Projet de création d'un parc éolien sur la commune de Corneilla-la-Rivière (Pyrénées Orientales) - Avis émis le : 09 février 2023
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Conseil général de l’Environnement et du Développement durable Projet de création d’un parc éolien sur la commune de Corneilla-la-Rivière (Pyrénées Orientales) N°MRAe 2023APO25 Avis émis le : 09 février 2023 N°saisine : 2021-9538
PRÉAMBULE Pour tous les projets soumis à évaluation environnementale, une « autorité environnementale » désignée par la réglementation doit donner son avis et le mettre à disposition du maître d’ouvrage, de l’autorité décisionnelle et du public. Cet avis ne porte pas sur l’opportunité du projet, mais sur la qualité de l’étude d’impact et la prise en compte de l’environnement dans le projet. Il n’est donc ni favorable, ni défavorable. Il vise à améliorer la conception du projet et à permettre la participation du public à l’élaboration des décisions qui le concernent. En date du 23 juin 2021, la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) Occitanie a été saisie par le préfet des Pyrénées Orientales pour avis sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière, porté par la société EDF renouvelables, sur la commune de Corneilla-la-Rivière (Pyrénées Orientales). Le dossier comprend une étude d’impact datée de décembre 2020, complétée en janvier 2023. L’avis est rendu dans un délai de 2 mois à compter de la date de réception de la saisine et du dossier complet, soit au plus tard le 10 février 2023 compte tenu de la suspension des délais pour complétude. Au titre du code de l’environnement, les parcs éoliens sont des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), soumises à autorisation au titre de la rubrique 2980-1 de la nomenclature des installations classées. La demande d’autorisation est instruite conformément à la procédure d’autorisation environnementale. Une demande de dérogation à la stricte protection des espèces 1 a été déposée, postérieurement au dossier, et vient compléter le dossier d’autorisation environnementale. L’avis a été préparé par les agents de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de la région (DREAL) Occitanie apportant leur appui technique à la MRAe et placés sous l’autorité fonctionnelle de sa présidente. Conformément à l’article R. 122-7 du code de l’environnement, ont été consultés le préfet de département, au titre de ses attributions en matière d’environnement, et l'agence régionale de santé Occitanie (ARS). Le présent avis contient les observations que la MRAe Occitanie formule sur le dossier. Cet avis est émis en séance du 9 février 2023, par les membres de la MRAe suivants :Jean-Michel Soubeyroux, Marc Tisseire, Annie Viu, Stéphane Pelat, Maya Leroy et Jean-Michel Salles. En application de l’article 9 du règlement intérieur de la MRAe, chacun des membres présents atteste qu’aucun intérêt particulier ou élément dans ses activités passées ou présentes n’est de nature à mettre en cause son impartialité dans l’avis à donner. La DREAL était représentée. Conformément à l’article R. 122-9 du Code de l’environnement, l’avis devra être joint au dossier d’enquête publique ou de la procédure équivalente de consultation du public. Il est également publié sur le site internet de la MRAe2 et sur le site internet de la préfecture des Pyrénées Orientales, autorité compétente pour autoriser le projet. 1 Au sens des articles L. 411-2 et R. 411-6 à 14 du code de l’environnement 2 www.mrae.developpement-durable.gouv.fr/occitanie-r21.html Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 2/15
SYNTHÈSE Le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière, présenté par la société EDF renouvelables, est localisé sur la commune de Corneilla-la-Rivière, dans la plaine du Ribéral, à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Perpignan, dans le département des Pyrénées Orientales. Le projet de dix éoliennes de 3 MW chacune vient s’implanter à moins d’un kilomètre du bourg, en continuité de l’extrémité ouest de « l’Ensemble Eolien Catalan » (EEC), parc éolien de 35 éoliennes, mis en service entre 2015 et 2016, et géré par EDF renouvelables sur les communes de Baixas, Calce, Pézilla-la-rivière et Villeneuve-la-rivière. Le projet s’inscrit en extension du parc existant. Le projet ajoute trois alignements qui prolongent d’un kilomètre l’ECC vers l’ouest et rapproche les premières éoliennes du belvédère emblématique de Força Réal et des bourgs situés à l’ouest, renforçant l’effet d’omniprésence des éoliennes dans le paysage. Malgré une étude d’impact dense qui comporte plus de 700 pages, la MRAe relève des insuffisances qui portent sur des points pourtant prépondérants dans le contexte d’implantation de ce projet : - les inventaires naturalistes, limités à l’aire d’implantation potentielle du projet, ne permettent pas de caractériser la présence et l’activité des espèces volantes sur les territoires voisins sous influence des éoliennes existantes, - l’étude ne présente pas d’évaluation de l’efficacité des mesures environnementales mises en œuvre sur le parc ECC, ni l’analyse détaillée des résultats des suivis de mortalité et d’activité des oiseaux et des chauves-souris pour justifier de la possibilité d’une densification ou une extension du parc existant, - l’analyse des effets cumulés du projet ne s’appuie pas sur le retour d’expérience de l’ECC, pourtant capitale dans ce contexte, - la caractérisation du projet et de ses impacts reste incomplète (par exemple les études hydrauliques et géotechniques ne sont pas réalisées à ce stade), Une dérogation à la stricte protection des espèces est jointe au dossier. Elle apparaît effectivement nécessaire au vu des impacts résiduels attendus, notamment sur les oiseaux et les chauves-souris. La MRAe souligne que la demande de dérogation aurait pu être déposée en même temps que le reste du dossier. Le maître d’ouvrage aurait ainsi pu améliorer la qualité de l’appréciation du niveau des incidences de son projet. L’ensemble des recommandations sont détaillées dans les pages suivantes. Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 3/15
1 Contexte et présentation du projet Le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière, présenté par la société EDF renouvelables, est localisé sur la commune éponyme, dans la plaine du Ribéral sur la rive gauche de la Têt, à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Perpignan, dans les Pyrénées Orientales. Le projet de dix éoliennes vient s’implanter au centre du territoire communal, à moins d’un kilomètre du bourg, en continuité de l’extrémité ouest de « l’Ensemble Eolien Catalan » (EEC), parc de 35 éoliennes, mis en service entre 2015 et 2016, et géré par EDF renouvelables sur les communes de Baixas, Calce, Pézilla-la-Rivière et Villeneuve-la-Rivière. Le projet s’inscrit en extension du parc existant. Dans le cadre des politiques nationales et européennes de lutte contre le changement climatique et de diversification des sources d’énergie, la France s’est engagée dans un programme ambitieux de développement des énergies renouvelables. Ce programme prévoit notamment que la part de consommation électrique assurée par les énergies renouvelables soit portée à 32 % en 2030. Ce projet éolien s’inscrit dans cet objectif national de développement des énergies renouvelables. Figure 1: localisation du projet Les dix éoliennes du projet ont une puissance nominale de 3 MW (soit une puissance totale installée de 30MW) ; elles sont réparties selon trois alignements : une ligne de 3 éoliennes au nord, une ligne de 5 éoliennes au centre et une ligne de 2 éoliennes au sud. Le projet comprend également les plateformes de montage et de maintenance, un réseau électrique inter-éolienne, trois postes de livraison, une réserve incendie de 60 m³ et d’une base de vie de 2 000 m². Le type d’éolienne envisagé répond au gabarit suivant : hauteur de mâts d’environ 80 m, diamètre du rotor de 90 m, et une hauteur maximale en bout de pale d’environ 125 m, similaire à celles des éoliennes existantes. La garde au sol (distance entre le bout de pale et le sol) est de 35 m. Les écarts entre les machines sont très variables (au minimum 200 m). Le réseau de raccordement interne (inter-éoliennes jusqu’aux postes de livraison) est long de 5,7 km. D’après la page 72 de l’étude d’impact (données qui varient selon les pages), la surface totale permanente impactée par le parc et ses aménagements est évaluée à 5,2 ha, principalement liée à l’aménagement du linéaire de piste à créer (1,7 km) et à aménager (4,4 km) et la surface totale impactée pendant la phase travaux Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 4/15
(tenant compte des emprises temporaires) est de l’ordre de 7,5 ha. Il est prévu d’implanter la base de vie sur un espace déjà stabilisé (ancienne plateforme du mât de supervision sur la commune de Pézilla-la-Rivière). Figure 2: Composition du projet A ce jour, la commune de Corneilla-la-Rivière ne bénéficie pas d’un PLU approuvé. Un projet de plan local d’urbanisme (PLU) arrêté en septembre 2019, ayant fait l’objet d’un avis de la MRAe le 13 février 2020 3, a reçu un avis défavorable des services de l’État. Dans les zones agricole (A) et naturelle (N) concernées, « […] « les constructions et installations nécessaires aux équipements collectifs » y seraient admises dès lors « qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ». Le règlement des zones A et N du projet de PLU arrêté en septembre 2019 limitait aussi la hauteur maximale des constructions à 10 m ce qui ne permettrait pas la construction d’éoliennes. La commune a prévu un second projet de PLU. Dans l’attente de l’approbation du PLU, les projets de construction, sont soumis au règlement national d’urbanisme (RNU) selon lequel un projet d’équipement collectif peut être autorisé s’il ne porte pas atteinte aux paysages. 3 https://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/avis_mrae2020ao10.pdf Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 5/15
2 Principaux enjeux identifiés par la MRAe En fonctionnement normal, les éoliennes ne nécessitent pas de consommation d’eau, n’entraînent pas de rejet dans l’eau ni dans l’air, ne génèrent pas de quantité importante de déchets. Les enjeux environnementaux pour ce projet sont donc principalement liés aux effets sur le paysage, sur les habitats naturels, la faune et la flore, à la prise en compte des risques inondation et mouvement de terrain, au risque de nuisances sonores et aux effets cumulés avec les alignements éoliens voisins et les autres projets sur l’ensemble des composantes environnementales. 3 Qualité de l’étude d’impact L’étude d’impact comprend, dans l’ensemble, les éléments prévus à l’article R. 122-5 du code de l’environnement. Elle présente une masse d’informations importante mais bien organisée, et rapporte des éléments de bibliographie et des retours d’expériences intéressants. Des échanges entre les services de l’État (DREAL et DDTM) et le maître d’ouvrage ont eu lieu dans le cadre de l’instruction du dossier, ainsi qu’un passage en « Pôle énergies renouvelables » (Pôle EnR) des Pyrénées Orientales le 16 décembre 20204. Malgré les échanges et les compléments apportés, certaines informations manquent encore à la caractérisation du projet et de ses impacts qui tendent à être souvent minimisés (cf. partie 4 du présent avis). La zone d’implantation potentielle n’intègre pas, plus largement à l’est, l’espace occupé par le parc existant. La MRAe considère que l’aire d’étude est trop restreinte et que les inventaires qui ont été réalisés pour le projet (écoutes et transects pour les oiseaux nicheurs et les chauves-souris) ne permettent pas de caractériser la présence et l’activité des espèces volantes sur l’ensemble des territoires limitrophes, y compris ceux sous influence des éoliennes existantes ; L’étude ne présente pas de bilan des mesures environnementales qui étaient prévues dans le cadre de l’autorisation du parc éolien en continuité, l’EEC. Quatre suivis annuels de mortalité sur les oiseaux et les chauves-souris ont pourtant été réalisés depuis la mise en service. Les rapports de suivis ne sont pas annexés ni utilisés dans l’étude d’impact : seuls certains éléments concernant les oiseaux y sont présentés. L’étude évoque un plan de « bridage » des éoliennes pour les chauves-souris, mis en place en 2018 suite à des « mortalités importantes », et la conclusion du rapport de suivi 2019 qui relève « l’efficacité du bridage en place et la nécessité de le maintenir. » La MRAe estime qu’il est essentiel que l’étude d’impact permette de s’assurer, en toute transparence, que les mesures environnementales prévues pour l’ECC ont été correctement mises en œuvre, d’en évaluer l’efficacité, et de s’appuyer sur une analyse détaillée des résultats des suivis de mortalité et d’activité des oiseaux et des chauves-souris pour justifier de la possibilité d’une densification ou une extension du parc existant. Ce n’est pas le cas, alors que ce point avait pourtant fait l’objet d’une demande explicite de l’autorité environnementale lors du pôle EnR du 16 décembre 2020. Concernant les inventaires sur la faune terrestre (reptiles, amphibiens, insectes, mammifères), l’étude n’indique pas si différents observateurs sont intervenus lors des journées dédiées à chacun de ces groupes (trois dates identiques), ce qui ne permet pas d’évaluer la pression d’inventaire et de la juger suffisante. La MRAe recommande de dresser un bilan des mesures environnementales du parc éolien ECC en continuité et d’en évaluer l’efficacité. De plus, considérant comme très insuffisants les éléments présentés sur les suivis environnementaux du parc ECC en activité, la MRAe recommande de faire figurer dans l’étude d’impact l’ensemble des résultats des suivis d’activité et de mortalité de l’EEC sur les oiseaux et les chauves-souris, de rappeler les protocoles de ces suivis, d’ajouter une analyse de ces résultats et de ré-évaluer en conséquence les impacts potentiels du présent projet avant de conclure. 4 Instance pilotée par la direction départementale des territoires et de la mer de l’Aude, réunissant notamment les services de l’État, valant « cadrage en amont » du dépôt du dossier pour le maître d’ouvrage et ses bureaux d’études. Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 6/15
La MRAe recommande, par ailleurs, de compléter l’état initial en précisant la pression d’inventaire pour la faune terrestre. L’analyse des effets cumulés entre les différents projets ou parcs existants ne s’appuie pas sur le retour d’expérience de l’ECC qui devrait constituer le cœur de cette analyse. Elle n’évalue pas non plus les effets cumulés sur les sites Natura 2000 : l’étude d’incidence sur les sites Natura 2000 considère le projet de dix éoliennes seul et son éloignement par rapport aux différents sites Natura 2000. La MRAe recommande de compléter l’analyse des effets cumulés en partageant les résultats des suivis environnementaux de l’ECC et en basant son analyse sur ce retour d’expérience. Elle recommande également de compléter l’analyse des incidences Natura 2000 par une analyse des effets cumulés avec les autres projets ou parcs existants. Les études géotechniques ne sont pas réalisées à ce stade, elles ne sont prévues qu’en amont des travaux de construction. Pour autant, l’aire d’étude est située en zone de sismicité 3 et les aménagements peuvent y être soumis à des règles de construction particulières. La zone est aussi exposée à un aléa « moyen » retrait- gonflement des argiles et au risque de mouvement de terrain essentiellement sur les talus et leurs abords (distance de retrait nécessaire de 5 m ou étude géotechnique exigée). Certains secteurs sont sujets au risque de remontée de nappe et/ou à un aléa fort d’inondation par débordement de cours d’eau et l’étude prévoit le « renforcement » des chemins qui interfèrent avec certains de ces cours d’eau temporaires. La MRAe relève ainsi que l’ensemble des impacts du projet n’est pas défini à ce stade. La MRAe recommande de fournir dès à présent des éléments permettant d’évaluer les impacts du projet lors de sa mise en œuvre a minima en appuyant son analyse sur les données déjà disponibles lors de la construction du parc ECC et de fournir une étude hydraulique (voir le point 4.3). Concernant l’impact potentiel du projet sur la santé, l’étude a été complétée en janvier 2023 pour aborder les thématiques attendues comme les infrasons, les champs électromagnétiques, les émissions lumineuses. La MRAe souligne que ces effets n’ont été étudiés qu’à l’échelle du projet, sans évaluer par exemple les effets cumulés des balises lumineuses avec les 35 éoliennes existantes. Des compléments restent donc nécessaires sur ces points ainsi que sur la protection du forage identifié ou la prise en compte de l’ensemble des habitations isolées dans l’analyse des risques de nuisance sonore (cf. les parties 4.3 et 4.4). Justification du choix du site L’étude rappelle que le secteur du projet sur Corneilla-la-Rivière était couvert par la zone d ’étude définie dans l’étude d’impact de l’EEC, mais suite au désaccord de la municipalité aucune éolienne de l’EEC n’avait finalement été projetée sur ce secteur : le projet actuel est présenté comme une reprise du projet initial « poursuivi suite aux dernières élections municipales favorables au projet éolien ». Le projet vient en densification sur ce secteur et en extension du parc existant qui compte 35 éoliennes. Il suit les radiales d’alignements de l’EEC (point de convergence sur l’aéroport de Perpignan). L’étude décrit clairement les différentes variantes étudiées et la démarche d’élaboration de la solution d’implantation finale. Cependant, le secteur retenu présente des enjeux élevés (cf. partie 4), tant du point de vue paysager qu’au titre de la biodiversité ou des servitudes (lignes électriques, radar de Météo-France). Les échanges avec les services de l’État, notamment sur les sensibilités paysagères et naturalistes auraient dû conduire le maître d’ouvrage à étudier des secteurs alternatifs, ce qui n’est pas présenté dans l’étude. La MRAe estime donc que la séquence éviter, réduire, compenser (ERC) n’est que partiellement mise en œuvre, car il n’est pas fait état de recherche de secteurs alternatifs, au titre notamment de l’article L. 122-3 du code de l’environnement, malgré les enjeux mis en évidence. La MRAe recommande de compléter la justification du choix du site en présentant le résultat de la recherche et de l’analyse de solutions alternatives au regard des enjeux environnementaux. Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 7/15
Deux hypothèses de raccordement au réseau électrique sont envisagées, soit vers le poste source de Baixas (6,5 km), soit vers celui de Mas Bruno (11 km). Toutefois, la capacité disponible actuelle est insuffisante sur ces deux postes, respectivement zéro et 2,6 MW (page 59). Ces données sont issues du S3RENR 5 et traduisent la situation actuelle. Cela ne correspond pas à l’information donnée page 154 de l’étude d’impact évoquant une capacité de 54,6 MW sur le poste de Baxias. Cette information doit donc être justifiée. L’étude devrait indiquer si des transferts de capacité sont possibles sur ces postes ou préciser quels types de travaux permettraient ces raccordements. Ces précisions sont nécessaires pour valider des hypothèses de raccordement réalistes à ce stade. Les raccordements sont prévus en enterré (carte page 61). Les impacts potentiels de ces tracés font l’objet d’une évaluation sommaire. Toutefois, le tracé est prévu « sous les pistes existantes » et « dans l’axe de la voie » ; ce qui en limite fortement les impacts potentiels. La MRAe recommande de compléter l’étude d’impact en fournissant des précisions sur les hypothèses de raccordement retenues et les capacités disponibles des postes sources et d’en préciser les éventuels impacts sur l’environnement L‘étude examine la compatibilité du projet avec les plans, schéma et programmes. Vis-à-vis du SCoT « Plaine du Roussillon » en vigueur le secteur est classé en zone de nature ordinaire à préserver avec des espaces à vocation agricole et naturelle. Le SCoT reconnaît la particularité de ce site identifié comme un élément des paysages de piémont et de coteaux viticoles (coteaux viticoles de Força réal). Le SCoT actuel ne s’oppose pas formellement à l’implantation d’un parc éolien dans cette zone de nature ordinaire, sous réserve de ne pas compromettre la lecture des paysages de piémont et des coteaux viticoles. Le SCoT étant en cours de révision, l’étude analyse aussi le projet au regard du PADD 6 (validé le 9 juillet 2019). Elle omet toutefois de préciser que le PADD préconise des implantations « en dehors des massifs et des zones de piémont afin de préserver les paysages ». (cf. le point 4.1du présent avis) Les éléments d’un bilan carbone sont présentés : l'étude d'impact s’appuie sur les données de l’ADEME tenant compte de l’ensemble du cycle de vie d’une éolienne. Elle démontre l’effet positif de la réalisation de ce parc par rapport à la production d’énergie par des sources plus émettrices de CO2, en se basant sur les émissions du kWh moyen produit sur le réseau européen7. Par ailleurs, une « étude de compensation agricole » a été réalisée. Les conclusions ne sont pas reprises dans l’étude d’impact qui mentionne toutefois, sous la forme d’une mesure (MA5), la participation financière du maître d’ouvrage (environ 35 000 €) à des propositions d’actions en lien avec l’agriculture qui restent peu définies à ce stade. L’étude d’impact comprend un résumé non technique, qui met en avant la méthodologie employée, les principes à respecter, les actions de communication menées autour de ce projet, et qui aborde très succinctement, dans une approche très communicante, les conclusions issues de l’étude d’impact. Il doit être actualisé au vu des remarques de cet avis. 4 Prise en compte de l’environnement 4.1 Paysage Les impacts du projet sur le paysage ne peuvent être évalués seuls, mais doivent être appréhendés en tenant compte des effets cumulés particulièrement avec l’ECC existant. La zone d’implantation retenue appartient à un ensemble paysager constitué des piémonts viticoles de Força Real et des Aspres. Cet ensemble paysager forme l’arrière plan de la plaine du Roussillon et progresse vers les premiers contreforts du Massif des Aspres et de Força Real, entre 90 m et 150 m d’altitude. 5 Schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables de Languedoc-Roussillon 6 Projet d’aménagement et de développement durable, détermine les grandes orientations d'aménagement du territoire pour les années à venir, à partir des enjeux identifiés au sein du diagnostic 7 d’après le guide relatif à l’élaboration des études d’impact des projets de parcs éoliens terrestres, révisé en octobre 2020 Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 8/15
L’ECC composé à ce jour de 35 éoliennes, s’étend sur près de 5 km de long. L’étude montre que, du fait de sa position légèrement surélevée, l’ensemble est perceptible dans le grand paysage depuis de très nombreux lieux de la plaine et des piémonts (carte de visibilité page 576), depuis les points hauts des reliefs tel que l’ermitage de Força réal, et est en co-visibilité avec les orgues d’Ille-sur-Têt depuis le belvédère des orgues. Depuis la plaine, les éoliennes apparaissent en co-visibilité avec les grands massifs périphériques, le Massif du Canigou (par exemple depuis la D1, au nord de Pézilla-la-rivière), les Aspres, Força Réal et les Albères. Les éoliennes de l’ECC et du projet forment un alignement avec celles de Rivesaltes, perceptible depuis la terrasse panoramique du Palais des Rois de Majorque à Perpignan, ou depuis l’entrée nord du département par l’autoroute A9 qui offre un regard sur toute la plaine du Roussillon. L’étude réalise une analyse de la « saturation paysagère » en choisissant plusieurs villages comme points de référence et conclut que l’ajout du projet de Corneilla-la-Rivière n’aura que « […] très peu d’incidences sur les effets de saturation visuelle depuis les différents bourgs situés à moins de 10 km du projet, le projet s’inscrivant souvent dans le même angle d’horizon que l’ensemble éolien Catalan, ce qui densifie localement le motif éolien, sans augmenter de manière significative les angles d’horizon occupés, et limitant ainsi le mitage du motif éolien ». Ceci est à relativiser, notamment pour Corneilla-la-Rivière, où le projet génère une forte augmentation de l’occupation de l’horizon (cf. pages 578-580). Depuis le chemin de randonnée au nord de la commune, «[...] le motif éolien couvre l’intégralité du panorama. Les éoliennes deviennent bien plus présentes du fait de leur proximité immédiate ». Même si « Leurs alignements sont visibles et leur cadencement régulier permet une bonne lecture de l’implantation du projet. » « Les éoliennes E4 et E8 induisent un rapport d’échelle par la présence de bâtis agricoles à leur pied créant ainsi une rupture d’échelle. » Une analyse complémentaire depuis différents points de vue éloignés a été apportée en janvier 2023. La MRAe estime que l’étude met en évidence les perceptions, les illustre par des photomontages, mais tend à minimiser l’impact du projet du fait de la présence déjà très prégnante de l’ECC dans le paysage. Le projet ajoute trois alignements qui allongent d’un kilomètre l’ECC vers l’ouest et rapproche les premières éoliennes du belvédère emblématique de Força réal et des bourgs situés à l’ouest. La MRAe estime que le projet renforce l’effet d’omniprésence des éoliennes dans le paysage et les perceptions actuelles depuis l’ensemble des différents points de vue. 4.2 Habitats naturels, faune, flore Habitats, flore et petite faune Les vignobles dominent l’aire potentielle d’implantation et constituent une mosaïque de parcelles qui intègre des surfaces enherbées, des friches et des coteaux présentant diverses strates de végétation de maquis et de bosquets de chênes. Aucune espèce protégée de flore n’a été observée sur l’aire d’implantation. L’étude ne superpose pas le projet à la carte des habitats naturels ce qui ne permet pas de visualiser l’emprise des aménagements sur chaque habitat. Le tableau page 518 quantifie les surfaces impactées par habitat, sans qu’on retrouve de correspondance avec les emprises du projet indiquées page 72. D’après ce tableau, les friches et maquis (environ 2,7 ha à confirmer) représentent les milieux les plus impactés avant le vignoble. L’étude indique ne pas être soumise aux obligations de débroussaillement (page 518), toutefois le SDIS 8 préconise un débroussaillement sur 50 m autour des éoliennes. L’impact potentiel de ces travaux sur les milieux concernés doit être évalué. La MRAe souligne que la remise en état des emprises temporaires ne garantit pas le retour de milieux d’une qualité équivalente à celle perdue et ces surfaces peuvent aussi, rester impactées durablement. Les effets positifs du débroussaillement (ouverture du milieu) dépend des modalités de mise en œuvre qui restent à préciser. En conséquence, la MRAe juge que l’évaluation des surfaces impactées pour chaque type d’habitat 8 Service départemental d’incendie et de secours Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 9/15
doit être précisée et le cas échéant ré-évaluée, de même que le niveau d’impact du projet sur les milieux naturels. Les ravines et les alignements de chênes sont identifiés dans l’étude comme des secteurs à enjeu pour certaines espèces d’amphibiens, d’odonates et le Grand capricorne. Trois espèces protégées d’insectes (la Magicienne dentelée, la Proserpine et le Grand capricorne) ont été observées. Les impacts liés aux travaux doivent donc être précisément localisés et quantifiés pour évaluer les risques sur ces espèces protégées et leurs habitats. Le site est favorable aux reptiles : jachères regagnées par le maquis, lisières, corridors de végétation, murets de pierre sèches. L’herpétofaune est « assez riche et abondante ». Le site est dans un zonage du plan national d’action (PNA) pour le Lézard ocellé. Celui-ci est présent de même que le Psamodrome d’Edwards : ces deux espèces présentent un enjeu fort. L’analyse des impacts sur les insectes et les reptiles conclut à des impacts faibles, modérés pour le Lézard ocellé. L’étude ne présente pas la superposition du projet avec les cartes d’enjeux délimitant les habitats d’espèces liées aux observations de terrain. Il n’est donc pas possible de vérifier l’argumentaire avancé sur l’évitement des secteurs sensibles ou la quantification des surfaces impactées pour les habitats d’espèce. Un calendrier d’intervention propose de procéder aux interventions lourdes (« destruction de milieux ») en dehors de la période allant de février à fin juillet, ce qui n’exclut pas ces travaux pendant la période de léthargie des reptiles. L’étude propose des mesures en faveur de la petite faune :intervention d’un écologue, balisage, démantèlement et reconstitution de gîtes de reptiles à proximité et en amont des travaux, création d’une dizaine de nouveaux gîtes favorables aux reptiles en amont des travaux. La MRAe souligne que la localisation de ces gîtes reste à définir de façon pertinente pour ne pas rendre la proximité des éoliennes trop attractive pour les oiseaux de proie. La MRAe recommande : - de préciser la prise en compte du risque de destruction de reptiles notamment pendant la période de léthargie . - de préciser et le cas échéant réévaluer l’impact du projet sur les milieux naturels les plus sensibles, en tenant compte des travaux de débroussaillement prescrits par le SDIS, et de prévoir des mesures adaptées en conséquence. Oiseaux Le projet est situé en limite au sud du site Natura 2000 « Zone de protection spéciale » (directive « oiseaux ») (ZPS) « Basses Corbières », désignée en particulier pour la conservation des rapaces nicheurs (Aigle de Bonelli, Aigle royal, Grand-Duc d’Europe...) et des vautours qui la fréquentent. L’étude d’impact relève des enjeux élevés : - l’étude identifie 109 espèces contactées dans le cadre des inventaires 2019-2020. « Plus d’une espèce sur deux est jugée patrimoniale sur ce site ». Deux espèces sont qualifiées d’enjeu exceptionnel (d’après les critères de la DREAL Occitanie) l’Aigle de Bonelli (nicheur à proximité) et le Vautour percnoptère (en transit), plusieurs espèces de passereaux nicheurs sont hautement patrimoniaux comme l’Alouette calandrelle (avec une population reproductrice sous le parc existant EEC-Est), le Bruant ortolan, le Traquet oreillard (pour lequel le site « constitue un des derniers bastions méditerranéens »), la Pie grièche à tête rousse et le Pipit rousseline. - le projet éolien se trouve en limites méridionales du territoire du dernier couple d’ Aigle de Bonelli des Pyrénées Orientales, également à 600 m du domaine vital de l’Aigle royal et à 800 m de celui de la Pie grièche tête rousse , - d’importants passages migratoires pour des rapaces (Circaète Jean-le-blanc, Bondrée apivore, Milan) sont observés, dont un tiers au printemps et presque la moitié en automne volent à hauteurs de pales, Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 10/15
- une diversité spécifique importante observées aux deux passages migratoires, - le positionnement du parc n’est pas parallèle aux axes migratoires, - des passages de Vautour fauves et exceptionnellement de Vautour percnoptère sont observés. Les éoliennes de l’alignement central sont bien plus rapprochées que celles du parc existant qui avait prévu un large écartement pour tenir compte des déplacements des oiseaux qui traversent le parc. L’avifaune nicheuse à enjeux fort a fait l’objet de nombreuses observations : la carte page 572 montre bien que l’ensemble des aménagements impactent les habitats de ces espèces très patrimoniales, avec des pertes d’habitat de reproduction et/ou d’alimentation évaluées dans les tableaux des pages 560 à 571. Le projet rapproche les premières éoliennes des zones de nidification du Circaète Jean-le-blanc et des zones de présence du Grand duc d’Europe. Pour les espèces de passereaux et rapaces nicheurs patrimoniaux l’étude conclut à des impacts bruts modérés à forts en phase travaux. En phase d’exploitation, les impacts bruts (risque de collision) sont jugés « faible à très faible pour l’ensemble des populations d’oiseaux du site », « modéré pour trois rapaces migrateurs qui peuvent passer en nombre sur ce site (Circaète JLB, Bondrée apivore et Milan noir) ». Les incidences du projet sur l’Aigle de Bonelli sont également évaluées comme très faibles à nulles du fait qu’aucune éolienne n’est implantée dans son domaine vital (Kernel959). La MRAe relève que plusieurs éoliennes de l’ECC sont positionnées dans ce périmètre et rappelle le courrier du Ministre de l’écologie aux 9 Kernel95 : le suivi télémétrique a permis de définir une zone au sein de laquelle se trouvent 95 % des localisations de l’individu. Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 11/15
préfets des régions Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Cote d’Azur et Rhône-Alpes, leur demandant d’être attentif à la préservation des domaines vitaux de cette espèce 10 dans les projets d’aménagement. L'étude souligne que sur ce site l’activité des oiseaux est importante, et identifie un risque de collision pour plusieurs espèces nicheuses ou migratrices abondantes. Elle propose en conséquence l’installation sur toutes les machines et tout au long de l’année, d’un dispositif de détection (vidéosurveillance) et d’arrêt des machines sans effarouchement préalable. Cette mesure vise en priorité les grands voiliers nicheurs ou migrateurs diurnes. La MRAe reconnaît l’intérêt de ce dispositif mais rappelle que la mise en œuvre de ces systèmes de détection ne garantit pas l’absence de mortalité, particulièrement sur un site présentant des enjeux très élevés (paramètres retenus, fiabilité, pannes). De plus, les systèmes de détection doivent être paramétrés en fonction des espèces ciblées : des espèces très différentes exploitent ce site et les paramètres envisagés ne sont pas précisés dans l’étude. Le site présentant des enjeux élevés pour l'avifaune, la MRAe recommande que l'étude précise les paramètres de détection et d'arrêt des machines, et que le maître d'ouvrage étudie les possibilités d'envisager l'arrêt des machines en période de migration. Dans sa version initiale de 2020, l’étude d'impact proposait une mesure qualifiée de "mesure d'accompagnement" qui n'était pas opérationnelle à ce stade "ouverture et gestion de milieux en faveur de biodiversité méditerranéenne patrimoniale". Cette mesure a été supprimée dans l'étude d'impact complétée de 2023. Il faut se reporter au dossier de demande de dérogation à la protection des espèces (voir plus loin) pour trouver cinq mesures de compensation, qui visent à des objectifs similaires d'ouverture et d'entretien de milieux ouverts sur un total d'environ 200 ha. Au-delà de la nécessité de détailler ces mesures et le plan de gestion, d'identifier les parcelles, d'en assurer la maîtrise foncière, la MRAe attire l'attention sur le risque de créer des milieux propices à la prospection alimentaire du couple d'Aigle de Bonelli en augmentant l'attractivité de parcelles situées à proximité de l'ECC comme du projet d'extension. La MRAe recommande de préciser les mesures de compensation afin de les rendre opérationnelles, de les faire figurer dans l'étude d'impact afin qu'elles vallent engagement du maître d'ouvrage. La MRAe recommande particulièrement de choisir, au titre de la compensation, des parcelles qui permettent d’assurer une absence totale de risques de collision avec le parc éolien en ce qui concerne l’Aigle de Bonelli et les autres espèces nicheuses, de préciser les modalités d’entretien et les pratiques de gestion envisagées sur ces parcelles. Le suivi de la mortalité des oiseaux est réalisé conjointement avec celui des chauves-souris. Le projet prévoit qu’il porte sur toutes les éoliennes durant les deux premières années d’exploitation du parc puis tous les 10 ans à raison d’un passage par semaine de mars à novembre et d’un passage toutes les deux semaines de décembre à février. La MRAe estime que ces propositions sont insuffisantes pour tenir compte des enjeux du site et des effets liés à la variabilité inter annuelle de cette mortalité. La MRAe souligne également l'intérêt de proposer une mesure de suivi du comportement et des populations d'oiseaux post-implantation sur la totalité du projet et de l'ECC, en ayant comme espèces cibles les passereaux nicheurs, les deux périodes de migration et les rapaces locaux, en intégrant également les observations concernant l'Aigle de Bonelli (pas évoqué dans le suivi proposé). Au regard des enjeux forts vis-à-vis de l’avifaune, la MRAe recommande que le protocole de suivi des mortalités sur les oiseaux (et les chauves-souris) soit renforcé de mars à mi-novembre, afin de réduire le risque de non détection et de prédation des cadavres et allongé sur une période de trois ans. Selon les résultats de ces suivis , la période de retour des suivis devra être aménagée. Chauves-souris 10 Courrier du 13 mai 2015. Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 12/15
L'étude relève la présence de gîtes d'importance régionale dans un rayon de 20 km, notamment pour le Minioptère de schreibers : le site étudié se trouve au cœur d’un important réseau pour cette espèce. D’après l’étude, le site présente une diversité d’espèces jugée modérée (15), dont 9 sont assez régulières et atteignent des niveaux d’activité « au moins modéré » révélant une certaine abondance. Trois espèces patrimoniales (le Vespère de Savi, le Molosse de Cestoni et la Noctule de Leisler) sont actives à plus de 35 mètres de haut, avec des niveaux forts pour la Noctule de Leisler. Depuis le sol, la majorité des contacts concerne les Pipistrelles. Le Minioptère de schreibers, à très forte valeur patrimoniale en Languedoc Roussillon, est régulièrement présent. L’étude identifie une activité significativement plus importante en août avec des mouvements migratoires probables pour plusieurs espèces sensibles au risque de collision. Les écoutes au sol ont montré que les chemins, les parcelles en friches, les endroits proches des combes et des lisières arborées sont davantage fréquentés et que « des enjeux « forts » sont donc à attendre sur les combes boisées et leurs bordures notamment vis-à-vis des noctules, des pipistrelles, de la Barbastelle, du Grand Rhinolophe, et des enjeux plus «modérés» sur les parcelles de maquis bas et les espaces en friches. » Malgré ce constat, le projet prévoit d’implanter les éoliennes E5, E8 et E10 à moins de 50 m d’une lisière et à proximité des principales combes ; l’éolienne E3 à 80 mètres du bord de la combe d’« els Torrents » ; les éoliennes E2, E4, E6, E7 et E9, se trouvent à proximité de couloirs de passage potentiels secondaires et à moins de 50 m de lisières ; l’emplacement de l’éolienne E1 est celui qui présente a priori le moins de risque. Les risques d’impact de 9 emplacements sur 10 sont évalués « a minima « modérés » ». Le suivi des mortalités de l’ECC sur les chauves-souris n’est pas rapporté dans l’étude d’impact. Il est seulement mentionné que des mortalités importantes ont conduit à mettre en œuvre un bridage du parc en 2018, c’est à dire un arrêt automatique les éoliennes lorsque les conditions météorologiques sont considérées à risque pour les chauves-souris, quand les vents sont faibles et les températures relativement élevées. Les paramètres de ce bridage sont évoqués page 688, mais le protocole du suivi des mortalités mis en place en 2018, et le calcul du taux de mortalité n’étant pas décrits, il n’est pas possible de juger de l’efficacité de ce bridage. Pour le projet, l’étude propose une mesure de bridage pour des vents de vitesse inférieure à 6 m/s, des températures supérieures à 10°C et en l’absence de pluie. La MRAe relève que ces paramètres sont différents de ceux mis en œuvres sur l’ECC. Cette différence n’est pas expliquée. L’étude estime que ce bridage vise à réduire d’environ 90 % à 95 % le risque de collision toutes espèces confondues (ces pourcentages ont augmenté entre les deux dernières versions de l’étude d’impact sans justification). Ce qui, laisse un risque résiduel de mortalité d’environ 10 % pour les Noctules et 30 % pour le Molosse de Cestoni, ce que la MRAe juge trop important pour ces espèces à fort enjeu contactées sur le site. Par ailleurs, l’étude fixe des niveaux de mortalité limites à ne pas dépasser et tente d’évaluer l’impact de ces mortalités sur les populations locales de chaque espèce. La MRAe souligne que les données utilisées sont anciennes (2013) ou ne sont pas toujours connues (populations locales). De plus ces seuils limites ne tiennent pas compte des effets cumulés. Au vu des enjeux élevés identifiés sur le site, la MRAe recommande de proposer des paramètres de bridage renforcés pour le projet (notamment les vitesses de vent) en première intention, avant de les adapter en fonction des résultats des suivis d’activité et de mortalité. Elle recommande également de réévaluer les paramètres de bridage du parc existant dans un souci de cohérence. L'étude propose de réaliser un suivi d'activité des chauves-souris par des enregitrements à hauteur de nacelle. Le descriptif de ce suivi ne précise pas s'il s'agit d'enregistrements en continu par période ou sur toute l'année. La MRAe souligne l’importance de réaliser un tel suivi suivi, en parallèle du suivi de mortalité, afin de permettre l’ajustement de la mesure de bridage. Elle estime que cette mesure doit être prévue sur les trois premières années avant d’être espacée dans le temps. Il faudra également veiller à établir une cohérence avec le suivi du parc ECC. Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 13/15
La MRAe recommande de préciser les modalités de la mesure de suivi d'activité des chauves-souris et veiller à assurer une cohérence avec le suivi du parc ECC. Concernant les espèces protégées, le dossier dans sa version de janvier 2023, conclut finalement à la nécessité d’une demande de dérogation à la stricte protection des espèces 11. La demande a été déposée auprès des services de l’État (DREAL) et est instruite dans le cadre de l’autorisation environnementale. Ce dépôt différé a conduit à modifier les mesures proposées dans l’étude d’impact, afin que les deux documents restent cohérents. Cependant, la MRAe relève qu’aucune des mesures de compensation développées dans le dossier de demande de dérogation n’est reprise dans la dernière version de l’étude d’impact pour valoir engagement du maître d’ouvrage. L’instruction de la demande de dérogation pourra conduire à modifier les mesures de compensation : une mise en cohérence sera nécessaire entre la demande de dérogation et l’étude d’impact. La MRAe recommande de compléter l’étude d’impact avec les mesures de compensation envisagées et de s’assurer de la cohérence des mesures proposées entre la demande de dérogation et l’étude d’impact. La MRAe souligne que la demande de dérogation aurait pu être déposée en même temps que le reste du dossier, comme demandé par la DREAL lors du pôle EnR du 16 décembre 2020. Le maître d’ouvrage aurait ainsi pu améliorer la qualité de l’appréciation du niveau des incidences de son projet. 4.3 Eaux superficielles et souterraines Le site est parcouru par un chevelu de cours d’eau temporaires. L’aire d’étude immédiate est une des têtes du bassin versant de la Têt. Plusieurs éoliennes, leur plateforme et/ou leur accès sont implantées à proximité de cours d’eau temporaires ou d’une zone humide potentielle (près de E2). L’étude évoque les risques de pollutions accidentelles par les hydrocarbures durant les travaux, mais pas le risque de pollution des cours d’eau par les matières en suspension ou le risque d’altération de la fonctionnalité hydraulique de la zone humide potentielle. La MRAe recommande de statuer sur le caractère humide de la zone ponctuelle pré-identifiée à proximité d’E2, d’évaluer le risque d’altération de la fonctionnalité hydraulique de la zone humide si elle est avérée, ainsi que le risque de pollution des cours d’eau temporaires par les matières en suspension durant la phase travaux. La transparence hydraulique des travaux liés au tracé des pistes ou à leur renforcement nécessite une étude hydraulique qui est prévue mais qui n’est pas réalisée à ce stade. Pour le réseau de raccordement inter- éoliennes le projet prévoit des forages dirigés. Certains des aménagements traversent des zones soumises au risque inondation (plan de prévention des risques en vigueur sur Corneilla-la-rivière). Le projet crée aussi des surfaces imperméabilisées qu’il convient de compenser. L’étude n’évalue donc pas les impacts du projet sur les eaux de surface et présente, en tant que mesures de réduction, la réalisation d’une étude géotechnique (MR2) et la réalisation d’une étude hydraulique (MR3). La MRAe recommande que l’étude hydraulique soit réalisée avant la réalisation du projet et qu’elle définisse les conséquences des aménagements sur l’écoulement des crues, y compris en cas de crue exceptionnelle, évalue les impacts du projet et de la compensation des surfaces imperméabilisées et définisse des mesures adaptées. L’étude indique que l’aire d’étude immédiate n’est pas concernée par un périmètre de protection de captage d’eau potable (page 145), mais la carte page 146 fait état d’un ouvrage de « prélèvement d’eau de 127 000 m³ en 2018 », « destinés à la consommation d’eau potable », sans plus de précision. Une mesure de balisage de 5 m autour du forage a été ajoutée dans les compléments de janvier 2023. 11 Au sens des articles des articles L. 411-2 et R. 411-6 à 14 du code de l’environnement. Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 14/15
La MRAe recommande d’évaluer l’ensemble des impacts potentiels du projet sur le forage identifié en phase travaux (aménagement des pistes, proximité avec E8) afin de démontrer que le balisage proposé est suffisant. 4.4 Risques de nuisances sonores Des simulations acoustiques du projet ont été réalisées en neuf points selon deux directions de vent et pour différentes vitesses de vent. Les calculs réalisés ont considéré les dix éoliennes de l’extension en fonctionnement standard et les éoliennes existantes fonctionnant avec leur plan de bridage actuel. Le modèle de calcul utilise les mesures de bruit résiduel. Des risques de dépassements d’émergences ont été constatés principalement en période nocturne et plus ponctuellement en période diurne, y compris pour des vitesses de vent assez faibles. Pour chaque catégorie de vent (vitesse et orientation) où des risques de dépassement d’émergence réglementaire apparaissent, des bridages seront mis en place afin de respecter la réglementation en termes d’émergence et/ou de niveaux de bruit ambiant. Un plan de gestion du fonctionnement des éoliennes est proposé allant jusqu’à l’arrêt de certaines machines, selon la provenance du vent (nord-ouest et sud-est), sa vitesse, la saison de l’année ainsi que la période jour ou nuit, afin de respecter les seuils réglementaires au niveau des zones d'émergences réglementées. Une campagne de mesure de bruit est prévue à la mise en service du projet. La MRAe recommande de vérifier que l’ensemble des habitations isolées ont bien été prises en compte et de réaliser des mesures et simulations complémentaires le cas échéant. Elle souligne l'importance que des mesures de bruit soient réalisées dès la mise en service du parc, afin de vérifier les données calculées et le respect des seuils réglementaires. Avis de la MRAe Occitanie en date du 9 février 2023 sur le projet de parc éolien de Corneilla-la-Rivière (66) page 15/15
Vous pouvez aussi lire