MACBETH Dossier d'accompagnement - Opéra de Limoges

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MACBETH Dossier d'accompagnement - Opéra de Limoges
D o s s i er d ’ a ccompa gnement
            MACBETH
MACBETH Dossier d'accompagnement - Opéra de Limoges
VENIR À UN SPECTACLE

Nous sommes très heureux de vous
accueillir à l’Opéra de Limoges !

Ce dossier vous aidera à préparer votre venue
avec les élèves. Vous pouvez le diffuser et le
dupliquer librement.

Le service d’actions éducatives et culturelles
est à votre disposition pour toute information
supplémentaire.

N’hésitez pas à nous envoyer tous types de
retours et de témoignages.
                                                       Mercredi 10 avril 2019 - 20 h
                                                       Vendredi 12 avril 2019 - 20 h
                                                       Dimanche 14 avril 2019 - 15 h

                                                       Chanté en italien, surtitré en français
                                                       3h environ, entracte compris

  INFORMATIONS PRATIQUES
                                                                       AUTOUR DE LA CRÉATION

La représentation débute à l’heure indiquée.                           •    Projection tout public
Nous vous remercions d’arriver au moins 30 minutes                          Macbeth (1948) d’Orson Welles - Jeu.
à l’avance, afin de faciliter votre placement en salle.                     28/03/2019 - 18h30 – BFM
Les portes se ferment dès le début du spectacle.
                                                                       •    Conférence tout public
Nous rappelons aux enseignants et accompagnateurs                           Divers visages pour Lady Macbeth,
que les élèves sont sous leur responsabilité pendant toute                  mise en miroir des interprètes
leur présence à l’Opéra. Ces derniers doivent demeurer                      historiques du rôle par Alain Voirpy
silencieux pendant la durée de la représentation afin de ne                 Jeu. 04/04/2019 - 18h30 à la BFM
pas gêner les artistes et les autres spectateurs.
                                                                       •    Découverte des décors
Il est interdit de manger et de boire dans la salle, de                     Lun. 08/04/2019 - 17h30 et Mer.
prendre des photographies, de filmer ou d’enregistrer.                      10/04/2019 - 14h30 (jauge réduite)

Les téléphones portables doivent être éteints.                         •    Parcours thématique scolaire
                                                                            Rencontre avec F. Lombart et R.
Nous vous remercions de bien vouloir faire preuve                           Tuohy. Ven. 12/04/2019 - 14h30
d’autorité si nécessaire.                                                   Représentation le mercredi, le
                                                                            vendredi ou le dimanche
        Cliquer sur les liens Internet dans le texte et                     Visite (réservation en début de
        accéder directement aux pages concernées.                           saison)

                                                 Nous vous souhaitons une très bonne représentation !
                                                                                                                   2
MACBETH Dossier d'accompagnement - Opéra de Limoges
MACBETH DE GIUSEPPE VERDI

Macbeth est un opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi, créé dans une première version, le 14 mars 1847 au Teatro
della Pergola de Florence pour être remanié et recréé dans une seconde version, le 21 avril 1865 au Théâtre Lyrique
impérial de Paris. Le livret a été écrit par Francesco Maria Piave – tiré du drame The Tragedy of Macbeth (1606) de
William Shakespeare.

A l’Opéra de Limoges, Macbeth est présenté dans la mise en scène de Jean-Luc Martinoty (1946 - 2016), reprise
Frédérique Lombart. La direction musicale est confiée à Robert Tuohy.

                            L’HISTOIRE
                            Encouragé par les prédictions des Sorcières et par l’ambition
                            de sa femme, Macbeth, général de l’armée du roi Duncan,
                            tue ce dernier et usurpe le trône. La soif de pouvoir et de
                            puissance du couple et leur folie hallucinatoire, les entraînent
                            dans une spirale infernale meurtrière…

LES INSTRUMENTS DE L’ORCHESTRE                                PERSONNAGES, RÔLES ET VOIX
DE L’OPÉRA DE LIMOGES                                         Macbeth, général de l’armée du roi Duncan - baryton
10 violons I                                                  Lady Macbeth, épouse de Macbeth - soprano
8 violons II                                                  Suivante de Lady Macbeth - soprano
5 altos                                                       Banco, général de l’armée du roi Duncan - basse
4 violoncelles                                                Macduff, noble écossais, Seigneur de Fife - ténor
3 contrebasses                                                Malcom, fils de Duncan - ténor
                                                              Un Médecin - basse
2 flûtes traversières et piccolo                              Un serviteur de Macbeth - basse
3 hautbois et cor anglais                                     Un assassin - basse
3 clarinettes et clarinette basse                             Un héraut - baryton
2 bassons et contre-basson                                    Duncan, roi d’Écosse - rôle muet
                                                              Fléance, fils de Banco - rôle muet
4 cors                                                        Trois Apparitions - sopranos et baryton
2 trompettes                                                  L’Ombre de Banquo - rôle muet
3 trombones                                                   Hécate - rôle muet
1 tuba
                                                              Sorcières, messagers du roi, nobles et proscrits
1 harpe                                                       écossais, assassins, soldats anglais, esprits de l’air

Timbales et percussions

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MACBETH Dossier d'accompagnement - Opéra de Limoges
ARGUMENT (extrait du programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012)

ACTE I
Les seigneurs écossais Macbeth et Banco, au retour d’une campagne militaire, sont interpellés par un groupe de
sorcières qui leur livrent trois troublantes prophéties : Macbeth sera nommé comte de Cawdor ; il montera ensuite
sur le trône d’Écosse ; quant à Banco, il engendrera des rois. La première prédiction se réalise aussitôt puisque des
messagers de Duncan, roi d’Écosse, viennent annoncer à Macbeth qu’il a été élevé au rang de comte de Cawdor.

Macbeth adresse à son épouse une lettre annonçant son arrivée imminente ainsi que l’étrange prophétie. Un
serviteur vient au même moment prévenir Lady Macbeth que le roi Duncan passera la nuit au château. L’épouse de
Macbeth voit dans ces circonstances un appel du destin. Sa résolution est immédiate : cette nuit même, son époux
devra assassiner le Roi dans son sommeil pour s’emparer du trône.

La nuit tombe, porteuse d’angoisse et d’hallucinations pour Macbeth ; débordé par l’ambition de son épouse
et par l’attrait du pouvoir, il part exécuter dans l’ombre le roi Duncan, son hôte. Lady Macbeth l’attend, prête à
raffermir sa volonté. Le meurtre commis, elle s’empare du poignard que Macbeth a gardé à la main, et court le
dissimuler parmi les corps endormis de la garde de Duncan. Elle macule elle-même les soldats du sang du roi, afin
de détourner sur eux les soupçons. Le lendemain, Macduff et Banco découvrent le cadavre de Duncan, et dans la
détresse générale, tous maudissent l’assassin.

ACTE II
Macbeth a conquis le pouvoir et s’inquiète de le conserver. Se fiant à son épouse et à la prophétie, il veut assurer
son trône en éliminant Banco et son fils Fléance. Tandis que le père succombe aux coups des spadassins, le jeune
Fléance parvient à s’échapper. En proie à la terreur et à la culpabilité, Macbeth voit surgir, le soir même, en plein
banquet, le spectre de Banco. Il s’adresse au fantôme à mots découverts, dévoilant à l’assemblée sa conscience
criminelle.

ACTE III
Macbeth va au-devant des sorcières chercher de nouvelles prophéties afin d’apaiser son trouble. Il apprend qu’il
doit craindre Macduff mais, paradoxalement, qu’aucun enfant né d’une femme ne pourra le vaincre. Il restera
invincible aussi longtemps que la forêt de Birnam ne s’avancera pas vers lui. Pourtant, sous ses yeux, les sorcières
font défiler, couronnés, la lignée des fils de Banco. Macbeth s’évanouit, terrassé par ces visions infernales. Revenu
à lui, il fait part à Lady Macbeth de ces nouvelles prédictions. Celle-ci l’encourage à se débarrasser de Macduff par
un nouveau crime.

ACTE IV
Révolté par la mort de sa femme et de ses enfants assassinés, Macduff a pu se réfugier en Angleterre auprès
de l’armée des proscrits dirigée par Malcolm, le fils exilé de Duncan. La troupe se met en marche contre le
royaume de Macbeth. Ce dernier se retrouve seul devant l’inéluctable, puisque Lady Macbeth a succombé, épuisée,
après des nuits d’insomnie et de somnambulisme. Les soldats de Malcolm s’avancent depuis la forêt de Birnam,
camouflés par des feuilles et des branchages, réalisant ainsi la prophétie. Macbeth est amené à combattre Macduff,
qui considère n’être pas né d’une femme, puisqu’il a vu le jour prématurément : après avoir été le jouet du destin,
Macbeth est tué par Macduff, qui venge ainsi sa famille. Le trône d’Écosse revient finalement à Malcolm, fils et
héritier légitime de Duncan.

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DEUX GÉANTS DE LA MUSIQUE ET DE LA LITTÉRATURE

                                           GIUSEPPE VERDI
                                           10 octobre 1813, Busseto (nord de l’Italie) – 27 janvier 1901, Milan

                                           Verdi est le compositeur le plus célèbre et le plus joué de toute l’histoire
                                           de l’opéra. Plus que tout autre, il a contribué à faire de l’opéra ce qu’il est
                                           aujourd’hui. Ses intrigues, même lorsqu’elles paraissent invraisemblables,
                                           font toujours références aux thèmes universels de l’amour, de la
                                           trahison, de la violence, du pouvoir et de la mort. Il participa également
                                           à la constitution de l’identité nationale italienne avec plusieurs œuvres,
                                           interprétées comme des allégories de la lutte de son pays pour la liberté
                                           et l’unification.
                                           Quelques œuvres : Nabucco (1842), Rigoletto (1851), Il Trovatore et La
                                           Traviata (1853), Aïda (1871), Otello (1887)

                                           WILLIAM SHAKESPEARE
                                           Stratford-upon-Avon, Warwickshire, 1564 – Stratford-upon-Avon, 1616

                                           Shakespeare est considéré comme l’un des plus grands poètes,
                                           dramaturges et écrivains de la culture occidentale. Si sa vie comporte
                                           encore des zones d’ombre et si la datation de ses œuvres n’est pas
                                           complète, il est l’auteur d’au moins une trentaine de pièces de théâtre
                                           et de nombreux recueils de poésies. Son œuvre traduit ses états d’âme
                                           passant de la comédie à la tragédie et au drame romanesque. Amour,
                                           violence, ressorts psychologiques et moraux… montrent un monde
                                           sombre et cruel.
                                           Quelques œuvres : Hamlet (1603 - tragédie), Le Roi Lear (tragédie),
                                           Le Marchand de Venise (1596/1597 - comédie), Richard III (1591/1592 -
                                           pièce historique)

SHAKESPEARE : DE L’OPÉRA ...
Henry Purcell, The Fairy Queen (1692)
Hector Berlioz, Béatrice et Bénédict (1862) d’après Much
Ado about Nothing
Benjamin Britten, The Rape of Lucretia (1946) d’après la
pièce d’Obey tirée elle-même du poème de Shakespeare
Benjamin Britten, A midsummer Night’s Dream (1960)
Charles Gounod, Roméo et Juliette (1867)

La trilogie verdienne                                         ... AU CINÉMA
Macbeth (1847)                                                Orson Welles, Macbeth (1948)
Otello (1887)                                                 Roman Polanski, Macbeth (1971)
Falstaff (1893) (inspiré des Joyeuses Commères de Windsor)    Akira Kurosawa, Le Château de l’araignée (1957)
                                                              Justin Kurzel, Macbeth (2015)
                                                                                                                         5
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LA PIÈCE DE SHAKESPEARE

DES SOURCES HISTORIQUES                                       UNE ŒUVRE MAUDITE
Le roi d’Ecosse Macbeth Ier                                   Au Royaume-Uni, Macbeth a la réputation d’être maudite.
Shakespeare aurait trouvé dans une chronique, parue           La croyance interdit à qui que ce soit de prononcer son
en 1586, l’histoire de Macbeth Ier. Si ce roi d’Ecosse        nom dans l’enceinte d’un théâtre. On parle alors de La
(de 1040 à sa mort en 1056-1057) fut un très grand roi        Pièce Ecossaise et de M. et Lady M.
qui réprima la noblesse, protégea le peuple et enrichit
l’Ecosse - sa légende est toute autre. Au cours du            Trois éléments semblent expliquer cette superstitution :
temps, il est présenté comme un roi défiant et cruel,         • Aucune mise en scène n’aurait été épargnée par des
dont Shakespeare noircit un peu plus le portrait en lui           blessures ou des décès. Il n’existe aucune preuve
attribuant des crimes commis par d’autres rois d’Ecosse.          historique prouvant cette affirmation mais les
Il serait mort assassiné par Macduff.                             scènes de combats sont nombreuses...
Le personnage de Banco                                        • L’invocation des Sorcières porterait malheur.
En introduisant le personnage de Banco, Shakespeare               La pièce comporte d’ailleurs tout un rituel de
décide de faire référence à une histoire qui lui est plus         sorcellerie, issu d’un manuel de magie noire, qui
proche. Banco serait historiquement un ancêtre plus ou            n’a pas été apprécié par les adeptes des sciences
moins légendaire de la dynastie des Stuart qui régne sur          occultes. Ils auraient jeté un sort à la pièce.
l’Angleterre et l’Ecosse à cette époque.                      • Plus pragmatique, la raison budgétaire pourrait
                                                                  expliquer cette malédiction. En effet, la pièce étant
Contemporain de Marie Stuart, un temps reine d’Ecosse             très populaire, les théâtres en la programmant
et prétendante au trône d’Angleterre, Shakespeare                 pensent attirer de nombreux spectateurs. Mais, sa
connaît son histoire : Marie Stuart, soupçonnée d’avoir           seule programmation ne remplit pas un déficit et
fait assassiner son mari, se remarie avec son assassin.           souvent, les théâtres et compagnies coulent.
Chassée d’Ecosse, elle se réfugie alors en Angleterre à la
cour de Elisabeth Ière qui la fait emprisonner et exécuter
en février 1587.

La légende raconte que son fils – le futur Jacques VI
d’Ecosse – qui régnera sous la protection de l’Angleterre-
avait lui-même conseillé à la reine de faire tuer sa propre
mère…

                                      Photographies de Macbeth, mise en scène J.-L Martinoty, 2012 ©FDesmesure
                                                                                                                    6
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LE THÉÂTRE ELISABÉTHAIN

   ELISABETH IÈRE, REINE D’ANGLETERRE (1558-1603)
   Le règne d’Elisabeth Ière (fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn) est marqué par une grande
   effervescence artistique et culturelle. C’est à cette époque que naît une nouvelle forme de théâtre
   - le théâtre élisabéthain qui se développe de 1562 à 1642, date à laquelle le Parlement puritain
   ordonne la fermeture des théâtres.

   LE THÉÂTRE ÉLISABETHAIN
   Cette nouvelle forme est issue des fêtes saisonnières, des Mystères et des farces du Moyen-Age.
   Les comédiens sont le plus souvent des membres de corporations d’artisans qui aiment jouer, des
   mimes et des jongleurs ambulants qui recherchent la protection des nobles. Ils travaillent beaucoup
   : les délais de création sont courts (environ deux semaines) et ils jouent tous les après-midi sauf le
   dimanche, tiennent plusieurs rôles dans une même pièce. Jusque dans les années 1660, les rôles de
   femmes sont tenus par de jeunes garçons pubères engagés comme apprentis auprès des comédiens
   plus chevronnés (ce qui explique le petit nombre de personnages féminins dans les pièces de
   Shakespeare).
   Le théâtre élisabéthain se caractérise également par des éléments qui seront repris dans le théâtre
   romantique : stylisation du décor, mélange du tragique et du comique, emprunts à la mythologie
   et aux chroniques historiques, présence de la violence et de la vengeance, mélange de truculence
   verbale et de poésie.

   Quelques auteurs : William Shakespeare, Christopher Marlowe, Thomas Kyd...

   LA TROUPE DE SHAKESPEARE
   Protégés par Henry Carey, lord Chambellan, les principaux acteurs de la troupe des « Comédiens
   du Chambellan (Chamberlain’s Men) » se regroupent en association, dans laquelle chacun
   est actionnaire et reçoit une partie des recettes des représentations. À la mort d’Élisabeth, son
   successeur Jacques Ier, prend sous sa protection la troupe qui devient les « Comédiens du roi ».
   Shakespeare, à la fois acteur et auteur, reste lié à cette troupe jusqu’à la fin de sa vie.

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MACBETH Dossier d'accompagnement - Opéra de Limoges
DE SHAKESPEARE À VERDI

LES PERSONNAGES
Verdi réduit le nombre de personnages par rapport à l’œuvre de Shakespeare. Toute l’attention se recentre sur le
couple Macbeth et sa chute, tout en gardant la noirceur de l’œuvre originelle. Le compositeur invite le spectateur à
entrer dans la psychologie de ce couple maudit animé par un unique désir, un seul souhait partagé : celui d’élévation
sociale. Il n’y a ni amour, ni tendresse, ni folle passion entre eux.
Verdi, pour chaque personnage shakespearien créée également un style vocal propre et souvent à contre-courant
des canons artistiques de son époque. Ainsi, le roi d’Écosse devient un personnage muet, relégué au rang des
figurants ; Banco, Macduff et Malcolm, sont des archétypes de héros, défenseurs de la morale...

LADY MACBETH
Verdi souhaite aussi pour le rôle de Lady Macbeth une interprète « laide et monstrueuse » à la voix « âpre, étouffée,
sombre », capable d’introduire sur scène une violence et une brutalité rarement représentées jusqu’alors. Lady
Macbeth, guidée par sa seule volonté de puissance, s’impose alors comme le moteur de l’action. Présente sur scène
pendant les quatre actes, elle intervient aux moments stratégiques (trois grands airs notamment) et transcrit le bruit
et la fureur shakespeariens.
Cependant, si Lady Macbeth tire les ficelles de cette tragédie, elle n’a pas réellement le pouvoir. A l’image des
femmes au XIXe siècle, elle est prisonnière de son statut social, tributaire des hommes qui l’entourent. Elle n’est
appelée que par son nom d’épouse et n’existe que par l’intermédiaire de son mari. Elle ne peut alors agir que par
des ruses et des jeux d’influences poussant son mari à commettre crimes et meurtres...

                                           « Nel dì della vittoria le incontrai :      « Je les ai rencontrées le jour de la victoire :
ACTE I SCÈNE 5            Cavatine         Stupito io n’era per le udite cose ;        J’étais encore sous le coup de leurs paroles ;
                                           Quando i nunzi del Re mi salutaro           Lorsque les messagers du roi m’ont salué
(courte pièce vocale chantée par un
                                           Sir di Caudore, vaticinio uscito            Du titre de seigneur de Cawdor :
soliste) de Lady Macbeth                   Dalle veggenti stesse                       Oracle même des prophétesses,
Lady Macbeth attend le retour de son       Che predissero un serto al capo mio.        Qui me prédirent aussi une couronne ;
époux et commence la lecture de sa         Racchiudi in cor questo segreto. Addio. »   Renferme dans ton cœur ce secret. Adieu. »
lettre. Après un accompagnement
tenu des cordes, le chant a cappella se    Ambizioso spirto                            Tu es une âme
                                           Tu se’ Macbetto...                          Ambitieuse, Macbeth...
substitue à la parole pour mettre en
                                           Alla grandezza aneli...                     Tu aspires à la grandeur...
évidence le texte : « Ambizioso spirto     Ma sarai tu malvagio ?                      Mais sauras-tu faire le mal ?
tu se’ Macbetto... Alla grandezza
aneli... Ma sarai tu malvagio ? ».         Pien di misfatti è il calle                 Il est jonché de crimes, le chemin
Le personnage de Lady Macbeth              Della potenza, e mal per lui che il piede   Du pouvoir, et malheur à celui
s’affirme : le mal est au service de       Dubitoso vi pone, e retrocede !             Dont le pied vacille, et qui recule !

son ambition et la musique souligne
                                           Vieni ! t’affretta ! accendere              Viens ! Hâte-toi ! Je veux embraser
cette détermination par une écriture       Ti vo’ quel freddo core !                   Ton tiède cœur !
qui privilégie les accents, les nuances    L’audace impresa a compiere                 Moi, je te donnerai l’ardeur
fortissimo, les notes aiguës à la limite   Io ti darò valore ;                         D’accomplir l’audacieux dessein ;
de la tessiture de la soprano.             Di Scozia a te promettono                   À toi, les prophétesses ont promis
                                           Le profetesse il trono...                   Le trône d’Écosse...
                                           Che tardi ? Accetta il dono,                Que tardes-tu ? Accepte le don,
                                           Ascendivi a regnar !                        Viens donc régner !

                                                                                                                                   8
MACBETH Dossier d'accompagnement - Opéra de Limoges
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY
  Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011
  (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012)

A PROPOS DE MACBETH                                            Tout comme moi, le chef Kwamé Ryan, souhaite
Qu’est-ce qui séduit Verdi chez Shakespeare ?                  conserver le parfum, l’esprit de la version originale,
La découverte de Shakespeare a bouleversé le monde             et même parfois la lettre : nous gardons à l’Acte IV la
romantique avec une violence que l’on a peine à mesurer        conclusion de 1847, le monologue de Macbeth, sans le
aujourd’hui, et dont Berlioz ou Hugo nous ont laissé           chœur qui a été ajouté : sous le Second Empire, il était
témoignage… Il est Le Poète, le phare absolu qui « éclaire     hors de question de porter un regard aussi désabusé sur
ceux qui doutent ». Dans la comédie (le fameux mélange         le pouvoir. Cela fait se clore l’ouvrage sur une couleur
des genres) comme dans la tragédie, la poésie du Verbe,        de silence et de mort rarissime à l’opéra et terriblement
alliée à la noirceur des âmes (et dans Macbeth jusqu’à un      théâtrale…
absolu qui n’est dépassé que dans Titus Andronicus…),
magnifiée dans l’invention de personnages hors normes          De même, nous ne donnerons pas les ballets. En
qui ne savent exister qu’en transgressant, ne peut que         revanche, Verdi a écrit en 1847 une page instrumentale
séduire, et jusqu’à l’étourdissement, des artistes avides      aérienne, arachnéenne, avec une harpe inattendue,
de couleurs, d’extravagances, de climats d’exception           singulièrement proche du « Ballet des sylphes » de La
et de transgression des normes *. Shakespeare est le           Damnation de Faust (1846 !) quand Macbeth s’évanouit à
compagnon de route familier, mais effrayant. Si bien           l’annonce de la postérité de Banco, page conservée en
que Verdi ne réussira jamais à trouver la force d’écrire       1865, et qui embarrasse souvent les metteurs en scène
son Lear, la scène de la tempête lui faisait peur… et il y     et les chefs, mais que nous avons choisie de conserver.
a déjà deux mini tempêtes dans Macbeth… Une planche            L’effet est très « Songe d’une nuit d’été », mais c’est en
d’essai.                                                       fait, un peu comme le rêve de Salvador Dalí dans La
                                                               Maison du Dr. Edwardes de Hitchcock, un vrai cauchemar
Macbeth, c’est-à-dire Shakespeare, fournit donc à Verdi        de Macbeth…
la chance d’aller ailleurs et c’est peut-être dans toute
sa carrière, l’œuvre la plus radicale dans l’invention de
formes musico-dramaturgiques qui brisent les moules
de son époque, d’où la nécessité de bien étudier,
«ausculter » la première version de l’opéra, celle de 1847,
pour en comprendre la respiration. La version dite de
Paris en 1865 conserve beaucoup du caractère de 1847,
et là où elle corrige c’est toujours au détriment de la
rudesse et de l’âpreté, pour ne rien dire du ballet obligé
des sorcières (c’est le frère cadet de celui de Faust), mais
cette version corrigée est devenue incontournable parce
que Verdi a rajouté au second acte un air devenu célèbre,
le seul vrai aria de Lady Macbeth (les autres sont en
situation) et, au troisième acte, un duo qui est le plus
effrayant de l’histoire de l’opéra. Quand Macbeth et sa
femme s’excitent mutuellement au meurtre des enfants
de Macduff, ils se baignent dans le sang, ils s’exaltent
jusqu’à un vertige érotique des meurtres à accomplir. Le
meurtre est conçu comme une nécessité («e necessario»),
un instrument indispensable du pouvoir… mais la
musique lui donne l’Eros. Eros/Thanatos bien dans le
style Shakespearien, pas celui de Wagner avec Tristan et
Isolde !!!

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MACBETH Dossier d'accompagnement - Opéra de Limoges
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY
  Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011
  (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012)

Les tragédies de Shakespeare sont souvent d’une grande violence,   direction d’acteurs est là... Creuser les rapports tortueux,
l’assumez-vous ?                                                   ambivalents, contradictoires, révoltants, entre cet
Avec Shakespeare se pose souvent la question de                    homme et cette femme. Ce terrible guerrier, courageux,
l’horreur, on dirait du « Gore », du sang et le Macbeth de         violent et ambitieux hésite toujours, terrorisé par le
Verdi est assurément l’opéra le plus sanglant de tout le           non-retour, freiné par la peur du geste irrémédiable,
répertoire, avec une présence physique du sang... Celui            souhaitant ne rien faire qui soit de sa volonté, laissant
de Duncan qui tache les mains des deux Macbeth et dont             au Sort (qui a souvent le visage de sa femme)... le soin
on barbouille les soldats endormis à la porte, celui de            de choisir pour lui, décidant de manière compulsive
Banco sur le visage du Sicaire : les criminels ont toujours        d’entrer dans l’action (le meurtre de Banco est à sa seule
à se « laver » les mains du sang versé, celui que Lady             initiative) et le regrettant aussitôt. Lady Macbeth, elle,
Macbeth essuie convulsivement lorsqu’elle cherche en               avance en aveugle, comme une somnambule (symbole
vain à effacer les tâches qu’elle croit voir sur ses mains,        de la dernière scène) les yeux grands ouverts et ne
le sang des enfants qui ont été massacrés, de Banco, de            voyant ni ne comprenant rien, portée par l’ambition
Duncan. Verdi a gardé la terrible phrase de Lady « qui             nue, le désir primaire du trône combiné à un immense
aurait pu penser que ce vieil homme avait en lui tant de           mépris pour son mari, ce qui l’assure de son pouvoir
sang ». Pour ne rien dire du duo hystérique à la fin du            sur lui et la rassure sur l’issue du crime... D’où à l’Acte
troisième acte, aveuglement par le sang et désir atroce de         III ces avalanches de questions sur l’avenir comme d’un
meurtre, dont on ne voit guère d’équivalent dans tout le           interrogatoire de police... Lady Macbeth fascine parce
répertoire lyrique. Même à l’opéra, la vie des tyrans n’est        qu’elle est un absolu. Dès qu’elle doute, elle meurt.
pas un long fleuve tranquille, et il convient que le public        C’est apparemment un couple sans enfants, et l’on doit
puisse se sentir révulsé même, et peut-être surtout,               s’interroger sur le rapport amoureux ou sexuel entre
dans l’héroïsme du chant. Sous couvert de stylisation              les deux époux, passé absolument sous silence chez
théâtrale (le Théâtre n’est pas la Vie), beaucoup pensent          Shakespeare (et a fortiori Verdi) à l’exception d’un
qu’il convient d’édulcorer et de présenter un monde                «dearest Chuck » de Macbeth, on dirait ma « petite caille»
aseptisé comme aux actualités télévisées. Aujourd’hui,             ou « ma très chère colombe », ce qui est maigre comme
l’auto-censure adoucit tellement les angles que l’on               information au demeurant dans un contexte assez
parvient à inonder le monde d’images de guerre qui                 méprisant… Mais de là vient le problème de l’avenir
font des centaines de milliers de morts sans jamais en             de la dynastie, obsessionnel pour les époux, qui vont
rien montrer, et tout récemment lors de la guerre en               jusqu’au meurtre d’enfants, meurtre raté pour Fléance,
Lybie où l’on n’a rien vu des horreurs commises, hormis            réussi pour la famille de MacDuff...
le visage ensanglanté de Kadhafi... Certains s’en sont
émus jugeant ces images trop violentes, alors qu’elles             Vous avez parlé de huis clos ouvert. Etre ou ne pas être
sont bien faibles par rapport à la réalité. Et Macbeth             contradictoire, telle est la question ?
mériterait bien lui aussi d’être lynché, le finale le suggère      C’est un huis clos entre Macbeth et Lady Macbeth qui
presque puisque Macbeth met longtemps à mourir...                  se déroule dans nombre de lieux ; champs de bataille,
Il faut donc trouver une solution technique pour que               châteaux, forêts, cavernes... Si les lieux sont multiples,
le sang soit visible, mais acceptable ou accepté. C’est            les personnages, eux, sont enfermés dans un huis clos
l’une des difficultés majeures. L’hypocrisie effarouchée           étouffant qui est le contraire de celui de Sartre ; l’enfer
devant l’horreur a vite fait de crier au Grand Guignol.            c’est eux et non pas les autres ! Pour mieux démonter
                                                                   l’enfermement psychologique, il faut ouvrir les murs sur
La seconde violence, et non la moindre, c’est l’abîme              les perspectives qui montrent que l’on pourrait s’enfuir.
psychologique dans lequel — lorsque l’on connaît                   C’est un peu à l’image des camps de concentration de
bien l’œuvre de Shakespeare — on va creuser avec                   Sibérie : des prisonniers à peine enfermés, car autour il
délectation. Chez Verdi, cet abîme est lissé en surface            y a l’immensité qui leur permet de s’évader, mais sans
par le chant, surtout par la beauté du chant, et il faut aller     aucun espoir de survivre.
derrière rechercher ce qui s’y cache. Tout le travail de
                                                                                                                            10
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY
  Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011
  (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012)

Pour les deux protagonistes de Macbeth, le délire de            montrer et/ou ne pas le montrer. Mais les sorcières sont
puissance et la soif de gloire les emmurent dans un             un problème tout aussi épineux.
cycle de meurtres... Un huis clos paradoxal toujours
ouvert sur une fuite et toujours refermé « What’s done
cannot be undone ». On ne les voit jamais « dehors »,
sauf pour rencontrer les sorcières; où qu’ils aillent c’est
eux-mêmes qu’ils trouvent comme dans le miroir chez
le coiffeur où un miroir reflète un autre miroir... Aragon
a écrit un jour « Si tu es le miroir d’un miroir, de quoi
parlez-vous ensemble ? » Donc une scénographie de
murs-miroirs.

Avec le décorateur Bernard Arnould, nous avons opté
pour une boîte entièrement fermée, faite de miroirs qui
se réfléchissent, avec des colonnes elles aussi pourvues
de miroirs. Ainsi peut-on voir l’endroit et l’envers des
personnages — les Sorcières sont des Janus à double
face — et surtout, même lorsqu’un personnage est seul
en scène, voir en reflet tous ceux qui l’épient, l’attendent,
les assassins comme les sorcières qui tissent les fils du
destin… Macbeth est enfermé dans les certitudes que
lui ont données les sorcières. Lui et sa femme sont
prisonniers de leur propre image, de leur reflet, de leur
volonté de puissance et de mort. Ce n’est donc en rien          « Les sorcières dominent le drame. Tout dérive d’elles,
un décor réaliste, mais il aidera fortement ceux qui ne         vulgaires et cancanières au premier acte, sublimes
connaissent pas l’ouvrage à s’y retrouver dans la suite         et prophétiques au 3e » disait Verdi qui, des 3 sorcières
des évènements et tous à « réfléchir », sans jeu de mots,       initialement prévues par Shakespeare, a fait trois groupes de
à la machine infernale qu’est la volonté de pouvoir qui         six. Comment les « traitez-vous » et pourquoi cette référence aux
corrompt et corrode le corrupteur. Il est inutile de            poupées de Bellmer ?
mettre les Macbeth en costume trois pièces, tailleur            Ce sont véritablement elles qui mènent le jeu, elles ne
Chanel ou djellabah pour penser au couple Ceaucescu             quitteront pratiquement pas la scène... Donc ce ne sont
ou à Khadafi, ce serait oublier leurs innombrables              pas les sorcières décoratives du Walpurgis de Gounod.
prédécesseurs et leurs inévitables successeurs…                 Comme il est généralement difficile, sauf pour Walt
Comment allez-vous traiter les scènes fantastiques ?            Disney, d’imaginer des sorcières volant sur un balai
Le fantastique est une composante embarrassante                 et s’activant autour d’un chaudron, malgré le texte au
et incontournable de l’opéra romantique. On peut                romantisme très fantasmagorique de l’œuvre de Verdi
le déplacer ou le détourner ; l’éviter serait une faute.        (il fallait faire concurrence au Freischütz) on s’en sort
Comme un spectre, celui de Banco, est toujours délicat          souvent en en faisant des femmes de la petite bourgeoisie,
à réaliser et facilement grand guignol, la solution de          des gitanes, des danseuses ou des abstractions. Ou
facilité revient souvent à ne pas le montrer, puisque           bien elles chantent dans la fosse d’orchestre... Or, ce
Macbeth seul le voit ; il suffirait donc d’adopter le point     sont bien des femmes, très présentes, pendant un tiers
de vue des assistants qui ne comprennent pas la panique         de l’opéra, manipulant tout le monde et décidant de
de Macbeth. Mais Verdi tenait beaucoup au spectre,              pousser Macbeth à sa perte. On ne connaît pas leurs
fantasmagorie romantique oblige, et a violemment                motivations... Il faut les leur inventer mais Macbeth est
protesté lorsque le chanteur interprète de Banco a              la pièce du répertoire de Shakespeare qui a été la plus
refusé de faire de la figuration… Difficile alternative : le    mutilée !
                                                                                                                              11
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY
  Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011
  (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012)

Les Sorcières veulent le mal pour finalement faire le           les graves ou à forcer les aigus, bref à jouer de couleurs
bien, comme le Méphisto de Goethe. Elles seront                 dramatiques. C’est bien difficile. Une voix dramatique
donc à double face, comme dans certains ballets                 mais assez légère donc souple, peut aussi convenir. Il
de l’opéra baroque, de face belles, séduisantes,                faut replacer cela dans son contexte car à son époque
provocantes, prédisant un avenir glorieux, de l’autre           — en 1847 — nous étions encore dans le beau chant
côté repoussantes, à tête de mort, robes imprimées de           rossinien, dans la cabalette, dans Tancrède, et Verdi avait
véritables radiographies de squelette... Les miroirs les        souhaité que l’on passât à une expression dramatique
montreront ainsi toujours sous leur double visage.              directe qui était alors bien absente du répertoire. J’ai
                                                                dit plus haut comme le beau chant risquait de « lisser »
Musique à double face aussi : Verdi a dans chacune de           les personnages. Même dans les grands rôles tragiques
leurs scènes écrit pour elles des pages fantasmagoriques        de Rossini ou de Donizetti, l’art du chant l’emportait
aussitôt suivie d’un « Allegro brillante » comme des            sur l’art dramatique. Verdi voulait au contraire que la
danses de petites filles hystériques. On oublie parfois         théâtralité passe dans la voix ; on rapporte qu’il aurait
que le Sabbat doit être bête, vulgaire… et joyeux. Nous         fait jusqu’à 150 répétitions pour obtenir ce qu’il voulait.
faisons aussi référence aux poupées du surréaliste Hans         D’ailleurs, la partition fourmille comme jamais de
Bellmer dans leur érotisme morbide, leurs articulations         détails d’expression, d’accentuation, de notations de
apparentes, pantins-enfants désarticulés comme par              couleurs (la musique magique de l’Acte III en imitation
une séance de torture de Georges Bataille, jeunes filles        de cornemuse réalisée avec 2 hautbois, 6 clarinettes, 2
en socquettes nues promises au « Bondage » : ce sont            bassons, 1 contre-basson), de pianissimi (ppppppp !) et
les victimes des sorcières, des tyrans, des perversions         il y a beaucoup à admirer dans ce sens…
humaines, poupées qui disent l’adolescence sans
défense: d’elles sortiront la voix prophétique des              C’est pour rendre hommage à la modernité de cette
enfants au troisième acte. L’avenir appartient toujours         conception que nous conservons le finale de 1847, où
aux victimes.                                                   Macbeth mourant ne chante presque plus et termine
                                                                dans un souffle sur « vile couronne, c’est toi qui m’as
Pour le rôle de Lady Macbeth qui est l’un des plus              perdu ». Dans des vers étourdissants dont Shakespeare
saisissants que Verdi ait écrits, le compositeur ne             seul a la clef, Macbeth à l’annonce de la mort de Lady
souhaitait pas, contrairement aux habitudes ordinaires          s’était jugé lui-même :
dans le théâtre lyrique, « une belle chanteuse, dotée d’une
belle voix », mais une interprète « laide et monstrueuse»,               Life’s but a walking shadow, a poor player
dont la voix devrait être « âpre, étouffée, sombre... »...              That struts and frets his hour upon the stage,
                                                                          And then is heard no more : it is a tale
Quelle Lady Macbeth est la vôtre et rejoignez-vous Verdi dans             Told by an idiot, full of sound and fury
son désir ?                                                                         Signifying nothing…
Ma Lady Macbeth — Lisa Karen Houben — est
superbe et c’est ainsi que je la souhaite... A double visage        La vie n’est qu’une ombre en marche, un pauvre acteur
comme les sorcières. On voit assez l’autre face noire du              Qui dévore en se pavanant son heure sur la scène,
personnage... Mais Verdi parlait essentiellement de la                  Et qu’on n’entend plus ensuite ; c’est un conte
voix et non de la beauté physique. Les voix auxquelles                   Dit par un idiot, plein de bruit et de fureur,
il pensait étaient probablement du genre de celles de                              Ne signifiant rien. (V, 5)
Shirley Verrett ou de Maria Callas. Il a écrit en fait
plutôt pour une mezzo avec des aigus puissants que
pour une soprano dramatique, obligeant l’interprète à
des changements de registre, la contraignant à poitriner

                                                                                                                            12
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY
  Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011
  (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012)

Il n’y a guère que dans Lear et dans Richard III que l’on    * Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses
trouve cette hauteur philosophique et poétique. Le           Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal.
librettiste de Verdi n’a pas eu le courage de s’attaquer     Ce qu’il faut à ce cœur profond comme un abîme,
à la lettre mais du moins l’esprit y est, car le Macbeth     C’est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime,
de Verdi est bien shakespearien, c’est un opéra contre       Rêve d’Eschyle éclos au climat des autans ;
la nature des hommes, contre la nature des choses.           L’Idéal, Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857-1861)
La révolte vient des arbres. Les deux personnages de
ce couple sont des monstres, au sens étymologique
«dignes d’être montrés », et d’autant plus intéressants
que nous les comprenons, nous ressentons peut-être
leur tentation, nous partageons leur vertige de très près,
nous pouvons même compatir : au cinéma on dirait
qu’ils sont toujours en gros plan ; on suit meurtre après
meurtre, comment ils sont manipulés, sans pouvoir
intervenir, malgré ces vers que Shakespeare met dans la
bouche de Banco, que Verdi a conservés, que Macbeth
ne veut pas entendre, et qu’il faudrait mettre en exergue
en ces temps de crise politique :

        Bien souvent pour nous gagner à notre perte
       Les puissances des ténèbres nous disent le vrai,
      Nous gagnent par ruses honnêtes, pour nous trahir
            Jusqu’aux plus graves conséquences

                                                                                                                    13
DISTRIBUTION

Robert Tuohy, direction                             André Heyboer, Macbeth
David Zobel, chef de chant                          Alex Penda, Lady Macbeth
                                                    Dario Russo, Banco
Jean-Louis Martinoty (1946 - 2016), mise en scène   Marco Cammarota, Macduff
Frédérique Lombart, reprise de la mise en scène     Charlotte Despaux, dame d’honneur
Sergio Simòn, assistant à la mise en scène          Kévin Amiel, Malcolm
Bernard Arnould, scénographie
Daniel Ogier, costumes                              Orchestre de l’Opéra de Limoges
Gilles Papain, lumières et vidéo                    Chœur de l’Opéra de Limoges, direction Edward
François Thouret, lumières                          Ananian-Cooper

       André Heyboer, Macbeth          Alex Penda, Lady Macbeth         Dario Russo, Banco
          Baryton, français                 Soprano, bulgare               Basse, italien

    Marco Cammarota, Macduff Charlotte Despaux, dame d’honneur         Kévin Amiel, Malcolm
     Ténor, italiano-américain        Soprano, française                  Ténor, français

                                                                                                    14
LA POUPÉE [1935 - 1936]- HANS BELLMER (1902 - 1975)

                                                                                          Bois peint, papier mâché collé
                                                                                          et peint, cheveux, chaussures,
                                                                                          chaussettes

                                                                                          61 x 170 x 51 cm

                                                                                          Objet articulé (avec éléments
                                                                                          de 1933-1934), additions et
                                                                                          réfections en 1945 et 1970-1971

                                                                                          Don de l’artiste à l’Etat, 1972
                                                                                          Attribution, 1976

Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection     reproduites dans Minotaure en 1935 (sous le titre Poupée.
du centre Pompidou, Musée National d’Art Moderne, sous la       Variations sur le montage d’une mineure articulée) et dans Cahiers
direction de Brigitte Leal, Centre Pompidou, 2007.              d’art en 1936, présentes dans nombre d’expositions de
                                                                groupe, sont les premières « prises de vue ». Ces images
Objet fétiche, placé au cœur d’une œuvre éminemment             sont comme autant de « tableaux vivants » mettant en
transgressive, essentiellement photographique et                scène les infinies variations d’un corps improbable, et
dessinée, la fameuse Poupée grandeur nature de Hans             que Bellmer va bientôt colorier à l’aniline et au pinceau
Bellmer n’est pas loin d’être devenue une icône, ouvrant la     pour en « hystériser » encore l’artifice et la séduction.
voie à une réflexion très actuelle sur l’intégrité corporelle   Répondant aux nouveaux impératifs ambivalents de la
et l’identité sexuelle. De son temps, elle a œuvré comme        « beauté convulsive » : « érotique-voilée, explosante-fixe,
une bombe, pulvérisant les catégories convenues :               magique-circonstantielle », cette beauté est toute de
ni objet ni sculpture, elle se constitue en organisme           contradictions actives. Artefact poétique, La Poupée en
hybride, polymorphe, et en instrument manipulable et            appelle à l’imaginaire inconscient le plus secret.
transformable à l’infini. Et si elle peut être considérée
comme un ultime avatar des mannequins, automates                Au-delà de son appartenance pleine au surréalisme
et robots produits en grande série dans l’Allemagne             (Paul Eluard lui consacre, en 1938, quatorze poèmes
dévastée du tournant de la Grande Guerre, elle dépasse          qui seront édités, avec les photographies coloriées,
l’esprit de dérision et de satire sociale qui commandait        dans Les Jeux de la Poupée, en 1949), l’étrange objet
cette vogue d’esprit dadaïste : à usage privé, répondant à      progressivement articulé se prête, grâce à ce rouage
une pulsion subjective (une nostalgie de l’enfance et de        parfait qu’est la « boule de ventre », à tous les possibles
ses jeux, un abandon définitif à l’imagination érotique),       corporels – se dédoublant, se scindant, s’ouvrant, se
elle est, au-delà de l’esprit de révolte contre l’ordre nazi    fermant. Il nourrit le propos singulier, tout à la fois
qui l’a commandée, avant tout œuvre de mélancolie et            expérimental et théorique, de l’« anatomie du désir », qui
d’« inquiétante étrangeté », mêlant pulsion du désir et         va être au centre de la recherche visionnaire d’un Bellmer
pulsion de mort, merveilleux et cruauté, quotidienneté          humaniste-ingénieur. Une incroyable géographie
et invraisemblance, comme le faisait la poupée Olimpia          interne du corps, compris comme une vaste anagramme
du conte d’Hoffmann (L’Homme au sable, 1817) qui                d’inversions et de réversions, de remembrements et de
marqua tant Bellmer. Les surréalistes – Paul Eluard,            démembrements, de coalescences et de contractions,
André Breton, Henri Parisot et Georges Hugnet – ne s’y          de proliférations sans fin, est donnée à voir. La quête
sont pas trompés, en appelant à eux, au vu de quelques          que l’artiste poursuit à partir de et avec La Poupée, est
photographies en noir et blanc de La Poupée en cours            celle, vertigineuse, obsessionnelle, sadienne, d’une
de fabrication, cet artiste berlinois obscur qui venait         image par où « revitaliser » le désir et créer de nouveaux
de publier, à compte d’auteur à Karlsruhe, un recueil           phantasmes. C’est un « monstrueux dictionnaire » des
confidentiel et miniature intitulé Die Puppe. Ces photos,       ambivalences corporelles qui est, avec elle, initié.
                                                                                                                               15
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OUVRAGES
M.J. Phillips-Matz, Giuseppe Verdi, Fayard, 1996.
A. Duault, Verdi, Une passion, un destin, Découvertes
Gallimard, 1986.
L’Avant-Scène Opéra, Macbeth, n°249, Éditions Premières
Loges, 2009.
Shakespeare, Macbeth, trad. P. J. Jouve, Édition avec
dossier, Flammarion, 2010.
Shakespeare, Macbeth, traduction et édition d’Y. Bonnefoy,
Folio Classique, Gallimard, 2016.

Guide de l’opéra, Fayard, « Les indispensables de la
musique», 2000.
Dictionnaire encyclopédique de la musique, R. Laffont,
« Bouquins », 1998.
P. Dulac (sous la dir.), Inventaire de l’opéra, Universalis,
« Inventaires », 2005.
L. Helleu, Les métiers de l’opéra, Actes Sud, 2005.

LIENS
Sur l’opéra en général : https://www.reseau-canope.fr/
tailleferre/#autour-de-laffaire-tailleferre

Verdi, Macbeth
https://www.youtube.com/watch?v=4Q8xeAuzV5k
Opéra Royal de Wallonie-Liège, Paolo Arrivabeni (dm),
Stefano Mazzonis di Pralafera (mes)

Cavatine de Lady Macbeth
https://www.youtube.com/watch?v=avcT52vTeE8
Anna Netrebko, Paolo Carignani (dm), Bayerisches
Staatsorchester, 2014

                                                                                               OPÉRA DE LIMOGES
                                                                                                            Anne Thorez
                                                               Chargée des actions éducatives et culturelles / accessibilité
                                                                                                            05.55.45.95.11
                                                                                            educatif@operadelimoges.fr
                                                                                                  www.operalimoges.fr
                                                                                                                          16
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