À LOUVIERS - ARCHIVES SEINE-EURE - Agglo Seine-Eure
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
OSITION UNE EXP PAR LE PÔLE ÉE PROPOS SEINE-EURE ES ARCHIV ER S à LO U V I En collaboration avec la médiathèque Boris Vian et le musée de Louviers. ↓ agglo-seine-eure.fr | archives
Soigner ! Voilà un art bien compliqué qui rassemble tant d’intervenants : PRÉFACE personnel soignant, institutions dédiées, malades aux statuts divers. C’est aussi un sujet placé au cœur de nombreux enjeux : qui et pourquoi soigner ? Où et comment accueillir les malades, en particulier ceux qui n’ont pas les moyens d’être correctement soignés ? Comment prévenir les maladies, et non se contenter de lutter contre elles ? ? U N E A F FAIRE LA SANTÉ LEXE ! Pour cela, il faut des professionnels formés, dont la compétence, individuelle P FORT COM ou additionnée, se met au service des habitants d’un territoire. Il faut des établissements dédiés, et le territoire Seine-Eure, dès l’Ancien Régime, n’en manque pas si l’on compte que s’y développèrent jusqu’à quatre hôpitaux et bien plus de maladreries. Il faut des institutions chargées d'identifier et Sous le regard d’Asclépios de prendre en charge les individus Caducée, s.d. (Coll. privée) touchés par la maladie, le handicap ou Jaucourt, dans son article de remèdes. Une répartition des tâches la vieillesse. l’Encyclopédie consacré à la médecine, qui évoluera au fil des siècles, avec la la définit comme suit : « La Médecine professionnalisation de chacune de Si la maladie a longtemps été synonyme est l’art d’appliquer des remèdes ces disciplines. de précarité, les combats liés à la santé dont l’effet conserve la vie saine, et publique ont permis au fil du temps redonne la santé aux malades. Ainsi d’être plus rapidement et efficacement la vie, la santé, les maladies, la mort de MÉDECINS ET CHIRURGIENS… pris en charge, ne pas sombrer dans l’homme, les causes qui les produisent, Jaucourt, toujours dans l’Encyclopé- l’indigence et l’exclusion, mais aussi de les moyens qui les dirigent, sont l’objet die, définit le médecin comme « celui bénéficier de mesures de prophylaxie. de la médecine ». La médecine est donc qui professe et qui exerce la médecine bien cet art qui consiste à maintenir après des études convenables de cette Prévenir, soigner, guérir… Autant de un individu en pleine santé ou qui, science ; c’est par-là qu’il est distingué thèmes abordés dans ce catalogue s’il est malade, doit contribuer à son d’un charlatan. ». Appelé mire au Moyen dédié à « l’art de soigner », proposé à rétablissement. Âge, c’est un personnage respecté de l’initiative du Pôle archives Seine-Eure la société civile, détenteur d’un savoir — et soutenu par la Direction de la Culture Les professions médicales sont qui s’acquiert par des études longues. Bernard Leroy, de la ville de Louviers (en particulier le citées dès la plus haute antiquité. La plus ancienne faculté française de Président de l’Agglo Seine-Eure musée et la médiathèque Boris-Vian), Traditionnellement, le médecin pose médecine ouvre à Montpellier en 1220, François-Xavier Priollaud, ainsi que par la Direction régionale des le diagnostic, le chirurgien l’exécute celle de Caen en 1438 et celle de Rouen Maire de Louviers affaires culturelles de Normandie. tandis que le pharmacien élabore les en 1966. 2 | L’art de soigner L’art de soigner | 3
… AU CŒUR D’UN ÉCOSYSTÈME la création d’écoles dédiées en 1899 COMPLEXE et l’instauration d’un diplôme d’Etat en 1937. Enfin d’autres personnels Les sages-femmes officient auprès paramédicaux, tels que les kiné- des femmes dont elles accompagnent sithérapeutes, se multiplient au cours la grossesse et l’accouchement, le du XXe siècle. plus souvent à domicile jusqu’au milieu du XXe siècle. Par ailleurs, de Les apothicaires allient longtemps 1803 à 1892, des officiers de santé, préparation de médications et épicerie bacheliers à la pratique médicale où l’on vient acheter herbes et épices. validée par un jury, interviennent dans En 1777, la pharmacie est consacrée les campagnes où ils pallient l’absence « art précieux à l’humanité ». En 1803 de médecins diplômés. Certains est fondée la Société de Pharmacie de jouent un rôle de « lanceurs d’alerte Paris, ancêtre de l’Académie nationale sanitaire », tel Fleurimont, officier de de pharmacie. Enfin, en 1941, un santé du Vaudreuil, qui s’illustre à la nouveau texte réglemente l’exercice Haye-Malherbe au début du XIXe siècle. officinal, reconnaissant les trois métiers Infirmiers et infirmières, longtemps de la pharmacie : officine, fabrication religieux, se professionnalisent avec et répartition. Le médecin, peinture de Joseph Tomanek, vers 1933. Les médecins sont les interlocuteurs Autre professionnel de santé : le privilégiés des malades. La plupart chirurgien. Si le chirurgien militaire exercent à leur compte, en ville ou en acquiert son savoir au gré des batailles, campagne, le plus souvent sollicités le chirurgien-barbier a pignon sur rue par ceux qui ont les moyens de payer et peut intervenir sur les petites plaies. leurs services. D’autres sont employés En 1731 est fondée l’Académie royale de par les établissements hospitaliers, chirurgie, discipline qui se spécialise où ils cumulent souvent les fonctions au cours du XVIIIe siècle et intègre de médecin et chirurgien. Ils peuvent peu à peu des services hospitaliers aussi intervenir dans des consultations dédiés. Quant aux dentistes, on passe financées par les administrations ou du barbier médiéval au statut de des œuvres privées. En première ligne chirurgien-dentiste, instauré par Louis pour détecter une épidémie, ils alertent XIV en 1699. sur les risques sanitaires ou dénoncent l’insalubrité ou l’indigence des popu- lations, conseillant les élus sur les mesures à prendre. Fins observateurs de la société, ils en dressent un portrait juste, parfois dur, rappelant des règles élémentaires d’hygiène publique, voire d’humanisme. Gravure « Le pharmacien-droguiste sous le Premier Empire » (coll. privée) 4 | L’art de soigner L’art de soigner | 5
BIENS TIONS DES N Un fort maillage hospitalier LOCALISA LOMÉR ATIO H O R S AG G Dès le Moyen Âge sont créés divers établissements destinés Igoville Bois-Benard-en-Crecy, à accueillir pauvres locaux et Alizay Canappeville, Criquebeuf-la- pèlerins de passage à Louviers et Campagne, Ecquetot, Evreux, Fouqueville, Hondouville, Venon, aux alentours. Le Manoir Amfreville- Malleville-sur-le-Bec, Reuilly, sous-les-Monts Saint-Philbert-sur-Risle, Criquebeuf- Les Damps Poses sur-Seine Pont- Villers-en-Vexin, Villettes, de- Ypreville-Biville. l'Arche Léry Porte- Bosc-Benard-Crescy, Canappeville, de- Cesseville, Crestot, Criquebeuf- Seine la-Campagne, Crosville-la-Vieille, Daubeuf-la-Campagne, Daubeuf- près-Vatteville, Ecquetot,Ecauville, Incarville Le Vaudreuil Flancourt-Crescy-en-Roumois, La Saussaye Terres Frenelles-en-Vexin, Hectomare, La Haye- de Bord Saint-Étienne- Herqueville Farceaux, Flancourt-Crescy- Malherbe du-Vauvray en-Roumois, Fouqueville, Gouy, La Harengère Grossoeuvre, Houetteville, Hondouville, Iville, Le Tremblay- Andé Omonville, Le Troncq, Venon, Vraiville Louviers Saint-Pierre- Les Authieux-sur-le-Port-Saint- du-Vauvray Ouen, Marbeuf, Quévreville-la- Mandeville Les Trois Lacs Poterie, Saint-Aubin-d'Ecrosville, Crasville Sotteville-sous-le-Val, Suzay, Vironvay Surville Villettes. Surtauville La Haye- le-Comte Heudebouville Pinterville Crestot. Quatremare Le Mesnil-Jourdain M E N TS E T S Fontaine-Bellenger ÉTABLISSE NS DES BIENS DAN C A L IS AT IO E-E U R E Acquigny LO EIN ÉR ATION S Le Val d'Hazey L'AGGLOM Ailly Amfreville-sur-Iton Gaillon Hôpital Saint-Jean de Louviers et ses possessions Saint-Aubin- Heudreville- La Vacherie sur-Eure sur-Gaillon Hôpital Saint-Louis-Sainte-Elisabeth de Louviers et ses possessions Clef Vallée d'Eure Hôpital de Pont-de-l'Arche et ses possessions Hôtel-Dieu de Notre-Dame-du-Vaudreuil Maladreries 6 | L’art de soigner L’art de soigner | 7
HÔPITAL-HOSPICE SAINT-JEAN CHRONOLOGIE 1195 1818 1889 L’HÔPITAL SAINT-JEAN, UN HÔPITAL Don d’un terrain par Transformation des Installation d’une Richard Cœur de Lion écuries en chambres ; buanderie et d’un PRESQUE MILLÉNAIRE à l’abbaye Saint- construction d'un service des bains Taurin d’Evreux bâtiment L’hôpital le plus important est fondé à Louviers en 1212, sous le nom d’hospice 1902 Saint-Jean, aussi appelé Saint-Gilles. 1212 1826-1827 Installation d’une Il est placé sous la juridiction des Acte de don d’un terrain par l’abbaye Saint- Don de ce terrain Ajout d'un étage salle d’aisance, d’une Taurin d’Evreux aux bourgeois de Louviers, par l’abbaye Saint- chambre mortuaire et bourgeois de la ville, qui en nomment extrait du Petit cartulaire de l’abbaye Saint- l’administrateur, comme le confirme un Taurin, 1212 (AD Eure, H793) Taurin d’Evreux aux 1850 d’un pavillon pour les arrêt de 1652. bourgeois de Louviers tuberculeux Destruction des pour y édifier un Il est à la fois hôpital, destiné aux cabanons attenant hôpital 1914 malades, et hospice, accueillant à la prison pour créer vieillards, infirmes, incurables et des logements au sein Grands travaux de orphelins. D’abord réservé aux hommes, 1623-1624 de l’hospice pour transformation : il passe peu à peu d’une vocation Construction d'un les aliénés bâtiments charitable à un lieu d’enfermement. colombier, d’une d’isolement, salles La Révolution française, la laïcisation charpente et 1851-1852 d’opération, pavillons des corps religieux et l’évolution des réfection des murs médicaux, nouveaux Construction de deux politiques communales d’assistance bâtiments de ferme loges pour les aliénés l’amènent à accueillir des femmes et à AN XI grâce au don de Mlle se réorienter vers l’assistance et le soin. 1933 Construction et Dagoumer Subsistant grâce à ses biens, à la remise en état d’un Transformation Plan de l’hôpital Saint-Jean, 1901 perception de taxes (spectacles, bâtiment de l’hospice 1859 du pavillon des (Arch. Hôpital Saint-Jean, HSJ_O11) loteries) et aux frais médicaux tombé en désuétude tuberculeux en Reconstruction du encaissés, l’établissement engage dès maternité mur de l'hospice avec le XIXe siècle la création de nouveaux AN XIII projet d'alignement services, plus adaptés et spécialisés : Construction d'un sur le Champ-de- 1936 salles de chirurgie, maternité, pavillon bâtiment à usage de Mars Aménagement de des tuberculeux. En 1989, il devient buanderie l'ancienne prison en centre hospitalier intercommunal, puis pavillon médical cœur du Groupement Hospitalier de 1874-1875 Territoire « Val de Seine et Plateaux Construction de la de l’Eure » qui regroupe à Louviers et chapelle de l'hospice Elbeuf deux hôpitaux et cinq EHPAD.V Vue générale de l’hôpital Saint-Jean de Louviers, début XXe siècle (Pôle archives, 1FI144) 8 | L’art de soigner L’art de soigner | 9
UN HÔPITAL À L’HISTOIRE BIEN AGITÉE : L’HÔPITAL SAINT-LOUIS Reproduction du sceau du couvent Saint-Louis- Sainte-Elisabeth, XIXe siècle (AM Louviers, HSJ_U9) L’HÔPITAL DE PONT-DE-L’ARCHE En 1310 est fait mention d’un hôtel-Dieu à Pont-de-l’Arche. « L’hôpital, mala- drerie et maison-Dieu » est tout d’abord Vue d’un vestige du couvent Saint-Louis, début XXe siècle (AD Eure, 8Fi374/232) géré par les bourgeois de la ville avant de passer en 1648 sous le patronage Extrait du testament de Julien Blin à la ville de Pont- des moines pénitents. Ceux-ci vont de-l’Arche, 1826 (ADEure, HDTPont de l’Arche 16) En 1616, autorisation est donnée de peu à peu le dévoyer de sa fonction fonder à Louviers deux établissements d’aide aux pauvres au profit de charitables obéissant à la règle du l’agrandissement de leur couvent. Ce tiers-ordre franciscain, l’un destiné aux dernier, confisqué à la Révolution, est L’HÔPITAL : UN MONDE TRÈS ENCADRÉ hommes, l’autre aux femmes. Après une finalement acquis par l’ingénieur Julien En 1643 éclate l’affaire des rapide scission, il ne demeure que le Blin qui lègue en 1826 à la ville de Pont- Jusqu’à la Révolution française, les possédées de Louviers. Les couvent Saint-Louis-Sainte-Elisabeth, de-l’Arche tous ses biens mobiliers et hôpitaux sont soumis à un contrôle religieuses, emmenées par dédié aux femmes. Y est adjoint un immobiliers « pour l’établissement (…) strict établi par le conseil de ville. Les Madeleine Bavent, sont accu- hospice « où seraient recueillis, pansés, d’un hospice [qu’il] destine à recevoir administrateurs gèrent les affaires sées de s’être livrées à la dé- médicamentés les pauvres pèlerins et les indigents, malades et informes temporelles ; les congrégations reli- bauche et à la sorcellerie, sous passants de l’un et de l’autre sexe, que natifs de la ville ». gieuses administrent soins et derniers la direction de leurs prêtres, le l’on voyait ordinairement périr par les sacrements. Toutefois, même après défunt curé du Mesnil-Jourdain champs, faute de retraite et de secours L’hôpital se développe doucement l’abolition des congrégations par le Mathurin Picard et son vicaire assurés ». autour de l’accueil des malades et décret du 18 août 1792, les religieuses et successeur Thomas Boullé. vieillards indigents des deux sexes. De resteront présentes jusqu’au début du En 1696 est construit un premier L’évêque d’Evreux, averti, se 34 lits en 1901, il passe à 41 lits en 1976, XXe siècle. Des règlements intérieurs ensemble de bâtiments, plusieurs fois rend sur place et assiste à des avant un nouvel agrandissement en sont mis en place pour renforcer une agrandis et remaniés au XVIIIe siècle. scènes de possession, ce qui 1996. En 2011, il devient Etablissement structure hospitalière déclinante et La confiscation des biens religieux l’amène à procéder à plusieurs hospitalier pour personnes âgées régler le bon fonctionnement de pendant la Révolution marque la fin exorcismes. Le Parlement de dépendantes (EHPAD) avant une l’établissement. de l’activité de l’hospice. Accueillant Rouen prononce en août 1647 nouvelle extension en 2015. diverses administrations, les bâtiments la condamnation au bûcher de sont peu à peu démantelés à partir Thomas Boullé et du cadavre de 1846 pour faire place aux actuels de Mathurin Picard, ainsi que la édifices qui entourent le square de réclusion de Madeleine Bavent. l’hôtel de ville. 10 | L’art de soigner L’art de soigner | 11
Après 1792, le conseil d’administration Les indigents admis à l’hospice se compose du maire, de membres ou à l’hôpital sont soumis à une nommés par le conseil municipal et discipline stricte. Ils reçoivent 2 à 4 d’autres nommés par le préfet. Un repas quotidiens, selon leur âge et ordonnateur est mandaté chaque le régime prescrit : diète absolue ou année pour s’acquitter des dépenses et simple, soupe ou aliments solides. Le contrôler la comptabilité du receveur et travail rémunéré sert à les occuper de l’économe. Un directeur, également et à les faire participer à leurs frais administrateur, surveille et assure d’hospitalisation. Visites et sorties sont la bonne continuité des services, limitées et encadrées. gère les mouvements des personnels administratif, religieux et médical, avec l’aval de la commission. VIVRE À L’HÔPITAL SAINT-JEAN EN 1902 En 1902, l’hôpital-hospice Saint-Jean compte 280 lits, dont 12 sont réservés aux religieuses-infirmières et 10 aux Règlement de l’hôpital-hospice servants (aides-soignants). Les 258 civil de Louviers, 1902 (Arch. autres lits sont répartis comme suit : Hôpital Saint-Jean, HSJ_J7) Hôpital Saint-Jean Hospice Saint-Jean Personnes Malades civils des deux sexes Vieillards, incurables et infirmes accueillies Blessés Indigents des deux sexes Malades militaires Filles de familles pauvres (œuvre Femmes en couches Audresset) Pensionnaires valides et incurables Vieux ménages (œuvre Postel) Répartition 90 lits dont 55 pour les 168 lits : 95 pour les vieillards, 42 des lits malades, 14 pour les pour les incurables, 24 pour l’œuvre contagieux et 4 pour les Audresset, 5 pour les pensionnaires femmes en couches et 2 pour les aliénés Conditions Admission prononcée par la Admission prononcée par la d’admission commission administrative, commission administrative sur présentation d’un pour les personnes résidant à certificat d’indigence et Louviers depuis plus de 5 ans (sauf d’un certificat médical pensionnaires), sur présentation Arrêt du Conseil confortant les bourgeois de Louviers dans leur droit de nomination d’un certificat d’indigence et d’un des administrateurs de l’hôpital, 1652 (Arch. Hôpital Saint-Jean, HSJ_E2) certificat médical 12 | L’art de soigner L’art de soigner | 13
La toponymie nous ren- seigne sur de possibles autres implantions, tels les lieux-dits appelés la Mala- drie ou Maladrerie (Andé, Crasville, Pont-de-l’Arche, Saint-Martin-la-Corneille/ La Saussaye, Surville) ou Fief-aux-Malades (Igoville). Vue de l’ancienne maladrerie du Vaudreuil, 2011 (cliché SED Louviers) Chaque léproserie a deux responsables : le chapelain, Plan de la léproserie Saint-Hildevert, extrait de l’ouvrage La Léproserie nommé par l’évêque et qui tire de Saint-Hildevert à Louviers : sa situation, son origine et sa fin : une grande part de ses revenus état et police des lépreux au XIIe siècle, par Hébert-Desroquettes, 1854 des dons faits aux malades ; (Médiathèque de Louviers, fonds Lalun n°662) un lépreux (ou messel si c’est une femme), qui régente ses semblables. Les lépreux sont AU CHEVET DES LÉPREUX soumis à des règles strictes, formalisés en 1621 par le Règlement sur la façon de Les grandes pandémies médiévales Aubevoye : maladrerie et chapelle séparer les lépreux d’avec le voient l’émergence, sur tout le Saint-Jacques du Roule, dite aussi de peuple. Toute suspicion de lèpre territoire, d’établissements destinés à Balenson, citée en 1205, inactive dès 1447. doit être soumise au prêtre qui isoler pestiférés et lépreux : La Haye-Malherbe : isole l’individu, aussitôt après Louviers : maladrerie Saint-Hildevert, Maladrerie et chapelle Saint-Blaise. avoir dit une messe. Une fois fondée en 1232 et réunie en 1532 enfermé, spolié de ses biens, le Le Mesnil-Jourdain : maladrerie à l’hôtel-Dieu pour y enfermer les lépreux ne doit plus entrer dans Sainte-Agathe, citée dans un contagieux. Mise en vente en 1795, elle les édifices publics, ne plus contentieux du XVIe siècle. sera peu à peu démolie au XIXe siècle. rien toucher si ce n’est avec Igoville : maladrerie des Sablons, un bâton et rester uniquement Saint-Cyr-du-Vaudreuil : maladrerie mentionnée à la fin du XIIIe siècle. en compagnie de lépreux. Ce Sainte-Marguerite, attestée dès le XIIe qui n’empêche pas certains Portrait d’un médecin de peste, gravure siècle et intégrée en 1699 à la maison- Montaure : maladrerie et chapelle de se rebeller contre l’ordre de Paul Fürst, 1656 (publié dans Dieu de Notre-Dame-du-Vaudreuil, Saint-Blaise, mentionnée en 1253. religieux et de faire appel de l’ouvrage Die Karikatur und Satire in elle-même citée dès 1307. Pont-de-l’Arche : maladrerie citée en leur enfermement ! der Medizin : Medico-Kunsthistorische 1259 et bénie en 1264. Studie, par le Dr. Eugen Holländer, 1921) 14 | L’art de soigner L’art de soigner | 15
T M ALAD IES ALA D E S E Tous les individus pris en charge par les M personnels et établissements de santé ne disposent pas du même statut. On distingue ainsi : • l’individu aisé qui peut financer ses soins et est le plus souvent traité à Qu’est-ce qu’un malade ? domicile ; Les statistiques sanitaires nous les adultes. Sont ensuite recensées • les pensionnaires, qui peuvent apprennent qu’en ville ou en campagne, des affections plus graves, telles que financer leur séjour à l’hôpital ou à les habitants du territoire sont atteints tuberculose, choléra, typhoïde, typhus l’hospice par des rentes, dons ou legs ; de maladies bien connues : rougeole, ou encore maladies « mal définies », • les indigents qui n’ont d’autre gale et scarlatine pour les plus jeunes, désignant le plus souvent des infections choix que d’être accueillis dans des grippe, bronchite, dysenterie pour sexuellement transmissibles. conditions parfois misérables, et qui ne font appel à la médecine qu’en dernier Procès-verbal d’abandon de l’enfant Adélaïde Montreuil, 1836 recours, souvent trop tard pour espérer (Arch. Hôpital Saint-Jean, HSJ_Q9) une guérison complète. Sont enfin soignés sans restriction les militaires et marins, pris en charge par Des rapports réguliers sont l’Etat. Les orphelins sont également dressés pour recenser les accueillis, soit après abandon (souvent causes de mortalité. Entre 1906 anonyme), soit ponctuellement avant et 1908, sont ainsi décomptés placement. à Louviers 763 morts, dont 26 victimes d’épidémies (grippe, L’obstacle financier à l’accès aux soins typhoïde, diphtérie, coque- est peu à peu estompé par la création des luche), 56 de diarrhée infantile, sociétés de secours mutuels, légalisées 56 de maladies « mal définies », en 1856 ou, plus localement, de la Caisse 39 par suicide ou mort violente de sursalaire familial de l'union des et 109 de maladies respira- industriels et commerçants de Louviers toires (tuberculose, bronchite). et de son groupement. Fondée en 1920 Peuvent être joints à ces rap- et financée par les employeurs locaux, Vue de la partie réservée aux enfants ports des conseils sanitaires elle invite les salariés à cotiser contre de l’hospice Saint-Jean, début XXe siècle pratiques à l’égard d’une participation à leurs soins ou à leur (Pôle archives, 1Fi) profession ou des pouvoirs retraite. Il faut attendre l’ordonnance publics. de 1945 pour rassembler ces initiatives Rapport sur la situation sanitaire de Louviers éparses au sein de la toute nouvelle entre 1906 et 1908, 1910 (AD Eure, 5M87) Sécurité sociale. 16 | L’art de soigner L’art de soigner | 17
Des épidémies dévastatrices CHOLÉRA 1832 Le territoire Seine-Eure a été confronté à des épidémies parfois dévastatrices. Le XIXe siècle est fortement marqué par Avant la Révolution sont citées des le choléra morbus, jusqu’ici inconnu épidémies de peste, de lèpre et, plus en Europe et qui se répand sans tard, de typhoïde. Entre l’an IX et l’an X, distinction de sexe, d’âge ou de classe une « fièvre tantôt putride, tantôt sociale. La maladie, causée par le Vibrio pétéchiale, parfois pourpreuse, mais cholerae, est foudroyante : diarrhées, toujours contagieuse » touche plus de vomissements ressemblant à du riz 150 personnes en 6 mois à la Haye- au lait, menant à une déshydratation Malherbe, causant 50 décès. Méningite, souvent mortelle. La transmission de typhus, diphtérie, tuberculose sont la maladie se fait par les sécrétions ensuite souvent évoqués comme humaines et les eaux souillées par causes d’épidémies. celles-ci. Les populations les plus pauvres sont les plus touchées, du fait de conditions Rapport sur les épidémies qui ont régné en France de 1830 à 1836…, par A. Piory, 1837 de vie qui favorisent une contagion (AD Eure, 5M55) rapide et des difficultés à se soigner. Les remèdes sont onéreux et, sans aide publique, inaccessibles pour les malades qui refusent l’alitement pour Rapport sur l’un des premiers cas de choléra ne pas perdre leur salaire. Les classes dans l’arrondissement de Louviers, 1er mai 1832 (Arch. Louviers, 27375_5J121) aisées sont parfois touchées, comme En janvier 1835 est signalée à l’élite lovérienne frappée en 1846 par Gaillon une maladie qui touche une épidémie de scarlatine qui emporte 50 personnes de 15 à 40 ans. plusieurs notables ou leurs enfants. Qualifiée de « fièvre maligne, ataxique ou cérébrale », elle Vue du Vibrio chloerae, provoque malaises, inappé- découvert par Robert Koch en 1884 tence, nausées, céphalées, AU CŒUR DES ÉPIDÉMIES courbatures, fièvre, délire, hé- morragies nasales. On traite les Un premier cas est identifié à Paris en Ces épisodes sont documentés par malades par des saignées aux mars 1832. En territoire Seine-Eure, le les médecins qui y sont confrontés. pieds et aux bras, la pose de « patient zéro » est signalé à Venables Ils relèvent symptômes, évolution et sangsues derrière les oreilles, le 21 avril. L’épidémie se répand très variations de la maladie, ainsi que les des boissons légères, des laxa- vite, de la maison d’arrêt de Gaillon à la remèdes proposés, et tentent d’en tifs ou des lavements. On gué- Haye-le-Comte, Louviers, Criquebeuf- tirer des leçons pour mettre en place rit rapidement… ou on meurt si sur-Seine et Pont-de-l’Arche. Entre une prophylaxie efficace. Néanmoins l’affection dure plus de 10 jours. mi-avril et fin septembre 1832, l’inconscience des uns et le manque Pourtant cette épidémie ne l’arrondissement de Louviers compte Médaille protectrice contre d’éducation des autres restent souvent sera pas prise au sérieux par 625 malades (1837 pour le département le choléra, portant l’inscription « Saint-Roch, préservez-nous du des obstacles à la prévention et à la les autorités, qui laisseront les de l’Eure), dont 198 décèdent de la choléra », XIXe siècle (coll. privée) prise en charge précoce des malades. médecins sans soutien. maladie (851 dans l’Eure). 18 | L’art de soigner L’art de soigner | 19
Les remèdes sont limités : frictions Image promouvant l’alcool de menthe Ricqlès du corps pour le réchauffer, diète, « préservatif souverain contre les épidémies », boissons chaudes et sucrées (tisanes entre autres de choléra, ca 1883 (coll. privée) de camomille, eau de riz), repos, aération maximale, voire le laudanum, à base d’opium. Il convient également de désinfecter les locaux et le mobilier par des fumigations ou des lavages à l’eau additionnée de chlorure de chaux, et de brûler le linge et les effets personnels. Les morts sont ensevelis dans des fosses remplies de chaux. Le territoire sera confronté à d’autres vagues cholériques, en particulier en 1866 et 1892, où les autorités sanitaires se heurteront à un immobilisme gé- néral. La faute de la maladie est désormais souvent rejetée sur l’alcoolisme et la malpropreté des malades plus que sur l’insalubrité éventuelle des points d’eau ou des logements. Toutefois les mesures d’hygiène publique prises pendant le siècle limitent la contagion et les décès. Quelques réflexions sur le choléra, Conseils pour lutter contre le choléra : affiche du conseil d’hygiène de l’arrondissement de par le Dr Pétel, 1865 (AD Eure, 374BR105) Louviers, ca 1870 (Arch. Louviers, 27375_5J121) 20 | L’art de soigner L’art de soigner | 21
La tuberculose est souvent associée à l’alcoolisme, comme en témoigne cette phrase souvent répétée : « La phtisie se prend sur le zinc ! ». Les Cachez cette maladie ! associations antituberculeuses mènent donc souvent de conserve Le malade est souvent décrit comme leurs actions de prévention avec les un indigent, en proie à des vices tels ligues antialcooliques. Beaucoup font que l’alcool et la paresse, qui mérite à porter aux parents alcooliques la peine les soins qui lui sont dispensés. responsabilité d’affections hérédo- Le « patient zéro » est un vagabond ou familiales, entraînant handicaps un débauché, si possible extérieur à la physiques ou mentaux chez leur commune, vecteur d’une affection qui descendance. C’est pourquoi on va ensuite contaminer une population s’empresse de retirer les enfants innocente. Suspectés de véhiculer des de telles familles, afin d’éviter toute maladies, les nomades se voient peu à contagion sanitaire et morale. Les peu interdire les centres-bourgs, puis Chanson humoristique de sensibilisation instituteurs sont également en à la lutte contre la tuberculose auprès des contraints par la loi du 16 juillet 1912 première ligne pour enseigner des enfants, sans date (coll. privée) d’être à jour de leurs vaccinations et de préceptes d’hygiène élémentaire subir des contrôles de leur état de santé assortis de leçons de bonne moralité. et de la salubrité de leurs roulottes. Autre maladie honteuse : la syphilis, En effet, nombre de médecins qui touche toutes les classes d’une identifient alors certaines maladies société qui se soucie plus de protéger comme associées à la misère sociale. la réputation d’un homme que de La tuberculose passe ainsi du statut préserver la santé d’une femme, voire Carte postale de la Ligue Nationale contre l'alcoolisme montrant les méfaits de maladie romantique décrite par de son enfant. La maladie se soigne de l’alcoolisme : « Le fou alcoolique », de nombreux auteurs, à une affection sous le manteau, par des remèdes années 1920 (coll. privée) violente, où l’on meurt dans les pires plus ou moins éprouvés jusqu’à la souffrances et dans la pauvreté découverte de la pénicilline en 1928. absolue. La peur de la contagion Les prostituées font l’objet d’une devient frénétique. Une instruction de surveillance particulière, accusées 1901 prescrit d’isoler les tuberculeux, de transmettre diverses infections d’aérer et de désinfecter les chambres, sexuellement transmissibles. Dès 21 d’employer des personnels en bonne ans, qu’elles exercent à domicile ou en santé et spécifiquement formés. Cette maisons closes, elles sont recensées et évolution amène les hôpitaux de fichées. Une carte leur est délivrée où Louviers et Pont-de-l’Arche à créer des un médecin appose un visa à chaque salles ou pavillons spécifiques, isolés visite médicale bihebdomadaire. des autres patients. Sans visa, c’est l’interdiction d’exercer et l’obligation de se soigner jusqu’à rétablissement. Règlement du service de santé et de police des filles publiques, 1835 (Arch Louviers, 27375_1J328) 22 | L’art de soigner L’art de soigner | 23
Pour faciliter l’accès aux traitements, destinée à la préparation de laxatifs ou le Conseil général de l’Eure distribue de toniques. dès 1811 dans les communes rurales des caisses de médicaments destinés aux En 1893, la création de l’Assistance plus pauvres. On y trouve du quinquina, médicale gratuite s’accompagne R S E SO I G N E de la mousse de Corse, divers onguents d’un recensement de médicaments et emplâtres ainsi que du vitriol, de et appareils dûment identifiés. La l’éther ou de l’ammoniaque. Par ailleurs, liste en est adressée annuellement l’hôpital Saint-Jean dispose d’un jardin aux bureaux de bienfaisance et aux de simples où sont plantées en 1807 hôpitaux. Ceux-ci sont incités de ne des graines de « rheum palmatum » recourir qu’à ces seuls produits, sous Aide-toi, (rhubarbe chinoise ou palmée), plante peine de ne pas être remboursés. le Ciel t'aidera... Le premier rempart contre la maladie est la foi populaire. On prie pour éviter la maladie ou pour guérir le saint qui s’est spécialisé dans la prévention ou le traitement de telle affection : ainsi saint Lubin contre les rhumatismes, saint Eustache contre la peur. On trempe les enfants dans la fontaine Sainte-Clotilde de Saint-Germain-de- Pasquier, on fréquente les sources de la forêt de Bord ou de Villers-sur-le- Roule contre les fièvres ou les maladies de peau. Deux guérisons miraculeuses sont même attribuées aux saints Mauxe et Vénérand d’Acquigny au XVIIIe siècle. On recourt aussi aux plantes médicinales (ou simples), ou encore aux organes ou sécrétions d’animaux par l’intermédiaire de guérisseurs ou rebouteux, qui allient superstition et réelles connaissances médicales. Interviennent aussi les herboristes, dont la profession est reconnue par l’Université de 1778 à 1941. Les plus aisés se fournissent en remèdes auprès de Cartes postales de lieux de pèlerinage : l’apothicaire, devenu pharmacien, fontaine de Notre-Dame-de-la-Mer Liste des médicaments terme attesté dès 1620. (Villers-sur-le-Roule), monument dédié aux déposés dans les villages saints Mauxe et Vénérand (Acquigny), par le Conseil général de l’Eure, début XXe siècle (Pôle archives, 1Fi) 1811 (AD Eure, 5M55) 24 | L’art de soigner L’art de soigner | 25
La science au secours de la médecine Jusqu’au XXe siècle, les remèdes sont composés de tout ou partie d’une centaine de plantes, certaines connues depuis l’Antiquité, d’autres apparues avec les Grandes découvertes. Si l’on use depuis longtemps de l’arnica, de la camomille et d’autres simples, on voit se développer le recours aux épices (poivre, gingembre), ou à des produits nouveaux (cacao, café). On les Document promotionnel pour le Fumigator, utilise, seuls ou combinés, sous forme appareil de désinfection par fumigation, 1912 d’onguents, de pilules, d’huiles ou de (Arch. Acquigny, 27003_1R7) tisanes. On recourt également à des composés tels que mercure, antimoine ou sulfate de cuivre. Outre les remèdes, les autorités sanitaires prônent l’usage d’appareils A partir de 1890-1900, la tendance pour prévenir ou combattre la maladie. s’inverse : les remèdes naturels cèdent Etuves fixes, appareils trempeurs, peu à peu la place à des médicaments pulvérisateurs sont proposés aux produits de façon chimique et communes, en incitant à des achats Affiche publicitaire pour le Résinol, industrielle. L’aspirine, extraite de groupés du fait de leur prix élevé. désinfectant pour le sol, sans date (27375_5J47) l’écorce de saule, est brevetée en 1899, En 1805 sont ainsi encouragées des suivie par la pénicilline en 1928. Le fumigations d’acides minéraux grâce sulfurique. Plus tard, on prônera l’usage thermalisme se développe : des cures à des flacons portatifs renfermant sel du fumigator pour purifier l’air, et du thermales sont envisagées aux sources marin, oxyde de manganèse et acide résinol pour assainir les sols. d’eau chaude d’Incarville, aux vertus dermatologiques, et au Neubourg. Dessin d’anatomie des établissements du Dr Auzoux, à côté du Neubourg, 1838 (Arch. Hôpital Saint-Jean, HSJ_L6) Vers une prise en charge spécialisée La science devient synonyme d’espoir. L’amélioration des connaissances dans les hôpitaux. L’hospitalisation Les découvertes médicales s’accé- médicales à compter du XVIIIe siècle est réalisée sur certificat médical à la lèrent : vaccins, rayons X, antibiotiques permet d’orienter les patients vers demande de la famille, d’un médecin ou ouvrent la voie à de nouveaux trai- des structures plus adaptées à leurs d’un maire : les frais sont alors répartis tements. La connaissance du corps pathologies, même si elles restent entre famille, commune, département humain se démocratise grâce aux longtemps des lieux d’enfermement. et hôpital. On sépare peu à peu les mannequins anatomiques du mé- aliénés calmes des dangereux, ainsi Documents promotionnels pour la poudre Dops decin neubourgeois Auzoux. Dans le Les aliénés, qu’ils soient dangereux ou que des personnes atteintes de pour soulager l’estomac, fin XIXe-début XXe siècle même temps, les charlatans n’hésitent non, sont d’abord isolés dans des locaux surdité et de mutisme, dirigées vers (coll. privée) pas à proposer des médicaments plus annexes aux prisons. La loi de 1838 des établissements plus adaptés à miraculeux les uns que les autres, réclame un traitement plus humain, leur handicap. Les aveugles indigents chacun se vantant avoir inventé la au sein d’asiles départementaux, tel sont quant à eux orientés vers l’hôpital panacée universelle. l’asile d’Evreux, et de locaux adaptés parisien des Quinze-Vingts. 26 | L’art de soigner L’art de soigner | 27
U P RÉVE NIR ? GUÉR I R … O Accompagner les malades et les faibles Dès 1656, Louviers édicte un règlement Prospectus de présentation de l’asile d’aliénés d’Evreux, 1874 (Arch. Incarville, 27351_3Q2) pour son bureau des pauvres, transformé en bureau de bienfaisance par la loi du 7 frimaire an V, qui impose la création de cet organisme dans toutes Au début du XXe siècle, les tuberculeux les communes. Son but premier est de sont accueillis dans des sanatoriums maintenir les pauvres à domicile quand où ils peuvent réaliser des cures de ils ne sont pas capables de travailler repos et d’air tout en bénéficiant pour raisons de santé, d’infirmité ou d’une suralimentation destinée à d’âge. En 1837, chaque commune est les renforcer. L’idée est de les isoler sommée de prendre des mesures pour du reste de la population car « ces « alimenter les indigents et interdire épaves humaines ne sont point qu’un le vagabondage et la mendicité ». lit de tristesse, elles sont un élément de A la fin du XIXe siècle, les bureaux de danger permanent et très actif, quelles bienfaisance voient leurs compétences que soient les précautions qu’on renforcées par la gestion directe de prenne contre la contagion », comme certaines aides d’Etat, en collaboration l’écrit un médecin contemporain. avec le Conseil général, telles que Demande d’admission au sanatorium d’Écouis, 1928 (Arch. Hôpital Saint-Jean, HSJ_Q11) l’assistance médicale gratuite. Règlement du bureau des pauvres de Louviers, Toutefois ces « sanas » restent peu 1656 (Arch. Hôpital Saint-Jean, HSJ_F2) nombreux et difficilement accessibles Chaque bureau, présidé par le maire de pour les pauvres. Sont donc créés dans la commune, est administré par plusieurs les villes des dispensaires d’hygiène membres, tous bénévoles. Il recense les Outre ces bureaux institutionnalisés, sociale, chargés de repérer et de suivre indigents, valides, malades et vieillards on trouve diverses œuvres privées, les malades. Enfin, pour combattre la de la commune, leur octroie ou refuse religieuses ou laïques, qui interviennent maladie au plus tôt, se développent des selon des critères propres divers secours également dans le cadre de la préventoriums, comme celui d’Écouis, en argent ou en nature, et les oriente prévention ou de l’accompagnement souvent présentés comme des colonies éventuellement vers des structures à caractère social ou médical. Ainsi de vacances au grand air. adaptées pour lesquelles il prend en à Louviers, l’Œuvre Audresset fournit charge tout ou partie des frais d’accueil. des soins à domicile, des vêtements, Seuls les pauvres de la commune sont de la nourriture et des médicaments Vue du préventorium d’Écouis, début XXe siècle éligibles aux aides, avec parfois une aux indigents en attente d’être pris en (AD Eure, 8Fi213/59) obligation d’ancienneté de résidence. charge par le bureau de bienfaisance. 28 | L’art de soigner L’art de soigner | 29
Vers une police de la santé… Des distributions de nourriture sont Enfin au cours du XXe siècle, une ponctuellement organisées pour limiter politique encadrée de vaccination se Dès 1770, la commune de Louviers un état de faiblesse propice à la maladie développe. Des médecins vaccinateurs nomme le Dr Henriquet « médecin et à son aggravation. Lors de l’épidémie sont nommés et effectuent des chargé de l’inspection générale des qui ravage la Haye-Malherbe en l’an X, tournées dans les mairies et écoles malades et des mesures de propreté ». chaque malade indigent reçoit ainsi pour procéder aux vaccinations jugées Mais il faut attendre l’épidémie de par jour 1,5 livre de pain, 0,5 livre de indispensables. choléra de 1832 pour que soient viande et 1 pinte de petit cidre pour imposées les premières mesures lutter contre la malnutrition chronique. d’hygiène publique fortes afin de pallier la mauvaise qualité de l’eau potable, l’absence de caniveaux, le non- ramassage des ordures ménagères et les nombreux logements insalubres, étroits, mal aérés et non chauffés. La loi du 15 février 1902 ordonne enfin à chaque commune de délibérer sur un règlement sanitaire communal, En 1798, Jenner réalise la fixant des règles claires en matière première vaccine contre la de prévention, de gestion des eaux variole. A compter de 1881, potables et usées, d’urbanisme et plus Pasteur et bien d’autres généralement de salubrité publique. chercheurs vont inventer des vaccins qui vont révolutionner la médecine : charbon (1881), rage (1885), typhoïde (1896). Le XXe siècle ne sera pas en reste : tuberculose (BCG : 1921), coqueluche et diphtérie (1923), Règlement sanitaire de la commune tétanos (1927), grippe et fièvre des Planches, 1904 (Arch. Acquigny/Les Planches, 27461_5I1) jaune (1937), poliomyélite (1954), rougeole (1963), oreillons (1966), rubéole (1969), varicelle (1973), infections à méningocoques chaque réquisition durant leur voyage, (1969 et 2014), hépatite (1976 et Passeport sanitaire, 1899 ou l’obligation d’informer les autorités 1992). Plus récemment ce sont (Arch. Louviers, 27375_5J119) de la présence d’un malade contagieux. les infections à papillomavirus En outre, des mesures strictes sont et la dengue qui sont enfin Lors des épidémies, la répression mises en place pour éviter la contagion contrées. prend le pas. Aux lépreux enfermés après décès, en désinfectant linges et dans les maladreries, on peut opposer bâtiments ayant abrité des contagieux Affiche d’information sur une campagne au XIXe siècle les voyageurs soumis à et en déversant du sulfate de chaux sur de vaccination à destination des enfants quarantaine et à la délivrance d’un les cadavres et dans les tombes pour de la commune de Venables, 1934 (Arch. Venables, 27676_5I4) passeport sanitaire à présenter à limiter la diffusion de miasmes. 30 | L’art de soigner L’art de soigner | 31
OGIE C H RO N O L A N T É INS PIRE L A S QUAND AINS L E S ÉC R I V 1220 1838 1928 Fondation à Montpellier Obligation de créer un asile Découverte de la pénicilline de la première faculté de d’aliénés dans chaque par Fleming. Loi sur les médecine française département français assurances sociales, complétée en 1930 pour Les médecins et les relations parfois 1347-1353 couvrir les salariés contre complexes qu’ils entretiennent avec 1850 les risques maladie, Épidémie de Peste noire, invalidité et vieillesse leurs malades ont souvent été source qui ravage l’Europe Instauration d’une Caisse d’inspiration. Ils sont dépeints de Nationale des Retraites façon satirique par Molière ou encore pour la Vieillesse et des 1941 1438 sociétés de secours mutuels Jules Romains, dont le Knock (1920) Transformation de Fondation de la faculté l’hôpital en un lieu de soins est si imbu de sa science. Est parfois De gauche à droite : Le Médecin malgré lui, de de médecine de Caen 1874 accessible à tous, et non mise en scène la vie d’un médecin de Molière : gravure de l’édition de 1719. au sein de l’Université de campagne, telle que décrite par Balzac Les Animaux malades de la peste : Loi Roussel instaurant la plus réservé aux indigents Normandie (loi du 21 décembre 1941) et Zola au XIXe siècle ou M. Winckler gravure de Gustave Doré (1867) protection maternelle et dans La Maladie de Sachs (1998). Enfin infantile 1628 1945 d’autres romancent la biographie de D’autres affections servent d’arrière- Découverte du principe de 1893 Création de la Sécurité grands découvreurs, comme pour plan à la littérature. C’est le cas de la la circulation du sang par William Harvey (J. Hamburger, Le lèpre, avec L’Annonce faite à Marie, Instauration de l’aide sociale. Adoption du code William Harvey de la mutualité journal d’Harvey, 1986) ou Yersin (P. de Paul Claudel (1912) ou Les Délices médicale gratuite Deville, Peste et choléra, 2012). de Tokyo, de Durian Sukegawa (2013), 1796 roman qui évoque le destin des lépreux 1899 1949 Lois instaurant les bureaux Identification du virus de la D’autres auteurs ont préféré aborder dans le Japon de l’Après-Hiroshima. Brevet de l’aspirine de bienfaisance (loi du 7 grippe une maladie en particulier, la plaçant Jean Giono nous plonge quant à lui frimaire an V) et confiant au cœur de leur intrigue ou insérant dans l’épidémie de choléra de 1832 dans la gestion des hôpitaux 1901 leurs personnages dans un contexte Le Hussard sur le toit (1951), tandis que publics aux autorités Identification des groupes 1953 épidémique où ils se plaisent à les faire la tuberculose inspire le personnage communales (loi du 16 sanguins Découverte de l’ADN (acide évoluer, décrivant leurs réactions et de la Dame aux Camélias d’Alexandre vendémiaire an V) par Karl Landsteiner désoxyribonucléique) par celles de leur entourage. La peste est Dumas fils, ou le récit de la vie (1940 : découverte des Jim Watson et Francis ainsi au cœur de nombreuses œuvres, quotidienne au sein d’un sanatorium 1829-1851 rhésus + ou -) Crick. Instauration des de la fable sur les Animaux malades de dans la Montagne magique, de Thomas Pandémie de choléra, qui Centres communaux d’action sociale (CCAS) la peste de Molière (1678), à l’évocation Mann. Plus récemment, Cyril Collard ravage l’Asie, l’Europe et 1918-1920 des épidémies au travers de La Peste, centre son roman Les Nuits fauves l’Amérique Épidémie de grippe d’Albert Camus (1947), des Pestiférés (1989) sur le SIDA et Laura Kasischke espagnole 1967 de Marcel Pagnol (1977) ou encore de imagine un monde en proie à une 1re greffe de cœur la pièce de Naomi Wallace : Une puce, virulente épidémie de grippe dans sa 1921 épargnez-la ! (1995). dystopie En un monde parfait (2009). Découverte de l’insuline 32 | L’art de soigner L’art de soigner | 33
P HIE BIBLIOGR A GÉNÉRALITÉS NORMANDIE ET LOUVIERS • BARDET Jean-Pierre et al. (dir.), Peurs • BARBE Lucien, Histoire du Couvent et terreurs face à la contagion : choléra, de Saint-Louis et de Sainte-Élisabeth tuberculose, syphilis XIXe-XXe siècles, de Louviers : et de la possession des Fayard, 1988. religieuses de ce monastère, t. V (1898), MEN TS R E M E RC I E Louviers, Imprimerie Eugène Izambert, coll. • IMBERT Jean (dir.), Histoire des hôpitaux « Bulletin de la société d'études diverses de en France, Privat, 1982. Louviers », 1899. • JORLAND Gérard, Une société à soigner : • BODINIER Bernard, Les hôpitaux des hygiène et salubrité publiques en France au petites villes de Normandie à l’époque XIXe siècle, NRF/Gallimard, 2011. moderne. Revue Connaissance de l’Eure, • LEBRUN François, Se soigner autrefois : n° 161, 3e trimestre 2011 et n°162, 4e trimestre 2011. médecins, saints et sorciers aux XVIIe et Ce cycle d’animations n’aurait pu voir XVIIIe siècles, Seuil, 1995. • BREAUTE L., Le couvent Saint-Louis et le jour sans les soutiens suivants : • MAREC Yannick, Accueillir ou soigner ? : Sainte Elisabeth, S.l.n.d. • Communauté d’agglomération L’hôpital et ses alternatives du Moyen Âge • DELAMARE René (abbé), Histoire des rues Seine-Eure, en particulier le Pôle à nos jours : communications présentées de Louviers, Les Éditions du bastion, 1982. ARCHIVES archives Seine-Eure et la Direction lors du colloque de Fécamp, 20 et 21 janvier 2006, Mont-Saint-Aignan, Presses des • HEBERT-DESROQUETTES, La Léproserie de la Communication ; Documents conservés au Pôle archives Universités de Rouen et du Havre, 2007. de Saint-Hildevert à Louviers, sa situation, son origine et sa fin : état et police des • Archives des communes de • Ville de Louviers, en particulier • PEREZ S., Histoire des médecins : artisans lépreux au XIIe siècle, Mlle Boussard et frère, l'Agglomération Seine-Eure : la Direction de la Culture, le musée et artistes de la santé de l’Antiquité à nos - série D (actes du pouvoir municipal) et la médiathèque Boris-Vian ; 1854. -série I (police, hygiène) jours, Perrin, 2015. • LECOUTURIER Yves, Sorciers, sorcières - série Q (assistance et prévoyance) • Direction régionale des affaires • SASSIER Philippe, Du bon usage des et possédées en Normandie : procès en • Archives des hôpitaux : culturelles de Normandie. pauvres : histoire d’un thème politique sorcellerie du Moyen Âge au XVIIIe siècle, - HSJ : hôpital Saint-Jean de Louviers XVIe-XXe siècles, Fayard, 1990. Ed. Ouest-France, 2012. - HSL : Hôpital Saint-Louis de Louviers - HSH : Léproserie Saint-Hildevert Un grand merci également à tous • VIGARELLO Georges, Histoire des • PANNEVEL Cédric, L'Hôpital de Louviers de Louviers ceux qui ont participé aux animations pratiques de santé : le sain et le malsain aux XVIIe et XVIIIe siècles (1656-1789), master Documents conservés aux Archives qui ont jalonné ce cycle d’animations, depuis le Moyen Âge, Points histoire, 1999. d’histoire moderne, Université de Rouen, départementales de l’Eure entre autres la compagnie 1998. - série HDT-Pont-de-l'Arche : Arthus Spectacles, les Archives hôpital de Pont-de-l'Arche • PETEL Prosper-Alphonse, Quelques départementales de l'Eure et les - série M : administration préfectorale réflexions sur le choléra, Louviers, Union - série X : assistance et prévoyance intervenants de la journée d’études médicale, 1865. sociale consacrée aux épidémies. 34 | L’art de soigner L’art de soigner | 35
Conception : Agglo Seine-Eure — Imprimé par IRS, mars 2022. Tableau des titres des hôpitaux Saint-Jean et Saint-Louis, et de la léproserie Saint-Hildevert de Louviers, XVIIIe siècle (Arch. Hôpital Saint-Jean, HSJ_U4)
Vous pouvez aussi lire