Médiations numériques : jeux vidéo et jeux de transfert - Numilog

 
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Médiations numériques :
jeux vidéo et jeux de transfert
Ont collaboré à cet ouvrage

        Bruno Berthier
     Benjamin Bravermann
       Florent Cosseron
        Florent Faugère
        Simon Galopin
       Florian Houssier
       Vincent Le Corre
         Yann Leroux
        Marie Souchard
         Michael Stora
         Arnaud Sylla
     Xanthie Vlachopoulou
Sous la direction de
                                  Marion Haza

Médiations numériques :
jeux vidéo et jeux de transfert

Préface de Sylvain Missonnier
Conception de la couverture :
                                                  Anne Hébert

                                   Version PDF © Éditions érès 2019
                                  CF - ISBN PDF : 978-2-7492-6261-1
                                 Première édition © Éditions érès 2019
                          33, avenue Marcel-Dassault, 31500 Toulouse, France
                                         www.editions-eres.com

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Table des matières

Préface
Sylvain Missonnier............................................................ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       7
Introduction
Florian Houssier, Xanthie Vlachopoulou................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

                                                                                  I
                               Numérique et psychothérapies :
                             quelles déclinaisons ? Quels enjeux                                                                        ?

Les jeux vidéo dans les psychothérapies psychanalytiques
Yann Leroux......................................................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Quand l’objet vient de l’écran, comment penser les médiations
contingentes par l’entremise du jeu vidéo en séance
Florent Faugère. ................................................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
« On peut jouer au pc ?... »
Jeu vidéo, rêveries et autres transformations
Vincent Le Corre. .. ............................................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
                                                         Médiations numériques : jeux vidéo et jeux de transfert

                                                        II
                                           Le clinicien et le jeu vidéo
                                     en psychothérapie individuelle

Minecraft, le jeu vidéo populaire
devenu médiateur thérapeutique
Bruno Berthier.. ........................................................................ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Le jeu vidéo comme miroir dans la relation thérapeutique
Yann Leroux............................................................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
« L’enfant, le thérapeute et la petite abeille » :
un conte issu de Shapik: the Quest
Marion Haza. ........................................................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Machinarium, un jeu vidéo
pour mettre du jeu dans l’impasse
Arnaud Sylla................. ............................................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
« Grands, beaux et forts », Dragon Mania Legends
en psychothérapie
Marion Haza. ........................................................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207
Sword Art Online, l’anime comme support initiatique
et thérapeutique
Simon Galopin......................................................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231

                                                                              III
                                             Dynamiques de groupes
                                            et médiations numériques

« Farmer » des mots avec Life is Strange
Arnaud Sylla................. ............................................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Table des matières

Le jeu vidéo à l’adolescence, un point de départ
pour une alliance thérapeutique
Groupe de soin pour jeunes joueurs excessifs
Marie Souchard................................................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
La liberté guidant le je(u), autour du jeu
The Legend of Zelda: Breath of the Wild
Benjamin Bravermann, Florent Cosseron.. ............. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
Médiation et jeu vidéo : une narration sensorielle
« Ico, c’est moi »
Michael Stora....................................................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
Conclusion
Marion Haza. ......... ............................................................ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341
Préface

Du général au particulier :
un tournant épistémologique stratégique

     Ce livre témoigne avant tout d’une étape de maturité significa-
tive dans l’émergence d’une véritable psycho(patho)logie psychana-
lytique francophone du virtuel quotidien : il n’est plus question ici
de propos généralistes sur les jeux vidéo et leurs usages, mais il s’agit
bien de témoignages cliniques précis de thérapeutes engagés dans la
médiation numérique avec des jeux singuliers. Un long chemin a été
parcouru avant d’en arriver là !
     Il faut rappeler en effet qu’à l’exception de pionniers se comp-
tant sur les doigts des deux mains, la communauté hexagonale des
psychiatres et des psychologues est restée, jusque dans les années
2000, très frileuse pour relever le défi d’une pensée clinique des
usages du numérique. Elle oscillait le plus souvent, sans grande créa-
tivité, entre dénonciations alarmistes et émerveillement naïf, entre
technophobie et technophilie. La menace de confusion entre usage
gourmand des jeux vidéo et addiction restera aussi une marque
caractéristique de la vision étroite de cette époque avec ses malen-
tendus culturels inhérents, le plus souvent, à des incompréhensions
générationnelles.
8                       Médiations numériques : jeux vidéo et jeux de transfert

     Avec un peu de recul, cette position corporatiste obscurantiste
s’impose finalement comme un cas particulier d’une incapacité
beaucoup plus large de l’intelligentsia française à penser l’intégra-
tion symbolique de la technique dans la culture depuis l’Encyclo-
pédie de Diderot, dernière tentative réussie en la matière. Gilbert
Simondon (1958) et ses héritiers (Barthélémy, 2014) ont bien décrit
les lourdes conséquences sociétales de cette impasse. De son côté,
André Leroi-Gourhan (1945, 1964) a illustré la fécondité en préhis-
toire de cette intégration, et Harold Searles (1960) a fait de même
en clinique avec sa plaidoirie, trop méconnue, en faveur de la recon-
naissance de « l’environnement non humain ».
     Chemin faisant, le passage au troisième millénaire a été plus
fructueux. Des témoignages convaincants de cliniciens, argumentant
les vertus thérapeutiques d’une ouverture de leur cadre à la réalité
psychique de l’usage du numérique de leurs patients de tout âge,
ont ouvert la voie en direction des plus rétifs. Simultanément, des
récits probants de cas de médiation par les jeux vidéo ont bénéficié
d’une meilleure audience que les expériences inaugurales quelques
années auparavant, et ils ont permis de premiers échanges entre prati-
quants. Enfin et surtout, le dynamisme de jeunes collègues issus de
la génération des digital natives a donné un souffle nouveau à ce
champ émergent : les promoteurs ne sont plus seulement de « vieux
schnocks » (j’en suis un !) qui s’intéressent aux jeux vidéo de leurs
enfants/adolescents alors qu’eux-mêmes ont grandi avec d’autres
jeux. Non, ils sont des ex-enfants, adolescents, dont le goût – souvent
la passion – pour cette forme d’activité ludique est une constante et,
aujourd’hui, une actualité personnelle et sociale.
     Pour toutes ces raisons et quelques autres (Vlachopoulou et
Missonnier, 2015), on a assisté, depuis les années 2000, à une progres-
sive montée en puissance de la curiosité de la communauté « psy »
pour ce domaine. La découverte de la déjà ancienne cyber-­psychology
anglosaxonne et une ouverture salvatrice à l’interdisciplinarité ont
donné de la consistance à ce mouvement. L’émergence d’associations,
de colloques, de formations privées, d’enseignements universitaires,
Préface                                                               9

etc., ont donné une extension visible d’envergure à ce qui, précédem-
ment, était certes vivace mais plus underground, à l’image des listes
de diffusion, forums, sites Web historiques.
     De ma fenêtre d’universitaire, c’est la survenue de soutenances de
thèses, attestant de recherches cliniques approfondies et synonymes
de publications d’articles dans des revues de qualité, qui authentifie
le plus ce virage. Cette production scientifique émergente commence
enfin à combler petit à petit le vide français sur des sujets majeurs
de psycho(patho)logie du virtuel quotidien où les revues de la litté-
rature étaient jusqu’à présent quasi exclusivement le catalogue de
travaux étrangers. Finalement, cet essor en secteur a stimulé les efforts
d’une communauté de professionnels de la santé mentale dans son
ensemble pour prendre conscience de ses idées préconçues et s’ouvrir
à la complexité de l’usage des outils numériques en général et des jeux
vidéo en particulier. Et, aujourd’hui, nous entrons dans une période
de pérennisation de l’activité dans ce domaine, comme l’illustrent
la multiplication des médiations numériques sur le terrain ainsi
que les premières nominations à l’université de maîtres de confé-
rences en psychologie clinique répondant à un profil centré sur la
psycho(patho)logie du virtuel quotidien.
     Tout n’est pas rose pour autant ! Ces îlots de reconnaissance
sont inévitablement indissociables de conflits entre cliniciens déjà
bien engagés dans cette mouvance, et ceux qui restent défensivement
circonspects.
     C’est en cela que cet ouvrage fait date : sa coordinatrice et ses
auteurs ne sont plus parasités par cette polémique clivante, datée,
entre anti et pro. Fort heureusement, cet affranchissement laisse
la place à un plein déploiement de leur créativité en faveur d’une
clinique transféro/contre-transférentielle de la médiation numérique.
D’ailleurs, l’indéniable qualité des récits cliniques présentés dans cet
ouvrage sera le meilleur argument pour emporter l’adhésion des plus
sceptiques en faveur de la légitimité psychanalytique de thérapies
médiatisées par un jeu vidéo. Il est question ici non plus de géné-
ralités justificatives sur l’usage des jeux vidéo en clinique mais bien
10                      Médiations numériques : jeux vidéo et jeux de transfert

d’interrogations affûtées sur leurs potentialités à s’insérer comme
espace-temps d’une médiation répondant strictement au cadre d’un
dispositif thérapeutique psychanalytique (Roussillon, 2014). Dans
cet esprit, la majorité des chapitres de cet ouvrage décrit avec beau-
coup d’acuité les formes, toujours singulières, d’une configuration
transféro/contre-transférentielle d’un jeu précis : Shapik: the Quest ;
Machinarium ; The Legend of Zelda ; Limbo ; Minecraft ; Dragon
Mania Legends ; Sword Art Online ; Life is Strange ; Ico, etc.
     À cet égard, une récurrence s’impose dans ces textes : à juste
titre, les auteurs dépensent beaucoup d’énergie pour offrir au lecteur
une description phénoménologique détaillée des différents aspects
du jeu. Cet effort est crucial, car c’est lui qui permet au lecteur,
secondairement, de bien comprendre les composantes projectives et
transférentielles uniques mises en relief par la rencontre clinique.
     À ce sujet, on constate aussi, au fil des pages, combien le choix
du matériel avec ses spécificités ergonomiques (console, tablette,
ordinateur, smartphone, etc.) mais aussi l’agencement spatial de la
médiation viennent surdéterminer le cadre tout autant que le choix
du jeu. Ces éléments mériteront désormais autant d’attention que le
choix et la description du jeu.
     Bref, c’est bien d’une clinique « sur-mesure » qu’il s’agit ici, où
les choix du thérapeute d’un jeu, d’un support, d’une configuration
spatiale, etc., s’enracinent dans une logique de préconception interpré-
tative fondée sur la singularité d’une réalité psychique partagée, un
processus thérapeutique évolutif de « copensée » (Widlöcher, 2013).
     En d’autres termes, la lecture transversale de l’ouvrage confirme
la constitution en cours d’un véritable champ spécifique en plein
bouillonnement créatif. Et, caractéristique des plus savoureuses en ces
temps d’interrogations épistémologiques épineuses et de mièvreries
intégratives, le référentiel est ici résolument « psychanalytique » !
Préface                                                                 11

Les médiations numériques :
un laboratoire psychanalytique heuristique

     Et c’est bien là le second motif de ma satisfaction à préfacer ce
collectif : il s’agit sans ambiguïté d’un ouvrage de clinique psychana-
lytique dédié à la médiation numérique. Or, si les psychiatres et les
psychologues français reviennent de loin en matière de compréhen-
sion clinique des usages du numérique, il en est aussi tout autant avec
les médiations en général dans le soin psychique. En effet, jusqu’à
il y a peu, les témoignages institutionnels de médiations thérapeu-
tiques et la littérature à ce sujet laissaient souvent perplexe le clinicien
soucieux d’une clinique rigoureuse du transfert et d’une ambition
métapsychologique. Pour bien me faire comprendre, je dirai sans
détour que j’ai croisé dans ma carrière des ateliers de médiation en
institution, ou encore des récits de cliniciens à l’occasion de reprises
cliniques, qui n’étaient pas très convaincants quant au fait que ces
dispositifs répondent suffisamment bien aux conditions d’un cadre
thérapeutique, a fortiori psychanalytique.
     Mais depuis une décennie, les temps ont bien changé là aussi.
Pour ma part, sans occulter la diversité des autres sources d’inspira-
tion possibles, ce sont les remarquables travaux des Lyonnais Bernard
Chouvier, René Roussillon et Anne Brun, qui ont redonné à mes
yeux un souffle théorico-clinique inédit à la conception et à l’ani-
mation de dispositifs psychanalytiques à médiation thérapeutique
(Brun et coll., 2011). Lors d’un récent colloque de la revue Cliniques
(2 octobre 2015), Anne Brun a délimité avec clarté les cinq attributs
auxquels un « dispositif-cadre » doit répondre positivement pour
aspirer à la rigueur d’une médiation psychanalytique. D’abord le
« dispositif-cadre » doit mettre en œuvre un médium qui réponde
à la malléabilité – 1er fil – (Milner, 1955) quand il est soumis à l’as-
sociativité non verbale sensori-motrice – 2e fil – au cœur d’un trans-
fert multimodal – 3e fil. Cette dynamique associative orientée par le
transfert permet une actualisation hallucinatoire de vécus traumatiques
archaïques, de vécus catastrophiques non encore symbolisés avec les
12                       Médiations numériques : jeux vidéo et jeux de transfert

objets premiers, « d’expériences sans sujet », selon l’heureuse expres-
 sion de Roussillon (2016).
      Les signifiants formels (Anzieu, 1987) hallucinés dans ce disposi-
tif-cadre sont à bien distinguer des fantasmes, ils s’imposent en quête
de sens et de dramatisation. C’est un message sans message dont le
sens est à coconstruire à travers le processus médiateur.
      L’intervision – 4e fil –, dont bénéficient après coup le(s) théra-
peute(s), n’est pas une option du dispositif-cadre, elle en est une
composante essentielle.
      Enfin, le 5e fil, c’est l’engagement dans un processus d’évaluation
de son dispositif-cadre. Anne Brun a montré l’exemple en proposant
un outil et une méthodologie respectueux des processus psychana-
lytiques inhérents à un cadre groupal de médiation picturale chez
des enfants présentant des troubles envahissants du développement
(Brun, 2014).
      J’avais en tête cette synthèse des apports de l’école lyonnaise en
lisant les différents chapitres de cet ouvrage, et je dois convenir que
la mise en perspective est passionnante car elle permet de mettre
en exergue la très grande richesse du médium jeu vidéo, juste-
ment pour ses qualités de malléabilité, d’associativité non verbale
­sensori-motrice, et ses possibilités de transfert multimodal. Mais ce
 sont sans doute les virtualités de l’espace-temps du jeu vidéo à favo-
 riser l’émergence des conflits psychiques inconscients en attente de
 symbolisation que ce médium démontre électivement à travers les
 contributions de ce livre. Tel jeu vidéo bien choisi par le thérapeute
 (indissociable d’un support matériel particulier et d’un setting spatial
 singulier) peut favoriser en effet l’actualisation hallucinatoire de vécus
 traumatiques archaïques dont l’espace partagé transféro/contre-trans-
 férentiel offre, dans le meilleur des cas, l’opportunité d’élaborations
 mutatives.
      De nouveau, à l’écart des généralités sur les jeux vidéo en général
 ou sur l’un d’entre eux en particulier, la clinique de la médiation
 numérique s’impose dans cet ouvrage comme celle, minutieuse,
 d’un microcosme transféro/contre-transférentiel où patient(s) et
Préface                                                              13

thérapeute partagent les splendeurs et les misères d’une partition
intersubjective, toujours singulière, initiée par une « attention
conjointe » (Werner et Kaplan, 1963 ; Aubineau et coll., 2015)
dédiée à un médium pertinent.

Work in progress !
     Quand chacun des auteurs de ce livre lira les chapitres des autres,
les conditions seront véritablement réunies pour envisager un débat
d’une haute tenue sur ce thème. Et elle est bien là, la troisième raison
de mon contentement à signer ce texte d’ouverture : cet ouvrage
constitue implicitement une promesse évidente d’un ambitieux
projet collégial de construction francophone d’une métapsychologie
vivante des jeux vidéo et de son évaluation thérapeutique. Plus expli-
citement, je voudrais profiter de cette préface pour inviter Marion
Haza à organiser un séminaire, un colloque, etc., dans le sillage de cet
ouvrage pour permettre la moisson féconde des effets d’après-coup
transversaux chez les auteurs mais aussi chez les lecteurs, cliniciens
affûtés en ce domaine ou débutants en rodage. Sans doute, l’Institut
du virtuel Seine Ouest (ivso) 1 dont la vocation est de « favoriser le
débat scientifique sur le rapport de l’humain au virtuel » pourrait
constituer un contenant adéquat en partenariat avec les sites univer-
sitaires concernés mais aussi avec les cliniciens de l’addiction aux jeux
vidéo 2. Et pour concrétiser le projet de Michael Stora pour le site
Web de l’ivso, le temps n’est-il pas aussi venu d’un espace Internet
où les praticiens de dispositifs psychanalytiques de médiation numé-
rique pourraient échanger, déposer leurs publications, à partir d’une
présentation/catégorisation affûtée des jeux vidéo utilisés ? C’est dans
la mouvance de cette spirale vertueuse que le cinquième attribut
d’une médiation psychanalytique bien tempérée – l’engagement
dans un processus d’évaluation clinique longitudinale – pourra se

1. http://1vs0.org
2. http://www.hopital-marmottan.fr/laguilde
14                          Médiations numériques : jeux vidéo et jeux de transfert

concrétiser. Cet objectif essentiel est indissociable de recherches
cliniques en réseau dont les auteurs de ce sommaire constituent une
amorce.
     Ces projets sont d’autant plus d’actualité, à mon sens, qu’il est
important que les fondations d’une culture psychanalytique franco-­
phone de la réalité virtuelle des médiations numériques en 2D
soient suffisamment établies avant que ne se répandent les déclinai-
sons immersives en 3D. Ces dernières sont d’ailleurs aujourd’hui la
chasse gardée d’une psychologie cognitivo-comportementale, et il est
grand temps que les porte-voix d’une approche psychodynamique
rejoignent les débats.
     Au fond, la vieille dame psychanalyse a de beaux jours devant
elle, n’en déplaise aux sceptiques. Pourquoi ? Quel est donc son
secret ? Car, au-delà des polémiques, elle se nourrit et se fortifie,
depuis l’invention de la cure-type, des défis propres à des confronta-
tions cliniques nouvelles. Successivement, la clinique des psychoses,
des adolescents, des groupes, des institutions, des états limites, des
sujets psychosomatiques, des bébés, des fœtus, etc., a mis à l’épreuve
les fondamentaux théorico-cliniques de la psychanalyse… et lui ont
donné l’occasion de conflits créatifs au profit de dispositifs-cadres
psychanalytiques mieux ajustés aux patients, aux familles, aux
groupes.
     Mon enthousiasme à l’égard de ce livre se situe bien là : il
déborde de ce dynamisme créatif typique des défricheurs de la
psychanalyse sans divan, abordant de nouveaux territoires inexplorés.
Et ce n’est qu’un début ! Les dispositifs psychanalytiques de média-
tion numérique constituent aujourd’hui un des laboratoires les plus
prometteurs pour dynamiser une psycho(patho)logie psychanalytique
ouverte et ingénieuse.
                                                   Sylvain Missonnier
           Psychanalyste spp, professeur de psychologie clinique de la périnatalité
      à l’université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, directeur du Laboratoire
      de psychologie clinique, psychopathologie, psychanalyse (pcpp ; ea 4056),
            coprésident de l’Institut du virtuel Seine Ouest (ivso), directeur de la
                          collection « La vie de l’enfant » chez érès, www.rap5.org.
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