Mona Ozouf, De Révolution en République - Culture, le magazine ...

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Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège

Lectures pour l'été 2015 - Poches - Histoire

                  Mona Ozouf, De Révolution en République
Dans l'excellente collection Quarto, Mona Ozouf est en bonne compagnie aux côtés d'historiens comme
Georges Duby, Georges Dumézil, Marc Bloch, François Furet, Jacques Le Goff ou des Lieux de mémoires
de Pierre Nora. Cette réunion de textes, remarque-t-elle, permet de dégager «les lignes de force d'un
parcours» mais surtout de «faire surgir (…) une vision de l'œuvre» éclatée dans des publications éparses.
Ce volume, précédé d'une biographie illustrée, où l'historienne évoque son enfance bretonne, et d'un regard
sur son œuvre, est un condensé du travail qu'elle mène depuis quarante ans sur l'histoire de France depuis
la Révolution. La partie révolutionnaire, la plus ample, est composée de portraits (Marat, Saint-Just, les
Montagnards), d'une analyse des idées (liberté, égalité, fraternité, mais aussi «la faute à Voltaire» ou la
Terreur), de la «fête révolutionnaire», du calendrier ou d'une étude de la mémoire de ce moment décisif
dans l'Histoire. Cette période, sur laquelle elle a beaucoup travaillé notamment avec François Furet, elle a
l'a rendue autrement plus complexe que l'image véhiculée par la doxa d'inspiration marxiste. Les chapitres
consacrés à la République observent les emblèmes, l'idée républicaine et bien sûr l'école dans laquelle,
écrit-elle, on retrouve «quoiqu'assourdi, un écho» des formidables ambitions des jeunes gens venus faire la
Révolution pour reconstruire totalement une société et un corps politique. Le dernier tiers, enfin, se penche
sur la France - pays, paysages, territoires -, les Français et l'identité française. «C'est dans la mesure
même où la Révolution voulu fabriquer une France d'une seule et même étoffe (…) que sont devenues si
visibles les dissemblances des territoires, des paysages, des langues, des coutumes, des mille manières
de vivre et de mourir», note la fille de militants bretons socialistes. Ajoutant une leçon vraie de tous temps,
et encore tragiquement d'actualité: «L'obsession de la pureté idéologique fait partout prospérer les impurs;
la poursuite éperdue d'un monde transparent à lui-même a pour effet de révéler les ombres d'un monde
nocturne et souterrain (…).» (Quarto)

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                   Jean-Pierre Filiu, Histoire de Gaza
Coincée entre Israël, l'Egypte et la Méditerranée, la bande de Gaza, d'une superficie de 360 km², forme,
avec la Cisjordanie, la Palestine. Le Hamas y règne en maître depuis les élections de 2006, un an après
le retrait de l'armée israélienne. Elle a été à plusieurs reprises le théâtre de violents affrontements avec
Tsahal, le dernier en date étant la très meurtrière opération Bordure protectrice de l'été 2014. Dans son
passionnant ouvrage, Jean-Pierre Filiu raconte que, de tous temps, Gaza a été «un enjeu crucial de la
rivalité entre les pouvoirs» établis dans la région, passant ainsi d'un empire à l'autre. Longtemps, la ville
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a été chrétienne avant d'être conquise par les armées musulmanes qui, au VII siècle, en font une terre
d'islam. En 1525, elle passe sous domination ottomane. Elle le restera quatre siècles jusqu'à son passage
sous mandat britannique au lendemain de la Première Guerre mondiale. Trois décennies plus tard, dans
le plan de partage de la Palestine décidé par l'ONU, elle se voit amputée d'une partie de son territoire. Au
lendemain de la guerre de 1948, cette portion de terre, qui ne représente qu'un peu plus d'un centième de
la Palestine mandataire, recueille plus du quart de sa population arabe. La suite, qui passe par la crise du
canal de Suez, les différentes ébauches de plans de paix ou les multiples attaques contre cette «prison à
ciel ouvert» apporte un éclairage documenté et rigoureux, donc précieux, sur la situation actuelle. (Pluriel)

                   Mémoires des Sanson, Sept générations d'exécuteurs
Henri-Clément Sanson est révoqué en 1847, juste après son ultime exécution, alors qu'il vient de racheter
sa guillotine (qui ne lui appartient donc pas) à ses créanciers qui lui ont confisqué ses biens à cause de ses

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dettes importantes. En 1862-63, paraissent sous son nom Sept générations d'exécuteurs, 1688-1847. Si,
à l'époque, des «doutes tenaces» pèsent sur sa paternité supposée, écrit dans sa préface François-Henri
Désérable, aujourd'hui, c'est sûr, «pas une ligne n'est de la main du bourreau». Son nègre est un certain
Casimir Guillemeteau qui a fait de la prison pour faux en écriture. Cette édition est une sélection effectuée
dans les six volumes de l'œuvre originelle, «des centaines de pages ruisselantes de sang». Ont été retenus
les suppliciés les plus connus. Avant la Révolution: Robert-François Damiens, écartelé pour avoir tenté
d'assassiné Louis XV, Lally-Tollendal et le chevalier de la Barre, tous deux défendus par Voltaire. Pendant
la Révolution, parmi les quelque 3000 personnes guillotinées à Paris entre le 21 janvier 1793 - le citoyen
Capet, ex-Louis XVI - et septembre 1795, on voit tomber les têtes de Charlotte Corday, Marie-Antoinette,
Olympe de Gouges, Philippe Egalité, Madame Roland, Hébert, Danton, Camille Desmoulins, Robespierre
ou Fouquier-Tinville. Après la Révolution, les exécutions se font plus rares, seules quelques-unes sont
mentionnées ici. En 1827, rappelle Désérable, Hugo publie Le Dernier jour d'un condamné, implacable
réquisitoire contre la peine de mort. «Ainsi de la peine de mort, condamnée, dans un temps rapproché à
disparaître de nos Codes, écrit Sanson dans l'épilogue. Que cette sainte réforme luise sur le bord de ma
tombe, et je ne regretterai point d'avoir écrit cette triste confession dans laquelle j'ai dû m'accuser d'avoir fait
tomber plus de cent têtes, car je ne demande ni espère d'autre absolution». (Tempus)

                    Jean Racine, Abrégé de l'histoire de Port-Royal
Après avoir renoncé au théâtre en 1677, Jean Racine est nommé «historiographe» de Louis XIV. C'est dans
les années 1690 qu'il écrit - en secret- ce texte resté inachevé et qui ne sera publié qu'en 1767. Premier
historien de l'abbaye, l'auteur de Britannicus défend cette «sainte demeure du silence» où, orphelin, il a
été l'élève des Solitaires. Dans sa préface, François Duipuigrenet Desroussilles signale qu'«il s'était peu à
peu rapproché du monastère, persécuté sans relâche depuis 1679, dont il tenta sans succès de défendre
la cause grâce à sa position à la Cour». Cet Abrégé couvre les années 1602-1665. Il s'ouvre avec l'arrivée
à Port-Royal des Champs de Marie-Angélique Arnauld comme abbesse - elle n'a pas encore 11 ans -
«pour rétablir la règle de cette abbaye», qui sera celle très stricte de Saint-Benoît. En 1625, la communauté
est transférée à Paris et passe sous la juridiction de l'archevêque de la ville (une partie des religieuses
retourneront aux Champs en 1647). Port-Royal va devenir le principal centre de propagation des idées
jansénistes, donc de résistance au pouvoir royal. Ce qui entraînera en 1664-65, malgré la visite du nouvel
archevêque de Paris, la dispersion des religieuses dans d'autres maisons suite à leur refus de signer le
Formulaire condamnant cinq propositions formulées par Jansénius. (Rivages poche)

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                   Jean-Jacques Marie, Histoire de la guerre civile russe
Pour écrire cet ouvrage, Jean-Jacques Marie, russophone et spécialiste de l'URSS et du communisme, a
eu accès à des sources inédites en français. S'appuyant sur de très nombreux documents et témoignages,
il fait revivre presque jour par jour les cinq années de guerre civile - du 26 octobre 1917 à l'été 1922 - dont
le pays est sorti «totalement ruiné, exsangue, épuisé, affamé», marqué par une importante famine. Si les
historiens s'opposent quant au nombre de victimes, il semble que leur nombre avoisine les 4,5 millions,
soit 3% de la population totale. L'auteur rappelle notamment un fait peu connu: outre les terreurs rouges et
blanches, il en eu a eu une troisième, verte, impliquant des dizaines d'armées de paysans insurgés fortes
de 500 à 100 000 hommes. Opposée à la conscription et aux réquisitions, elle s'est battue à la fois contre
les Rouges et contre les Blancs, mais aussi en son sein. Reconnue dans les années 20, cette armée a été
gommée à la fin de la décennie par Staline, en même temps qu'il rangeait Trotski et les chefs de l'Armée
rouge dans le camp des Blancs. (Texto)

                   Waterloo. Acteurs, historiens, écrivains
Cette riche anthologie de près de neuf cents pages entend montrer comment la bataille de Waterloo, dont
on célèbre le bicentenaire en juin, a généré une prodigieuse production littéraire de la part d'acteurs du
conflit, d'historiens et d'écrivains. Elle s'ouvre, noblesse oblige, par un texte de Napoléon lui-même écrit en
1820, Mémoire pour servir l'histoire de France en 1815, suivi du Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases

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et du Rapport officiel de la bataille de Waterloo rédigé par son vainqueur, le Duc de Wellington. Comme
historiens, figurent Edgar Quinet, Adolphe Thiers ou François Guizot, et comme biographes Walter Scott,
Dumas ou Chateaubriand. Les romanciers, auteurs dramatiques et poètes, sont représentés par Balzac,
Stendhal, Hugo, Conan Doyle, Byron, Nerval ou encore Hugo. Quoi de plus normal après tout? Dans sa
préface, Patrice Gueniffey, à la suite d'autres auteurs, remarque en effet que «Napoléon aimait le pouvoir en
artiste. Le pouvoir et la politique, la guerre aussi, lui furent ce que la page blanche avait été pour Dante et le
marbre pour Michel-Ange: la matière vivante, qu'il travaillait pour réinventer le monde et forger son propre
destin». (Folio Histoire)

                   Ainsi nous parle Jean Jaurès
C'est devenu un lieu commun, aujourd'hui, pour un homme politique français, de quelque bord qu'il soit,
de citer Jean Jaurès. Et à son sujet, une question lancinante revient sans cesse: assassiné le 31 juillet
1914, à la veille du déclanchement d'une guerre qu'il combattait, quelle position le fondateur de L'Humanité
aurait-il adoptée s'il avait vécu? S'il n'apporte pas de réponse, évidemment, cet ouvrage vient replacer le
tribun socialiste dans le texte en reprenant une trentaine de ses discours, présentés et replacés dans leur
contexte par Marion Fontaine. Dans le premier, publié en 1988, alors qu'il est député depuis trois ans, il
s'inquiète de l'hésitation que semble montrer «le mouvement de démocratie» en matière de revendications
sociales, se demandant si sa génération «verra la justice». Le dernier, prononcé le 25 juillet à Vaise, près de
Lyon, témoigne de son inquiétude, «sans vouloir forcer les couleurs sombres du tableau», une demi-heure
après la rupture diplomatique entre l'Autriche et la Russie. Entre les deux, il manifeste son engagement
dreyfusard (ce qui lui coûte son poste de député), il ferraille avec Clémenceau qui a employé la force contre
les mineurs en grève suite à la catastrophe de Courrières, il défend le droit des femmes à l'égalité, dénonce
la misère ouvrière ou prône l'application de la loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat. (Pluriel)

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                   Jacques Julliard & Grégoire Franconi, Les gauches françaises
1762-2012
En 1762, Rousseau publie Du Contrat social ou Principes du droit politique. En 2012, François Hollande
est élu président de la République. Entre les deux: Voltaire, Robespierre, Hugo, Gambetta, Jaurès, Blum,
Thorez, Mendes-France, Mitterrand. Mais aussi Badinter demandant l'abolition de la peine de mort, la
condition ouvrière décrite par Simone Weill, le Manifeste des 121 pendant la Guerre d'Algérie, le théâtre
selon Vilar, la révolte selon Camus. Des uns et des autres, des hommes politiques, des philosophes,
des écrivains, des artistes, des «anonymes» comme on dit dans les médias, cet ouvrage reprend les
grands discours. Avec ce livre ample et ambitieux, divisé en «moments forts» de l'histoire des quatre
gauches françaises - libérale, jacobine, collectiviste, libertaire -, Jacques Julliard, journaliste au Nouvel
Obs puis à Marianne (auteur de l'édition grand format), rejoint par l'universitaire Grégoire Franconi, vient
magnifiquement combler un vide éditorial. (Champs Histoire)

                   Jean-Paul Cointet, Sigmaringen
Sigmaringen se situe dans le Bade-Wurtemberg, un Land du sud de l'Allemagne à quelque 170 km de la
frontière française. C'est là que, sur décision d'Hitler, le gouvernement de Vichy est envoyé en septembre
1944. Il va y rester jusqu'en avril 1945. S'y réfugient également de nombreux collabos et miliciens avec leurs

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familles, soit quelque deux mille Français qui vont souffrir du froid et de la faim - l'hiver sera très rude. Tels
Céline et sa compagne Lucette (plus leur chat Bébert) en transit vers la Suisse, espèrent-ils. L'auteur de
Voyage au bout de la nuit est l'un de deux seuls médecins de la ville qui s'étend en contrebas du château
dont ses propriétaires, les Hohenzollern, ont été chassés et remplacés par Pétain, Laval, Doriot ou Déat qui
se détestent. Le lieu jouit d'un statut d'extraterritorialité et accueille les ambassadeurs d'Allemagne (Otto
Abetz), du Japon et d'Italie. Et il est également occupé par la gestapo. Se considérant prisonnier, le vieux
maréchal boude, n'adressant plus la parole à personne. Et les autres veulent tous prendre la main sur ce
«gouvernement en exil» pompeusement intitulé Commission gouvernementale française pour la défense
des intérêts nationaux et présidé par l'ancien journaliste Fernand de Brinon. Dans l'espoir de récupérer les
reines de la France, ce que l'offensive des Ardennes peut un temps laisser espérer. A défaut, ils seront
malgré eux des otages de luxe. Ce livre, fondé sur des archives, des témoignages ou souvenirs, raconte
l'histoire de ce «royaume de pacotille», entre Shakespeare et Feydeau. (Tempus)

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                                                                                                      Juin 2015

     Michel Paquot est chroniqueur littéraire indépendant

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