Mary Poppins : croire c'est pouvoir - Reforme.net

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Publié le 18 décembre 2020 (Mise à jour le 2/02)
Par Sophie Esposito

Mary Poppins : croire c’est pouvoir
Vendredi 25 décembre, soyez légers et défiez les lois de la pesanteur ! Avec la
soirée spéciale Mary Poppins sur M6, passez un moment familial magique en
(re)découvrant l’apparition et le retour de la dame au parapluie !

Comédie musicale féérique qui mélange des séquences réelles et animées, Mary
Poppins est sorti en 1964. Le film de Robert Stevenson, 23ème long-métrage
d’animation des Studios Disney, est un immense succès artistique, émotionnel et
commercial, récompensé par 5 Oscars. C’est à la fois l’œuvre la plus personnelle
de Walt Disney et son testament cinématographique. C’est un monument musical
plein d’humanité. Bref, tout comme le terme «supercalifragilisticexpialidocious»
imaginé pour le film, il faudrait inventer un super-superlatif pour parler de son
impact considérable! Rien d’étonnant à ce que les Studios Disney aient longtemps
planché sur une suite qui sortira finalement en 2018, plus de cinquante ans après,
avec Rob Marshall à la réalisation. Rien d’étonnant non plus à ce que Le retour de
Mary Poppins interroge nos esprits. La plus célèbre des nounous anglaises est-
elle intemporelle ? Peut-on être et avoir été ? Saura-t-elle parvenir encore à nous
émerveiller, à nous émouvoir et à s’affranchir de sa majestueuse première
apparition : celle d’une dame au parapluie, messagère du pouvoir de l’imaginaire
et de l’amour !

Une adaptation librement adaptée des
romans
A l’origine, il y a le succès littéraire de Pamela L. Travers que Walt Disney lisait
dans les années 40 à ses filles qui en raffolaient. La romancière a décliné en 8
tomes les aventures de son héroïne qui se déroulent en 1910 en Angleterre, à la
fin de l’époque édouardienne, dans un contexte de dépression économique et
sociale. Très attaché à s’approprier cette histoire, dans laquelle il décèle un gros
potentiel cinématographique, Walt Disney obtient les droits d’adaptation après
une longue période de tractations avec la romancière, ce qui fait d’ailleurs l’objet
du documentaire « Dans l’Ombre de Mary » réalisé en 2013 par John Lee
Hancock. Egalement diffusé lors de la soirée Mary Poppins sur M6, ce faux biopic
passionnant est aussi, ne soyons pas naïfs, destiné à convaincre le grand public de
la bonne foi et du respect de Walt Disney envers l’œuvre littéraire d’une vieille
australienne présentée comme acariâtre…

Librement adapté des livres de Pamela L. Travers donc, nettement moins
caustique notamment, Mary Poppins -le film- se déleste du contexte socio-
économique pesant. Il fait l’éloge d’une étonnante et charmante gouvernante,
ferme et espiègle, qui satisfait aussi bien les besoins des parents que ceux des
enfants. Cette jeune femme élégante, aussi stricte qu’imaginative, est comme le
vent d’est qui la dépose à la porte des maisons bourgeoises londoniennes: une
bourrasque fraîche et vivifiante qui vient faire le ménage dans des vies devenues
chaotiques. Malgré la rigueur apparente de ses mots (ordres ou leçons de
morale), sa tendre bienveillance touche évidemment les enfants (Jane et Michael)
qui cachent leur tristesse, mais aussi et surtout les parents (les époux Banks), qui
semblent s’être perdus en chemin…

La critique d’une mode d’éducation
traditionnel
Apparue pour gérer deux enfants désobéissants, Mary Poppins pallie surtout à
leur manque d’affection : celle d’un père banquier, austère et sévère et d’une
mère suffragette, mondaine et absente. Fantasque et magicienne, elle transforme
leur morne quotidien, y apporte de la fantaisie et ramène l’amour dans le foyer.
Impossible de ne pas voir la critique sous-jacente d’un mode d’éducation
traditionnel, rigoureux et désincarné, où les enfants ne sont pas vraiment dignes
d’intérêt tant qu’ils ne s’intéressent pas aux activités sérieuses et aux règles des
adultes ! Mary Poppins reconstruit les liens cassés avec le monde de l’enfance et
incarne un nouveau modèle d’adulte attentif, empathique et séduisant. Sévère et
souple en même temps, elle apaise, amuse et protège.
Un souffle contestataire, un vent de
liberté
Plus encore, elle réussit à transformer, avec un souffle contestataire assez
réjouissant, l’ensemble des règles strictes, militaires, capitalistes et patriarcales
qui régissent la société au début du film. Elle libère la parole, le chant, favorise le
lien avec les domestiques, entraîne l’affirmation des personnalités et incarne la
joie de vivre! Jusqu’à l’incroyable séquence de la danse des ramoneurs sur les
toits : des hommes heureux qui n’ont aucun compte à rendre, et surtout à
personne ! Elle fait souffler un vent de liberté qui renverse les convenances, les
règlements et la hiérarchie et qui se propage à tous les personnages: les
domestiques, la mère puis le père pourtant si conventionnel et conformiste …

Un nouveau modèle de couple qui prône le
bonheur familial
Julie Andrew a reçu une ovation pour son interprétation de Mary Poppins. Tout
comme Dick Van Dicke pour son rôle de Bert, l’artiste de rue touche-à-tout
capable de démarrer un nouveau métier chaque jour. Développé par les Studios
Disney, il est le pendant masculin, attentif, droit et juste, de Mary Poppins. Sans
attache mais très complice, ce binôme qui ressemble à un couple non marié, sans
enfants et qui flirte gentiment incarne d’ailleurs un modèle beaucoup plus attirant
que celui des époux Banks, légitime, installé, coincé dans ses obligations. Ce sont
eux qui rappellent pourtant de profiter de chaque petit bonheur et que la famille
constitue la plus belle richesse. Evidemment, l’énigmatique gouvernante
disparait, comme elle est apparue, une fois le bonheur familial retrouvé !

Elle veille toujours et protège du haut du
ciel
Bien des années plus tard mais toujours au 17 Allée des Cerisiers, la Dame au
parapluie va réapparaître car l’année n’a pas été douce pour la famille Banks. Elle
n’a pas vieillie alors que le petit Michael a bien grandi. Il est devenu à moitié
peintre et à moitié guichetier de banque. Père de trois enfants, il pleure la perte
récente de sa femme Kate et sa vie semble s’être s’écroulée depuis…
Constamment débordé, malgré l’aide de sa sœur Jane investie auprès des plus
démunis, il est criblé de dettes et risque d’être dépossédé de sa maison familiale
déglinguée, à moins de retrouver très rapidement son certificat d’actionnaire de
la banque, légué par son père.

Une résurrection quasi miraculeuse
Entre la difficulté de faire le deuil et le contexte socio-économique de la Grande
Dépression, on comprend que la merveilleuse nounou descendue des cieux, figure
même de la bonté, reprenne du service pour aider la famille à retrouver légèreté
et clairvoyance, confiance en elle et imagination créatrice. Sa réapparition,
comme une messagère protectrice, sera annoncée par son fidèle allié l’allumeur
de réverbères, celui qui montre le chemin à suivre dans les allées obscures de la
ville…

Et on ne pouvait rêver meilleure comédienne que Emily Blunt pour prendre la
relève de l’immense Julie Andrews. Un peu plus pincée et moins jeune, avec un
demi-sourire gracieux qui contient une pointe de mélancolie, elle parvient à se
différencier de l’ancienne version tout en nous donnant l’impression de retrouver
le personnage. So british, orgueilleuse, jamais sentimentale et tellement
émouvante, nous l’acceptons immédiatement comme la nouvelle Mary Poppins,
presque un petit miracle !

Rien n’est                   impossible,                  pas         même
l’impossible
Navigant entre deux eaux, entre le remake et la suite, le retour de Mary Poppins
dégage un doux parfum rétro, enchevêtrant des hommages nostalgiques (les
lieux, l’Amiral, les chansons) dans une forme moderne. Tourné vers le music-hall,
avec une belle inventivité chorégraphique, Rob Marshall (qui avait lui-même été
ensorcelé par Mary Poppins) n’élude pas la visée politique de son histoire. A
travers les mielleux sourires hypocrites de l’héritier de la banque (joué par Colin
Firth), il dénonce l’effroyable cynisme d’un mauvais capitalisme financier
triomphant au service de ses actionnaires… tout en réaffirmant les vertus d’un
bon capitalisme paternaliste et bienveillant qui doit rester au service du peuple.
Balayant avec de jolies bourrasques visuelles le champ trop balisé de l’impossible,
on retrouve le credo si réjouissant du film original : célébrer l’enfance et le
pouvoir de l’imaginaire qui permettent d’oublier ses problèmes et de s’élever. De
s’envoler même, le cœur léger comme un ballon… La nouvelle apparition de Mary
Poppins, au sillage plus conservateur, laissera sans doutes moins de traces que
son mystère originel mais ne boudons pas notre plaisir. Faut-il rappeler comme
c’est agréable, en ces temps de restrictions culturelles, de regarder des films qui
savent combien on peut faire du cinéma une fête !

Sophie Esposito

À voir
Soirée Mary Poppins et Le Retour de Mary Poppins, le 25 décembre à partir de
21h05 sur M6.
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