MACBETH Dossier d'accompagnement - Opéra de Limoges
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VENIR À UN SPECTACLE Nous sommes très heureux de vous accueillir à l’Opéra de Limoges ! Ce dossier vous aidera à préparer votre venue avec les élèves. Vous pouvez le diffuser et le dupliquer librement. Le service d’actions éducatives et culturelles est à votre disposition pour toute information supplémentaire. N’hésitez pas à nous envoyer tous types de retours et de témoignages. Mercredi 10 avril 2019 - 20 h Vendredi 12 avril 2019 - 20 h Dimanche 14 avril 2019 - 15 h Chanté en italien, surtitré en français 3h environ, entracte compris INFORMATIONS PRATIQUES AUTOUR DE LA CRÉATION La représentation débute à l’heure indiquée. • Projection tout public Nous vous remercions d’arriver au moins 30 minutes Macbeth (1948) d’Orson Welles - Jeu. à l’avance, afin de faciliter votre placement en salle. 28/03/2019 - 18h30 – BFM Les portes se ferment dès le début du spectacle. • Conférence tout public Nous rappelons aux enseignants et accompagnateurs Divers visages pour Lady Macbeth, que les élèves sont sous leur responsabilité pendant toute mise en miroir des interprètes leur présence à l’Opéra. Ces derniers doivent demeurer historiques du rôle par Alain Voirpy silencieux pendant la durée de la représentation afin de ne Jeu. 04/04/2019 - 18h30 à la BFM pas gêner les artistes et les autres spectateurs. • Découverte des décors Il est interdit de manger et de boire dans la salle, de Lun. 08/04/2019 - 17h30 et Mer. prendre des photographies, de filmer ou d’enregistrer. 10/04/2019 - 14h30 (jauge réduite) Les téléphones portables doivent être éteints. • Parcours thématique scolaire Rencontre avec F. Lombart et R. Nous vous remercions de bien vouloir faire preuve Tuohy. Ven. 12/04/2019 - 14h30 d’autorité si nécessaire. Représentation le mercredi, le vendredi ou le dimanche Cliquer sur les liens Internet dans le texte et Visite (réservation en début de accéder directement aux pages concernées. saison) Nous vous souhaitons une très bonne représentation ! 2
MACBETH DE GIUSEPPE VERDI Macbeth est un opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi, créé dans une première version, le 14 mars 1847 au Teatro della Pergola de Florence pour être remanié et recréé dans une seconde version, le 21 avril 1865 au Théâtre Lyrique impérial de Paris. Le livret a été écrit par Francesco Maria Piave – tiré du drame The Tragedy of Macbeth (1606) de William Shakespeare. A l’Opéra de Limoges, Macbeth est présenté dans la mise en scène de Jean-Luc Martinoty (1946 - 2016), reprise Frédérique Lombart. La direction musicale est confiée à Robert Tuohy. L’HISTOIRE Encouragé par les prédictions des Sorcières et par l’ambition de sa femme, Macbeth, général de l’armée du roi Duncan, tue ce dernier et usurpe le trône. La soif de pouvoir et de puissance du couple et leur folie hallucinatoire, les entraînent dans une spirale infernale meurtrière… LES INSTRUMENTS DE L’ORCHESTRE PERSONNAGES, RÔLES ET VOIX DE L’OPÉRA DE LIMOGES Macbeth, général de l’armée du roi Duncan - baryton 10 violons I Lady Macbeth, épouse de Macbeth - soprano 8 violons II Suivante de Lady Macbeth - soprano 5 altos Banco, général de l’armée du roi Duncan - basse 4 violoncelles Macduff, noble écossais, Seigneur de Fife - ténor 3 contrebasses Malcom, fils de Duncan - ténor Un Médecin - basse 2 flûtes traversières et piccolo Un serviteur de Macbeth - basse 3 hautbois et cor anglais Un assassin - basse 3 clarinettes et clarinette basse Un héraut - baryton 2 bassons et contre-basson Duncan, roi d’Écosse - rôle muet Fléance, fils de Banco - rôle muet 4 cors Trois Apparitions - sopranos et baryton 2 trompettes L’Ombre de Banquo - rôle muet 3 trombones Hécate - rôle muet 1 tuba Sorcières, messagers du roi, nobles et proscrits 1 harpe écossais, assassins, soldats anglais, esprits de l’air Timbales et percussions 3
ARGUMENT (extrait du programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012) ACTE I Les seigneurs écossais Macbeth et Banco, au retour d’une campagne militaire, sont interpellés par un groupe de sorcières qui leur livrent trois troublantes prophéties : Macbeth sera nommé comte de Cawdor ; il montera ensuite sur le trône d’Écosse ; quant à Banco, il engendrera des rois. La première prédiction se réalise aussitôt puisque des messagers de Duncan, roi d’Écosse, viennent annoncer à Macbeth qu’il a été élevé au rang de comte de Cawdor. Macbeth adresse à son épouse une lettre annonçant son arrivée imminente ainsi que l’étrange prophétie. Un serviteur vient au même moment prévenir Lady Macbeth que le roi Duncan passera la nuit au château. L’épouse de Macbeth voit dans ces circonstances un appel du destin. Sa résolution est immédiate : cette nuit même, son époux devra assassiner le Roi dans son sommeil pour s’emparer du trône. La nuit tombe, porteuse d’angoisse et d’hallucinations pour Macbeth ; débordé par l’ambition de son épouse et par l’attrait du pouvoir, il part exécuter dans l’ombre le roi Duncan, son hôte. Lady Macbeth l’attend, prête à raffermir sa volonté. Le meurtre commis, elle s’empare du poignard que Macbeth a gardé à la main, et court le dissimuler parmi les corps endormis de la garde de Duncan. Elle macule elle-même les soldats du sang du roi, afin de détourner sur eux les soupçons. Le lendemain, Macduff et Banco découvrent le cadavre de Duncan, et dans la détresse générale, tous maudissent l’assassin. ACTE II Macbeth a conquis le pouvoir et s’inquiète de le conserver. Se fiant à son épouse et à la prophétie, il veut assurer son trône en éliminant Banco et son fils Fléance. Tandis que le père succombe aux coups des spadassins, le jeune Fléance parvient à s’échapper. En proie à la terreur et à la culpabilité, Macbeth voit surgir, le soir même, en plein banquet, le spectre de Banco. Il s’adresse au fantôme à mots découverts, dévoilant à l’assemblée sa conscience criminelle. ACTE III Macbeth va au-devant des sorcières chercher de nouvelles prophéties afin d’apaiser son trouble. Il apprend qu’il doit craindre Macduff mais, paradoxalement, qu’aucun enfant né d’une femme ne pourra le vaincre. Il restera invincible aussi longtemps que la forêt de Birnam ne s’avancera pas vers lui. Pourtant, sous ses yeux, les sorcières font défiler, couronnés, la lignée des fils de Banco. Macbeth s’évanouit, terrassé par ces visions infernales. Revenu à lui, il fait part à Lady Macbeth de ces nouvelles prédictions. Celle-ci l’encourage à se débarrasser de Macduff par un nouveau crime. ACTE IV Révolté par la mort de sa femme et de ses enfants assassinés, Macduff a pu se réfugier en Angleterre auprès de l’armée des proscrits dirigée par Malcolm, le fils exilé de Duncan. La troupe se met en marche contre le royaume de Macbeth. Ce dernier se retrouve seul devant l’inéluctable, puisque Lady Macbeth a succombé, épuisée, après des nuits d’insomnie et de somnambulisme. Les soldats de Malcolm s’avancent depuis la forêt de Birnam, camouflés par des feuilles et des branchages, réalisant ainsi la prophétie. Macbeth est amené à combattre Macduff, qui considère n’être pas né d’une femme, puisqu’il a vu le jour prématurément : après avoir été le jouet du destin, Macbeth est tué par Macduff, qui venge ainsi sa famille. Le trône d’Écosse revient finalement à Malcolm, fils et héritier légitime de Duncan. 4
DEUX GÉANTS DE LA MUSIQUE ET DE LA LITTÉRATURE GIUSEPPE VERDI 10 octobre 1813, Busseto (nord de l’Italie) – 27 janvier 1901, Milan Verdi est le compositeur le plus célèbre et le plus joué de toute l’histoire de l’opéra. Plus que tout autre, il a contribué à faire de l’opéra ce qu’il est aujourd’hui. Ses intrigues, même lorsqu’elles paraissent invraisemblables, font toujours références aux thèmes universels de l’amour, de la trahison, de la violence, du pouvoir et de la mort. Il participa également à la constitution de l’identité nationale italienne avec plusieurs œuvres, interprétées comme des allégories de la lutte de son pays pour la liberté et l’unification. Quelques œuvres : Nabucco (1842), Rigoletto (1851), Il Trovatore et La Traviata (1853), Aïda (1871), Otello (1887) WILLIAM SHAKESPEARE Stratford-upon-Avon, Warwickshire, 1564 – Stratford-upon-Avon, 1616 Shakespeare est considéré comme l’un des plus grands poètes, dramaturges et écrivains de la culture occidentale. Si sa vie comporte encore des zones d’ombre et si la datation de ses œuvres n’est pas complète, il est l’auteur d’au moins une trentaine de pièces de théâtre et de nombreux recueils de poésies. Son œuvre traduit ses états d’âme passant de la comédie à la tragédie et au drame romanesque. Amour, violence, ressorts psychologiques et moraux… montrent un monde sombre et cruel. Quelques œuvres : Hamlet (1603 - tragédie), Le Roi Lear (tragédie), Le Marchand de Venise (1596/1597 - comédie), Richard III (1591/1592 - pièce historique) SHAKESPEARE : DE L’OPÉRA ... Henry Purcell, The Fairy Queen (1692) Hector Berlioz, Béatrice et Bénédict (1862) d’après Much Ado about Nothing Benjamin Britten, The Rape of Lucretia (1946) d’après la pièce d’Obey tirée elle-même du poème de Shakespeare Benjamin Britten, A midsummer Night’s Dream (1960) Charles Gounod, Roméo et Juliette (1867) La trilogie verdienne ... AU CINÉMA Macbeth (1847) Orson Welles, Macbeth (1948) Otello (1887) Roman Polanski, Macbeth (1971) Falstaff (1893) (inspiré des Joyeuses Commères de Windsor) Akira Kurosawa, Le Château de l’araignée (1957) Justin Kurzel, Macbeth (2015) 5
LA PIÈCE DE SHAKESPEARE DES SOURCES HISTORIQUES UNE ŒUVRE MAUDITE Le roi d’Ecosse Macbeth Ier Au Royaume-Uni, Macbeth a la réputation d’être maudite. Shakespeare aurait trouvé dans une chronique, parue La croyance interdit à qui que ce soit de prononcer son en 1586, l’histoire de Macbeth Ier. Si ce roi d’Ecosse nom dans l’enceinte d’un théâtre. On parle alors de La (de 1040 à sa mort en 1056-1057) fut un très grand roi Pièce Ecossaise et de M. et Lady M. qui réprima la noblesse, protégea le peuple et enrichit l’Ecosse - sa légende est toute autre. Au cours du Trois éléments semblent expliquer cette superstitution : temps, il est présenté comme un roi défiant et cruel, • Aucune mise en scène n’aurait été épargnée par des dont Shakespeare noircit un peu plus le portrait en lui blessures ou des décès. Il n’existe aucune preuve attribuant des crimes commis par d’autres rois d’Ecosse. historique prouvant cette affirmation mais les Il serait mort assassiné par Macduff. scènes de combats sont nombreuses... Le personnage de Banco • L’invocation des Sorcières porterait malheur. En introduisant le personnage de Banco, Shakespeare La pièce comporte d’ailleurs tout un rituel de décide de faire référence à une histoire qui lui est plus sorcellerie, issu d’un manuel de magie noire, qui proche. Banco serait historiquement un ancêtre plus ou n’a pas été apprécié par les adeptes des sciences moins légendaire de la dynastie des Stuart qui régne sur occultes. Ils auraient jeté un sort à la pièce. l’Angleterre et l’Ecosse à cette époque. • Plus pragmatique, la raison budgétaire pourrait expliquer cette malédiction. En effet, la pièce étant Contemporain de Marie Stuart, un temps reine d’Ecosse très populaire, les théâtres en la programmant et prétendante au trône d’Angleterre, Shakespeare pensent attirer de nombreux spectateurs. Mais, sa connaît son histoire : Marie Stuart, soupçonnée d’avoir seule programmation ne remplit pas un déficit et fait assassiner son mari, se remarie avec son assassin. souvent, les théâtres et compagnies coulent. Chassée d’Ecosse, elle se réfugie alors en Angleterre à la cour de Elisabeth Ière qui la fait emprisonner et exécuter en février 1587. La légende raconte que son fils – le futur Jacques VI d’Ecosse – qui régnera sous la protection de l’Angleterre- avait lui-même conseillé à la reine de faire tuer sa propre mère… Photographies de Macbeth, mise en scène J.-L Martinoty, 2012 ©FDesmesure 6
LE THÉÂTRE ELISABÉTHAIN ELISABETH IÈRE, REINE D’ANGLETERRE (1558-1603) Le règne d’Elisabeth Ière (fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn) est marqué par une grande effervescence artistique et culturelle. C’est à cette époque que naît une nouvelle forme de théâtre - le théâtre élisabéthain qui se développe de 1562 à 1642, date à laquelle le Parlement puritain ordonne la fermeture des théâtres. LE THÉÂTRE ÉLISABETHAIN Cette nouvelle forme est issue des fêtes saisonnières, des Mystères et des farces du Moyen-Age. Les comédiens sont le plus souvent des membres de corporations d’artisans qui aiment jouer, des mimes et des jongleurs ambulants qui recherchent la protection des nobles. Ils travaillent beaucoup : les délais de création sont courts (environ deux semaines) et ils jouent tous les après-midi sauf le dimanche, tiennent plusieurs rôles dans une même pièce. Jusque dans les années 1660, les rôles de femmes sont tenus par de jeunes garçons pubères engagés comme apprentis auprès des comédiens plus chevronnés (ce qui explique le petit nombre de personnages féminins dans les pièces de Shakespeare). Le théâtre élisabéthain se caractérise également par des éléments qui seront repris dans le théâtre romantique : stylisation du décor, mélange du tragique et du comique, emprunts à la mythologie et aux chroniques historiques, présence de la violence et de la vengeance, mélange de truculence verbale et de poésie. Quelques auteurs : William Shakespeare, Christopher Marlowe, Thomas Kyd... LA TROUPE DE SHAKESPEARE Protégés par Henry Carey, lord Chambellan, les principaux acteurs de la troupe des « Comédiens du Chambellan (Chamberlain’s Men) » se regroupent en association, dans laquelle chacun est actionnaire et reçoit une partie des recettes des représentations. À la mort d’Élisabeth, son successeur Jacques Ier, prend sous sa protection la troupe qui devient les « Comédiens du roi ». Shakespeare, à la fois acteur et auteur, reste lié à cette troupe jusqu’à la fin de sa vie. 7
DE SHAKESPEARE À VERDI LES PERSONNAGES Verdi réduit le nombre de personnages par rapport à l’œuvre de Shakespeare. Toute l’attention se recentre sur le couple Macbeth et sa chute, tout en gardant la noirceur de l’œuvre originelle. Le compositeur invite le spectateur à entrer dans la psychologie de ce couple maudit animé par un unique désir, un seul souhait partagé : celui d’élévation sociale. Il n’y a ni amour, ni tendresse, ni folle passion entre eux. Verdi, pour chaque personnage shakespearien créée également un style vocal propre et souvent à contre-courant des canons artistiques de son époque. Ainsi, le roi d’Écosse devient un personnage muet, relégué au rang des figurants ; Banco, Macduff et Malcolm, sont des archétypes de héros, défenseurs de la morale... LADY MACBETH Verdi souhaite aussi pour le rôle de Lady Macbeth une interprète « laide et monstrueuse » à la voix « âpre, étouffée, sombre », capable d’introduire sur scène une violence et une brutalité rarement représentées jusqu’alors. Lady Macbeth, guidée par sa seule volonté de puissance, s’impose alors comme le moteur de l’action. Présente sur scène pendant les quatre actes, elle intervient aux moments stratégiques (trois grands airs notamment) et transcrit le bruit et la fureur shakespeariens. Cependant, si Lady Macbeth tire les ficelles de cette tragédie, elle n’a pas réellement le pouvoir. A l’image des femmes au XIXe siècle, elle est prisonnière de son statut social, tributaire des hommes qui l’entourent. Elle n’est appelée que par son nom d’épouse et n’existe que par l’intermédiaire de son mari. Elle ne peut alors agir que par des ruses et des jeux d’influences poussant son mari à commettre crimes et meurtres... « Nel dì della vittoria le incontrai : « Je les ai rencontrées le jour de la victoire : ACTE I SCÈNE 5 Cavatine Stupito io n’era per le udite cose ; J’étais encore sous le coup de leurs paroles ; Quando i nunzi del Re mi salutaro Lorsque les messagers du roi m’ont salué (courte pièce vocale chantée par un Sir di Caudore, vaticinio uscito Du titre de seigneur de Cawdor : soliste) de Lady Macbeth Dalle veggenti stesse Oracle même des prophétesses, Lady Macbeth attend le retour de son Che predissero un serto al capo mio. Qui me prédirent aussi une couronne ; époux et commence la lecture de sa Racchiudi in cor questo segreto. Addio. » Renferme dans ton cœur ce secret. Adieu. » lettre. Après un accompagnement tenu des cordes, le chant a cappella se Ambizioso spirto Tu es une âme Tu se’ Macbetto... Ambitieuse, Macbeth... substitue à la parole pour mettre en Alla grandezza aneli... Tu aspires à la grandeur... évidence le texte : « Ambizioso spirto Ma sarai tu malvagio ? Mais sauras-tu faire le mal ? tu se’ Macbetto... Alla grandezza aneli... Ma sarai tu malvagio ? ». Pien di misfatti è il calle Il est jonché de crimes, le chemin Le personnage de Lady Macbeth Della potenza, e mal per lui che il piede Du pouvoir, et malheur à celui s’affirme : le mal est au service de Dubitoso vi pone, e retrocede ! Dont le pied vacille, et qui recule ! son ambition et la musique souligne Vieni ! t’affretta ! accendere Viens ! Hâte-toi ! Je veux embraser cette détermination par une écriture Ti vo’ quel freddo core ! Ton tiède cœur ! qui privilégie les accents, les nuances L’audace impresa a compiere Moi, je te donnerai l’ardeur fortissimo, les notes aiguës à la limite Io ti darò valore ; D’accomplir l’audacieux dessein ; de la tessiture de la soprano. Di Scozia a te promettono À toi, les prophétesses ont promis Le profetesse il trono... Le trône d’Écosse... Che tardi ? Accetta il dono, Que tardes-tu ? Accepte le don, Ascendivi a regnar ! Viens donc régner ! 8
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011 (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012) A PROPOS DE MACBETH Tout comme moi, le chef Kwamé Ryan, souhaite Qu’est-ce qui séduit Verdi chez Shakespeare ? conserver le parfum, l’esprit de la version originale, La découverte de Shakespeare a bouleversé le monde et même parfois la lettre : nous gardons à l’Acte IV la romantique avec une violence que l’on a peine à mesurer conclusion de 1847, le monologue de Macbeth, sans le aujourd’hui, et dont Berlioz ou Hugo nous ont laissé chœur qui a été ajouté : sous le Second Empire, il était témoignage… Il est Le Poète, le phare absolu qui « éclaire hors de question de porter un regard aussi désabusé sur ceux qui doutent ». Dans la comédie (le fameux mélange le pouvoir. Cela fait se clore l’ouvrage sur une couleur des genres) comme dans la tragédie, la poésie du Verbe, de silence et de mort rarissime à l’opéra et terriblement alliée à la noirceur des âmes (et dans Macbeth jusqu’à un théâtrale… absolu qui n’est dépassé que dans Titus Andronicus…), magnifiée dans l’invention de personnages hors normes De même, nous ne donnerons pas les ballets. En qui ne savent exister qu’en transgressant, ne peut que revanche, Verdi a écrit en 1847 une page instrumentale séduire, et jusqu’à l’étourdissement, des artistes avides aérienne, arachnéenne, avec une harpe inattendue, de couleurs, d’extravagances, de climats d’exception singulièrement proche du « Ballet des sylphes » de La et de transgression des normes *. Shakespeare est le Damnation de Faust (1846 !) quand Macbeth s’évanouit à compagnon de route familier, mais effrayant. Si bien l’annonce de la postérité de Banco, page conservée en que Verdi ne réussira jamais à trouver la force d’écrire 1865, et qui embarrasse souvent les metteurs en scène son Lear, la scène de la tempête lui faisait peur… et il y et les chefs, mais que nous avons choisie de conserver. a déjà deux mini tempêtes dans Macbeth… Une planche L’effet est très « Songe d’une nuit d’été », mais c’est en d’essai. fait, un peu comme le rêve de Salvador Dalí dans La Maison du Dr. Edwardes de Hitchcock, un vrai cauchemar Macbeth, c’est-à-dire Shakespeare, fournit donc à Verdi de Macbeth… la chance d’aller ailleurs et c’est peut-être dans toute sa carrière, l’œuvre la plus radicale dans l’invention de formes musico-dramaturgiques qui brisent les moules de son époque, d’où la nécessité de bien étudier, «ausculter » la première version de l’opéra, celle de 1847, pour en comprendre la respiration. La version dite de Paris en 1865 conserve beaucoup du caractère de 1847, et là où elle corrige c’est toujours au détriment de la rudesse et de l’âpreté, pour ne rien dire du ballet obligé des sorcières (c’est le frère cadet de celui de Faust), mais cette version corrigée est devenue incontournable parce que Verdi a rajouté au second acte un air devenu célèbre, le seul vrai aria de Lady Macbeth (les autres sont en situation) et, au troisième acte, un duo qui est le plus effrayant de l’histoire de l’opéra. Quand Macbeth et sa femme s’excitent mutuellement au meurtre des enfants de Macduff, ils se baignent dans le sang, ils s’exaltent jusqu’à un vertige érotique des meurtres à accomplir. Le meurtre est conçu comme une nécessité («e necessario»), un instrument indispensable du pouvoir… mais la musique lui donne l’Eros. Eros/Thanatos bien dans le style Shakespearien, pas celui de Wagner avec Tristan et Isolde !!! 9
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011 (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012) Les tragédies de Shakespeare sont souvent d’une grande violence, direction d’acteurs est là... Creuser les rapports tortueux, l’assumez-vous ? ambivalents, contradictoires, révoltants, entre cet Avec Shakespeare se pose souvent la question de homme et cette femme. Ce terrible guerrier, courageux, l’horreur, on dirait du « Gore », du sang et le Macbeth de violent et ambitieux hésite toujours, terrorisé par le Verdi est assurément l’opéra le plus sanglant de tout le non-retour, freiné par la peur du geste irrémédiable, répertoire, avec une présence physique du sang... Celui souhaitant ne rien faire qui soit de sa volonté, laissant de Duncan qui tache les mains des deux Macbeth et dont au Sort (qui a souvent le visage de sa femme)... le soin on barbouille les soldats endormis à la porte, celui de de choisir pour lui, décidant de manière compulsive Banco sur le visage du Sicaire : les criminels ont toujours d’entrer dans l’action (le meurtre de Banco est à sa seule à se « laver » les mains du sang versé, celui que Lady initiative) et le regrettant aussitôt. Lady Macbeth, elle, Macbeth essuie convulsivement lorsqu’elle cherche en avance en aveugle, comme une somnambule (symbole vain à effacer les tâches qu’elle croit voir sur ses mains, de la dernière scène) les yeux grands ouverts et ne le sang des enfants qui ont été massacrés, de Banco, de voyant ni ne comprenant rien, portée par l’ambition Duncan. Verdi a gardé la terrible phrase de Lady « qui nue, le désir primaire du trône combiné à un immense aurait pu penser que ce vieil homme avait en lui tant de mépris pour son mari, ce qui l’assure de son pouvoir sang ». Pour ne rien dire du duo hystérique à la fin du sur lui et la rassure sur l’issue du crime... D’où à l’Acte troisième acte, aveuglement par le sang et désir atroce de III ces avalanches de questions sur l’avenir comme d’un meurtre, dont on ne voit guère d’équivalent dans tout le interrogatoire de police... Lady Macbeth fascine parce répertoire lyrique. Même à l’opéra, la vie des tyrans n’est qu’elle est un absolu. Dès qu’elle doute, elle meurt. pas un long fleuve tranquille, et il convient que le public C’est apparemment un couple sans enfants, et l’on doit puisse se sentir révulsé même, et peut-être surtout, s’interroger sur le rapport amoureux ou sexuel entre dans l’héroïsme du chant. Sous couvert de stylisation les deux époux, passé absolument sous silence chez théâtrale (le Théâtre n’est pas la Vie), beaucoup pensent Shakespeare (et a fortiori Verdi) à l’exception d’un qu’il convient d’édulcorer et de présenter un monde «dearest Chuck » de Macbeth, on dirait ma « petite caille» aseptisé comme aux actualités télévisées. Aujourd’hui, ou « ma très chère colombe », ce qui est maigre comme l’auto-censure adoucit tellement les angles que l’on information au demeurant dans un contexte assez parvient à inonder le monde d’images de guerre qui méprisant… Mais de là vient le problème de l’avenir font des centaines de milliers de morts sans jamais en de la dynastie, obsessionnel pour les époux, qui vont rien montrer, et tout récemment lors de la guerre en jusqu’au meurtre d’enfants, meurtre raté pour Fléance, Lybie où l’on n’a rien vu des horreurs commises, hormis réussi pour la famille de MacDuff... le visage ensanglanté de Kadhafi... Certains s’en sont émus jugeant ces images trop violentes, alors qu’elles Vous avez parlé de huis clos ouvert. Etre ou ne pas être sont bien faibles par rapport à la réalité. Et Macbeth contradictoire, telle est la question ? mériterait bien lui aussi d’être lynché, le finale le suggère C’est un huis clos entre Macbeth et Lady Macbeth qui presque puisque Macbeth met longtemps à mourir... se déroule dans nombre de lieux ; champs de bataille, Il faut donc trouver une solution technique pour que châteaux, forêts, cavernes... Si les lieux sont multiples, le sang soit visible, mais acceptable ou accepté. C’est les personnages, eux, sont enfermés dans un huis clos l’une des difficultés majeures. L’hypocrisie effarouchée étouffant qui est le contraire de celui de Sartre ; l’enfer devant l’horreur a vite fait de crier au Grand Guignol. c’est eux et non pas les autres ! Pour mieux démonter l’enfermement psychologique, il faut ouvrir les murs sur La seconde violence, et non la moindre, c’est l’abîme les perspectives qui montrent que l’on pourrait s’enfuir. psychologique dans lequel — lorsque l’on connaît C’est un peu à l’image des camps de concentration de bien l’œuvre de Shakespeare — on va creuser avec Sibérie : des prisonniers à peine enfermés, car autour il délectation. Chez Verdi, cet abîme est lissé en surface y a l’immensité qui leur permet de s’évader, mais sans par le chant, surtout par la beauté du chant, et il faut aller aucun espoir de survivre. derrière rechercher ce qui s’y cache. Tout le travail de 10
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011 (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012) Pour les deux protagonistes de Macbeth, le délire de montrer et/ou ne pas le montrer. Mais les sorcières sont puissance et la soif de gloire les emmurent dans un un problème tout aussi épineux. cycle de meurtres... Un huis clos paradoxal toujours ouvert sur une fuite et toujours refermé « What’s done cannot be undone ». On ne les voit jamais « dehors », sauf pour rencontrer les sorcières; où qu’ils aillent c’est eux-mêmes qu’ils trouvent comme dans le miroir chez le coiffeur où un miroir reflète un autre miroir... Aragon a écrit un jour « Si tu es le miroir d’un miroir, de quoi parlez-vous ensemble ? » Donc une scénographie de murs-miroirs. Avec le décorateur Bernard Arnould, nous avons opté pour une boîte entièrement fermée, faite de miroirs qui se réfléchissent, avec des colonnes elles aussi pourvues de miroirs. Ainsi peut-on voir l’endroit et l’envers des personnages — les Sorcières sont des Janus à double face — et surtout, même lorsqu’un personnage est seul en scène, voir en reflet tous ceux qui l’épient, l’attendent, les assassins comme les sorcières qui tissent les fils du destin… Macbeth est enfermé dans les certitudes que lui ont données les sorcières. Lui et sa femme sont prisonniers de leur propre image, de leur reflet, de leur volonté de puissance et de mort. Ce n’est donc en rien « Les sorcières dominent le drame. Tout dérive d’elles, un décor réaliste, mais il aidera fortement ceux qui ne vulgaires et cancanières au premier acte, sublimes connaissent pas l’ouvrage à s’y retrouver dans la suite et prophétiques au 3e » disait Verdi qui, des 3 sorcières des évènements et tous à « réfléchir », sans jeu de mots, initialement prévues par Shakespeare, a fait trois groupes de à la machine infernale qu’est la volonté de pouvoir qui six. Comment les « traitez-vous » et pourquoi cette référence aux corrompt et corrode le corrupteur. Il est inutile de poupées de Bellmer ? mettre les Macbeth en costume trois pièces, tailleur Ce sont véritablement elles qui mènent le jeu, elles ne Chanel ou djellabah pour penser au couple Ceaucescu quitteront pratiquement pas la scène... Donc ce ne sont ou à Khadafi, ce serait oublier leurs innombrables pas les sorcières décoratives du Walpurgis de Gounod. prédécesseurs et leurs inévitables successeurs… Comme il est généralement difficile, sauf pour Walt Comment allez-vous traiter les scènes fantastiques ? Disney, d’imaginer des sorcières volant sur un balai Le fantastique est une composante embarrassante et s’activant autour d’un chaudron, malgré le texte au et incontournable de l’opéra romantique. On peut romantisme très fantasmagorique de l’œuvre de Verdi le déplacer ou le détourner ; l’éviter serait une faute. (il fallait faire concurrence au Freischütz) on s’en sort Comme un spectre, celui de Banco, est toujours délicat souvent en en faisant des femmes de la petite bourgeoisie, à réaliser et facilement grand guignol, la solution de des gitanes, des danseuses ou des abstractions. Ou facilité revient souvent à ne pas le montrer, puisque bien elles chantent dans la fosse d’orchestre... Or, ce Macbeth seul le voit ; il suffirait donc d’adopter le point sont bien des femmes, très présentes, pendant un tiers de vue des assistants qui ne comprennent pas la panique de l’opéra, manipulant tout le monde et décidant de de Macbeth. Mais Verdi tenait beaucoup au spectre, pousser Macbeth à sa perte. On ne connaît pas leurs fantasmagorie romantique oblige, et a violemment motivations... Il faut les leur inventer mais Macbeth est protesté lorsque le chanteur interprète de Banco a la pièce du répertoire de Shakespeare qui a été la plus refusé de faire de la figuration… Difficile alternative : le mutilée ! 11
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011 (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012) Les Sorcières veulent le mal pour finalement faire le les graves ou à forcer les aigus, bref à jouer de couleurs bien, comme le Méphisto de Goethe. Elles seront dramatiques. C’est bien difficile. Une voix dramatique donc à double face, comme dans certains ballets mais assez légère donc souple, peut aussi convenir. Il de l’opéra baroque, de face belles, séduisantes, faut replacer cela dans son contexte car à son époque provocantes, prédisant un avenir glorieux, de l’autre — en 1847 — nous étions encore dans le beau chant côté repoussantes, à tête de mort, robes imprimées de rossinien, dans la cabalette, dans Tancrède, et Verdi avait véritables radiographies de squelette... Les miroirs les souhaité que l’on passât à une expression dramatique montreront ainsi toujours sous leur double visage. directe qui était alors bien absente du répertoire. J’ai dit plus haut comme le beau chant risquait de « lisser » Musique à double face aussi : Verdi a dans chacune de les personnages. Même dans les grands rôles tragiques leurs scènes écrit pour elles des pages fantasmagoriques de Rossini ou de Donizetti, l’art du chant l’emportait aussitôt suivie d’un « Allegro brillante » comme des sur l’art dramatique. Verdi voulait au contraire que la danses de petites filles hystériques. On oublie parfois théâtralité passe dans la voix ; on rapporte qu’il aurait que le Sabbat doit être bête, vulgaire… et joyeux. Nous fait jusqu’à 150 répétitions pour obtenir ce qu’il voulait. faisons aussi référence aux poupées du surréaliste Hans D’ailleurs, la partition fourmille comme jamais de Bellmer dans leur érotisme morbide, leurs articulations détails d’expression, d’accentuation, de notations de apparentes, pantins-enfants désarticulés comme par couleurs (la musique magique de l’Acte III en imitation une séance de torture de Georges Bataille, jeunes filles de cornemuse réalisée avec 2 hautbois, 6 clarinettes, 2 en socquettes nues promises au « Bondage » : ce sont bassons, 1 contre-basson), de pianissimi (ppppppp !) et les victimes des sorcières, des tyrans, des perversions il y a beaucoup à admirer dans ce sens… humaines, poupées qui disent l’adolescence sans défense: d’elles sortiront la voix prophétique des C’est pour rendre hommage à la modernité de cette enfants au troisième acte. L’avenir appartient toujours conception que nous conservons le finale de 1847, où aux victimes. Macbeth mourant ne chante presque plus et termine dans un souffle sur « vile couronne, c’est toi qui m’as Pour le rôle de Lady Macbeth qui est l’un des plus perdu ». Dans des vers étourdissants dont Shakespeare saisissants que Verdi ait écrits, le compositeur ne seul a la clef, Macbeth à l’annonce de la mort de Lady souhaitait pas, contrairement aux habitudes ordinaires s’était jugé lui-même : dans le théâtre lyrique, « une belle chanteuse, dotée d’une belle voix », mais une interprète « laide et monstrueuse», Life’s but a walking shadow, a poor player dont la voix devrait être « âpre, étouffée, sombre... »... That struts and frets his hour upon the stage, And then is heard no more : it is a tale Quelle Lady Macbeth est la vôtre et rejoignez-vous Verdi dans Told by an idiot, full of sound and fury son désir ? Signifying nothing… Ma Lady Macbeth — Lisa Karen Houben — est superbe et c’est ainsi que je la souhaite... A double visage La vie n’est qu’une ombre en marche, un pauvre acteur comme les sorcières. On voit assez l’autre face noire du Qui dévore en se pavanant son heure sur la scène, personnage... Mais Verdi parlait essentiellement de la Et qu’on n’entend plus ensuite ; c’est un conte voix et non de la beauté physique. Les voix auxquelles Dit par un idiot, plein de bruit et de fureur, il pensait étaient probablement du genre de celles de Ne signifiant rien. (V, 5) Shirley Verrett ou de Maria Callas. Il a écrit en fait plutôt pour une mezzo avec des aigus puissants que pour une soprano dramatique, obligeant l’interprète à des changements de registre, la contraignant à poitriner 12
MACBETH / JEAN-LOUIS MARTINOTY Propos recueillis suite à l’entretien réalisé par Noëlle Arnault en novembre 2011 (Programme de salle de l’Opéra de Bordeaux / 2012) Il n’y a guère que dans Lear et dans Richard III que l’on * Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses trouve cette hauteur philosophique et poétique. Le Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal. librettiste de Verdi n’a pas eu le courage de s’attaquer Ce qu’il faut à ce cœur profond comme un abîme, à la lettre mais du moins l’esprit y est, car le Macbeth C’est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime, de Verdi est bien shakespearien, c’est un opéra contre Rêve d’Eschyle éclos au climat des autans ; la nature des hommes, contre la nature des choses. L’Idéal, Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857-1861) La révolte vient des arbres. Les deux personnages de ce couple sont des monstres, au sens étymologique «dignes d’être montrés », et d’autant plus intéressants que nous les comprenons, nous ressentons peut-être leur tentation, nous partageons leur vertige de très près, nous pouvons même compatir : au cinéma on dirait qu’ils sont toujours en gros plan ; on suit meurtre après meurtre, comment ils sont manipulés, sans pouvoir intervenir, malgré ces vers que Shakespeare met dans la bouche de Banco, que Verdi a conservés, que Macbeth ne veut pas entendre, et qu’il faudrait mettre en exergue en ces temps de crise politique : Bien souvent pour nous gagner à notre perte Les puissances des ténèbres nous disent le vrai, Nous gagnent par ruses honnêtes, pour nous trahir Jusqu’aux plus graves conséquences 13
DISTRIBUTION Robert Tuohy, direction André Heyboer, Macbeth David Zobel, chef de chant Alex Penda, Lady Macbeth Dario Russo, Banco Jean-Louis Martinoty (1946 - 2016), mise en scène Marco Cammarota, Macduff Frédérique Lombart, reprise de la mise en scène Charlotte Despaux, dame d’honneur Sergio Simòn, assistant à la mise en scène Kévin Amiel, Malcolm Bernard Arnould, scénographie Daniel Ogier, costumes Orchestre de l’Opéra de Limoges Gilles Papain, lumières et vidéo Chœur de l’Opéra de Limoges, direction Edward François Thouret, lumières Ananian-Cooper André Heyboer, Macbeth Alex Penda, Lady Macbeth Dario Russo, Banco Baryton, français Soprano, bulgare Basse, italien Marco Cammarota, Macduff Charlotte Despaux, dame d’honneur Kévin Amiel, Malcolm Ténor, italiano-américain Soprano, française Ténor, français 14
LA POUPÉE [1935 - 1936]- HANS BELLMER (1902 - 1975) Bois peint, papier mâché collé et peint, cheveux, chaussures, chaussettes 61 x 170 x 51 cm Objet articulé (avec éléments de 1933-1934), additions et réfections en 1945 et 1970-1971 Don de l’artiste à l’Etat, 1972 Attribution, 1976 Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection reproduites dans Minotaure en 1935 (sous le titre Poupée. du centre Pompidou, Musée National d’Art Moderne, sous la Variations sur le montage d’une mineure articulée) et dans Cahiers direction de Brigitte Leal, Centre Pompidou, 2007. d’art en 1936, présentes dans nombre d’expositions de groupe, sont les premières « prises de vue ». Ces images Objet fétiche, placé au cœur d’une œuvre éminemment sont comme autant de « tableaux vivants » mettant en transgressive, essentiellement photographique et scène les infinies variations d’un corps improbable, et dessinée, la fameuse Poupée grandeur nature de Hans que Bellmer va bientôt colorier à l’aniline et au pinceau Bellmer n’est pas loin d’être devenue une icône, ouvrant la pour en « hystériser » encore l’artifice et la séduction. voie à une réflexion très actuelle sur l’intégrité corporelle Répondant aux nouveaux impératifs ambivalents de la et l’identité sexuelle. De son temps, elle a œuvré comme « beauté convulsive » : « érotique-voilée, explosante-fixe, une bombe, pulvérisant les catégories convenues : magique-circonstantielle », cette beauté est toute de ni objet ni sculpture, elle se constitue en organisme contradictions actives. Artefact poétique, La Poupée en hybride, polymorphe, et en instrument manipulable et appelle à l’imaginaire inconscient le plus secret. transformable à l’infini. Et si elle peut être considérée comme un ultime avatar des mannequins, automates Au-delà de son appartenance pleine au surréalisme et robots produits en grande série dans l’Allemagne (Paul Eluard lui consacre, en 1938, quatorze poèmes dévastée du tournant de la Grande Guerre, elle dépasse qui seront édités, avec les photographies coloriées, l’esprit de dérision et de satire sociale qui commandait dans Les Jeux de la Poupée, en 1949), l’étrange objet cette vogue d’esprit dadaïste : à usage privé, répondant à progressivement articulé se prête, grâce à ce rouage une pulsion subjective (une nostalgie de l’enfance et de parfait qu’est la « boule de ventre », à tous les possibles ses jeux, un abandon définitif à l’imagination érotique), corporels – se dédoublant, se scindant, s’ouvrant, se elle est, au-delà de l’esprit de révolte contre l’ordre nazi fermant. Il nourrit le propos singulier, tout à la fois qui l’a commandée, avant tout œuvre de mélancolie et expérimental et théorique, de l’« anatomie du désir », qui d’« inquiétante étrangeté », mêlant pulsion du désir et va être au centre de la recherche visionnaire d’un Bellmer pulsion de mort, merveilleux et cruauté, quotidienneté humaniste-ingénieur. Une incroyable géographie et invraisemblance, comme le faisait la poupée Olimpia interne du corps, compris comme une vaste anagramme du conte d’Hoffmann (L’Homme au sable, 1817) qui d’inversions et de réversions, de remembrements et de marqua tant Bellmer. Les surréalistes – Paul Eluard, démembrements, de coalescences et de contractions, André Breton, Henri Parisot et Georges Hugnet – ne s’y de proliférations sans fin, est donnée à voir. La quête sont pas trompés, en appelant à eux, au vu de quelques que l’artiste poursuit à partir de et avec La Poupée, est photographies en noir et blanc de La Poupée en cours celle, vertigineuse, obsessionnelle, sadienne, d’une de fabrication, cet artiste berlinois obscur qui venait image par où « revitaliser » le désir et créer de nouveaux de publier, à compte d’auteur à Karlsruhe, un recueil phantasmes. C’est un « monstrueux dictionnaire » des confidentiel et miniature intitulé Die Puppe. Ces photos, ambivalences corporelles qui est, avec elle, initié. 15
ÉCOUTER, VOIR, LIRE AFFICHE OUVRAGES M.J. Phillips-Matz, Giuseppe Verdi, Fayard, 1996. A. Duault, Verdi, Une passion, un destin, Découvertes Gallimard, 1986. L’Avant-Scène Opéra, Macbeth, n°249, Éditions Premières Loges, 2009. Shakespeare, Macbeth, trad. P. J. Jouve, Édition avec dossier, Flammarion, 2010. Shakespeare, Macbeth, traduction et édition d’Y. Bonnefoy, Folio Classique, Gallimard, 2016. Guide de l’opéra, Fayard, « Les indispensables de la musique», 2000. Dictionnaire encyclopédique de la musique, R. Laffont, « Bouquins », 1998. P. Dulac (sous la dir.), Inventaire de l’opéra, Universalis, « Inventaires », 2005. L. Helleu, Les métiers de l’opéra, Actes Sud, 2005. LIENS Sur l’opéra en général : https://www.reseau-canope.fr/ tailleferre/#autour-de-laffaire-tailleferre Verdi, Macbeth https://www.youtube.com/watch?v=4Q8xeAuzV5k Opéra Royal de Wallonie-Liège, Paolo Arrivabeni (dm), Stefano Mazzonis di Pralafera (mes) Cavatine de Lady Macbeth https://www.youtube.com/watch?v=avcT52vTeE8 Anna Netrebko, Paolo Carignani (dm), Bayerisches Staatsorchester, 2014 OPÉRA DE LIMOGES Anne Thorez Chargée des actions éducatives et culturelles / accessibilité 05.55.45.95.11 educatif@operadelimoges.fr www.operalimoges.fr 16
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