Poétique de la valuation : Créer les conditions d'émergence d'un public par l'enquête poétique. Le cas de l' Agence de notation - Johns Hopkins ...

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Poétique de la valuation : Créer les conditions
d'émergence d'un public par l'enquête poétique. Le cas de
l' Agence de notation

Nancy Murzilli

L'Esprit Créateur, Volume 62, Number 1, Spring 2022, pp. 102-114
(Article)

Published by Johns Hopkins University Press
DOI: https://doi.org/10.1353/esp.2022.0007

    For additional information about this article
    https://muse.jhu.edu/article/851761
Poétique de la valuation :
     Créer les conditions d’émergence d’un public
                par l’enquête poétique.
             Le cas de l’Agence de notation
                                Nancy Murzilli

L
         E 14 SEPTEMBRE 2019, lors d’une intervention de l’Agence de
         notation au Centre Pompidou dans le cadre du « Festival Extra ! », un
         membre du public prend la parole pour exprimer sa perplexité sur la
performance à laquelle il vient d’assister. Il s’attendait, dit-il, à une dénoncia-
tion de l’évaluation, mais il a l’impression d’avoir assisté, au contraire, à une
évaluation dans les règles de l’art qui renforce le système de notation au lieu
d’en faire la critique. Que se passe-t-il quand une pratique poétique, qui prend
en charge des problèmes publics pour les clarifier ou les visibiliser, engendre
cette déception chez son lecteur ou son spectateur direct ? Comment créer les
conditions pour des changements sociaux en déstabilisant les organisations
fondées sur des définitions prédéterminées de la valeur et, dans un même
geste, créer les publics pour accueillir ces conditions et prolonger l’action
poétique ? C’est ce que s’engage à cerner une poétique de la valuation.
     Ces trois dernières décennies ont vu apparaître un ensemble de pratiques,
que l’on pourrait désigner sous le nom de « post-poésie1 » ou de « poésie
action directe2 » et dont certaines répondent à ce que j’appellerai une « poé-
tique de la valuation », dans le sens où elles ont un attrait pour les dispositifs
et une opérationnalité performative qui leur donne les moyens de prendre en
charge des problèmes publics, de réaliser une critique de la valeur, et de faire
agir les publics qu’elles créent à travers des expériences de valuation3. Les
expériences de valuation sont des enquêtes conduisant à réviser nos moyens
pour évaluer. L’activité de valuation suppose à la fois le désir d’un change-
ment, qui émerge de la présence d’un problème dans une situation existante,
et la nécessité d’enquêter sur « ce qu’il vaudrait mieux qu’il advienne dans le
futur », donc d’une phase réflexive d’élaboration de solutions et de tests
(Dewey, « La Théorie de la valuation » § 2). Certaines formes d’écriture poé-
tiques mettent en place des dispositifs d’enquête qui prennent la forme d’ex-
périences valuatives. La conception d’une poétique de la valuation part du
présupposé que la résolution de problèmes suppose une activité de valuation
qui engage une enquête au sens deweyen du terme dans laquelle la recherche
et la création ont un rôle à jouer.

                             © L’Esprit Créateur, Vol. 62 No. 1 (2022), pp. 102–114
NANCY MURZILLI

    Une poétique de la valuation peut être considérée comme une forme de
réponse à l’injonction sociétale du tout évaluer (du dernier achat effectué en
ligne jusqu’à la propreté des toilettes publiques, en passant par les élèves, les
salariés, les entreprises et toutes les institutions)4, cancer galopant d’une
société où « à coup d’évaluations, on cherche à forcer les valeurs nouvelles,
ou les résurgences de valeurs anciennes, à entrer dans la botte du capitalisme
consumériste, au détriment des aspirations à d’autres modes de production de
valeurs comme en expérimentent les artistes ou les résistants qui se manifes-
tent un peu partout aux périphéries de la société5 ». Elle consiste aussi, plus
largement, en l’invention de dispositifs qui permettent une réévaluation de la
valeur afin que celle-ci ne soit pas prise dans des faits quantifiés et objectivés.
Conduire des expériences de valuation permet de s’engager dans un processus
de qualification préalable à toute quantification qui implique de mettre en
question et de déterminer collectivement ce qui « vaut », ce à quoi nous
tenons, et de valuer les moyens par lesquels pourra être atteinte une fin visée.
    Une poétique de la valuation est une poétique qui s’inscrit dans une vision
pragmatiste des usages artistiques et littéraires. Elle concerne des pratiques
d’écriture qui engagent une activité de recontextualisation méthodique liée à
l’apparition d’une situation indéterminée ou problématique requérant un tra-
vail d’enquête. Cette activité de recontextualisation occasionne des déplace-
ments de perspective favorisant des transformations de nos habitudes de
pensée. L’enquête y est entièrement dépendante du dispositif d’écriture qui
permet la réalisation de l’expérience, à savoir la création d’une situation de
réception provoquant une révision des croyances, qui est aussi la condition
d’émergence d’un public, au sens que John Dewey donne à ce terme6.
    On peut voir ces pratiques comme un effet de la réception du pragmatisme
qui a gagné les sciences humaines et sociales en France depuis une bonne tren-
taine d’années7 ou inversement comme un des vecteurs ayant permis la prise
en considération du pragmatisme dans ces sciences. Ces pratiques sont notam-
ment inspirées par la théorie de l’enquête de John Dewey8 et par ce que Claire
Bishop a désigné comme un tournant social (social turn) d’un certain type d’art
contemporain dit participatif ou collaboratif9, où l’enquête est « vue comme
médium artistique » et « déploie des protocoles d’étude et de délimitation d’un
terrain sur une durée : elle s’attache à la construction d’un objet et à la produc-
tion d’un certain nombre de documents et de comptes rendus dont l’état achevé
est toutefois très rarement le rapport, mais plutôt des hybrides entre l’exposi-
tion et la publication10 ». Une poétique de la valuation peut permettre de
décrire un phénomène qui se développe dans des pratiques artistiques émer-
gentes et de mettre en évidence d’autres modalités d’action, d’autres usages

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possibles, des schèmes collaboratifs nouveaux, donnant lieu à des expériences
susceptibles de reconfigurer notre vision du monde. Elle répond à une exigence
sociétale, face aux grands problèmes écopolitiques de notre temps, de se doter
de nouveaux outils pour comprendre et de nouveaux repères pour s’orienter.
Elle peut permettre d’identifier et de comprendre certaines écritures difficile-
ment classables, mais également de donner un cadre théorique à de futurs tra-
vaux en recherche-création, un domaine qui tend à se développer aujourd’hui
en France, au-delà des écoles d’art, dans les universités11.
    Comme le rappelle Joëlle Zask dans sa préface au Public et ses problèmes
« pour le pragmatiste le monde n’est pas donné, il est “en train de se faire”.
Loin de désigner l’inadaptation des moyens à des fins déjà-là, il établit au
contraire que les fins doivent toujours être retravaillées en fonction des
moyens réellement existants qui permettent de les éprouver12 » (Zask 25).
C’est ce trait d’inachèvement du monde qui, selon Bergson, confère au prag-
matisme la qualité d’être « la philosophie de l’avenir13 ». De la même
manière, on peut considérer la poétique de la valuation comme une poétique
de l’avenir, dans le sens où ce qui s’y joue tant dans la forme que dans le fond
n’est pas donné d’avance, où les formes d’écriture qui s’y mettent en place
sont amenées à être retravaillées en fonction des moyens réellement existants
qui permettent de les mettre à l’épreuve, puisque les formes de recontextuali-
sation de schèmes de pensée et de croyances qui en résulteront dépendront
d’une interaction entre le dispositif d’écriture et le contexte d’usages dans
lequel il s’inscrira.
    Je voudrais à présent réfléchir à l’exemple dont je suis partie, pour mieux
saisir les questions qu’il soulève, en envisageant l’Agence de notation comme
un cas d’étude. L’Agence de notation fait partie de ces pratiques d’écriture qui
s’engagent dans l’expérimentation sociale, adoptent le format de l’enquête tel
qu’il est utilisé dans les sciences sociales tout en en proposant des formes alter-
natives et développent des dispositifs, souvent collaboratifs, qui ont pour fonc-
tion de faire émerger des publics autour de problèmes communs. Parmi les
adeptes de ces pratiques, on peut citer entre autres Manuel Joseph, Franck Lei-
bovici, Christophe Hanna, Nathalie Quintane, Julien Prévieux, Jean Gilbert,
Cyrille Martinez, Olivier Bosson, Frédéric Danos, Eva Niollet, mais aussi des
auteurs plus classiques comme Henri Michaux ou Charlotte Beradt. Selon
Dewey, un public se constitue et ne peut devenir politiquement actif que s’il
parvient à transformer les conditions qui l’affectent en collectant les données
nécessaires à la clarification de sa situation à travers la méthode de l’enquête
par laquelle il pourra atteindre un accord sur ce qui forme un problème
commun14. Comme le remarque Joëlle Zask, corrélant l’enquête à la concep-

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tion deweyenne de la démocratie, « de même qu’il n’y a pas d’enquête sans la
participation active de l’enquêteur aux conditions et au cadre de ses observa-
tions, il n’y a pas de démocratie sans la participation active des membres des
publics à la fixation de leurs conditions personnelles d’existence », dans une
démocratie « un public moderne est, ou devrait être, un public d’enquêteurs15 ».
Si l’on transpose ces propositions dans le domaine de l’art, on mesure l’enjeu
politique et social que l’activité des publics et leurs conditions d’émergence
peuvent représenter pour les pratiques artistiques. Toute la difficulté consiste
dans la construction de dispositifs d’enquête ad hoc qui s’articulent au contexte
d’usages dans lequel ils œuvreront de telle manière qu’ils puissent y trouver
leur puissance d’action, à commencer par rendre visible et susciter l’attention
sur les usages qui peuvent constituer une forme d’aliénation, un problème
commun, pour des individus dispersés et, au mieux, leur permettre d’en expé-
rimenter d’autres par lesquels, se constituant en un public, ils pourront recon-
quérir les moyens de leur activité. Des pratiques artistiques qui tiennent de la
sorte en considération la question du public reprennent à leur compte l’héritage
de la critique institutionnelle tout en cherchant à en éviter les écueils—à savoir
une absorption de la critique artiste par l’institution de l’art elle-même—en
agissant de façon virale, en occupant les macrostructures orthodoxes pour y
injecter de l’intérieur des microstructures hétérodoxes (Hanna, Poésie action
directe) et renouer ainsi l’art à la vie sur un mode collectif et participatif.
    L’Agence de notation, conçue en 2018 par le poète Christophe Hanna, est
un dispositif d’enquêtes évaluatives alternatif autour duquel se déploient
depuis 2019 les activités du projet de recherche-création ArTeC « Évaluation
générale » dont je suis responsable. Ce projet a pour objectif de mesurer
l’agentivité d’une critique de l’évaluation et des mécanismes institutionnels
qui engendrent l’évaluation au moyen d’un dispositif de recherche-création.
L’Agence de notation est appelée à intervenir en situations institutionnelles
réelles pour interroger en toute transparence les systèmes de valeurs générés
par nos divers comportements évaluatifs. Elle dialogue et négocie avec les
représentants d’institutions en vue d’y investiguer et de produire des docu-
ments à partir desquels elle se propose d’expérimenter d’autres formes d’éva-
luation. Elle se donne pour mission d’évaluer les zones d’ombre des institu-
tions au sein desquelles elle œuvre, sur lesquelles n’existe encore aucune
expertise, en vue de travailler sur un terrain vierge où les schèmes qui struc-
turent nos représentations ordinaires de l’évaluation n’ont aucune prise. Le
dispositif de l’Agence de notation s’engage ainsi à respecter deux conditions
fondamentales au développement d’un esprit d’enquête à partir duquel pourra
se former un public informé : d’une part, rendre visible ce qui est générale-

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ment caché aux yeux du public et permettre une discussion publique de ses
propositions ; d’autre part, permettre à l’institution faisant l’objet de l’enquête
d’accéder à une évaluation utile ou éclairante de sa propre situation qui
inclura également son point de vue, en adoptant une position d’observation
participante active (Zask, Tracés § 46). C’est ainsi que du 11 au 15 septembre
2019, l’Agence de notation, ayant pour mission d’évaluer le Centre Pompi-
dou, a noté : le bureau du Président du Centre ; le vernissage VIP de l’expo-
sition « Bacon en toutes lettres » ; la notion de littérature vivante telle qu’elle
est conçue par les membres du jury du Prix Bernard Heidsieck destiné, juste-
ment, à la valorisation de la littérature vivante ; l’intelligence artistique du
public de l’exposition « Dora Maar » ainsi que le Livre d’or du « Festival
Extra !16 ». Chaque jour, les membres d’un jury composé de non-experts du
domaine évalué—aucune expertise connue n’étant envisageable puisqu’aucun
des domaines en question n’avait jamais été auparavant évalué—ont été invi-
tés à exprimer une appréciation, de façon spectaculaire, en public, et devant
les représentants institutionnels concernés, à partir de documents visibles par
tous. Le caractère poétique de ce dispositif consiste dans la possibilité qu’il
ouvre, nous allons voir comment, à une réévaluation publique de la valeur, si
l’on accepte tout au moins de faire de la poésie « non un espace autonome,
mais un ensemble d’actions visant à produire un espace augmentant les pos-
sibles » (Leibovici, des opérations d’écriture qui ne disent pas leur nom 177).
     La constitution des documents sur la base desquels statuera le jury est une
étape décisive de l’évaluation, car il importe que le public puisse suivre le
processus d’évaluation dans son entier et prendre connaissance des pièces du
dossier au moment même où elles sont évaluées. Or certains objets d’évalua-
tion choisis par l’Agence de notation, tels que le bureau du Président ou le ver-
nissage VIP, ne sont pas immédiatement accessibles, raison pour laquelle la
première partie de l’enquête des membres de l’Agence consiste dans le travail
préalable de production in situ de documents qui puissent être rendus visibles
au public : des « documents spectaculaires17 » au sens où ils sont donnés à voir
aux spectateurs, soumis à leur observation et à leur évaluation. C’est ainsi que
ces documents prennent la forme de films, de dessins, de photos, de schémas,
de notes manuscrites, de restitutions théâtrales18. Ils font ensuite souvent l’ob-
jet d’une sélection, où sont retenus ceux qui paraissent présenter les aspects
les plus saillants et les plus diversifiés, puis d’un montage vidéo de quelques
minutes sur la base duquel le jury de l’Agence se prononce. Cette sélection
peut sembler introduire un biais ou une forme d’arbitraire dans le processus
d’évaluation. Mais si l’on reconnaît avec Dewey que le jugement d’évaluation
ne dissocie pas le cognitif de l’affectif et s’inscrit dans des expériences où la

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valorisation et l’évaluation se conjuguent pour guider l’action, on peut voir au
contraire dans ces montages une exemplification de ce qui est inhérent à tout
processus d’enquête et qui peut faciliter la valuation. Un auteur comme
Franck Leibovici voit dans ce qu’il nomme une « poésie documentale », qui
concerne des opérations d’écritures telles que, entre autres, « découper-
coller/indexer », « compiler », « publier ailleurs », « archiver », cette capacité
à reconnecter des éléments disparates et à faire saillir les marques de pouvoir
qui circulent dans les documents19.
    Une fois ces documents visionnés, sur la base de critères d’évaluation de
leur choix, les membres du jury sont invités à donner une note entre A et D,
sur le modèle des systèmes de notation scolaires ou des agences de notation
financières dont l’Agence de notation emprunte la forme pour en détourner le
fond. Cette note vient s’inscrire dans un tableau similaire à un bulletin, auprès
d’une brève appréciation dont Christophe Hanna, en tant que président du
jury, négocie la reformulation synthétique avec chaque membre, cherchant à
traduire plus ou moins fidèlement l’essence de ses propos, le poussant ainsi à
défendre, réévaluer, ou justifier sa notation et le bien-fondé de ses critères
d’évaluation. C’est dans ce moment « poétique » de dialogue avec les
membres du jury, où l’on voit à l’œuvre la façon dont se fabrique la valeur et
se négocie le sens au sein même de nos usages transactionnels du langage et
de leur grammaire, que sont mises en crise nos représentations naturalisées de
l’évaluation : quand les membres du jury s’interrogent, par exemple, sur ce
qu’il faut prendre en considération lorsqu’on évalue l’intelligence artistique
du public du Centre Pompidou—le fait d’être capable d’exprimer une émo-
tion sans l’intellectualiser (Sébastien)20 ? De parvenir à un affranchissement
personnel et une appréhension accrue de la réalité en connectant des percepts
à une histoire ou à des concepts (Anne-Laure) ? La faculté critique de sortir
d’un discours officiel et des clichés habituels sur les artistes (Agnès) ?—
chacun d’entre eux justifie ses critères d’évaluation en fonction de ce qu’il a
retenu des entretiens filmés avec le public de l’exposition et, découvre-t-on,
en fonction aussi de l’idée qu’il se fait de la valeur d’une intelligence artis-
tique préalablement à son évaluation, de sa différence avec une intelligence
d’une autre nature (déductive, rationnelle, objective, etc.). Le président du
jury fait remarquer à Agnès qu’elle dit le contraire de ce qu’exprimait Anne-
Laure avant elle, à savoir que selon Agnès cette intelligence artistique « ne
permet aucun affranchissement personnel, mais plutôt nous pousse à marcher
dans des sillons préexistants ». Agnès acquiesce21.
    Le fait que les critères d’évaluation ne soient pas fixés et harmonisés avant
l’évaluation, mais soient au contraire propres à chacun des membres du jury

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met en évidence la variété des justifications possibles et leur caractère arbi-
traire. On constate pourtant qu’évaluer des aspects sur lesquels il n’existe pas
d’expertise n’empêche pas une forme de normalisation et une uniformisation
du discours collectif et du vocabulaire évaluatif : le cadre institutionnel dans
lequel se déroule l’évaluation, le caractère public et médiatisé de l’événement
peuvent exercer une forme de pression sur la présupposée liberté du jury
(Hanna et Murzilli). Un tel constat est permis par la forme expérimentale du
dispositif de l’Agence de notation. Celui-ci est interactif et transactionnel et
c’est la condition pour qu’en émerge un public. Il est donc nécessaire que le
dispositif laisse place à une part d’imprévisibilité, car le principe de l’enquête
publique est de permettre une observation et, éventuellement une réorganisa-
tion des conduites en fonction des difficultés matérielles, institutionnelles et
intellectuelles qu’elle rencontre. Il ne s’agit donc pas d’adresser un objet fini
à un public pour en observer les effets, mais d’offrir à un public les conditions
de son émergence. L’Agence de notation ne propose pas de re-présentation.
Le spectacle ne précède pas sa mise en action, celle-ci se réoriente au cours
de son propre développement. Du fait qu’il intègre le public dans son dispo-
sitif même—ce jury citoyen de non-experts et les spectateurs en présence—
on ne peut prévoir à l’avance la forme que prendront ses interventions et par
conséquent celle de la performance artistique. Il n’y a pas de public cible,
puisqu’il n’y a pas de message. Le public est constitué de ceux et celles dont
l’attention est suscitée par ce que met en évidence le dispositif in situ, hic et
nunc, et qui peut être considéré comme un problème commun. C’est la raison
pour laquelle aucune des enquêtes de l’Agence de notation n’est jamais close
et chacune reste ouverte au débat public. Le travail d’enquête ne se limite pas
à la production des documents, il se poursuit jusqu’après l’évaluation et
s’achève dans la prise de parole du public qui, en questionnant le dispositif et
l’évaluation elle-même, maintient la discussion ouverte. Le travail de
l’Agence de notation se présente comme une recherche-création en acte : la
négociation, parfois dure (Hanna et Murzilli), des formes que prendra l’intro-
duction de l’Agence de notation dans l’espace institutionnel évalué fait déjà
partie de l’enquête et en contraint le cadre, les interventions du public font
partie intégrante des performances à l’issue de chacune desquelles le disposi-
tif est réinterrogé en fonction des résultats de l’enquête (retour sur la forme
d’enquête et de performance qu’ont permis les négociations avec les interlo-
cuteurs de l’institution évaluée, observation du comportement et des réactions
du jury et du public), et chaque nouvelle évaluation suppose l’adaptation d’un
nouveau dispositif d’enquête ad hoc qui, en s’infiltrant dans l’écosystème où
l’évaluation sera menée, en perturbera les modes de fonctionnement générant

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ainsi « de nouveaux types de collaborations institutionnelles, de nouveaux
moyens d’interagir, de nouveaux milieux d’action […] de nouveaux publics
[…] qui se trouvent impliqués même indirectement, dans les pratiques, les
résonances, les enjeux, les institutions, les problèmes, les débats suscités à
l’occasion de l’aventure créatrice22 ».

    L’Agence de notation se prête à une forme de critique transinstitutionnelle
de l’évaluation. Dans Valences de l’avant-garde, où il analyse le modèle de
cette forme de critique, Olivier Quintyn en synthétise ainsi le mode opéra-
toire : « Les pratiques de critique transinstitutionnelle opèrent sur une contex-
tualité sociale localisée, sur un terrain qu’on pourrait désigner comme micro-
sociologique, en transaction avec les jeux de langage ordinaires et les
interactions institutionnelles courantes qui y sont implantés23 ». On comprend
ainsi la déception de ce membre du public qui, croyant qu’il assisterait à une
dénonciation de l’évaluation envahissant déjà tous les domaines de notre vie,
déplore de n’avoir assisté qu’au spectacle d’une évaluation de plus24. Peut-on
procéder à une critique efficace de l’évaluation autrement que de l’intérieur
même des pratiques d’évaluation ? Comment, dans un tel cadre, la dénoncia-
tion pourrait-elle constituer une arme ? « Pour se former lui-même, écrit John
Dewey, le public doit briser les formes politiques existantes. Ceci est difficile
parce que ces formes sont elles-mêmes les moyens habituels d’instituer le
changement » (Dewey, Le Public et ses problèmes 112). L’émergence d’un
nouveau public doit faire face à un paradoxe puisqu’il ne peut surgir qu’en
détruisant les formes politiques déjà instituées par lesquelles seules l’institu-
tion d’un changement est possible. Comment ce public pourrait-il émerger de
formes politiques à la fois instituées et instituantes ? Dans son dernier livre,
La Cavalière, Nathalie Quintane interroge cette difficulté à travers l’enquête
qu’elle mène au sujet de Nelly Cavallero, qui dans les années 1970 a été sus-
pendue de ses fonctions d’enseignante pour incitation de mineurs à la
débauche. « On dit qu’on entre dans les institutions et qu’on les modifie. Mais
si c’était le contraire25 ? ». La question est de savoir comment y agir lorsqu’on
y entre. Un spectacle de l’évaluation qui en dénoncerait les usages abusifs
ferait sans doute quelque chose au public, elle l’indignerait, le révolterait, lui
ouvrirait les yeux sur certains aspects de notre réalité sociale, mais ferait-elle
un public26 ? Nathalie Quintane cite ses « amis poètes » qui « parlent à ce jour
plutôt de jouer avec les institutions, de chercher à en altérer de l’intérieur les
routines ou les conventions larvées, en détournant les pratiques d’écriture
(évaluations, lettres de motivation, etc.), ou encore ils y enquêtent, afin d’en
révéler des traits saillants » (Quintane 120). L’Agence de notation crée, au

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sein même de l’institution qu’elle évalue, un espace spéculaire où le processus
d’évaluation devient observable par ceux qu’elle concerne ou qui la font. On
voit par exemple Natacha rectifier son évaluation initiale sur le vernissage
VIP après discussion avec le président du jury :

      —C. H. : « L’absence de cocktail, c’est un critère négatif ou au contraire valorisant ? »
      —N. G. : Cela m’a étonnée, c’était peut-être volontaire, parce que, au vu de l’exposition
      Bacon, on était tous entre l’horreur et la salivation, tout le monde avait un peu la nausée.
      Donc, peut-être que c’était volontaire qu’il n’y ait rien à manger ni à boire. J’ai surtout eu
      une pensée pour les gens qui viennent comme pique-assiettes, ils ont dû être très déçus.
      —C. H : Donc, je vous résume, vous déplorez l’absence d’un cocktail.
      —N. G. : Quand même, oui. En fait, je me rends compte que B moins était peut-être un peu
      fort […] finalement.
      —C. H. : Donc plutôt C ?
      —N. G. : Oui.
      —C. H. : D’accord, on va changer la note. On met C27.

Qu’est-ce qui incite Natacha à modifier sa note ? Le fait qu’étant tenue de jus-
tifier sa pertinence, elle en vient à une évaluation plus précise, plus juste ou
plus fidèle à son observation ? Le ton influent du président ? Sa manière de
forcer les mots dans la bouche de Natacha ?
     La négociation avec chaque membre du jury de l’appréciation à inscrire
dans le tableau sous forme de synthèse donne à voir comment s’écrit et se
réécrit l’évaluation. La synthèse a pour but, dit le président du jury, « que ces
évaluations soient profitables à l’institution qui nous invite et qu’elle s’amé-
liore en suivant les conseils de nos jurés28 ». C’est aussi, comme on l’a dit et
le rappelle ce président après avoir synthétisé l’appréciation d’Anne-Laure, le
moment « poétique » de la performance :

      —C. H. : Je vais essayer de synthétiser votre idée [il dicte] : l’intelligence artistique se carac-
      térise par une forme de curiosité liant la vie ordinaire aux événements de l’art. Elle s’observe
      par cette faculté d’activer et de donner sens à des détails peu perceptibles. Elle permet une
      meilleure connaissance de soi dans le but d’une libération personnelle. Est-ce que cela cor-
      respond à ce que vous pensez, Anne-Laure ?
      —A.-L. : Oui, heu… Oui.
      —C. H. : Oui, oui, ou vous voulez que l’on modifie ? Parce que nous sommes dans un fes-
      tival de littérature, c’est quand même le moment poétique crucial de la performance. Donc
      il faut qu’il soit réussi. Là, c’est comme si vous écriviez un poème !
      —A.-L. : Alors j’aimerais rajouter [elle dicte] : « d’une libération personnelle et une appré-
      hension accrue de la réalité. » (min. 24 à min. 26, sec. 12)

Ce moment montre comment se construit une écriture poétique, collective et
participative, en réunissant un public autour d’un problème commun. On en

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trouve un autre exemple dans l’enquête sur le procès « Katanga/Ngudjolo »
(2007–2014) pour crime de masse menée par l’artiste-poète Franck Leibovici
et le sociologue Julien Seroussi au sein de la Cour pénale internationale (CPI)
autour du cas de Bogoro, petit village de la République démocratique du
Congo, attaqué en février 2003 par les milices des deux accusés, Germain
Katanga et Mathieu Ngudjolo. Franck Leibovici et Julien Seroussi ont travaillé
en collaboration avec les membres de la CPI à la mise en place d’outils issus
du monde de l’art et des sciences sociales en vue de rendre visibles certains
aspects des témoignages et des éléments de preuve durant les procès et de per-
mettre à la CPI de les appréhender différemment. Il en résulte une exposition
interactive, muzungu, et un livre à plusieurs entrées, bogoro29. Leur enquête a
consisté en la mobilisation d’« opérations d’écritures » permettant de sélection-
ner, réagencer, mettre en évidence et ainsi redécrire la parole des acteurs dans
la masse documentale juridique constituée durant les sept années de ce procès.
Cette enquête s’apparente à un véritable travail poétique de valuation, qui
conduit à la valorisation d’éléments du dossier passés inaperçus. Ainsi, un sys-
tème d’étiquetage en rouge de mots-clés crée un fil conducteur dans le texte
permettant notamment de valoriser l’importance des fétiches minimisée par la
cour ou de reconsidérer le rôle de Katanga comme coordonnateur de diffé-
rentes chaînes de commandement plutôt que comme chef suprême.

   proposer d’autres dispositifs d’écriture, élargir le répertoire des moyens de saisie des acteurs,
   c’est modifier leur pratique, non seulement d’écriture, mais plus largement professionnelle.
   voilà donc une manière de reconnecter écriture et action qui ne passe plus par l’engagement
   sous une cause ou une bannière. l’approche est instrumentale, matérielle, praxéologique, et
   fondée sur une observation des pratiques ordinaires. si l’écriture peut avoir à nouveau une
   action, ce n’est pas parce que des énoncés proférés auraient une force rhétorique telle que les
   membres d’un groupe changeraient d’avis devant leur puissance perlocutoire, mais parce que
   leur routine d’écriture modifiée transformera une partie de leurs croyances. (Leibovici, des
   opérations d’écriture qui ne disent pas leur nom 180–81)

Hybrider par des opérations d’écriture poétiques des pratiques d’écriture
purement juridiques30, exposer publiquement le processus d’écritures évalua-
tives sur des terrains d’évaluation non encore explorés, sont des manières
d’inscrire dans les institutions des dispositifs d’écriture hétérodoxes suscep-
tibles de les transformer, d’en modifier les pratiques, voire d’en inventer de
nouvelles31. De l’idée que ces formes de valuation puissent être profitables
aux institutions évaluées à celle que le moment où l’on en négocie le sens est
un moment poétique, on voit la forme poétique se faire valuative.
    À partir d’un dispositif simple, une enquête aboutissant à la constitution
d’un dossier documenté et son évaluation en direct par un jury, sur le modèle

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L’ESPRIT CRÉATEUR

des commissions d’évaluation ou des agences de notation financières, l’Agence
de notation met en scène un processus généralement invisible : le comporte-
ment évaluatif d’un jury et ses délibérations. La plupart du temps, les évalua-
tions se présentent à nous comme des faits objectifs indiscutables, réifiés par
des données quantifiées, sur la base desquels nous organisons nos institutions
et le futur de nos sociétés. Elles sont autorisées et légitimées par l’expertise de
ceux qui les produisent, sans que nous puissions en suivre le processus d’éla-
boration. L’Agence de notation part d’un modèle d’évaluation implanté dans
nos sociétés, mais opère sur des objets encore vierges d’évaluation. De cette
façon, elle recontextualise nos représentations de l’évaluation, au sein même
des institutions et de l’intérieur de nos usages, en exportant les mécanismes
psychiques et sociaux qui sont à l’œuvre dans les processus d’évaluation vers
des situations d’évaluation où n’existe aucun repère catégoriel. Ce faisant, elle
ouvre son public à la possibilité d’une révision de ses croyances, de ses sché-
mas logiques et, par conséquent, à d’autres formes d’évaluation. La mise en
spectacle de l’évaluation peut être aussi considérée comme un moment poé-
tique nécessaire à toute institution, ce moment réflexif propre à la valuation,
qui lui permet de faire évoluer, voire de réformer les règles qui la gouvernent32.
Ce genre d’opération artistique correspond à ce qu’Olivier Quintyn caractérise
comme une implémentation, à savoir « une action qui, dans le passage d’un
cadre de référence à un autre, re-réalise la réalité dans une autre version, ce qui
implique d’autres collectifs, d’autres cours d’action, d’autres liens institution-
nels à faire, à détramer, à retisser » (Quintyn, Implémentations/Implantations
10-11). Dans le cas de l’Agence de notation, on peut voir à l’œuvre, dans ses
effets immédiats, la façon dont le contexte où l’évaluation est formulée et légi-
timée par chaque évaluateur agit sur l’évaluation elle-même : l’institution éva-
luée et dans laquelle l’évaluation a lieu, la composition du jury, les modalités
de la prise de parole de ses membres en public, d’inscription dans l’espace
social, les règles implicites d’évaluation qui s’expriment dans la justification
des critères de notation choisis. Pour que l’évaluation soit opérationnelle son
spectacle doit s’inscrire directement dans une réalité sociale instituée qui
donne de la valeur aux notes et appréciations du jury de l’Agence. Comme dans
les jeux télévisés où le candidat finaliste remporte la cagnotte, l’institution éva-
luée repartira avec ses notes—ou plus exactement, l’Agence de notation partira
en les lui laissant—et les recommandations qui les accompagnent trouveront
peut-être à s’implanter dans la perspective une réorganisation de cette institu-
tion. L’institution se sera alors elle aussi constituée en un public.

Université Paris 8, Fablitt (UR 7322)

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NANCY MURZILLI

                                              Notes
 1.   Voir Jean-Marie Gleize, Sorties (Paris : Questions Théoriques, 2009).
 2.   Voir Christophe Hanna, Poésie action directe (Romainville : Al Dante, 2002).
 3.   Voir John Dewey, « La Théorie de la valuation » (1939), Alexandra Bidet, trad., Tracés.
      Revue de Sciences Humaines, 15 (2008), 217–28, http://journals.openedition.org/traces/833
      et Logique : La Théorie de l’enquête (1938), Gérard Deledalle, trad. (Paris : PUF, 1993),
      § 3 : « Une valuation n’a lieu que lorsque quelque chose fait question : quand il y a des dif-
      ficultés à écarter, un besoin, un manque ou une privation à combler, un conflit entre ten-
      dances à résoudre en changeant les conditions existantes. Ce fait prouve à son tour qu’un
      élément intellectuel—un élément d’enquête—est présent chaque fois qu’il y a valuation.
      Car la fin-en-vue est formée et projetée comme celle qui, si on la poursuit, répondra au
      besoin ou au manque existant et résoudra le conflit observé ».
 4.   Un tel constat est notamment à l’origine du projet de recherche-création « Évaluation
      générale » dont il sera question plus loin, https://evalge.hypo-theses.org. Voir également
      l’ouvrage dirigé par Barbara Cassin, Derrière les grilles : Sortons du tout-évaluation
      (Paris : Mille et une nuits, 2014), qui démontre clairement comment l’extension de l’évalua-
      tion à tous les domaines de notre vie quotidienne tend à détruire tout espace de liberté et
      de créativité.
 5.   Yves Citton et Anne Querrien, « Art et valuation : Fabrication, diffusion et mesure de la
      valeur », Multitudes, 57 (2014), 9–10.
 6.   John Dewey, Le Public et ses problèmes (1927), Joëlle Zask, trad. (Paris : Gallimard, 2010),
      première édition, Pau : Farrago/Presses Universitaires De Pau, 2003.
 7.   Voir Luc Boltanski et Laurent Thévenot, De la justification : Les Économies de la grandeur
      (Paris : Gallimard, 1989).
 8.   Sur l’héritage français du pragmatisme dans les sciences sociales, voir le dossier « Pragma-
      tisme et sciences sociales : Explorations, enquêtes, expérimentations », Daniel Cefaï et al.,
      dir., SociologieS (2015), https://journals.openedition.org/sociologies/16800.
 9.   Claire Bishop, Artificial Hells : Participatory Art and the Politics of Spectatorship (Lon-
      dres : Verso, 2012).
10.   Olivier Quintyn, « De quelques usages critiques de Dewey pour l’esthétique aujourd’hui »,
      Après L’art comme expérience : Esthétique et politique aujourd’hui à la lumière de John
      Dewey, Jean-Pierre Cometti et Giovanni Matteucci, dir. (Paris : Questions Théoriques,
      2017), 186.
11.   Sur ce point voir Yves Citton, « Post-scriptum sur les sociétés de recherche-création », post-
      face à Erin Manning et Brian Massumi, Pensée en acte, vingt propositions pour la
      recherche-création, Armelle Chrétien, trad., Yves Citton, éd. (Paris : Les Presses du réel,
      2018), 123.
12.   Joëlle Zask, « La Politique comme expérimentation », présentation de l’édition française de
      John Dewey, Le Public et ses problèmes, 25.
13.   Henri Bergson, « Lettre à William James », 27 juin 1907, Mélanges (Paris : PUF, 1972),
      727, cité par Joëlle Zask, « La Politique comme expérimentation », 26.
14.   « Le public consiste en l’ensemble de tous ceux qui sont tellement affectés par les consé-
      quences indirectes de transactions qu’il est jugé nécessaire de veiller systématiquement à
      ces conséquences » (Dewey, Le Public et ses problèmes 95).
15.   Joëlle Zask, « Le Public chez Dewey : Une union sociale plurielle », Tracés. Revue de
      Sciences Humaines, 15 (2008), https://journals.openedition.org/traces/753#tocto1n2, § 48
      et 31.
16.   L’Agence de notation est intervenue en ouverture de chaque journée d’« Extra ! Le festival
      de la littérature vivante », du 11 au 15 septembre 2019, au Centre Pompidou, à Paris. Les
      captations des performances et les documents à l’appui desquels ont été réalisées chaque
      évaluation sont accessibles sur le site du projet « Évaluation générale », https://evalge.hypo-
      theses.org/1255.
17.   Christophe Hanna et Nancy Murzilli, « Évaluation et critique institutionnelle : Notations sur
      l’Agence de notation », Réarmements critiques dans la littérature française, Jean-Pierre Ber-
      trand, Frédéric Claisse et Justine Huppe, dir. (Liège : Presses Universitaires de Liège, 2022).

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L’ESPRIT CRÉATEUR

18.   La documentation de chaque enquête évaluative est archivée sur le site du projet « Évalua-
      tion générale », https://evalge.hypotheses.org/category/evaluations.
19.   Franck Leibovici, des opérations d’écriture qui ne disent pas leur nom (Paris : Questions
      Théoriques, 2019), 17 : « Inclure dans les pratiques d’écriture des activités d’archivage, de
      montage ou de publicisation permet d’élargir considérablement notre cadrage conceptuel et
      d’inclure toute une série de documents et de phénomènes qui restaient jusque-là hors de
      toute saisie, hors de toute réflexion, c’est-à-dire hors de toute accountability : ce qui n’est
      pas rapporté, ce pour quoi on ne produit pas de rapport, n’a aucun compte à (nous) rendre.
      Inclure ces activités dans l’écriture les rend accountable. Elles relèvent soudainement de
      questions de poétique ».
20.   Durant la performance, les membres du jury sont désignés uniquement par leur prénom,
      comme dans les jeux télévisés ou les émissions de téléréalité, créant ainsi un effet de proxi-
      mité avec le spectateur.
21.   Voir sur le site « Évaluation générale », « L’Agence de notation au Festival Extra ! du 11 au
      15 septembre 2019, captations », https://evalge.hypotheses.org/1255, la vidéo intitulée
      « Captation de la performance du 12 septembre : L’Intelligence artistique », min. 20 à 38.
22.   Yves Citton, Médiarchie (Paris : Seuil, 2017), 366.
23.   Olivier Quintyn, Valences de l’avant-garde : Essai sur l’avant-garde, l’art contemporain et
      l’institution (Paris : Questions Théoriques, 2015), 107.
24.   Ce genre de réaction au dispositif de l’Agence de notation n’est pas isolé. Une telle inter-
      prétation a été identifiée comme une « menace » dès les premiers travaux réalisés autour du
      projet « Évaluation générale » : « L’agence de notation pourrait reconduire la violence éva-
      luative » (SWOT de Magali Nachtergael, https://evalge.hypotheses.org/574).
25.   Nathalie Quintane, La Cavalière (Paris : P.O.L, 2021), 119.
26.   Christophe Hanna souligne cette distinction à travers la formule « Faire au public/Faire des
      publics », dans « Manières de faire des publics », Multitudes, 9 (2020/2), 67–71,
      https://www.cairn.info/revue-multitudes-2020-2-page-67.htm, § 3–5.
27.   « Captation de la performance du 13 septembre : Évaluation du vernissage VIP de l’expo
      Bacon : Ce vernissage est-il digne de l’œuvre ? », min. 23, sec. 54 à min. 25.
28.   « Captation de la performance du 12 septembre : L’Intelligence artistique », min. 18.
29.   Franck Leibovici et Julien Seroussi, bogoro (Paris : Questions Théoriques, 2016).
30.   Pour une réflexion sur l’apport de l’enquête de Franck Leibovici et Julien Seroussi à la CPI
      par un juriste en droit pénal international, voir Joël Hubrecht, « Rendre visible le process
      du procès : Muzungu/bogoro par Franck Leibovici et Julien Seroussi », Les Cahiers de la
      Justice, vol. 4, n. 4 (2018), 699–713.
31.   La question étant ensuite de voir comment pérenniser ces actions au-delà de la durée d’une
      enquête ou d’une performance. Voir Leibovici, des opérations d’écriture qui ne disent pas
      leur nom, 178.
32.   Sur ce que le spectacle fait aux institutions, voir Christophe Hanna et Nancy Murzilli,
      « Évaluation et critique institutionnelle : Notations sur l’Agence de notation ».

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