POÈMES ILLUSTRÉS DE L'ÉCOLE SHIJO
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SURIMONO P O È M E S I L L U S T R É S D E L’ É C O L E S H I J O 24.10.2019 – 9.2.2020 rietberg.ch
tible et de leur atmosphère poétique. Cette exposition vous invite SURIMONO à découvrir toute la diversité des sujets abordés dans les surimono de l’école Shijō. Les estampes y sont considérées sous un angle purement historique et artistique – l’exposition se concentre donc Poèmes illustrés de l’école Shijō sur les motifs de ces estampes ainsi que sur les diverses tech- niques picturales et méthodes d’impression. Les surimono, littéralement «choses imprimées», constituent un genre important de l’art graphique japonais du début du XVIIe C’est grâce au collectionneur zurichois Erich Gross que nous jusqu’à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, quand on les évoque, on pouvons admirer la beauté discrète des surimono de l’école Shijō. pense surtout aux somptueuses estampes colorées gravées sur Avec son épouse Gisela Müller, entretemps décédée, il a rassem- bois présentant des poèmes humoristiques illustrés dans un style blé avec amour durant plusieurs décennies cette collection qu’il ukiyo-e. Ces kyōka ou ukiyo-e surimono, étaient déjà fort appréciés a désormais offert au Musée Rietberg, afin que ces estampes des collectionneurs occidentaux dès la fin du XIXe siècle. soient enfin accessibles à un vaste public. N’ayant que de faibles connaissances de la langue et des cou- tumes japonaises, ces derniers étaient surtout séduits par l’attrait visuel de ces estampes et la renommée de leurs illustrateurs. Ce n’est guère que dans les trois dernières décennies qu’il a été possible de déchiffrer les multiples niveaux d’interprétation et les allusions complexes des poèmes et des images, en l’occurrence de comprendre ces surimono. Les quelque 80 estampes présentées dans cette exposition sont également appelées surimono, bien qu’elles se distinguent à plus d’un égard des catégories décrites ci-dessus. Au lieu des poèmes burlesques de 31 syllabes (kyōka), on trouve ici des vers de 17 syllabes, dits haikai (fr. «haïkaï»), que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de haiku (fr. «haïku»). Au lieu de deux à quatre vers, chaque feuillet en comprend des dizaines; ce faisant, l’illustra- tion ne joue qu’un rôle secondaire dans la composition. De nom- breuses estampes ne présentent ni signature ni sceau. Quant aux noms des illustrateurs qui ont pu être identifiés, il s’agit d’artistes peu connus, qui avaient adopté le style pictural naturaliste de l’école Shijō. Du fait que l’on ne sait pratiquement rien sur les artistes et les poètes impliqués et que les nombreux poèmes sont difficiles à dé- chiffrer et à traduire, les surimono de type haikai ou de l’école de Shijō n’ont été que rarement collectionnés ou étudiés jusqu’à ce jour. Pourtant, l’expressivité subtile des illustrations est absolument fascinante: ces fleurs et ces animaux, ces paysages idylliques, ces objets d’usage courant ou les scènes de la vie quotidienne, tracés d’un pinceau alerte au moyen de quelques traits, touchent encore aujourd’hui le spectateur à cause de leur charme irrésis-
Salle I Ausstellungsräume Indische Malerei Park-Villa Raum 1 18 | Bref rappel historique A l’origine, toutes les estampes gravées sur bois étaient appe- lées surimono, mais à partir du début du XVIIe siècle, ce terme sera surtout utilisé pour des estampes produites en tirages limi- tés et distribuées sous forme de cadeau à des particuliers. Elles n’étaient pas réalisées à des fins commerciales, mais pour annon- cer différents événements ou manifestations – représentations théâtrales ou concerts, inauguration d’un magasin, changement de nom, et, le plus souvent, comme carte de vœux du Nouvel An. La plupart des surimono étaient toutefois des commandes de cercles littéraires qui désiraient publier le résultat d’un concours de poèmes. Dans une première phase, la poésie occupait donc 9 8 une place centrale, l’illustration ne jouant qu’un rôle accessoire, et parfois même, les poèmes étaient publiés sans être illustrés. 10 7 Les poèmes des surimono étaient, à l’origine, des haikai de 17 syllabes, plus connus aujourd’hui sous le nom de haiku. Au 21 XVIIIe siècle, la popularité croissante des poèmes burlesques de 11 6 31 syllabes dits kyōka encouragea la production de surimono 17 comprenant deux à quatre vers satiriques de poètes renommés accompagnés de somptueuses illustrations de maîtres célèbres de 12 5 l’ukiyo-e, littéralement «images du monde flottant» (17). Les 18 surimono avec kyōka de style ukiyo-e, luxueusement décorés, sont le fruit de la culture urbaine qui régnait dans la capitale Edo 13 4 (aujourd’hui Tokyo). Ils connaîtront leur apogée entre 1790 et 1830. Des réformes politiques et une censure accrue dans les 19 années 1830 mettront un frein à la production de ces poèmes, 14 3 et donc aux surimono de style ukiyo-e. Durant les années 1840, les surimono de type haikai (19) connaî- 15 2 tront un regain de popularité. Les poèmes étaient composés par des amateurs provenant des couches sociales et des groupes 20 d’âge les plus divers; des femmes et des enfants apportaient par- 16 1 fois leur contribution. Ces recueils de poèmes étaient illustrés par des peintres de la région d’Osaka ou de Kyoto travaillant sou- vent dans le style de l’école Shijō. Cette tradition picturale qui se développera dans le sillage de Matsumura Goshun, se distingue par des peintures de paysages, d’animaux et de fleurs d’un esprit à la fois lyrique et naturaliste, ainsi que des scènes de la vie quotidienne pleines d’humour et d’insouciance.
17 | Les acteurs Ichikawa Danjūrō VII et Iwai Shijaku I 1 | Matériaux et techniques dans un spectacle sur la guerre de Genpei Utagawa Kunisada (1786–1865) Les estampes ukiyo-e commerciales japonaises étaient le fruit Japon, époque Edo, vers 1827-1830 d’une collaboration entre les différents métiers impliqués: Surimono ukiyo-e ou kyōka, impression polychrome l’éditeur commandait une esquisse auprès d’un artiste; sur la base Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2019.326 de celle-ci, le graveur reportait le motif et le gravait dans le bois, réalisant un set de blocs d’impression – un pour chaque couleur 19 | Cultivateur semant du riz ainsi que pour les effets spéciaux tels que l’impression en relief Shibata Zeshin (1807–1891) ou le gaufrage (5, 14). Ensuite, l’imprimeur enduisait d’encre les Japon, époque Meiji, 1868 planches gravées selon les instructions de l’artiste et imprimait les Surimono Shijō ou haïkaï, impression polychrome premières épreuves. Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1035 Les surimono étaient produits de manière similaire. Le commandi- taire, qui, généralement, dirigeait un cercle de poètes, choisissait l’artiste et élaborait avec lui le sujet de l’image et la composition du surimono. Ensuite, il contactait un éditeur ou le responsable d’un atelier spécialisé dans ce type d’estampes, qui supervisait l’ensemble du processus d’impression. Un calligraphe, qui reco- piait les poèmes avec un art consommé, et un xylographe chargé des textes complétaient en outre l’équipe. Les surimono destinés à être offerts en cadeau par des particuliers étaient publiés en éditions limitées de 50 à 500 estampes. Elles étaient imprimées sur un papier de présentation (hōsho) non encollé au moyen de pigments naturels et, parfois, de poudre d’or et d’argent, très coûteuse (6). En ce qui concerne le papier, on distingue le format de grande taille, dit ōbōsho (env. 42 x 57 cm, 21) et les formats plus intimes, dits yoko-chūban (env. 21 x 28,5 cm, 2), shikishi (env. 21 x 19 cm, 3) et jūnigiri-ban (env. 21 x 9,3 cm, 4). 2 | Palourdes japonaises pour le jeu de coquillages (kai-awase) Satō Gyodai (vers 1806 – vers 1895) Japon, époque Edo, 1856 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1026 3 | Jouet en bambou en forme de serpent articulé et oiseau en papier accroché à une tige de bambou Matsukawa Hanzan (1818 –1882) Japon, époque Edo, 1857 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.894
4 | Bambous et branche de prunier en fleurs 8 | Erudit assis dans un pavillon regardant un prunier en fleurs Sceau non déchiffré Gyokusen (dates de naissance et de décès inconnues) Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1856, 1868 Impression polychrome ou 1880 (Année du Dragon) Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1068 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.866 5 | Coupelles à saké ornées du caractère signifiant «longue vie» et sachets de parfum Le nombre plus important de poèmes figurant sur chaque feuillet Ichikawa Kiyū (actif au milieu du XIXe s.) est caractéristique du surimono de type haikai. Normalement, Japon, époque Edo, 1858, 1870 ou 1882 (Année du Cheval) chaque vers constitue une ligne verticale, tandis que les deux ou Impression polychrome trois derniers caractères tout en bas, qui apparaissent un peu en Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.893 retrait, restituent le nom de plume de l’auteur du poème. Les vers de poètes qui avaient apporté une contribution financière à la Le premier poème de droite, traduit librement, signifie: «Boules du production étaient cités en premier (sens de lecture de la droite Nouvel An, qu’on les achète ou qu’on les reçoive en cadeau, elles vers la gauche). Les haiku du principal poète d’un cercle littéraire sont chaque année remplacées dans ce monde éphémère». Le ou d’un hôte qui jouait le rôle d’arbitre, avaient la place d’honneur terme toshidama, littéralement «boules du Nouvel An», fait allusion sur la page, à l’extrême gauche du bloc de texte. d’une part aux pièces de monnaie porte-bonheur, mais aussi à Du fait que les planches d’impression pour l’image et pour le texte un don d’argent fait aux enfants ou à une personne plus jeune étaient gravées séparément, il était possible d’utiliser l’illustration pour le Nouvel An; il s’agit d’autre part, d’une allusion au kusudama, à plusieurs reprises. Les planches 7 et 8 fournissent l’exemple d’un un petit sachet parfumé que l’on porte sur soi pour conjurer le tel «recyclage». Le paysage de Gyokusen a été conservé, seuls les mauvais sort. L’illustration de Kiyū s’y réfère: le petit sachet de blocs de textes ont été remplacés. soie rouge sert à conserver les bois parfumés ou bâtonnets d’en- cens, tandis que dans les petites coupes laquées, on sert le saké du Nouvel An. Les influences mauvaises ou néfastes sont ainsi 9 | Les animaux du Zodiaque repoussées et l’on boit «à la longue vie». Les autres poèmes mentionnent des motifs du Nouvel An typiques, Les douze animaux du Zodiaque extrême-oriental – rat, bœuf, tels que le coassement des grenouilles à l’aube, les fleurs de tigre, lièvre, dragon, serpent, cheval, mouton, singe, coq, chien prunier, l’excursion rituelle à la campagne et les portes du sanc- et sanglier – comptent parmi les motifs les plus appréciés des tuaire ornées. surimono offerts pour les vœux du Nouvel An. Les artistes dé- ployaient toute leur imagination et leur savoir-faire technique pour 6 | Feuillet de poèmes orné de feuilles d’érable et saupoudré d’or développer des modes de représentation toujours plus extrava- Signature non déchiffrée gants. Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Les animaux sont représentés soit de manière naturaliste, avec un Impression polychrome zeste d’humour et d’espièglerie, mais sans allusion à une légende Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.874 ou à une anecdote historique (14, 15 et 16). La plupart du temps, ils apparaissaient sous la forme d’un élément décoratif dans le 7 | Erudit assis dans un pavillon regardant un prunier en fleurs motif d’un vêtement ou des accessoires (11), mais aussi comme Gyokusen (dates de naissance et de décès inconnues) jouet (3 et 13). Japon, époque Edo, 1857 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.865
Pour suggérer l’Année du Serpent, l’artiste du feuillet 12 a repré- Contrairement au surimono de style ukiyo-e, dans un surimono de senté des accessoires de scène du Bugaku, une danse tradition- l’école Shijō, l’image et le texte ne sont pas obligatoirement en nelle exécutée à la Cour impériale. Le masque est caractéristique étroite relation l’un avec l’autre. Ce feuillet en est un bon exemple: du principal personnage de la pièce Genjōraku, qui parle d’un le petit cheval de bois aux formes cubiques, peint en noir, est îlien du sud, mangeur de serpents. un produit populaire de Miharu, un bourg situé au nord de Dans le feuillet 10, Matsukawa Hanzan, l’un des artistes de la préfecture de Fukushima. Son origine remonte à la légende du surimono les plus prolifiques et les plus célèbres du XIXe siècle, général Sakanoue no Tamuramaro, qui date du VIIIe siècle, selon a peint au moyen de quelques rares touches de pinceau laquelle ce dernier ne parvint à remporter une dure bataille que dynamiques un bœuf assis, dont la silhouette sert de cadre à grâce au renfort de 100 petits chevaux qui avaient été sculptés treize haiku. dans les chutes de bois d’une sculpture de Bouddha. Depuis, les habitants de Miharu, lieu de la légendaire bataille, fabriquent 10 | Bœuf assis des petits chevaux de bois comme talismans pour les enfants, Matsukawa Hanzan (1818–1882) afin de les protéger des maladies et autres malheurs. Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1853, 1865 Ce surimono n’a toutefois pas été réalisé au début d’une Année du ou 1877 (Année du Bœuf) Cheval, mais à l’automne 1844, pour la cérémonie de tonsure Impression polychrome d’un certain Tōtarō. Les poèmes font référence à la lumière de la Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.868 pleine lune, image typique pour l’automne, mais sont également une allusion à la tête rasée d’un moine bouddhiste. 11 | Perruque de théâtre surmontée d’un tigre à côté d’une tige de bambou 14 | Œufs et poussins Masuda (?) Shūhō (actif dans la 2e moitié du XIXe s.) Matsukawa Hanzan (1818 –1882) Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1866, 1878 Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 1861 ou 1873 ou 1890 (Année du Tigre) (Année du Coq) Impression polychrome Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1043 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.867 12 | Masque Bugaku et serpent 15 | Deux chiots jouant avec une balle Signature non déchiffrée Miyake Eisai (1810–1876) Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1857, 1869 Japon, époque Edo, 1850 ou 1881 (Année du Serpent) Impression polychrome Impression polychrome Don de Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1027 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1022 16 | Sanglier 13 | Petit cheval de bois et branche d’Ardisia Miyake Eisai (1810–1876) Kita Buichi (actif au milieu du XIXe s.) Japon, époque Edo, 1851 Japon, époque Edo, 1844 Impression polychrome Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.884 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.889
20a | Tapis rouge et corbeille de pique-nique Au premier coup d’œil, cette scène de la vie quotidienne à la Non signé campagne peut aussi être interprétée comme une parodie de la Japon, époque Edo, 2e moitié du XIXe s. parabole zen des «Dix images de la capture du bœuf», qui décrit Impression polychrome les différentes étapes pour atteindre l’Eveil. A la sixième étape, le Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.905 disciple réalisant l’exercice a surmonté son ego et est en accord avec soi-même. Ce dernier est généralement représenté par un 20b | Vendeur de rue berger – symbolisant l’être humain – qui guide avec satisfaction Non signé vers la maison son bœuf qu’il avait perdu, puis retrouvé – symbole Japon, époque Edo, 2e moitié du XIXe s. du vrai «moi» profond. Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.906 20c | Deux hommes éméchés rentrant chez eux Non signé Japon, époque Edo, 2e moitié du XIXe s. Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.907 L’image de ces deux hommes manifestement éméchés sert d’écho visuel aux motifs évoqués dans les poèmes, dont les fleurs – ici, des fleurs de cerisiers – constituent le thème principal. Non seule- ment on en trouve sur les sentiers de montagne, mais aussi dans les villes. Envoûté par leur parfum, un vendeur de bois de chauf- fage rêve d’une fête des fleurs de cerisier. Un autre poète raconte comment il a suivi le parfum des fleurs dans une rue, avant de se rendre compte qu’il s’agissait du parfum d’un produit frais pour noircir les dents, qu’une femme mariée avait reçu de ses voisins. 21 | Paysan portant un araire et guidant son bœuf Non signé Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1075
SALLE II Ausstellungsräume Indische Malerei Park-Villa Raum 2 22 | Commencer la nouvelle année par une tasse de thé Parmi les coutumes du Nouvel An, celle de «puiser de l’eau pour la première fois de l’année» est l’une des plus appréciées. Le premier matin de la nouvelle année, on puisait de l’eau fraîche dans le puits, orné pour l’occasion de symboles porte-bonheur, par exemple des branches de pins ou le shimenawa, une corde en torsades de paille agrémentée de bandes de papier (23). L’«eau neuve» (wakamizu) était utilisée pour préparer le «thé du bonheur» et des mets promettant une année heureuse. Souvent, des cercles de poètes organisaient dans les deux pre- mières semaines de la nouvelle année des cérémonies du thé au cours desquelles les membres échangeaient leurs surimono. Les 37 22 représentations d’ustensiles nécessaires à ces cérémonies sont donc des motifs populaires pour les surimono du Nouvel An. Outre la classique cérémonie du thé (chanoyu), où l’on servait du thé vert 36 23 en poudre, dit matcha (26, 27), les feuilles de thé infusées (sencha) étaient très appréciées parmi les auteurs de haiku des XVIIIe et XIXe siècles. Pour préparer le sencha, on fait infuser les feuilles de Vitrine horizontale 35 24 thé dans des pots en fer, en terre ou en porcelaine (24), puis on le sert dans des petits bols (28). Le saké ne doit pas non plus manquer au Nouvel An; il est servi dans des petites coupes en 39 laque. (29). 34 25 23 | Première eau puisée au Nouvel An 33 26 40 Kōen (dates de naissance et de décès inconnues) Japon, époque Edo, 1857 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.891 32 27 41 24 | Une théière et deux jeunes pousses de fougère (warabi) Shibata Zeshin (1807–1891) 31 28 Japon, ère Meiji, 1878 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.901 30 29 38
25 | Branche de prunier en fleurs, boîte de pique-nique 27 | Récipient pour le thé (chaire) enveloppé dans une étoffe et théière en brocart, châtaigne séchée, noix et friandise Non signé Harada Keigaku (1794 –1856) Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Japon, époque Edo, 1850 Impression polychrome Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.876 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.903 Ce surimono du Nouvel An servait en même temps de publicité à Ce petit récipient pansu enveloppé dans un précieux sac en bro- Asahino, un magasin dans le quartier de Shinchi à Osaka, qui était cart sert à conserver la poudre de thé, le matcha. Les récipients spécialisé dans le chazuke ou ochazuke, un riz au thé vert – un de ce type, importés de Chine, de Corée ou d’Asie du Sud-Est, mets très simple qui est l’un des classiques de la cuisine japo- sont appelées chaire. Ils étaient considérés comme des objets de naise. Le riz cuit est nappé, entre autres d’un mélange de flocons prestige, et, de même que les bols à thé et autres ustensiles, ils de saumon séché, de pruneaux marinés, de wasabi, d’algue constituaient un sujet de discussion lors de la cérémonie du thé. séchée, sur lequel on verse du thé vert. Le nom du magasin figure Les châtaignes séchées (kachiguri) sont censées porter bonheur, sur le petit coffret qui était utilisé comme boîte de pique-nique car la première partie de leur nom se prononce comme le mot ou de récipient pour les ingrédients séchés du chazuke. signifiant «victoire» ou «conquête». La friandise en forme de nœud Le poème waka de 31 syllabes ornant la théière évoque le reflet rappelle les listes de vœux que l’on suspendait aux arbres dans du soleil matinal sur la rivière Kamo à Kyoto et la vie trépidante les sanctuaires et dans les temples. de ses habitants. Les caractères signifiant «soleil matinal» appa- raissent également dans le nom du magasin Asahino. 28 | Baquet d’eau, petite jarre renfermant les feuilles Le texte en prose fait l’éloge des mets délicieux produits par la de thé et deux petits bols sur un plateau laqué maison Asahino, que l’on savourait les jours d’hiver, en se réjouis- Sansetsu? (dates de naissance et de décès inconnues) sant déjà du printemps. Japon, époque Edo, vers le milieu du XIXe s. Impression polychrome 26 | Bol à thé en céramique raku et fleur de prunier Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.878 Kei(?)gaku (dates de naissance et de décès inconnues) Japon, époque Edo, milieu du XIXe s. 29 | Ustensiles pour le saké du Nouvel An Impression polychrome Mitsumasa? (dates de naissance et de décès inconnues) Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.896 Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Impression polychrome Les bols en céramique raku, du nom de la famille de potiers qui Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1021 travaillaient à Kyoto dans les années 1580, correspondent, avec leur forme irrégulière et leur aspect sans prétention, à l’esthétique du wabicha. Ce style, créé par le maître de thé Sen no Rikyū, exaltait l’idée d’une sobriété et d’une simplicité raffinée. 30 | Scènes de la vie courante La façon dont ce bol étiré en hauteur et modelé de manière volon- tairement irrégulière a été représenté au moyen de la technique Les surimono de type haikai réalisés à partir des années 1840 picturale «sans os», sans lignes de contour claires, est remar- dans la région du Kamigata, c.-à-d. la zone autour d’Osaka et quable. L’imprimeur doit faire preuve d’une très grande habileté de Kyoto, ont été souvent illustrés par des peintres de l’école pour étaler l’encre sur le bloc de bois et la presser sur le papier Shijō, raison pour laquelle ils sont appelés également surimono au moyen d’un tampon, afin de donner l’impression tactile d’une de l’école Shijō. Le quartier de Kyoto où se trouvait l’atelier de glaçure grossière et rugueuse. Matsumura Goshun (1752–1811), son fondateur, dans la 4e avenue («Shijō»), a donné son nom à cette tradition picturale.
Goshun avait d’abord étudié auprès de Yosa Buson, l’un des prin- 34 | Un adulte et un jeune rentrant chez eux avec des flèches cipaux poètes de haiku et peintre lettré du XVIIIe siècle, puis, porte-bonheur (hamaya) après la visite d’un temple après sa mort, auprès de Maruyama Ōkyo, qui connut un grand au Nouvel An succès avec son style pictural naturaliste et décoratif. La peinture Donshū (actif au milieu du XIXe s.) de Goshun conjugue cette tendance à rester fidèle à la nature, Japon, époque Edo, 1857 propre à Ōkyo, et le lyrisme de Buson. L’influence de ce dernier se Impression polychrome fait surtout sentir dans la peinture de personnages: les figures, Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1090 caricaturales, sont esquissées au moyen de larges coups de pin- ceau, mais se caractérisent toutefois par leurs traits sympathiques Aujourd’hui encore, dans les sanctuaires Shinto, on vend des et pleins d’humour. Ils font écho au ton humoristique et terre à flèches décoratives «tueuses de démons» appelées hamaya, qui terre du haiku qui les accompagne. seront offertes en cadeau aux garçons, et quelques fois aussi aux Les représentations de scènes de la vie courante, comme on peut filles. Cette coutume remonte à une tradition de la classe des en voir dans les feuillets exposés ici, appartiennent au répertoire samouraïs, selon laquelle on offrait à un enfant de sexe masculin, fixe de l’école Shijō. La façon dont les artistes ont su saisir pour sa première fête du Nouvel An, une flèche et un arc qui de- de manière vivante non seulement des activités quotidiennes, mais vaient le protéger des influences malfaisantes. aussi les états d’âme des personnages portraiturés, en ne s’ap- puyant que sur quelques procédés stylistiques, est absolument 35 | Vendeur de rue proposant des décorations du remarquable. Nouvel An et petit garçon Tōkyoen (dates de naissance et de décès inconnues) 31 | Deux garçonnets jouant avec des chiots et Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 1817 ou 1877 branches de fougère Impression polychrome Matsukawa Hanzan (1818–1882) Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.898 Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1850, 1862 ou 1874 (Année du Chien) 36 | Paysan travaillant dans les champs Impression polychrome Maki Sozan (actif entre 1850 et 1860) Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1029 Japon, époque Edo, vers le milieu du XIXe s. Impression polychrome 32 | Un vendeur de jouets et deux garçonnets Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1047 Matsukawa Hanzan (1818–1882) Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1850, 1862 37 | Société faisant la fête lors d’une excursion en bateau ou 1874 (Année du Chien) Kigensei? (dates de naissance et de décès inconnues) Impression polychrome Japon, ère Meiji, 1869 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1089 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1040 33 | Sur le chemin du retour après une fête pour admirer les cerisiers en fleurs Le motif du bateau transportant des personnes de classe so- Yabu Chōsui (actif de 1830 à 1864) ciale, d’âge et de profession différentes, revient souvent dans Japon, époque Edo, vers 1860 les «images du monde flottant» (ukiyo-e). Il symbolise le concept Impression polychrome bouddhiste selon lequel tous les êtres humains – et les animaux Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1052 – sont finalement égaux et doivent emprunter la même voie pour atteindre l’Eveil. Les poèmes font allusion au mélange social sur
le bateau et décrivent les différents personnages – la chanteuse riche clientèle. Si le vœu s’accomplissait, il posait un petit coussin de rues (torioi), les danseurs de manzai, le saltimbanque avec son sous la figure. Des nadeushi étaient souvent représentés sur les petit singe, le moine, le vendeur d’herbes aromatiques, le dandy et surimono produits pour l’Année du Bœuf. le samouraï. Les poèmes ont été composés par des membres du cercle litté- raire Tōrien à Osaka, fondé par Tōrien Kurimado. Ils évoquent 38a | Tige de bambou à laquelle sont suspendus des les motifs printaniers habituels – fleurs de prunier, herbes aroma- symboles de bonheur tiques, chants du rossignol, fleurs de cerisier – ainsi que le Gyokuen (actif entre 1830 et 1860) Festival Tōka Ebisu. Cette fête qui dure cinq jours est dédiée au Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 1867–1868 dieu du bonheur Ebisu, protecteur des pêcheurs et des mar- Impression polychrome chands, et est célébrée chaque année, la deuxième semaine du Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1093 premier mois, dans les sanctuaires qui lui sont dédiés. Ce grand surimono qui compte 25 poèmes a été publié par plu- 39a | Branche de camélia sieurs acteurs du théâtre kabuki, afin de célébrer le changement Kyu- zan (dates de naissance et de décès inconnues) de nom d’un jeune collègue. Le texte d’introduction est de Japon, époque Edo Meiji, 1880 Tamaroku, qui reçut son nouveau nom de plume, Asao Tomozō V, Impression polychrome en 1867. Il y remercie ses collègues plus âgés de leur sollicitude Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.860 et de leur enseignement, et les prie de continuer d’être bien- veillants à son égard. Des acteurs issus de lignées célèbres, tels Les camélias, arbustes au feuillage persistant, fleurissent de qu’Asao, Ichikawa et Bandō, avaient composé des vers à cette oc- novembre à mars et sont donc considérés comme le symbole de casion. Outre les motifs printaniers habituels – la rosée matinale, la nouvelle année. Les couleurs de leurs fleurs – rouge, blanc, le vent d’Est et les fleurs de prunier – ils évoquent des «jeunes ou rouge et blanc chinés – sont censées porter bonheur, tandis pousses», faisant allusion aux jeunes talents ainsi qu’à la verdure que leurs feuilles persistantes sont le symbole d’une longue vie. fraîche du printemps. Des tiges de bambous, agrémentées d’innombrables porte-bon- 39b | Deux capsules de pavot et un pétale de heur, tels qu’une bourse, un marteau remplissant tous les vœux, coquelicot s’envolant des pièces de monnaie, des balles de riz, etc., sont traditionnelle- Kōen? (dates de naissance et de décès inconnues) ment distribués dans les sanctuaires Shinto lors du Festival Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Tōka Ebisu. Ils sont censés apporter à leurs destinataires le bon- Impression polychrome heur et le bien-être tout au long de l’année. Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.861 38b | Statuette de bœuf porte-bonheur (nadeushi) 40a | Cordon orné de décorations du Nouvel An et seau d’eau sur trois coussins Sōga? (dates de naissance et de décès inconnues) Matsukawa Hanzan (1818–1882) Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, fin du XIXe s. Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Impression polychrome Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1042 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1102 40b | Serviette (tenugui) suspendue à un prunier Les nadeushi ou «bœufs à caresser» sont des petites statuettes Iwase Kyōsui (1816–1867) en pierre ou en bois qui étaient exposées dans les magasins. Le Japon, époque Edo, 1867 propriétaire caressait le bœuf en émettant un vœu – souvent, une Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.892
41a | Un cerf regardant la pleine lune du haut d’une falaise Nous ne possédons que très peu d’information biographique sur Sceau non identifié Baimin, qui a constitué cet album. Le suffixe «ō», littéralement Japon, époque Edo, 1856 «homme âgé», qui suit son nom indique qu’il avait atteint l’âge de Impression polychrome 60 ans. Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.864 Non seulement Baimin constitué ce recueil de surimono – le premier de trois au total –, mais il apparaît également sur 41b | Cerf regardant la lune quelques feuillets en tant qu’illustrateur et en tant que poète. Cela Tanaka Shūtei (1810–1858) laisse supposer qu’il s’agissait d’un maître de haiku dirigeant un Japon, époque Edo, vers le milieu du XIXe s. cercle de poètes amateurs provenant de différentes provinces, Impression polychrome et qu’il gagnait sa vie en améliorant les poèmes de ses élèves, Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.879 pour les évaluer ensuite et faire un choix en vue d’une publication. Ce genre de «formation à distance» était courant dans le Japon du Les surimono n’étaient pas seulement publiés au Nouvel An, XIXe siècle. A l’époque, le réseau de routes avait été développé mais aussi à l’occasion des fêtes saisonnières. Le motif du cerf et sécurisé, ce qui entraîna une augmentation de la mobilité et des regardant la lune est depuis toujours associé à l’automne dans la échanges toujours croissants de marchandises et d’informations littérature et les arts visuels japonais. Les poèmes figurant sur entre les grands centres urbains et les provinces rurales. ces deux feuillets se réfèrent à l’atmosphère mélancolique de la Les cercles de poètes, comme celui de Baimin, constituaient une saison et à la beauté de la lune automnale. «sphère utopique», dans laquelle les barrières sociales étaient abolies et où des personnes provenant des diverses couches de la société et de différentes régions pouvaient échanger leurs idées Vitrine horizontale sur la poésie. Album comptant quatorze surimono Divers artistes Japon, époque Edo, 1863 Album à reliure accordéon, impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.908 bis .922 Album avec surimono de poèmes rassemblés par le «vieil homme» Baimin, vol. 1 Divers artistes Japon, époque Edo, 2e moitié du XIXe s. Album à reliure accordéon, impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.923 bis .1018 Cet album renferme 96 surimono, dont le plus ancien est daté de 1827 et le plus récent de 1872. La plupart des autres feuillets proviennent des années 1850.
SALLE III Ausstellungsräume Indische Malerei Park-Villa Raum 3 45 | Des mets porte-bonheur Certaines sortes de légumes, de fruits ou de poissons sont sou- vent déposées comme offrandes pour le Nouvel An dans des sanctuaires Shinto, décorent les maisons ou sont envoyées comme cadeaux de remerciement à des supérieurs ainsi qu’à d’autres bienfaiteurs. Avec sa forme ronde et sa couleur rouge, l’orange amère (46, 47) rappelle le soleil levant, et donc le début d’une journée ou d’une année prometteuse. Son autre nom, daidai, est identique au terme désignant les «générations suivant des générations», ce qui revient 42 43 44 à souhaiter une riche descendance. Le navet (48) est supposé chas- ser le mal et assurer une longue vie. La dorade (50), tai en japonais, 45 60 rime avec le mot medetai, ou «bonheur», «promettant le bonheur», et est donc un mets fort prisé pour les fêtes. Elle est souvent associée au dieu du bonheur Ebisu. Les palourdes japonaises (51) 46 59 symbolisent, d’une part, l’harmonie conjugale, d’autre part, on leur attribue la faculté de répandre un brouillard violet qui fait apparaître les légendaires îles des Immortels ou le palais du Roi-Dragon. 47 58 46 | Corbeille à anse avec orange amère et herbes printanières aromatiques 48 57 Matsukawa Hanzan (1818–1882) Japon, époque Edo, 1856 Impression polychrome 49 56 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.887 47 | Corbeille à anse remplie d’oranges amères, d’herbes 50 55 printanières aromatiques et d’un étui renfermant des surimono Watanabe Shōeki (dates de naissance et de décès inconnues) 51 54 Japon, ère Meiji, 1874 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.890 61 64 52 53 48 | Petites corbeilles en bambous remplies de navets Umekawa Tōkyo (dates de naissance et de décès inconnues) 62 63 Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1048
49 | Lys et trois champignons Les surimono de type haikai sont en revanche des recueils de Shiokawa Bunrin (1808–1877) poèmes généralement illustrés. Les feuillets peuvent contenir Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. jusqu’à cinquante haiku qui ne proviennent pas seulement des Impression polychrome membres d’un certain cercle littéraire, mais ont souvent été com- Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1061 posés dans le cadre d’un concours de poèmes organisé au niveau national. Ainsi, l’illustration ne joue qu’un rôle accessoire dans 50 | Dorade sur des feuilles de sasa et fleurs de cerisier la composition globale, et sert surtout de décor accessoire aux Matsukawa Hanzan (1818–1882) poèmes. Les motifs sont décoratifs et aisément compréhensibles. Japon, époque Edo, vers 1850 Les paysages ne se réfèrent pas à des territoires identifiables, Impression polychrome mais sont des lieux fictifs et idylliques qui suggèrent un retrait Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.885 imaginaire de la vie frénétique quotidienne. Quant aux figures, il s’agit souvent de personnages du folklore de l’Asie de l’Est. Les poèmes de ce surimono du Nouvel An proviennent vraisem- blablement de jeunes geishas ainsi que le suggèrent les noms de 54 | Paysage printanier avec une cabane poètes féminins. L’une a même indiqué son âge – dix-neuf ans. Signature non encore identifiée Certaines ont récemment changé leur nom de scène, ce qui Japon, époque Edo, 1844 a peut-être motivé la publication de ce surimono. Le motif de la Impression polychrome dorade symbolise précisément le caractère festif de ce feuillet. Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1091 51 | Palourdes japonaises et fleurs de prunier 55 | Personnage ramassant du bois dans un Harada Keigaku (1794–1856) paysage de montagnes Japon, époque Edo, 1861 Non signé Impression polychrome Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.902 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1057 52 | Balles de riz et moineaux Matsukawa Hanzan (1818–1882) Les huit haiku figurant sur ce surimono ont été réalisés par des Japon, époque Edo, 1862 membres de l’école Katsura d’interprètes de rakugo, une forme de Impression polychrome spectacle littéraire basé sur des monologues humoristiques. Les Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1028 poèmes expriment le sentiment de joie à l’idée du printemps qui s’annonce, lorsque, malgré le froid et la neige, le premier par- fum des fleurs de prunier et le chant des cigales sont déjà 53 | Paysage et figures perceptibles. Le passage en prose dans l’introduction révèle que ce surimono Il existe une différence essentielle entre les surimono de type était dédié à un grand maître du rakugo défunt, sans doute kyōka et les surimono de type haikai au niveau de la significa- Katsura Bunshi I (1773–1815), le fondateur de l’école Katsura. tion accordée à l’image et au texte. Les surimono de type kyōka comptent généralement deux à quatre poèmes qui, sur le plan du 56 | Village de montagne au printemps contenu et de la forme, sont en étroite relation avec l’illustration. Kakusho (actif entre 1850 et 1870) La poésie et l’image se complètent. Et ces deux éléments sont Japon, ère Meiji, 1869 liés par un réseau complexe de jeux de mots équivoques concer- Impression polychrome nant des événements historiques et des allusions à des faits et/ Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1062 ou des coutumes historiques.
57 | Paysage fluvial 60 | Chang’e s’enfuyant vers la lune avec l’élixir de l’immortalité Himemaru Kyūtaro (actif dans la 1re moitié du XIXe s.) Tanaka Shūtei (1810–1858) Japon, époque Edo, 1re moitié du XIXe s. Japon, époque Edo, 1856 Impression polychrome Impression polychrome » Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.900 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.881 58 | Vendeuse de bois de chauffage d’Ohara La jeune femme revêtue d’une robe semblable à celles des dames Ōnishi Chinnen (1792–1851) de la cour chinoise, qui tient un récipient en terre dans ses mains Japon, époque Edo, 1829 ou 1841 (Année du Bœuf) et semble s’envoler sur les nuages en direction de la pleine lune, Impression polychrome est sans doute la déesse de la lune Chang’e, une figure de la Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.899 mythologie chinoise. Chang’e était mariée au légendaire archer Houyi, qui avait abattu neuf soleils et empêché ainsi la Terre de se Ohara est un faubourg campagnard pittoresque au nord-est de consumer. Pour le récompenser, la Reine-mère de l’Ouest lui offrit Kyoto, célèbre pour ses temples bouddhistes et sa somptueuse l’élixir de l’immortalité. Chang’e découvrit un jour la potion ma- végétation automnale. Dès le XIIIe siècle, les Oharame, littérale- gique que son mari lui avait caché et la but. Elle se sentit alors de ment les «jeunes filles d’Ohara», faisaient partie du folklore local plus en plus légère et s’éleva bientôt dans les airs, jusqu’à la Lune. et étaient un motif apprécié dans les arts visuels. Les femmes d’Ohara portent des vêtements en coton indigo et sont coiffées 42a | Musicien de rue d’un foulard en coton tenugui, sur lequel elles portent en équilibre Miyake Eisai (1810 –1876) de gros fagots de bois. Les images représentant des Oharame Japon, époque Edo, vers 1850 étaient particulièrement appréciées dans la peinture et dans la Impression polychrome gravure sur bois à l’époque Edo. Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.883 59 | Le vieux couple Jō et Uba 42b | Courtisan en tenue de chasse et son serviteur Matsuyama Nantei (actif au milieu du XIXe s.) Matsukawa Hanzan (1818–1882) Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s. Japon, époque Edo, 1850 ou 1862 (Année du Chien) Impression polychrome Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.897 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.886 Il existe une légende selon laquelle, à Sumiyoshi et Takasago, deux 43a | Chapeau de voyage d’une dame de la cour localités de la baie d’Osaka, deux pins sur la rive symbolisent un accroché à un cerisier en fleurs vieux couple, Jō (litt. «vieil homme») et Uba (litt. «vieille femme»). Tanaka Shūtei (1810–1858) Lorsqu’il était jeune, Jō était tombé amoureux d’une belle jeune Japon, époque Edo, 1856 femme – l’esprit du grand pin sur la plage de Takasago. Avec la Impression polychrome bénédiction de la divinité vénérée à Sumiyoshi, tous deux purent Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1023 toutefois mener une vie heureuse jusqu’à un âge avancé. Cette histoire jouait un rôle fondamental dans la pièce de théâtre 43b | Eventails, bande de papier pour des poèmes, Nō intitulée Takasago; les figures du vieux couple ramassant les rameaux de pin et fleurs de prunier aiguilles de pins sur la plage sont en outre un motif apprécié Katsushika Hokuun (actif entre 1810 et 1845) dans l’art et dans l’artisanat d’art. Elles sont souvent exposées au Japon, époque Edo, vers 1830 Nouvel An, comme un porte-bonheur, un symbole de longue vie Impression polychrome et d’harmonie conjugale. Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1066
Ce surimono fut publié par le groupe de Kyōsaki, de la province Les représentations de vers à soie étaient généralement associées d’Hida (aujourd’hui préfecture de Gifu). Les poèmes sont des waka au printemps tardif. Les poèmes figurant sur ce feuillet évoquent de 31 syllabes rédigés dans le «style japonais». Ils chantent les toutefois des activités et des objets typiques du Nouvel An: phénomènes naturels qui accompagnent le printemps, comme la se revêtir de nouveaux habits au cours des trois premiers jours brume matinale, l’apparition des premières feuilles de saule, le de l’année, le premier lever de soleil, la préparation des mets du vent d’Est qui s’annonce ou la première aurore de l’année. Nouvel An, par exemple des œufs de hareng, symboles d’une Parmi les auteurs qui se présentaient comme poètes humoristes, riche descendance et de bien-être. Ishikawa Masamochi (1754–1830) est le plus connu. Publiant également sous le pseudonyme de Rokujuen, Masamochi était 62b | Feuille de lierre et pinceau un érudit du mouvement littéraire dit des «Etudes nationales», un Sōhaku? (dates de naissance et de décès inconnues) auteur de poèmes kyōka et d’ouvrages de littérature populaire Japon, époque Edo, 1856 qui vivait à Edo (aujourd’hui Tokyo). Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.871 44a | Coucou volant devant la pleine lune Hōsai (actif entre 1840 et 1860) 63a | Poissons, poulpe, crustacés et un cafard Japon, époque Edo, 1856 sur un cadre en bois Impression polychrome Tanaka Shūtei (1810 –1858) Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.882 Japon, époque Edo, 1856 Impression polychrome 44b | Deux papillons devant des montagnes lointaines Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.869 Sesshin? (dates de naissance et de décès inconnues) Japon, époque Edo, 1865 63b | Grenouilles et crapauds Impression polychrome Satō Suiseki (actif entre 1806 et 1840) / Shōzan? Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1053 Japon, époque Edo, 1re moitié du XIXe s. Impression polychrome 61a | Palanquin et jeunes pins Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.888 Muramatsu Kisui (actif dans les années 1880) Japon, époque Edo, vers 1845 64a | Carpes bondissant dans un filet Impression polychrome Muramatsu Kisui (actif dans les années 1880) Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1065 Japon, ère Meiji, vers 1880 Impression polychrome 61b | Moustiquaire et éventails Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1074 Tanaka Shūtei (1810–1858) Japon, époque Edo, 1856 64b | Primevères japonaises dans un bol en Impression polychrome porcelaine bleu-blanc Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.880 Suga Shōhō (1792–1851) Japon, époque Edo, 1828 62a | Elevage de vers à soie Impression polychrome Ueda Kōchū (1819 –1911) Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1072 Japon, époque Edo, années 1860 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.870
Ce surimono publié en 1828, qui est surmonté du titre «Chanson printanière», comprend quinze haiku composés par des membres de l’école Enjubō appartenant au cercle littéraire de Kane, pour accompagner la mélodie du shamisen, une sorte de luth à trois cordes. Le groupe était dirigé par Enjubō, dont le poème est à la place d’honneur à l’extrême gauche de la feuille. Enjubō était le nom de plume du joueur de shamisen Okamuraya Tōbei, qui reçut le titre de Kiyomoto Enjudayū II en 1827. Ce surimono a été sans doute réalisé pour annoncer ce nouveau nom. Quelques-uns des poètes y ayant participé, qui étaient également des musiciens du même ensemble, avaient eux aussi changé leur nom d’artiste. Les poèmes évoquent des motifs printaniers typiques – fleurs de prunier, chant du rossignol et fleurs d’Adonis – dont on ornait souvent les maisons au Nouvel An, en guise de porte-bonheur. L’illustration de Suga Shōhō représente toutefois des primevères japonaises (sakurasō). Cette plante, qui avait été importée de Chine au XVIIIe siècle, était aussi bien appréciée comme plante ornementale au jardin qu’à la maison. 64c | Fabricant de nattes en paille Sekkō (dates de naissance et de décès inconnues) Japon, époque Edo, 1839 Impression polychrome Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.10 Formats du surimono
Formats du surimono a ō-bōsho, «grande feuille hōsho», env. 42 x 57 cm b chōban ou nagaban, «longue feuille», env. 21 x 57 cm c yoko-chūban, «feuille horizontale moyenne», env. 21 x 28,5 cm a d shikishi-ban, «feuille carrée», env. 21 x 19 cm e yatsugiri-ban, «un huitième de feuille», env. 21 x 14,2 cm f jūnigiri-ban, «un douzième de feuille», env. 21 x 9,3 cm g jūrokugiri-ban, «un seizième de feuille», env. 10 x 14,2 cm h kokonotsugiri-ban, «un neuvième de feuille», env. 14 x 19 cm b c c b d d d e f g Remerciements h Erich Gross, Nina Schweizer et Fengyu Wang ont contribué de manière déterminante à l’analyse scientifique des surimono présentés dans cette exposition. Nous leur exprimons notre profonde gratitude. Traduction: Nicole Viaud
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