Luciano Canepari French Pronunciation & Accents : Geo-social Applications of the Natural Phonetics & Tonetics Method Lincom Studies in Phonetics ...

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                                                                                 chose et devrait intéresser les spécialistes de la période. Ce volume, d’une grande richesse, per-
                                                                                 met aussi de prendre la mesure de l’importance des recherches sur l’œuvre de Diderot menées en
                                                                                 Allemagne ces dernières années. En outre, une importante bibliographie et un index complètent
                                                                                 utilement le tout.

                                                                                       Franck Salaün
                                                                                       Montpellier
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                                                                                 ZfSL 129, 2019/3, 304–309

                                                                                 Luciano Canepari
                                                                                 French Pronunciation & Accents : Geo-social Applications of the Natural
                                                                                 Phonetics & Tonetics Method
                                                                                 (Lincom Studies in Phonetics, 21), Munich : Lincom, 2017, 428 p.

                                                                                 La présente introduction à la prononciation et aux accents du français de Luciano Canepari fait
                                                                                 partie d’une série publiée sous la direction du même auteur consacrée à la description des caracté­
                                                                                 ristiques segmentales et prosodiques de langues mondiales de grande extension ainsi que d’un
                                                                                 grand nombre de leurs variétés, principalement régionales et étrangères. À côté de la présente intro-
                                                                                 duction, l’on mentionnera celles touchant au chinois (2015), au néerlandais et à l’afrikaans (22016),
                                                                                  à l’anglais (22016), à l’hindi (2016) et au portugais (2017), seule autre langue romane actuellement
                                                                                 disponible dans la série.
                                                                                       Le présent ouvrage est structuré en 33 chapitres et quatre blocs thématiques peuvent être dis-
                                                                                 tingués. Dans le premier de ces blocs (chapitres 1–4), l’auteur présente ses principes scientifiques
                                                                                 et méthodologiques. Il y explique sa natural phonetics method (p. 19), l’appareil phonatoire et arti-
                                                                                 culatoire à la base de la production du langage ainsi que les symboles phonétiques qu’il utilise (ce
                                                                                 qu’il nomme le canIPA, p. 16). Dans un deuxième bloc thématique (chapitres 5–10), il présente tout
                                                                                 ­d’abord l’inventaire des voyelles (ou vocoïdes – selon la terminologie phonétique qu’il utilise) et
                                                                                  des consonnes (contoïdes) de ce qu’il nomme le ‘français international’ (International French, p. 63),
                                                                                 une prononciation se devant faire abstraction de toute variation, principalement géographique
                                                                                 (p. 12). Par la suite, il présente de manière schématique les principaux phénomènes et processus
                                                                                 phonologiques du français que sont le schwa (qu’il ne nomme pas schwa, mais unstable ø phoneme,
                                                                                 p. 69) et la liaison et nomme les règles de leur (non-)réalisation. À la fin du même chapitre, il pro-
                                                                                 pose par ailleurs quelques considérations par rapport à l’accent tonique en français. Suivent une
                                                                                 considération théorique sur l’intonation selon la natural tonetics method (p. 79) de l’auteur ainsi
                                                                                 qu’un résumé schématique des spécificités de l’intonation du français. Pour finir, Canepari pré-
                                                                                 sente une série de transcriptions ‘phonotonétiques’ (p. 91) de phrases et d’extraits de textes en
                                                                                 ‘français international’ (cf. supra). Le troisième bloc (chapitres 11–25) consiste en des descriptions
                                                                                 d’inventaires vocaliques et consonantiques de différentes variétés de français. Ce faisant, l’auteur
                                                                                 se concentre principalement sur de nombreuses variétés régionales, comme celles du Midi, du
                                                                                                         This material is under copyright. Any use outside of the narrow boundaries
                                                                                                                     of copyright law is illegal and may be prosecuted.
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                                                                                                                             © FranzFranz
                                                                                                                                     SteinerSteiner    Verlag 2021
                                                                                                                                             Verlag, Stuttgart
Besprechungen                                                                                         305

                                                                                 Nord-Est ou encore du Nord de la France, mais il consacre également un chapitre conséquent à
                                                                                 de nombreux accents étrangers (p. ex. aux accents anglais, allemand, espagnol, portugais, italien,
                                                                                 turc, arabe, chinois et japonais, p. 275–307). Dans un quatrième et dernier bloc (chapitres 26–33),
                                                                                 l’auteur propose quelques informations complémentaires : il présente quatre étapes historiques du
                                                                                 changement phonétique en français. Il met à disposition un petit dictionnaire de prononciation
                                                                                 (mini-phono-dictionary, p. 321) de 2 000 mots du vocabulaire courant, transcrits selon son canIPA.
                                                                                 Il accorde par ailleurs des chapitres particuliers aux homophones, très nombreux en français, à la
                                                                                 prononciation des nombres et des lettres en français ainsi qu’à la (non-)réalisation de la liaison et du
                                                                                 schwa dans une multitude d’exemples. Finalement, il présente brièvement les caractéristiques pho-
                                                                                 nétiques (vocaliques et consonantiques) et tonétiques de 26 autres langues et finit par établir une
                                                                                 bibliographie commentée d’œuvres qu’il considère comme étant les plus adaptées à l’apprentissage
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                                                                                 de la prononciation du français.
                                                                                      Cet ouvrage représente une tentative très ambitieuse de décrire de manière systématique la
                                                                                 prononciation du français et de ses principales variétés. Soulignons, premièrement, l’abondance et
                                                                                 la densité des informations sur la prononciation et l’intonation non seulement du français ‘de réfé-
                                                                                 rence’ (Canepari préférera le terme International French, cf. supra), mais également de nombreuses
                                                                                 variétés natives et non-natives. Deuxièmement, si le système de transcription proposé par Canepari
                                                                                 (le canIPA, cf. supra) présente un réel défi – surtout si le lecteur n’est pas familiarisé avec le tradi-
                                                                                 tionnel Alphabet Phonétique International (API) –, la mise en place d’un tel outil montre aussi le
                                                                                 dévouement hors du commun de l’auteur pour la méthode qu’il a développée. L’on soulignera, troi-
                                                                                 sièmement, la description très complète des règles de (non-)réalisation du schwa et de la liaison,
                                                                                 même si certains exemples illustrant ces règles sont mal choisis et peuvent induire le lecteur non-
                                                                                 expert en erreur (p. 75). Quatrièmement, cette introduction présente de nombreuses et bonnes
                                                                                 explications de l’appareil phonatoire et articulatoire, illustrées à l’aide de nombreux diagrammes.
                                                                                 Pour un étudiant travaillant sur la phonétique articulatoire cependant, cette lecture ne remplacera
                                                                                 pas celle d’introductions plus complètes comme celle de Catford (22001) pour les anglophones,1
                                                                                 de Munot et al. (2016) pour les francophones,2 ou encore de Pompino-Marschall (32009) pour les
                                                                                 germanophones.3 Finalement, l’on saluera tous les aspects pratiques de l’ouvrage, comme le grand
                                                                                 nombre de phrases et d’extraits de textes transcrits selon le système ‘phonotonétique’ de l’auteur, le
                                                                                 petit dictionnaire de prononciation (p. 321), les listes de transcriptions d’homophones, de nombres
                                                                                 et de lettres français ainsi que les nombreux exemples illustrant le schwa et la liaison.
                                                                                      Mais en définitive, les qualités de cet ouvrage servent en premier lieu à mettre en avant et à
                                                                                 propager le plus largement possible la Natural Phonetics & Tonetics Method décrite par Canepari :
                                                                                 selon ce dernier, la phonétique se devrait d’être ‘naturelle’ en ce sens qu’il devrait être possible de la
                                                                                 pratiquer sur la base de notre simple appareil d’articulation et de perception. L’objectif est donc de
                                                                                 permettre à tout locuteur d’atteindre un haut niveau de compétence dans la description phonétique
                                                                                 et prosodique de langues et variétés, sur la base d’un entraînement continu de génération et percep-
                                                                                 tion de sons. Cette compétence permettrait à son tour d’optimiser l’enseignement et l’acquisition de
                                                                                 la prononciation (p. 13–16). Cette approche rappelle inévitablement l’école britannique de phoné-
                                                                                 tique initiée par Jones (91976), qui elle aussi fournissait une formation approfondie en phonétique
                                                                                 descriptive et articulatoire.4 Par ailleurs, Canepari définit également cette approche comme étant à
                                                                                 l’opposé de celle de la phonétique du signal, qui étudierait la prononciation sur la base du ‘simple’
                                                                                 signal physique et d’instruments technologiques, mettant de côté l’aspect communicatif de la langue.
                                                                                                     This material is under copyright. Any use outside of the narrow boundaries
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                                                                                                              as well as storage and processing in electronic systems.
                                                                                                                         © FranzFranz
                                                                                                                                 SteinerSteiner    Verlag 2021
                                                                                                                                         Verlag, Stuttgart
306                                                                                                   Besprechungen

                                                                                 Si l’approche de Canepari présente effectivement une perspective actuellement souvent négligée en
                                                                                 phonétique, qui se structure de manière recrudescente autour des analyses (semi-)automatiques du
                                                                                 langage, Canepari semble oublier que les méthodes de la phonétique instrumentale contribuent à
                                                                                 modéliser les processus articulatoires et à vérifier empiriquement des intuitions de la phonétique
                                                                                 non-instrumentale présentant trop souvent un caractère aléatoire et subjectif ainsi qu’une variation
                                                                                 inter-juges considérable. C’est notamment le cas des phénomènes prosodiques, pour lesquels une
                                                                                 analyse des saillances du F0 n’est pas suffisante. Il est en effet reconnu qu’en français, comme dans
                                                                                 beaucoup d’autres langues, le marquage des phénomènes prosodiques est multiparamétrique (cf. p.
                                                                                 ex. Avanzi et al. 2007, 2).5 Par ailleurs, la phonétique instrumentale se trouve à la jonction avec d’au-
                                                                                 tres disciplines, comme la technologie du langage ou la forensique (cf. Pustka 22016, 12).6 Il convient
                                                                                  donc de souligner que le rejet de l’auteur de toute phonétique instrumentale semble inapproprié.
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                                                                                      D’autres problèmes me poussent également à formuler des réserves considérables quant à la
                                                                                  pertinence de cet ouvrage pour le lecteur scientifique. Premièrement – pour prendre les aspects
                                                                                  problématiques dans l’ordre de leur apparition –, la terminologie utilisée par Canepari est souvent
                                                                                  problématique, notamment en ce qui concerne les termes international pronunciation, neutral pro-
                                                                                  nunciation, traditional pronunciation et mediatic pronunciation (p. 11 sq.). La distinction entre ces
                                                                                  termes reste floue et impressionniste. Le terme ‘français international’, que Canepari définit comme
                                                                                  « a model of pronunciation that is free from local peculiarities, and is good for anybody, especially
                                                                                  foreign learners » (p. 12), pose tout d’abord un problème aussi bien théorique qu’empirique. Faute
                                                                                  de définition précise, il sera en effet identifié par certains au français de référence traditionnel et par
                                                                                  d’autres à un ‘standard parisien’, deux termes ne pouvant être mis sur un même pied d’égalité (cf.
                                                                                  Chalier 2019).7 Par ailleurs, les explications proposées par rapport à ce terme sont principalement
                                                                                 basées sur des réflexions par rapport à l’anglais et ne sont donc pas pleinement applicables à la situ-
                                                                                 ation du français. Cette application directe et quelque peu simpliste de réflexions faites initialement
                                                                                 par rapport à l’anglais à la situation du français représente d’ailleurs un aspect récurrent du présent
                                                                                 ouvrage, procurant au lecteur scientifique l’impression d’un travail effectué dans certains cas à la
                                                                                 hâte. Par ailleurs, les réflexions proposées par Canepari par rapport à la prise en compte d’une neu-
                                                                                 tral pronunciation restent trop superficielles. Il ne donne à ce propos qu’une courte définition (« an
                                                                                 impeccably articulated pronunciation which gives no clue about the speaker’s geographical and/
                                                                                 or social origin, within each single Country », p. 11), qui semble problématique en ce sens que les
                                                                                 travaux récents ont pu montrer qu’aucun accent ne peut réellement être considéré comme neutre :
                                                                                 certes, Armstrong/Boughton (1998) ont pu montrer un nivellement considérable de la prononcia-
                                                                                 tion dans les villes de France septentrionale,8 mais Pustka (2008, 222) a également pu montrer que
                                                                                  cet accent est reconnaissable par les Français de France méridionale comme étant justement un
                                                                                 ­accent de la moitié Nord de la France.9 Quant à la mediatic pronunciation, la définition de Canepari
                                                                                  est largement basée sur la prononciation du ‘français parisien’, ce qui pose plusieurs problèmes.
                                                                                  Existe-t-il tout d’abord vraiment une seule et unique ‘prononciation parisienne’ ? Pustka (2008,
                                                                                  244 sq.) a pu montrer que l’on peut en compter au minimum trois (accent du 16ème arrondisse-
                                                                                 ment, accent parigot, accent de banlieue). Sur quels locuteurs cette prononciation est-elle basée
                                                                                 concrètement (radio, télévision, etc.) et quelles situations ont été prises en compte (présentation
                                                                                 de journaux radiophoniques/télévisés, entrevues, etc.) ? Reinke (2005, 25–27) a pu en effet montrer
                                                                                 que dans les médias audiovisuels, la variation entre les présentateurs et entre les situations reste très
                                                                                 forte.10 La définition d’une seule et unique ‘prononciation médiatique’ semble donc trop simpliste.
                                                                                                          This material is under copyright. Any use outside of the narrow boundaries
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                                                                                                                              © FranzFranz
                                                                                                                                      SteinerSteiner    Verlag 2021
                                                                                                                                              Verlag, Stuttgart
Besprechungen                                                                                       307

                                                                                      Deuxièmement, le titre et les objectifs de l’ouvrage ne correspondent qu’en partie au conte-
                                                                                 nu proposé. En effet, s’ils promettent une introduction à la phonétique et phonologie du français,
                                                                                 Canepari semble en définitive plutôt vouloir illustrer sa théorie à l’exemple de plusieurs langues, le
                                                                                 français n’en étant qu’une parmi d’autres – du moins dans les premiers chapitres (p. ex. les chapitres
                                                                                 2 et 3). La consultation de l’ouvrage ne remplace donc en rien celle des ouvrages courants d’intro-
                                                                                 duction à la prononciation du français (cf. p. ex. Detey et al. 2016).11
                                                                                      Troisièmement, en ce qui concerne les pratiques scientifiques de l’auteur, le livre manque de
                                                                                 références et d’arguments empiriques démontrant ses affirmations : tout d’abord, l’auteur ne docu-
                                                                                 mente ses propos que de manière très spartiate – que ce soit intentionnellement ou par négligence.
                                                                                 Mentionnons par exemple que la différence qu’il utilise entre voyelles et vocoïdes, d’une part, et
                                                                                 consonnes et contoïdes, d’autre part, remonte à Pike (1943).12 Le découpage de l’intonation d’un
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                                                                                 énoncé en « protune », « tune » et « posttune » (p. 88) semble, par ailleurs, à nouveau s’inspirer
                                                                                 de termes de l’école britannique de phonétique (head, nucleus, tail chez Palmer 1922 ; prehead, body,
                                                                                 nucleus, tail chez Kingdon 1958 ; prehead, head, nucleus, tail chez Crystal 1969)13. En outre, Canepari
                                                                                 ne prend pas en compte les sources les plus récentes, et encore moins celles de projets internatio-
                                                                                 naux reconnus à grande échelle. Nous penserons ici à Detey et al. (2016) par rapport à la pronon-
                                                                                 ciation d’un très grand nombre de variétés géographiques du français, à Morin (2000)14 et Laks
                                                                                 (2002)15 en ce qui concerne la définition du français de référence et des français standards ou encore
                                                                                 au programme Phonologie du français contemporain (cf. Durand/Laks/Lyche 2002 ; 2009),16 dont
                                                                                 Canepari n’utilise – selon ses propres propos – que quelques enregistrements (p. 18). Finalement,
                                                                                 l’auteur vend par ailleurs les mérites de son système canIPA en affirmant que « many of those who
                                                                                 esteem […] the Phonotonetic Method of Natural Phonetics testify that just a few pages […] of canIPA
                                                                                 books provide more reliable information and documentation than whole books with approximate
                                                                                 symbols and figures and too many questionable ‘stats’ » (p. 17), sans pour autant documenter ou
                                                                                 donner plus de précisions quant à ses affirmations.17 Par ailleurs, la réelle plus-value du système
                                                                                 can
                                                                                    IPA peut être remise en question. La pratique de l’enseignement aura en effet pu montrer que
                                                                                 l’introduction de symboles de transcription encore plus nombreux pourra se révéler plus dérou-
                                                                                 tante qu’utile pour les apprenants (cf. Reinke 2016, 454).18 Et dans les cas où le contexte nécessite
                                                                                 un système de transcription détaillé, l’API permet un niveau de précision similaire, notamment à
                                                                                 travers l’utilisation de diacritiques et de symboles suprasegmentaux.
                                                                                      Quatrièmement, pour les apprenants, le problème du présent ouvrage sera, notamment, une
                                                                                 complexité trop élevée et un trop grand nombre de détails dans les représentations et les diagrammes.
                                                                                 Des exemples révélateurs de cette observation pourront être trouvés dans les schémas intonatifs des
                                                                                 accents étrangers (chapitre 24), trop nombreux et proches les uns des autres pour que l’apprenant
                                                                                 puisse en tirer quelque généralisation que ce soit. Par ailleurs, ce haut degré de détails dans les dif-
                                                                                 férents diagrammes (inventaires des vocoïdes et contoïdes, représentations icono-­tono-graphiques,
                                                                                 etc.) est paradoxalement souvent conjugué à des explications trop peu systématiques, ce qui les
                                                                                 rend très difficilement compréhensibles pour le lecteur non-expert, un problème récurrent dans les
                                                                                 chapitres 12 à 25.
                                                                                      Cinquièmement, le choix des variétés de français présentées est en partie discutable, pas tou-
                                                                                 jours compréhensible et trop peu justifié. Pour ne mentionner qu’une partie de ces problèmes, l’on
                                                                                 se demande tout d’abord sur quels critères repose la séparation faite par Canepari entre les accents
                                                                                 du « Midi » (chapitre 14) et de « Southern France (and Monaco) » (chapitre 22). Par ailleurs, la
                                                                                                     This material is under copyright. Any use outside of the narrow boundaries
                                                                                                                 of copyright law is illegal and may be prosecuted.
                                                                                                           This applies in particular to copies, translations, microfilming
                                                                                                              as well as storage and processing in electronic systems.
                                                                                                                         © FranzFranz
                                                                                                                                 SteinerSteiner    Verlag 2021
                                                                                                                                         Verlag, Stuttgart
308                                                                                                   Besprechungen

                                                                                 catégorie « Other French-speaking areas », qui regroupe entre autres – pour n’en mentionner que
                                                                                 quelques-uns – les accents du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, de la Réunion et de l’Île Maurice,
                                                                                 de la Guadeloupe et de la Martinique, de Louisiane, ou encore d’Acadie (chapitre 23), est fortement
                                                                                 problématique. D’une part, l’hétérogénéité interne à cette catégorie n’aurait en effet pu être plus éle-
                                                                                 vée. D’autre part, il s’agit non seulement de variétés traditionnellement représentées dans les manuels
                                                                                 de prononciation du français, mais aussi, en partie, de variétés essentielles en raison du nombre élevé
                                                                                 de leurs locuteurs et de la croissance particulièrement rapide de ce nombre, l’exemple de l’Afrique
                                                                                 subsaharienne étant le plus flagrant. En outre, la prise en compte des accents africains dans la catégo-
                                                                                 rie des accents natifs est trop simpliste voire même erronée, étant donné qu’il est largement reconnu
                                                                                 qu’au Maghreb et qu’en Afrique subsaharienne, la grande majorité des locuteurs du français sont
                                                                                 des locuteurs L2. Dans le même ordre d’idées, l’on se demande pourquoi Canepari décrit un accent
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                                                                                 tessinois (« Southern Switzerland (Tessin) », p. 274) dans le cadre des accents natifs. Pour finir,
                                                                                 mentionnons également une terminologie en partie erronée dans la dénomination des variétés, la
                                                                                 plus flagrante étant la dénomination de l’espace regroupant les accents à substrat franco-provençal
                                                                                 comme « Gallo-Romance area » (chapitre 21). En effet, ce terme regroupe plutôt les dialectes d’oïl,
                                                                                 d’oc et franco-provençaux et implique, par ailleurs, une référence aux dialectes primaires (cf. Coseriu
                                                                                 1980, 113 sq.) de ces trois domaines,19 alors que Canepari l’utilise dans les faits pour décrire les accents
                                                                                 de français à substrat franco-provençal se trouvant dans ce domaine géographique.
                                                                                      En définitive, si la tentative de l’ouvrage de Canepari est des plus louables étant donné l’am-
                                                                                 bition du projet, sa mise en œuvre laisse à désirer : il faut en effet admettre que cette introduction
                                                                                 ne pourra satisfaire ni l’expert en phonétique et/ou en sociolinguistique ni l’apprenant. Le lecteur
                                                                                 expert déplorera des contenus finalement peu innovatifs – à l’exception de la description de quel-
                                                                                 ques variétés, la provenance des sources à la base de ces descriptions étant cependant loin d’être
                                                                                 claire. Par ailleurs, il notera une terminologie souvent mal définie et une catégorisation des varié-
                                                                                 tés très dis­cutable et trop peu justifiée. L’expert remarquera finalement un manque de références
                                                                                 aux ouvrages et articles phonétiques, sociolinguistiques et didactiques pertinents ainsi qu’un style
                                                                                 d’écriture parfois trop polémique pour une introduction à caractère scientifique. Pour ce qui est de
                                                                                 l’appre­nant en phonétique du français, la méthode de Canepari peut paraître intéressante au pre-
                                                                                 mier coup d’œil, en raison de ses nombreuses illustrations et de la promesse d’une méthode efficace
                                                                                 pour améliorer ses propres compétences en prononciation. Mais l’apprenant remarquera tout aussi
                                                                                 rapidement que la familiarisation avec le système de Canepari, qui passe par la compréhension, la
                                                                                 différenciation, la réalisation et la symbolisation des catégories segmentales et suprasegmentales, se
                                                                                 révélera finalement comme étant peu adéquate à un apprentissage efficace de la prononciation. Ce
                                                                                 système est, en effet, paradoxalement, d’une part, trop détaillé et, d’autre part, trop peu systématique
                                                                                 dans ses explications.
                                                                                      En conclusion, l’on retiendra tout de même, d’une part, l’ambition hors du commun de l’ou-
                                                                                 vrage de décrire un nombre très élevé de variétés du français et, d’autre part, un rappel aux phonéti-
                                                                                 ciens de ne pas oublier qu’une phonétique basée sur la seule utilisation d’instruments ne peut être
                                                                                 que complémentaire aux méthodes traditionnelles et non-instrumentales de la phonétique articula-
                                                                                 toire et fonctionnelle. Sans cette dernière, l’étape interprétative entre l’observation, dans l’idéal jus-
                                                                                 tement objectivisée par des méthodes instrumentales, et l’acquisition de nouvelles connaissances
                                                                                 ne serait possible. L’ouvrage de Canepari nous rappellera donc les possibilités souvent oubliées de

                                                                                                          This material is under copyright. Any use outside of the narrow boundaries
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                                                                                                                                      SteinerSteiner    Verlag 2021
                                                                                                                                              Verlag, Stuttgart
Besprechungen                                                                                                    309

                                                                                 cette ‘phonétique de l’oreille’ et pourra en ce sens se faire une place dans le domaine des manuels
                                                                                 d’introduction en phonétique (du français).
                                                                                 1    John C. Catford, A Practical Introduction to Phonetics, Oxford : Oxford UP, 22001.
                                                                                 2    Philippe Munot / François-Xavier Nève / Pierre Toussaint / Henriette Walter, Une introduction à la phoné-
                                                                                      tique, Liège : CEFAL, 2016.
                                                                                 3    Bernd Pompino-Marschall, Einführung in die Phonetik, Berlin : de Gruyter, 32009.
                                                                                 4    Daniel Jones, An Outline of English Phonetics, Cambridge : Cambridge UP, 91976.
                                                                                 5    Mathieu Avanzi / Jean-Philippe Goldman / Anne Lacheret-Dujour et al., « Méthodologie et algorithmes
                                                                                      pour la détection automatique des syllabes proéminentes dans les corpus de français parlé », in : Cahiers of
                                                                                      French Language Studies 13/2 (2007), p. 2–30.
                                                                                 6    Elissa Pustka, Einführung in die Phonetik und Phonologie des Französischen, Berlin : Erich Schmidt, 22016.
                                                                                 7    Marc Chalier, Les normes de prononciation du français : une étude perceptive panfrancophone, Universität
                                                                                      Wien, thèse de doctorat, 2019.
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                                                                                 8    Nigel Armstrong / Zoë Boughton, « Identification and evaluation responses to a French accent : Some
                                                                                      results and issues of methodology », in : Revue Parole 5/6 (1998), p. 27–60.
                                                                                 9    Elissa Pustka, « Accent(s) parisien(s) – Auto- und Heterorepräsentationen stadtsprachlicher Merkma-
                                                                                      le », in : Sprachen und Sprechen im städtischen Raum, éd. par T. Krefeld, Francfort-sur-le-Main et al. : Peter
                                                                                      Lang, 2008, p. 213–249.
                                                                                 10   Kristin Reinke, La langue à la télévision québécoise. Aspects sociophonétiques, Québec : Office québécois de
                                                                                      la langue française, 2005.
                                                                                 11   Sylvain Detey / Isabelle Racine / Yuji Kawaguchi / Julien Eychenne (éds.), La prononciation du français
                                                                                      dans le monde : du natif à l’apprenant, Paris : CLE international, 2016.
                                                                                 12   Kenneth L. Pike, Phonetics : A Critical Analysis of Phonetic Theory and a Technique for the Practical Descrip-
                                                                                      tion of Sounds, Ann Arbor : University of Michigan Press, 1943.
                                                                                 13   Harold E. Palmer, English Intonation : With Systematic Exercises, Cambridge : Heffer and Sons Ltd, 1922 ;
                                                                                      Roger Kingdon, The Groundwork of English Intonation, London : Longmans, 1958 ; David Crystal, Prosodic
                                                                                      Systems and Intonation in English, Cambridge : Cambridge UP, 1969.
                                                                                 14   Yves-Charles Morin, « Le français de référence et les normes de prononciation », in : Cahiers de l’Institut
                                                                                      de Linguistique de Louvain 26/1 (2000), p. 91–135.
                                                                                 15   Bernard Laks, « Description de l’oral et variation : la phonologie et la norme », in : L’Information gramma-
                                                                                      ticale 94 (2002), p. 5–10.
                                                                                 16   Jacques Durand / Bernard Laks / Chantal Lyche, « La phonologie du français contemporain : usages,
                                                                                      variétés et structure », in : Romanistische Korpuslinguistik – Korpora und gesprochene Sprache/Romance
                                                                                      Corpus Linguistics – Corpora and Spoken Language, éd. par C. D. Pusch et W. Raible, Tübingen : Narr, 2002,
                                                                                      p. 93–106 ; Jacques Durand / Bernard Laks / Chantal Lyche, « Le projet PFC : une source de données
                                                                                      primaires structurées », in : Phonologie, variation et accents du français, éd. par id., Paris : Lavoisier/Hermès
                                                                                      Science, 2009, p. 19–61.
                                                                                 17   Ce type de commentaires subjectifs et arbitraires, visant dans certains cas délibérément certains groupes
                                                                                      de locuteurs (p. ex. « above all as a ridiculous ‘habit’ which is typical of people in the media », p. 78) est
                                                                                      observable régulièrement dans l’ouvrage, ce qui ne semble pas non plus adéquat pour un manuel d’intro-
                                                                                      duction à caractère scientifique.
                                                                                 18   Kristin Reinke, « Lehr-/Lernmaterialien und Medien zur Ausspracheschulung », in : Handbuch Fremd-
                                                                                      sprachenunterricht, éd. par E. Burwitz-Melzer, G. Mehlhorn, C. Riemer et al., Tübingen : Narr Francke
                                                                                      Attempto, 2016, p. 452–454.
                                                                                 19   Eugenio Coseriu, « ‘Historische Sprache’ und ‘Dialekt’ », in : Dialekt und Dialektologie. Ergebnisse des inter-
                                                                                      nationalen Symposions ‘Zur Theorie des Dialekts’, éd. par J. Göschel, P. Ivić et K. Kehr, Wiesbaden : Steiner,
                                                                                      1980, p. 106–122.

                                                                                      Marc Chalier
                                                                                      Passau

                                                                                                        This material is under copyright. Any use outside of the narrow boundaries
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                                                                                                                            © FranzFranz
                                                                                                                                    SteinerSteiner    Verlag 2021
                                                                                                                                            Verlag, Stuttgart
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