Prophylaxie post-exposition contre le virus de l'hépatite A - Comité consultatif provincial des maladies infectieuses (CCPMI)
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Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A Comité consultatif provincial des maladies infectieuses (CCPMI) octobre 2013
Santé publique Ontario Santé publique Ontario est une société de la Couronne vouée à la protection et à la promotion de la santé de l’ensemble de la population ontarienne, ainsi qu’à la réduction des iniquités en matière de santé. Santé publique Ontario met les connaissances et les renseignements scientifiques les plus pointus du monde entier à la portée des professionnels de la santé publique, des travailleurs de la santé de première ligne et des chercheurs. Santé publique Ontario offre au gouvernement, aux bureaux locaux de santé publique et aux fournisseurs de soins de santé un soutien scientifique et technique spécialisé en matière de : maladies infectieuses et transmissibles prévention et contrôle des infections santé environnementale et santé au travail préparation aux situations d’urgence promotion de la santé et prévention des maladies chroniques et des traumatismes services de laboratoires de santé publique Les activités de Santé publique Ontario incluent aussi la surveillance, l’épidémiologie, la recherche, le perfectionnement professionnel et la prestation de services axés sur le savoir. Pour en savoir davantage, consultez www.publichealthontario.ca Le Comité consultatif provincial des maladies infectieuses sur l’immunisation (CCPMI-I) est un organisme consultatif multidisciplinaire scientifique qui conseille Santé publique Ontario (SPO) en se fondant sur des faits probants relatifs à l’immunisation. Le CCPMI-I formule des conseils en appliquant les connaissances scientifiques et meilleurs éléments probants à notre disposition aux programmes et enjeux du secteur de l’immunisation en Ontario. Il mise sur les analyses d’innocuité et d’efficacité incluses aux recommandations du Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) tout en évitant les redondances. Avis de non-responsabilité à l'égard des documents du CCPMI: Ce document a été préparé par le Comité consultatif provincial des maladies infectieuses sur l’immunisation (CCPMI-I). Le CCPMI-I est un organisme consultatif multidisciplinaire scientifique qui conseille Santé publique Ontario sur des faits probants relatifs à l’immunisation. Les travaux du CCPMI-I reposent sur les meilleures données probantes existantes et sont mis à jour selon les besoins. SPO n’assume aucune responsabilité pour les conséquences de l’usage de ce document par qui que ce soit. Ce document peut être reproduit sans permission à des fins non commerciales uniquement, pourvu que sa source soit dûment attribuée à Santé publique Ontario. Il n’est pas permis d’apporter de modifications quelconques à ce document sans la permission écrite explicite de Santé publique Ontario. Modèle proposé pour citer le document : Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé, Comité consultatif provincial des maladies infectieuses. Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A, Toronto, ON, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, octobre 2013. Santé publique Ontario reçoit l’appui financier du gouvernement de l’Ontario. Comité consultatif provincial des maladies infectieuses (CCPMI) Santé publique Ontario www.publichealthontario.ca/fr Tél. : 647-260-7100 Courriel : pidac@oahpp.ca © Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 2013 ISBN: 978-1-4606-3130-0 Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) i
Ce document a été préparé par Dre Sarah Wilson et Dre Shelley Deeks et a reçu l’approbation du Comité consultatif provincial des maladies infectieuses sur l’immunisation (CCPMI-I). Le CCPMI tient à souligner la contribution et l’expertise du groupe de travail qui a mis au point le présent document : Membres du CCPMI-I : Dr Ian Gemmill, Présidence Dr Steven Moss Médecin-hygiéniste Professeur agrégé de pédiatrie Bureau de santé publique de Kingston Université de Toronto Frontenac, Lennox et Addington Dre Vinita Dubey Laurie Stanford Médecin-hygiéniste adjointe Gestionnaire de programme, maladies évitables par la Contrôle des maladies transmissibles vaccination Bureau de santé publique de Toronto Bureau de santé publique du district de Simcoe-Muskoka Dr David Huffman Dr Dat Tran Co-chef du service des urgences Division des maladies infectieuses Chatham-Kent Health Alliance The Hospital for Sick Children Dre Nicole Le Saux Dre Bryna Warshawsky Professeure agrégée, Université d’Ottawa Médecin-hygiéniste adjoint Division des maladies infectieuses Bureau de santé publique de Middlesex-London Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario Membres d’office : Dianne Alexander Dre Shelley Deeks Chef (intérimaire), Politiques et programmes Responsables des questions scientifiques, CCPMI-I d’immunisation, Division de la santé publique Directrice médicale, Immunisation et maladies évitables Ministère de la Santé et des Soins de longue durée par la vaccination, Santé publique Ontario Dre Natasha Crowcroft Directrice générale, Maladies transmissibles et maladies infectieuses, Santé publique Ontario Personnel de Santé publique Ontario : Jill Fediurek Dre Sarah Wilson Chef, Immunisation et maladies évitables par la Épidémiologiste médical, Immunisation et maladies vaccination évitables par la vaccination Dr Jonathan Gubbay Médecin microbiologiste Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) ii
Table des matières INTRODUCTION ............................................................................................................................................. 1 Objectif...................................................................................................................................................... 1 Survol de l’hépatite A................................................................................................................................ 2 Contexte épidémiologique........................................................................................................................ 2 Interventions de ppe contre le virus de l’hépatite A ................................................................................ 6 ANALYSE DU CONTEXTE : RECOMMANDATIONS NATIONALES EN MATIÈRE DE PPE CONTRE LE VIRUS DE L’HÉPATITE A ................................................................................................................................................. 7 Canada ...................................................................................................................................................... 8 États-Unis .................................................................................................................................................. 8 Royaume-Uni ............................................................................................................................................ 9 Australie .................................................................................................................................................... 9 RISQUE DE TRANSMISSION DU VIRUS DE L’HÉPATITE A LIÉ AU CONTEXTE ............................................... 11 EFFICACITÉ DE L’IG À TITRE DE PPE CONTRE LE VIRUS DE L’HÉPATITE A ................................................... 15 EFFICACITÉ DU VACCIN À TITRE DE PPE CONTRE LE VIRUS DE L’HÉPATITE A............................................. 17 Comparaison du vaccin et de l’absence d’intervention.......................................................................... 17 Comparaison du vaccin et de l’IG ........................................................................................................... 18 Immunogénicité du vaccin contre le virus de l’hépatite A ..................................................................... 19 Administration simultanée du vaccin et de l’IG ...................................................................................... 20 EXPÉRIENCE DE L’ONTARIO EN MATIÈRE DE PPE CONTRE LE VIRUS DE L’HÉPATITE A .............................. 21 Étude de cas : éclosion du virus de l’hépatite A liée à la transmission dans un service de garde d’enfants ................................................................................................................................................. 21 SOMMAIRE .................................................................................................................................................. 22 Options à prendre en compte ................................................................................................................. 22 Contacts qui doivent recevoir l’offre de PPE .......................................................................................... 22 Interventions de PPE conseillées ............................................................................................................ 23 Délai pour offrir la PPE ............................................................................................................................ 24 Services de garde d’enfants (y compris la prématernelle et la maternelle) ........................................... 24 Les options additionnelles pour renforcer les directives ontariennes de contrôle du virus de l’hépatite A incluent ............................................................................................................................... 27 RÉFÉRENCES ................................................................................................................................................ 28 Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) iii
Introduction L’annexe A du Protocole concernant les maladies infectieuses, 2009 du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario (MSSLD) fournit des conseils quant à la gestion des cas et des contacts pour les maladies à déclaration obligatoire en Ontario. Le chapitre de l’annexe A qui traite du virus de l’hépatite A émet des recommandations en matière de prophylaxie post-exposition (PPE) dans la section intitulée ‘Management of Contacts’1 (Prise en charge des contacts). Les recommandations en matière de PPE citent l’édition de 2006 du Guide canadien d’immunisation qui recommande d’administrer le vaccin contre le virus de l’hépatite A aux contacts, y compris les contacts des personnes qui manipulent les aliments, « aussitôt que possible », « préférablement dans la semaine qui suit l’exposition, et jusqu’à 14 jours après l’exposition »; et d’administrer l’immunoglobuline de l’hépatite A aux contacts immunodéprimés et aux enfants de moins de 12 mois2. De plus, le chapitre recommande de « tenir compte » d’autres conseils relatifs à la prise en charge des contacts émis, ceux-là, par le Comité consultatif provincial des maladies infectieuses (CCPMI) : l’administration concomitante du vaccin contre le virus de l’hépatite A et de l’immunoglobuline sérique à certains contacts à risque élevé, y compris les contacts sexuels, les contacts qui ont changé les couches d’une personne infectée et les personnes ayant consommé des aliments préparés par une personne infectée, surtout si le contact est âgé de plus de 50 ans ou est atteint d’une maladie hépatique chronique1. Les autres conseils émis par le CCPMI dont on doit « tenir compte » incluent des conseils relatifs aux enfants faisant partie d’un groupe : l’administration du vaccin contre le virus de l’hépatite A aux membres du groupe, à leurs contacts étroits et au personnel dans l’éventualité d’un cas d’hépatite A dans une garderie ou une maternelle; et l’administration du vaccin contre le virus de l’hépatite A à tout le personnel et à tous les enfants de la garderie si un enfant fréquentant la garderie est le contact d’un cas de référence qui, lui, ne la fréquente pas1. Le chapitre de l’annexe A qui traite du virus de l’hépatite A inclut des conseils additionnels sur la prise en charge des contacts qui manipulent des aliments. Si la personne manipule des aliments, le protocole recommande « d’envisager » d’offrir le vaccin contre le virus de l’hépatite A aux « autres personnes qui manipulent des aliments (préférablement dans les 2 semaines suivant l’exposition) du même établissement et aux clients ayant consommé les aliments manipulés par la personne infectée et ayant été exposés durant la période de contagiosité »1. En réponse à plusieurs demandes des professionnels de santé publique employés par les 36 bureaux locaux de santé de l’Ontario relativement au chapitre du Protocole qui traite de l’hépatite A, le CCPMI- Immunisation (CCPMI-I) s’est penché sur les recommandations de 2006 du sous-comité de l’immunisation du CCPMI en matière de PPE contre le virus de l’hépatite A3 dans l’intention d’éclairer la mise à jour en continu du Protocole concernant les maladies infectieuses. Objectif Le présent rapport examine les éléments probants et l’expérience sur lesquels s’appuient les recommandations de 2006 du sous-comité de l’immunisation du CCPMI afin d’alimenter la discussion entre les membres du CCPMI-I visant à confirmer ou à réviser les recommandations sur la PPE contre le virus de l’hépatite A ou à en proposer de nouvelles au MSSLD. Le rapport se limite aux recommandations de 2006. La prévention primaire contre le virus de l’hépatite A sortait du champ de compétences de cet examen, à l’instar des directives sur la gestion des cas, des contacts et des éclosions qui étaient exclues des recommandations de 2006 du sous-comité de l’immunisation du CCPMI-I (p. ex. recommandations sur les personnes qui manipulent les aliments). Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 1
Survol de l’hépatite A Le virus de l’hépatite A est un virus monocaténaire à ARN ainsi qu’un membre de la famille des picornaviridae. Il est transmis par voie fécale-orale, y compris la transmission de personne à personne, après le contact avec des objets contaminés ou l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. Bien que rare, il existe également des cas de transmission par le sang ou les produits sanguins obtenus de donneurs durant la période d’incubation4. La période d’incubation est relativement longue, soit de l’ordre de 15 à 50 jours, médiane de 28 jours5. La période de transmission inclut une période infectieuse asymptomatique; les cas peuvent transmettre l’infection 2 semaines avant l’apparition des symptômes et 1 semaine après le début de l’ictère5. Certains éléments probants laissent croire que les jeunes enfants pourraient excréter le virus dans les selles pendant plus longtemps6. Le spectre de la maladie causée par le virus de l’hépatite A (jaunisse) est proportionnel à l’âge. Environ 70 % des enfants plus âgés et des adultes présentent un ictère, comparativement à moins de 10 % des enfants de moins de 6 ans7,8, alors qu’environ 70 % de ces derniers demeurent complètement asymptomatiques8. Dans la plupart des cas, l’infection par le virus de l’hépatite A est spontanément résolutive, mais elle laisse derrière elle des séquelles importantes. Environ 25 % des adultes doivent être hospitalisés et dans 15 % des cas, l’infection récidive9. L’infection par le virus de l’hépatite A n’est pas chronique. La conséquence la plus sérieuse de l’infection est la progression vers l’hépatite fulminante et la mortalité connexe, dont le risque s’accroît significativement chez les personnes atteintes d’une maladie hépatique préexistante. Malgré ce facteur de risque connu, les publications médicales traitent d’enfants en bonne santé ayant dû subir une greffe du foie après une infection par le virus de l’hépatite A10. La contribution du vieillissement au risque d’hépatite fulminante secondaire à une infection par le virus de l’hépatite A est difficile à quantifier puisque les études dans ce domaine se sont attardées à d’autres facteurs cliniques et virologiques11,12. Cela dit, il n’y a aucun doute que le taux de létalité du virus de l’hépatite A, quoique non linéaire, est proportionnel à l’âge. Les données canadiennes estiment le taux de létalité à 0,1-0,3 % chez les personnes de moins de 50 ans, et à 1,8 % chez les personnes de plus de 50 ans9. Les données de surveillance des Centres for Disease Control rapportent un taux de létalité de 0 à 0,3 % chez les enfants de moins de 14 ans, de 0,3 % chez les adolescents et jeunes adultes (15 à 39 ans), de 0,8 % chez les adultes (40 à 59 ans) et de 2,6 % chez les adultes de 60 ans et plus13,14. Contexte épidémiologique L’incidence du virus de l’hépatite A a chuté considérablement au Canada au cours des 20 dernières années. À l’échelle nationale, l’incidence du virus était de 10,6 cas/100 000 habitants en 1990, pour passer à 0,9 cas/100 000 en 20089. La Figure 1 illustre le déclin de l’incidence du virus de l’hépatite A au Canada et en Ontario entre 2002 et 2011. En 2011, 103 cas confirmés au total ont été signalés en Ontario, ce qui a donné lieu à une incidence de 0,77 cas par 100 000 habitants. En 2006, un lien éventuel entre le virus de l’hépatite A et les petits fruits congelés a fait l’objet d’une investigation au pays, ce qui explique en partie le nombre accru de cas observés cette année-là. Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 2
Figure 1. Incidence de l’hépatite A en Ontario et au Canada : 2002-2011. Taux par 100 000 populations Nombre de cas déclarés Nbre Ontario Taux Ontario Taux Canada Canada - Ontario Source : Base de données du MSSLD, Système intégré d’information sur la santé publique (iPHIS), extrait par Santé publique Ontario (SPO) [13/06/2012] et Agence de la santé publique du Canada. La Figure 2 illustre l’incidence en fonction de l’âge des cas confirmés d’hépatite A, selon le sexe, en Ontario entre 2007 et 2011. L’incidence en fonction de l’âge atteint un sommet parmi les 5 à 9 ans (2,13/100 000 habitants), suivis des jeunes de 10 à 19 ans (1,47/100 000 habitants). En raison de la fréquence des cas légers et asymptomatiques parmi les jeunes enfants, les taux d’incidence en fonction de l’âge dans les groupes les plus jeunes sont probablement sous-estimés. Étant donné la tendance séculaire de l’épidémiologie du virus de l’hépatite A, ainsi que l’intensification de l’immunité contre le virus avec l’âge, la hausse de l’incidence entre les groupes d’âge « 60-69 ans » et « plus de 70 ans » était inattendue. Cette constatation pourrait s’expliquer par la recherche et la déclaration accrue de cas chez les aînés dont l’atteinte est plus grave. Entre 2007 et 2011, 220 des 594 personnes constituant un cas confirmé d’hépatite A en Ontario ont été hospitalisées (37 %) (Figure 3). Ce pourcentage est beaucoup plus élevé que le taux d’hospitalisation de 25 % rapporté dans le Guide canadien d’immunisation9. La proportion des cas devant être hospitalisés s’est accrue après 40 ans (46,8 % ≥ 40 ans p/r à 33,1 % < 40 ans). Entre 2007 et 2011, l’Ontario a compté un total de 4 cas confirmés d’hépatite A et déclarés dans iPHIS où le mot « fatal » figurait dans la colonne des résultats. Tous les cas fatals étaient des adultes, le taux de létalité étant le plus élevé parmi les personnes de 70 ans et plus (2/48; 4,2 %). Ce taux de létalité est substantiellement plus élevé que les estimations canadiennes et américaines; cela pourrait être dû au faible dénominateur, car un petit nombre de cas peut avoir un grand impact sur le résultat, ou à la sous- déclaration des cas moins graves. Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 3
Figure 2 : Incidence de l’hépatite A en fonction de l’âge et du sexe, Ontario, 2007-2011. 80 2.5 70 2.0 Taux par 100 000 populations 60 Nombre de cas déclarés 50 1.5 40 1.0 30 20 0.5 10 0 0.0 0-4 5-9 10-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70+ Groupe d'âge Cas – Cas – Taux – Taux – Female femmesCases Male Cases hommes Female femmesRates Male Rates hommes Total Rates Total des taux Source : Base de données du MSSLD, Système intégré d’information sur la santé publique (iPHIS), extrait par Santé publique Ontario (SPO) [13/06/2012]. Figure 3 : Proportion de cas en fonction de l’âge ayant nécessité l’hospitalisation, Ontario, 2007-2011. Hospitalisation des cas en pourcentage (%) Groupe d’âge (années) Source : Base de données du MSSLD, Système intégré d’information sur la santé publique (iPHIS), extrait par Santé publique Ontario (SPO) [13/06/2012]. Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 4
La séroprévalence de l’anticorps de l’hépatite A a été évaluée à l’échelle nationale dans le cadre de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS)15 et de deux études de recherche16,17. D’après l’ECMS, qui a mesuré la séroprévalence du virus de l’hépatite A entre 2007 et 2009, la séroprévalence s’est accrue avec l’âge, ce qui reflète les tendances séculaires de la dynamique de transmission du virus de l’hépatite A (Tableau 1). Chez les personnes de 14-19 ans, la séroprévalence était de 17,3 % (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 11,5-23,0 %) et elle passait à 64,6 % (IC à 95 % : 59,6-69,5 %) chez les 60-79 ans15. Aucune analyse régionale (p. ex. portant sur l’Ontario) n’est disponible en raison de la base d’échantillonnage utilisée par l’ECMS. Duval et coll. ont examiné la séroprévalence du virus de l’hépatite A chez les enfants âgés de 8 à 13 ans des dix provinces canadiennes et ont observé une séroprévalence d’à peine 2-3 % dans ce groupe d’âge, ce qui illustre la grande réceptivité des enfants de ce groupe d’âge17. La différence entre les estimations de séroprévalence faites par Duval chez les 8-13 ans (2,7 %) en 2003 et celles portant sur les 14-19 ans (17,3 %) en 2007-2009 par l’ECMS pourrait s’expliquer de plusieurs façons, y compris la présence d’un effet de cohorte, plutôt que d’une simple hausse de la séroprévalence en fonction de l’âge. En outre, le fait que l’ECMS ait inclus les territoires et que Duval et coll. les aient exclus pourrait aussi avoir un impact puisque les populations du nord du Canada présentent un fardeau plus lourd d’hépatite virale, y compris d’hépatite A18. Tableau 1. Estimations récentes de séroprévalence du virus de l’hépatite A au Canada Année de la Groupe % porteurs Source des Base collecte des d’âge N du virus de IC à 95 % données d’échantillonnage données (années) l’hépatite A Duval et coll.17 10 provinces 2003 8-10 474 1,9 0,9-3,51 11-13 583 3,4 2,2-5,21 Non 11,5- ECMS15 National 2007-2009 14-19 17,3 fourni 23,0 Non 21,4- 20-39 28,0 fourni 34,5 Non 35,6- 40-59 42,7 fourni 49,8 Non 59,6- 60-79 64,6 fourni 69,5 Scheifele et 13,2- National 20082 18-29 258 17,8 coll.16 22,5 17,9- 30-39 275 22,9 27,9 21,6- 40-49 339 26,3 30,9 32,7- 50-59 335 37,9 43,1 48,1- 60-69 345 53,3 58,6 Notes : 1. IC à 95 % calculé (non fourni dans le rapport original) 2. Année(s) de la collecte des données non déclarée(s), mais analyses préliminaires déposées en 2008. Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 5
Interventions de PPE contre le virus de l’hépatite A Il existe deux interventions de PPE contre le virus de l’hépatite A : immunisation active par l’entremise du vaccin contre le virus de l’hépatite A ou immunisation passive par l’immunoglobuline (IG), une préparation stérile d’anticorps concentrés. Ces deux stratégies diffèrent au chapitre de leurs principes immunologiques. Le principe qui sous-tend l’emploi du vaccin contre le virus de l’hépatite A veut qu’une réponse immunitaire rapide protège le sujet contre l’infection, si le vaccin est administré de manière précoce durant la période d’incubation de l’infection. Par ailleurs, l’IG transfère de manière passive les anticorps antivirus de l’hépatite A qui fournissent une protection presque immédiate au prix d’une protection plus brève, habituellement de l’ordre de 2 à 6 mois. La dose recommandée d’IG aux fins de prophylaxie post-exposition est de 0,02 mL/kg de poids corporel9. Il existe plusieurs préparations de vaccins contre le virus de l’hépatite A au Canada, y compris des produits monovalents et des produits d’association (c.-à-d. hépatite A/hépatite B et hépatite A- typhoïde). Il est important de noter que les essais cliniques ne se sont penchés que sur les vaccins monovalents aux fins de la PPE. De plus, les vaccins monovalents contre le virus de l’hépatite A contiennent plus d’antigènes que les autres préparations, ce qui induirait une réponse immunitaire plus énergique que celle qui est nécessaire pour que la PPE soit efficace. Le calendrier habituel d’administration de ces vaccins consiste en deux doses, la deuxième dose étant administrée 6-12 mois après la première. Cependant, une dose unique est indiquée pour que la PPE soit efficace et donc, une seule dose est remboursée par le gouvernement de l’Ontario pour la PPE, à moins que le patient soit admissible au remboursement du vaccin contre le virus de l’hépatite A en prévention primaire. Au Canada, les vaccins monovalents contre le virus de l’hépatite A sont homologués pour les personnes de ≥ 12 mois, sans limite supérieure d’âge. Malgré la recommandation d’utiliser les vaccins comme une forme de PPE, aucun vaccin monovalent ne mentionne cette indication précise dans la version canadienne de sa monographie. Au Canada, il n’y a aucune IG spécifique au virus de l’hépatite A sur le marché; l’IG recommandée dans le cadre de la PPE contre le virus de l’hépatite A est plutôt présentée sous forme de préparation stérile d’anticorps concentrés contre de multiples antigènes. Étant donné la nature changeante de l’épidémiologie du virus de l’hépatite A dans les pays industrialisés, de nombreux organismes nationaux ont noté au fil du temps un affaiblissement de la puissance de l’IG, pour ce qui est des concentrations d’anticorps antivirus de l’hépatite A19,20. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé que l’IG contienne un titre de 98 unités internationales (UI)/mL spécifiques au virus de l’hépatite A. Au Royaume-Uni (R.-U.), une revue de l’IG effectuée en 2008 a constaté que la puissance des anticorps antivirus de l’hépatite A des produits en vente aux R.-U. variait de 60 à 87 UI/mL, ce qui a poussé le R.-U. à recommander qu’un plus grand volume d’administrations respecte les normes de l’OMS en matière de concentration19. Il importe de noter que le Canada n’effectue aucune surveillance de routine des concentrations antivirus de l’hépatite A dans l’IG en vertu de dispositions réglementaires précises (communication personnelle, Santé Canada). En conséquence, on ignore la puissance de l’IG offerte au Canada aux fins de la PPE contre le virus de l’hépatite A. En Ontario, la Société canadienne du sang (SCS) fournit l’IG, ainsi l’accès au produit se fait par l’entremise des établissements de santé qui ont déjà accès aux produits sanguins. L’IG n’est pas entreposée par le Service d’approvisionnement médicopharmaceutique du gouvernement de l’Ontario ni par les bureaux locaux de santé. Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 6
Analyse du contexte : Recommandations nationales en matière de PPE contre le virus de l’hépatite A Les recommandations nationales en matière de PPE contre le virus de l’hépatite A émises au Canada, aux États-Unis (É.-U.), au Royaume-Uni (R.-U.) et en Australie ont fait l’objet d’une revue comparative afin de relever les différences par rapport aux recommandations de 2006 du sous-comité d’immunisation du CCPMI-I. Les points saillants de la revue sont présentés au Tableau 2. Toutes les lignes directrices recommandent idéalement d’administrer la PPE dans les 14 jours suivant l’exposition. Tableau 2. Résumé de certaines recommandations nationales en matière de PPE contre le virus de l’hépatite A Contact Canada (9) R.-U. (19) É.-U. (20) Australie (28) En bonne santé, IG Vacciner les personnes soignantes IG IG < 2 mois Vacciner les personnes soignantes En bonne santé, OU IG IG IG 2-12 mois Emploi non homologué du vaccin OU Exclusion des garderies En bonne santé, Vaccin Vaccin Vaccin Vaccin 1-40 ans En bonne santé, Vaccin Vaccin IG Vaccin 40-50 ans En bonne santé, Vaccin Vaccin + IG IG Vaccin > 50 ans Immunodéprimé Vaccin + IG Vaccin + IG IG IG Maladie Non hépatique Vaccin + IG IG IG indiqué chronique Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 7
Canada Au Canada, la préférence pour le vaccin plutôt que pour l’IG date de la recommandation du Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) en 200021. L’énoncé de 2000 indique que « puisqu’il est peu probable que l’IG soit plus efficace que le vaccin, et qu’elle est parfois difficile à obtenir », le vaccin est la méthode préférable de PPE. D’autres pays sont toutefois arrivés à des conclusions différentes en matière d’efficacité de l’IG et du vaccin19,20. Un essai randomisé qui comparait le vaccin à l’absence d’intervention était cité comme preuve à l’appui par le CCNI22, comme preuve de niveau 1 avec qualité acceptable de la preuve (B). L’énoncé reconnaissait également que le vaccin avait des avantages pragmatiques, y compris le fait que l’emploi exclusif du vaccin pour la PPE réduisait la demande « d’IG potentiellement rare et nécessaire à d’autres usages médicaux » 21. Une analyse du contexte par l’entremise d’un sondage auprès des provinces et des territoires canadiens sur les pratiques en matière de PPE contre le virus de l’hépatite A a fait ressortir qu’en 2003, toutes les provinces et tous les territoires avaient adopté des politiques recommandant le vaccin de préférence chez les personnes en bonne santé âgées de plus de 12 mois23. L’édition toujours d’actualité du Guide canadien d’immunisation recommande d’offrir la PPE aux contacts étroits et familiaux lorsqu’un cas d’hépatite A survient dans les garderies et les maternelles (Tableau 3) et d’offrir la PPE aux collègues et aux clients des personnes infectées qui manipulent des aliments9. Les détails concernant l’opérationnalisation de ces recommandations sont rares; par exemple, les détails qui indiquent si les membres du personnel sont aussi considérés des contacts étroits dans les services de garde d’enfants, et les conseils sur l’évaluation des risques chez les personnes qui manipulent des aliments y brillent par leur absence. Les recommandations du Guide canadien d’immunisation concernant les interventions spécifiques en matière de PPE varient en fonction de l’âge (± 12 mois) et l’état de santé sous-jacent (immunodéprimé ou non), et ce, à l’instar de toutes les lignes directrices nationales (Tableau 2). Cependant, au contraire des autres pays, le Canada n’émet aucune recommandation liée à l’âge pour les adultes ni ne mentionne les personnes atteintes de maladie hépatique chronique. Dans l’édition de 2006 du Guide canadien d’immunisation, les personnes atteintes d’une maladie hépatique chronique sont identifiées comme un groupe devant être considéré immunodéprimé24. Toutefois, dans la version la plus récente du Guide, la maladie hépatique chronique est intégrée au chapitre sur la maladie chronique, avec la seule mention que la réponse immunitaire au vaccin contre l’hépatite A est sous-optimale dans les cas de maladie hépatique avancée25. États-Unis Depuis 2007, l’Advisory Committee on Immunization Practice (ACIP) recommande l’emploi du vaccin chez les enfants en bonne santé de ≥ 12 mois et les adultes en bonne santé jusqu’à l’âge de 40 ans, mais il recommande préférablement l’emploi de l’IG, même chez les personnes en bonne santé de plus de 40 ans20. Cette décision se justifie par l’absence d’éléments probants tirés d’essais randomisés sur l’efficacité du vaccin à titre de PPE dans ce groupe d’âge et le risque de sévérité de la maladie lié à l’âge, y compris la réserve coronaire20. Les lignes directrices de l’ACIP s’éloignent encore plus de celles du Canada en décrivant clairement les personnes atteintes d’une maladie hépatique chronique comme un groupe à risque discret devant recevoir l’IG. Bien qu’il n’existe aucune recommandation formelle en faveur de l’administration concomitante du vaccin et de l’IG dans aucun groupe, les directives de 2007 notent que les personnes à qui l’on recommande l’IG peuvent recevoir le vaccin en concomitance « si celui-ci est recommandé pour d’autres raisons » 20. Le vaccin contre le virus de l’hépatite A était recommandé en 2007 à des groupes particuliers sur la base d’un certain nombre de facteurs, y compris : un essai de non-infériorité comparant le vaccin à l’IG26, l’expérience de pays comme le Canada et le R.-U. où le vaccin était utilisé dans la PPE contre le virus de Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 8
l’hépatite A depuis plus de 5 ans, l’immunogénicité du vaccin contre le virus de l’hépatite A, la transmission du virus de l’hépatite A dans divers milieux, les facteurs de risque individuels de gravité de l’hépatite A, et les avantages et désavantages pratiques du vaccin et de l’IG (c.-à-d. accès, administration et durée de la protection)20. L’ACIP recommande aux personnes ayant eu un contact étroit et personnel avec un cas d’hépatite A de recevoir la PPE. Ces personnes incluent les contacts familiaux, les contacts sexuels et les contacts entre usagers de drogues illégales. Les recommandations spécifiques pour les garderies sont précisées au Tableau 3. Il est important de noter que l’ACIP recommande depuis 2006 la vaccination universelle à 12 mois contre le virus de l’hépatite A27. Royaume-Uni En 2009, la Health Protection Agency (HPA) du Royaume-Uni a publié une mise à jour de ses directives sur la prévention et le contrôle du virus de l’hépatite A. Il est recommandé que les personnes en bonne santé âgées de 1 à 50 ans reçoivent le vaccin en PPE19. Par ailleurs, les personnes en bonne santé de plus de 50 ans, et celles qui sont atteintes d’une maladie hépatique chronique ou qui sont immunodéprimées devraient recevoir le vaccin et l’IG, car l’IG fournit une protection immédiate en transférant les anticorps de manière passive pendant que le système immunitaire produit une réponse active au vaccin, chez les personnes dont la réponse immunitaire pourrait ne pas être suffisamment rapide et/ou robuste pour offrir une protection post-exposition. Les directives de 2009 fournissent également des conseils précis sur le contrôle du virus de l’hépatite A dans les services de garde d’enfants, lesquels sont présentés au Tableau 3. Australie En Australie, les lignes directrices nationales de 2009 recommandent le vaccin chez tous les contacts de plus de 1 an qui ne sont pas immunodéprimés, sont exempts de maladie hépatique chronique et pour lesquels le vaccin n’est pas contre-indiqué28. Les lignes directrices indiquent que les recommandations en matière de PPE émises par les autorités sanitaires des É.-U., du Canada et du R.-U. divergent chez les sujets de plus de 40 ans autrement en bonne santé, mais les lignes directrices australiennes n’expliquent pas clairement pourquoi elles recommandent le vaccin plutôt que l’IG dans ce groupe d’âge28. Les conseils en matière de services de garde d’enfants sont présentés au Tableau 3. Il importe de noter qu’en Australie, les fournisseurs de services de garde d’enfants font partie des professionnels et d’autres groupes à risque élevé, à qui l’on recommande de recevoir le vaccin contre le virus de l’hépatite A en prévention primaire29. Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 9
Tableau 3. Résumé des recommandations nationales particulières sur le contrôle du virus de l’hépatite A dans les services de garde d’enfants Directive Scénario Conseil nationale Canada (9) « Lorsque l’hépatite A survient dans les Il faut offrir la PPE garderies et les maternelles » Royaume-Uni Si un cas fréquente un centre Vacciner les contacts étroits (tous ceux qui (19) préscolaire ou un service de garde travaillent ou qui reçoivent des soins sous le même toit que le cas de référence) ET Vacciner les contacts familiaux des enfants < 5 ans SI : il est impossible d’administrer la PPE < 14 jours après l’exposition OU en présence de > 1 cas dans la garderie Si un cas fréquente une école Évaluation du risque élémentaire ou y travaille En l’absence de source évidente d’infection, envisager de vacciner tous les enfants et les adultes de la même classe ainsi que les amis proches Si un contact du virus de l’hépatite A Administrer la PPE exclusivement aux fréquente un centre préscolaire ou un contacts du cas de référence service de garde ET est absent jusqu’à Lavage des mains supervisé à l’école 14 jours après l’exposition États-Unis (20) Si ≥ 1 cas dans une garderie (personnel Administrer la PPE à tout le personnel et à ou enfant) tous les enfants non vaccinés OU Dans les garderies EXEMPTES d’enfants Présence de cas dans ≥ 2 familles des portant une couche, administrer la PPE aux enfants contacts dans la classe du cas de référence seulement Si ≥ 3 cas dans les familles des enfants Conseils ci-dessus ET Administrer la PPE aux contacts familiaux des enfants qui portent une couche Australie (28) Cas unique dans le service de garde Administrer la PPE à tout le personnel (personnel ou enfant) réceptif et aux contacts dans la classe du cas de référence et distribuer des conseils par écrit aux parents et au personnel prenant soin des enfants dans d’autres groupes Présence de cas dans ≥ 2 familles liées Administrer la PPE à tout le personnel épidémiologiquement à la garderie réceptif et aux contacts dans la classe du cas de référence et « réfléchir attentivement à offrir la PPE à d’autres contacts de l’établissement » Présence de cas dans ≥ 3 familles liées Conseils ci-dessus ET épidémiologiquement à la garderie Envisager d’administrer la PPE aux contacts des familles des enfants qui portent une couche Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 10
Risque de transmission du virus de l’hépatite A lié au contexte Le risque de transmission intrafamiliale du virus de l’hépatite A est élevé; des études prospectives de transmission ont en effet évalué le taux d’attaque secondaire à entre 12 et 27 %20,22,30,31. Cela dit, ces études portaient toutes sur des régions où le fardeau du virus de l’hépatite A était beaucoup plus lourd que l’épidémiologie ontarienne actuelle. Il est reconnu que les jeunes enfants sont particulièrement aptes à transmettre le virus de l’hépatite A, particulièrement en raison de la propreté douteuse de leurs mains et de leurs fesses. Une étude prospective de transmission menée au Kazakhstan ayant effectué un test de dépistage par sérologie du virus de l’hépatite A sur tous les membres d’une famille après qu’un test de laboratoire ait confirmé la présence d’un cas dans la famille, a conclu que les cas de référence de moins de 6 ans transmettaient l’infection aux membres de leur famille presque cinq fois plus souvent (risque relatif approché [RRA] de 4,7)31. Selon la littérature publiée, les services de garde d’enfants, y compris les garderies et les prématernelles, sont liés à des taux d’attaque secondaires comparables, soit entre 10 et 28 %32-36. Ces estimations incluent des études ayant effectué des tests de dépistage sérologiques chez les enfants qui fréquentaient les garderies afin de veiller à ce que les cas asymptomatiques soient inclus dans le taux d’attaque secondaire, l’ampleur de la transmission clinique apparente dans ces contextes pourrait donc être surestimée. Le Tableau 4 présente un résumé des études représentatives. Tableau 4. Transmission du virus de l’hépatite A dans les services de garde d’enfants32-36 Service de Pays, Incidence Taux d’attaque TA : Notes garde année nationale du (TA) : personnel membres virus de et enfants de la l’hépatite A famille des enfants Service de É.-U., 10/100 000 Personnel : 4/18 26/200 Aucun cas déclaré garde 1979 (22 %) (13 %) chez les enfants (0-5 ans)32 (aucun cas sérologique observé) Service de É.-U., 10/100 000 Enfants : 31/300 Inclus les enfants garde 1980 0-3 ans, 17/76 (10 %) asymptomatiques (0-10 ans)34 (22 %) dont le test de 4-6 ans, 17/142 l’IgM était positif (12 %) 7-10 ans, 4/27 (15 %) Personnel : 6/13 (46 %) Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 11
Service de Pays, Incidence Taux d’attaque TA : Notes garde année nationale du (TA) : personnel membres virus de et enfants de la l’hépatite A famille des enfants Service de France, Déclaration du Enfants : 11/54 4 parents Inclus les enfants garde 1994 virus de (20 %) asymptomatiques (0-3 ans)35 l’hépatite A non Personnel : 2/13 dont le test de obligatoire à (15 %) l’IgM était positif cette date Prématernelle Italie, 2,5/100 000 Enfants : 11/41 10/114 Aucune mention du (3-6 ans)36 1996 (27 %) (9 %) compte des enfants asymptomatiques Service de Espagne, 1,6/100 000 Enfants : 8/92 13 contacts Aucune mention du garde 2002-2003 (8,7 %) familiaux compte des enfants (0-3 ans)33 Personnel : 2/16 asymptomatiques (19 %) Au début des années 1980, il y a eu éclosion du virus de l’hépatite A dans plusieurs communautés américaines où 30 à 40 % des cas étaient liés, directement ou indirectement, aux services de garde d’enfants37,38. Un examen plus poussé de la dynamique de transmission du virus de l’hépatite A dans les services de garde d’enfants américains a permis de conclure que la présence de jeunes enfants de 1 ou 2 ans qui portaient une couche était la caractéristique qui était liée le plus étroitement au risque d’éclosion du virus de l’hépatite A dans ces centres39,40. Il est important de rappeler que l’incidence nationale du virus de l’hépatite A au moment où ces éclosions ont eu lieu était de 10/100 000, dépassant habituellement 20/100 000 dans plusieurs États américains où ces éclosions communautaires importantes avaient lieu41. Ainsi, on pourrait aussi dire que les jeunes enfants (c.-à-d. enfants qui portent une couche) étaient les hôtes réceptifs dans un milieu où, une fois le virus introduit, celui-ci était rapidement transmis aux membres du groupe, au contraire des enfants légèrement plus vieux (c.-à-d. qui ne portent pas de couche) qui étaient probablement immunisés en raison d’une infection antérieure. Par ailleurs, les éclosions plus récentes du virus de l’hépatite A dans les services de garde d’enfants et les écoles des pays industrialisés n’ayant pas mis en place un programme d’immunisation universelle des enfants contre le virus de l’hépatite A illustrent une transmission rapide dans les populations d’hôtes très réceptifs, autres que les enfants en couche. Ces éclosions sont survenues dans des pays où le taux d’incidence du virus de l’hépatite A approchait celui de l’Ontario. Habituellement, l’infection fait son entrée à la garderie ou à l’école après qu’un contact ait visité une région où le virus est endémique ou ait été en contact avec des amis ou des parents en provenance de ces régions36,42,43. L’infection est alors transmise efficacement dans la population d’hôtes très réceptifs, les cas asymptomatiques et les comportements à risque liés à l’âge contribuant à la transmission. Il existe peu de rapports publiés d’éclosions du virus de l’hépatite A dans les services de garde et les écoles qui décrivent clairement l’impact du vaccin ou de l’IG comme mesure de prévention. Hauri et coll. ont rédigé un rapport portant sur une éclosion du virus de l’hépatite A dans une garderie comptant plus de 100 enfants entre 3 et 6 ans44. Conformément aux lignes directrices de contrôle du virus de l’hépatite A en vigueur en Allemagne, les autorités sanitaires ont recommandé la vaccination de tous les enfants et de tous les membres du personnel et contacts familiaux des cas. Ces recommandations en matière de PPE ont été émises 24 heures après la déclaration du premier cas dans la garderie. Au total, 46 enfants sur 69 ont été vaccinés et 11 autres ont reçu l’IG. Bien qu’on n’ait pas recommandé aux membres de la famille des enfants de recevoir le vaccin, 29 sur 184 (16 %) ont été vaccinés. Ces interventions ont eu lieu dans les 14 jours suivant l’apparition des symptômes chez le premier cas déclaré, quoiqu’un cas Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 12
antérieur d’ictère n’ayant pas été confirmé au laboratoire ait été identifié rétrospectivement à la garderie. L’éclosion a été relativement brève, soit moins de 3 mois, mais sept membres des familles des enfants ont quand même été atteints d’hépatite A. De ces sept cas, les enfants avaient reçu la PPE. L’hépatite A est survenue 16 à 36 jours après que les enfants vivant dans ces familles aient été vaccinés, ce qui laisse croire que la transmission avait déjà eu lieu, soit avant soit peu après la vaccination de l’enfant. Dans deux des sept familles touchées, l’enfant qui fréquentait la garderie présentait des symptômes cliniques d’hépatite A et dans les cinq autres familles, l’enfant était asymptomatique. D’autres rapports de cas ont aussi décrit la transmission du virus de l’hépatite A dans les familles des contacts de la classe qui avaient reçu la PPE. Un autre rapport rédigé en Allemagne décrit le cas d’un contact d’une classe de maternelle ayant été vacciné sept jours après l’apparition des symptômes chez le cas de référence, qui a eu une infection asymptomatique par le virus de l’hépatite A qu’il a transmise à trois membres de sa famille de 35 à 57 jours après qu’il ait été vacciné45. Les auteurs de ce rapport de cas ont conclu que la vaccination doit être offerte aux membres de la famille, et aux autres contacts étroits, des personnes qui pourraient être infectées par le virus de l’hépatite A45. Le rapport ne contient aucun détail sur l’éclosion ni sur les mesures de contrôle. Deux enquêtes sur des éclosions dans des écoles du Royaume-Uni ont fourni des leçons importantes sur le contrôle du virus de l’hépatite A à l’école46,47. La première enquête porte sur une éclosion dans une prématernelle, une école élémentaire et une école d’éducation spécialisée46. Bien que le lien épidémiologique entre les deux premiers cas survenus à l’école élémentaire et dans la prématernelle soit brouillé, le génotypage viral a confirmé le lien entre les deux cas. Conformément aux lignes directrices en vigueur aux R.-U. à cette date, la PPE a été recommandée aux contacts familiaux des cas. Le personnel et les enfants qui fréquentaient l’école d’éducation spécialisée ont aussi été vaccinés, mais le rapport reste muet sur la vaccination des élèves de l’école élémentaire et de la prématernelle ainsi que sur l’immunisation des membres de la famille des enfants. L’exception faite aux enfants de l’école d’éducation spécialisée s’explique par le fait que les enseignants fournissent des soins infirmiers directs aux enfants de ces classes. Malgré la survenue de cas dans ces trois écoles, la transmission ne s’est pas poursuivie dans l’école d’éducation spécialisée ni dans la prématernelle (un cas seulement lié à l’éclosion dans chaque école), malgré les très différentes recommandations en matière de PPE. La deuxième enquête porte sur la prise en charge d’une personne manipulant des aliments infectée par le virus de l’hépatite A qui travaillait dans une grande polyvalente47. L’immunoglobuline a été recommandée à tous les élèves et à tous les enseignants de l’école, car il était impossible de déterminer quels enseignants et quels élèves avaient consommé les aliments préparés par le cas et parce que les lignes directrices en vigueur à cette date au R.-U. laissaient croire que le vaccin serait probablement inefficace en PPE s’il était administré plus de sept jours après l’apparition des symptômes chez le cas de référence. L’IG a donc été administrée à plus de 700 élèves et enseignants aux jours 21 à 23 après l’apparition de l’ictère, jours 17 à 19 après l’apparition des symptômes chez le cas de référence. Fait intéressant, le grand nombre de contacts à immuniser a épuisé la réserve d’IG en Angleterre et l’immunisation a donc été retardée, car il a fallu localiser d’autres réserves d’IG en Écosse. Seul un cas secondaire a été identifié à la polyvalente, ce que les auteurs voient comme une preuve du succès de l’intervention. Il importe de noter que ce scénario s’éloigne de plusieurs façons importantes des scénarios décrits ci-dessus en cela qu’il s’agit principalement d’une description de l’efficacité de l’IG en PPE chez les personnes qui avaient consommé des aliments préparés par une personne infectée. En résumé, la littérature présente des éléments probants solides qui identifient les familles, les garderies et, dans certains cas, les écoles élémentaires, comme des milieux où le virus de l’hépatite A se transmet efficacement. Malheureusement, les études publiées en disent peu sur les meilleures pratiques pour déterminer l’envergure que doit prendre la PPE dans ces milieux. Dans deux éclosions pour lesquelles seuls les enfants et le personnel de la garderie ont eu la recommandation de recevoir la PPE, on a observé des signes de transmission aux membres de la famille des enfants, et même aux Prophylaxie post-exposition contre le virus de l’hépatite A (octobre 2013) 13
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