POUR UNE AUGMENTATION DES FINANCEMENTS PUBLICS DES ONG FRANÇAISES - Groupe initiatives
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INTRODUCTION Coordination SUD – Solidarité Urgence Développement – est la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale. Association loi 1901 fondée en 1994, Coordina- La France s’est toujours distinguée parmi les pays du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Or- tion SUD rassemble près de 170 ONG, adhérents directs ou au travers de ses six collectifs ganisation de coopération et de développement économique (OCDE) par la faiblesse du financement (CLONG-Volontariat, Cnajep, CHD, Crid, Forim, Groupe Initiatives). Elles mènent des actions hu- de la solidarité internationale transitant par ses ONG. Avec une culture dominante de coopération manitaires d’urgence, d’aide au développement, de protection de l’environnement, de défense d’État, son intérêt pour sa société civile est demeuré faible. En contradiction, d’ailleurs, avec l’opi- des droits humains auprès des populations défavorisées, ainsi que des actions d’éducation à nion des Français et leur soutien aux ONG jamais démenti. Aussi, ce document a vocation à aider la citoyenneté et à la solidarité internationale et de plaidoyer. à convaincre les décideurs et élus en France de l’atout que représentent les ONG françaises pour répondre aux enjeux majeurs de la solidarité internationale qui nous concernent tous en premier Le plaidoyer de Coordination SUD en faveur du financement des ONG lieu, atout également pour la France, sa propre action et son image dans le monde. Notre secteur Depuis sa création, Coordination SUD promeut sans relâche la valeur ajoutée des ONG fran- n’a cessé de croître durant les 20 dernières années. Il présente un budget consolidé qui dépasse 1 çaises de solidarité internationale : l’efficacité et l’efficience de leur action, en particulier dans milliard d’euros aujourd’hui ; plus du 8e de l’aide publique au développement (APD) française ! Pour- l’atteinte des communautés les plus vulnérables, doivent en effet sans cesse être rappelées. tant, notre pays reste particulièrement chiche en subventions publiques. Celles-ci n’ont représenté Coordination SUD s’est donc mobilisée pour défendre leur situation financière et, plus parti- que 6 % des ressources des ONG entre 2006 et 2011. Et malgré les efforts engagés depuis 2012, la culièrement, la part qu’elles mobilisent dans les financements publics français (par exemple, France reste en avant-dernière position parmi les pays du CAD de l’OCDE. Aussi, nous réaffirmons lors de la campagne présidentielle de 2012 ou lors de la publication annuelle du document que les associations sont au cœur des solutions à apporter pour un monde plus juste et plus du- d’analyse du « Projet de loi de finances »). Le collectif s’appuie aujourd’hui sur une étude rable au travers de leur ancrage citoyen et de leur expertise dense et diverse, au travers de leur récente démontrant les fragilités économiques croissantes de nombre d’ONG du secteur. action locale et de leur capacité à penser plus globalement ; au travers de l’engagement de leurs militants, de leurs bénévoles et de leurs salariés en France, comme sur les terrains les plus éloignés. Les associations sont un lieu de démocratie et de dynamisme où se créent et s’inventent tous les COORDINATION : jours des solutions nouvelles avec et pour les citoyens. Il est temps que la France se mette enfin à la Karine Penrose (Coordination SUD) hauteur de sa société civile. Gageons que ce document l’y aidera. LISTE DES ONG CONTRIBUTRICES : Philippe Jahshan, président de Coordination SUD Action contre la Faim, Agronomes et vétérinaires sans frontières, Comité français pour la solidari- té internationale, Médecins du Monde, SOS Villages d’Enfants. 1. « Étude sur les pratiques des ONG dans un contexte financier difficile », Coordination SUD, juillet 2013. http://www.coordinationsud.org/nos-appuis-aux-ong/dispositif-frio/echange-dexperiences/etudes/ Etude « Argent et associations de solidarité internationale, 2006-2011 », Ritimo, mai 2015. Edition novembre 2016.
1. DÉFENDRE L’EFFICIENCE ET L’EFFICACITÉ 2. POURQUOI L’ÉTAT A TOUT INTÉRÊT À MIEUX DES ONG FRANÇAISES FINANCER LES ONG La crise économique de ces dernières années en Europe laissait craindre une baisse L’intérêt et la nécessité de faire transiter une partie significative de l’aide extérieure généralisée de l’aide publique au développement (APD), et notamment des finance- par les ONG ont été soulignés par les analyses d’institutions nationales et internatio- ments publics alloués aux ONG. Or, force est de constater que le montant global de nales : le ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI), l’APD au niveau mondial a atteint le niveau record de 119 milliards d’euros en 2015 2 l’Agence française de développement (AFD), l’OCDE, les États membres de l’Union et que les moyens octroyés aux ONG dans de nombreux pays restent stables et bien supérieurs à européenne, le Parlement européen, la Cour des comptes européenne, etc 3. Par ailleurs, 67 % de ceux observés en France. Face aux besoins mondiaux accrus et compte tenu des récents enga- l’opinion publique y est favorable 4. gements internationaux pris par l’État français (objectifs de développement durable (ODD), COP21 et Conférence d’Addis-Abeba), on peut légitimement se poser la question des choix politiques des Les ONG sont, en effet, des organisations reconnues pour : gouvernements français successifs qui aboutissent à une APD française en baisse et à un soutien • Agir là où les autres ne vont pas : extrêmement faible aux ONG. Particulièrement souples et adaptables, les ONG disposent d’une capacité reconnue d’intervention rapide, tout en prenant en considération les spécificités du contexte et les besoins réels des popu- Aide publique au développement octroyée aux ONG lations. Fortes de leur indépendance d’action et de leur droit d’initiative, elles sont aussi présentes sur le long terme dans des zones difficiles, oubliées ou marginalisées, auprès de populations très million de dollars souvent en situation de grande vulnérabilité. (prix constant 2012) Les ONG françaises sont présentes sur tous les continents, dans 150 pays 5, notamment dans des 2500 pays en crise où la coopération bilatérale ne peut être présente (Corée du Nord, Syrie, Somalie, etc.), Royaume- ou a bien du mal à agir seule (Nord-Mali, Afghanistan, etc.). Elles acceptent de prendre des risques Uni 2000 que ces acteurs ne veulent ou ne peuvent pas prendre, au bénéfice des populations concernées. Allemagne 1500 • Obtenir des impacts réels auprès de communautés et populations en situation 1000 Belgique d’exclusion ou de vulnérabilité : Parce que très proches, avec leurs partenaires, des territoires, communautés ou groupes sociaux Espagne 500 en situation d’exclusion, les ONG françaises ont maintes fois démontré leur capacité à créer ou France renforcer des services efficients et pérennes pour répondre à des besoins dont certains sont vi- 0 taux, notamment en situation de crise. Les impacts de leurs actions auprès de ces populations sont 2008 2009 2010 2011 2012 2013 largement démontrés, y compris dans le renforcement au Sud d’une économie inclusive et durable Source : Coopération pour le développement 2015, OCDE, septembre 2015 et d’un tissu de structures économiques, généralement de l’économie sociale et solidaire, dans les domaines de la santé (mutuelles), de l’agriculture et l’artisanat (coopératives, groupements d’intérêt Dans ce contexte difficile, les ONG françaises ont néanmoins démontré leur efficacité et leur économique), de l’éducation, etc. efficience, en particulier dans l’atteinte des populations les plus vulnérables. Elles ont égale- ment démontré leur capacité à se développer et se professionnaliser davantage pour s’adapter à un contexte international de plus en plus complexe et compétitif et avoir ainsi une chance de 2. http://www.oecd.org/fr/cad/nouvelle-hausse-de-l-aide-au-developpement-en-2015-doublement-des-depenses-consacrees-aux-refugies.htm « survivre », pour poursuivre leur action au service des vulnérables et des exclus. Mais elles souffrent 3. Voir par exemple : « L’AFD et les organisations de la société civile : cadre d’intervention transversal 2013-2016 » ; La loi d’orientation et de pro- d’un manque de prévisibilité et d’une insuffisance structurelle des moyens qui leur sont attribués, grammation à la politique de développement et de solidarité internationale 2014, Section 3.2 « Interactions avec les acteurs non-étatiques » ; « How DAC members work with civil society organisations », Chapitre 2 « Why DAC members work with CSOs », p.14, OCDE 2011 ; European notamment de la part des pouvoirs publics, que ce soit en valeur absolue ou en termes de taux de Court of Auditors, « The Commission’s Management of Non-State Actors’ Involvement in EC Development Cooperation », 2009 ; « Le Consensus cofinancement. Européen pour le Développement », section 4.3. « La participation de la société civile », 2006 ; VOICE General Assembly Resolution « What humanitarian NGOs are all about », 2012 ; Rapport INTRAC « Comparative review of donor approaches to unrestricted funding of CSOs », p. 3, novembre 2014. 4. Sondage AFD/IPSOS sur les Français et l’aide au développement, 18 novembre 2013 4 5. Donnée extraite d’une base de données de Coordination SUD sur ses organisations membres (août 2014). 5
• Dire ce que les autres ne disent pas toujours : • Analyser et innover : Les ONG relaient la voix, les demandes et les revendications de toutes les populations en situation Le plus souvent présentes avec leurs partenaires au cœur même des territoires, des communautés et de vulnérabilité, pas seulement de celles figurant parmi les priorités politiques ou médiatiques du des sociétés, les ONG font preuve d’une capacité d’analyse qui leur permet d’intervenir de façon adaptée moment. Par leurs campagnes et actions de plaidoyer, elles alertent et défendent les droits hu- en fonction des besoins et des contextes socioculturels. Ce souci de l’analyse se retrouve également mains, apportent une contribution précieuse à l’élaboration de politiques et de lois, veillent à leur dans des réflexions collectives menant à la production de bonnes pratiques, de standards de qualité, application effective ainsi qu’à la concrétisation des engagements pris par les États, les institutions d’outils diffusés au bénéfice de tous les acteurs de la solidarité internationale qui les utilisent quotidien- internationales et le secteur privé. nement, tout en luttant contre la standardisation et la bureaucratisation excessive de l’aide (approche • Utiliser efficacement leurs moyens financiers : « Ne pas nuire », Code de bonne pratique de People in Aid, Partenariat international pour la redevabilité Les ONG s’engagent sur l’atteinte de résultats précis, avec de faibles coûts d’intervention, bénéfi- humanitaire, critères d’exigence du commerce équitable, performance sociale de la microfinance, etc.). ciant d’un avantage comparatif certain en termes de coûts administratifs et structurels. Les frais Les ONG françaises ont maintes fois démontré leur faculté à développer des innovations adaptées à des de fonctionnement des ONG représentent en moyenne 10 % de leurs dépenses 6. Si on y ajoute les contextes spécifiques. Certaines d’entre elles ont inspiré des programmes publics ou privés plus ambi- frais liés au nécessaire contrôle-qualité des actions, à leur capitalisation, à la recherche de cofinan- tieux : produits alimentaires locaux contre la malnutrition, construction en matériaux locaux, modèles de cement et au dialogue stratégique avec les partenaires et pouvoirs publics, ces frais n’atteignent microfinance, mutuelles de santé ou de groupements économiques et appui aux petites et moyennes pas 20 % de leurs dépenses 7. Ces frais de structure, de même que les coûts de leurs ressources entreprises, commercialisation de produits agricoles, recyclage de déchets en milieu urbain, etc. humaines, restent bien inférieurs à ceux des coopérations bilatérales, des agences multilatérales et • Promouvoir une approche française et européenne de la solidarité internationale des bureaux d’étude. Par ailleurs, le statut désintéressé et bénévole de leurs instances de gouver- Le savoir-faire des ONG françaises a été reconnu internationalement, comme en témoignent les nance, sans oublier les nombreux contrôles, internes et externes, auxquels elles sont soumises ou deux Prix Nobel de la Paix décernés à Médecins sans Frontières et à la campagne internationale se soumettent spontanément 8, sont garants de leur bonne gouvernance. Contrairement à certaines d’interdiction des mines antipersonnel portée par Handicap International. Malgré une influence idées reçues, les ONG sont sans nul doute aujourd’hui plus contrôlées en France que ne le sont les en perte de vitesse, l’approche française (et européenne) existe encore et se manifeste dans la entreprises ! Leur transparence se matérialise, entre autres, par la publication systématique de conception d’une aide qui ne se limite pas à la prestation de services, mais promeut l’exercice du leurs informations financières (Journal officiel, site Internet, etc.). droit d’initiative et la philosophie du sans-frontiérisme. Les ONG françaises mettent en pratique dans • Appuyer une société civile forte pour promouvoir la paix et la démocratie : leurs projets de terrain, une approche par les droits et une approche participative qui vise au ren- Les ONG témoignent du dynamisme et de la solidarité de la société française dans toute sa diver- forcement de la société civile. Elles tentent également de les promouvoir dans le dialogue politique sité culturelle et intellectuelle. Elles tissent des liens sur le long terme avec leurs homologues à auquel elles participent et lors de leurs interventions dans les fora internationaux. l’international ; grâce à leur approche d’égal à égal, elles favorisent l’émergence et le renforcement durable des sociétés civiles des pays où elles interviennent. Elles constituent ainsi un des principaux vecteurs de transformation sociale, de démocratisation, de pacification et de lutte contre les inéga- lités dans ces pays. • Mettre en œuvre une expertise technique diversifiée : Fort de la diversité du secteur, le champ d’expertise professionnelle des ONG françaises est très large : de l’urgence au développement, de la défense des droits humains à la structuration du milieu as- sociatif, du plaidoyer à l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale, de la fourniture de services de base au volontariat, etc. A cela s’ajoute une large gamme de domaines techniques couverts (santé, eau et assainissement, agriculture, sécurité alimentaire, microfinance, environnement, Crédit photo : AVSF / Marc Chapon lutte contre le changement climatique, éducation et formation, protection de l’enfance, etc.) et une diversité de modèles ou de tailles qui permettent d’apporter une réponse appropriée à une grande variété de situations. 6. Source : « Argent et associations de solidarité internationale, 2006-2011 », Ritimo, mai 2015. 7. Ibid 8. Commissaires aux comptes, audits externes, évaluations, Comité de la charte, Cour des comptes, etc. 6 7
• Informer les citoyens français, susciter et permettre leur engagement solidaire : Majoritairement financées par des ressources privées, les ONG françaises bénéficient de la En 2015, 82 % des Français ont le sentiment que dans les dix ou quinze années à venir, ce qui se confiance de plus de 3 millions de donateurs 10 individuels qui partagent aussi leurs combats. Les passera dans les pays en développement peut avoir un impact sur leur vie en France 9. Ils cherchent ONG emploient en outre près de 25 000 salariés 11 en France et à l’étranger et mobilisent plus d’un à mieux s’informer sur les questions liées aux enjeux de solidarité internationale. Plusieurs ONG million de bénévoles 12. mènent des actions de sensibilisation et d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale qui répondent à cette envie d’en savoir davantage. Ces actions, qui concernent des publics adultes Contrairement aux idées reçues, la part des fonds publics français dans les ressources des ONG mais aussi des jeunes, sont menées en partenariat avec l’Éducation nationale et des collectivités lo- reste minime : 6 % 13 ! Malgré cela, grâce au soutien des donateurs, le secteur des ONG représente cales. Les ONG françaises permettent également aux Français de s’engager concrètement à travers plus de 1 milliard d’euros de budget annuel. Ce montant reste toutefois à comparer aux 4 milliards le volontariat, le bénévolat ou simplement le don ou l’adhésion. Les citoyens mieux informés sou- d’euros que pèsent les ONG du Royaume-Uni, notamment grâce au soutien adéquat de leur gouver- haitent souvent s’engager, sont plus tolérants tout en portant un regard plus éclairé sur la situation nement (1,5 milliard d’euros). internationale et sont favorables au respect des engagements en matière d’APD (c’est-à-dire porter l’APD française à 0,7 % du revenu national brut). Les ONG contribuent, ainsi, activement à valoriser et défendre le principe de l’aide au développement auprès des Français, mais aussi à éviter que nos 4. APD : LES ONG FRANÇAISES 12 FOIS MOINS FINANCÉES sociétés ne se renferment sur elles-mêmes au point d’en arriver à rejeter l’autre dans un réflexe de xénophobie et d’isolement. QUE DANS LES AUTRES PAYS RICHES Alors qu’en 2015, l’APD mondiale a atteint un niveau record (119 milliards d’euros), celle de la France, à contre-courant, représente 0,37 % de son revenu national brut, soit son plus bas niveau depuis 2002. 3. LES ONG AIMÉES DES FRANÇAIS MAIS DÉLAISSÉES Quarante-cinq ans après avoir pris l’engagement de consacrer 0,7 % de sa richesse nationale à l’APD, la France y consacre à peine la moitié. DE LEURS ÉLUS De nombreuses voix s’élèvent, y compris au sein de la classe politique française de tous bords 14, pour réclamer « l’allocation de crédits plus importants à l’APD » et « acte[r] une augmentation de Ressources des ONG françaises l’APD de la France, avec l’objectif de reprendre une trajectoire ascendante vers les 0,7 % ». Mais, fin 2015, au moment même où les objectifs de développement durable étaient signés, et où la France s’apprêtait à accueillir la COP21, les crédits de la mission APD diminuaient de 10 %, soit la 6e année de 2% baisse consécutive. ressources privées Quant à l’APD transitant par les ONG de solidarité internationale, la France fait également pâle figure face aux autres pays donateurs : notre pays reste en effet l’avant-dernier pays du CAD de l’OCDE, ressources publiques 32 % territoriales devant la Grèce. 59 % ressources publiques Le montant annuel d’APD française transitant par les ONG est d’environ 100 millions d’euros 15, très nationales (Etat français) loin des montants octroyés par d’autres pays donateurs : 6% ressources publiques 9. « Les Français et la politique d’aide au développement de la France », 10e édition du Baromètre de l’AFD, septembre 2015, IFOP internationales 10. « Argent et associations de solidarité internationale », 2006-2011, Ritimo, mai 2015 11. Ibid 1% autres 12. « La situation du bénévolat en France en 2013 », France Bénévolat 13. Ritimo, ibid. 14. Tribune de parlementaires français intitulée « Pour une aide au développement française ambitieuse en 2016 », Huffington Post, 25 juin 2015 Source : Argent et associations de solidarité internationale 2006-2011, Ritimo, mai 2015 15. Rapport « Aid for CSOs », OCDE, octobre 2013 8 9
• La Belgique a pour sa part octroyé 288,5 millions d’euros de son aide bilatérale aux ONG (24 % de APD transitant par les organisations de la société civile en 2013 (en millions de dollars) son APD bilatérale) en 2013 20. En matière d’aide humanitaire 21, force est de constater que l’État français soutient également les 2500 ONG de façon marginale : le Centre de crise et de soutien, la principale entité de financement d’aide humanitaire pour les ONG en France, ne leur octroyait que 8,6 millions d’euros (2 %) en 2014 sur une 2000 contribution de la France à l’aide humanitaire globale de 402 millions d’euros cette même année. 1500 Or en 2014, la moyenne des pays du CAD de l’OCDE concernant l’aide humanitaire destinée aux ONG, s’élevait à 18 %. 1000 • Des engagements français non-tenus 500 Depuis 2004, les présidents et gouvernements successifs se sont engagés à doubler l’APD à destina- 0 tion des ONG. Pourtant, la réalité est très loin des engagements pris : Allemagne Belgique Espagne France Royaume-Uni • En 2004, le président Chirac s’était engagé à porter l’APD transitant par les ONG à 200 millions d’euros en 2009. Ce soutien aux ONG n’a finalement atteint que 80 millions d’euros ; APD transitant par les organisations de la société civile en 2013 (en % de l’APD) • En 2009, le président Sarkozy a pris de nouveau l’engagement d’augmenter ce montant à 150 mil- lions d’euros d’ici 2012. Cet engagement n’a lui non plus pas été tenu, puisque le niveau de l’APD 20 % transitant par les ONG atteignait 110 millions d’euros à la fin de son mandat ; 15 % • Enfin, le président Hollande a promis lui aussi de doubler d’ici 2017 la part de l’aide française transi- tant par les ONG , c’est-à-dire de porter celle-ci à 200 millions d’euros. 10 % Rappelons l’engagement du candidat François Hollande en 2012 : 5% « La France est l’un des pays européens qui sollicite le moins les ONG pour mettre en œuvre les 0% crédits de son aide. Aujourd’hui, seulement 1 % de l’aide française transite par des ONG, contre près de 5 % dans le reste de l’Europe. Il me semble nécessaire de soutenir ces acteurs innovants, réactifs e ne ni D e ne nc iqu CA e-U ag ag et efficaces, en particulier dans des secteurs, dans des pays ou dans des situations où les bailleurs Fra lg em p um ne Be Es publics connaissent davantage de difficultés. C’est pourquoi je m’engage à ce que la part de l’aide en All ya y Ro Mo bilatérale transitant par des ONG soit doublée en cinq ans. » 22 Source : Coopération pour le développement 2015, OCDE, septembre 2015 Certes, des efforts ont été faits depuis 2012, en augmentant progressivement la très insuffisante La part de l’APD globale transitant par les ONG varie en 2013 de 30 % en Irlande à 1 % en France, la enveloppe de l’Agence française de développement destinée aux initiatives ONG (58 millions d’euros moyenne étant de 11,6 % 16dans l’ensemble des pays du CAD de l’OCDE. octroyés en 2014 23), ainsi que, dans une moindre mesure, l’extrêmement faible Fonds d’urgence Des pays comparables ont, en effet, compris l’utilité de soutenir les ONG : humanitaire géré par le Centre de crise et de soutien, qui n’a retrouvé son niveau de dotation initiale • Le Royaume-Uni a non seulement atteint sa cible visant à consacrer 0,7 % de son revenu national de 2008 (9 millions d’euros) qu’en 2014 (9,2 millions d’euros, dont 8,6 millions d’euros aux ONG 24). brut à son APD en 2013, mais avait aussi la même année augmenté de 33 % son budget alloué aux ONG, pour atteindre 2 milliards de dollars USD (1,5 milliards d’euros), soit 12 % de son APD 17. 16. https://www.oecd.org/dac/peer-reviews/Aid%20for%20CSOs%20in%202013%20_%20Dec%202015.pdf 17. « Fast Forward : The Changing Role of UK-based INGOs », BOND, mai 2015 • En dépit d’une baisse drastique de son APD globale, l’Espagne a maintenu un budget important 18. http://cooperacionencifras.exteriores.gob.es/es-es/canalizadores/Paginas/default.aspx alloué aux ONG à 294 millions d’euros en 2013, soit 15 % de son APD 18. Et malgré la profonde crise 19. Coopération pour le développement 2015, OCDE, septembre 2015 qu’il traverse, l’État espagnol maintient un soutien financier à ses ONG trois fois supérieur à celui de 20. Ibid. 21. Données provenant du rapport « Global Humanitarian Assistance 2015 » http://www.globalhumanitarianassistance.org/report/gha-re- la France et quinze fois supérieur en part d’APD 19. port-2015 et du « Rapport d’activité sur l’action humanitaire d’urgence 2014 » du Centre de crise et de soutien 10 11
5. LES DEMANDES DE COORDINATION SUD Mais l’insuffisance persistante de soutien aux ONG françaises entraîne À L’ÉTAT FRANÇAIS de graves conséquences : Alors que la communauté internationale s’engage sur des objectifs de développement durable • Les ONG françaises sont souvent contraintes de se tourner vers d’autres bailleurs étrangers et de ambitieux, il convient de rappeler que leur atteinte ne se fera pas sans une large mobilisation de s’adapter à leurs priorités, à leurs méthodes. À se désengager toujours plus du financement de moyens publics. Si la France n’a pas rempli ses engagements depuis 1970, elle se doit aujourd’hui ses ONG de solidarité internationale, l’État français risque fort de voir l’influence de l’expertise et de les tenir, enfin, d’ici 2022 au plus tard. Elle montrerait alors, au-delà des effets d’annonce, sa des approches spécifiques françaises (Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, approche contribution significative à un monde meilleur, et que l’État français, à l’image de ses citoyens, est humanitaire, soutien à l’agriculture familiale, etc.) faiblir, face à ces très fortes coopérations bilaté- véritablement solidaire. A cet égard, les engagements français récents d’une augmentation de près rales ou institutions multilatérales, comme la Banque mondiale par exemple ; de 400 millions d’euros des dons d’ici 2020 25 vont, certes, dans le bon sens, mais restent largement • Par ailleurs, de nombreuses ONG internationales, par exemple anglo-saxonnes et du Nord de l’Eu- insuffisants pour répondre aux enjeux de développement. rope, largement financées par leurs pouvoirs publics, y compris pour développer leurs capacités Les ONG savent et veulent contribuer significativement à l’atteinte des objectifs de développement de plaidoyer, sont naturellement plus présentes et influentes dans les fora internationaux, au durable. Elles sont aussi en capacité de secourir et d’aider les populations en situation d’urgence. Il détriment des ONG françaises, de leur notoriété, leurs réflexions et leurs valeurs. Au lieu de capi- est dans l’intérêt de l’État français de les soutenir et de leur donner enfin des moyens dignes de son taliser sur leur rôle historique dans la solidarité internationale et de s’exporter, les ONG françaises rang international et de l’attachement des Français à ces associations. Si la France, pays des droits perdent du terrain ; humains, veut rester crédible et influente sur la scène internationale, elle ne peut continuer à négli- • Les ONG françaises, conscientes des défis qui les attendent pour s’adapter à l’environnement de ger la contribution des ONG, de leurs positionnements, expertises et savoir-faire, à son rayonnement. l’aide internationale de demain, ne pourront consentir les efforts nécessaires sans l’engagement et un appui financier accru de l’État. Leur crédibilité et leur reconnaissance sur la scène internationale de même que leur capacité de réflexion et de réponse aux besoins en dépendent. Pour certaines, > L’État doit maintenir son engagement de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à pourtant reconnues et appréciées par les pouvoirs publics et les partenaires internationaux, c’est l’APD et atteindre cet objectif au plus tard en 2022, terme du prochain mandat présiden- aussi leur survie qui en dépend ; tiel. Parallèlement, les crédits budgétaires d’APD votés en loi de finances doivent donc • L’État devra également accepter de porter demain la responsabilité de ne pas suffisamment agir augmenter impérativement de 10 % par an jusqu’en 2022. aujourd’hui pour répondre à des crises soudaines ou latentes qui semblent lointaines et dont les ramifications sont planétaires. > L’État doit également s’engager dès maintenant à inscrire un budget de 200 millions d’euros de financements aux ONG dans le Projet de loi de finances (PLF) de 2017, conformé- ment à l’engagement du président François Hollande. >L’effort doit ensuite se poursuivre afin de porter progressivement le montant annuel des crédits d’APD transitant par les ONG à 1 milliard d’euros d’ici 2022, afin de se rapprocher de la moyenne des pays du CAD de l’OCDE. Et dans la perspective de la croissance des moyens nécessaires pour la réalisation des objectifs de développement durable en 2030, la France doit porter son soutien aux ONG à 1,5 milliard d’euros d’ici 2027. > Pour permettre le suivi de ces engagements, la France doit indiquer, chaque année, dans les annexes budgétaires de la loi de finances, le montant de l’APD globale qui a été alloué aux ONG et le détail de ce calcul 26. 25. Rapport du préfigurateur Rémy Rioux « Rapprocher l’Agence française de développement et la Caisse des dépots et consignations au 22. Relevé de décisions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement du 31 juillet 2013, décision n°20. service du développement et de la solidarité internationale », janvier 2016. http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/rapport-sur-le- 23. http://www.afd.fr/home/AFD/nospartenaires/ONG/financement-ong-infographie rapprochement-afd-cdc_2016.pdf 24. Rapport du Centre de crise et de soutien « La diplomatie de l’urgence », 2015 26. Ces annexes doivent notamment préciser le montant dédié à la ligne de soutien aux initiatives des ONG gérée par l’AFD, mais également ceux dédiés au volontariat, au Fonds d’urgence humanitaire, géré par le Centre de crise et de soutien du MAEDI, à l’aide alimentaire programmée, et aux lignes spécifiques gérées par l’AFD que sont les Facilités d’innovations sectorielles ONG (Fisong) ou aux projets de sortie de crise. 12 13
Demande de Coordination SUD concernant l’augmentation des crédits APD transitant par les ONG en million € 1,5 Md€ 1600 1400 1200 1 Md€ 1000 800 600 400 200 0 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 LES CAISSES DE L’ÉTAT SONT-ELLES VIDES POUR LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE ? Malgré la crise, l’État français a les moyens d’être solidaire. Il s’agit aujourd’hui pour nos élus de prendre la décision de l’être. La demande des ONG françaises est en effet marginale au regard : 1. des 110 milliards d’euros annuels d’aides et subventions dont bénéficie le secteur écono- mique français dans son ensemble 27; 2. des 9,6 à 24,4 milliards d’euros annuels que pourrait rapporter à la France la mise en place de la taxe sur les transactions financières européenne 28; 3. des 2,5 milliards de dollars dépensés par la France en subventions pour soutenir l’industrie du charbon entre 2007 et 2015 29; 4. des 5 milliards d’euros qui devraient être recouvrés en 2015 et 2016, grâce à la régularisation des avoirs détenus à l’étranger 30. 27. http://www.lemonde.fr/politique/visuel/2013/07/17/l-impossible-simplification-des-aides-aux-entreprises_3448359_823448.html et http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/le-controle-europeen-des-aides-publiques-bon-ou-mauvais-pour-lindustrie/ 28. http://www.euractiv.fr/section/euro-finances/news/la-france-propose-des-pistes-pour-debloquer-la-ttf-europeenne/ 29. http://www.wwf.fr/?8440/Les-pays-du-G7-ont-depense-42-milliards-de-dollars-dargent-public-pour-financer-lindustrie-du-charbon 30. http://www.economie.gouv.fr/regularisation-des-avoirs-detenus-a-letranger 14 15
14, passage Dubail 75010 Paris Tel. : 01 44 72 93 72 sud@coordinationsud.org – www.coordinationsud.org
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