in fine de 32 lapines et de leur suite, que l’écartement (entre le sujet du débat. 10 et 16 mm) des lattes (largeur 10 mm) d’un plancher synthétique avait une influence sur 1. La cage ne doit pas causer de lésions l’orientation des lapines et la qualité des mouvements traumatiques aux animaux des lapereaux. Ils concluaient qu’un écartement de 14 Avant d’envisager les aspects comportementaux, il est mm semblait être un optimal. nécessaire de rappeler cette première évidence en Tudela (communication personnel) a montré qu’une matière de bien-être animal. Le matériel d’élevage et autre approche pouvait être envisagée. En effet, les bâtiments doivent permettre aux animaux de vivre différents fabricants de matériel ont depuis quelques dans de bonnes conditions d'hygiène et ne pas être années proposé un concept de repose-pattes fixé sur le source de lésions traumatiques. grillage qui présente l’avantage de ne recouvrir que De ce point de vue, certains auteurs ont critiqué le partiellement la surface du plancher. Cette disposition recours généralisé au plancher grillagé dans les cages. permet de limiter les conséquences négatives sur le Celui-ci a été ainsi présenté comme générateur de plan de l’hygiène et de la rigidité tout en étant a priori lésions au niveau des pattes, avec différents degrés efficace dans l’objectif de limiter la fréquence des d’intensité (Drescher et Schlender-Bobbis, 1996). lésions. Ces résultats semblent se confirmer au travers Nous avons réalisé en 1997 une enquête dans 69 de la large diffusion de ces dispositifs chez les élevages constituant un échantillon représentatif des éleveurs. élevages français. Dans chaque élevage, 50 femelles Dans certains cas, notamment pour les souches ont été observées et une notation des lésions a été lourdes, certains auteurs (Anonyme, 1988) effectuée selon une classification dérivée de celle des recommandent l’élevage des lapins sur sol avec auteurs précédents. En moyenne, 12% des lapines litière. Il convient toutefois de noter que celle-ci pose présentaient une patte avec une lésion suffisamment 164 10èmes Journées de la Recherche Cunicole, 19-20 nov. 2003, Paris
d'évidents problèmes sanitaires incompatibles, à notre Toutefois, ce résultat doit être considéré avec sens, avec l'exigence première de santé des animaux. précaution puisque les animaux étaient rationnés (100 Morisse (communication personnelle) a ainsi montré, g de granulés par jour pour des lapins de 2,5 kg). en comparant des lapereaux élevés sur grillage ou sur Berthelsen et Hansen (1999) ont quant à eux testés litière par cage de 6, une augmentation significative l’effet d’un apport de foin chez des lapins logés de l’infestation coccidienne chez les animaux du individuellement en cage conventionnelle et en cage second groupe. aménagée (cage rehaussée en partie arrière avec une boite en bois). Les animaux âgés de 16 à 31 mois 2. L’enrichissement du milieu disposaient de 120 g d’aliment par jour et étaient Si nous avons déjà évoqué la litière en terme de sol, utilisés parallèlement dans un programme de celle-ci pourrait aussi permettre aux animaux prélèvement d’anti-corps. Les comparaisons étaient d’exprimer des postures et une activité plus variée effectuées par rapport à la période précédent la permettant ainsi un enrichissement de distribution de foin. L’accès au foin a entraîné une l’environnement de l’animal. Toutefois, des tests de réduction significative du toilettage et du mordillage préférence (Morisse et al., 1999) ont montré que les de la cage et une augmentation des activités de lapereaux ne sont pas attirés par cette dernière. Ainsi, flairage mais qui doit sans doute être mise en relation l’étude du budget-temps des animaux, logés dans 8 avec une distribution de foin sur le sommet de la cage. parcs (sol couvert pour moitié par du grillage et pour Les auteurs concluaient cependant à une moitié par de la litière) de 24 sujets à la densité de 15 augmentation du bien-être des lapins. lapins/m², a montré que ceux-ci passaient entre 89% à Tous les résultats précédents semblent montrer un 7 semaines et 77% à 10 semaines de leur temps sur le impact positif de l’apport de fourrage ou de bois sur le grillage. Ces valeurs étaient encore plus élevées bien-être des animaux. Il convient cependant de lorsque les animaux étaient couchés. Pour ces auteurs, formuler quelques remarques. D’une part, cette la principale explication de ce comportement serait amélioration est essentiellement interprétée à partir l’humidité et la propreté défaillante de la litière. Les d’une réduction de la fréquence des comportements animaux n’ont réellement fréquenté la litière qu’après considérés comme anormaux que sont le mordillage les périodes de rajout durant lesquelles ils pouvaient de la cage et un toilettage excessif. Or, au moins en ce aussi jouer avec les brins de paille et, sans doute, les qui concerne le premier, on peut s’interroger sur la utiliser aussi comme substrat pour des activités orales. nature de ce comportement. Dans nos propres études, D’après Bessei (communication personnelle), nous avons choisi de considérer deux items : le l’utilisation de la litière par les animaux serait aussi mordillage « doux » et le mordillage « dur ou dépendante de la température ambiante. agressif » qui ne s’observe d’ailleurs pas seulement L’utilisation de la paille ou d’autres substrats tel que vis à vis du grillage mais aussi vis à vis de la pipette. du bois, du foin ou des aliments compactés pour des Il nous semble par conséquent qu’il serait nécessaire activités orales est un sujet de débat. Ainsi, Huls et al. d’affiner la notion de comportement anormal. On peut (1991) ont distribué à 8 lapins un morceau de bois et d’ailleurs s’interroger pour savoir si ces différents type de jouets en bois ou métallique. Les comportements ne sont pas tout simplement des animaux ont ensuite été observés pendant 25 minutes. comportements normaux réalisés sur des supports Ils ont passé entre 77% de leur temps (jouets) et 94 % inadéquats et les résultats précédents pourraient alors de leur temps (bois) en interaction avec le nouvel être interprété comme une substitution entre le objet durant la période d’observation, essentiellement mordillage de la cage et le mordillage du fourrage. dans une activité de mâchonnement de l’objet. De L’autre remarque que nous inspirent ces essais est liée plus, les auteurs rapportent que les animaux ne se sont aux conditions de réalisation de ceux-ci. En effet, pas désintéressés des objets au bout de 40 jours de dans tous les cas, il s’agissait d’animaux élevés présence. Lidfors (1997) a comparé le comportement individuellement et rationnés. Aussi, il est probable de lapins disposant de quatre moyens que la mise à disposition d’un aliment tel que le foin d’enrichissement (du foin, des cubes d’herbe, deux ait conduit à une réaction de leur part. Or, dans les bâtons et une boite noire située au milieu de la cage et conditions habituelles de production, cette pratique du disposant d’une entrée) en comparaison à des rationnement ne concerne, en général, que les animaux témoin. 12 lapins de 12 semaines par lot ont femelles non allaitantes ou les futures reproductrices été observés durant 40 jours à raison d’une heure par soit une faible proportion des animaux élevés. jour en période diurne. Le nombre d’interactions avec Nous avons testé l’effet d’un apport de foin ou de bois le foin était pratiquement multiplié par 10 par rapport en condition classique d’engraissement c’est à dire à celui enregistré avec les bâtons ou la boite, les cubes chez des animaux élevés en cage collective de 6 d’herbe occupant une position intermédiaire. lapins et nourris ad libitum (Mirabito et al., 2000). Parallèlement, la fréquence de comportements Deux bandes d’engraissement ont été réalisées « anormaux » (léchage, mordillage de la cage, …) correspondant à un total de 264 lapins par traitement était divisé par deux chez les animaux disposant de au cours desquelles les performances zootechniques foins ou d’herbe par rapport à ceux disposant d’autres ont été mesurées. Globalement, la croissance et la moyens d’enrichissement ou aux animaux témoin. consommation ont été peu affectées par ces 10èmes Journées de la Recherche Cunicole, 19-20 nov. 2003, Paris 165
enrichissements même si l’apport de foin tendait à Berthelsen (1999) ont aussi testé l’impact de la provoquer une baisse de la consommation de granulés présence d’une boite en bois (44x25x19 cm) qui en période post sevrage (36 à 54 jours). Par contre, la pouvait être utilisée soit comme abris soit comme mortalité à 71 jours des animaux disposant de surface surélevée. La boite était positionnée à l’arrière morceaux de bois fixés sur la paroi des cages était de la cage, les animaux disposant à cet endroit d’une augmentée d’environ un tiers (23% contre 16% dans hauteur de 80 cm contre 40 cm dans le reste de la le lot témoin). Ces essais ont été réalisés dans une cage. Les conditions étaient les mêmes que celles période d’instabilité sanitaire de l’élevage décrites pour Berthelsen et Hansen (1999). Les simultanément à l’apparition de l’entérocolite (EEL) auteurs concluent à une réduction du mordillage et du qui expliquait les taux de mortalité élevés. Aussi, une toilettage en cage enrichie mais ces résultats varient des hypothèses évoquées alors était que les morceaux selon la méthode d’observation. En revanche, il de bois pouvaient aussi avoir favorisé les apparaît clairement que la boite est surtout utilisée contaminations orales entre animaux d’une même comme une surface surélevée (plus de 800 minutes cage. Maertens et van Oeckel (2001) n’ont cependant sur 24 heures) plutôt que comme un abris (environ 12 pas confirmé ce résultat au cours d’un essai durant minutes). Stauffacher (2000) a comparé le lequel les animaux étaient logés en parc de trente comportement de 12 femelles logées en cage lapins à la densité de 15,5 lapins/m². Dans un contexte individuelle conventionnelle à celui de 12 paires de où la mortalité était très élevée en relation avec un femelles logées en cage enrichie (plate-forme située à épisode d’entérocolite (environ 21%), ils n’ont 30 cm du sol à l’arrière de la cage). A partir constaté aucune différence entre des animaux sans d’observations réalisées sur la période entourant enrichissement et ceux disposant de paille ou de foin l’extinction des lumières, il rapporte que les femelles sur ce critère. Ces résultats ne permettent cependant en cage enrichie passaient 38% de leur temps de repos pas de juger de l’intérêt de ces enrichissements pour sur la plate-forme et entre 13 et 58% de ce même cette catégorie d’animaux même si nous avons pu temps en cohésion. Ces essais montrent clairement constater des interactions fréquentes des animaux l’aptitude des lapins à utiliser un espace surélevé. Par avec le foin ou le bois. Ils permettent de souligner contre, ils ne permettent pas réellement de répondre à que, si une telle stratégie devait être mise en œuvre, la question de l’intérêt d’une plate-forme pour un travail sur la forme de présentation du fourrage permettre aux femelles de s’isoler. reste à accomplir. Stauffacher (communication En fait, dans le cadre d’un cycle de reproduction personnelle) propose d’utiliser des petits rouleaux de classique (rythme de 42 jours), nous avons testé paille compactée mais d’autres stratégies avec des l’impact d’une plate-forme sur l’occupation de blocs de complément alimentaire pourraient être l’espace par les animaux. Soixante femelles étaient envisagées. logées en cage aménagée (cage de 61 L x 46 l x 58 h 3. La structuration de l’espace cm avec une plate-forme de 46x39 cm située à 29 cm de haut) et ont été observées deux fois par semaine Nous avons abordé jusqu’à présent les moyens durant deux cycles de production. Lorsque les d’enrichissement de l’environnement en relation avec femelles étaient allaitantes, le temps passé sur la les activités orales des animaux. Stauffacher (1992) a plate-forme a augmenté entre la seconde et la suggéré cependant qu’il pourrait être nécessaire quatrième semaine post mise bas (de 20% à 35%) ce d’envisager aussi une restructuration de l’espace dans qui correspondait aussi à la période de retrait des nids les cages de façon à permettre notamment aux lapines et de sortie des lapereaux. De même, dès la quatrième de disposer d’une zone d’échappement/repos pour semaine, les lapereaux commençaient à coloniser la s’isoler des jeunes. Dans ce but, il a proposé de mettre plate-forme pour l’occuper durant 10% de leur temps en place une zone surélevée (plate-forme) mais il environ en cinquième semaine. Ces résultats serait tout à fait possible d’imaginer que d’autres suggéraient que la plate-forme était utilisée par les systèmes, comme un compartiment séparé ou un femelles pour s’isoler des jeunes sans cependant nous tunnel par exemple, puissent jouer ce rôle. Cependant, permettre de conclure à un lien de causalité. D’autres comme le souligne Finzi et al. (1996), la présence hypothèses pouvaient être formulées comme un effet d’une plate-forme surélevée dans la cage présente attractif du nid ou un effet de l’espace disponible aussi l’intérêt d’augmenter l’espace disponible pour (Mirabito et al., 1999). Pour ces raisons, au cours les animaux sans modifier la surface au sol de la cage. d’une seconde expérimentation (Mirabito, 2002), nous Ces auteurs ont proposé un modèle de conception de avons testé l’impact de la présence des jeunes sur le cage avec une plate-forme située à 22 cm. Six temps passé sur la plate-forme par les mères. Deux femelles de 18 semaines ont été observées durant 15 lots de 20 femelles ont été constituées et logées dans jours. Elles ont passé en moyenne 53 % de leur temps les cages aménagées. Dans le lot expérimental, les sur la plate-forme et 45 % dans la partie basse de leur lapereaux n’étaient mis en présence de la mère que cage. En revanche, des surfaces couvertes type tunnel durant le temps nécessaire à l’allaitement puis étaient mises à disposition des animaux étaient très peu logés dans une cage séparée alors que dans le lot utilisées (2% du temps) ce qui rejoint les observations témoin les femelles avaient un accès libre à la boîte à de Lidfors (1997) rapportées ci-dessus. Hansen et nid. Entre 3 et 5 semaines les femelles du lot 166 10èmes Journées de la Recherche Cunicole, 19-20 nov. 2003, Paris
expérimental ont passé de 16% à 12% de leur temps classiquement admis que la lapine allaite ses sur la plate-forme alors que ces valeurs s’élevaient lapereaux une fois par jour, Hoy et al. (2000) ont respectivement de 42% à 32% chez les femelles du lot aussi montré, à l’issue de l’analyse de plus de 1000 témoin. La présence des lapereaux induit donc journées d’observation que, dans plus de 30% des cas, vraisemblablement une montée des lapines sur la deux allaitements quotidiens avaient lieu. Pour ces plate-forme. Deux questions peuvent alors être auteur, la question était alors de savoir si ce résultat posées : cela est-il dû à un manque global d’espace ou était un comportement anormal lié aux conditions à une volonté de la mère de s’isoler des jeunes, d’élevage. Il semble cependant que cela ne soit pas le isolement qui sera de toute façon limité à quelques cas puisqu’il est aussi observé chez des animaux jours ? Pour tenter d’apporter une première réponse à sauvages en conditions semi-naturelles (Hoy et ces questions, nous avons essayé au cours d’une Selzer, 2002). troisième expérimentation d’appréhender la Parallèlement à ces aspects comportementaux se pose motivation des lapines au travers du modèle de l’effet la question des conséquences sanitaires et « rebond ». Trois lots de huit lapines ont été zootechniques de la présence d’une plate-forme constitués et un système d’enregistrement grillagée dans la cage. Sur le plan zootechnique, cet automatique et continu de la présence des lapines sur aménagement ne semble pas avoir de conséquences à la plate-forme a été mis en place. A partir de 17 jours court terme (Mirabito et al., 1999) ou à l’échelle de la post mise bas, les lapines des deux lots expérimentaux carrière des femelles (Mirabito et al.., 2002). Nous n’ont plus eu accès à la plate-forme que durant avons ainsi testé l’effet du mode de logement durant respectivement deux et cinq jours. Par rapport aux la phase d’élevage (jusqu’à 18 semaines) et durant la animaux du lot témoin, nous n’avons pas observé phase de production (au delà de 18 semaines) selon un après levée de la restriction de « rebond » du temps plan factoriel 2x2. Les cages aménagées étaient les d’occupation de la plate-forme. Ceci suggérerait que mêmes que celles décrites précédemment et les les lapines sont peu « motivées » pour échapper à carrières de 234 femelles ont été analysées. Le mode leurs lapereaux mais les différences importantes de de logement en production n’a eu aucun effet sur la comportement entre les trois lots durant la phase pré- fertilité, la prolificité, la longévité des femelles et la expérimentale impose de considérer ces résultats avec mortalité des jeunes sous la mère. A partir du précaution (Mirabito, 2002). Des essais sont quatrième cycle de reproduction, le poids des femelles maintenant en cours pour mesurer l’effet de la surface logées en cages aménagées était en moyenne disponible sur l’occupation de la plate-forme par les supérieur de 4% à celui des femelles logées en cage lapines et pour analyser la réponse des lapines aux conventionnelle. En revanche, le logement en cages sollicitations des jeunes. aménagées durant la phase d’élevage a conduit à une Si l’aménagement des cages a un effet significatif sur mortalité plus faible des femelles sur cette période, l’occupation de l’espace par les lapines, son impact une fonte moins rapide du cheptel en production et sur les autres comportements semble moins évident. une tendance à une mortalité des jeunes sous la mère Le comportement de 16 lapines logées en cages réduite. Du point de vue zootechnique, il semble donc aménagées a été comparé à celui de 16 femelles que le logement en cage avec plate-forme durant la logées en cages conventionnelles au cours des phase de production ne présente pas d’intérêt. Par semaines 2, 4 et 5 post mise bas. Au cours de la phase contre, des questions restent posées par rapport à son diurne, les activités de repos n’ont pas été modifiées, effet durant la phase d’élevage. la fréquence et le temps consacré au toilettage des Toutefois, indépendamment des résultats précédents, jeunes a été réduit en semaine 4 dans les cages il reste difficile pour l’instant d’envisager une aménagées et le mordillage des cages tendait à être utilisation en élevage des cages aménagées avec plate- diminué dans ce mode de logement en semaine 2. La forme en raison des problèmes d’hygiène générés. En présence de la plate-forme dans les cages n’a, par effet, ce type d’aménagement a deux conséquences ailleurs, pas permis de réduire la fréquence des immédiates. D’une part, une accumulation des fèces tentatives de tétée par les lapereaux (Mirabito, 2002). sur la plate-forme et, d’autre part, une retombée des Hoy et al. (2000) ont mesuré la fréquence des déjections et de l’urine sur le matériel et les animaux allaitements quotidiens dans des cages situés sous la plate-forme. Finzi et al. (1996) avaient conventionnelles et dans des cages aménagées émis l’hypothèse qu’en empêchant l’animal durant les « standard » (50 x 70 x 45/70 cm) avec une zone premiers jours de présence dans la cage d’accéder à la surélevée (50 x 20 x20 cm) ou élargies par un facteur plate-forme, cela permettrait de l’habituer à déposer de 1,5, 2 et 3. D’après ces auteurs, l’augmentation de ces fèces dans le compartiment bas et de résoudre ce la surface disponible tendrait à diminuer la fréquence problème. Dans les faits, nous avons réalisé plusieurs des allaitements quotidiens. De même, l’ajout essais de ce type qui n’ont pas été couronnés de d’enrichissement (tunnel, foin, bois) conduirait à un succès. Par contre, le problème de l’accumulation des résultat similaire. Même s’il ne s’agit que de déjections sur la plate-forme a pu être réglé en tendances de faible amplitude, ce résultat alimente modifiant la maille du grillage utilisé. De même, nous aussi la réflexion conduite autour de la notion de avons pu limiter les dégradations sur le matériel comportement « anormal ». En effet, s’il est environnant en mettant en place des « déflecteurs » 10èmes Journées de la Recherche Cunicole, 19-20 nov. 2003, Paris 167
d’une hauteur de 5 à 6 cm autour de la plate-forme. essentiellement le fait de ces derniers et lorsque des En revanche, aucune solution n’a été trouvée au tentatives d’allaitement ont été observées, les femelles problème de la chute des déjections ou de l’urine sur répondaient en s’éloignant des jeunes. Le les animaux du compartiment inférieur. Des essais comportement maternel a été étudié à partir de 6 réalisés avec des bacs de récupération se sont avérés groupes et 15 périodes d’observation de 24 heures. catastrophiques en raison de la vitesse de remplissage L’auteur rapporte que les lapines semblaient et des problèmes de manipulation générés. Ce manifester une préférence pour certains sites de problème reste donc entier et des mises au point sont nidification et que des phénomènes de compétition encore nécessaires. pouvaient apparaître si deux femelles étaient au même En conclusion, pour restructurer l’espace disponible stade de lactation. Dans 4 cas sur 44, les femelles pour les animaux, une surface surélevée semble être dominantes ont mis bas dans un nid déjà occupé. Dans l’élément le plus intéressant sur le plan 69% des cas, les animaux ont bloqué l’entrée du nid comportemental et économique. Par contre, son avec la paille disponible. Par la suite, les femelles intérêt pour permettre à la femelle de s’isoler des passaient 99% de leur temps éloignées du nid. Aucune jeunes reste encore à démontrer d’autant que les interaction agressive des adultes envers les jeunes n’a autres structures que l’on pourrait imaginer été observée. Après la sortie du nid, les interactions (compartiment séparé, tunnel) n’ont fait, de ce point étaient essentiellement provoquées par les jeunes et de vue, l’objet d’aucune évaluation. Au delà de ces dans 63% des cas l’allaitement résultait de tentatives aspects, il convient de noter aussi que relativement répétées des jeunes. Sur le plan zootechnique, à partir peu de travaux ont été en fait consacrés à ce type de 9 groupes étudiés, le taux de fertilité s’élevait à d’aménagement et de nombreuses questions restent en 89%, le nombre de nés vivants à 795 lapereaux pour suspens. Par exemple, on peut s’interroger sur la 94 portées et le nombre de sevrés à 7,1 par portée. dimension des plate-formes, leur emplacement, Ce modèle de logement a été repris par d’autres l’agencement général de la cage (Margarit et Finzi, auteurs (Drescher,1996) tandis que Reichel (1996) a 2000), autant de facteurs qui peuvent avoir une proposé un système d’élevage des lapines par paire influence sur le comportement des animaux et dans deux cages rehaussées avec plate-forme et éventuellement aussi la gestion des problèmes communicant par leur face arrière. Nous avons d’hygiène rencontrés jusqu’à présent. Enfin, sur un récemment évalué ces deux modes de logement dans plan plus général, dans un contexte d’évolution de la des conditions classiques de production (conduite en filière, au moins en France, vers une conduite en bande unique, rythme de 42 jours et insémination « tout plein, tout vide », il nous semblerait logique artificielle) en comparaison à des animaux logés en d’aborder à terme la question de l’engraissement des cages individuelles (Mirabito, 2003). Pour l’élevage lapereaux en cages aménagées. Des premières par paire, nous avons fait communiquer deux cages observations (Jehl et al., 2003) semblent indiquer des aménagées telles que décrites précédemment par leur effets positifs sur « l’activité générale » des animaux face arrière, cette ouverture étant cependant fermée et l’étude des performances zootechniques devraient durant 3 jours avant et après la mise bas. Des parcs être approfondies dans l’optique d’envisager à terme dérivées de ceux proposés par Stauffacher (1988) ont un système de cage mixte. été utilisés pour le logement de 4 lapines Il s’agissait d’un parc rectangulaire à sol grillagé de 2,5m*1,8m 4. Le logement collectif des reproducteurs divisé en 2 parties : Pour Stauffacher (1988, 1992), le logement collectif - Partie A (Alimentation) : mesurant 1*1,8 m ; elle des reproducteurs a pour objectif de favoriser les était surélevée de 10 cm par rapport à la zone B. interactions entre animaux et de permettre une Quatre mangeoires étaient disposées aux quatre coins expression plus naturelle des comportements et 5 pipettes réparties sur une paroi. Un râtelier reproducteurs et maternel. Cet auteur a donc proposé cylindrique de 30 cm de diamètre était disponible un modèle de logement en enclos de 2 m x 4,5 m pour la distribution de paille. prévu pour l’hébergement d’un mâle et de 4 ou 5 - Partie B (Boîtes à nid) : elle mesurait 1,5*1,8 m et femelles. De façon générale, ces enclos étaient contenait 4 boîtes à nid disposant chacune d’une zone constitués de deux zones, l’une dédiée à d’entrée en tunnel. Une boîte grillagée de 1800 cm² de l’alimentation (présence de mangeoires, abreuvoirs et surface et de 30 cm de hauteur était posée contre la râteliers) et l’autre à la reproduction (zone avec litière paroi et constituait une plate-forme pour les lapines et et boîtes à nid). De même, différentes structures un abri pour les jeunes (entrée impossible aux d’enrichissement (abris, plate-forme, etc…) étaient adultes). présentes. Sur le plan du comportement social, 6 Toutes les femelles disposaient de paille à volonté. groupes ont été observés durant 8 périodes de 24 Six séries de femelles ont été suivies durant les quatre heures. Les animaux ont passé 50% de leur temps en premiers cycles de reproduction correspondant à un contact et, parmi les femelles, une hiérarchie linéaire a effectif de 29 paires, 19 parcs et 27 cages simples. Si été observée, le mâle apparaissant être un élément la fertilité et la prolificité des lapines n’ont pas été modérateur dans les interactions entre femelles. Les affectées par le mode de logement, en revanche, la interactions entre adultes et jeunes étaient mortalité des lapereaux sous la mère était nettement 168 10èmes Journées de la Recherche Cunicole, 19-20 nov. 2003, Paris
supérieure dans les logements collectifs de 4 individus restant dans sa cage. Dans un couple sur neuf, les (de 13 à 23% selon le cycle) par rapport à celle deux femelles ont partagé l’espace en se répartissant enregistrée en cage individuelle (de 3 à 16%) ou en de façon équivalente dans les deux compartiments. logement collectif par paire (de 6 à 17%). Cette Dans les six autres couples observés, une situation de mortalité qui avait majoritairement lieu avant 18 jours « dominance » plus ou moins marquée d’un animal pouvait s’expliquer en grande partie par le nombre par rapport à l’autre a été rencontrée avec, dans un cas élevé de mise bas multiples constatées dans un même extrême, un cantonnement de la femelle dominée à la nid. Ainsi, 32,5 % des mise bas ont été réalisées dans partie basse de sa cage, situation qui, sur l’ensemble une boîte où une femelle avait déjà mis bas et dans de l’essai, nous a conduit à la réforme de certains plus de 6 % des cas, trois femelles mettaient bas dans couples. la même boîte. Au cours de pré-tests, nous avons tenté Il apparaît une certaine distorsion entre les résultats de répartir les lapereaux dans plusieurs boîtes mais des deux études rapportées ci-dessus qui peuvent cette stratégie n’a pas été couronnée de succès peut-être s’expliquer par les caractéristiques propres puisque les femelles restent uniquement attachées à aux logements testés (structures d’enrichissement leur site de nidification. Par ailleurs, malgré la mise différentes), la nature des groupes sociaux considérés en place de tunnel devant les boîtes à nid et de paille, (présence ou absence du mâle) et les conditions de aucune obturation des nids n’a été constatée. Enfin, il réalisation (contrôle ou non de la reproduction qui nous est apparu qu’un des points critiques de ce peut avoir généré des situations de compétition). Dans système était la phase d’élevage des futures notre contexte d’étude, nous avons cependant retrouvé reproductrices. En effet, afin de constituer les groupes des résultats, notamment dans les logements collectifs sociaux le plus précocement possible, les jeunes par 4, qui avaient été déjà décrits et qui avaient lapines ont été élevées collectivement. Il en a résulté conduit à l’abandon de ces systèmes dans les années un nombre élevé de blessures et d’abcès, cela 70 (voir Lecerf, 1982 pour synthèse). Aujourd’hui, il représentant ultérieurement un tiers des causes de nous semble que, dans le cadre de la production de réforme alors que ce taux représente habituellement, lapin, de nombreux travaux restent encore à conduire dans nos conditions d’élevage, moins de 5% des avant même d’envisager une mise en place en causes de réforme. Nous avons tenté de remédier à ce élevage. Par exemple, dans le cadre du programme problème par un agrandissement des cages d’élevage, COST 848, Ruis a récemment présenté un système la mise en place de plate-formes surélevées, la qui reposerait sur l’utilisation de « clés distribution de paille et la mise à disposition d’un électroniques » pour la gestion des boîtes à nid. Cela jouet mais ces enrichissement n’ont eu aucune pourrait constituer une réponse au problème des mises incidence sur ce phénomène. bas multiples mais il ne s’agit là que d’un exemple Sur le plan comportemental, des enregistrements de 7 parmi d’autres des solutions qui doivent encore être séquences de 20 minutes répartis sur l’ensemble du évaluées. De tels systèmes de logement collectif nycthémère ont été réalisés chaque semaine au cours devraient sans doute conduire à une réorganisation du premier cycle de reproduction dans 9 logements complète de la conduite d’élevage notamment en par quatre, 9 logements par paire et 18 cages simples. raison de risques sanitaires accrues comme le souligne Le mode de logement a eu une influence sur les Stauffacher (1988). Sur le plan pratique et postures « couché » adoptées par les femelles, les économique, il est vraisemblablement illusoire femelles logées par paire adoptant nettement plus d’imaginer qu’un tel système puisse demain constituer souvent une posture « couché sur le flanc » en relation une alternative au logement individuel actuel. Par avec l’espace disponible sur la plate-forme. De même, contre, ce mode d’élevage peut apparaître à certains la hauteur de cage des logements collectifs a permis comme une voie de diversification qui nécessitera aux animaux d’adopter une posture redressée durant cependant un niveau de technicité très élevé. Sur le 1,4% à 1,8% du temps d’observation. Enfin, dans les plan du bien-être animal, il nous semble que de tels parcs, les femelles passaient 2,7% de leur temps en systèmes présentent autant d’avantages que mouvement contre 1,2% et 0,6% dans les logements d’inconvénients, à l’exception du logement par paire par paire ou individuels. Les femelles logées par qui nécessite un isolement temporaire des animaux et quatre ont été plus souvent en interaction avec leur entraîne une pénalisation des femelles dominées. boîte à nid (multiplié par deux environ) que celles des 5. L’espace disponible autres modes de logement. En revanche, les « Refus d’allaitement » observés étaient nettement moins S’il existe un débat spécifique en ce qui concerne le fréquents chez les femelles logées par paire (0,1% du logement collectif des reproducteurs, ce mode de temps) que dans les autres modes de logement (0,3 à logement est par contre généralisé durant la phase 0,4%). Dans les logements collectifs par 4, les d’engraissement. Les principales questions posées femelles passaient 30% de leur temps en cohésion concernent dans ce cas essentiellement la notion alors que, dans les logements par paire, cela n’était le d’espace disponible en relation notamment avec la cas que durant 0,8% de leur temps. De plus, dans ces possibilité d’exprimer un comportement locomoteur derniers logements, dans deux couples sur neuf, nous (Lehmann, 1989 ; Stauffacher, 1992) et un avons observé une exclusion mutuelle, chaque femelle développement (Drescher, 1992) « normal ». 10èmes Journées de la Recherche Cunicole, 19-20 nov. 2003, Paris 169
Pour les animaux élevés collectivement, l’espace la taille du groupe (de moins de 10 à plus de 40). disponible est fonction de la surface par animal et du Martrenchar et al. (2001), en comparant des lapins nombre d’individus par groupe. Ces deux facteurs ont logés par 6 ou par 24 à même densité (15 lapins/m²), par conséquent fait l’objet de travaux au cours de ces rapportent des résultats encore différents puisque 65% dernières années. des animaux sont indemnes des lésions des oreilles Les effets de la densité durant la période dans les groupes de 6 lapins contre 93% dans les d’engraissement ont été généralement mesurés à taille groupes de 24. Cependant, ces auteurs mettent en de groupe variable (entre 6 et 10 animaux) avec des relation ce résultat avec des problèmes de densités variant entre 15 et 28 animaux par m². Sur le surpopulation dans les cages plutôt que des problèmes plan zootechnique, Aubret et Duperray (1992) ont d’agression entre animaux. Ces auteurs ont aussi observé une réduction de la vitesse de croissance aux constaté une réduction de 2% du poids final des plus fortes densités. Morisse et Maurice (1996) ont animaux logés par 24. Maertens et van Herck (2000) analysé l’effet de 4 densités (15,3-17,8-20.4-23 en comparant des animaux logés par 4 ou 30 (densité lapins/m² correspondant à 6-7-8-9 animaux par cage) de 15,5 lapins/m²) ont constaté une réduction de 4% sur le comportement des animaux. Les observations du poids final mais aussi de la consommation ont été réalisées dans 3 cages par traitement sur des quotidienne dans les groupes de 30 animaux. Avec les périodes de 24 heures à 6 et 10 semaines d’âge. Si à 6 mêmes modes de logement, Maertens et van Oeckel semaines, la densité n’avait aucun effet, à 10 (2001), dans un autre essai, ont enregistré, de semaines, les animaux logés à la plus faible densité nouveau, une réduction de 5% du poids final dans les exprimaient plus de comportements sociaux alors grands groupes. qu’aux densités supérieures les activités de « confort » Sur le plan comportemental, Martrenchar et al. (2001) et « d’exploration » tendaient à augmenter alors que ont réalisé des observations à 6 et 9 semaines durant l’activité locomotrice tendait à être réduite. deux périodes de 24 heures. Le temps consacré au En ce qui concerne les femelles reproductrices, nous repos était réduit dans les groupes de 6 lapins à 9 ne disposons que de peu de références sur les effets de semaines et inversement le temps passé à manger ou la surface. Drescher (1992, 1996) a émis l’hypothèse dans des interactions sociales était augmenté. Le que l’exiguïté (surface et hauteur) des cages pouvait temps consacré aux activités locomotrices ne variait être à l’origine de déformations de la colonne pas en fonction du mode de logement. Par contre, vertébrale. La hauteur et la surface de la cage d’autres observations ont permis de montrer que le pourraient avoir un effet sur les performances nombre de double ou triple bonds successifs était très zootechniques (Rommers et Meijerhof, 1997) ce qui nettement augmenté à 6 semaines (multiplié par un n’est cependant pas confirmé par les résultats de facteur respectivement de 2 et 6). Mirabito ( 2002) obtenus cependant avec des cages A partir des quelques travaux rapportés ci-dessus, il aménagées. semble vraisemblablement que l’augmentation de la En revanche, au cours des dernières années, de taille du groupe et donc de l’espace disponible induise nombreux travaux ont traité de l’augmentation de la une réduction limitée de la croissance des animaux taille du groupe chez le jeune à l’engraissement, cette tout en améliorant la qualité des déplacements. Des approche présentant d’évidents avantages sur le plan questions restent posées cependant en matière de de l’investissement et de l’image. risque sanitaire et on peut aussi regretter que des tailles de groupe intermédiaires (10 lapins par cage) Xiccato et al. (1999) ont comparé les performances ait rarement été prise en compte dans ces études. Or, zootechniques de lapins élevés en cage individuelle celles-ci permettraient de conserver, dans les ou collective (3 lapins/cage) à deux densités (12 et 16 conditions actuelles de production, l’intégrité des lapins/m²). Ils concluaient à une réduction en cage portées de la naissance à l’abattage et seraient mieux collective de 3% du poids vif final et de l’ingéré (avec adaptées aux évolutions actuelles du système une tendance à un effet de la densité sur ce d’élevage. D’autre part, si la notion d’espace est paramètre). Toutefois, de telles variations de la taille importante, sa structuration l’est tout autant dans du groupe ne semblent pas de nature à favoriser l’objectif de favoriser l’expression des comportements véritablement l’expression du comportement des animaux. Un travail important reste donc à locomoteur. Aussi, la majorité des autres essais sur le accomplir sur ce thème. De même, la question de sujet ont concerné des variation de taille du groupe l’interaction possible entre la surface disponible par social beaucoup plus importante. animal et la taille du groupe reste à aborder. Enfin, il Rommers et Meijherof (1998) ont rapporté que des faut noter que nous n’avons pas rapporté tailles de groupe de 6 à 54 animaux (densité de 17 volontairement dans ce cadre de nombreuse lapins/m²) n’avaient pas d’influence sur la croissance références récentes sur l’élevage en « grand » groupe ou la consommation des animaux et sur la fréquence des lapins car il apparaît souvent une confusion entre des blessures. Ce dernier résultat différait de celui les effets de la taille du groupe, de la nature du sol et observé par Bigler et Oester (1996) qui avait de la densité. Les modes de logement testés nous enregistré une augmentation significative du nombre semblent alors relever plus d’une stratégie de mise au et de la sévérité des blessures avec l’augmentation de point de systèmes de « diversification ». 170 10èmes Journées de la Recherche Cunicole, 19-20 nov. 2003, Paris
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