"PROGRAMME PAYS DANEMARK - MALI" REVUE A MI-PARCOURS AIDE-MEMOIRE - Mali 2017-2022 Version finale - DANIDA - ETHICS
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Ministère des Affaires Etrangères DANIDA du Danemark Mali “PROGRAMME PAYS DANEMARK - MALI” 2017-2022 REVUE A MI-PARCOURS AIDE-MEMOIRE Version finale DANIDA Ref. no. 2019 - 24707 Décembre 2019
ABREVIATIONS ABD Appui Budgétaire Direct ABS Appui Budgétaire Sectoriel AFD Agence Française de Développement AJCAD Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie ANICT Agence Nationale d’Investissements des Collectivités Territoriales APP Appel à Proposition de Projets ARD Ambassade Royale du Danemark AT Assistance Technique ATT Amani Toumani Touré BAMO Bureau d’Assistance à la Maîtrise d’Ouvrage BM Banque mondiale CADP Cabinet d'Assistance pour le Développement Participatif CAPDH Centre d'Assistance et de Promotion des Droits Humains CCAP Comité de Contrôle Citoyen de l’Action Publique CCNUCC Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques CHD Centre pour le Dialogue Humanitaire CMA Coordination des Mouvements de l'Azawad CMAS Coordination des mouvements, associations et sympathisants CNDH Commission Nationale des Droits Humains CNPM Conseil National du Patronat du Mali CR Conseil Régional CR-S Conseil Régional de Sikasso CRSB Commission Régionale de Suivi Budgétaire CREDD Cadre stratégique pour la Relance Economique et le Développement Durable CSA Comité de Suivi de l’Accord CTP Conseiller Technique Principal CT Collectivité Territoriale DAO Dossier d’Appel d’Offre DCPND Document Cadre de Politique Nationale de Décentralisation DDR Démobilisation, Désarmement, Réintégration DGCC Direction Générale du Commerce et de la Concurrence DED Document d’Engagement de Développement DEL Développement Économique Local DER Développement Économique Régional DGCT Direction Générale des Collectivités Territoriales DHQ Drois de l’Homme au Quotidien DIN Dotation d’Investissement (nationale) DNAPES Direction Nationale de l'Administration Pénitentiaire et de l'Education Surveillée DNFPCT Direction Nationale de la Fonction Publique des Collectivités Territoriales DNI Dialogue National Inclusif DPP Document de Programme Pays DRACPN Direction Régionale de l’Assainissement, du Contrôle des Pollution et Nuisances DUE Délégation de l’Union européenne ECT Expertise Court Terme ED Engagement de Développement EIES Etude d’Impact Environnemental et Social EIGS Etat Islamique au Grand Sahara EJOM L’Emploi des Jeunes créé des Opportunités ici au Mali (projet UE/SNV) EMOP Enquête Modulaire et Permanente auprès des Ménages EPEC Environnement Propice pour l'Entrepreunariat de Croissance ERM Equipe de Revue à Mi-parcours EUCAP Mission de soutien aux capacités de sécurité intérieure maliennes FACEJ Fonds d'Appui à la Création d'Entreprises pour les Jeunes ii
FAMOC Fonds d'Appui aux Moteurs du Changement FDS Forces de Défense et de Sécurité FF Fonds Fiduciaire FG PMEA Fonds de Garantie pour le financement des PME des chaînes de valeur Agricoles FGSP Fonds de Garantie du Secteur Privé FIDA Fonds International de Développement de l’Agriculture FIER Formation professionnelle, Insertion et appui à l'Entrepreneuriat des jeunes Ruraux FMI Fonds Monétaire International FNA Fonds Non Alloués FNACT Fonds National d’Appui aux Collectivités Territoriales GATIA Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés GBM Groupe de la Banque Mondiale GET+ Association Gouvernance et Transparence + GSB Groupe de Suivi Budgétaire IBK Ibrahim Boubacar Keïta ICCT International Centre for Counter-Terrorism IFC International Finance Corporation JNIM Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans MATD Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation MEDIPA Médiation et Dialogue pour la Paix MEREF Mécanisme de Refinancement (des Systèmes Financiers Décentralisés) MERIT Mali (Dis) Engagement and (Re-) Integration related to Terrorism MPFEF Ministère de la Promotion de la Femme, de l'Enfant et de la Famille MPME Micro, Petites et Moyennes Entreprises NIE National Implementing Entities/ Entités nationales de mise en œuvre NIES Notice d’Impact Environnemental et Social OISE Outil informatisé de suivi et évaluation OP Organisation de Producteurs OSC Organisation de la Société Civile PACEPEP Programme d’Appui à la Croissance Economique et Promotion de l’Emploi par le secteur Privé PACINDHA Pôle des Actions d’Intégration des Droits Humains en Afrique PAD Programme d’Appui à la Décentralisation PAICT Projet d’Appui aux Investissements des Collectivités Territoriales PAM Programme Alimentaire Mondial PAN Plan d’Action National PANT Participation, Accountability, Non-discrimination and Transparency PAT Plan d’Assistance Technique PBSG Planification et Budgétisation Sensible au Genre PDESC Programme de Développement Economique, Social et Culturel PDI Plan de Développement Institutionnel PDSP Programme de Développement du Secteur Privé PGES Plan de Gestion Environnemental et Social PME Petites et Moyennes Entreprises PMR Programme d’appui à la Microfinance Rurale PO Plan Opérationnel PP Programme Pays PROCEJ Projet de Développement des Compétences et Emploi des Jeunes PSDR Plan Stratégique de Développement de la Région PSIRC Plan de Sécurisation Intégrée des Régions du Centre PT Programme Thématique PTBA Programme de Travail Budgétisé Annuel PTF Partenaire Technique et Financier QIPs Projets à Impact Rapide REAO Réseau de l'Entreprise en Afrique de l'Ouest RMP Revue à Mi-Parcours RSS Réformes des Systèmes de Sécurité iii
RTE Real Time Evaluation/Evaluation en temps réel S-E Suivi-Evaluation SEGAL Secrétaire Général SFD Systèmes Financiers Décentralisés SNGP Sub-National Governance Program/USAID SRAT Schéma Régional d’Aménagement du Territoire TDL Taxe de Développement Local TIC Technologies de l’Informatique et de la Communication UNICRI Institut interrégional de recherche des Nations unies sur la criminalité et la justice URD Union pour la République et la Démocratie UTG Unité Technique de Gestion VFM Value For Money ZES Zone Economique Spéciale Taux de change 1 Euro = 7,47290 DKK 1 Euro= 655,957 FCFA Photo : Jeune entrepreneur de Bougouni qui a bénéficié d'un financement du FACEJ (PT Développement du Secteur Privé) pour développer son élevage de lapins iv
TABLE DE MATIERE Abréviations ii Résumé iv 1 INTRODUCTION ........................................................................................................ 1 2 BREVE DESCRIPTION DU PROGRAMME ............................................................. 1 3 DEVELOPPEMENT DU CONTEXTE DU PAYS DEPUIS LA FORMULATION 2 3.1 Développements du contexte politique .................................................................................. 2 3.2 Développement sécuritaire ....................................................................................................... 4 3.3 Conditions économiques ........................................................................................................... 5 3.4 Approche sensible au conflit .................................................................................................... 5 4 APPRECIATION GLOBALE DU PROGRAMME PAYS........................................... 6 5 PROGRAMME THEMATIQUE COEXISTENCE PACIFIQUE.............................. 8 5.1 ED 1. Fonds d’Appui aux Moteurs de Changement (FAMOC) ......................................... 8 5.2 ED 2. Centre pour le Dialogue Humanitaire (CHD) .........................................................10 5.3 ED3 Appui au Programme Pays d’ONU-Femmes.............................................................11 5.4 ED4. Fonds Fiduciaire de la MINUSMA.............................................................................12 5.5 ED 5 International Center for Counter Terrorism (ICCT)/ Institut interrégional de recherche des Nations unies sur la criminalité et la justice (UNICRI) .............................13 5.6 Fonds Non-Alloués (FNA).....................................................................................................14 5.7 Gestion des risques ..................................................................................................................14 6 PROGRAMME THEMATIQUE APPUI A LA DECENTRALISATION ............... 14 6.1 ED1 Appui au Ministère en charge de la Décentralisation (227 millions DKK) ...........16 6.2 ED2 Appui Technique et financier au Conseil Régional de Sikasso (107,2 millions DKK) .........................................................................................................................................19 6.3 ED3 Appui au Groupe de Suivi Budgétaire (11,5 millions DKK) ...................................20 6.4 Fonds Non Alloués ..................................................................................................................21 6.5 Assistance Technique ..............................................................................................................22 6.6 Gestion des risques ..................................................................................................................23 7 PROGRAMME THEMATIQUE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR PRIVÉ (PDSP 2019-2022) ......................................................................................................... 23 7.1 ED1 Financement inclusif des filières agricoles (INCLUSIF) ..........................................25 7.2 ED2 Fonds d'Appui à la Création d'Entreprises pour les Jeunes .....................................25 7.3 ED3 Environnement Propice pour l'Entrepreunariat de Croissance ..............................26 7.4 ED4. Fonds de garantie pour le financement des PME des chaînes de valeur agricoles (FG PMEA) ..............................................................................................................................27 7.5 Fonds non alloués ....................................................................................................................28 7.6 Assistance Technique ..............................................................................................................28 7.7 Gestion des risques ..................................................................................................................28 8 CADRE DES RESULTATS ET SYSTÈME DE SUIVI EVALUATION MIS EN PLACE ......................................................................................................................... 29 8.1 Cadre des résultats....................................................................................................................29 8.2 Suivi-Evaluation .......................................................................................................................29 Dispositif de suivi-évaluation .............................................................................................. 29 L’évaluation de performance (Value For Money - VFM) ............................................... 30 L’évaluation en temps réel (RTE) ....................................................................................... 30 9 EXÉCUTION GLOBAL DU BUDGET..................................................................... 31 v
10 ANNEXES ................................................................................................................... 32 10.1 ANNEXE 1. Termes de Référence .......................................................................................32 10.2 ANNEXE 2. Bibliographie ....................................................................................................44 Programme Pays................................................................................................................. 44 Contexte ................................................................................................................................ 44 Programme Thématique Coexistence pacifique ...................................................... 44 Programme Thématique Décentralisation ................................................................. 45 Programme thématique Secteur Privé ......................................................................... 47 Assistance Technique Suivi-Evaluation ...................................................................... 48 Environnement, Changement climatique ................................................................... 49 Jeunesse................................................................................................................................. 49 Genre ...................................................................................................................................... 49 Autres partenaires ..................................................................................................... 50 Organisation de la mission ........................................................................................................ 50 10.3 ANNEXE 3. Personnes rencontrées ....................................................................................51 10.4 ANNEXE 4. Programme de la mission ...............................................................................56 10.5 ANNEXE 5. Les Ministères de la Décentralisation au Mali de 2014 à 2019..................59 10.6 ANNEXE 6. FACEJ : exemple de segmentation des entreprises qui pourrait être à la base d’une approche différenciée dans le soutien aux jeunes entrepreneurs...................60 10.7 ANNEXE 7. Exécution financière par ED ........................................................................... 1 10.8 ANNEXE 8 Résumé des recommandations ......................................................................... 1 10.9 ANNEXE 9 Résumé des propositions ................................................................................... 3 vi
RESUME La revue à mi-parcours (RMP) du Programme Pays (PP) pour le Mali s’est déroulée du 21 octobre au 1er novembre 2019. Elle vise à fournir une appréciation indépendante de la performance du Programme. Ses conclusions et recommandations serviront à l’ajuster ou le réorienter et même à préparer la formulation du prochain Programme Pays. La mission s’est déroulée après deux ans de mise œuvre des Programmes Thématiques (PT) « Coexistence Pacifique » et « Décentralisation » et après six mois de mise en œuvre du programme « Développement du Secteur Privé » ; pour ce dernier, la RMP a donc plutôt été une revue de démarrage. Contexte : Le Mali fait face à une crise multidimensionnelle qui se caractérise par (i) une aggravation rapide de la situation sécuritaire avec l’accroissement de conflits inter-communautaires (ii) une crispation politique au niveau national et l’absence de l’Etat dans une partie grandissante du pays (Nord et Centre) et (iii) un mécontentement croissant de la population envers la classe politique relatif au manque de sécurité et de protection, ainsi qu’un déficit des services de base comme l’éducation et la santé. Les aspects religieux ont gagné en influence sur le processus politique, profitant de la délégitimation du pouvoir. La crise est aussi alimentée par la criminalité transfrontalière liée aux trafics de drogue, de migrants et d’armes, qui procure des revenus illicites pour ceux contrôlant les routes de transits. Le document de Programme Pays avait identifié ces domaines parmi les risques contextuels susceptibles d’affecter le déroulement de la coopération. Globalement, ces risques identifiés se sont avérés conformes. Enfin, sur le plan économique, le pays demeure dans une situation de rattrapage qui génère encore peu de retombées en termes de hausse des revenus et de progrès social. Appréciation globale : Le Programme Pays est considéré pertinent, autant pour le Danemark que pour le Mali, malgré l’aggravation de la situation sécuritaire et l’impasse politique. Le programme a été formulé avant l’approbation de la stratégie de Danida « Le Monde 2030 », en janvier 2017 mais, dans les grandes lignes, il est conforme avec les priorités de cette stratégie. Les thèmes transversaux sont bien intégrés dans les PT, surtout la jeunesse et le genre. De manière générale, les progrès du Programme Pays sont satisfaisants et il est probable qu’une bonne partie des résultats escomptés seront atteints, même si les résultats demeurent mitigés, principalement à cause du contexte difficile, y compris les multiples changements organisationnels des partenaires étatiques. Il est donc probable que plusieurs PT n’arriveront pas à utiliser complètement le budget initialement prévu avant la fin du Programme. L’Ambassade a mené des réflexions dans ce sens, à savoir comment utiliser les fonds d’une manière pertinente et efficace pour répondre aux besoins énormes du Mali ; l’Equipe de revue à Mi-parcours (ERM) est en accord avec cette approche. Programme Thématique Coexistence Pacifique. Le PT Coexistence Pacifique demeure pertinent face aux enjeux de la mise en place de l’Accord de Paix de 2015 et des défis qui se posent en matière de sécurité, de gouvernance et de droits humains. Les réalisations de l’ensemble des Engagements de Développement (ED) sont conformes aux cadres de résultats qui demeurent globalement pertinents au regard du contexte. Aucun ED ne connait de retard important, ni de problème majeur de mise en œuvre, même si certains résultats sont très localisés à cause de la nature des engagements. Des efforts de coordination doivent toutefois être entrepris entre les bénéficiaires au sein des ED, entre les ED et avec les partenaires intervenant dans le même secteur. Programme Thématique Décentralisation. Le PT Décentralisation demeure pertinent face aux enjeux de la mise en place de l’Accord de Paix de 2015 et de la poursuite des efforts de décentralisation. L’Equipe de la Revue à mi-parcours a constaté que le développement des réformes de décentralisation a peu avancé au cours des deux dernières années, en raison de la crise multidimensionnelle que vit le Mali, d’un manque de leadership de l’Etat et d’une instabilité institutionnelle qui a impacté la mise en œuvre. Ces difficultés tranchent avec l’engagement des Partenaires Techniques et Financiers autour de la Banque mondiale (BM) qui démarre un important projet d’appui à 100 communes maliennes, mais basé sur une approache sectorielle avec l’accent, entre autres, sur des réformes fiscales. L’ERM recommande de poursuivre à ce stade, l’engagement avec le Fonds National d’Appui aux Collectivités Territoriales (FNACT) et d’attendre fin 2020 pour envisager, sur la base d’un bilan, de suivre ou non la BM. Programme Technique Secteur Privé. Le programme n’a débuté qu’au début 2019. Son délai d’exécution ne sera que de 3,5 ans, dans un souci de le mettre en phase avec le prochain Programme Pays. Cette courte durée constitue un défi pour sa mise œuvre. L’Ambassade a bien lancé les quatre engagements, tous vii
opérationnels, avec néanmoins un peu de retard sur le planning prévu. Le programme reste pertinent pour à la fois relever le défi du développement économique du Mali et jouer un rôle dans la stabilisation du pays par le développement des opportunités économiques au bénéfice des populations, y compris dans les zones fragiles du nord et du centre. Pour certains engagements, les objectifs semblent très optimistes et, si les résultats ne s'améliorent pas, il faudra revoir les objectifs et le budget. viii
1 INTRODUCTION La revue à mi-parcours du Programme Pays pour le Mali s’est déroulée du 21 octobre au 1er novembre 2019 avec l’objectif de fournir une appréciation indépendante de la performance du programme conformément aux lignes directrices de Danida pour la gestion de l'aide au développement, en particulier le guide de gestion de programmes et projets1. Elle comprend également l’appréciation des progrès, des résultats, des défis, des évolutions et des facteurs de risque dans le contexte politique malien et fournit des recommandations sur les ajustements nécessaires en fonction des changements dans le contexte et des leçons tirées. Les conclusions et les recommandations de cette RMP serviront à la prise de décision stratégique concernant les ajustements ou réorientations du Programme actuel et pourront également servir pour les préparatifs de la formulation du prochain Programme Pays. Elle a été conduite par une équipe du Ministère danois des Affaires Etrangères composée de trois spécialistes du Service Technique de Qualité (KFU), d’un agent du Service régional de l’Afrique de l’Ouest pour les aspects politiques et assistée de trois consultants internationaux et d’un consultant national2. La mission s’est déroulée après deux ans de mise œuvre des Programmes Thématiques « Coexistence Pacifique » et « Décentralisation » et après six mois de mise en œuvre du programme « Développement du Secteur Privé » ; pour ce dernier, la RMP a donc plutôt été une revue de démarrage. Elle a été précédée par une revue documentaire3 ainsi que l’élaboration d’une note préparatoire soumise à l’Ambassade Royale du Danemark (ARD). L’équipe de revue à mi-parcours a rencontré les principales parties prenantes du Programme Pays : Ministères ; Ambassade ; Organisations de la Société Civile (OSC) et du Secteur Privé ; Partenaires de mise en œuvre ; quelques Partenaires Techniques et Financiers ; intervenants en matière de paix et de sécurité etc.4 et a, durant trois jours, réalisé des visites de terrain pour les trois programmes thématiques dans la région de Sikasso5. Cet aide-mémoire présente les principaux constats, propositions et recommandations de la revue, basée sur la documentation consultée, y compris les études préparatoires menées par l’Ambassade, ainsi que sur les entretiens menés à Bamako et lors des visites de terrain. Les propositions de l’ERM sont à caractère opérationnel6 et entrent dans la gestion au quotidien des PT, contrairement aux recommandations7, qui nécessitent un suivi plus formel de la part de l’Ambassade, comme souligné dans les lignes directrices. Les propositions et recommandations reflètent uniquement la position de l’ERM et les opinions formulées n’expriment pas nécessairement celles du Ministère danois des Affaires Étrangères ou du Gouvernement malien. L’équipe exprime ses remerciements à toutes les personnes rencontrées au cours de la mission pour leur avoir consacré un temps précieux, avoir partagé leurs connaissances et leurs expériences et particulièrement à l’ARD, pour sa disponibilité et l’appui logistique apporté au cours de la mission. 2 BREVE DESCRIPTION DU PROGRAMME Le document de politique pays présente la vision d'un « Mali stable, jouissant d'une paix et d'un développement durables en vue d’une réduction de la pauvreté, reposant sur la gouvernance inclusive et légitime et le respect des droits de l'homme, tout en reconnaissant l'interdépendance entre la politique, la 1 Annexe 1. Termes de Références. Revue à mi-parcours du Programme Pays Mali 2017-2022. Juillet 2019. 2 L’équipe de la RMP était composée (i) pour le Ministère danois des affaires étrangères, (Service Technique de Qualité) de Mme Esther Lønstrup, Chef d’équipe, responsable pour le Programme Coexistence Pacifique ; Mme Mette Melson, responsable pour le Programme Décentralisation, ainsi que les décaissements et les aspects financiers du Programme pays ; M. Ole Dahl Rasmussen, responsable pour le Programme Secteur Privé et M. Kristian Kirkegaard Edinger, Chef de l’Equipe Afrique de l’Ouest, (Service de pays APD) pour les aspects politiques ; (ii) pour l’équipe de consultants externes, de Mme Marielle Garnier Lopez, Chef d’équipe, Spécialiste en décentralisation et gouvernance locale ; M. Mathieu Pellerin, Spécialiste en situations sécuritaires fragiles ; M. Mathieu Faujas Spécialiste en développement du secteur privé ainsi que de M. Modibo Doumbia, Spécialiste national en Changement Climatique. 3 Documentation consultée en Annexe 2. 4 Liste des personnes rencontrées en Annexe 3. 5 Programme de la mission en Annexe 4. 6 Résumé des propositions en Annexe 9. 7 Résumé des recommandations en Annexe 8. 1
sécurité et le développement socio-économique, afin de garantir une résolution durable de la crise ». Pour concrétiser cette vision, le partenariat est basé sur trois objectifs stratégiques, qui se renforcent mutuellement : (i) Coexistence pacifique, stabilité et sécurité ; (ii) Gouvernance démocratique et inclusive ; et (iii) Croissance économique inclusive et durable. L’atteinte de ces objectifs stratégiques est envisagée par le biais de trois programmes thématiques : Le Programme thématique Coexistence Pacifique comprend cinq ED, respectivement (i) Fonds d’Appui aux Moteurs du Changement (FAMOC) – appui à la société civile avec un accent mis sur les jeunes, y compris les femmes ; (ii) Centre pour le Dialogue Humanitaire (CHD) : Médiation et Dialogue pour la Paix (MEDIPA); (iii) Appui au Programme Pays d’ONU-FEMMES avec l’accent sur la Résolution 1325 ; (iv) Fonds fiduciaire MINUSMA réalisant des projets de relèvement et de stabilisation au Nord ; et (v) The International Centre for Counter-Terrorism (ICCT)/UNICRI : Mali (Dis)Engagement and (Re)Integration related to Terrorism (MERIT). Le Programme thématique Décentralisation comprend trois ED qui visent respectivement (i) l’Appui à la décentralisation à travers le Ministère en charge de la Décentralisation (ii) l’Appui au Conseil Régional de Sikasso (CR-S) et (iii) l’Appui au Groupe de Suivi Budgétaire - surveillance de la société civile (GSB). Le Programme thématique Développement du Secteur Privé a été lancé début 2019 ; il comprend (i) le Financement inclusif des filières agricoles (INCLUSIF) ; (ii) le Fonds d'Appui à la Création d'Entreprises pour les Jeunes (FACEJ) ; (iii) l’Environnement Propice pour l'Entrepreunariat de Croissance (EPEC) ; (iv) Fonds de Garantie pour le financement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) des chaînes de valeur agricoles (FG PMEA). Afin de suivre les progrès et les performances au niveau du Programme et des ED, un dispositif de Suivi- Evaluation (S-E) axé sur les résultats a été mis en place, mettant l'accent sur l'apprentissage, la documentation et la communication des résultats pour assurer la visibilité et la transparence. Outre ces activités de S-E, le service des évaluations du Ministère danois des Affaires Etrangères a mis en place une évaluation en temps réel (RTE) : elle intervient au cours du programme pays avec plusieurs missions dont les résultats / rapports sont appelés à influencer plus directement les stratégies de mise en œuvre des Documents d’Engagement de Développement (DED) concernés. La RTE concerne un nombre réduit d’ED (FAMOC, CDH et CR Sikasso). Enfin, l’évaluation du rapport qualité/ prix des infrastructures /investissements (Value For Money - VFM) a pour objectif un transfert progressif de compétences pour permettre à l’Agence Nationale d’Investissement des Collectivités Territoriales (ANICT) et au CR Sikasso de conduire eux-mêmes les missions VFM, ce qui présente un réel défi. 3 DEVELOPPEMENT DU CONTEXTE DU PAYS DEPUIS LA FORMULATION Le Mali fait face à une crise multidimensionnelle qui se caractérise par (i) une aggravation rapide de la situation sécuritaire avec l’accroissement de conflits inter-communautaires (ii) une crispation politique au niveau national et l’absence de l’Etat dans une partie grandissante du pays et (iii) un mécontentement croissant de la population, relatif au manque de sécurité et de protection, ainsi qu’un déficit des services de base comme la justice, l’éducation et la santé. Les aspects religieux ont gagné en influence sur le processus politique, profitant de la délégitimation du pouvoir. La crise est aussi alimentée par la criminalité transfrontalière liée aux trafics de drogue, de migrants et d’armes, qui procure des revenus illicites pour ceux contrôlant les routes de transits. Le document de programme pays avait identifié la détérioration de la situation sécuritaire, la hausse de la corruption, la détérioration de l’économie ainsi que l’influence des groupes religieux extrémistes parmi les risques contextuels susceptibles d’affecter le déroulement de la coopération. Globalement, ces risques identifiés se sont avérés conformes. 3.1 Développements du contexte politique Sur le plan politique, le Gouvernement fait face à une grogne sociale qui continue à monter partout dans le pays. Elu en 2013, le Président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a été réélu pour un second mandat en 2018, avec 67 % des voix selon les résultats officiels, au terme d’une élection qui, malgré des irrégularités constatées, a été reconnue par la communauté internationale. Pourtant, l’opposition a maintenu des allégations de fraude jusqu’à ces jours. Les élections législatives, prévues en novembre-décembre 2018, ont été reportées dans un premier temps à 2019 et, dans un deuxième temps, jusqu’à mai 2020 sur vote à 2
l’Assemblée Nationale en juin 2019. Le même mois, un nouveau « Gouvernement de mission » a été mis en place avec comme Premier Ministre Boubou Cissé. En vertu d’un Accord politique conclu le 2 mai 2019 avec certains partis d'opposition, plusieurs opposants ont fait leur entrée dans ce Gouvernement, notamment aux postes de Ministre des Affaires Etrangères8 et de Ministre chargé des Réformes institutionnelles et des relations avec la société civile qui aura pour tâche l’épineuse question de la révision de la Constitution et l’organisation du référendum auquel ce projet de nouvelle loi fondamentale devra être soumis. Le Président éprouve de grandes difficultés à réviser la Constitution de 1992, un projet de révision constitutionnelle présenté comme indispensable à la modernisation des institutions et à la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger. Après avoir vainement tenté de modifier la Constitution mi-2017, avant de reporter le projet sous pression de grandes manifestations publiques, le Président ambitionne de soumettre à référendum, en 2020, un projet de révision de la Constitution. Cet Accord politique ouvre également la voie à l’organisation d’un Dialogue National Inclusif (DNI), ouvert depuis le 16 septembre 2019 au niveau local, régional et national. Initialement destiné à organiser des consultations sur la révision de la Constitution, le dialogue a progressivement englobé les réformes politiques et institutionnelles majeures présentées dans l’Accord du 2 mai. Toutefois, plusieurs partis d’opposition, à commencer par l’Union pour la République et la Démocratie (URD) de Soumaila Cissé et plusieurs coalitions de la société civile, ont depuis boycotté une partie du dialogue national dont ils ont mis en question le caractère « inclusif ». Néanmoins, ce dernier a pu se dérouler dans la plupart du pays sans incident sécuritaire. Le DNI se termine par le niveau national au 14 Décembre 2019. Un projet de redécoupage territorial, déjà prévu depuis 2011 par l’ancien Président Amani Toumani Touré (ATT) et rappelé dans l’Accord de paix d’Alger de 2015, a été relancé fin 2018. Il prévoit de passer de 10 à 19 régions et de 60 à 104 cercles dans le pays. Cela a suscité une vague de réactions dans presque toutes les régions, occasionnant le mécontentement de collectivités du sud qui dénoncaient les avantages réservés au Nord du pays dans ce projet ou au contraire des inquiétudes sur l’incapacité de ces nouvelles régions à administrer leurs territoires. Des concertations régionales ont été organisées en novembre 2018 pour apaiser ces mécontentements, mais la concertation nationale qui devait en restituer le contenu n’a toujours pas eu lieu un an après. Pour le moment cette réforme reste donc sans effet pratique. Le Gouvernement doit régulièrement faire face à des mouvements sociaux et/ou religieux9 qui démontrent une grogne sociale ancrée dans une défiance des populations à l’égard des autorités et ce qu’ils voient comme une incapacité à satisfaire les attentes des communautés. En 2019, des vagues de manifestation ont eu lieu pour revendiquer la construction de routes. Certaines, marquées par des violences comme dans les régions de Kayes et Ségou, ont ciblé ces dernières années des batiments institutionnels10 Les derniers incidents de Niono (Ségou) ont conduit à la mort d’un policier.11 Au Nord et au Centre, l’Etat n’a toujours pas assuré sa présence de manière positive et le redéploiement de ses agents au niveau local connait même un déclin depuis le début de l’année 2019. La stratégie du Gouvernement pour le centre, le PSIRC (Plan de Sécurisation Intégrée des régions du Centre), est actuellement en train d’être révisée après une reconnaissance du Gouvernement que le plan était trop focalisé sur l’aspect sécuritaire par rapport aux volets développement, économie et communication. Les difficultés du régime actuel profitent à certains acteurs religieux. Depuis le début de l’année, l’ancien Président du Haut Conseil Islamique, Mahmoud Dicko, multiplie les appels à manifester et a rassemblé 30 000 personnes en avril 2019 pour dénoncer le Gouvernement. Depuis, il a lancé la CMAS (Coordination 8 L’ancien Chef de campagne pour la candidature présidentielle du Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé. 9 En 2019, Mahmoud Dicko et le Cherif de Nioro ont appelé les populations à se mobiliser, indépendamment des partis politiques et des syndicats. 10 Pour Kayes, voir https://apanews.net/news/mali-des-manifestants-saccagent-des-edifices-publics-a-kenieba. 11 Voir http://www.rfi.fr/afrique/20190920-mali-le-commissaire-niono-tue-population. 3
des mouvements, associations et sympathisants), un mouvement associatif, qui affiche des ambitions politiques. 3.2 Développement sécuritaire La situation sécuritaire demeure préoccupante, car l’insécurité progresse dans le Centre et désormais menace le sud du pays, avec pour conséquence notable d’accentuer l’insécurité des populations civiles. La dégradation de la situation sécuritaire dans le Centre du Mali a doublé le nombre de déplacés internes à presque 200.000 fin 2019 selon l’ONU. Le pays doit faire face à une menace jihadiste quasi intacte et à des relations toujours difficiles entre les groupe armés signataires de l’Accord d’Alger. Le JNIM (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans) a fait du Centre du Mali (Mopti, Ségou) sa principale zone d’action à partir de laquelle il tente d’agir dans le Gourma, à Koulikoro et à Sikasso. L’EIGS (Etat Islamique au Grand Sahara) demeure toujours aussi actif dans les régions de Menaka et du Gourma au Nord du Mali. Ces groupes utilisent désormais le Mali pour pénétrer dans d’autres territoires de la région : le Burkina Faso où les deux groupes sont très actifs et qui est devenu le pays le plus frappé en termes d’attaques, le Niger, le Bénin (Parc de la Pendjari) et même le Nigéria. Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Ghana, Togo, Côte d’Ivoire, Guinée) sont désormais sous la menace d’une propagation de la crise vers le sud. Sachant que de nombreux jihadistes n’opèrent pas au sein des groupes à plein temps mais ponctuellement, leur identification est rendue plus complexe. Dans le même temps, l’Accord d’Alger peine à être mis en œuvre en dépit de quelques avancées en matière d’intégration et de réintégration des ex-combattants. Les tensions entre les groupes signataires de l’Accord, à savoir la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA) et la Plateforme, demeurent perceptibles et on ne peut écarter une reprise des conflits. Parmi les différents facteurs qui pourraient favoriser cette reprise, figure la concurrence dans le contrôle des routes de la drogue au Nord du Mali. En outre, de nombreux acteurs (bandits, coupeurs de routes) profitent de ce climat d’insécurité pour multiplier les actes criminels (cambriolages, enlèvement de véhicules ou d’humanitaires, etc.). Corolaire de la dégradation du contexte sécuritaire, le Mali est entré depuis 2015 dans une phase de conflits inter-communautaires impliquant quasi systématiquement la communauté peulh et impactant principalement les civils dans le Gourma, à Menaka et surtout dans le Centre du Mali. Dans cette dernière région, ces conflits opposent surtout sédentaires et éleveurs. Par rapport à 2015, les conflits se sont déplacés de la zone inondée à la zone exondée, opposant massivement les communautés Dogons et Peulh, les uns engagés dans les milices d’autodéfense, les seconds dans des milices et aux côtés des groupes jhadistes. L’accalmie survenue en zone inondée traduit moins un retour apaisé de l’Etat que la négociation de trèves entre les communautés locales et les jihadistes. Il ne s’agit donc pas d’un facteur encourageant en termes de stabilité. Dans le sud du pays, des tensions commencent également à poindre. Dans la région de Kayes, des violences croissantes entre populations victimes « d’esclavage par ascendance » et leurs maitres suscitent une inquiétude particulière depuis début 2018. Des contextes similaires dans le Centre du Mali ou au Burkina Faso ont nourri le recrutement de groupes jihadistes. La situation des droits humains connait une détérioration continue depuis 2012 et est étroitement liée à la situation sécuritaire. Le nombre de violations des droits humains survenues en 2019 est le plus important jamais enregistré. Les rapports du Secrétaire Général des Nations Unies ont recensé depuis le début de l’année 2019, 234 « cas graves ». Dans 143 de ces cas, la responsabilité incombe aux groupes armés d’autodéfense et dans 67 de ces cas aux groupes extrémistes violents. 178 de ces cas sont survenus dans le Centre du Mali (Mopti et Ségou), ce qui traduit la concentration des violences dans cet espace du pays. La très grande majorité est en lien avec des violences inter-communautaires, ce qui démontre l’importance qu’il convient de consacrer au dialogue et à la médiation d’une part, mais aussi à la situation foncière, au changement climatique et à la croissance démographique.12 Ces trois dernières dynamiques alimentent très directement les conflits communautaires. Les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) sont responsables de 19 de ces cas, une situation qui nuit à la confiance des populations civiles envers les FDS et nécessite un travail de dialogue renforcé avec celles-ci. Malgré des efforts d’application comme le quota genre dans les postes éléctifs (minimum 30%) à respecer, l’exclusion des femmes des processus de décision et la récurrence des violences basées sur le genre sont des réalités sur le terrain. Depuis le début de l’année 2019, les violences basées sur le genre comptent pour 53% des incidents recensés par OCHA. 12 Rapports du Secrétaire Général des Nations Unies sur le Mali en 2019. 4
3.3 Conditions économiques L’économie nationale du Mali reste caractérisée par d’importants déséquilibres, qui se sont aggravés avec le temps. Bien que le pays enregistre des taux de croissance du PIB soutenus (4,9% en 2018, en décélération par rapport aux années précédentes), cette croissance est largement absorbée par une croissance démographique élevée (3% en 2017). Le pays demeurant en une situation de rattrapage, il génère encore peu de retombées en termes de hausse des revenus et de progrès social, freinés par le faible niveau de capital humain : par exemple le taux d’alphabétisation se situe autour de 30%.13 Par ailleurs, le pays est marqué par d’importants déséquilibres territoriaux et structurels, avec une prépondérance de la capitale dans les échanges. Depuis 2015, ces déséquilibres se sont accentués avec la crise dans le centre du Mali, jadis pôle de production agricole et marché touristique important. 51% des villages de la région de Mopti sont touchés par les diminutions moyennes à importantes des surfaces agricoles cultivées. Une extension de la crise dans les régions riches de Sikasso et Kayes aurait un impact encore plus significatif sur l’économie nationale. La gouvernance nationale reste marquée par une grosse et une petite corruption, qui limitent la capacité de l’Etat au changement. En 2018, année électorale, le Fonds Monétaire International (FMI) a ainsi découvert que 400 milliards FCFA de rentrées fiscales et douanières n’ont pas été versées au Trésor. Un changement important -mais pour l’instant trop récent pour y porter un jugement définitif- est la lutte contre la corruption conduite actuellement par le Procureur du Mali et le Ministre de la Justice. La santé budgétaire du pays est particulièrement précaire, sous la pression de plus en plus importante des dépenses militaires. La communauté internationale a donc accru substantiellement son aide budgétaire depuis 2018 pour compenser les défaillances budgétaires de l’Etat malien. Cela ne concoure pas à une amélioration de ses fondamentaux macro-économiques. Plus généralement à travers le pays, les conditions d’opération des entreprises demeurent difficiles dans un environnement encore peu favorable à l’initiative privée. Les contraintes pesant sur le développement économique incluent par exemple la lourdeur des procédures administratives et légales et l’accès très limité aux financements. Les technologies modernes de production restent inaccessibles pour beaucoup d’entrepreneurs. L'agriculture et l’élevage sont les activités à la base du revenu de quelques 80% de la population, mais restent marquées par une logique de subsistance et créent très peu de valeur. Seul le coton est devenu la source de revenus principale pour les petits producteurs des zones cotonnières (sud et centre Ouest). Avec une croissance démographique élevée et une urbanisation rapide, le Mali est confronté à des enjeux très importants qui s’avèrent être autant d’opportunités pour de nouvelles entreprises. 3.4 Approche sensible au conflit La stratégie d’intervention de l’Ambassade s’inscrivant dans le scénario 3 décrit par le Document de Programme Pays (DPP 2016-2021), celle-ci doit être nécessairement adaptée au contexte et recentrée, comme prévu par le DPP, sur la coexistence pacifique, la stabilité et la sécurité. Ce nouveau contexte dégradé nécessite d’avoir une vision précise de la situation actuelle pour adapter le plus précisément possible la stratégie d’intervention de l’Ambassade du Danemark afin de contribuer à la stabilisation des zones touchées et d’œuvrer à la prévention dans les zones à risque. Pour ce faire, il serait judicieux de conduire une étude qui aurait un double objectif : - Un objectif de stabilisation dans les zones de conflit : Analyser les dynamiques récentes au Nord et au Centre du pays afin d'anticiper les évolutions à court et moyen termes dans ces zones, mais aussi l'impact de ces évolutions sur le sud du pays. La littérature et l’accessibilité à un nombre important d’acteurs dans ces zones peuvent permettre de dresser une analyse précise sans conduire d’étude de terrain spécifique. - Un objectif de prévention des conflits et des violences dans les régions à risque ou déjà touchées par des violences isolées. Il s’agit principalement des régions limitrophes du Centre du Mali : Sikasso, Koulikoro, Kayes. Cette analyse inclurait la géopolitique régionale immédiate (contagion depuis le Burkina Faso) et future (élections présidentielles en Guinée, en Côte d'Ivoire et au Burkina Faso notamment). Une telle analyse se veut multidimensionnelle, en analysant à la fois les vecteurs de contagion depuis le Centre du Mali vers ces régions, mais aussi en identifiant les facteurs endogènes qui y favoriseraient le déclenchement de violences (sociales, politiques, jihadistes), les acteurs positifs et les négatifs (« les positive key leaders et spoilers »). Les facteurs 13 Cadre stratégique pour la relance économique et le Développement Durable 2019-2023. 5
par lesquels l’instabilité pourrait naitre dans ces zones sont peu ou pas connus et leur analyse doit passer par une étude de terrain extrêmement précise. C’est sur cette base que des politiques de prévention efficaces peuvent être pensées. Ces études peuvent être « précises » sans nécessiter de moyens trop importants. Cela nécessite de porter une attention particulière au choix et à l’encadrement des trois consultants qui seraient mobilisés dans chacune de ces trois régions. - A partir de cette analyse, des axes d’intervention précis pourront être imaginés par les auteurs de l’étude et l’ARD pour répondre aux facteurs de risques identifiés et la méthodologie d’intervention adaptée à la sensibilité aux conflits. Cette approche sensible aux conflits doit s’appliquer à tout le cycle du projet (analyse, conception, planification, mise en œuvre, évaluation, sortie) et doit reposer sur un personnel formé à cette approche, capable de systématiser les méthodologies de sensibilité aux conflits dont le principe le plus important est de respecter le « Do no harm ». Ce travail analytique pourrait être mutualisé avec d’autres partenaires européens afin de permettre d’avoir une vision commune des risques, base d’une stratégie commune de stabilisation et de prévention. 4 APPRECIATION GLOBALE DU PROGRAMME PAYS Le Programme Pays est considéré pertinent, autant pour le Danemark que pour le Mali, malgré l’aggravation de la situation sécuritaire et politique. Le programme a été formulé avant l’approbation de la stratégie de Danida « Le Monde 2030 », en janvier 2017 mais, dans les grandes lignes, il est conforme avec les priorités de la stratégie, y compris les thèmes relatifs à la sécurité, la migration, la croissance inclusive, les jeunes et les femmes. L’ARD a ajusté adéquatement le PT décentralisation suite aux difficultés rencontrées en vue d’améliorer la performance en termes de résultats. La vision globale du partenariat entre le Danemark et le Mali est définie dans le Document de Politique Pays (DPP) de Février 2016 comme « un Mali stable jouissant d’une paix et d’une croissance économique durable » soutenue par trois objectifs stratégiques, qui se renforcent mutuellement (voir Ch. 2 ci-dessus). Comme il ressort de l’analyse du contexte depuis la formulation du programme, le développement des risques -correctement identifiés à l’époque- a montré que la situation s’est aggravée. Les considérations stratégiques du DPP soulignent ainsi la nécessité de contribuer à restaurer la stabilité au Mali en appliquant d’autres instruments politiques de nature diplomatique, militaire, sécuritaire et de stabilité. Les activités régionales dans le domaine de la paix et de la stabilité s’inscrivent dans cette logique. L’Ambassade a déjà fait de nouvelles allocations/réallocations qui reflètent cette situation aggravée à travers une réallocation au profit de la MINUSMA de 50 millions de DKK en janvier 2019 pour des projets au nord et une nouvelle allocation est en cours d’approbation pour le Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour des interventions de renforcement de la résilience de la population au nord et au centre en vue d’améliorer leurs conditions de vie. La théorie du changement décrite dans le DPP, est que ce dernier « appuiera efficacement un changement dans le sens de la réalisation de l’Accord d’Alger pour la paix et des plans de développement nationaux, contribuant ainsi à une paix durable et à une réduction de la pauvreté, reposant sur une gouvernance légitime et le respect des droits de l’homme ». Il semble qu’il y ait une différence de niveau entre la vision globale et les aspirations exprimées dans la théorie du changement et les réalités sur le terrain, ce qui explique probablement pourquoi les leviers utilisés pour apporter un tel changement ne sont pas précisés dans le DPP. Par ailleurs, l’évolution du contexte montre qu’il y a des dynamiques déterminantes et des évènements qui échappent au contrôle des autorités. En conséquence, malgré le fait que le Programme Pays demeure pertinent dans la situation actuelle, la somme des engagements des PTF ne suffit pas, -y compris le Programme Pays danois- à sortir le pays de la spirale négative dans laquelle il est engagé. Le Programme Pays est basé sur les principes fondamentaux des droits de l’homme, qui englobent participation et inclusion, non discrimination, redevabilité et transparence (critères Participation, Accountability, Non-discrimination and Transparency - PANT). Il est inclusif avec un fort accent sur l’inclusion des jeunes et des femmes, ainsi que des groupes marginalisés comme par exemple les handicapés. Les critères de participation dans les programmes thématiques sont ouverts à toutes et tous, garantissant une transparence complète. Les organisations de la société civile, les autorités publiques, les organisations onusienne et autres organismes, qui réalisent les activités sur le terrain, sont tous soumis aux exigences de redevabilité envers les partenaires, y compris l’Etat malien et le Danemark. 6
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