CATALOGUE RAISONNE DES CITATIONS LITTERAIRES FIGURANT DANS L'ŒUVRE D'EMILE GALLE (ECRITS ET PRODUCTIONS ARTISTIQUES)

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Melle Camille De Coster
46 rue Servan
75011 Paris
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                        CATALOGUE RAISONNE

DES CITATIONS LITTERAIRES FIGURANT DANS

                     L’ŒUVRE D’EMILE GALLE

      (ECRITS ET PRODUCTIONS ARTISTIQUES)

Servant une thèse de doctorat sous la direction de M. Bertrand Marchal (Paris IV-Sorbonne).

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          Ce travail est consacré à Emile Gallé, chef de file de l’Ecole de Nancy, et artiste dont les
créations de verre ou de bois appartiennent aux réalisations majeures de l’Art Nouveau. La plupart
des ouvrages ayant trait à cet homme évoquent sa passion pour la littérature, mais aucune étude
globale sur l’ensemble des citations qui l’ont inspiré n’a été jusqu’à ce jour effectuée, bien
qu’elles fassent partie intégrante de l’œuvre et de la pensée du verrier. C’est dans le but de pallier
cet oubli, et d’aider à une meilleure compréhension de l’homme et de l’artiste, que ce travail a été
entrepris. Son aspect documentaire peut, éventuellement, permettre de faciliter des recherches
futures, relatives au rapport du verrier avec certains textes.
          Bien évidemment, notre inventaire est forcément restrictif et n’offre qu’une vision
partielle de l’œuvre et de la personnalité de Gallé, dont les goûts et implications divers allaient au-
delà du domaine littéraire1. Ainsi avons-nous laissé de côté ses recherches techniques et
scientifiques (essentiellement botaniques), de même que ses activités d’industriel. Concernant ces
différents thèmes, on peut se référer avec profit à d’autres ouvrages et travaux2.
          De plus, nous avons choisi de limiter cette étude à la littérature francophone du 19e siècle,
ce qui nous permet de présenter l’artiste dans son époque. Pour les autres textes (littératures
religieuse, latine, étrangère ou française antérieure au 19e) on peut consulter le livre de François
Le Tacon L’Œuvre de Verre d’Emile Gallé3, ainsi que les ouvrages et articles de Françoise-
Thérèse Charpentier et Philippe Thiébaut et divers travaux universitaires4.

          Notre recherche se base essentiellement sur le témoignage le plus concret que Gallé nous
a laissé de sa passion pour la littérature : les nombreuses citations qu’il a gravées sur ses œuvres
(de verre, bois ou porcelaine), ou dont il a émaillé ses écrits.

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          Gallé était aussi passionné par le théâtre et la musique, mais nous n’avons évoqué que brièvement ces
éléments, concentrant volontairement notre étude sur l’aspect littéraire.
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          Cf. François Le Tacon, Emile Gallé ou le Mariage de l’Art et de la Science, Paris, Messene, 1995 ; J.-G.
Bodenreider, Emile Gallé le botaniste, thèse de Pharmacie, sous la direction de P. Labrude, Nancy, Université Henri
Poincaré, Nancy I, 2000 ; Sophie Junes, L’Art et les plantes : Emile Gallé, poète, botaniste et maître verrier, thèse de
Pharmacie, sous la direction de M. Koch, Paris, Université Paris-V René Descartes, 1994 et François Le
Tacon, L’Usine d’art Gallé à Nancy, Nancy, Association des Amis du Musée de l’Ecole de Nancy, 2001.
3
          François Le Tacon, L’Œuvre de Verre d’Emile Gallé, Paris, Messene, « Beaux livres », 1998, pp. 200-213.
4
          Cf. Laure Swaenepoel, Emile Gallé et la littérature, mémoire de master II d’histoire de l’art, sous la
direction de Ségolène Le Men, Nanterre, Université Paris-X, 2008 et Marie-Laure Gabriel, Les verreries parlantes
d’Emile Gallé, mémoire de master I d’histoire de l’art, sous la direction de Bertrand Tillier, Paris, Université Paris-I
Panthéon-Sorbonne, 2007.

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            Leur importance réside dans le fait qu’elles sont partie prenante de la création artistique,
puisque Gallé semblait parfois créer une pièce après avoir été subjugué par un passage littéraire. Il
est difficile de déterminer ce qui le séduisait de prime abord : thème, sonorité, image ? En effet
                       Combien singulier l’ascendant soudain de la phrase qui nous heurte au détour d’une lecture ; ce
            n’est plus, alors, la pesée d’une expérience collective qui nous fait céder (comme c’est le cas pour les
            proverbes), c’est, au-dedans de notre plus intime préférence, l’intervention doucement persuasive d’une
            autre personnalité, déclenchant fraternisation.5

            Cette « fraternisation » entre deux pensées, deux sensibilités, l’artiste a dû la ressentir
profondément : recopiant fréquemment des fragments de textes (dans le but d’une utilisation
future ou, parfois sans doute, pour son simple plaisir), les réemployant quelquefois dans son
œuvre ou sa correspondance. La phrase choisie devenant
                      […] formule, isolat dans le texte. La relecture la [déliant] de ce qui précède et de ce qui suit. Le
            fragment élu se [convertissant] lui-même en texte, non plus morceau de texte, membre de phrase ou de
            discours, mais morceau choisi, membre amputé ; point encore greffe, mais déjà organe découpé et mis en
            réserve.6

            Cette « amputation » devenant effectivement un « organe vivant » que le verrier a
« transplanté » dans certaines de ses créations, leur insufflant une vie propre car la

                      […] citation est exemplairement une phrase : la moindre unité de langage autonome et fermée
            sur elle-même. La phrase vit : on peut la transplanter ; ce n’est pas la tuer mais seulement la mettre en
            demeure. D’ailleurs, et mieux encore, elle bouge toute seule […]7

            Ce « mouvement » conservé par la phrase, le fragment cité, se retrouve nettement dans
l’œuvre : réinterprétée, greffée sur un autre support, la phrase continue alors de vivre, entame une
nouvelle existence avec une visibilité neuve, offerte par son nouveau support.
            De plus,
                       Il n’y a pas d’œuvre individuelle. […] L’œuvre d’un individu est une sorte de nœud qui se
            produit à l’intérieur d’un tissu culturel au sein duquel l’individu se trouve non pas plongé mais apparu.
            L’individu est, dès l’origine, un moment de ce tissu culturel. Aussi bien, une œuvre est-elle toujours une
            œuvre collective.8

            Cette évocation de la citation par Butor résume assez bien le rapport de Gallé à ses
« verreries parlantes » : non pas créations nées de ses seuls imaginaire et talent, mais porteuses des

5
        L. Massignon, Parole donnée, Paris, Union générale d’éditions, 1970, p.436, cité par Antoine Compagnon in
La Seconde main ou le travail de la citation, Paris, Seuil, 1979, p.24.
6
        La Seconde main ou le travail de la citation, Op. Cit., p.18.
7
       Id., p.31
8       1
        Michel Butor, L’Arc, n° 39, numéro spécial sur Michel Butor, Aix-en-Provence, 1969, p.2, cité par Antoine
Compagnon in La Seconde main ou le travail de la citation, Op. Cit., p.91.

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mots et des pensées d’autres artistes admirés/aimés. Souvent d’ailleurs, le nom de l’auteur de la
citation est intégré à cette dernière : le verrier ne cherche pas le plagiat mais bien l’hommage,
revendiquant ainsi l’écho d’une sensibilité.
          C’est pourquoi il nous a semblé nécessaire de répertorier en détail, sous la forme d’un
catalogue raisonné, l’ensemble des citations que l’artiste a choisi d’extraire d’œuvres littéraires du
19e siècle.
          Ce référencement fait suite à celui effectué précédemment par François Le Tacon9 :
certaines localisations des œuvres ainsi que leur provenance ont, dans de rares cas, été reprises
telles quelles. Nous avons en revanche choisi de modifier et compléter ces données en y ajoutant,
d’une part, les citations sur les œuvres de bois et de céramique, d’autre part, les citations faites par
Gallé dans ses écrits publiés10 ou manuscrits11. Cela entraîne parfois des redites (de nombreuses
citations ayant été utilisées à la fois dans des œuvres et des écrits), mais permet aussi d’avoir une
vision plus globale des goûts et préoccupations de l’artiste. En effet, certains textes ou auteurs
n’apparaissent que dans des manuscrits, de plus, ces éléments constituent parfois des projets
d’œuvres, non réalisées à cause de la fin prématurée du verrier, ce qui ajoute à leur importance.
          En définitive, l’artiste a utilisé plus d’un tiers des citations que nous avons répertoriées
dans des pièces connues, le reste ne figurant que dans ses écrits. Cela ne veut pas dire que
certaines n’ont pas figuré aussi dans des œuvres, mais nous n’avons aucune certitude quant à leur
réalisation. Ainsi, il existe une vingtaine de citations qui semblent avoir été bel et bien été inscrites
sur d’autres « verreries parlantes », mais l’existence de ces vases n’est pas prouvée de manière
probante.
          Il est aussi évident que les documents d’Emile Gallé actuellement accessibles au public
ne constituent probablement qu’une partie des écrits et de l’œuvre de l’artiste. Ce répertoire est
9
           Cf. François Le Tacon, L’Œuvre de Verre d’Emile Gallé, Op.Cit., pp. 200-213.
10
           Emile Gallé, Ecrits pour l’Art : Floriculture, Art décoratif, Notices d’expositions (1884-1889), avec une
préface de       Françoise-Thérèse      Charpentier ainsi     qu’une      iconographie, Marseille, éditions   Jeanne
Laffitte, 1998, Réimpression de l’édition de Paris, 1908, que nous appellerons : Ecrits pour l’Art.
     Et : Gallé Emile, Marx Roger, Lettres pour l’Art, Correspondance 1882-1904, Op.Cit., que nous appellerons :
     Lettres pour l’Art.

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           Fonds Roger Marx, cartons X et XI, Bibliothèque de l’Institut National d’Histoire de l’Art, département de
la Bibliothèque et de la Documentation, collections Jacques Doucet ; Nouvelles Archives françaises, cabinet des
Manuscrits occidentaux, Bibliothèque Nationale de France (BnF, Mss, Nafr) ; manuscrits de la Bibliothèque de
l’Institut de France ; fonds Paul Nicolas, musée de l’Ecole de Nancy et fonds Emile Gallé, Département des arts
graphiques, musée d’Orsay.

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donc fatalement incomplet, mais est, à ce jour, le plus exhaustif possible.
         L’intérêt de ce travail réside avant tout dans la démarche de remise en contexte des
citations : bien que l’artiste ait choisi de ne dégager que quelques mots d’un texte, il a forcément
été imprégné par ce qui les entoure immédiatement (phrase, paragraphe, poème complet,…) voire
par l’ensemble de l’œuvre, d’où l’importance à notre sens de replacer ces éléments épars dans leur
« milieu d’origine ». Ainsi, lorsque cela a été possible (pour les textes courts) nous avons donné
l’intégralité du texte englobant la citation ; sinon, nous l’avons reproduit en partie, parfois en le
tronquant, mais en essayant toujours d’en garder le sens général intelligible.
         Nous avons fait suivre ce recensement d’un classement thématique, visant à éclairer les
sujets de prédilection de l’artiste. Cette description permettant de faire, en conclusion, quelques
remarques concernant les thématiques principales des œuvres.

         Si ce catalogue constitue le cœur de notre travail, il nous est apparu indispensable
d’envisager aussi au préalable la vie d’Emile Gallé, afin de mieux appréhender les influences
principales ayant déterminé sa sensibilité littéraire et artistique. La première partie de notre thèse
revêt donc un aspect ouvertement biographique.
         En effet, que ce soit par son éducation dans une famille protestante de Lorraine ou par
ses amitiés artistiques, Gallé a forgé œuvre originale, fortement marquée par sa formation
intellectuelle. On retrouvera donc de nombreuses personnalités de l’époque proches du verrier,
entre autres Barrès, les Goncourt, Montesquiou ou Proust, dont les écrits et/ou la fréquentation ont
été décisives dans son processus créatif. De plus, l’artiste a pris position dans les évènements de
son temps (affaire Dreyfus, génocide arménien, conflit irlandais, etc.), notamment par le biais de
créations inspirées par la littérature. Nous avons donc abordé ces épisodes indissociables de l’art
du verrier.
         Les thématiques principales de l’œuvre reflètent l’homme : un artisan, marqué par son
terroir, par ses fréquentations et par ses amis, mais aussi un artiste ayant mené son œuvre dans un
isolement relatif.

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