Proctologie pratique - FMC-HGE
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POST’U (2021) Proctologie pratique Frédéric JUGUET Clinique Tivoli - 91, rue de Rivière - 33000 Bordeaux fred.juguet@orange.fr Nous n’aborderons pas ici les troubles Introduction de la statique pelvienne, la constipa- tion terminale, l’incontinence fécale ou les IST. Pour un gastro-entérologue proc tologue ou un chirurgien colorectal, la difficulté n’est pas, le plus souvent, d’évoquer ou de faire un diagnostic, mais d’avoir au bon moment le bon Maladie hémorroïdaire (2) patient en face de lui. En effet, pour la plus grande partie de La pathologie hémorroïdaire externe la population, tout symptôme procto- est essentiellement représentée par logique correspond à une pathologie les thromboses et par les manifesta- hémorroïdaire. tions congestives, alors que la patho- logie hémorroïdaire interne va se La part de l’automédication est consi- manifester par les symptômes du dérable et les retards de diagnostic et prolapsus, procidence, saignements, OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES de prise en charge sont fréquents. A suintements… contrario, le médecin spécialiste va — Connaître les principaux motifs de souvent voir sa consultation chargée La ou les thromboses hémorroïdaires consultation en proctologie de patients relevant d’un traitement externes (THE) sont en rapport avec le — Connaître les principes des traite- médical simple et le proctologue chirur- « claquage » de petits vaisseaux au sein ments médicaux de ces pathologies gical de patients non chirurgicaux. du réseau hémorroïdaire de la marge — Connaître les indications chirur- anale et va provoquer en général de Or, les maladies proctologiques sont façon brutale une tuméfaction plus ou gicales des pathologies proctolo- fréquentes, ce qui est bien illustré moins douloureuse. giques dans l’étude (1) de G. Tournu et du — Savoir reconnaître une urgence groupe de recherche en proctologie La douleur est le plus souvent perma- chirurgicale proctologique (GREP) qui a observé l’incidence du nente, non défécatoire. Le diagnostic recours aux soins primaires : dans la clinique est le plus souvent évident salle d’attente d’un médecin généra- (le diagnostic différentiel étant LIEN D’INTÉRÊTS liste, 15 % des patients ont un pro- l’abcès marginal), avec une tuméfac- Aucun blème à l’anus et 2,3 % des patients tion bleutée ou œdémateuse. La poly- qui consultent le médecin traitant le thrombose externe, œdémateuse le font pour un symptôme proctologique. plus souvent, est une variante, parti- MOTS-CLÉS culièrement fréquente en postpartum. Quand le traitement de première ligne L’évolution est le plus souvent spon- Recours aux soins en proctologie ; est en échec, ou lorsque d’emblée le tanément favorable, la douleur dispa- pathologie hémorroïdaire, fissuraire problème est complexe, le gastro- raissant plus rapidement que la et suppurations anales ; urgences entérologue est le plus souvent solli- tuméfaction. La complication classique proctologiques cité en second recours. Il doit donc est le sphacèle spontané, avec de petits parfaitement maîtriser les objectifs saignements permanents (Figure 1). ABRÉVIATIONS cités ci-dessus. Les manifestations congestives ex AL : anesthésie locale La maladie hémorroïdaire représente ternes sont fréquentes, avec une gêne, HGE : hépato-gastro-entérologue la plus grande partie des motifs de un inconfort et un gonflement plus ou IRM : imagerie par résonance magné- recours aux soins en proctologie, suivie moins objectif sans thrombose. tique par la pathologie fissuraire et les sup AINS : anti-inflammatoires non stéroï- purations, en particulier les fistules Les manifestations liées au prolapsus diens anales. sont en général peu bruyantes, avec ATELIERS 331
glaireux, des fuites fécales, un prurit… ou en cas de forme compliquée L’accident représenté par le prolapsus (Figure 1). La simple incision est réa- hémorroïdaire thrombosé est rare lisable mais peut se compliquer d’une et doit être différencié de la simple nouvelle collection thrombotique. Il thrombose externe car il peut se com- s’agit d’un geste réalisable sous anes- pliquer (Figure 3). thésie locale, mais qui doit respecter les règles de tout traitement chirur- gical (matériel, capacité à gérer l’hé- mostase, information sur les suites Traitement médical opératoires et gestion de la continuité des soins). Les traitements chirurgi- caux proposés en cas d’échec des Le traitement doit toujours prendre en traitements médicaux ou instrumen- compte les troubles du transit associés Figure 1 : THE sphacèlée taux, ou d’emblée, sont représentés et avoir recours, à la demande, à des par les techniques d’hémorroïdecto- mesures diététiques, des laxatifs ou mie (qui enlèvent le réseau hémor- des ralentisseurs du transit. C’est le roïdaire externe et interne) et par les seul traitement médical préventif techniques de « pexie » (qui réparent scientifiquement validé. Les conseils ou remontent le tissu hémorroïdaire diététiques qui ne sont pas basés sur interne). cet objectif ne sont pas validés. Les manifestations douloureuses relèvent L’hémorroïdectomie, partielle (mono- des antalgiques (niveaux I et II) et pédiculaire) ou complète, sera le plus des anti-inflammatoires. L’intérêt des souvent retenue en cas de maladie phlébotoniques en phase aiguë est externe invalidante, de maladie de débattu. grade 4 invalidante, de prolapsus Une hygiène locale adaptée peut logi- thrombosé compliqué (Figure 3), de quement être conseillée. Les topiques rectorragies compliquées d’anémie. locaux, suppositoires (pour les mani- L’efficacité en est excellente et durable festations hémorroïdaires internes), et peut être proposée quel que soit le crèmes ou pommades, sont utiles grade de la maladie hémorroïdaire. (topiques simples, corticoïdes locaux, De multiples techniques s’adressent anesthésiques de contact). aux manifestations du prolapsus de Figure 2 : Procidence en poussée, grade I à III, les deux techniques les grade II à III mieux évaluées étant l’hémorroï dopexie par agrafage et la mucopexie Traitements instrumentaux Doppler. D’autres techniques sont en cours d’évaluation (radiofréquence, Ils s’adressent aux manifestations du Laser). La fiabilité à long terme de prolapsus hémorroïdaire, saignement ces techniques est moindre que celle ou procidence de grade II ou III. de l’hémorroïdectomie mais les suites opératoires sont moins contraignantes Le principe est de créer une sclérose et le compromis doit être discuté avec au sommet des paquets hémorroï- le patient. daires internes, en fixant la muqueuse et en modulant l’apport sanguin dans le plexus. Les techniques bien évaluées sont la ligature élastique, la photo-coagulation infra rouge et Fissure anale (3) la sclérose au chlorhydrate double de quinine et d’urée (Kinuréa H ®). La pathologie fissuraire représente L’efficacité à moyen terme est de 70 % la deuxième cause de consultation environ. Comme pour tous les traite- en proctologie. Le syndrome fissu- ments invasifs, le patient doit être raire associe une douleur défécatoire informé préalablement des risques et post défécatoire, plus ou moins Figure 3 : Prolapsus hemorroïdaire et des précautions, de préférence par prolongée, le plus souvent intense, thrombosé compliqué écrit (fiches SNFCP). à type de brûlure ou de spasme, en raison de la contraction sphincté- une procidence défécatoire (Figure 2), rienne réflexe, et des saignements. Il spontanément réintégrable ou non s’y associe parfois lorsque la fissure (réintégration digitale), qui se dégrade Traitements chirurgicaux est chronique, une tuméfaction ou souvent progressivement avec à l’ex- une procidence en rapport avec les trême une procidence permanente. L’excision de la thrombose hémorroï- éléments satellites. Bien entendu, la Les symptômes sont le plus souvent daire externe peut être proposée en pathologie fissuraire peut s’associer à des saignements, des suintements cas d’échec du traitement antalgique, une pathologie hémorroïdaire. 332
évidents (abcès intra mural), mais le Traitement chirurgical plus souvent un simple examen de la marge anale permet le diagnostic. Les formes tardives ou abâtardies par un En cas d’échec du traitement médical, traitement médical peuvent être trom- ou d’emblée en cas de surinfection ou peuses également, avec des signes d’importants éléments satellites, il est généraux, une rétention urinaire… le plus souvent proposé une fissurec- tomie. La sphinctérotomie (latérale Le plus souvent, l’imagerie n’est pas le plus souvent) est moins utilisée utile et ne doit en aucun cas retarder en France même si l’efficacité en est le traitement. L’examen le plus perfor- probablement comparable, car il y mant en pratique est l’IRM. a plus de risque d’hypo-continence séquellaire. Figure 4 : Fissure postérieure creusante Traitement Le diagnostic clinique n’est pas tou- Suppurations Aucun traitement médical ne se jus jours facile chez un patient doulou- ano-périnéales (4) tifie, les AINS sont rigoureusement reux et craintif : ulcération anale contre-indiqués et les antibiotiques marginale, le plus souvent à la com- sont inutiles, voire dangereux, en La grande majorité des suppura- missure postérieure (85 %) ou anté- raison de la pression de sélection sur tions de la région ano-périnéale est rieure. Elle s’associe donc parfois à un une flore poly-microbienne d’origine d’origine crypto glandulaire. Le plus capuchon, externe, (Figure 4) et à une fécale. Le traitement des fistules souvent sans cause identifiable, elles papille hypertrophique, pectinéale, chroniques est chirurgical et doit être sont provoquées par l’infection d’une plus ou moins procidente. Elle peut confié à des praticiens expérimentés glande anale, ou glande d’Hermann et être infectée, voire être responsable dans ce domaine. Desfosses, au niveau de la zone pecti- d’une suppuration sous fissuraire. néale. La diffusion va se faire à travers L’abcès, en phase aiguë, est une Le diagnostic différentiel est repré- le sphincter anal, selon des trajets et urgence chirurgicale. Ceci justifie senté par les ulcérations secondaires des hauteurs très variables, ce qui d’organiser l’accueil des patients dans ou spécifiques, maladie de Crohn, explique le grand polymorphisme un délai très rapide, dès que le dia- infections sexuellement transmises clinique. gnostic est posé ou suspecté, et éven- invasives, iatrogènes (Nicorandil, On peut également rencontrer d’autres tuellement pour une incision sous anti-angiogéniques), dont la prise en suppurations, par exemple dans anesthésie locale (Figure 5), ce qui charge est bien entendu différente. le cadre de la maladie de Verneuil, des va permettre de soulager immédiate- abcès sur des kystes épidermiques, ment le patient et le mettre à l’abri des localisations fessières de follicu- des complications. Il faut toujours lites… garder à l’esprit le risque de diffusion rapide de la suppuration et le risque Traitement médical Les suppurations d’origine crypto- d’évolution cellulitique parfois drama- glandulaires peuvent se manifester tique (Figure 6). sur un mode chronique d’emblée, avec Bien que mal évalué, le traitement une symptomatologie d’écoulement, L’exploration sous anesthésie générale de première ligne est efficace dans la de « bouton » ou bourgeon charnu, d’emblée, après drainage sous AL, moitié des cas et fait appel à une régu- à l’orifice externe de la fistule, et pour traiter la fistule anale causale, larisation du transit et à des topiques parfois avec peu ou pas de douleurs. pour un premier épisode d’abcès, est locaux, en suppositoire et en crème L’examen peut retrouver un orifice controversée mais, dans le cas où on et à des antalgiques, ainsi qu’à une primaire pectinéal palpable, ou visible propose d’attendre, le patient doit être adaptation de l’hygiène locale. La en anuscopie, et peut parfois palper averti du risque significatif de récidive cicatrisation doit être contrôlée, car un cordon correspondant au trajet, si il n’y a pas de corrélation entre l’évo- la fistule est superficielle. Le recours lution favorable des symptômes et aux soins est souvent tardif dans cette l’absence de cicatrisation. situation. Les traitements médicaux spécifiques A contrario, le plus souvent, l’épisode font appel aux préparations locales révélateur ou inaugural est un abcès, ayant pour objectif de diminuer le tuméfaction plus ou moins volumi- tonus sphinctérien, avec un inhibiteur neuse, avec des douleurs pulsatiles calcique telle que la nifédipine (non permanentes, dont le diagnostic commercialisé en France), et avec la peut être tardif si le patient n’est pas trinitrine (Rectogesic®), cette dernière examiné. Au début de l’évolution, ayant l’inconvénient de provoquer des ou lorsque la diffusion est exclusive- céphalées dans 30 % des cas. Le taux ment profonde dans la paroi rectale, de succès à long terme est de l’ordre le diagnostic peut être trompeur, avec de 50 %. des douleurs sans signes cliniques Figure 5 : Incision abcès ATELIERS 333
Si la fistule est identifiée, elle sera soit C’est toute l’importante de la forma- mise à plat (section à ciel ouvert du tion initiale et continue, et de l’orga- trajet trans-sphinctérien inférieur), nisation de la permanence des soins. soit drainée sur un « séton » ou drain élastique. La stratégie du deuxième temps chirurgical est affaire de spé- cialiste chirurgical expérimenté. Références 1. Tournu G, Abramowitz L, Couffignal C, Juguet F, Sénéjoux A, et al. Prevalence En conclusion of anal symptoms in general practice : a prospective study. BMC Fam Pract. 2017 Aug 3;18(1):78. doi:10.1186/s12875-017- Il n’est pas possible de présenter 0649-6 en quelques pages toute la procto- 2. Higuero T, Abramowitz L et Staumont G. logie médico-chirurgicale. Gardons à Clinical practice guidelines for the l’esprit qu’un malade sur deux consul- treatment of hemorr hoid disease. Figure 6 : Abcès pré-gangreneux tant un médecin de premier recours Société nationale francaise de n’est pas examiné, que de nombreux colo-proctologie (SNFCP), 2010. patients présentant une pathologie 3. Stewart DBSr, Gaertner W, Glasgow S, et doit connaître la conduite à tenir. médicale proctologique douloureuse Migaly J, Feingold D, et al. Clinical En revanche, en cas d’épisodes récur- sortent du cabinet médical sans trai- Practice Guideline for the Management rents ou avec des critères de gravité, tement antalgique, vont encombrer of Anal Fissures. Dis Colon Rectum. 2017 le patient doit être confié très rapide- Jan;60(1):7-14. les consultations des spécialistes et ment au proctologue chirurgical. Le enfin que, faute d’organisation claire 4. Williams G,Williams A,Tozer P, Phillips R, drainage sous AG d’emblée est impé- dans certains secteurs, de nombreux Ahmad A, et al. The treatment of ratif en cas d’abcès intra-mural ou de anal fistula: second ACPGBIPo- patients vont être pris en charge avec sition Statement-2018 Colorectal Dis. signes infectieux sévères, surtout si le retard pour d’authentiques urgences 2018 Jul;20 Suppl 3:5-31. doi:10.1111/ terrain est débilité. chirurgicales. codi.14054. 5 Les cinq points forts ● Il n’y a pas de diagnostic sans examen clinique. ● La pathologie hémorroïdaire représente la majorité des motifs de consultation, suivie par la pathologie fissuraire et les suppu- rations. ● Les traitements médicaux de première ligne doivent être parfai- tement maîtrisés, par les médecins de premier recours et les HGE. ● Le médecin doit savoir quel patient adresser au spécialiste chirur- gical. ● La prise en charge des urgences, en particulier chirurgicales, doit être organisée. 334
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