POÈMES ILLUSTRÉS DE L'ÉCOLE SHIJO

 
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SURIMONO
P O È M E S I L L U S T R É S D E L’ É C O L E S H I J O
                 24.10.2019 – 9.2.2020
                                                    rietberg.ch
tible et de leur atmosphère poétique. Cette exposition vous invite
SURIMONO                                                                  à découvrir toute la diversité des sujets abordés dans les surimono
                                                                          de l’école Shijō. Les estampes y sont considérées sous un angle
                                                                          purement historique et artistique – l’exposition se concentre donc
Poèmes illustrés de l’école Shijō                                         sur les motifs de ces estampes ainsi que sur les diverses tech-
                                                                          niques picturales et méthodes d’impression.
Les surimono, littéralement «choses imprimées», constituent un
genre important de l’art graphique japonais du début du XVIIe             C’est grâce au collectionneur zurichois Erich Gross que nous
jusqu’à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, quand on les évoque, on       pouvons admirer la beauté discrète des surimono de l’école Shijō.
pense surtout aux somptueuses estampes colorées gravées sur               Avec son épouse Gisela Müller, entretemps décédée, il a rassem-
bois présentant des poèmes humoristiques illustrés dans un style          blé avec amour durant plusieurs décennies cette collection qu’il
ukiyo-e. Ces kyōka ou ukiyo-e surimono, étaient déjà fort appréciés       a désormais offert au Musée Rietberg, afin que ces estampes
des collectionneurs occidentaux dès la fin du XIXe siècle.                soient enfin accessibles à un vaste public.
N’ayant que de faibles connaissances de la langue et des cou-
tumes japonaises, ces derniers étaient surtout séduits par l’attrait
visuel de ces estampes et la renommée de leurs illustrateurs.
Ce n’est guère que dans les trois dernières décennies qu’il a été
possible de déchiffrer les multiples niveaux d’interprétation et les
allusions complexes des poèmes et des images, en l’occurrence
de comprendre ces surimono.

Les quelque 80 estampes présentées dans cette exposition sont
également appelées surimono, bien qu’elles se distinguent à plus
d’un égard des catégories décrites ci-dessus. Au lieu des poèmes
burlesques de 31 syllabes (kyōka), on trouve ici des vers de 17
syllabes, dits haikai (fr. «haïkaï»), que nous connaissons aujourd’hui
sous le nom de haiku (fr. «haïku»). Au lieu de deux à quatre vers,
chaque feuillet en comprend des dizaines; ce faisant, l’illustra-
tion ne joue qu’un rôle secondaire dans la composition. De nom-
breuses estampes ne présentent ni signature ni sceau. Quant aux
noms des illustrateurs qui ont pu être identifiés, il s’agit d’artistes
peu connus, qui avaient adopté le style pictural naturaliste de
l’école Shijō.

Du fait que l’on ne sait pratiquement rien sur les artistes et les
poètes impliqués et que les nombreux poèmes sont difficiles à dé-
chiffrer et à traduire, les surimono de type haikai ou de l’école de
Shijō n’ont été que rarement collectionnés ou étudiés jusqu’à ce
jour. Pourtant, l’expressivité subtile des illustrations est absolument
fascinante: ces fleurs et ces animaux, ces paysages idylliques,
ces objets d’usage courant ou les scènes de la vie quotidienne,
tracés d’un pinceau alerte au moyen de quelques traits, touchent
encore aujourd’hui le spectateur à cause de leur charme irrésis-
Salle   I
Ausstellungsräume Indische Malerei Park-Villa Raum 1        18 | Bref rappel historique
                                                            A l’origine, toutes les estampes gravées sur bois étaient appe-
                                                            lées surimono, mais à partir du début du XVIIe siècle, ce terme
                                                            sera surtout utilisé pour des estampes produites en tirages limi-
                                                            tés et distribuées sous forme de cadeau à des particuliers. Elles
                                                            n’étaient pas réalisées à des fins commerciales, mais pour annon-
                                                            cer différents événements ou manifestations – représentations
                                                            théâtrales ou concerts, inauguration d’un magasin, changement
                                                            de nom, et, le plus souvent, comme carte de vœux du Nouvel
                                                            An. La plupart des surimono étaient toutefois des commandes de
                                                            cercles littéraires qui désiraient publier le résultat d’un concours
                                                            de poèmes. Dans une première phase, la poésie occupait donc
                         9            8                     une place centrale, l’illustration ne jouant qu’un rôle accessoire, et
                                                            parfois même, les poèmes étaient publiés sans être illustrés.

                        10            7                     Les poèmes des surimono étaient, à l’origine, des haikai de 17
                                                            syllabes, plus connus aujourd’hui sous le nom de haiku. Au
     21                                                     XVIIIe siècle, la popularité croissante des poèmes burlesques de
                        11            6                     31 syllabes dits kyōka encouragea la production de surimono
                                                       17
                                                            comprenant deux à quatre vers satiriques de poètes renommés
                                                            accompagnés de somptueuses illustrations de maîtres célèbres de
                        12            5                     l’ukiyo-e, littéralement «images du monde flottant» (17). Les
                                                       18   surimono avec kyōka de style ukiyo-e, luxueusement décorés, sont
                                                            le fruit de la culture urbaine qui régnait dans la capitale Edo
                        13            4                     (aujourd’hui Tokyo). Ils connaîtront leur apogée entre 1790 et
                                                            1830. Des réformes politiques et une censure accrue dans les
                                                       19   années 1830 mettront un frein à la production de ces poèmes,
                        14            3                     et donc aux surimono de style ukiyo-e.

                                                            Durant les années 1840, les surimono de type haikai (19) connaî-
                        15            2                     tront un regain de popularité. Les poèmes étaient composés par
                                                            des amateurs provenant des couches sociales et des groupes
     20                                                     d’âge les plus divers; des femmes et des enfants apportaient par-
                        16            1                     fois leur contribution. Ces recueils de poèmes étaient illustrés
                                                            par des peintres de la région d’Osaka ou de Kyoto travaillant sou-
                                                            vent dans le style de l’école Shijō. Cette tradition picturale qui se
                                                            développera dans le sillage de Matsumura Goshun, se distingue
                                                            par des peintures de paysages, d’animaux et de fleurs d’un esprit
                                                            à la fois lyrique et naturaliste, ainsi que des scènes de la vie
                                                            quotidienne pleines d’humour et d’insouciance.
17 | Les acteurs Ichikawa Danjūrō VII et Iwai Shijaku I   1 | Matériaux et techniques
     dans un spectacle sur la guerre de Genpei
Utagawa Kunisada (1786–1865)                              Les estampes ukiyo-e commerciales japonaises étaient le fruit
Japon, époque Edo, vers 1827-1830                         d’une collaboration entre les différents métiers impliqués:
Surimono ukiyo-e ou kyōka, impression polychrome          l’éditeur commandait une esquisse auprès d’un artiste; sur la base
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2019.326          de celle-ci, le graveur reportait le motif et le gravait dans le bois,
                                                          réalisant un set de blocs d’impression – un pour chaque couleur
19 | Cultivateur semant du riz                            ainsi que pour les effets spéciaux tels que l’impression en relief
Shibata Zeshin (1807–1891)                                ou le gaufrage (5, 14). Ensuite, l’imprimeur enduisait d’encre les
Japon, époque Meiji, 1868                                 planches gravées selon les instructions de l’artiste et imprimait les
Surimono Shijō ou haïkaï, impression polychrome           premières épreuves.
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1035         Les surimono étaient produits de manière similaire. Le commandi-
                                                          taire, qui, généralement, dirigeait un cercle de poètes, choisissait
                                                          l’artiste et élaborait avec lui le sujet de l’image et la composition
                                                          du surimono. Ensuite, il contactait un éditeur ou le responsable
                                                          d’un atelier spécialisé dans ce type d’estampes, qui supervisait
                                                          l’ensemble du processus d’impression. Un calligraphe, qui reco-
                                                          piait les poèmes avec un art consommé, et un xylographe chargé
                                                          des textes complétaient en outre l’équipe.
                                                          Les surimono destinés à être offerts en cadeau par des particuliers
                                                          étaient publiés en éditions limitées de 50 à 500 estampes. Elles
                                                          étaient imprimées sur un papier de présentation (hōsho) non
                                                          encollé au moyen de pigments naturels et, parfois, de poudre d’or
                                                          et d’argent, très coûteuse (6). En ce qui concerne le papier, on
                                                          distingue le format de grande taille, dit ōbōsho (env. 42 x 57 cm,
                                                          21) et les formats plus intimes, dits yoko-chūban (env. 21 x
                                                          28,5 cm, 2), shikishi (env. 21 x 19 cm, 3) et jūnigiri-ban (env. 21 x
                                                          9,3 cm, 4).

                                                          2 | Palourdes japonaises pour le jeu de coquillages (kai-awase)
                                                          Satō Gyodai (vers 1806 – vers 1895)
                                                          Japon, époque Edo, 1856
                                                          Impression polychrome
                                                          Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1026

                                                          3 | Jouet en bambou en forme de serpent articulé et oiseau
                                                              en papier accroché à une tige de bambou
                                                          Matsukawa Hanzan (1818 –1882)
                                                          Japon, époque Edo, 1857
                                                          Impression polychrome
                                                          Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.894
4 | Bambous et branche de prunier en fleurs                              8 | Erudit assis dans un pavillon regardant un prunier en fleurs
Sceau non déchiffré                                                      Gyokusen (dates de naissance et de décès inconnues)
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.     Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1856, 1868
Impression polychrome                                                    ou 1880 (Année du Dragon)
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1068                        Impression polychrome
                                                                         Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.866
5 | Coupelles à saké ornées du caractère signifiant
     «longue vie» et sachets de parfum                                   Le nombre plus important de poèmes figurant sur chaque feuillet
Ichikawa Kiyū (actif au milieu du XIXe s.)                               est caractéristique du surimono de type haikai. Normalement,
Japon, époque Edo, 1858, 1870 ou 1882 (Année du Cheval)                  chaque vers constitue une ligne verticale, tandis que les deux ou
Impression polychrome                                                    trois derniers caractères tout en bas, qui apparaissent un peu en
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.893                         retrait, restituent le nom de plume de l’auteur du poème. Les vers
                                                                         de poètes qui avaient apporté une contribution financière à la
Le premier poème de droite, traduit librement, signifie: «Boules du      production étaient cités en premier (sens de lecture de la droite
Nouvel An, qu’on les achète ou qu’on les reçoive en cadeau, elles        vers la gauche). Les haiku du principal poète d’un cercle littéraire
sont chaque année remplacées dans ce monde éphémère». Le                 ou d’un hôte qui jouait le rôle d’arbitre, avaient la place d’honneur
terme toshidama, littéralement «boules du Nouvel An», fait allusion      sur la page, à l’extrême gauche du bloc de texte.
d’une part aux pièces de monnaie porte-bonheur, mais aussi à             Du fait que les planches d’impression pour l’image et pour le texte
un don d’argent fait aux enfants ou à une personne plus jeune            étaient gravées séparément, il était possible d’utiliser l’illustration
pour le Nouvel An; il s’agit d’autre part, d’une allusion au kusudama,   à plusieurs reprises. Les planches 7 et 8 fournissent l’exemple d’un
un petit sachet parfumé que l’on porte sur soi pour conjurer le          tel «recyclage». Le paysage de Gyokusen a été conservé, seuls les
mauvais sort. L’illustration de Kiyū s’y réfère: le petit sachet de      blocs de textes ont été remplacés.
soie rouge sert à conserver les bois parfumés ou bâtonnets d’en-
cens, tandis que dans les petites coupes laquées, on sert le saké
du Nouvel An. Les influences mauvaises ou néfastes sont ainsi            9 | Les animaux du Zodiaque
repoussées et l’on boit «à la longue vie».
Les autres poèmes mentionnent des motifs du Nouvel An typiques,          Les douze animaux du Zodiaque extrême-oriental – rat, bœuf,
tels que le coassement des grenouilles à l’aube, les fleurs de           tigre, lièvre, dragon, serpent, cheval, mouton, singe, coq, chien
prunier, l’excursion rituelle à la campagne et les portes du sanc-       et sanglier – comptent parmi les motifs les plus appréciés des
tuaire ornées.                                                           surimono offerts pour les vœux du Nouvel An. Les artistes dé-
                                                                         ployaient toute leur imagination et leur savoir-faire technique pour
6 | Feuillet de poèmes orné de feuilles d’érable et saupoudré d’or       développer des modes de représentation toujours plus extrava-
Signature non déchiffrée                                                 gants.
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.     Les animaux sont représentés soit de manière naturaliste, avec un
Impression polychrome                                                    zeste d’humour et d’espièglerie, mais sans allusion à une légende
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.874                         ou à une anecdote historique (14, 15 et 16). La plupart du temps,
                                                                         ils apparaissaient sous la forme d’un élément décoratif dans le
7 | Erudit assis dans un pavillon regardant un prunier en fleurs         motif d’un vêtement ou des accessoires (11), mais aussi comme
Gyokusen (dates de naissance et de décès inconnues)                      jouet (3 et 13).
Japon, époque Edo, 1857
Impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.865
Pour suggérer l’Année du Serpent, l’artiste du feuillet 12 a repré-   Contrairement au surimono de style ukiyo-e, dans un surimono de
senté des accessoires de scène du Bugaku, une danse tradition-        l’école Shijō, l’image et le texte ne sont pas obligatoirement en
nelle exécutée à la Cour impériale. Le masque est caractéristique     étroite relation l’un avec l’autre. Ce feuillet en est un bon exemple:
du principal personnage de la pièce Genjōraku, qui parle d’un         le petit cheval de bois aux formes cubiques, peint en noir, est
îlien du sud, mangeur de serpents.                                    un produit populaire de Miharu, un bourg situé au nord de
Dans le feuillet 10, Matsukawa Hanzan, l’un des artistes de           la préfecture de Fukushima. Son origine remonte à la légende du
surimono les plus prolifiques et les plus célèbres du XIXe siècle,    général Sakanoue no Tamuramaro, qui date du VIIIe siècle, selon
a peint au moyen de quelques rares touches de pinceau                 laquelle ce dernier ne parvint à remporter une dure bataille que
dynamiques un bœuf assis, dont la silhouette sert de cadre à          grâce au renfort de 100 petits chevaux qui avaient été sculptés
treize haiku.                                                         dans les chutes de bois d’une sculpture de Bouddha. Depuis,
                                                                      les habitants de Miharu, lieu de la légendaire bataille, fabriquent
10 | Bœuf assis                                                       des petits chevaux de bois comme talismans pour les enfants,
Matsukawa Hanzan (1818–1882)                                          afin de les protéger des maladies et autres malheurs.
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1853, 1865            Ce surimono n’a toutefois pas été réalisé au début d’une Année du
ou 1877 (Année du Bœuf)                                               Cheval, mais à l’automne 1844, pour la cérémonie de tonsure
Impression polychrome                                                 d’un certain Tōtarō. Les poèmes font référence à la lumière de la
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.868                      pleine lune, image typique pour l’automne, mais sont également
                                                                      une allusion à la tête rasée d’un moine bouddhiste.
11 | Perruque de théâtre surmontée d’un tigre à côté
     d’une tige de bambou                                             14 | Œufs et poussins
Masuda (?) Shūhō (actif dans la 2e moitié du XIXe s.)                 Matsukawa Hanzan (1818 –1882)
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1866, 1878            Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 1861 ou 1873
ou 1890 (Année du Tigre)                                              (Année du Coq)
Impression polychrome                                                 Impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1043                     Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.867

12 | Masque Bugaku et serpent                                         15 | Deux chiots jouant avec une balle
Signature non déchiffrée                                              Miyake Eisai (1810–1876)
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1857, 1869            Japon, époque Edo, 1850
ou 1881 (Année du Serpent)                                            Impression polychrome
Impression polychrome                                                 Don de Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1027
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1022
                                                                      16 | Sanglier
13 | Petit cheval de bois et branche d’Ardisia                        Miyake Eisai (1810–1876)
Kita Buichi (actif au milieu du XIXe s.)                              Japon, époque Edo, 1851
Japon, époque Edo, 1844                                               Impression polychrome
Impression polychrome                                                 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.884
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.889
20a | Tapis rouge et corbeille de pique-nique                          Au premier coup d’œil, cette scène de la vie quotidienne à la
Non signé                                                              campagne peut aussi être interprétée comme une parodie de la
Japon, époque Edo, 2e moitié du XIXe s.                                parabole zen des «Dix images de la capture du bœuf», qui décrit
Impression polychrome                                                  les différentes étapes pour atteindre l’Eveil. A la sixième étape, le
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.905                       disciple réalisant l’exercice a surmonté son ego et est en accord
                                                                       avec soi-même. Ce dernier est généralement représenté par un
20b | Vendeur de rue                                                   berger – symbolisant l’être humain – qui guide avec satisfaction
Non signé                                                              vers la maison son bœuf qu’il avait perdu, puis retrouvé – symbole
Japon, époque Edo, 2e moitié du XIXe s.                                du vrai «moi» profond.
Impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.906

20c | Deux hommes éméchés rentrant chez eux
Non signé
Japon, époque Edo, 2e moitié du XIXe s.
Impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.907

L’image de ces deux hommes manifestement éméchés sert d’écho
visuel aux motifs évoqués dans les poèmes, dont les fleurs – ici,
des fleurs de cerisiers – constituent le thème principal. Non seule-
ment on en trouve sur les sentiers de montagne, mais aussi dans
les villes. Envoûté par leur parfum, un vendeur de bois de chauf-
fage rêve d’une fête des fleurs de cerisier. Un autre poète raconte
comment il a suivi le parfum des fleurs dans une rue, avant de
se rendre compte qu’il s’agissait du parfum d’un produit frais pour
noircir les dents, qu’une femme mariée avait reçu de ses voisins.

21 | Paysan portant un araire et guidant son bœuf
Non signé
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.
Impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1075
SALLE     II
Ausstellungsräume Indische Malerei Park-Villa Raum 2        22 | Commencer la nouvelle année par une tasse de thé

                                                            Parmi les coutumes du Nouvel An, celle de «puiser de l’eau pour
                                                            la première fois de l’année» est l’une des plus appréciées. Le
                                                            premier matin de la nouvelle année, on puisait de l’eau fraîche
                                                            dans le puits, orné pour l’occasion de symboles porte-bonheur,
                                                            par exemple des branches de pins ou le shimenawa, une corde en
                                                            torsades de paille agrémentée de bandes de papier (23). L’«eau
                                                            neuve» (wakamizu) était utilisée pour préparer le «thé du bonheur»
                                                            et des mets promettant une année heureuse.
                                                            Souvent, des cercles de poètes organisaient dans les deux pre-
                                                            mières semaines de la nouvelle année des cérémonies du thé au
                                                            cours desquelles les membres échangeaient leurs surimono. Les
                                  37   22                   représentations d’ustensiles nécessaires à ces cérémonies sont
                                                            donc des motifs populaires pour les surimono du Nouvel An. Outre
                                                            la classique cérémonie du thé (chanoyu), où l’on servait du thé vert
                                  36   23                   en poudre, dit matcha (26, 27), les feuilles de thé infusées (sencha)
                                                            étaient très appréciées parmi les auteurs de haiku des XVIIIe et
                                                            XIXe siècles. Pour préparer le sencha, on fait infuser les feuilles de
       Vitrine horizontale

                                  35   24                   thé dans des pots en fer, en terre ou en porcelaine (24), puis
                                                            on le sert dans des petits bols (28). Le saké ne doit pas non plus
                                                            manquer au Nouvel An; il est servi dans des petites coupes en
                                                       39   laque. (29).
                                  34   25
                                                            23 | Première eau puisée au Nouvel An
                                  33   26              40   Kōen (dates de naissance et de décès inconnues)
                                                            Japon, époque Edo, 1857
                                                            Impression polychrome
                                                            Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.891
                                  32   27
                                                       41
                                                            24 | Une théière et deux jeunes pousses de fougère (warabi)
                                                            Shibata Zeshin (1807–1891)
                                  31   28
                                                            Japon, ère Meiji, 1878
                                                            Impression polychrome
                                                            Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.901
                                  30   29

                             38
25 | Branche de prunier en fleurs, boîte de pique-nique                 27 | Récipient pour le thé (chaire) enveloppé dans une étoffe
     et théière                                                              en brocart, châtaigne séchée, noix et friandise
Non signé                                                               Harada Keigaku (1794 –1856)
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.    Japon, époque Edo, 1850
Impression polychrome                                                   Impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.876                        Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.903

Ce surimono du Nouvel An servait en même temps de publicité à           Ce petit récipient pansu enveloppé dans un précieux sac en bro-
Asahino, un magasin dans le quartier de Shinchi à Osaka, qui était      cart sert à conserver la poudre de thé, le matcha. Les récipients
spécialisé dans le chazuke ou ochazuke, un riz au thé vert – un         de ce type, importés de Chine, de Corée ou d’Asie du Sud-Est,
mets très simple qui est l’un des classiques de la cuisine japo-        sont appelées chaire. Ils étaient considérés comme des objets de
naise. Le riz cuit est nappé, entre autres d’un mélange de flocons      prestige, et, de même que les bols à thé et autres ustensiles, ils
de saumon séché, de pruneaux marinés, de wasabi, d’algue                constituaient un sujet de discussion lors de la cérémonie du thé.
séchée, sur lequel on verse du thé vert. Le nom du magasin figure       Les châtaignes séchées (kachiguri) sont censées porter bonheur,
sur le petit coffret qui était utilisé comme boîte de pique-nique       car la première partie de leur nom se prononce comme le mot
ou de récipient pour les ingrédients séchés du chazuke.                 signifiant «victoire» ou «conquête». La friandise en forme de nœud
Le poème waka de 31 syllabes ornant la théière évoque le reflet         rappelle les listes de vœux que l’on suspendait aux arbres dans
du soleil matinal sur la rivière Kamo à Kyoto et la vie trépidante      les sanctuaires et dans les temples.
de ses habitants. Les caractères signifiant «soleil matinal» appa-
raissent également dans le nom du magasin Asahino.                      28 | Baquet d’eau, petite jarre renfermant les feuilles
Le texte en prose fait l’éloge des mets délicieux produits par la            de thé et deux petits bols sur un plateau laqué
maison Asahino, que l’on savourait les jours d’hiver, en se réjouis-    Sansetsu? (dates de naissance et de décès inconnues)
sant déjà du printemps.                                                 Japon, époque Edo, vers le milieu du XIXe s.
                                                                        Impression polychrome
26 | Bol à thé en céramique raku et fleur de prunier                    Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.878
Kei(?)gaku (dates de naissance et de décès inconnues)
Japon, époque Edo, milieu du XIXe s.                                    29 | Ustensiles pour le saké du Nouvel An
Impression polychrome                                                   Mitsumasa? (dates de naissance et de décès inconnues)
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.896                        Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.
                                                                        Impression polychrome
Les bols en céramique raku, du nom de la famille de potiers qui         Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1021
travaillaient à Kyoto dans les années 1580, correspondent, avec
leur forme irrégulière et leur aspect sans prétention, à l’esthétique
du wabicha. Ce style, créé par le maître de thé Sen no Rikyū,
exaltait l’idée d’une sobriété et d’une simplicité raffinée.            30 | Scènes de la vie courante
La façon dont ce bol étiré en hauteur et modelé de manière volon-
tairement irrégulière a été représenté au moyen de la technique         Les surimono de type haikai réalisés à partir des années 1840
picturale «sans os», sans lignes de contour claires, est remar-         dans la région du Kamigata, c.-à-d. la zone autour d’Osaka et
quable. L’imprimeur doit faire preuve d’une très grande habileté        de Kyoto, ont été souvent illustrés par des peintres de l’école
pour étaler l’encre sur le bloc de bois et la presser sur le papier     Shijō, raison pour laquelle ils sont appelés également surimono
au moyen d’un tampon, afin de donner l’impression tactile d’une         de l’école Shijō. Le quartier de Kyoto où se trouvait l’atelier de
glaçure grossière et rugueuse.                                          Matsumura Goshun (1752–1811), son fondateur, dans la
                                                                        4e avenue («Shijō»), a donné son nom à cette tradition picturale.
Goshun avait d’abord étudié auprès de Yosa Buson, l’un des prin-       34 | Un adulte et un jeune rentrant chez eux avec des flèches
cipaux poètes de haiku et peintre lettré du XVIIIe siècle, puis,            porte-bonheur (hamaya) après la visite d’un temple
après sa mort, auprès de Maruyama Ōkyo, qui connut un grand                 au Nouvel An
succès avec son style pictural naturaliste et décoratif. La peinture   Donshū (actif au milieu du XIXe s.)
de Goshun conjugue cette tendance à rester fidèle à la nature,         Japon, époque Edo, 1857
propre à Ōkyo, et le lyrisme de Buson. L’influence de ce dernier se    Impression polychrome
fait surtout sentir dans la peinture de personnages: les figures,      Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1090
caricaturales, sont esquissées au moyen de larges coups de pin-
ceau, mais se caractérisent toutefois par leurs traits sympathiques    Aujourd’hui encore, dans les sanctuaires Shinto, on vend des
et pleins d’humour. Ils font écho au ton humoristique et terre à       flèches décoratives «tueuses de démons» appelées hamaya, qui
terre du haiku qui les accompagne.                                     seront offertes en cadeau aux garçons, et quelques fois aussi aux
Les représentations de scènes de la vie courante, comme on peut        filles. Cette coutume remonte à une tradition de la classe des
en voir dans les feuillets exposés ici, appartiennent au répertoire    samouraïs, selon laquelle on offrait à un enfant de sexe masculin,
fixe de l’école Shijō. La façon dont les artistes ont su saisir        pour sa première fête du Nouvel An, une flèche et un arc qui de-
de manière vivante non seulement des activités quotidiennes, mais      vaient le protéger des influences malfaisantes.
aussi les états d’âme des personnages portraiturés, en ne s’ap-
puyant que sur quelques procédés stylistiques, est absolument          35 | Vendeur de rue proposant des décorations du
remarquable.                                                                Nouvel An et petit garçon
                                                                       Tōkyoen (dates de naissance et de décès inconnues)
31 | Deux garçonnets jouant avec des chiots et                         Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 1817 ou 1877
     branches de fougère                                               Impression polychrome
Matsukawa Hanzan (1818–1882)                                           Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.898
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1850, 1862
ou 1874 (Année du Chien)                                               36 | Paysan travaillant dans les champs
Impression polychrome                                                  Maki Sozan (actif entre 1850 et 1860)
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1029                      Japon, époque Edo, vers le milieu du XIXe s.
                                                                       Impression polychrome
32 | Un vendeur de jouets et deux garçonnets                           Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1047
Matsukawa Hanzan (1818–1882)
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji; 1850, 1862             37 | Société faisant la fête lors d’une excursion en bateau
ou 1874 (Année du Chien)                                               Kigensei? (dates de naissance et de décès inconnues)
Impression polychrome                                                  Japon, ère Meiji, 1869
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1089                      Impression polychrome
                                                                       Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1040
33 | Sur le chemin du retour après une fête pour
     admirer les cerisiers en fleurs                                   Le motif du bateau transportant des personnes de classe so-
Yabu Chōsui (actif de 1830 à 1864)                                     ciale, d’âge et de profession différentes, revient souvent dans
Japon, époque Edo, vers 1860                                           les «images du monde flottant» (ukiyo-e). Il symbolise le concept
Impression polychrome                                                  bouddhiste selon lequel tous les êtres humains – et les animaux
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1052                      – sont finalement égaux et doivent emprunter la même voie pour
                                                                       atteindre l’Eveil. Les poèmes font allusion au mélange social sur
le bateau et décrivent les différents personnages – la chanteuse       riche clientèle. Si le vœu s’accomplissait, il posait un petit coussin
de rues (torioi), les danseurs de manzai, le saltimbanque avec son     sous la figure. Des nadeushi étaient souvent représentés sur les
petit singe, le moine, le vendeur d’herbes aromatiques, le dandy et    surimono produits pour l’Année du Bœuf.
le samouraï.                                                           Les poèmes ont été composés par des membres du cercle litté-
                                                                       raire Tōrien à Osaka, fondé par Tōrien Kurimado. Ils évoquent
38a | Tige de bambou à laquelle sont suspendus des                     les motifs printaniers habituels – fleurs de prunier, herbes aroma-
      symboles de bonheur                                              tiques, chants du rossignol, fleurs de cerisier – ainsi que le
Gyokuen (actif entre 1830 et 1860)                                     Festival Tōka Ebisu. Cette fête qui dure cinq jours est dédiée au
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 1867–1868              dieu du bonheur Ebisu, protecteur des pêcheurs et des mar-
Impression polychrome                                                  chands, et est célébrée chaque année, la deuxième semaine du
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1093                      premier mois, dans les sanctuaires qui lui sont dédiés.

Ce grand surimono qui compte 25 poèmes a été publié par plu-           39a | Branche de camélia
sieurs acteurs du théâtre kabuki, afin de célébrer le changement       Kyu- zan (dates de naissance et de décès inconnues)
de nom d’un jeune collègue. Le texte d’introduction est de             Japon, époque Edo Meiji, 1880
Tamaroku, qui reçut son nouveau nom de plume, Asao Tomozō V,           Impression polychrome
en 1867. Il y remercie ses collègues plus âgés de leur sollicitude     Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.860
et de leur enseignement, et les prie de continuer d’être bien-
veillants à son égard. Des acteurs issus de lignées célèbres, tels     Les camélias, arbustes au feuillage persistant, fleurissent de
qu’Asao, Ichikawa et Bandō, avaient composé des vers à cette oc-       novembre à mars et sont donc considérés comme le symbole de
casion. Outre les motifs printaniers habituels – la rosée matinale,    la nouvelle année. Les couleurs de leurs fleurs – rouge, blanc,
le vent d’Est et les fleurs de prunier – ils évoquent des «jeunes      ou rouge et blanc chinés – sont censées porter bonheur, tandis
pousses», faisant allusion aux jeunes talents ainsi qu’à la verdure    que leurs feuilles persistantes sont le symbole d’une longue vie.
fraîche du printemps.
Des tiges de bambous, agrémentées d’innombrables porte-bon-            39b | Deux capsules de pavot et un pétale de
heur, tels qu’une bourse, un marteau remplissant tous les vœux,        coquelicot s’envolant
des pièces de monnaie, des balles de riz, etc., sont traditionnelle-   Kōen? (dates de naissance et de décès inconnues)
ment distribués dans les sanctuaires Shinto lors du Festival           Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.
Tōka Ebisu. Ils sont censés apporter à leurs destinataires le bon-     Impression polychrome
heur et le bien-être tout au long de l’année.                          Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.861

38b | Statuette de bœuf porte-bonheur (nadeushi)                       40a | Cordon orné de décorations du Nouvel An et seau d’eau
      sur trois coussins                                               Sōga? (dates de naissance et de décès inconnues)
Matsukawa Hanzan (1818–1882)                                           Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, fin du XIXe s.
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.   Impression polychrome
Impression polychrome                                                  Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1042
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1102
                                                                       40b | Serviette (tenugui) suspendue à un prunier
Les nadeushi ou «bœufs à caresser» sont des petites statuettes         Iwase Kyōsui (1816–1867)
en pierre ou en bois qui étaient exposées dans les magasins. Le        Japon, époque Edo, 1867
propriétaire caressait le bœuf en émettant un vœu – souvent, une       Impression polychrome
                                                                       Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.892
41a | Un cerf regardant la pleine lune du haut d’une falaise        Nous ne possédons que très peu d’information biographique sur
Sceau non identifié                                                 Baimin, qui a constitué cet album. Le suffixe «ō», littéralement
Japon, époque Edo, 1856                                             «homme âgé», qui suit son nom indique qu’il avait atteint l’âge de
Impression polychrome                                               60 ans.
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.864                    Non seulement Baimin constitué ce recueil de surimono – le
                                                                    premier de trois au total –, mais il apparaît également sur
41b | Cerf regardant la lune                                        quelques feuillets en tant qu’illustrateur et en tant que poète. Cela
Tanaka Shūtei (1810–1858)                                           laisse supposer qu’il s’agissait d’un maître de haiku dirigeant un
Japon, époque Edo, vers le milieu du XIXe s.                        cercle de poètes amateurs provenant de différentes provinces,
Impression polychrome                                               et qu’il gagnait sa vie en améliorant les poèmes de ses élèves,
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.879                    pour les évaluer ensuite et faire un choix en vue d’une publication.
                                                                    Ce genre de «formation à distance» était courant dans le Japon du
Les surimono n’étaient pas seulement publiés au Nouvel An,          XIXe siècle. A l’époque, le réseau de routes avait été développé
mais aussi à l’occasion des fêtes saisonnières. Le motif du cerf    et sécurisé, ce qui entraîna une augmentation de la mobilité et des
regardant la lune est depuis toujours associé à l’automne dans la   échanges toujours croissants de marchandises et d’informations
littérature et les arts visuels japonais. Les poèmes figurant sur   entre les grands centres urbains et les provinces rurales.
ces deux feuillets se réfèrent à l’atmosphère mélancolique de la    Les cercles de poètes, comme celui de Baimin, constituaient une
saison et à la beauté de la lune automnale.                         «sphère utopique», dans laquelle les barrières sociales étaient
                                                                    abolies et où des personnes provenant des diverses couches de la
                                                                    société et de différentes régions pouvaient échanger leurs idées
Vitrine horizontale                                                 sur la poésie.

Album comptant quatorze surimono
Divers artistes
Japon, époque Edo, 1863
Album à reliure accordéon, impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.908 bis .922

Album avec surimono de poèmes rassemblés par le
«vieil homme» Baimin, vol. 1
Divers artistes
Japon, époque Edo, 2e moitié du XIXe s.
Album à reliure accordéon, impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.923 bis .1018

Cet album renferme 96 surimono, dont le plus ancien est daté de
1827 et le plus récent de 1872. La plupart des autres feuillets
proviennent des années 1850.
SALLE     III
Ausstellungsräume Indische Malerei Park-Villa Raum 3        45 | Des mets porte-bonheur
                                                            Certaines sortes de légumes, de fruits ou de poissons sont sou-
                                                            vent déposées comme offrandes pour le Nouvel An dans des
                                                            sanctuaires Shinto, décorent les maisons ou sont envoyées comme
                                                            cadeaux de remerciement à des supérieurs ainsi qu’à d’autres
                                                            bienfaiteurs.
                                                            Avec sa forme ronde et sa couleur rouge, l’orange amère (46, 47)
                                                            rappelle le soleil levant, et donc le début d’une journée ou d’une
                                                            année prometteuse. Son autre nom, daidai, est identique au terme
                                                            désignant les «générations suivant des générations», ce qui revient
     42       43      44                                    à souhaiter une riche descendance. Le navet (48) est supposé chas-
                                                            ser le mal et assurer une longue vie. La dorade (50), tai en japonais,
                        45           60                     rime avec le mot medetai, ou «bonheur», «promettant le bonheur»,
                                                            et est donc un mets fort prisé pour les fêtes. Elle est souvent
                                                            associée au dieu du bonheur Ebisu. Les palourdes japonaises (51)
                        46           59                     symbolisent, d’une part, l’harmonie conjugale, d’autre part, on leur
                                                            attribue la faculté de répandre un brouillard violet qui fait apparaître
                                                            les légendaires îles des Immortels ou le palais du Roi-Dragon.
                        47           58
                                                            46 | Corbeille à anse avec orange amère et herbes
                                                                 printanières aromatiques
                        48           57                     Matsukawa Hanzan (1818–1882)
                                                            Japon, époque Edo, 1856
                                                            Impression polychrome
                        49           56                     Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.887

                                                            47 | Corbeille à anse remplie d’oranges amères, d’herbes
                        50           55                          printanières aromatiques et d’un étui renfermant
                                                                 des surimono
                                                            Watanabe Shōeki (dates de naissance et de décès inconnues)
                        51           54                     Japon, ère Meiji, 1874
                                                            Impression polychrome
                                                            Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.890
     61                                                64
                        52           53
                                                            48 | Petites corbeilles en bambous remplies de navets
                                                            Umekawa Tōkyo (dates de naissance et de décès inconnues)
       62       63                                          Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.
                                                            Impression polychrome
                                                            Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1048
49 | Lys et trois champignons                                           Les surimono de type haikai sont en revanche des recueils de
Shiokawa Bunrin (1808–1877)                                             poèmes généralement illustrés. Les feuillets peuvent contenir
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.    jusqu’à cinquante haiku qui ne proviennent pas seulement des
Impression polychrome                                                   membres d’un certain cercle littéraire, mais ont souvent été com-
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1061                       posés dans le cadre d’un concours de poèmes organisé au niveau
                                                                        national. Ainsi, l’illustration ne joue qu’un rôle accessoire dans
50 | Dorade sur des feuilles de sasa et fleurs de cerisier              la composition globale, et sert surtout de décor accessoire aux
Matsukawa Hanzan (1818–1882)                                            poèmes. Les motifs sont décoratifs et aisément compréhensibles.
Japon, époque Edo, vers 1850                                            Les paysages ne se réfèrent pas à des territoires identifiables,
Impression polychrome                                                   mais sont des lieux fictifs et idylliques qui suggèrent un retrait
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.885                        imaginaire de la vie frénétique quotidienne. Quant aux figures, il
                                                                        s’agit souvent de personnages du folklore de l’Asie de l’Est.
Les poèmes de ce surimono du Nouvel An proviennent vraisem-
blablement de jeunes geishas ainsi que le suggèrent les noms de         54 | Paysage printanier avec une cabane
poètes féminins. L’une a même indiqué son âge – dix-neuf ans.           Signature non encore identifiée
Certaines ont récemment changé leur nom de scène, ce qui                Japon, époque Edo, 1844
a peut-être motivé la publication de ce surimono. Le motif de la        Impression polychrome
dorade symbolise précisément le caractère festif de ce feuillet.        Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1091

51 | Palourdes japonaises et fleurs de prunier                          55 | Personnage ramassant du bois dans un
Harada Keigaku (1794–1856)                                                   paysage de montagnes
Japon, époque Edo, 1861                                                 Non signé
Impression polychrome                                                   Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.902                        Impression polychrome
                                                                        Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1057
52 | Balles de riz et moineaux
Matsukawa Hanzan (1818–1882)                                            Les huit haiku figurant sur ce surimono ont été réalisés par des
Japon, époque Edo, 1862                                                 membres de l’école Katsura d’interprètes de rakugo, une forme de
Impression polychrome                                                   spectacle littéraire basé sur des monologues humoristiques. Les
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1028                       poèmes expriment le sentiment de joie à l’idée du printemps
                                                                        qui s’annonce, lorsque, malgré le froid et la neige, le premier par-
                                                                        fum des fleurs de prunier et le chant des cigales sont déjà
53 | Paysage et figures                                                 perceptibles.
                                                                        Le passage en prose dans l’introduction révèle que ce surimono
Il existe une différence essentielle entre les surimono de type         était dédié à un grand maître du rakugo défunt, sans doute
kyōka et les surimono de type haikai au niveau de la significa-         Katsura Bunshi I (1773–1815), le fondateur de l’école Katsura.
tion accordée à l’image et au texte. Les surimono de type kyōka
comptent généralement deux à quatre poèmes qui, sur le plan du          56 | Village de montagne au printemps
contenu et de la forme, sont en étroite relation avec l’illustration.   Kakusho (actif entre 1850 et 1870)
La poésie et l’image se complètent. Et ces deux éléments sont           Japon, ère Meiji, 1869
liés par un réseau complexe de jeux de mots équivoques concer-          Impression polychrome
nant des événements historiques et des allusions à des faits et/        Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1062
ou des coutumes historiques.
57 | Paysage fluvial                                                     60 | Chang’e s’enfuyant vers la lune avec l’élixir de l’immortalité
Himemaru Kyūtaro (actif dans la 1re moitié du XIXe s.)                   Tanaka Shūtei (1810–1858)
Japon, époque Edo, 1re moitié du XIXe s.                                 Japon, époque Edo, 1856
Impression polychrome                                                    Impression polychrome »
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.900                         Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.881

58 | Vendeuse de bois de chauffage d’Ohara                               La jeune femme revêtue d’une robe semblable à celles des dames
Ōnishi Chinnen (1792–1851)                                               de la cour chinoise, qui tient un récipient en terre dans ses mains
Japon, époque Edo, 1829 ou 1841 (Année du Bœuf)                          et semble s’envoler sur les nuages en direction de la pleine lune,
Impression polychrome                                                    est sans doute la déesse de la lune Chang’e, une figure de la
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.899                         mythologie chinoise. Chang’e était mariée au légendaire archer
                                                                         Houyi, qui avait abattu neuf soleils et empêché ainsi la Terre de se
Ohara est un faubourg campagnard pittoresque au nord-est de              consumer. Pour le récompenser, la Reine-mère de l’Ouest lui offrit
Kyoto, célèbre pour ses temples bouddhistes et sa somptueuse             l’élixir de l’immortalité. Chang’e découvrit un jour la potion ma-
végétation automnale. Dès le XIIIe siècle, les Oharame, littérale-       gique que son mari lui avait caché et la but. Elle se sentit alors de
ment les «jeunes filles d’Ohara», faisaient partie du folklore local     plus en plus légère et s’éleva bientôt dans les airs, jusqu’à la Lune.
et étaient un motif apprécié dans les arts visuels. Les femmes
d’Ohara portent des vêtements en coton indigo et sont coiffées           42a | Musicien de rue
d’un foulard en coton tenugui, sur lequel elles portent en équilibre     Miyake Eisai (1810 –1876)
de gros fagots de bois. Les images représentant des Oharame              Japon, époque Edo, vers 1850
étaient particulièrement appréciées dans la peinture et dans la          Impression polychrome
gravure sur bois à l’époque Edo.                                         Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.883

59 | Le vieux couple Jō et Uba                                           42b | Courtisan en tenue de chasse et son serviteur
Matsuyama Nantei (actif au milieu du XIXe s.)                            Matsukawa Hanzan (1818–1882)
Japon, fin de l’époque Edo jusqu’à l’ère Meiji, 2e moitié du XIXe s.     Japon, époque Edo, 1850 ou 1862 (Année du Chien)
Impression polychrome                                                    Impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.897                         Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.886

Il existe une légende selon laquelle, à Sumiyoshi et Takasago, deux      43a | Chapeau de voyage d’une dame de la cour
localités de la baie d’Osaka, deux pins sur la rive symbolisent un             accroché à un cerisier en fleurs
vieux couple, Jō (litt. «vieil homme») et Uba (litt. «vieille femme»).   Tanaka Shūtei (1810–1858)
Lorsqu’il était jeune, Jō était tombé amoureux d’une belle jeune         Japon, époque Edo, 1856
femme – l’esprit du grand pin sur la plage de Takasago. Avec la          Impression polychrome
bénédiction de la divinité vénérée à Sumiyoshi, tous deux purent         Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1023
toutefois mener une vie heureuse jusqu’à un âge avancé. Cette
histoire jouait un rôle fondamental dans la pièce de théâtre             43b | Eventails, bande de papier pour des poèmes,
Nō intitulée Takasago; les figures du vieux couple ramassant les               rameaux de pin et fleurs de prunier
aiguilles de pins sur la plage sont en outre un motif apprécié           Katsushika Hokuun (actif entre 1810 et 1845)
dans l’art et dans l’artisanat d’art. Elles sont souvent exposées au     Japon, époque Edo, vers 1830
Nouvel An, comme un porte-bonheur, un symbole de longue vie              Impression polychrome
et d’harmonie conjugale.                                                 Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1066
Ce surimono fut publié par le groupe de Kyōsaki, de la province     Les représentations de vers à soie étaient généralement associées
d’Hida (aujourd’hui préfecture de Gifu). Les poèmes sont des waka   au printemps tardif. Les poèmes figurant sur ce feuillet évoquent
de 31 syllabes rédigés dans le «style japonais». Ils chantent les   toutefois des activités et des objets typiques du Nouvel An:
phénomènes naturels qui accompagnent le printemps, comme la         se revêtir de nouveaux habits au cours des trois premiers jours
brume matinale, l’apparition des premières feuilles de saule, le    de l’année, le premier lever de soleil, la préparation des mets du
vent d’Est qui s’annonce ou la première aurore de l’année.          Nouvel An, par exemple des œufs de hareng, symboles d’une
Parmi les auteurs qui se présentaient comme poètes humoristes,      riche descendance et de bien-être.
Ishikawa Masamochi (1754–1830) est le plus connu. Publiant
également sous le pseudonyme de Rokujuen, Masamochi était           62b | Feuille de lierre et pinceau
un érudit du mouvement littéraire dit des «Etudes nationales», un   Sōhaku? (dates de naissance et de décès inconnues)
auteur de poèmes kyōka et d’ouvrages de littérature populaire       Japon, époque Edo, 1856
qui vivait à Edo (aujourd’hui Tokyo).                               Impression polychrome
                                                                    Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.871
44a | Coucou volant devant la pleine lune
Hōsai (actif entre 1840 et 1860)                                    63a | Poissons, poulpe, crustacés et un cafard
Japon, époque Edo, 1856                                                   sur un cadre en bois
Impression polychrome                                               Tanaka Shūtei (1810 –1858)
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.882                    Japon, époque Edo, 1856
                                                                    Impression polychrome
44b | Deux papillons devant des montagnes lointaines                Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.869
Sesshin? (dates de naissance et de décès inconnues)
Japon, époque Edo, 1865                                             63b | Grenouilles et crapauds
Impression polychrome                                               Satō Suiseki (actif entre 1806 et 1840) / Shōzan?
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1053                   Japon, époque Edo, 1re moitié du XIXe s.
                                                                    Impression polychrome
61a | Palanquin et jeunes pins                                      Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.888
Muramatsu Kisui (actif dans les années 1880)
Japon, époque Edo, vers 1845                                        64a | Carpes bondissant dans un filet
Impression polychrome                                               Muramatsu Kisui (actif dans les années 1880)
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1065                   Japon, ère Meiji, vers 1880
                                                                    Impression polychrome
61b | Moustiquaire et éventails                                     Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1074
Tanaka Shūtei (1810–1858)
Japon, époque Edo, 1856                                             64b | Primevères japonaises dans un bol en
Impression polychrome                                                     porcelaine bleu-blanc
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.880                    Suga Shōhō (1792–1851)
                                                                    Japon, époque Edo, 1828
62a | Elevage de vers à soie                                        Impression polychrome
Ueda Kōchū (1819 –1911)                                             Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.1072
Japon, époque Edo, années 1860
Impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.870
Ce surimono publié en 1828, qui est surmonté du titre «Chanson
printanière», comprend quinze haiku composés par des membres
de l’école Enjubō appartenant au cercle littéraire de Kane, pour
accompagner la mélodie du shamisen, une sorte de luth à trois
cordes. Le groupe était dirigé par Enjubō, dont le poème est à la
place d’honneur à l’extrême gauche de la feuille. Enjubō était le
nom de plume du joueur de shamisen Okamuraya Tōbei, qui reçut
le titre de Kiyomoto Enjudayū II en 1827. Ce surimono a été sans
doute réalisé pour annoncer ce nouveau nom. Quelques-uns des
poètes y ayant participé, qui étaient également des musiciens
du même ensemble, avaient eux aussi changé leur nom d’artiste.
Les poèmes évoquent des motifs printaniers typiques – fleurs
de prunier, chant du rossignol et fleurs d’Adonis – dont on ornait
souvent les maisons au Nouvel An, en guise de porte-bonheur.
L’illustration de Suga Shōhō représente toutefois des primevères
japonaises (sakurasō). Cette plante, qui avait été importée de
Chine au XVIIIe siècle, était aussi bien appréciée comme plante
ornementale au jardin qu’à la maison.

64c | Fabricant de nattes en paille
Sekkō (dates de naissance et de décès inconnues)
Japon, époque Edo, 1839
Impression polychrome
Donation Gisela Müller et Erich Gross | 2018.10
Formats du surimono
Formats du surimono
                                a   ō-bōsho, «grande feuille hōsho», env. 42 x 57 cm
                                b   chōban ou nagaban, «longue feuille», env. 21 x 57 cm
                                c   yoko-chūban, «feuille horizontale moyenne», env. 21 x 28,5 cm
a
                                d   shikishi-ban, «feuille carrée», env. 21 x 19 cm
                                e   yatsugiri-ban, «un huitième de feuille», env. 21 x 14,2 cm
                                f   jūnigiri-ban, «un douzième de feuille», env. 21 x 9,3 cm
                                g   jūrokugiri-ban, «un seizième de feuille», env. 10 x 14,2 cm
                                h   kokonotsugiri-ban, «un neuvième de feuille», env. 14 x 19 cm

b           c       c

b       d       d       d

    e                       f

    g

                                Remerciements
                        h
                                Erich Gross, Nina Schweizer et Fengyu Wang ont contribué
                                de manière déterminante à l’analyse scientifique des surimono
                                présentés dans cette exposition. Nous leur exprimons notre
                                profonde gratitude.

                                Traduction: Nicole Viaud
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