MISSION " FLASH " SUR LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE
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MISSION « FLASH » SUR LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE La Commission de la Défense nationale et des forces armées et la Commission des Affaires européennes ont confié respectivement à Mmes Natalia Pouzyreff et Michèle Tabarot une mission « flash » sur la coopération structurée permanente. Les deux commissions se sont réunies conjointement le mercredi 27 janvier 2021, sous la co-présidence de Mmes Françoise Dumas et Sabine Thillaye, Présidentes, pour examiner la présente communication. L’exposé des rapporteures a été suivi d’un débat. répercussions à l’intérieur de l’Union INTRODUCTION via les migrations et le terrorisme. À ces crises se sont ajouté, le 23 juin 2016, le La Défense n’a pendant longtemps pas « Brexit » et la blessure au cœur qu’il a été une priorité de l’Union constituée pour le projet européen. européenne, même si elle a été érigée C’est le « Brexit », justement, qui est à en politique européenne autonome – la l’origine de la relance de l’Europe de la Politique de sécurité et de défense défense. Dès le 27 juin 2016, la France commune (PSDC) – par le traité de et l’Allemagne, bientôt rejointes par Lisbonne (2007). Malgré le lancement l’Espagne et l’Italie, ont proposé à leurs de plusieurs opérations militaires partenaires un « Pacte européen de extérieures, nombre des dispositions sécurité », faisant du « Brexit » relatives à la défense sont ainsi restées l’occasion de relancer la construction lettre morte, comme ce fut le cas européenne dans un domaine très lié à pendant dix ans pour la Coopération la souveraineté nationale et jusqu’alors structurée permanente (CSP), tandis largement délaissé : l’Europe de la qu’une interprétation stricte des défense. Le sommet européen de dispositions budgétaires (article 41§2) Bratislava, en septembre 2016, a limitait drastiquement tout endossé cette proposition et marqué le financement européen dans le point de départ de multiples et domaine de la défense. importantes initiatives en la matière. Toutefois, la dégradation rapide de Ces initiatives, qui forment un tout l’environnement de sécurité de cohérent et constituent, ensemble, ce l’Union européenne, à partir des qu’on appelle l’Europe de la défense, années 2010, a obligé cette dernière à sont : donner à la défense l’importance qu’il − le Plan de développement des lui revient, répondant à la demande de capacités (ou, en anglais, CDP), qui protection des citoyens européens fixe les priorités en matière de face aux multiples crises qui la capacités de défense de l’Union frappaient. Les crises se sont en effet européenne ; multipliées, dans le voisinage de l’Union, au sud (« Printemps arabe », − la Revue annuelle coordonnée des guerre en Syrie, effondrement de la politiques de Défense (en anglais, Libye, instabilité du Sahel…) et à l’est CARD), qui vise à harmoniser les (annexion de la Crimée, déstabilisation politiques nationales de défense de l’Ukraine, agressivité russe aux afin d’atteindre les objectifs définis frontières européennes…) avec des par le CDP ;
2 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE − la Coopération structurée participants, elle symbolise la volonté permanente (CSP), qui est le cadre politique de construire ensemble de coopération entre les États- l’Europe de la défense. membres, au sein duquel sont mis Longtemps présentée comme une en œuvre les projets visant à « Belle au bois dormant » (Jean-Claude augmenter les capacités de défense Juncker), son lancement représente, en européennes ; lui-même, dix ans après la signature du − le Fonds européen de défense traité de Lisbonne, un succès dont il faut (FEDef), dont l’objet est de financer se féliciter. Toutefois, et même si les la recherche et le développement résultats de la CSP ne peuvent être en commun d’équipements de évalués que sur le long terme, la récente défense, incluant les projets de la Revue stratégique, réalisée par le CSP. Conseil le 20 novembre 2020, a mis en Parmi toutes ces initiatives, la CSP évidence certaines insuffisances de la occupe une place centrale. Lancée le CSP et les défis auxquels celle-ci devra 11 décembre 2017 et rassemblant tous répondre pour atteindre ses objectifs au les États membres (à l’exception de cours de la période 2021-2025. Malte et du Danemark), elle est En effet, la coopération n’est pas une aujourd’hui le cadre de coopération fin mais un moyen entre les mains des pour la mise en œuvre de 46 projets de États membres participants. À l’origine développement capacitaire, à la fois en des insuffisances de la CSP, il leur matière d’équipements militaires mais appartient de les corriger afin de lui également de capacités donner une réalité à la hauteur des opérationnelles. Fondée sur 20 ambitions affichées. Les propositions du engagements contraignants auxquels présent rapport pourraient les y aider. ont souscrit les États membres Voir ici l’enregistrement de la séance conjointe des deux commissions consacrée à l’examen du rapport. Rapporteure Rapporteure Mme Natalia Pouzyreff Mme Michèle Tabarot Députée des Yvelines Députée des Alpes-Maritimes (La République en Marche) (Les Républicains)
3 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE – « avoir la capacité de fournir, au plus LA COOPÉRATION STRUCTURÉE tard en 2010, soit à titre national, soit PERMANENTE : CADRE JURIDIQUE, comme composante de groupes multinationaux de forces, des unités de MISE EN ŒUVRE ET FINANCEMENT combat ciblées pour les missions envisagées ». LE CADRE JURIDIQUE En d’autres termes, la CSP poursuit à la fois Les dispositions du traité de Lisbonne font un objectif de développement capacitaire de la CSP un instrument des États membres dans le domaine de l’armement mais La Coopération structurée permanente est également dans le domaine opérationnel. une innovation du traité de Lisbonne, dont Les moyens devant permettre d’atteindre les règles sont fixées par les articles 42 ces objectifs sont quant à eux listés à et 46 du traité sur l’Union européenne ainsi l’article 2 du même protocole. Ils sont au que par le protocole n° 10 qui lui est nombre de cinq : annexé. – coopérer en vue d'atteindre des Aux termes de l’article 42§6, « les États objectifs agréés concernant le niveau membres qui remplissent des critères plus des dépenses d'investissement en élevés de capacités militaires et qui ont matière d'équipements de défense ; souscrit des engagements plus – rapprocher leurs outils de défense, contraignants en la matière en vue des notamment en harmonisant missions les plus exigeantes établissent une l'identification des besoins militaires, en coopération structurée permanente dans le mettant en commun et, le cas échéant, cadre de l’Union ». Deux conditions tenant en spécialisant leurs moyens et aux États membres sont donc exigées pour capacités de défense, ainsi qu'en participer à cette CSP qui, à l’inverse des encourageant la coopération dans les autres coopérations prévues par le traité domaines de la formation et de la de Lisbonne, notamment les coopérations logistique ; renforcées, est le cadre unique et permanent de tous les projets visant au – prendre des mesures concrètes pour renforcement des capacités européennes renforcer la disponibilité, de défense. l'interopérabilité, la flexibilité et la capacité de déploiement de leurs forces, En effet, cette CSP est établie pour notamment en identifiant des objectifs permettre aux États membres d’atteindre communs en matière de projection de les deux objectifs fixés par l’article 1er du forces, y compris en réexaminant, protocole précité : éventuellement, leurs procédures de – développer les capacités de défense, décision nationales ; « par le développement de ses – coopérer afin de s'assurer qu'ils contributions nationales et la prennent les mesures nécessaires pour participation, le cas échéant, à des combler les lacunes constatées dans le forces multinationales, aux principaux cadre du « Mécanisme de programmes européens d'équipement développement des capacités » ; et à l'activité de l'Agence européenne de – participer, le cas échéant, au Défense (AED) dans le domaine du développement de programmes développement des capacités de communs ou européens d'équipements défense, de la recherche, de l'acquisition majeurs dans le cadre de l'AED et de l'armement » ;
4 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE L’article 46 du TUE fixe les règles générales du présent rapport). Mettant en œuvre les gouvernant la création et le dispositions de l’article 2 du protocole fonctionnement de la CSP. Sans rentrer précité, les plus notables sont : dans les détails, deux d’entre elles doivent – les engagements d’accroître, en termes être soulignées : réels, leur budget de défense, en – la création de la CSP est décidée par le consacrant au moins 20 % de celui-ci à Conseil à la majorité qualifiée, dans un l’investissement ; délai de trois mois suivant la – l’engagement de s’assurer que les notification, par les États-membres qui programmes de coopération et les remplissent les conditions et stratégies d’acquisition des souscrivent aux engagements définis équipements ont un impact positif sur la dans le protocole précité, de leur Base technologique et industrielle intention d’y participer ; européenne (BITDE) ; – les décisions et les recommandations du – les engagements d’harmoniser les Conseil dans le cadre de la CSP, autres spécifications et de combler les lacunes que celles concernant sa composition, capacitaires de l’Union européenne ; sont adoptées à l'unanimité des États – l’engagement de fournir un soutien membres participants. substantiel en moyens et capacités aux La CSP apparaît ainsi comme un opérations et missions de la PSDC. instrument dans les seules mains des États Ces engagements sont repris dans la membres. Les institutions européennes décision du 11 décembre 2017, laquelle jouent en effet un rôle secondaire, à la fois fixe par ailleurs les règles de dans sa création et dans son fonctionnement de la CSP conformément fonctionnement. Le Haut représentant, s’il aux principes de l’article 46 du TUE. Elle est « pleinement associé aux travaux de la ouvre par ailleurs la possibilité d’une CSP », n’est ainsi que consulté sur sa participation des États tiers aux projets de création et les projets qu’elle arrête. Le la CSP, renvoyant pour les conditions de Service européen pour l’action extérieure celle-ci à une autre décision adoptée le (SEAE) et l’AED, quant à eux, se contentent 5 novembre 2020 (voir infra). de fournir leur expertise en matière d’évaluation. 47 PROJETS ONT ETE VALIDÉS, TRÈS Créée le 11 décembre 2017, la CSP HÉTÉROCLITES MAIS SOUMIS À DES RÈGLES rassemble 25 États membres autour de 20 COMMUNES engagements Les règles applicables aux projets Plus de dix ans auront été nécessaires, La CSP est, en pratique, un cadre de après la signature du traité de Lisbonne, coopération entre les États membres dans pour qu’enfin, la CSP soit établie. Elle a en le domaine de la défense, cette effet été créée le 11 décembre 2017 par le coopération prenant la forme de projets de Conseil, faisant suite à une notification de développement capacitaire réalisés en 25 États membres en date du 13 novembre commun. Conformément à l’article 46§6 2017, soit la totalité des États membres à du TUE, la liste desdits projets est adoptée l’exception de Malte, du Danemark et du par le Conseil à l’unanimité des États Royaume-Uni (qui a depuis quitté l’Union membres participants. Proposés par ces européenne). derniers, ils sont transmis au Haut Ces 25 États participants se sont accordés, représentant, lequel peut émettre une dans la lettre de notification précitée, sur recommandation basée sur l’évaluation de 20 engagements (qui figurent en annexe ceux-ci par le SEAE, l’AED et, le cas échéant,
5 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE le Comité militaire de l’Union européenne participant à respectivement 29 et (CMUE). Le Conseil établit également, pour 25 projets. À l’inverse l’Irlande ne chaque projet, la liste des États membres y participe qu’à 2 projets et constitue un prenant part. des pays les plus en retrait avec la Le Conseil a adopté le 25 juin 2018 une Lituanie, la Lettonie, le Luxembourg ; décision établissant les règles de – enfin, les projets sont extrêmement gouvernance des projets de la CSP. Elle divers, allant du commandement précise le rôle d’information et de contrôle médical européen au système de du Conseil, auquel les participants aux défense anti-drones, en passant par la projets doivent rendre compte, ainsi que plateforme de partage d’informations celui du secrétariat de la CSP, qui assure les sur la réponse aux attaques et menaces fonctions de soutien et de coordination cyber ou la capacité d’intervention sous- pour les propositions et l’évaluation des marine. projets. La gestion interne des projets par Ces projets sont présentés en détail les États membres participants repose, (description, objectif et participants) en comme celle de la CSP elle-même, sur annexe du présent rapport. l’unanimité, un rôle particulier étant cependant dévolu au « coordinateur » du LE FINANCEMENT DE LA CSP projet, généralement l’État-membre qui l’a La décision du 11 décembre 2017 a posé proposé. deux principes pour le financement de la Les 47 projets validés par le Conseil CSP, en distinguant les dépenses de 47 projets ont été validés par le Conseil fonctionnement de cette dernière et celles depuis la création de la CSP, en trois vagues liées à la réalisation des projets : successives : 17 projets le 6 mars 2018, 17 – les dépenses administratives des projets le 19 novembre 2018 et 13 projets institutions de l’UE (SEAE et AED) le 12 novembre 2019. découlant de la mise en œuvre de la CSP Trois caractéristiques doivent être sont à la charge du budget de l'Union ; soulignées : – les dépenses liées à la réalisation des – ces 47 projets sont d’une envergure projets « sont prises en charge très variable, certains ne rassemblant principalement par les États membres que deux États pour un montant limité participants qui prennent part à un (par exemple, le projet de centre de projet donné. Des contributions formation médicale pour les forces émanant du budget général de l'Union d'opérations spéciales), d’autres les peuvent être apportées à de tels projets, rassemblant presque tous (en dans le respect des traités et particulier le projet de mobilité conformément aux instruments de militaire) ou engageant des montants l'Union pertinents ». considérables (par exemple, le drone Par conséquent, s’il appartient aux États MALE) ; membres de financer, selon une répartition – l’implication des États membres dans qu’ils déterminent, les projets auxquels ils les projets est également très variable, participent, un financement européen est reflet pour l’essentiel de capacités possible. C’est ainsi que les projets CSP ont militaires très différentes. La France pu bénéficier, pour certains d’entre eux, participe ainsi à 38 projets, coordonnant des fonds du Programme européen de 10 d’entre eux. C’est le pays le plus actif. développement de l’industrie de défense Certains pays tels que l’Espagne et (PEDID), à hauteur de 205 millions d’euros l’Italie sont aussi des pays moteurs, en 2020. À l’avenir, pour les années 2021-
6 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE 2027, ce sont les financements du Fonds CSP, l’enthousiasme de la France européen de défense – 7 milliards d’euros contrastant notamment avec la prudence (constants) qui pourront être mobilisés sur des institutions européennes et des autres les projets de la CSP. En effet, même si le États membres. règlement établissant celui-ci n’est pas encore formellement adopté, il est d’ores LES POINTS POSITIFS : DES ENGAGEMENTS et déjà acquis que les projets de la CSP, FORTS POUR UNE EXPÉRIENCE DE s’ils sont éligibles, pourront bénéficier COOPÉRATION INÉDITE, SOUTENUE AVEC d’un taux de financement majoré de DÉTERMINATION PAR LA FRANCE 10 points. Des engagements forts au service d’une Une précision doit toutefois être apportée coopération inédite s’agissant de ces financements. La base Les États membres de l’Union européenne légale, tant du PEDID que du FEDef, est n’ont pas attendu la CSP pour coopérer en l’article 173 du TFUE, lequel porte sur la matière de développement capacitaire politique industrielle. Par conséquent, dans le domaine de la défense. Toutefois, seuls les projets de développement cette coopération reposait exclusivement capacitaire ayant une dimension sur une base inter-gouvernementale, hors industrielle peuvent bénéficier de ces du cadre européen, qu’elle fut bilatérale ou financements et non les projets plurilatérale, par exemple via l’OCCAR. En exclusivement opérationnels. outre, cette coopération impliquait, pour Il est intéressant de relever dès à présent l’essentiel, toujours les mêmes « grands » que l’attribution des financements du États membres : France, Allemagne, Italie, FEDef relèvera de la compétence de la Espagne et Royaume-Uni, à l’exclusion des Commission européenne, même si les autres, « petits » États membres (au sens États membres rassemblés au sein d’un démographique) et pays d’Europe centrale comité seront associés à ses décisions. et orientale. C’est en comparaison de cette situation UNE CSP AMBITIEUSE ET UTILE MAIS passée (et encore présente) que la CSP DONT LES FAIBLESSES SONT constitue, selon les termes de la Revue NOMBREUSES ET BIEN IDENTIFIÉES stratégique, « un changement radical dans la coopération en matière de défense au PAR LES ÉTATS MEMBRES sein de l'Union ». Aux termes de la décision du 11 décembre En effet, la coopération se fait désormais 2017, l’avancement des projets et le dans un cadre européen prévu par le traité respect des engagements font l’objet d’une de Lisbonne, donc politique, avec des évaluation annuelle par le Haut règles communes pour l’ensemble des Représentant, assisté du SEAE et de l’AED, programmes mais également des objectifs laquelle est transmise au Conseil. La communs au service des intérêts de dernière a eu lieu en avril 2020, incluant l’Union européenne. De plus, cette pour la première fois un chapitre dédié à la coopération implique la quasi-totalité des revue stratégique de la CSP sur la période États membres et, notamment des pays 2018-2020, laquelle a été faite par le qui, jusqu’à présent, se tenaient éloignés Conseil le 20 novembre. Ces documents, des coopérations européennes en matière complétés et actualisés par les auditions et de développement capacitaire. Pour ne les réflexions de vos rapporteures, prendre que l’exemple de la France, c’est la dressent, avec toutes les réserves liées à un première fois que notre pays coopère avec recul somme toute limité, un tableau des pays comme la Lituanie, la Pologne ou nuancé des trois premières années de la la Finlande en matière d’armement, même
7 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE si des coopérations opérationnelles ont pu dépenses de défense. Selon les dernières avoir lieu. Cette découverte de l’autre et données rendues publiques en de sa culture en matière de Défense, les novembre 2019, celles-ci ont augmenté nouvelles habitudes prises de travailler par rapport à 2017 pour la quasi-totalité ensemble sur des projets communs, des pays concernés, parfois très fortement, constituent un aspect très positif, quoique comme en Bulgarie où elles sont passées non quantifiable, de la CSP. de 673 millions de dollars à 1,872 milliard Cette coopération européenne, large et de dollars. On remarque toutefois que la inclusive repose, ainsi qu’il a été dit supra, norme des 2 % du PIB consacrés à la sur vingt « engagements plus Défense, telle qu’acté lors du sommet de contraignants » dont la portée doit être l’OTAN de Cardiff (2014), est encore loin soulignée. En effet, portant à la fois sur des d’être atteinte : sept États membres programmes d’armements, la logistique, la seulement la respectent, tandis que formation et l’opérationnel, ils formalisent d’autres peinent à augmenter leurs la volonté politique des États membres de dépenses de Défense, à commencer par renforcer leur outil de défense, leur BITD l’Allemagne. Dans ce pays, elles ne et leurs capacités opérationnelles, et de le représentaient que 1,18 % du PIB en 2014 faire ensemble dans l’objectif commun de et 1,38 % en 2019. Quant à la France, elles permettre à l’Union européenne de sont en progression depuis plusieurs défendre militairement ses intérêts. années et s’élèvent à 1,84 % du PIB en 2019. Parmi ces vingt engagements, les premiers ont une importance particulière en ce Toutefois la pandémie de coronavirus qu’ils concernent les dépenses en matière pourrait remettre en cause les progrès de défense. Les États membres enregistrés ces dernières années, en participants à la CSP s’engagent à mettant les budgets nationaux sous augmenter régulièrement leur budget de pression, alors même que la défense ne défense en valeur réelle (engagement figure pas, en tant que telle, parmi les n° 1), à ce que les dépenses priorités du plan de relance européen (ni, d’investissement représentent 20 % de d’une manière générale, des plans de leurs dépenses totales de défense relance nationaux). La Revue stratégique a (engagement n° 2), 2 % en ce qui concerne intégré ce risque parmi ses les dépenses en matière de recherche et de recommandations, puisqu’elle a rappelé la technologie dans le domaine de la défense nécessité d’« augmenter de manière (engagement n° 4). La mise en avant des régulière les budgets de la défense et les dépenses de défense dans la liste des dépenses d'investissement en matière de engagements de la CSP est significative. défense, y compris dans le contexte de la Sans argent, toute perspective de réponse coordonnée à apporter aux défis développement capacitaire est illusoire et résultant des conséquences financières de c’est un point très positif que les États la crise de la COVID-19 pour le secteur de la membres le reconnaissent d’emblée, ne se défense ». Si la France a maintenu la contentant pas de déclarations mais se trajectoire d’augmentation de ses donnant les moyens de leurs ambitions. dépenses conformément à la LPM de 2019, ce ne sera pas forcément le cas des autres Trois ans après, on peut considérer que États membres, même si l’Allemagne a ces engagements ont été en grande partie récemment envoyé un signal positif tenus, au moins pour les États membres puisque son budget de défense attendra également membres de l’OTAN (soit 21 sur 46,9 milliards d’euros en 2021, en hausse 25), pour lesquels les comparaisons sont de 3 %, dont 12,2 milliards d’euros pour les facilitées par un cadre normalisé des dépenses d’investissement.
8 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE S’agissant des dépenses d’investissement, développer des chaînes justement, l’objectif de 20 % a été tenu en d’approvisionnement complètes et, par 2019 (21,2 %) et plus encore en 2020 conséquent, indépendantes. (23,9 %). En revanche, les États participant Le projet TWISTER (Alerte et interception à la CSP sont encore loin de satisfaire à rapides avec surveillance spatiale des l’engagement n° 4 puisque leurs dépenses théâtres), coordonné par la France, a quant en recherche et technologies, à 1 % de à lui pour objectif de développer une leurs dépenses de défense totales, sont capacité autonome de l’Union européenne encore loin de l’objectif de 2 %. pour suivre et contrer les menaces Une forte implication de la France dans des aériennes les plus complexes, notamment projets ambitieux celle des missiles hypersoniques, La France a été, avec notamment complémentaire de celle de l’OTAN (BMD). l’Allemagne, l’un des plus ardents soutiens Le projet BLOS (Systèmes de missiles au lancement de la CSP en 2017 et, plus terrestres de théâtre, hors portée largement, de toutes les initiatives visant à optique), lui aussi coordonné par la France, renforcer l’Europe de la défense. Face à la vise à doter l’Union européenne de sa prudence d’autres États membres, notre propre capacité balistique antichar ; onze pays a fait montre d’un enthousiasme sans États membres, dont l’Allemagne, l’Italie et faille qui a payé puisque cette dernière a l’Espagne, utilisent en effet aujourd’hui le connu, depuis 2016, un développement missile israélien Spike, lequel bénéficie de plus rapide que pendant les dix années qui l’avantage d’être produit en Allemagne. ont précédé. Enfin, le projet le plus ambitieux sur le plan Cet enthousiasme est visible dans capacitaire est peut-être l’Eurodrone l’implication très forte de la France dans les MALE (Drone européen de moyenne projets de la CSP. La France coordonne 10 altitude et longue endurance). Ce projet, projets, est participante à 21 autres et coordonné par l’Allemagne, rassemble les observatrice de 7. En d’autres termes, elle trois autres « grands » et la République est impliquée dans 38 des 47 projets Tchèque afin de combler l’une des actuels de la CSP. En outre, cette principales lacunes de l’Union européenne implication ne s’arrête pas aux projets de la en matière aérienne, laquelle avait CSP mais se poursuit au stade du notamment conduit la France à acheter des développement industriel de ceux-ci, par le drones Reaper américains nécessaire à sa soutien à nos entreprises pour l’obtention lutte contre le terrorisme au Sahel. des financements du PEDID. C’est ainsi que L’ensemble des interlocuteurs français sur les 16 projets choisis pour bénéficier de qu’ont auditionnés vos rapporteures ont 205 millions d’euros le 16 juin dernier, les souligné l’importance de la CSP pour notre entreprises françaises sont présentes dans pays et l’attention qu’il lui portait. La CSP 14 d’entre eux. est présentée comme un cadre unique, Parmi ces projets, si tous visent à combler inclusif et pertinent pour faciliter la les lacunes capacitaires de l’Union coopération européenne en matière de européenne, conformément à l’objet de la défense, soutenir la BITD européenne et CSP, plusieurs ont une dimension développer un « esprit de défense » entre particulière en ce qu’ils concourent, peut- les États membres, comme l’initiative être plus que les autres, à l’objectif de européenne d’intervention (IEI) mais dans l’autonomie stratégique. le cadre européen. Ils ont également salué Ainsi le projet « Matériaux et composants le fait que les autres États membres pour la compétitivité technologique de participants jouaient le jeu de la l'UE » (MAC-EU) a pour objectif de coopération.
9 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE Cet enthousiasme de la France contraste, Le fonctionnement de la CSP souffre d’une dans une certaine mesure, avec les très grande hétérogénéité, et des États analyses produites par les institutions participants, et de leurs pratiques européennes, à commencer par le Haut La contrainte du nombre Représentant. En effet, dans son 25 des 27 États membres de l’Union évaluation annuelle de la CSP en avril 2020, européenne – soit la quasi-totalité d’entre celui-ci a relevé de nombreuses eux – participent à la CSP. Une si large insuffisances, lacunes et faiblesses dans la participation a été présentée, à l’époque, mise en œuvre de la CSP (qui seront comme le symbole de l’unité des développées et analysées infra), auxquelles Européens autour des enjeux de sécurité et ont fait écho les informations obtenues par de Défense et la conséquence du constat vos rapporteures par ailleurs. Certes, les partagé de la nécessité de construire interlocuteurs français ont conscience de l’Europe de la défense en renforçant les ces défauts mais ils les ont relativisés en capacités militaires européennes. soulignant, à juste titre, que la CSP était une initiative récente, qui s’inscrivait dans Il n’en reste pas moins qu’une CSP aussi le temps long et devait être jugée avec large apparaît en contradiction avec sa bienveillance. raison d’être, qui est de rassembler « les Il n’en reste pas moins qu’au-delà du Haut États membres qui remplissent des critères Représentant, les auditions ont permis à plus élevés de capacités militaires et qui ont vos rapporteures de constater que tous les souscrits des engagements plus États membres ne sont pas aussi impliqués contraignants en la matière en vue des dans la CSP que la France et que nombre missions les plus exigeantes ». Ce n’est pas d’entre eux, notamment l’Allemagne, ne faire injure aux États membres concernés la voit pas comme une priorité. C’est le cas que de rappeler que tous n’ont pas les également des pays d’Europe de l’Est pour mêmes capacités militaires, ni la même lesquels la priorité en matière de défense capacité à participer aux missions militaires est et restera l’OTAN. Ces différentes de l’Union européenne ou, le cas échéant, visions ont pesé lors des débats de la Revue de l’ONU. La France, à l’époque, avait stratégique, certains de nos partenaires d’ailleurs milité pour une CSP exclusive, ne plaidant notamment la « patience rassemblant qu’un nombre limité d’États stratégique » pour amoindrir le niveau membres aux capacités militaires élevées, d’ambition de la CSP. au contraire de l’Allemagne qui privilégiait une CSP plus inclusive. LES INSUFFISANCES DE LA CSP RELÈVENT Si la vision allemande d’une CSP très POUR L’ESSENTIEL, DE LA RESPONSABILITÉ inclusive a finalement prévalu sur la vision DES ÉTATS PARTICIPANTS française, c’est en raison du contexte post- S’il est vrai que la CSP est une initiative Brexit. En effet, au Conseil européen de récente qui a les défauts de sa jeunesse, Bratislava, le 16 septembre 2016, les lesquels seront probablement corrigés 27 États membres se sont accordés sur la avec le temps, certaines insuffisances nécessité de relancer la construction apparaissent en revanche plus européenne et quel meilleur symbole que structurelles ; dans tous les cas, trois ans la Défense qui, non seulement, s’était après son lancement, elles sont longtemps heurtée à l’opposition du suffisamment importantes pour justifier Royaume-Uni mais répondait à l’attente de l’attention de vos rapporteures. protection des citoyens européens. Dans ces conditions, la participation de la quasi- totalité des États membres de l’Union européenne à la CSP a été acceptée pour
10 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE des raisons politiques sans tenir réellement mesure les projets de développement compte des conditions de l’article 42 du capacitaires améliore l’autonomie TUE. stratégique européenne ou renforce la BITD Il va sans dire qu’elle est également de européenne ». Enfin, s’agissant des nature à compliquer la prise de décision engagements n° 18 à 20, les informations au sein de la CSP, laquelle exige manquent pour s’assurer que les projets l’unanimité, tout en encourageant la capacitaires des États participants multiplication des projets afin de satisfaire renforcent bien la compétitivité de les demandes nationales. Elle complique l’industrie européenne de défense ou que également le suivi du respect des les programmes en coopération engagements et de l’avancement des bénéficient uniquement à des entités qui projets. apportent manifestement une valeur ajoutée sur le territoire de l’Union. La difficulté d’évaluer la mise en œuvre de la En d’autres termes, malgré des améliorations CSP que le rapport souligne, il est difficile d’évaluer La coopération structurée permanente se complètement la mise en œuvre de leurs compose, concrètement, de deux choses : engagements par les États participants, faute les engagements souscrits par les États d’informations suffisantes mais également participants et les projets auxquels ceux-ci parce que ceux-ci « ont des visions différentes de ce qu’ils considèrent comme stratégique ». participent. Le suivi du respect des engagements souscrits et de la réalisation S’agissant des projets de la CSP et des des projets relève du Haut Représentant rapports que les États participants pour la PESC, assisté par le secrétariat fournissent sur leurs progrès, les constats administratif de la CSP, le SEAE et l’AED, sont identiques : « les États membres lequel se fait sur la base des plans participants n’ont pas la même nationaux de mise en œuvre (« national interprétation des termes et des définitions implementation plan » – NIP). relatives à leur management des projets (descriptions, objectifs, moyens…) ». De Le rapport qu’a fait ce dernier au Conseil en plus, « les rapports fournissent un état des juin dernier est révélateur des difficultés lieux qui ne permet pas un examen de fonctionnement « au quotidien » de la approfondi ou une évaluation, des progrès CSP, conséquence notamment du nombre des projets de la CSP ». et de l’hétérogénéité des États participants, lesquelles se retrouvent dans Des engagements qui ne sont pas tous la qualité très variable des NIP. C’est ainsi, respectés, notamment deux des plus note le rapport, que « globalement, les importants d’entre eux États participants ne donnent pas Les acquisitions d’armements auprès des d’informations suffisantes sur leur respect États-Unis se poursuivent dans de des engagements n° 6 à 11 ». Plus nombreux États membres précisément, la majorité d’entre eux ne Les États membres participant à la CSP se disent rien du rôle moteur qu’ils jouent en sont engagés à s’assurer que les matière de développement des capacités programmes de coopération et les de l’Union, tel qu’exigé par l’engagement stratégies d’acquisition des équipements n° 6. C’est également le cas s’agissant des ont un impact positif, à terme, sur la BITD engagements n° 15 à 17 : « dans certains européenne. Dans cet esprit, le meilleur cas, des déclarations générales ne sont pas moyen pour atteindre cet objectif est, justifiées par des explications ou des faits ». naturellement, « d’acheter européen ». De même, et c’est très problématique, « les NIP ne fournissent pas d’informations Or, il apparaît que, pour de nombreux suffisantes pour évaluer dans quelle États membres, l’augmentation des
11 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE budgets de défense a surtout été utilisée qui sont généralement négociés ne pour acquérir « sur étagère » des peuvent à eux seuls compenser l’impact armements auprès d’entreprises négatif que constituent, pour la BITD et américaines qui sont les concurrentes l’autonomie stratégique européenne, ces directes des entreprises européennes de achats auprès d’entreprises directement défense, au point que l’Europe représente concurrentes des prime contractors 53 % des exportations d’armes américaines européens. (2018). On peut regretter que de telles Consciente de la contradiction, la revue acquisitions ne bénéficient pas à la BITDE stratégique insiste sur ce point en mais répondent aux habitudes d’achat de réitérant dans ses recommandations que : matériels éprouvés mais aussi aux « les stratégies d'acquisition adoptées par contraintes liées à une dépendance les États membres participants ont un particulière aux armes américaines. C’est apport positif à la base industrielle et notamment le cas pour les pays participant technologique de défense européenne ». au partage nucléaire otanien et, de ce fait, Le respect des engagements opérationnels obligés d’acquérir des avions américains se heurte aux réticences des États membres pour transporter les armes nucléaires américaines. Les engagements de la CSP portent aussi sur les capacités opérationnelles de l’Union Les exemples sont malheureusement européenne. Ainsi l’engagement n° 12 exige- nombreux. Ainsi, la Bulgarie, déjà citée, t-il des États membres participants qu’ils dont le budget de défense a été multiplié « contribuent de manière substantielle aux par trois depuis 2017, a utilisé l’essentiel de groupements tactiques de l’Union cette augmentation pour acheter des F-16 européenne (GTUE - Battlegroups) en américains de préférence au Rafale ou à confirmant en principe les contributions au l’Eurofighter, pourtant conçus et produits moins quatre ans à l’avance ». De même en Europe. Bien qu’elle ait acquis en 2019 l’engagement n° 14 leur impose-t-il « de 442 véhicules blindés Griffon et Jaguar s’efforcer d’atteindre une approche dans le cadre d’une coopération inédite ambitieuse du financement en commun des avec la France, la Belgique a, sur un autre opérations et missions militaires de la PSDC, contrat, préféré les véhicules blindés de allant au-delà de la définition des coûts l'américain Oshkosh à ceux de KMW communs fixée dans la décision du Conseil (Allemagne) ou UROVESA (Espagne). Quant relative au mécanisme Athéna ». à la Pologne, dont le budget et de défense S’agissant de ce dernier engagement, la est passé de 9,938 milliards de dollars en décision n° 2015/528 du 27 mars 2015 2017 à 11,902 milliards de dollars en 2019, dispose que seuls ce qu’elle appelle les soit une augmentation de près de 20 %, elle « coûts communs », c’est-à-dire notamment achète depuis toujours quasi les dépenses de fonctionnement de l’état- exclusivement des armements américains. major, le transport et l’hébergement de la Certes, il est possible de soutenir que ces force, les systèmes informatiques et les achats « sur étagère » renforcent les services médicaux, sont en effet pris en charge par le budget européen. Ces « coûts capacités européennes et même, qu’ils communs » ne représentent, en moyenne, sont indirectement favorables à la BITD qu’environ 10-20 % du coût d’une opération européenne, via les sous-traitants militaire européenne, l’essentiel étant européens des entreprises américaines qui constitué par les coûts du personnel. fournissent souvent aussi les entreprises européennes de Défense, et font partie Pour aller plus loin et lever l’hypothèque du intégrante de la BITD européenne. coût pour la participation des États membres Toutefois, ces sous-traitants ou les offsets aux missions et opérations de la PSDC, ceux- ci discutent du projet de Facilité européenne
12 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE de paix, lequel a été présenté le 2 mai 2018 comme la Suède, la Finlande ou Irlande, par la Commission européenne, neutres par tradition, n’y participent plus. parallèlement au projet de Cadre financier Compte tenu de la nature politique de tout pluriannuel (CFP) 2021-2027. En effet, cette engagement opérationnel, la revue Facilité ne serait pas intégrée au budget stratégique ne peut que rester très européen mais financée directement par les prudente dans ses recommandations, se États membres. La FEP aurait parmi ses contentant d’appeler les États membres objectifs, comme le mécanisme Athéna participants à « explorer plus avant les liens aujourd’hui, le financement des opérations entre les instruments financiers pertinents de militaires européennes mais sur une base l'UE dans le contexte du prochain CFP en ce plus large que les actuels « coûts qui concerne les engagements opérationnels communs », tout en remplaçant la Facilité de et la mise en œuvre des projets CSP dans le soutien à la paix pour l’Afrique. L’idée serait domaine opérationnel » et à « étudier les une prise en charge de 30 à 40 % des coûts moyens d'améliorer le financement des desdites opérations grâce à une dotation de missions et opérations militaires dans le 9,5 milliards d’euros sur sept ans. cadre de la décision du Conseil relative à la Pendant plus de deux ans, les discussions ont FEP, en particulier en ce qui concerne le été très difficiles, à l’instar de celle du CFP. déploiement de GTUE ». Un accord politique a été trouvé le Au final, ce respect très variable des 18 décembre 2020 mais les ambitions ont engagements est la conséquence de la nature été drastiquement réduites puisque le particulière de la CSP. En effet, la CSP ne budget de la FEP a été raboté à 5 milliards s’intègre pas dans le cadre juridique européen d’euros. Compte tenu de ce budget limité et dans ce qu’il a de contraignant : règlement, de l’ampleur des missions auxquelles la FEP contentieux et Cour européenne de Justice. S’il contribuera par ailleurs, il n’est pas certain est vrai que les engagements sont qu’elle aille plus loin, en matière de juridiquement contraignants, la CSP reste un financement des opérations PSDC, que cadre politique dans lequel il n’y a ni juge ni l’actuel mécanisme Athéna. sanctions possibles et un processus de négociation permanent. S’agissant de l’engagement n° 12 en ce qu’il concerne les GTUE, on rappelle que ceux-ci De nombreux projets, bien que validés, ne constituent depuis 2007 la force de réaction sont pas encore concrétisés et, malgré leur rapide de l’Union européenne, capables intérêt propre, auront une portée limitée d’être déployés dans un délai de 10 jours, Ainsi qu’il a été dit supra, 47 projets ont été pour accomplir les missions de l’article 43§1 validés par le Conseil, en trois phases du TUE. Pour être déployés dans un délai si successives. Le bilan fait de la mise en court, une permanence des GTUE est œuvre de ces projets par le Haut nécessaire. Elle est organisée sur la base d’un Représentant est toutefois relativement planning pluriannuel prévoyant des tours de mitigé. six mois. Or, depuis des années, les États membres rechignent à fournir les hommes Le rapport annuel d’évaluation précité est nécessaires et les « trous » se sont multipliés éloquent. Seuls trois projets ont atteint dans le planning. Toutefois, l’impact de ces leur « capacité opérationnelle initiale » « trous », est limité puisque jamais, depuis (COI), c’est-à-dire qu’ils existent dans une 2007, les GTUE n’ont été déployés sur le forme minimale utilement déployable. Elle terrain. Depuis le lancement de la CSP, on précède la « capacité opérationnelle aurait pu croire que les « trous » allaient être complète » qui, comme son nom l’indique, comblés, conformément à l’engagement représente l’état d’achèvement complet précité. Il n’en a rien été. Bien au contraire, d’un projet. Six projets sont susceptibles ceux-ci se sont multipliés. Certains pays, d’atteindre cet état d’ici à 2023. Toutefois, la majorité des projets – trente – sont
13 LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE encore dans ce que le rapport appelle « la MAC-EU, ECOWAR, EOF), deux en phase phase d’idéation », c’est-à-dire la phase de d’incubation (TIGER MARK III, TWISTER) et schématisation du projet, d’identification trois en phase de réalisation (ESSOR, des objectifs finaux et d’analyse de sa EURAS et BLOS) dernière phase avant la faisabilité, ce qui laisse présager qu’un clôture qui marque l’achèvement du certain nombre d’entre eux n’aboutiront projet. pas. Au-delà de ces insuffisances dans la mise Plus largement, selon la classification en œuvre des projets, la faiblesse adoptée dans le rapport, les 47 projets se intrinsèque de nombre d’entre eux est répartissent comme suit : diplomatiquement évoquée dans le – 30 projets, donc, en « phase rapport du Haut Représentant : « la d’idéation » ; majorité des projets sont considérés – 11 projets en « phase d’incubation », comme contribuant à la mise en œuvre des c’est-à-dire qu’ils disposent d’un priorités européennes de développement planning détaillé fixant une date pour capacitaires, avec 24 d’entre eux leur COI et susceptibles d’être évalués ; répondant directement aux objectifs de capacité à fort impact (High Impact – 5 projets sont en cours d’exécution, Capability Goals), 12 autres y contribuant incluant les 3 qui ont d’ores et déjà indirectement ». Par conséquent, sur les atteint leur COI ; 47 projets initiaux, 11 ne contribuent en – 1 projet (le Centre d’excellence pour les rien à réduire les lacunes en matière de missions de formation de l'UE) qui, en défense, même s’ils peuvent avoir leur raison de sa redondance avec d’autres utilité propre. projets, a été abandonné. Cette situation était, en réalité, prévisible, Cette répartition peut être rapprochée de le choix ayant été fait, pour des raisons celle présentée dans la revue stratégique, à politiques tout à fait défendables, d’une savoir que « douze projets ont déjà produit CSP inclusive, rassemblant l’ensemble ou des résultats concrets ou atteint leur presque des États membres, y compris capacité opérationnelle initiale ». Par ceux qui n’ont pas de réelles capacités ailleurs, en annexe sont présentés les militaires. L’unanimité étant exigée pour 26 projets « devant produire des résultats valider les projets, il était par conséquent concrets ou atteindre leur pleine capacité nécessaire de prendre en compte les opérationnelle avant la fin de la prochaine demandes de chacun pour assurer le phase de la CSP (2021-2025) ». Par soutien de tous. C’est ainsi que le Conseil, conséquent, la CSP comportant 47 projets dans les deux premières vagues de projets initiaux, il faut considérer qu’au moins 9 CSP, a validé pour des raisons politiques projets ne produiront pas de résultats des projets que les experts militaires de concrets avant au moins cinq ans, ce qui l’AED, comme d’ailleurs ceux des États veut peut-être dire jamais. Vos membres, avaient jugés non-prioritaires, rapporteures ont essayé d’en savoir plus mal calibrés, voire inutiles. mais il n’a pas été possible d’obtenir des Les États membres participants sont informations plus précises. Toutefois, naturellement conscients de cette faiblesse et s’agissant des projets coordonnés par la la revue stratégique propose plusieurs France, elles ont obtenu confirmation qu’ils remèdes. Elle propose notamment de progressaient conformément aux attentes. « concentrer les efforts de développement des En effet, sur ces dix projets, cinq sont en capacités à la fois sur les lacunes capacitaires à phase de conceptualisation ou d’idéation court terme et sur les capacités de la prochaine (Co-basing, EU Test and Evaluation centers, génération » et veiller à ce que les [26] projets CSP recensés à l'appendice 2 produisent des
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