Neo Rauch Maïté Vissault - ETC - Érudit
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Document generated on 02/02/2022 8:50 p.m. ETC Neo Rauch Maïté Vissault L’exhibitionnisme à l’oeuvre Number 55, September–October–November 2001 URI: https://id.erudit.org/iderudit/35427ac See table of contents Publisher(s) Revue d'art contemporain ETC inc. ISSN 0835-7641 (print) 1923-3205 (digital) Explore this journal Cite this review Vissault, M. (2001). Review of [Neo Rauch]. ETC, (55), 66–69. Tous droits réservés © Revue d'art contemporain ETC inc., 2001 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
N5 Leipzip, Munich, Zurich, Berlin NEO RAUCH Ciale r i e fur Z e i t g e n ô s s i s c h e Kunst, Leipzig, 10 d é c e m b r e 2000 — 2 5 février 2 0 0 1 ; Haus der Kunst, Munich, 16 m a r s - 2 0 m a i 2001 et K u n s t h a l l e , Z u r i c h , 9 juin - 5 août 2001; Deutsche Guggenheim, B e r l i n , 21 a v r i l - 17 j u i n 2001 rojeté soudainement sur le devant de des couleurs passées employées en R D A , la figura- la scène artistique c o n t e m p o r a i n e tion schématique... par une grande rétrospective de son Les images évitent cependant le plagiat nostalgique œ u v r e foisonnante', étayée de sur- d'une époque révolue, en accueillant en elles quan- croît par u n e e x p o s i t i o n parallèle tité de ruptures. Tout d'abord, Rauch joue avec pré- essentiellement composée de travaux récents de la dilection sur différents espaces picturaux, associés collection de la Deutsche Bank au prestigieux G u g - comme autant de dimensions parallèles. Il « abuse » genheim de Berlin, N e o Rauch -jusqu'alors relative- ainsi, tout particulièrement dans ses anciennes pein- ment inconnu 2 — arbore une œuvre aboutie et prolixe, tures, de juxtapositions de surfaces presque abstraites mûre, quoique relativement jeune, pour la rétrospec- et de « profondes » perspectives figuratives, de répéti- tive. Sur de grandes toiles, il peint des scènes irréelles tions, de zooms et de « parasitages » de motifs achevés montrant des hommes et des femmes stéréotypées en et inachevés. Puis, dans les travaux plus récents, ces in- activité, dont les gestes sont, comme leurs pseudo-uni- congruités picturales ont tendance à disparaître au pro- formes, des signes, vides de toute émotivité, des proto- fit d'autres incongruités de type iconographique, e m - types d'actions. M ê m e les paysages — le plus souvent, pruntées à un espace culturel, toujours avoisinant les une forêt qui encercle des sites industriels — et les inté- années 50, mais plutôt d'obédience américaine, rieurs où se meuvent ces figures semblent tout droit comme des citations, plus ou moins explicites, de l'art sortis d'un livre de modèles inspirés du Bauhaus, pour américain (Pop Art mais aussi, plus expressément, D o - apprentis-architectes des années 50 en R D A . T o u t y nald Judd), des aplats décoratifs ou des emprunts au respire d'ailleurs l'idéal rigoureux de la décennie de la registre de la bande dessinée : les bulles de dialogue, la re-construction : l'iconographie du travail, l'architec- fascination pour la lumière électrique, les machines et ture industrielle moderne, qui apparaît un peu partout les engins motorisés futuristes, les enseignes lumineu- comme élément du décor ou dans les maquettes, la si- ses et les néons, les créatures animales ou végétales gnalétique, les vêtements, le mobilier, le design, les étranges... Rauch cultive ainsi dans l'image de mul- accessoires, les matériaux, la palette colorée typique tiples tensions spatio-temporelles, qui font basculer le 66
passéisme des éléments figurés, par delà le présent, avec leur sujet une certaine fascination. Seulement, dans le futur. comme le rappelle Karin Thomas, Rauch « convoque Bien que clairement connotée, sa peinture ne décrit dans ses images d'après la réunification encore une par conséquent a u c u n e réalité historique littérale, fois les mythes des utopies socialistes dans le présent, mais est plutôt empreinte de réminiscences que le non pas pour sauver les pertes ou pour les idéaliser, peintre puise aussi bien autour de lui, dans son envi- mais pour ne pas perdre les fondations devenues frag- r o n n e m e n t — Leipzig — que dans son propre passé. mentaires de sa propre identité. »4 N e o R a u c h a fait toutes ses études, du temps de la Est-ce aussi pour ne pas perdre les morceaux épars de R D A , à l'École supérieure d'art graphique et d'art du son identité que le milieu de l'art allemand s'est épris livre de Leipzig : une école réputée - même de l'autre soudainement de cette œuvre ? Quoique puisse être la côté du mur - pour ses positions plutôt modernes par réponse à cette question, il est indéniable que les ré- rapport au paysage artistique conventionnel est-alle- surgences historiques qui hantent le travail de N e o mandA De là lui vient ce point de vue privilégié sur Rauch lui donnent un attrait spécifique. N e serait-ce l'esthétique de l'Est, cette dextérité à s'accaparer ses que parce que cette référence historique l'inscrit dans signes distinctifs, ainsi qu'une légitimité assurée pour la tradition — celle-ci bien ouest-allemande — de la « fi- rappeler, dans sa peinture, plus de dix ans après la guration engagée » : cette peinture thématique, qui chute du mur, les mythes du socialisme. Car ses ima- dans les années 60 vint interroger le présent et réacti- ges, si elles ne décrivent en rien la réalité historique de ver la question de l'identité allemande, en butant bru- l'Est, ont tout de l'image de propagande des premiè- talement sur les traces du passé — et notamment sur res années du socialisme : la rigidité des figures, la celles du troisième Reich 5 . Bien entendu, il y a un plasticité brillante mais froide de la composition, fossé, presque infranchissable, entre l'utopie du na- l'exemplarité des thèmes (le travail, la technologie, le zisme et celle du socialisme de la R D A , entre les an- militaire, la vie culturelle, l'industrie, etc.), la codifi- nées 60 et les années 90 et N e o Rauch, contrairement cation des gestes, la symbolique — ésotérique pour un à un Baselitz ou un Kiefer, ne cherche pas à régler des non-initié - des signes. En cela, elles entretiennent comptes avec la « nouvelle » Allemagne, n'attaque pas N e o Rauch, Dos gehl ailes von ihrer Zeil ab, 2 0 0 1 . Huile sur papier; 8 5 x 2 9 7 cm. Courtoisie Galerie Eigen + Art. © Photo: Uwe Walter.
directement le présent. Cependant, sa peinture con- histoire et projections futuristes, où se pâme u n e jugue elle aussi au présent un certain passé probléma- vision du m o n d e à la fois fragmentaire et globa- tique et tire sa pertinence d'une brèche historique, lisante, personnalisée et idéalisée, paraissent parti- du fait que l'Allemagne bute toujours sur la question culièrement actuelles. de son identité. Q u o i q u e , cette fois-ci, c o m m e le M A Ï T É VISSAULT rappelle Lyne C o o k e : « l'histoire lorsqu'elle se r é - pète pour la deuxième fois, apparaît plutôt c o m m e NOTES une farce que c o m m e une tragédie. »'' Avec son atmosphère art déco sur-brillante et appa- 1 L'exposition montrée en premier lieu à Leipzig - la ville natale du peintre, où il continue d'ailleurs de filer les jours - puis à Munich et à Zurich, r e m m e n t insouciante, où plusieurs mondes surréels réunit des œuvres comprises entre 1993 et 2 0 0 1 . En 1 9 9 0 se côtoient, la peinture de N e o R a u c h répond ainsi seulement, N e o Rauch quittait l'Académie d'art de Leipzig (ex- Allemagne de l'Est), où il effectua son apprentissage de peintre. parfaitement à l'engouement pour l'atmosphère « Pop » 2 Bien qu'il soit représenté depuis 1993 par la Galerie Eigen & Art, de ces dernières années 7 . En effet, un peu c o m m e au devenue entre temps une référence indéniable de la scène de l'art contemporain allemand, sa carrière ne semble véritablement débuter début des années 60, lorsque l'arrivée des mass media qu'en 1 9 9 9 , avec une série de grandes expositions de groupe telles rendit soudainement accessible à la manipulation in- que The Golden Age, ICA Londres, After the Wall, au Moderna Museet Stockholm, German Open, au Kunstmuseum Wolsburg... dividuelle des univers d'images, d'autres définitions 3 l'école de Leipzig, telle qu'on la nomme, réunissait du temps de la RDA du m o n d e , que la rigidité des anciens systèmes poli- des artistes figuratifs qui réalisaient un art réaliste critique, aux fortes tiques se fissura pour laisser place à une apologie de tendances expressionnistes. Les noms aujourd'hui les plus connus sont, peut-être, Werner Tubke et Wolfgang Mattheuer, Neo Rauch l'individu, et que la menace d'une guerre atomique fut, quant à lui, l'élève d'Arno Rink puis de Bernhard Heisig. à devint palpable, les premières années du XXL siècle Karin Thomas, « Vernetzte Zeiten », Kunstforum, n° 1 5 0 , 0 4 - 0 6 2 0 0 0 , p. 3 0 8 . v o i e n t l'explosion des nouvelles t e c h n o l o g i e s et 5 Je fais allusion au courant dénommé par la suite * nouvelle figuration » et d'Internet, la destruction des grands blocs géopoliti- plus particulièrement à des peintres comme Baselitz, Kiefer, Immendorff, Richter ou Polke. ques nés de la guerre froide, la menace des biotech- f Lynne Cooke, « Neo Rauch », in Fàrber Britta, Grigoteit Ariane (dir.), nologies, et se fascinent t o u t n a t u r e l l e m e n t p o u r N e o Rauch, Frankfurt am Main, Kunst Deutsche Bank, 2 0 0 0 , p. 3 8 . O n peut observer comme significatif que Beaubourg a consacré l'insouciance explosive des années « Pop ». Dans un dernièrement une grande exposition aux années « Pop » et que tel c o n t e x t e , il n'est d o n c guère é t o n n a n t que les Szeemann a fait de la devise du spectacle et de l'hétérogénéité caractéristique de cette époque la substance de son exposition à la images hétérogènes de N e o R a u c h , où se mêlent biennale de Venise - où on retrouve N e o Rauch. N e o Rauch, Die Gro/3e Stôrung, 1 9 9 5 . N e o Rauch, Scaia, 2 0 0 0 . N e o Rauch, Moder, 1 9 9 9 . Huile sur toile; 2 7 3 x 2 1 0 cm. Kunstfonds de Huile sur toile; 190 x 134 cm. Huile sur toile; 3 0 0 x 2 0 0 cm. Freistaates Sachsen. Courtoisie Galerie Eigen + Art. Flick Collection. Photo: Uwe Walter. Photo: Uwe Walter. Photo: Uwe Walter. 68
Neo Rauch, Weiche, 1 9 9 9 . Huile sur papier; 21 5 x 190 cm, © N e o Rauch: courtoisie Galerie Eigen - Art, Berlin/Leipzig. Sammlung Deutsche Bank.
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