POUR UNE AUGMENTATION DES FINANCEMENTS PUBLICS DES ONG FRANÇAISES - Groupe initiatives

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POUR UNE AUGMENTATION DES FINANCEMENTS PUBLICS DES ONG FRANÇAISES - Groupe initiatives
POUR UNE AUGMENTATION
DES FINANCEMENTS PUBLICS
DES ONG FRANÇAISES
POUR UNE AUGMENTATION DES FINANCEMENTS PUBLICS DES ONG FRANÇAISES - Groupe initiatives
INTRODUCTION

   Coordination SUD – Solidarité Urgence Développement – est la coordination nationale des
   ONG françaises de solidarité internationale. Association loi 1901 fondée en 1994, Coordina-              La France s’est toujours distinguée parmi les pays du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Or-
   tion SUD rassemble près de 170 ONG, adhérents directs ou au travers de ses six collectifs                ganisation de coopération et de développement économique (OCDE) par la faiblesse du financement
   (CLONG-Volontariat, Cnajep, CHD, Crid, Forim, Groupe Initiatives). Elles mènent des actions hu-          de la solidarité internationale transitant par ses ONG. Avec une culture dominante de coopération
   manitaires d’urgence, d’aide au développement, de protection de l’environnement, de défense              d’État, son intérêt pour sa société civile est demeuré faible. En contradiction, d’ailleurs, avec l’opi-
   des droits humains auprès des populations défavorisées, ainsi que des actions d’éducation à              nion des Français et leur soutien aux ONG jamais démenti. Aussi, ce document a vocation à aider
   la citoyenneté et à la solidarité internationale et de plaidoyer.                                        à convaincre les décideurs et élus en France de l’atout que représentent les ONG françaises pour
                                                                                                            répondre aux enjeux majeurs de la solidarité internationale qui nous concernent tous en premier
   Le plaidoyer de Coordination SUD en faveur du financement des ONG                                        lieu, atout également pour la France, sa propre action et son image dans le monde. Notre secteur
   Depuis sa création, Coordination SUD promeut sans relâche la valeur ajoutée des ONG fran-                n’a cessé de croître durant les 20 dernières années. Il présente un budget consolidé qui dépasse 1
   çaises de solidarité internationale : l’efficacité et l’efficience de leur action, en particulier dans   milliard d’euros aujourd’hui ; plus du 8e de l’aide publique au développement (APD) française ! Pour-
   l’atteinte des communautés les plus vulnérables, doivent en effet sans cesse être rappelées.             tant, notre pays reste particulièrement chiche en subventions publiques. Celles-ci n’ont représenté
   Coordination SUD s’est donc mobilisée pour défendre leur situation financière et, plus parti-            que 6 % des ressources des ONG entre 2006 et 2011. Et malgré les efforts engagés depuis 2012, la
   culièrement, la part qu’elles mobilisent dans les financements publics français (par exemple,            France reste en avant-dernière position parmi les pays du CAD de l’OCDE. Aussi, nous réaffirmons
   lors de la campagne présidentielle de 2012 ou lors de la publication annuelle du document                que les associations sont au cœur des solutions à apporter pour un monde plus juste et plus du-
   d’analyse du « Projet de loi de finances »). Le collectif s’appuie aujourd’hui sur une étude             rable au travers de leur ancrage citoyen et de leur expertise dense et diverse, au travers de leur
   récente démontrant les fragilités économiques croissantes de nombre d’ONG du secteur.                    action locale et de leur capacité à penser plus globalement ; au travers de l’engagement de leurs
                                                                                                            militants, de leurs bénévoles et de leurs salariés en France, comme sur les terrains les plus éloignés.
                                                                                                            Les associations sont un lieu de démocratie et de dynamisme où se créent et s’inventent tous les
COORDINATION :                                                                                              jours des solutions nouvelles avec et pour les citoyens. Il est temps que la France se mette enfin à la
Karine Penrose (Coordination SUD)                                                                           hauteur de sa société civile. Gageons que ce document l’y aidera.

LISTE DES ONG CONTRIBUTRICES :                                                                              Philippe Jahshan, président de Coordination SUD
Action contre la Faim, Agronomes et vétérinaires sans frontières, Comité français pour la solidari-
té internationale, Médecins du Monde, SOS Villages d’Enfants.                                               1. « Étude sur les pratiques des ONG dans un contexte financier difficile », Coordination SUD, juillet 2013.
                                                                                                            http://www.coordinationsud.org/nos-appuis-aux-ong/dispositif-frio/echange-dexperiences/etudes/
                                                                                                            Etude « Argent et associations de solidarité internationale, 2006-2011 », Ritimo, mai 2015.
                                                                                   Edition novembre 2016.
1. DÉFENDRE L’EFFICIENCE ET L’EFFICACITÉ                                                                  2. POURQUOI L’ÉTAT A TOUT INTÉRÊT À MIEUX
    DES ONG FRANÇAISES                                                                                        FINANCER LES ONG
La crise économique de ces dernières années en Europe laissait craindre une baisse                         L’intérêt et la nécessité de faire transiter une partie significative de l’aide extérieure
généralisée de l’aide publique au développement (APD), et notamment des finance-                           par les ONG ont été soulignés par les analyses d’institutions nationales et internatio-
ments publics alloués aux ONG. Or, force est de constater que le montant global de                         nales : le ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI),
l’APD au niveau mondial a atteint le niveau record de 119 milliards d’euros en 2015 2                      l’Agence française de développement (AFD), l’OCDE, les États membres de l’Union
et que les moyens octroyés aux ONG dans de nombreux pays restent stables et bien supérieurs à              européenne, le Parlement européen, la Cour des comptes européenne, etc 3. Par ailleurs, 67 % de
ceux observés en France. Face aux besoins mondiaux accrus et compte tenu des récents enga-                 l’opinion publique y est favorable 4.
gements internationaux pris par l’État français (objectifs de développement durable (ODD), COP21
et Conférence d’Addis-Abeba), on peut légitimement se poser la question des choix politiques des           Les ONG sont, en effet, des organisations reconnues pour :
gouvernements français successifs qui aboutissent à une APD française en baisse et à un soutien            • Agir là où les autres ne vont pas :
extrêmement faible aux ONG.                                                                                Particulièrement souples et adaptables, les ONG disposent d’une capacité reconnue d’intervention
                                                                                                           rapide, tout en prenant en considération les spécificités du contexte et les besoins réels des popu-
                        Aide publique au développement octroyée aux ONG                                    lations. Fortes de leur indépendance d’action et de leur droit d’initiative, elles sont aussi présentes
                                                                                                           sur le long terme dans des zones difficiles, oubliées ou marginalisées, auprès de populations très
    million de dollars                                                                                     souvent en situation de grande vulnérabilité.
     (prix constant 2012)
                                                                                                           Les ONG françaises sont présentes sur tous les continents, dans 150 pays 5, notamment dans des
      2500                                                                                                 pays en crise où la coopération bilatérale ne peut être présente (Corée du Nord, Syrie, Somalie, etc.),
                                                                                        Royaume-           ou a bien du mal à agir seule (Nord-Mali, Afghanistan, etc.). Elles acceptent de prendre des risques
                                                                                        Uni
      2000                                                                                                 que ces acteurs ne veulent ou ne peuvent pas prendre, au bénéfice des populations concernées.
                                                                                        Allemagne
      1500                                                                                                 • 
                                                                                                             Obtenir des impacts réels auprès de communautés et populations en situation
      1000
                                                                                        Belgique             d’exclusion ou de vulnérabilité :
                                                                                                           Parce que très proches, avec leurs partenaires, des territoires, communautés ou groupes sociaux
                                                                                        Espagne
        500                                                                                                en situation d’exclusion, les ONG françaises ont maintes fois démontré leur capacité à créer ou
                                                                                        France             renforcer des services efficients et pérennes pour répondre à des besoins dont certains sont vi-
           0                                                                                               taux, notamment en situation de crise. Les impacts de leurs actions auprès de ces populations sont
                 2008       2009      2010        2011        2012        2013                             largement démontrés, y compris dans le renforcement au Sud d’une économie inclusive et durable
               Source : Coopération pour le développement 2015, OCDE, septembre 2015                       et d’un tissu de structures économiques, généralement de l’économie sociale et solidaire, dans les
                                                                                                           domaines de la santé (mutuelles), de l’agriculture et l’artisanat (coopératives, groupements d’intérêt
Dans ce contexte difficile, les ONG françaises ont néanmoins démontré leur efficacité et leur              économique), de l’éducation, etc.
efficience, en particulier dans l’atteinte des populations les plus vulnérables. Elles ont égale-
ment démontré leur capacité à se développer et se professionnaliser davantage pour s’adapter
à un contexte international de plus en plus complexe et compétitif et avoir ainsi une chance de
                                                                                                           2. http://www.oecd.org/fr/cad/nouvelle-hausse-de-l-aide-au-developpement-en-2015-doublement-des-depenses-consacrees-aux-refugies.htm
« survivre », pour poursuivre leur action au service des vulnérables et des exclus. Mais elles souffrent   3. Voir par exemple : « L’AFD et les organisations de la société civile : cadre d’intervention transversal 2013-2016 » ; La loi d’orientation et de pro-
d’un manque de prévisibilité et d’une insuffisance structurelle des moyens qui leur sont attribués,        grammation à la politique de développement et de solidarité internationale 2014, Section 3.2 « Interactions avec les acteurs non-étatiques » ;
                                                                                                            « How DAC members work with civil society organisations », Chapitre 2 « Why DAC members work with CSOs », p.14, OCDE 2011 ; European
notamment de la part des pouvoirs publics, que ce soit en valeur absolue ou en termes de taux de           Court of Auditors, « The Commission’s Management of Non-State Actors’ Involvement in EC Development Cooperation », 2009 ; « Le Consensus
cofinancement.                                                                                             Européen pour le Développement », section 4.3. « La participation de la société civile », 2006 ; VOICE General Assembly Resolution « What
                                                                                                           humanitarian NGOs are all about », 2012 ; Rapport INTRAC « Comparative review of donor approaches to unrestricted funding of CSOs », p. 3,
                                                                                                           novembre 2014.
                                                                                                           4. Sondage AFD/IPSOS sur les Français et l’aide au développement, 18 novembre 2013
4                                                                                                          5. Donnée extraite d’une base de données de Coordination SUD sur ses organisations membres (août 2014).                                               5
• Dire ce que les autres ne disent pas toujours :                                                                                              • Analyser et innover :
Les ONG relaient la voix, les demandes et les revendications de toutes les populations en situation                                             Le plus souvent présentes avec leurs partenaires au cœur même des territoires, des communautés et
de vulnérabilité, pas seulement de celles figurant parmi les priorités politiques ou médiatiques du                                             des sociétés, les ONG font preuve d’une capacité d’analyse qui leur permet d’intervenir de façon adaptée
moment. Par leurs campagnes et actions de plaidoyer, elles alertent et défendent les droits hu-                                                 en fonction des besoins et des contextes socioculturels. Ce souci de l’analyse se retrouve également
mains, apportent une contribution précieuse à l’élaboration de politiques et de lois, veillent à leur                                           dans des réflexions collectives menant à la production de bonnes pratiques, de standards de qualité,
application effective ainsi qu’à la concrétisation des engagements pris par les États, les institutions                                         d’outils diffusés au bénéfice de tous les acteurs de la solidarité internationale qui les utilisent quotidien-
internationales et le secteur privé.                                                                                                            nement, tout en luttant contre la standardisation et la bureaucratisation excessive de l’aide (approche
• Utiliser efficacement leurs moyens financiers :                                                                                              « Ne pas nuire », Code de bonne pratique de People in Aid, Partenariat international pour la redevabilité
Les ONG s’engagent sur l’atteinte de résultats précis, avec de faibles coûts d’intervention, bénéfi-                                            humanitaire, critères d’exigence du commerce équitable, performance sociale de la microfinance, etc.).
ciant d’un avantage comparatif certain en termes de coûts administratifs et structurels. Les frais                                              Les ONG françaises ont maintes fois démontré leur faculté à développer des innovations adaptées à des
de fonctionnement des ONG représentent en moyenne 10 % de leurs dépenses 6. Si on y ajoute les                                                  contextes spécifiques. Certaines d’entre elles ont inspiré des programmes publics ou privés plus ambi-
frais liés au nécessaire contrôle-qualité des actions, à leur capitalisation, à la recherche de cofinan-                                        tieux : produits alimentaires locaux contre la malnutrition, construction en matériaux locaux, modèles de
cement et au dialogue stratégique avec les partenaires et pouvoirs publics, ces frais n’atteignent                                              microfinance, mutuelles de santé ou de groupements économiques et appui aux petites et moyennes
pas 20 % de leurs dépenses 7. Ces frais de structure, de même que les coûts de leurs ressources                                                 entreprises, commercialisation de produits agricoles, recyclage de déchets en milieu urbain, etc.
humaines, restent bien inférieurs à ceux des coopérations bilatérales, des agences multilatérales et                                            • Promouvoir une approche française et européenne de la solidarité internationale
des bureaux d’étude. Par ailleurs, le statut désintéressé et bénévole de leurs instances de gouver-                                             Le savoir-faire des ONG françaises a été reconnu internationalement, comme en témoignent les
nance, sans oublier les nombreux contrôles, internes et externes, auxquels elles sont soumises ou                                               deux Prix Nobel de la Paix décernés à Médecins sans Frontières et à la campagne internationale
se soumettent spontanément 8, sont garants de leur bonne gouvernance. Contrairement à certaines                                                 d’interdiction des mines antipersonnel portée par Handicap International. Malgré une influence
idées reçues, les ONG sont sans nul doute aujourd’hui plus contrôlées en France que ne le sont les                                              en perte de vitesse, l’approche française (et européenne) existe encore et se manifeste dans la
entreprises ! Leur transparence se matérialise, entre autres, par la publication systématique de                                                conception d’une aide qui ne se limite pas à la prestation de services, mais promeut l’exercice du
leurs informations financières (Journal officiel, site Internet, etc.).                                                                         droit d’initiative et la philosophie du sans-frontiérisme. Les ONG françaises mettent en pratique dans
• Appuyer une société civile forte pour promouvoir la paix et la démocratie :                                                                  leurs projets de terrain, une approche par les droits et une approche participative qui vise au ren-
Les ONG témoignent du dynamisme et de la solidarité de la société française dans toute sa diver-                                                forcement de la société civile. Elles tentent également de les promouvoir dans le dialogue politique
sité culturelle et intellectuelle. Elles tissent des liens sur le long terme avec leurs homologues à                                            auquel elles participent et lors de leurs interventions dans les fora internationaux.
l’international ; grâce à leur approche d’égal à égal, elles favorisent l’émergence et le renforcement
durable des sociétés civiles des pays où elles interviennent. Elles constituent ainsi un des principaux
vecteurs de transformation sociale, de démocratisation, de pacification et de lutte contre les inéga-
lités dans ces pays.
• Mettre en œuvre une expertise technique diversifiée :
Fort de la diversité du secteur, le champ d’expertise professionnelle des ONG françaises est très large :
de l’urgence au développement, de la défense des droits humains à la structuration du milieu as-
sociatif, du plaidoyer à l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale, de la fourniture
de services de base au volontariat, etc. A cela s’ajoute une large gamme de domaines techniques
couverts (santé, eau et assainissement, agriculture, sécurité alimentaire, microfinance, environnement,
                                                                                                            Crédit photo : AVSF / Marc Chapon

lutte contre le changement climatique, éducation et formation, protection de l’enfance, etc.) et une
diversité de modèles ou de tailles qui permettent d’apporter une réponse appropriée à une grande
variété de situations.

6. Source : « Argent et associations de solidarité internationale, 2006-2011 », Ritimo, mai 2015.
7. Ibid
8. Commissaires aux comptes, audits externes, évaluations, Comité de la charte, Cour des comptes, etc.
6                                                                                                                                                                                                                                                           7
• Informer les citoyens français, susciter et permettre leur engagement solidaire :                      Majoritairement financées par des ressources privées, les ONG françaises bénéficient de la
En 2015, 82 % des Français ont le sentiment que dans les dix ou quinze années à venir, ce qui se          confiance de plus de 3 millions de donateurs 10 individuels qui partagent aussi leurs combats. Les
passera dans les pays en développement peut avoir un impact sur leur vie en France 9. Ils cherchent       ONG emploient en outre près de 25 000 salariés 11 en France et à l’étranger et mobilisent plus d’un
à mieux s’informer sur les questions liées aux enjeux de solidarité internationale. Plusieurs ONG         million de bénévoles 12.
mènent des actions de sensibilisation et d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale
qui répondent à cette envie d’en savoir davantage. Ces actions, qui concernent des publics adultes        Contrairement aux idées reçues, la part des fonds publics français dans les ressources des ONG
mais aussi des jeunes, sont menées en partenariat avec l’Éducation nationale et des collectivités lo-     reste minime : 6 % 13 ! Malgré cela, grâce au soutien des donateurs, le secteur des ONG représente
cales. Les ONG françaises permettent également aux Français de s’engager concrètement à travers           plus de 1 milliard d’euros de budget annuel. Ce montant reste toutefois à comparer aux 4 milliards
le volontariat, le bénévolat ou simplement le don ou l’adhésion. Les citoyens mieux informés sou-         d’euros que pèsent les ONG du Royaume-Uni, notamment grâce au soutien adéquat de leur gouver-
haitent souvent s’engager, sont plus tolérants tout en portant un regard plus éclairé sur la situation    nement (1,5 milliard d’euros).
internationale et sont favorables au respect des engagements en matière d’APD (c’est-à-dire porter
l’APD française à 0,7 % du revenu national brut). Les ONG contribuent, ainsi, activement à valoriser et
défendre le principe de l’aide au développement auprès des Français, mais aussi à éviter que nos             4. APD : LES ONG FRANÇAISES 12 FOIS MOINS FINANCÉES
sociétés ne se renferment sur elles-mêmes au point d’en arriver à rejeter l’autre dans un réflexe de
xénophobie et d’isolement.                                                                                   QUE DANS LES AUTRES PAYS RICHES
                                                                                                          Alors qu’en 2015, l’APD mondiale a atteint un niveau record (119 milliards d’euros), celle de la France, à
                                                                                                          contre-courant, représente 0,37 % de son revenu national brut, soit son plus bas niveau depuis 2002.
    3. LES ONG AIMÉES DES FRANÇAIS MAIS DÉLAISSÉES                                                        Quarante-cinq ans après avoir pris l’engagement de consacrer 0,7 % de sa richesse nationale à l’APD,
                                                                                                          la France y consacre à peine la moitié.
    DE LEURS ÉLUS
                                                                                                          De nombreuses voix s’élèvent, y compris au sein de la classe politique française de tous bords 14,
                                                                                                          pour réclamer « l’allocation de crédits plus importants à l’APD » et « acte[r] une augmentation de
                                 Ressources des ONG françaises                                            l’APD de la France, avec l’objectif de reprendre une trajectoire ascendante vers les 0,7 % ». Mais, fin
                                                                                                          2015, au moment même où les objectifs de développement durable étaient signés, et où la France
                                                                                                          s’apprêtait à accueillir la COP21, les crédits de la mission APD diminuaient de 10 %, soit la 6e année de
                                2%                                                                        baisse consécutive.

                                                                    ressources privées                    Quant à l’APD transitant par les ONG de solidarité internationale, la France fait également pâle figure
                                                                                                          face aux autres pays donateurs : notre pays reste en effet l’avant-dernier pays du CAD de l’OCDE,
                                                                    ressources publiques
                  32 %                                              territoriales                         devant la Grèce.

                                     59 %                           ressources publiques                  Le montant annuel d’APD française transitant par les ONG est d’environ 100 millions d’euros 15, très
                                                                    nationales (Etat français)            loin des montants octroyés par d’autres pays donateurs :
                6%                                                  ressources publiques
                                                                                                          9. « Les Français et la politique d’aide au développement de la France », 10e édition du Baromètre de l’AFD, septembre 2015, IFOP
                                                                    internationales
                                                                                                          10. « Argent et associations de solidarité internationale », 2006-2011, Ritimo, mai 2015
                                                                                                          11. Ibid
              1%                                                    autres                                12. « La situation du bénévolat en France en 2013 », France Bénévolat
                                                                                                          13. Ritimo, ibid.
                                                                                                          14. Tribune de parlementaires français intitulée « Pour une aide au développement française ambitieuse en 2016 », Huffington Post, 25 juin 2015
        Source : Argent et associations de solidarité internationale 2006-2011, Ritimo, mai 2015          15. Rapport « Aid for CSOs », OCDE, octobre 2013

8                                                                                                                                                                                                                                                      9
• La Belgique a pour sa part octroyé 288,5 millions d’euros de son aide bilatérale aux ONG (24 % de
 APD transitant par les organisations de la société civile en 2013 (en millions de dollars)                      son APD bilatérale) en 2013 20.
                                                                                                              En matière d’aide humanitaire 21, force est de constater que l’État français soutient également les
     2500                                                                                                     ONG de façon marginale : le Centre de crise et de soutien, la principale entité de financement d’aide
                                                                                                              humanitaire pour les ONG en France, ne leur octroyait que 8,6 millions d’euros (2 %) en 2014 sur une
     2000
                                                                                                              contribution de la France à l’aide humanitaire globale de 402 millions d’euros cette même année.
     1500                                                                                                     Or en 2014, la moyenne des pays du CAD de l’OCDE concernant l’aide humanitaire destinée aux ONG,
                                                                                                              s’élevait à 18 %.
     1000
                                                                                                              • Des engagements français non-tenus
       500
                                                                                                              Depuis 2004, les présidents et gouvernements successifs se sont engagés à doubler l’APD à destina-
           0                                                                                                  tion des ONG. Pourtant, la réalité est très loin des engagements pris :
                Allemagne          Belgique         Espagne          France       Royaume-Uni
                                                                                                              • En 2004, le président Chirac s’était engagé à porter l’APD transitant par les ONG à 200 millions
                                                                                                                 d’euros en 2009. Ce soutien aux ONG n’a finalement atteint que 80 millions d’euros ;
      APD transitant par les organisations de la société civile en 2013 (en % de l’APD)                       • En 2009, le président Sarkozy a pris de nouveau l’engagement d’augmenter ce montant à 150 mil-
                                                                                                                 lions d’euros d’ici 2012. Cet engagement n’a lui non plus pas été tenu, puisque le niveau de l’APD
      20 %                                                                                                       transitant par les ONG atteignait 110 millions d’euros à la fin de son mandat ;

      15 %                                                                                                    • Enfin, le président Hollande a promis lui aussi de doubler d’ici 2017 la part de l’aide française transi-
                                                                                                                 tant par les ONG , c’est-à-dire de porter celle-ci à 200 millions d’euros.
      10 %
                                                                                                              Rappelons l’engagement du candidat François Hollande en 2012 :
       5%                                                                                                     « La France est l’un des pays européens qui sollicite le moins les ONG pour mettre en œuvre les
       0%                                                                                                     crédits de son aide. Aujourd’hui, seulement 1 % de l’aide française transite par des ONG, contre près
                                                                                                              de 5 % dans le reste de l’Europe. Il me semble nécessaire de soutenir ces acteurs innovants, réactifs
                         e

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                     Fra

                                                                        lg
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                                                                                                              publics connaissent davantage de difficultés. C’est pourquoi je m’engage à ce que la part de l’aide
                                                        en
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               Source : Coopération pour le développement 2015, OCDE, septembre 2015                          Certes, des efforts ont été faits depuis 2012, en augmentant progressivement la très insuffisante
La part de l’APD globale transitant par les ONG varie en 2013 de 30 % en Irlande à 1 % en France, la          enveloppe de l’Agence française de développement destinée aux initiatives ONG (58 millions d’euros
moyenne étant de 11,6 % 16dans l’ensemble des pays du CAD de l’OCDE.                                          octroyés en 2014 23), ainsi que, dans une moindre mesure, l’extrêmement faible Fonds d’urgence
Des pays comparables ont, en effet, compris l’utilité de soutenir les ONG :                                   humanitaire géré par le Centre de crise et de soutien, qui n’a retrouvé son niveau de dotation initiale
• Le Royaume-Uni a non seulement atteint sa cible visant à consacrer 0,7 % de son revenu national            de 2008 (9 millions d’euros) qu’en 2014 (9,2 millions d’euros, dont 8,6 millions d’euros aux ONG 24).
   brut à son APD en 2013, mais avait aussi la même année augmenté de 33 % son budget alloué aux
   ONG, pour atteindre 2 milliards de dollars USD (1,5 milliards d’euros), soit 12 % de son APD 17.           16. https://www.oecd.org/dac/peer-reviews/Aid%20for%20CSOs%20in%202013%20_%20Dec%202015.pdf
                                                                                                              17. « Fast Forward : The Changing Role of UK-based INGOs », BOND, mai 2015
• En dépit d’une baisse drastique de son APD globale, l’Espagne a maintenu un budget important               18. http://cooperacionencifras.exteriores.gob.es/es-es/canalizadores/Paginas/default.aspx
   alloué aux ONG à 294 millions d’euros en 2013, soit 15 % de son APD 18. Et malgré la profonde crise        19. Coopération pour le développement 2015, OCDE, septembre 2015
   qu’il traverse, l’État espagnol maintient un soutien financier à ses ONG trois fois supérieur à celui de   20. Ibid.
                                                                                                              21. Données provenant du rapport « Global Humanitarian Assistance 2015 » http://www.globalhumanitarianassistance.org/report/gha-re-
   la France et quinze fois supérieur en part d’APD 19.                                                       port-2015 et du « Rapport d’activité sur l’action humanitaire d’urgence 2014 » du Centre de crise et de soutien

10                                                                                                                                                                                                                                                  11
5. LES DEMANDES DE COORDINATION SUD

Mais l’insuffisance persistante de soutien aux ONG françaises entraîne
                                                                                                                                                À L’ÉTAT FRANÇAIS
de graves conséquences :
                                                                                                                                             Alors que la communauté internationale s’engage sur des objectifs de développement durable
• Les ONG françaises sont souvent contraintes de se tourner vers d’autres bailleurs étrangers et de
                                                                                                                                             ambitieux, il convient de rappeler que leur atteinte ne se fera pas sans une large mobilisation de
   s’adapter à leurs priorités, à leurs méthodes. À se désengager toujours plus du financement de
                                                                                                                                             moyens publics. Si la France n’a pas rempli ses engagements depuis 1970, elle se doit aujourd’hui
   ses ONG de solidarité internationale, l’État français risque fort de voir l’influence de l’expertise et
                                                                                                                                             de les tenir, enfin, d’ici 2022 au plus tard. Elle montrerait alors, au-delà des effets d’annonce, sa
   des approches spécifiques françaises (Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, approche
                                                                                                                                             contribution significative à un monde meilleur, et que l’État français, à l’image de ses citoyens, est
   humanitaire, soutien à l’agriculture familiale, etc.) faiblir, face à ces très fortes coopérations bilaté-
                                                                                                                                             véritablement solidaire. A cet égard, les engagements français récents d’une augmentation de près
   rales ou institutions multilatérales, comme la Banque mondiale par exemple ;
                                                                                                                                             de 400 millions d’euros des dons d’ici 2020 25 vont, certes, dans le bon sens, mais restent largement
• Par ailleurs, de nombreuses ONG internationales, par exemple anglo-saxonnes et du Nord de l’Eu-
                                                                                                                                             insuffisants pour répondre aux enjeux de développement.
   rope, largement financées par leurs pouvoirs publics, y compris pour développer leurs capacités
                                                                                                                                             Les ONG savent et veulent contribuer significativement à l’atteinte des objectifs de développement
   de plaidoyer, sont naturellement plus présentes et influentes dans les fora internationaux, au
                                                                                                                                             durable. Elles sont aussi en capacité de secourir et d’aider les populations en situation d’urgence. Il
   détriment des ONG françaises, de leur notoriété, leurs réflexions et leurs valeurs. Au lieu de capi-
                                                                                                                                             est dans l’intérêt de l’État français de les soutenir et de leur donner enfin des moyens dignes de son
   taliser sur leur rôle historique dans la solidarité internationale et de s’exporter, les ONG françaises
                                                                                                                                             rang international et de l’attachement des Français à ces associations. Si la France, pays des droits
   perdent du terrain ;
                                                                                                                                             humains, veut rester crédible et influente sur la scène internationale, elle ne peut continuer à négli-
• Les ONG françaises, conscientes des défis qui les attendent pour s’adapter à l’environnement de
                                                                                                                                             ger la contribution des ONG, de leurs positionnements, expertises et savoir-faire, à son rayonnement.
   l’aide internationale de demain, ne pourront consentir les efforts nécessaires sans l’engagement et
   un appui financier accru de l’État. Leur crédibilité et leur reconnaissance sur la scène internationale
   de même que leur capacité de réflexion et de réponse aux besoins en dépendent. Pour certaines,                                                > L’État doit maintenir son engagement de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à
   pourtant reconnues et appréciées par les pouvoirs publics et les partenaires internationaux, c’est                                               l’APD et atteindre cet objectif au plus tard en 2022, terme du prochain mandat présiden-
   aussi leur survie qui en dépend ;                                                                                                                tiel. Parallèlement, les crédits budgétaires d’APD votés en loi de finances doivent donc
• L’État devra également accepter de porter demain la responsabilité de ne pas suffisamment agir                                                   augmenter impérativement de 10 % par an jusqu’en 2022.
   aujourd’hui pour répondre à des crises soudaines ou latentes qui semblent lointaines et dont les
   ramifications sont planétaires.                                                                                                              > L’État doit également s’engager dès maintenant à inscrire un budget de 200 millions
                                                                                                                                                   d’euros de financements aux ONG dans le Projet de loi de finances (PLF) de 2017, conformé-
                                                                                                                                                   ment à l’engagement du président François Hollande.
                                                                                                                                                >L’effort doit ensuite se poursuivre afin de porter progressivement le montant annuel des
                                                                                                                                                   crédits d’APD transitant par les ONG à 1 milliard d’euros d’ici 2022, afin de se rapprocher de
                                                                                                                                                   la moyenne des pays du CAD de l’OCDE. Et dans la perspective de la croissance des moyens
                                                                                                                                                   nécessaires pour la réalisation des objectifs de développement durable en 2030, la France
                                                                                                                                                   doit porter son soutien aux ONG à 1,5 milliard d’euros d’ici 2027.
                                                                                                                                                > Pour permettre le suivi de ces engagements, la France doit indiquer, chaque année, dans
                                                                                                                                                   les annexes budgétaires de la loi de finances, le montant de l’APD globale qui a été alloué
                                                                                                                                                   aux ONG et le détail de ce calcul 26.

                                                                                                                                             25. Rapport du préfigurateur Rémy Rioux « Rapprocher l’Agence française de développement et la Caisse des dépots et consignations au
22. Relevé de décisions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement du 31 juillet 2013, décision n°20.   service du développement et de la solidarité internationale », janvier 2016. http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/rapport-sur-le-
23. http://www.afd.fr/home/AFD/nospartenaires/ONG/financement-ong-infographie                                                                rapprochement-afd-cdc_2016.pdf
24. Rapport du Centre de crise et de soutien « La diplomatie de l’urgence », 2015                                                            26. Ces annexes doivent notamment préciser le montant dédié à la ligne de soutien aux initiatives des ONG gérée par l’AFD, mais également
                                                                                                                                             ceux dédiés au volontariat, au Fonds d’urgence humanitaire, géré par le Centre de crise et de soutien du MAEDI, à l’aide alimentaire
                                                                                                                                             programmée, et aux lignes spécifiques gérées par l’AFD que sont les Facilités d’innovations sectorielles ONG (Fisong)
                                                                                                                                             ou aux projets de sortie de crise.
12                                                                                                                                                                                                                                                                                       13
Demande de Coordination SUD concernant l’augmentation
                                des crédits APD transitant par les ONG

     en million €
                                                                                                                       1,5 Md€
     1600

     1400

     1200                                                        1 Md€
     1000

      800

      600

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      200

         0
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  LES CAISSES DE L’ÉTAT SONT-ELLES VIDES POUR LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE ?

     Malgré la crise, l’État français a les moyens d’être solidaire. Il s’agit aujourd’hui pour nos élus
     de prendre la décision de l’être.
     La demande des ONG françaises est en effet marginale au regard :
     1. des 110 milliards d’euros annuels d’aides et subventions dont bénéficie le secteur écono-
         mique français dans son ensemble 27;
     2. des 9,6 à 24,4 milliards d’euros annuels que pourrait rapporter à la France la mise en place
         de la taxe sur les transactions financières européenne 28;
     3. des 2,5 milliards de dollars dépensés par la France en subventions pour soutenir l’industrie
         du charbon entre 2007 et 2015 29;
     4. des 5 milliards d’euros qui devraient être recouvrés en 2015 et 2016, grâce à la régularisation
         des avoirs détenus à l’étranger 30.

27. http://www.lemonde.fr/politique/visuel/2013/07/17/l-impossible-simplification-des-aides-aux-entreprises_3448359_823448.html
et http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/le-controle-europeen-des-aides-publiques-bon-ou-mauvais-pour-lindustrie/
28. http://www.euractiv.fr/section/euro-finances/news/la-france-propose-des-pistes-pour-debloquer-la-ttf-europeenne/
29. http://www.wwf.fr/?8440/Les-pays-du-G7-ont-depense-42-milliards-de-dollars-dargent-public-pour-financer-lindustrie-du-charbon
30. http://www.economie.gouv.fr/regularisation-des-avoirs-detenus-a-letranger

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14, passage Dubail 75010 Paris
                Tel. : 01 44 72 93 72
sud@coordinationsud.org – www.coordinationsud.org
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