Mélie au pays des mineurs du Limbourg - Mine d'Histoires

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Mélie au pays des mineurs du Limbourg - Mine d'Histoires
Minedhistoires.org
Le patrimoine pour tous
N°2/2014

Mélie au pays des mineurs du Limbourg

Le roman d’Odette Philippart « Tous contes faits – La Ballade
de Mélie » sorti en 2013 chez Ker éditions nous a séduits
autant par son écriture fluide et poétique que par l’intérêt du
sujet. Tout de suite, il nous a paru un moyen fabuleux d’entrer
dans le monde de la mine du Limbourg, que les francophones
de Belgique connaissent peut-être moins...

La vie de Mélie dans la cité-jardin

Mélie habite en Belgique, dans le Limbourg. Elle vit dans une cité minière avec ses parents et
son frère. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le travail dans la mine est perturbé par la
présence des Allemands. Il faut parfois se cacher dans les caves... Puis, c’est le départ au
pensionnat et la découverte de Prévert, la vie chez Grand-mère. Mélie est toujours en quête de
réponses, ne comprend pas tout ce qui lui arrive...

« C’est ainsi que, petit à petit, Mélie développe mille oreilles : une pour le cours, une pour la
vie secrète qui frémit de banc en banc, une pour la légèreté d’un clin d’oeil, une pour
échapper aux sanctions, une pour que puisse affleurer sa voix profonde, une pour
l’émerveillement d’une réponse en écho, une pour les fous rires dont elle a sa part, une pour
sa jalousie des meilleures rédactions, une pour les châtaignes qui grillent sur le couvercle du
poêle pendant la leçon de flamand et qu’elle est chargée de retourner quand elles brûlent. »
(p. 150)

Dans ce roman sensible et emprunt de poésie, Odette Philippart a réussi à faire renaître un
décor de cité-jardin, qu’elle n’a pas oublié puisque c’est une part de ses souvenirs qu’elle
relate : la vie dans une cité minière où les privilèges sont accordés selon les classes, où les
maisons sont agencées selon les fonctions des personnes qui travaillent dans la société, où les
Polonais côtoient les Italiens et les Belges flamands...

La grand-mère de Mélie habite en Wallonie, son langage est encore différent de celui qu’elle
rencontre au charbonnage. D’ailleurs, Mélie sera envoyée au pensionnat en Wallonie, car ses
parents vont veiller à ce qu’elle suive une scolarité en français :

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Coordination : Isabelle Istasse
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« Les parents de Mélie parlent français : à l’école, à la maison, à Liège chez les grands-
parents. Ceux-ci parlent wallon entre eux, se fâchent si papa risque un mot en liégeois : Ce
n’est pas ainsi qu’on vous a appris, m’fi. Mélie relève le m’fi. Le vous usuel en wallon. Elle
voussoiera dorénavant sa poupée préférée. Depuis toujours elle louvoie entre les mélodies de
langues diverses... » (p.33)

Mélie grandit, le temps passe et la cité change...

Un peu d’histoire

Ce roman a entre autres qualité de faire découvrir une région de Belgique qu’on connaît peut-
être peu, ou du moins qu’on ne connaît pas toujours pour des raisons patrimoniales... En effet,
la réputation de Maasmechelen Village n’est plus à démontrer. Les francophones se rendent en
masse dans ce coin du Limbourg pour faire leurs achats dans ce lieu qui rassemble un grand
nombre de boutiques chics. Mais connaissent-ils l’existence des cités minières et du passé
minier de cette région ? Sont-ils conscients que les boutiques ont été construites sur un ancien
site minier ?

Eisden est une des entités de Maasmechelen, située à l’est de la province de Limbourg, en
Belgique, dans une région appelée Campine. Celle-ci a vécu longtemps au rythme de la mine.
Comme le rappelle Francis Groff dans « Au coeur du charbon » (Francis Groff, Au coeur du
charbon – Histoire des mines et des mineurs en Belgique, Editions Acacia, Jamioulx, 2013), la
Campine comptera sept charbonnages : Winterslag (ouverture en 1917), Beringen (1922),
Eisden (1923), Waterschei (1924), Zwartberg (1925), Helchteren-Zolder (1930) et Houthalen
(1939).

Au 19e siècle, la région n’était pas très
peuplée. C’est la découverte du charbon
dans le sous-sol limbourgeois qui changera
la donne au début du 20e siècle. Autour des
exploitations seront créées de gigantesques
infrastructures : bâtiments d’extraction,
lignes de chemin de fer, logements pour les
employés et les ouvriers... « Au rayon des
infrastructures vitales pour le développement
économique de la région, on doit à
l’industrie minière limbourgeoise l’extension du réseau régional des chemins de fer et,
surtout, la construction du ‘canal charbonnier’ baptisé par la suite Canal Albert et qui relie
Liège à Anvers. » (Francis Groff, Au coeur du charbon, p.57)

Dès 1911, la cité de Eisden va connaître une expansion. Les premières maisons vont être
construites au sud-ouest du siège d’exploitation de la mine.

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Les mines du Limbourg dont celle de Eisden vont développer leurs activités malgré la
Première Guerre mondiale. Francis Groof précise qu’après la Première Guerre mondiale, « les
chantiers reprirent avec une vigueur redoublée. Cela nécessita toutefois de gros
investissements financiers pour faire bénéficier les mines campinoises des techniques les plus
modernes. Elles parurent aussi compter sur l’expérience de mineurs aguerris, venus en grande
partie des bassins wallons. » (Ibidem, p. 70)

Les mines passeront au travers de la crise des années 30, puis vint la Seconde Guerre
mondiale qui permettra aux Allemands de superviser la production. Après la guerre,
l’exploitation est à son apogée. C’est la période de « la bataille du charbon »...
La main-d’oeuvre arrive d’Italie, d’Europe de l’Est... Plus tard, on verra également des
travailleurs affluer du Maroc et de Turquie.

À partir de la fin des années 50, les exploitations enregistrent des pertes année après année
même si la Campine continue à produire énormément de charbon en regard de ses
homologues wallons. La situation commence à se dégrader vraiment dans les années 60 avec
« la fusion des charbonnages de Zolder et de Houthalen, puis la fermeture de Zwartberg et,
enfin, la création des KS – les kempense Steenkolenmijnen – qui regroupèrent les survivants,
à savoir Beringen, Eisden, Waterschei, Winterslag et Zolder. » (Ibidem, p.62)

C’est en 1987 qu’a fermé définitivement la mine à Eisden. Aujourd’hui, la région se
développe par le tourisme notamment. Le Parc national de la Haute Campine témoigne de la
vitalité de la région avec le développement d’activités « nature ». De nombreux musées ont vu
le jour pour témoigner de ce passé, comme à Beringen par exemple ou encore à Eisden même
avec le Musée de la maison du mineur - Museum van de Mijnwerkerswoning.

Eisden – Tuinwijk : une cité-jardin

La cité se développa surtout dans les
années 20 et 30 avec la construction de
maisons doubles comme celle dans
laquelle est installé le musée qui retrace
la vie du mineur à l’époque. Construite
en 1925, elle abrite une partie musée et
une partie dédiée aux archives.
Entièrement rénovée, elle propose des
mises en scène avec du mobilier typique
pour montrer ce qu’était la vie du
mineur à Eisden.

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L’association qui est derrière tout cela « Stichting Erfgoed Eisden » est là non seulement pour
développer les activités autour de ce patrimoine, par exemple avec des promenades dans le
quartier, mais elle veut aussi agir en sensibilisant la population locale pour la préservation de
la cité dont l’architecture homogène et le côté harmonieux appellent à la sérénité...

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les habitants d’aujourd’hui ressentent encore cette
plénitude. La construction aérée de cette « cité pavillonnaire » permettait aux travailleurs de
se sentir loin de leur travail dans la mine. Pour Francis Groff, les sociétés pensaient ainsi « se
prémunir contre deux phénomènes connus : l’absentéisme et la débauche des mineurs par des
sociétés concurrentes. » (Ibidem, p. 59)

Les rues sont étroites, la verdure est partout présente. Quand les arbres ne sont pas
directement plantés dans les rues, ils sont présents dans les jardins privés. Contrairement aux
autres cités-jardins, les maisons des employés et des ouvriers sont mélangées.

Autour de la place centrale furent implantées les installations communautaires. On peut y
trouver aussi des écoles (une pour filles, une pour garçons), un bureau de poste, un complexe
sportif, un kiosque... Aujourd’hui, on ne peut pas manquer l’imposante église construite en
1934, période du développement de la nouvelle cité.

Dès 1936, celle-ci va s’étendre encore avec la construction de 120 maisons d’employés-
ouvriers et 20 maisons pour le personnel-cadre. Ces maisons seront plus spacieuses mais le
côté charmant et pittoresque qu’on ressent dans la partie ancienne est moins présent.

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Un film réalisé par des jeunes pour (re)découvrir leur passé

Pour mieux comprendre leur passé et appréhender leur avenir, des jeunes de Maasmechelen
ont été invités à créer un petit film par l’intermédiaire d’associations locales. On peut y voir
entre autres la majestueuse église et le monument dédié aux morts dans la mine.

Une autre manière de découvrir les lieux, avec des témoignages d’habitants et des images
d’archives...

Voici tous les liens qui permettent de découvrir « Mijn Verleden » (en trois parties,
uniquement en néerlandais) :

http://www.youtube.com/watch?v=01oXhjRNeps

http://www.youtube.com/watch?v=p6Vvs8u2k08

http://www.youtube.com/watch?v=Mq1IuJpf2yA

Protéger ce patrimoine

Dans la région de Genk, non loin de Maasmechelen, de nombreuses associations se sont
constituées autour de ce patrimoine : C-mine, Het Vervolg, Erfgoedcel Mijn-Erfgoed,
Stichting Erfgoed Eisden, tuinwijk2020... Celles-ci défendent le patrimoine et mettent en
avant l’héritage laissé par les mineurs dans toute la région.

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Tous les acteurs de terrain attendent beaucoup d’une reconnaissance de l’UNESCO. Être
repris dans la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO signifierait un pas considérable dans
ce dossier. Depuis 2011, le Parc national de la Haute Campine ainsi que les sites miniers
environnants, repris sous la bannière « Hoge Kempen Rural – Industrial Transition
Landscape », sont inscrits dans la liste des Biens soumis à la Liste indicative de l’UNESCO.
C’est une première étape sur un chemin qui reste long, puisque cet inventaire constitue une
liste des biens que la Belgique pourrait décider de proposer pour inscription dans les années
qui viennent. Rendez-vous en 2020, donc...

Nous remercions vivement Odette Philippart pour son aide précieuse dans la collecte
d’informations sur la cité-jardin. J’ai entre autres été très inspirée par les articles de la revue
de « Stichting Erfgoed Eisden » et « Mijn Cité » qu’elle nous a fournis.

Isabelle Istasse

Au moins deux livres :

Odette Philippart, Tous contes faits – La Ballade de Mélie, Ker éditions, 2013.
Francis Groff, Au coeur du charbon – Histoire des mines et des mineurs en Belgique, Editions
Acacia, 2013.

Infos pratiques :

Museum van de Mijnwerkerswoning – Eisden
Marie-José-straat 3
3630 Eisden-Maasmechelen (Belgique)

Ouverture :
D’avril à septembre : les S. et D. de 14 à 18h
D’octobre à mars : les D. de 14 à 18h
Ouverture exceptionnelle sur rendez-vous : (0032) (0)89 76 98 88
www.erfgoedeisden.be

Pour prolonger, quelques sites Internet :

www.erfgoedeisden.be
Pour la revue « Mijn Cité » : www.erfgoedcelmijnerfgoed.be (onglet « publicaties »)
www.tuinwijk2020.be
Le Musée de la mine à Beringen : http://mijnmuseum.be
www.uitingenk.be (onglet « Héritage »)
Le Parc national de la Haute Campine : www.rlkm.be

Toutes les photos sont de Patricia Fontaine.

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