Des agriculteurs impliqués dans des démarches d'agriculture de conservation des sols et d'autonomie alimentaire pour leurs élevages - RAIN
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Expérimenter et analyser ● Projet MYCOAGRA COMPRENDRE L’EFFET DES PRATIQUES AGRICOLES SUR LA MYCORHIZATION NATURELLE EN CHIFFRES x ?. Couvert végétal entre les noyers Porté par la Chambre d’agriculture de Dordogne, le projet de recherche appliquée Mycoagra, met l’accent sur la prise en compte des mycorhizes dans les itinéraires culturaux. Plus précisément, il vise à étudier les phénomènes de mycorhization en culture de noyer et de maïs sur un périmètre compre- nant la Dordogne, le Lot et la Corrèze. L’originalité est que les expérimentations sont conduites chez des agriculteurs impliqués dans des démarches d’agriculture de conservation des sols et d’autonomie alimentaire pour leurs élevages. La finalité de ce projet est de décryp- ser le développement et la diversité qui induisent ou découlent de la my- ter le lien entre pratiques culturales des communautés de champignons corhization et de comprendre leurs et mycorhization afin de fournir des mycorhiziens. Plus globalement, les interactions. préconisations (travail minimum du études menées dans Mycoagra sont Autour du projet Mycoagra se sont sol, couverts végétaux, impact des l’occasion d’appréhender la com- réunis des acteurs de la recherche fongicides et herbicides) pour favori- plexité des phénomènes au champ agronomique appliquée, de l’ensei- Innov’A 2019 - Chambre d’agriculture Dordogne 15
Expérimenter et analyser ● gnement agricole et du dévelop- ments de semence sur les myco- végétale. Au-delà de l’impact sur pement agricole. L’organisation est rhizes). Un premier niveau de résul- l’apport de nutriments, l’évolution originale et les compétences de tats concernant les prélèvements des communautés fongiques dans chacun sont mutualisées à l’instar du 2017 pour les modalités noyers les sols est étroitement liée à des sujet d’étude : en réseaux interactifs vient d’être publié. phénomènes de compétition pour d’échanges et de complémentarité. Grâce à la puissance des tech- les ressources entre espèces de • Utiliser la puissance des tech- niques de séquençage haut débit champignons, les mycorhiziens pou- niques de biologie moléculaire pour disponible aujourd’hui, l’équipe de vant prendre la place de certains identifier les CMA (champignons l’INRA de Dijon a pu ainsi isoler pathogènes. mycorhiziens à arbuscules) par le et amplifier l’ADN des racines de Les premiers résultats obtenus par laboratoire de l’INRA de Dijon. noyers et des couverts (dédiés ou les chercheurs de l’UMR Agroé- • Prendre en compte l’ensemble du spontanés) pour déterminer les diffé- cologie de Dijon via une analyse microbiote du sol (bactéries, cham- rentes espèces de champignons my- comparative des communautés pignons) en mesurant la diversité corhiziens présentes. Les espèces ou montre que la présence d’une com- de ce compartiment au niveau des les groupes taxo- racines (Unilasalle Campus Rouen nomiques révélés Equipe Aghyle). sont désignés par • Tirer profit des compétences de des « OTU (Unité pédagogie des organismes de l’en- Ta xo n o m iqu e seignement agricole pour diffuser Opérationnelle », les connaissances acquises dans le dont les individus projet auprès de futurs agriculteurs sont phylogénéti- par Unilasalle Campus Rouen et les quement proches. lycées agricoles. Leurs séquences • Intégrer des agriculteurs intéres- d’ADN présentent au minimum 97 % munauté « cœur » de champignons sés et praticiens de l’agriculture de d’homologie. mycorhiziens malgré des caracté- conservation des sols pour rester ac- ristiques physico-chimiques parfois croché aux contextes agronomiques Premier constat : une diver- très hétérogènes et des modes de et productifs. sité de champignons endo- gestion différentes entre les par- • Toucher des publics d’agriculteurs mycorhiziens insoupçonnée celles. Ce « cœur » est constitué de en recherche d’innovations tech- Au niveau de l’ensemble des moda- 265 groupes taxonomiques (sur un niques, via les réseaux de l’AFAF, lités, 543 OTU différentes ont été total de 543 identifiés) regroupés de BASE et de la revue TCS. identifiées avec 265 OTU retrou- en 12 genres. Par ailleurs, 59 de vées sur toutes les modalités et mal- ces groupes ne sont pas retrouvés Un dispositif expérimental gré des caractéristiques de sol as- en l’absence de couvert. dans des parcelles « agri- sez hétérogènes qui laisse supposer Ainsi il semble qu’il existe une com- culteur » qu’elles sont assez universelles. Ce munauté mycorhizienne assez solide L’échantillonnage de parcelles chiffre dépasse largement les 200 à et récalcitrantes qui arrive a survivre d’agriculteurs analysées à partir de 250 espèces de CMA possible de quelque soient les conditions mais 2017 porte sur plusieurs modalités différencier par observation directe la présence d’un couvert favorise avec chaque fois quatre répétitions : au microscope. Cette discrimination une plus forte diversité des CMAs. • Des parcelles de noyers en exhaustive est permise grâce aux conventionnel (engrais chimique et techniques de séquençage ADN. Une diversité de traitements) sans couvert végétal. Avec 43 % des espèces, le genre champignons mycorhiziens • Des parcelles de noyers en Glomus est le plus représenté. supérieure en système avec conventionnel avec couvert végétal Certaines espèces de champi- couvert végétal (féverole en couvert principal). gnons sont dominantes tandis que Contrairement aux noyeraies avec • Des parcelles de noyers en AB d’autre se retrouvent en proportion enherbement spontané, les racines sans couvert végétal. plus faible (segments de longueur de noyer qui ont bénéficié de cou- • Des parcelles de noyers en AB différente sur le graphique), mais verts végétaux contrôlés comportent avec couvert végétal. toutes ont un rôle à jouer dans la largement plus d’espèces de cham- • Des parcelles associant noyer et nutrition des plantes. Par exemple, pignons mycorhiziens spécifiques maïs en inter-rang (agro-foresterie). selon les groupes de CMA, les flux (Figure 2), qui peuvent exiger des • Des parcelles de maïs en semis de nutriments échangés entre plante sols mieux structurés et plus vivants direct sous couvert de légumineuses et champignon peuvent être plus pour se développer. Les mélanges avec ou sans traitement fongique ou moins intensifs, ce qui va condi- semés comportent entre autres de des semences (impact des traite- tionner la production de biomasse la féverole, plante légumineuse Innov’A 2019 - Chambre d’agriculture Dordogne 16
Expérimenter et analyser ● végétal pourraient indispensable. Ainsi les couverts vé- profiter de la four- gétaux d’interculture, même pendant niture en carbone une période de repos végétatif, par ces plantes comme ici en noyer, sont indispen- actives pendant sables pour fournir un relais de pho- cette période de tosynthèse et conserver ses réseaux creux végétatif des mycorhiziens actifs. Ainsi la culture, arbres. Maintenir au printemps suivant, pourra pro- la présence de fiter rapidement de cette symbiose végétaux actifs en potentielle sans avoir à financer son continu pourrait redéploiement. ainsi permettre le Outre ce passage de relais au niveau maintien fonction- de l’alimentation du sol en carbone Figure 1 : Diversité des OTU de champignons endomycorhiziens nel des hyphes liquide, les couverts végétaux, par séquencés sur les racines de noyers (RAN) (une couleur = une des CMA et la leur beaucoup plus grande diversité OTU). Les espèces rares analysées n’apparaissent pas car la définition n’est pas suffisante. stimulation perma- de plantes, vont permettre d’enri- Sur la gauche : les différentes modalités avec répétition. nente des spores. chir encore plus cette diversité bio- D’autre part, les lé- logique dans le sol qui commence très favorable à leur implantation. gumineuses (dans cette expérimen- à être mis à jour avec Mycoagra. Le même constat est fait pour les tation la féverole) souvent intégrées Penser que l’on peut retrouver près racines de la couverture végétale dans les couverts sont réputées de 550 types de champignons my- (semée ou spontanée) : la diversité pour leur influence positive sur la corhiziens dans certains sols avec des champignons mycorhiziens est mycorhization. Toutefois les études un « cœur mycorhizien » de 150 fait améliorée en présence de couverts concernant l’influence des couverts complétement voler en éclats nos végétaux contrôlés. végétaux spécifiquement sur les my- notions de diversité. Cet aspect est corhizes sont rares d’autant plus important lorsque l’on et les mécanismes imagine que chaque type de myco- restent à expliciter. rhize apportera des fonctionnalités générales mais également très spé- Les cifiques en termes d’alimentation, perspectives de protection et/ou de stimulation du projet biologique. Avec ces premiers résul- A ce jour beau- tats, dans des parcelles agriculteurs, coup d’études nous commençons donc à vraiment ont été réalisées imaginer la puissance et l’intérêt Figure 2 : Diversité spécifique des champignons mycorhiziens colonisant les racines de noyer (RAN) et les racines du couvert sur l’impact du tra- de cette dynamique vivante dans végétal (RAC) sous les 3 modalités « Noyer conventionnel » vail du sol sur les les sols, alimentée par la photosyn- (1), « Noyer AB » (2) et « Noyer avec couverture végétale en mycorhizes mais thèse, et sentir la force et la cohé- interculture » (3). l’intérêt des cou- rence de l’agriculture de conserva- Les couverts joueraient verts végétaux manquait et manque tion à ce niveau. le rôle de relais pour le encore de références. Leurs effets bé- maintien des champignons néfiques sur la colonisation par les mycorhiziens CMA ont été montré sur des cultures En période hivernale, les noyers annuelles (ex : soja en TCS avec ralentissent leur métabolisme et orge d’hiver en couvert). Qu’en est- cela freine également les flux de il en productions arboricoles comme Auteur(e)s : François Hirissou (CA 24) – substances carbonées dans les vais- le noyer ? Violette Aurelle (élève ingénieure ENSAT) : seaux de la plante mais également Alors que l’impact très négatif du Analyses moléculaire et interprétation par INRA de Dijon et l’Université de Bourgogne : vers les associations symbiotiques travail du sol sur les mycorhizes est Daniel Wipf – Diedrik Van Tuinen – Pierre- qui se retrouvent de fait beaucoup bien documenté comme celui des Emmanuel Courty – Léonardo Casiéri moins sollicitées. Dans ces condi- fongicides d’ailleurs, les premiers tions, le maintien des champignons résultats de cette étude originale mycorhiziens sous forme d’hyphes viennent étayer nos observations et Contact est compromis. Certaines espèces intuitions. Une rupture de végéta- Votre conseiller agronomie : de champignons capables de s’as- tion vivante qui relargue dans le sol François HIRISSOU socier à la fois aux noyers et à des du carbone impacte négativement francois.hirissou@dordogne.chambagri.fr espèces semées comme couvert cette vie fine et encore secrète mais Tél. 06 45 00 36 05 Innov’A 2019 - Chambre d’agriculture Dordogne 17
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