LE MOCHE - Théâtre Pitoëff - Mise en scène : Valentin Rossier

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LE MOCHE - Théâtre Pitoëff - Mise en scène : Valentin Rossier
LE MOCHE
de Marius von Mayenburg
Traduction Hélène Mauler et René Zahnd

Mise en scène : Valentin Rossier

Théâtre Pitoëff
du 1er au 19 décembre 2021
Une production de la New Helvetic Shakespeare Company

DOSSIER PEDAGOGIQUE

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LE MOCHE - Théâtre Pitoëff - Mise en scène : Valentin Rossier
SYNOPSYS
Lui ne le savait pas, mais son entourage se chargera de le lui faire savoir ; il est
moche !

Lette, ingénieur, heureux en ménage et talentueux dans son travail s’apprête à
présenter sa dernière trouvaille en public. Malheureusement son patron l’informe à
contre cœur que cela ne sera pas possible. La raison ? Il est trop laid. Ce sera son
assistant, bien moins compétent, mais plus beau, qui dévoilera le nouveau projet.

Stupéfait, il cherche le réconfort auprès de sa femme lui racontant cette injustice
mais il obtient la confirmation de son épouse que son visage a toujours
été « catastrophique », Lette décide, sans hésiter une seconde, de subir une
opération chirurgicale qui s’avère être un succès. Il devient ainsi irrésistiblement
beau et la réussite lui sourit. Son chirurgien utilise même son image et en fait une
marque déposée. Les riches investisseuses et les fans affluent vers ce nouveau faciès
dogmatique. Des clones à son image envahissent la place des marchés, tout le monde
lui ressemble afin de réussir socialement et professionnellement. Lette retourne
alors chez le docteur pour tenter de retrouver son visage original, mais le docteur
lui annonce que c’est impossible.

Une comédie d’anticipation sous des masques chirurgicaux. Un chef d’œuvre de
notre temps.

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LE MOCHE - Théâtre Pitoëff - Mise en scène : Valentin Rossier
DISTRIBUTION
Traduction : Hélène Mauler et René Zahnd (2008)

Mise en scène : Valentin Rossier
Dramaturgie, assistanat, communication : Hinde Kaddour
Scénographie : Valentin Rossier et Davide Cornil
Musique : David Scrufari
Création lumière et régie : Davide Cornil
Costumes : Trina lobo
Maquillage, coiffure : Katrine Zingg
Administration : Eva Kiraly
Jeu :

Marie Druc
Camille Figuereo
Lionel Brady
Valentin Rossier

L’INTENTION DU METTEUR EN SCENE

La perte d’identité
Comédie grinçante qui transperce à coups de scalpel le thème étouffé d’une
éventuelle discrimination sociale et professionnelle par le biais de l’apparence
esthétique ; la beauté obligée.

Bien qu'aux Etats-Unis et dans certains pays d’Amériques du sud, le sujet semble être
traité de façon pratiquement banale, en Europe, ce dernier reste encore tabou.
Toutefois, et de plus en plus souvent, nous pouvons apercevoir ailleurs que sur nos
écrans pollués de célébrités fabriquées, des individus lambda qui ont eu recours à la
chirurgie plastique non pas pour des raisons médicales mais pour des raisons
esthétiques. Il n'est donc pas rare de croiser des visages aux lèvres pneumatiques,
aux pommettes gonflées, débarrassés des rides d’expression, par coups de bistouris
et des injections d'acide hyaluronique et de toxine botulique.

Cette pratique qui devient populaire, génère par le nombre de concourants, des

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clones répondant aux critères d'une société en divergence avec elle-même. Nul n'est
infaillible et la nature est Reine. Quand le rythme effréné de notre temps et l'appât
du gain remplacent le serment d’Hippocrate, le geste des médecins, les Dieux
dérapent, les implants sont rejetés, des êtres fabriqués de toutes pièces naissent.

Le sujet du moche est indéniablement lié à une politique dictatoriale du beau. Ce
beau à l’inverse du beau, est revendiqué comme source de vérité, de pureté et
d’exemple par les médias et bien entendu les réseaux sociaux.

L'humain, toujours en complète contradiction, n'accepte plus le corps que lui offre
la nature. Ainsi, puisque la science permet de rectifier les imperfections, le naturel
est chassé par la chimie, l'apparence banalement falsifiée pour le plaisir des yeux
comble aussi les fantasmes.

Ainsi l’auteur dramaturge, Marius von Mayenburg, nous emmène dans un univers
imagé et imaginé, tel un conte de Perrault, où l’être humain dans son extraordinaire
illusion tente de défier la nature. Une satire de notre temps qui nous renvoie à une
autre problématique ; l’uniformité de la pensée.

Existentialisme contemporain

Le texte de Mayenburg dénonce tout « naturellement » l’uniformisation du monde
et cherche un espoir dans la différence et la poésie. Il dévoile à travers cette pièce,
un signal de détresse d'une société en recherche d'identité. Délit de faciès, obsession
de l'apparence, narcissisme exacerbé, la fable de Mayenburg est le reflet déformant
d’une époque où l’image de soi est devenue un critère du bien ou du mal.

Mais nous pouvons y voir aussi un paradigme philosophique équivoque qui va plus loin
que la simple apparence physique que nous souhaitons modifier à des fins de plaire.
Une thématique plus marquante transparait en filigrane à la lecture de ce texte ;
celle de la condition humaine qui se soumet entièrement au regard des autres. Car
de Lao-Tseu à Sartre, l’importance que nous donnons à l’appréciation de l’autre est
une prison ou un enfer. Nous pourrions donc, associer cette pièce à une forme de
dérive existentialiste.

« Souciez vous de ce que pensent les autres et vous serez toujours leur prisonnier ».
Lao Tseu

« L’enfer c’est les autres » Jean-Paul Sartre

A cette seule différence pourtant ; c’est que la pièce « Le Moche » se focalise
principalement sur l’aspect physique comme source de réussite sociale. C’est peut-
être là sa faiblesse car de ce fait nous pouvons constater à première vue, malgré
l’efficacité caustique et des situations à la limite du burlesque, un manque de
puissance, de profondeur. Certes la thématique est des plus intéressantes mais faut-
il encore creuser afin de trouver une sensibilité dans l’écriture car la pièce est une
succession de scènes rapides vouées à l’intrigue et ne se prête pas dans un premier
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temps à une résonnance poétique et à une réflexion plus intérieure de la condition
humaine.

Le piège est de s’arrêter à l’écrit, comme souvent au théâtre et de se contenter de
comprendre et de faire comprendre les situations données. Ne doit-on pas faire
paraître un contre point dramatique afin d’en comprendre le ressenti philosophique
que propose indirectement l’auteur ? Pour moi ce ressenti réside tel un écho au
contre-courant de l’existentialisme allemand être là que Sartre traduit par réalité-
humaine faisant ainsi un contresens. Puisque les individus créent le sens et l’essence
de leur vie par leurs actions et leur courage, l’existentialisme considère par
conséquent chaque personne comme un être unique qui est maître de ses actes et
de son destin. Nous pouvons donc donner raison au personnage éponyme, de vouloir
s’écarter avec courage de son destin d’être moche et ainsi devenir ce qu’il veut,
puisqu’il est un être unique.

Mais cette valeur adoptée perd tout son sens puisqu’elle est motivée par le jugement
de l’autre. L’enfer c’est les autres. De facto l’unique devient uniformité.

Cette contradiction des plus intéressantes devient dans le travail un moteur de jeu
supplémentaire et complémentaire afin de ressentir l’essence de la pièce, un conflit
intérieur sans lequel ne demeurerait que la romance et la narration, sans une réelle
résonnance littéraire.

La résonance

A ne pas confondre avec les temps psychologiques puisqu’elle n’a pas forcément un
lien direct avec le texte proféré ou joué. La résonnance au théâtre c’est le
contresens, la différence invisible liée à une pensée philosophique ou parfois liée à
l’instinct animal. Ce n’est pas dans l’écrit mais dans la marge de l’écriture. C’est
une valeur ajoutée en quelque sorte qui permet la caractéristique de ce que l’on
nomme l’art vivant. Si j’ai froid je suis différent que si j’ai chaud. De la même
manière pour obtenir une uniformité de jeu, il est essentiel de préciser le ressenti
que nous voulons transmettre. En l’occurrence comme je l’ai mentionné plus haut,
il s’agirait du questionnement existentialiste qui est avec toutes ses contradictions
un contrecourant dans cette pièce. Puisque tout ce qui est décrit par l’auteur va
dans le sens de la globalisation et de la déshumanisation façon clone, il est primordial
d’émettre une résistance afin de donner à la pièce toute sa raison d’être. Une
résistance intellectuelle et charnelle pour donner corps à la thématique proposée
par l’auteur, c’est donner raison et matière à sa nécessité.

Transposition scénique

Pour renforcer la tragédie burlesque et lui donner un contre point existentialiste,
l’univers proposé pour cette pièce serait d’un caractère proche de celui d’Orwell
(1984) une dystopie afin d’éviter un rapprochement trop évident à notre société.
Une distance qui peut être nécessaire afin de permettre de contourner ce qui
pourrait sembler être proche de nous sans être vrai. Car n’oublions pas que cette
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pièce est fictive. Il est donc important de ne pas glisser dans une forme trop réaliste
ou d’essai de plateau se voulant d’actualité contemporaine ou dénonciatrice du
moment. Cela rendrait la pièce incongrue, peu crédible et simpliste. Des tentatives
qui à mon sens banalisent l’acte théâtral et l’imaginaire artistique.

Une distanciation donc, qui se jouerait à séduire le public le rapprochant subtilement
à la frontière entre l’humain d’aujourd’hui et celui de demain. Celui d’un imaginaire
futuriste où l’humanité se veut esclave du clonage clinique. Le désir de paraître plus
beau n’est plus un fantasme, il devient, dans ce monde inventé, réel et palpable. Le
critère du beau est le même chez tous, donc tous auront le même visage, alors que
la beauté est la différence.

Scénographie

Une scénographie austère, ascétique, futuriste même pour permettre un contre
point face à l’humanisation et favoriser l’aspect métaphysique de la pièce. Plus
l’univers est robotique, informatisé, parfait dans sa fonctionnalité plus la résonnance
et le ressenti sont possibles pour les interprètes.

Un pourtour, une cage de plexiglas d’or brun, brillant chaud teinte orange doré
grunge, brun foncé, opaque, reflétant lumières et protagonistes seront l’unique
décor pour ce travail. Ces panneaux, éclairés de derrière peuvent aussi devenir
translucides, laissant deviner au loin des silhouettes blanches d’infirmerie. Ces
panneaux seront également coulissants tels des panneaux japonais. Ils permettront
d’entrer et de sortir au besoin de la pièce. Une esthétique sobre, chaud ou froid
selon l’éclairage, rappelant l’univers médical et bureaucratique haut standing.

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Lumières

Une ambiance clair-obscur à la Caravaggio pourrait être l’identité de l’éclairage
scénique de la pièce. Des faisceaux lumineux en contre- jour, signifiant au-delà de
sa beauté, une présence pittoresque et artistique, représentant la toute-puissance
du créateur. Une référence biblique indirecte mais volontaire qui est en en
contradiction avec les préceptes de la médecine chirurgicale et esthétique. Cette
notion dramatique devient un contraste intéressant du froid clinique imposée par
des lumières artificielles. La lumière chaude s’impose alors comme une pseudo
source naturelle, synonyme de bien-être. Elle évoque aussi une référence possible à
la nature ou à la création divine.

La Vocation de St Matthieu

L’univers sonore
Cela relève de la sensation que nous désirons mettre en exergue. Les nappes
musicales à caractère électro sont en lien direct à l’univers choisi qui se veut quelque
peu futuriste. Elles sont d’une résonnance mélancolique et répétitive et elles
conviennent parfaitement à l’esprit que nous voulons donner à la pièce.
La collaboration artistique ces deux dernières années avec David Scrufari ; Lisbeths
de Fabrice Melquiot et L’Ile des esclaves de Marivaux, s’est traduite par une belle
complicité et un magnifique résultat sonore. Il me paraît donc une évidence de
poursuivre ce compagnonnage afin de concrétiser de façon unique cette création
théâtrale. Car au-delà de son talent et de la fidélisation entre artistes, David
Scrufari, s’imprègne totalement du ressenti de l’œuvre et du travail fourni par les
interprètes sur le plateau.
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D’autre part l’idée d’injecter par instants les morceaux récurant de Sinatra
« That’life » ou « Fly me to the moon », ceci durant les différentes interventions
chirurgicales ceci dans le but, à nouveau, de contraster l’ambiance froide et clinique
tout en incitant par la même occasion, une pointe de sarcasme dans ce lieu où la
quête de l'illusion devient réelle voire synonyme de magie, un lieu aussi attirant que
repoussant.

L’AUTEUR

                                      Marius von Mayenburg
Un des auteurs contemporains les plus importants de ce siècle. Né à Munich en 1972,
il fait d’abord des études de langue, littérature et civilisation allemandes anciennes.
De 1994 à 1998, il suit les cours d’écriture scénique au Conservatoire de Berlin. Très
vite, il écrit ses premières pièces, notamment Feuergesicht (Visage de feu) mise en
scène par Jan Bosse au théâtre Kammerspiele de Munich puis par Thomas Ostermeier
à Hambourg. La pièce reçoit le prestigieux Prix Kleist et celui de la Fondation des
auteurs de Francfort. Le succès prend très rapidement une dimension internationale.
Visage de feu est créé en Grèce, en Pologne et en Hongrie. En 1998, Marius von
Mayenburg participe à la direction artistique de la
« Baracke » du Deutsches Theater à Berlin aux côtés de Thomas Ostermeier. En 1999,
il accompagne le metteur en scène à la prestigieuse Schaubühne de Berlin où il
exerce les fonctions de dramaturge, de traducteur (notamment de Sarah Kane) et de
conseiller artistique. Ses pièces Parasites, L’enfant froid, Eldorado, Turista... sont
jouées dans toute l’Europe et au-delà. En France, elles sont publiées par L’Arche et
jouées régulièrement dans les théâtres les plus prestigieux tels que la Colline (Visage
de feu, dans une mise en scène d’Alain Franç̧on en 2001, La Pierre dans une mise en
scène de Bernard Sobel en 2010). Au théâtre du Rond-Point (L’Enfant froid, mis en
scène par Christophe Perton en 2005). Le Moche et Le Chien, la nuit et le couteau,
traduits par Hélène Mauler et René Zahnd et publiés par L’Arche en 2008, font partie
de ses pièces les plus récentes.

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METTEUR EN SCENE

Valentin Rossier – metteur en scène

2019-         Initiateur et directeur artistique du Tour Vagabonde Festival à
              Genève (devenu Scène Vagabonde Festival)
2012-2017     Directeur du théâtre de l’Orangerie de la ville de Genève.

Valentin Rossier se forme à l’Ecole Supérieur d’Art Dramatique (ESAD) de Genève de
1988-1990. Depuis, il n’a cessé de fouler les planches et de signer des mises en scène
marquées par une esthétique propre et un imaginaire singulier.

En 1995, il fonde l’Helvetic Shakespeare Company (devient New Helvetic
Shakespeare Company). S’il fréquente assidûment les écritures de Shakespeare et de
Ödön von Horvàth, il monte également des auteurs tels que Brecht, Horvath, Kleist,
Tchekhov, Pinter, Albee, Stoppard…

Parmi ses dernières mises en scène, on compte Trahisons d’Harold Pinter, Le Grand
cahier d’Agota Kristof, L’île des esclaves de Marivaux en 2019, Lisbeth’s de
F.Melquiot au théâtre du Grütli en 2018, La Panne de Dürrenmatt au Théâtre de
l’Orangerie en 2016, Le Silence / Le Mensonge de Nathalie Sarraute au Théâtre du
Grütli en 2016, La seconde surprise de l’amour de Marivaux à L’Orangerie en 2014.

En 2020, sa pièce La Panne de Dürrenmatt est adaptée au cinéma par Elena Hazanov
(PointProd) diffusée à la RTS et France5 Monde.

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