Quels effets économiques peut-on attendre de l'organisation des Jeux Olympiques à Paris ?

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Quels effets économiques peut-on attendre de l'organisation des Jeux Olympiques à Paris ?
Quels effets économiques peut-on attendre de l’organisation des
                      Jeux Olympiques à Paris ?

                                  Emmanuel Frot, Vice-Président, Microeconomix

                                     Julien Gooris, Economiste, Microeconomix

La perspective d’une candidature de Paris à l’organisation des Jeux Olympiques (JO) de 2024 divise
les décideurs publics sur l’opportunité d’un tel événement. Empreints de gigantisme, ces événements
impliquent des impacts majeurs pour les villes qui les accueillent. Au-delà des motivations en termes
de reconnaissance internationale pour la ville d’accueil et des considérations électorales pour les
personnalités politiques décidant de leur organisation, l’accent est souvent mis sur les bénéfices
économiques que ces événements engendrent pour justifier les candidatures. Celles-ci
s’accompagnent généralement d’évaluations réalisées par des cabinets privés mettant en regard
coûts et retombées économiques et soulignant la rationalité économique de la candidature. Ces
études permettent aux décideurs publics de faire reposer leur volonté d’organisation des Jeux
Olympiques sur des éléments chiffrés et sur la promesse de bénéfices pour l’ensemble des acteurs
économiques de la ville d’accueil.

Cependant, une fois passées l’euphorie de la candidature, les performances sportives et l’exaltation
collective issue des cérémonies, il convient de reconnaître avec le recul nécessaire que les bénéfices
attendus de ces événements ne sont que rarement atteints et les budgets initiaux systématiquement
dépassés. Malheureusement, ces études menées a posteriori, dites ex-post en opposition aux études
ex-ante réalisées avant le déroulement des Jeux, comparant les coûts et les bénéfices anticipés à
ceux réellement réalisés sont rares, les décideurs ayant souvent peu intérêt à lancer des études aux
conclusions, bien souvent, peu avantageuses1. Face à ce manque de recul, les études académiques
sur le sujet fournissent un éclairage pertinent par leur rigueur et approche rétrospective.

Sur base des études d’impact ex-post existantes, issues de la recherche académique, nous passons en
revue différents aspects économiques liés à l’organisation des Jeux Olympiques dans l’hypothèse
d’une candidature de la ville de Paris. Nous nous appuyons pour cela également sur les études liées à
l’organisation d’autres événements majeurs d‘ampleur internationale, aussi appelé « méga
évènements », comme les coupes du monde de football et les expositions universelles. Tous ont en
commun la nécessité d’infrastructures d’accueil substantielles permettant de recevoir un afflux
ponctuel de visiteurs massif. Cette revue des effets économiques commence par une évaluation des
coûts observés pour les événements passés et met en évidence les dépassements des coûts liés à
leur organisation. Nous analysons ensuite les causes de ces dépassements, qui s’avèrent être liés aux
divergences d’intérêts des différentes parties prenantes du processus de candidature, puis nous
étudions les retombées économiques de ces événements en termes d’activité locale, de tourisme et
de commerce international.

1 Andreff, W. (2012). Pourquoi le coût des Jeux Olympiques est-il toujours sous-estimé? La «malédiction du vainqueur de l’enchère»
(winners’s curse). Papeles de Europa, (25), 3-26.

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1     Coûts des JO

1.1 Dépassement de coûts lors des JO
Organiser des JO requiert un effort financier important de la part de la collectivité et ce coût élevé
concentre souvent les réticences des opposants à une candidature2. Ces réticences sont d’autant plus
justifiées que tous les Jeux Olympiques depuis 1968, date à laquelle nous disposons de données
fiables, ont affiché des dépassements substantiels des coûts anticipés lors de la candidature3. Les
graphiques suivant présentent les coûts anticipés et réels des infrastructures sportives des JO
respectivement d’été et hiver4. Les dépassements s’élèvent en moyenne à 179 % (pour les
investissements et dépenses liés aux compétitions sportives), soit une valeur bien supérieure à celles
d’autres mégaprojets publics ferroviaires ou routiers (avec des dépassements en moyenne inférieurs
à 50%)5.

2 La tribune de Chantal Jouanno et Laurent Lafon sur le site Atlantico en est un exemple récent dans le cas de Paris, accessible à l’adresse
http://www.atlantico.fr/decryptage/candidature-paris-aux-jo-2024-idee-dangereuse-francois-hollande-laurent-lafon-chantal-jouanno-
1905533.html.
3 Flyvbjerg et Stewart (2012) Olympic proportions - cost and costs overrun at the Olympics 1960-2012. SBS – University of Oxford.
4 Source : Microeconomix sur base de données de Flyvbjerg et Stewart 2012.
5 Flyvbjerg et Stewart (2012).

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Ainsi lors de la dernière édition des JO d’été à Londres, les coûts anticipés de 7,4 milliards d’euros ont
été in fine de 14,8 milliards, soit le double de l’estimation initiale. La dernière fois que les JO ont été
organisés en France lors des JO d’hiver d’Albertville en 1992, les coûts anticipés ont été dépassés de
135 %6. L’édition précédente en France, avec les Jeux de Grenoble de 1968, n’a pas été plus
vertueuse, avec un dépassement de 200 %. Les Jeux de Montréal en 1976 détiennent un record
toujours inégalé avec une enveloppe budgétaire 9 fois plus élevée qu’initialement prévue. L’histoire
des JO passés, si elle continue à se répéter comme elle le fait depuis 1968, révèle ainsi que
l’estimation des coûts de l’organisation des JO au moment de la candidature sous-estime à coup sûr
les coûts qui seront finalement supportés par la collectivité. La candidature de Paris, si elle a bien
lieu, ne devrait pas faire exception à cette règle.

Ces efforts financiers conséquents imposent la plupart du temps de mobiliser bien au-delà de la
seule ville organisatrice. Ainsi la région mais aussi l’Etat viennent généralement apporter leur
contribution à l’organisation quand bien même les bénéfices restent en grande partie concentrés au
sein de la ville d’accueil. Cela pose la question de la pertinence de transferts de l’ensemble du pays
vers une ville majeure qui profite généralement d’un développement économique déjà plus avancé
que le reste du pays. Est-il opportun de renforcer économiquement la capitale, relativement à la
province, par les investissements liés aux JO, dans le contexte d’une économie nationale déjà très
centrée sur Paris ?

À cet égard, la proposition récente du comité olympique international visant à permettre à plusieurs
villes de s’unir pour l’organisation de JO est bienvenue. Elle permet d’élargir la base des localités
supportant les dépenses et possiblement de diminuer le poids imposés aux autres acteurs
économiques.

L’organisation de JO nécessite des ressources considérables, qui sauf exceptions, impose de recourir
à l’endettement pour financer les investissements et les dépenses. Bien qu’il soit envisagé d’exploiter
au maximum les infrastructures sportives existantes, l’organisation de JO à Paris imposerait un coût
élevé. Pour mémoire, les candidatures de Paris et Londres en 2005 en vue des JO de 2012 affichaient
des budgets initiaux similaires7. Les bilans financiers de l’Ile de France et du pays devraient supporter

6 Ces estimations corrigent pour l’inflation entre le moment de l’estimation et celui des dépenses. Il représente donc une hausse de coûts
hors inflation.
7 Voir Report of the IOC Evaluation Commission for the Games of the XXX Olympiad in 2012, accessible à l’adresse

http://www.olympic.org/Documents/Host_city_elections/2012_OG-Report_of_the_Evaluation_Commission.pdf.

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une part considérable de ce montant dans un contexte économique où l’endettement est déjà
important et peu souhaité. Par ailleurs, l’État français serait le garant en cas de déficit de
financement des JO de Paris, comme c’est traditionnellement le cas dans les dossiers de candidature.

1.2 Des dépassements de coûts inévitables, mais explicables

Comment expliquer que les coûts avancés lors des candidatures soient systématiquement et
massivement dépassés8 ? Une première raison pourrait tenir à l’incertitude inhérente aux dépenses
et investissements nécessaires plusieurs années avant le déroulement de l’événement. Cependant
cette seule incertitude ne semble pas, d’après différentes études, pouvoir expliquer à elle seule une
telle série de dépassements. Il apparaît en revanche que la divergence d’intérêts des acteurs
impliqués dans les candidatures et l’approche suivie par le CIO soient à la source des dépassements
structurels. Plusieurs économistes ont eu recours au mécanisme9 appelé la « malédiction du
vainqueur » (communément désigné en anglais par l’expression « the winner’s curse ») qui
caractérise communément le déroulement d’enchères. Lors d’une enchère portant sur un bien dont
la valeur n’est pas connue avec précision, cette incertitude peut entraîner le vainqueur à payer le
bien au-delà de sa valeur réelle. En effet, l’enchère étant remporté par le participant proposant la
somme la plus élevée, il y a une forte probabilité qu’il ait surestimé cette valeur réelle. Dans le cas
des JO, ceci se traduit par le vainqueur proposant le projet le plus ambitieux mais en sous-estimant
les coûts réels et en surestimant les recettes.

Ce mécanisme est renforcé dans le cas des JO par les incitations propres aux différents acteurs lors
de la candidature. Le CIO et les villes candidates ne partagent pas les mêmes objectifs lors du
processus de candidature. Le premier a pour objectif de choisir une ville d’accueil qui offre la
meilleure qualité d’organisation, d’accueil et d’image pour le déroulement des JO, tout en s’assurant
de sa faisabilité. Il ne supporte pas le coût financier de l’organisation et n’a donc pas une incitation
particulière à s’assurer de la solidité des estimations de budget, au-delà de la seule faisabilité pour la
ville organisatrice afin d’éviter un échec flagrant d’organisation. Les villes candidates sont
généralement représentées par leurs élus locaux et nationaux au moment de la candidature. Ceux-ci
ont pour objectif de maximiser les chances d’obtenir les JO pour profiter de retombées électorales et
d’image, pour montrer leur capacité à mener à bien un projet de dimension internationale, à
promouvoir les intérêts nationaux10 et d’autres intérêts particuliers. Les décideurs publiques ont ainsi
des incitations à afficher des retombées économiques considérables, même si irréalistes, en
minimisant les coûts pour renforcer le soutien public du projet. Pour leur intérêt personnel, ils ont
tendance à survaloriser le projet. Cette tendance est renforcée par le fait que les retombées
économiques réelles de l’organisation des JO se font dans un horizon assez lointain, tandis que les
gains en termes d’image se concentrent en partie lors du processus de candidature. Les autres
candidats suivant les mêmes logiques, on aboutit à une surenchère d’infrastructures sportives et
d’accueil.

Suivant les critères retenus par le CIO, plus la ville candidate propose un projet ambitieux en
s’engageant sur des promesses de qualité d’accueil, plus sa probabilité de remporter les jeux est
élevée. Cette logique aboutit à ce que les décideurs publics les plus désireux d’accueillir les jeux
fassent monter les enchères en proposant des infrastructures ambitieuses tout en justifiant cette
ambition par un coût modéré et des retombées économiques irréalistes. Tous les ingrédients de la

8 Voir Flyvbjerg et Stewart (2012).
9  Voir Andreff (2012) et Bouvet, P. (2013). Les «retombées» des évènements sportifs sont-elles celles que l’on croit ? Revue de la
régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs, (13).
10 Ainsi Tony Blair, alors premier ministre du Royaume-Uni, se rendit de manière inattendue à Singapour en 2005 la veille du choix du CIO

entre Paris, alors donnée favorite, et Londres pour l’organisation des JO d’été 2012. La presse britannique salua de manière unanime
l’implication personnelle de Tony Blair dans les dernières heures du processus de candidature, tandis que la presse française déplorait le
manque de savoir-faire de Paris.

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malédiction du vainqueur sont réunis : le vainqueur aura probablement surévalué les bénéfices liés à
l’organisation des JO et les personnalités portant les candidatures ont tout intérêt à abonder dans le
sens de cette surévaluation. Le cas de Londres constitue une bonne illustration de ce mécanisme.
L’estimation budgétaire présentée lors de la candidature sous-évaluait largement les coûts de
manière grossière puisqu’elle n’incluait pas par exemple l’organisation des Jeux paralympiques et
avait calculé la TVA à un taux inférieur à la réalité.

Dans ces conditions, on ne saurait s’étonner du décalage observé entre prévisions budgétaires et
réalité économique puisqu’il trouve ses racines dans le processus même d’attribution des JO. Les JO
de Los Angeles offrent un contre-exemple intéressant des conséquences du processus d’enchères.
Los Angeles était la seule ville candidate aux JO de 1984. Ces JO ont dégagé des bénéfices
substantiels : en l’absence de concurrents, la ville a pu éviter la surenchère.

Les villes candidates commencent à intégrer l’existence de la malédiction du vainqueur. Ainsi les
villes de Lviv, Oslo, Stockholm et Cracovie ont toutes décidé de retirer leurs candidatures aux JO
d’hiver de 2022, laissant seules Pékin et Almaty (Kazakhstan) en lice. Le directeur de la
communication du projet Oslo2022 a reconnu que les bénéfices liés à l’organisation des JO, bien
qu’existants, ne suffisaient pas à justifier des coûts déjà révisés à la hausse depuis la décision de
candidater. Stockholm a aussi jugé qu’elle ne disposait pas d’assez de temps pour apprécier le
réalisme des coûts estimés.

2    Retombées économiques
Pour être pertinente, une décision de candidature aux JO doit être pensée en termes de coût
d’opportunité. Chaque euro investit dans une candidature puis dans l’organisation des JO pourrait-il
être investi dans un autre projet dont les retombées économiques seraient supérieures ? En d’autres
termes, le retour sur investissement des JO est-il suffisant pour justifier un effort financier important
dans un contexte économique d’endettement et de volonté politique de réduction de la dette
nationale ? Pour répondre à cette question, il convient de se pencher sur les bénéfices attendus de
ce type d’événements.

Les candidatures aux JO mettent en avant les multiples retombées économiques pour justifier leur
coût financier. Il est malheureusement rarement vérifié si ces promesses mirobolantes se
concrétisent. En effet les organisateurs n’ont pas vraiment intérêt à réaliser des études dont les
résultats pourraient souligner leur manque de réalisme économique lors de la candidature. En outre,
les retombées économiques ne peuvent par définition être mesurées que dans le long terme et après
l’organisation des JO, alors que l’attention accordée au JO s’arrête à la cérémonie de clôture.

S’il est indéniable que les JO permettent la réalisation d’infrastructures de transport ou sportives,
leur reconversion après les JO est parfois délicate. Ainsi le « nid d’oiseau » à Pékin peine à remplir ses
91 000 places et ne parvient pas à couvrir ses coûts d’entretien. On pourrait de même citer la piste
de Bobsleigh de la Plagne des JO d’Albertville, dont les coûts ont été près de 4 fois plus élevés que
l’enveloppe budgétaire initiale, ou encore le tremplin de saut à ski de Saint-Nizier-du-Moucherotte
construit pour les JO de Grenoble en 1968, aujourd’hui à l’abandon, ou les sites olympiques
abandonnés en Grèce après les JO de 2004.

Il est par ailleurs souvent délicat d’attribuer la création d’infrastructure de transport aux seuls JO. S’il
existe un besoin réel de ces infrastructures, il est probable que les investissements seront de toute
façon réalisés, que les JO aient lieu ou pas.

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2.1 Activité locale
Un autre type de retombées concerne l’activité économique locale, l’emploi et les salaires. Les
études académiques menées sur le sujet soulignent cependant que les effets sont généralement au
mieux faibles et parfois inexistants, voire négatifs. Une étude portant sur les jeux de Salt Lake City a
ainsi démontré que les JO avaient entraîné un regain d’activité pour les hôtels et les restaurants mais
avaient affecté négativement les autres types de commerces. Au total, les pertes ne suffisaient pas à
compenser les gains. Ce type de conclusions se retrouve dans de nombreuses études, synthétisées
dans le tableau en annexe.

Il apparaît ainsi que les retombées au niveau de l’emploi et de l’activité au niveau locale sont au
mieux incertaines, au pire négatives.

2.2 Tourisme
Le secteur du tourisme pourrait directement bénéficier de l’organisation des JO en profitant de
l’effet de vitrine offert à la ville ainsi que de l’afflux d’amateurs de sports. En pratique, les quelques
estimations fiables démontrent que cet effet est limité, notamment du fait de l’éviction du tourisme
« traditionnel » par le tourisme sportif. Les touristes attirés par les JO se substituent aux autres
personnes décidant de ne pas se rendre dans la ville pour cause de JO. Ceci est d’autant plus le cas
dans les villes touristiques comme Paris ou Londres. Cette dernière avait subi une baisse du nombre
de touristes durant les JO de 2012. Ces phénomènes d’éviction modifient aussi le type de tourisme :
le centre de Londres a ainsi été victime d’une baisse d’activité durant les JO, si bien que les gains
générés autour des sites olympiques n’ont pas compensé les pertes provenant des autres sites
touristiques.

2.3 Commerce international
L’organisation de Jeux Olympiques constitue pour beaucoup une vitrine nationale renforçant
l’attractivité du pays accueil et celle de ses produits. Une étude réalisée par deux économistes
renommés a démontré, à leur grande surprise, que la tenue de JO semblait avoir un impact positif
sur les exportations11. Ce type de méga-événement pourrait ainsi profiter aux entreprises
exportatrices en mettant en avant leur pays d’origine. Cependant la même étude établit que cet effet
ne concerne pas uniquement le pays organisateur mais aussi les pays candidats qui n’ont pas été
sélectionné par le CIO. Les auteurs de l’étude attribuent ce phénomène au fait que les pays candidats
signalent au reste du monde leur positionnement parmi les nations disposant des capacités
économiques pour organiser des JO. Or ce positionnement va de pair avec une libéralisation des
échanges et donc une hausse des exportations. Ainsi, Pékin a remporté la candidature des JO de
2008 en 2001, deux mois avant de conclure les négociations avec l’OMC. Rome obtint l’organisation
des JO de 1960 en 1955, deux ans avant de signer le Traité de Rome qui créa la Communauté
Economique Européenne. Les JO de Tokyo en 1964 coïncidèrent avec son entrée au FMI et à l’OCDE.
Barcelone remporta la candidature des JO de 1992 en 1986, année durant laquelle l’Espagne rejoignit
la Communauté Economique Européenne.

Ce n’est donc pas l’organisation des JO qui promeut le commerce international au travers d’une
activité économique renforcée ou grâce à un investissement dans des infrastructures au
développement économique du pays mais la libéralisation économique qui va souvent de pair avec
une candidature aux JO, qu’elle soit retenue ou pas.

11   Rose, A. K., & Spiegel, M. M. (2011). The Olympic Effect. The Economic Journal, 121(553), 652-677.

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Conclusion

Quelle conclusion tirer des enseignements des JO passés ? D’un point de vue du bilan économique, il
apparaît qu’il est généralement négatif. Les impacts en termes d’activité économique sont incertains
tandis que les coûts sont élevés et dépassent de loin les estimations initiales présentés lors des
candidatures. Le secteur du tourisme lui-même ne devrait pas particulièrement bénéficier des JO,
surtout pour une ville comme Paris se situant déjà dans les trois villes les plus touristiques au monde
avec Londres et Bangkok, tandis que la France reste le pays accueillant le plus de touristes.
Historiquement, les éventuels bénéfices sont généralement inférieurs aux coûts consentis pour
accueillir les JO, notamment du fait d’une surenchère destinées à s’assurer la victoire lors du
processus de sélection par le CIO.

Ce processus pour les JO de 2024 ne devrait pas faire exception tant les risques de surenchère
semblent réels. En effet, la malédiction du vainqueur a moins de chance de se produire lorsque la
concurrence entre ville candidates est faible, par exemple si une seule candidature possède
effectivement les moyens d’organiser des JO. Pour ceux de 2024, la compétition s’annonce au
contraire importante. En plus d’une hypothétique candidature de Paris, Rome et Boston ont déjà
annoncé leur candidature.

D’après ces résultats, une candidature de Paris aux JO de 2024 est-elle opportune ? D’un point de
vue strictement économique, cela paraît douteux. Un argument mis en avant concernera
probablement la réalisation d’infrastructures notamment de transport dans l’agglomération
parisienne. Cependant, si la ville, la région et l’Etat sont prêts à investir dans ces infrastructures alors
il est difficile de voir pourquoi les dépenses additionnelles liées aux JO devraient être faites, d’autant
que les recettes additionnelles sont incertaines. Le projet d’infrastructure du « Grand Paris » en
fournit l’illustration. On ne saurait donc imputer aux JO le bénéfice d’investissements qui ne
dépendent pas du succès de la candidature.

Une candidature honnête devrait reconnaître que les gains économiques à attendre de l’organisation
des JO sont faibles, voire nuls, et qu’il convient de limiter une éventuelle surenchère des projets pour
éviter de faire peser sur les dépenses publiques un investissement trop lourd et aux retombées
incertaines. Elle devrait aussi reconnaître que, si les gains économiques ne suffisent pas à justifier
l’organisation de JO, il est nécessaire de se pencher sur d’autres impacts : bénéfice social, bien-être
collectif, fierté nationale, etc., autant d’éléments intangibles, bien plus subjectifs, qu’il ne s’agit pas
de négliger pour autant.

La question n’est ainsi plus véritablement d’ordre économique mais politique : combien une ville et
un pays sont-ils prêt à payer pour s’assurer ces bénéfices non-économiques ? Au-delà de quel budget
juge-t-on que l’investissement requis pour des JO dépasse ces bénéfices sociaux, et qu’il serait
préférable de retirer sa candidature ? L’impact économique des JO ne peut, peut-être
malheureusement, pas justifier leur organisation. Recentrons donc le débat sur la qualité des
estimations budgétaires, comme Oslo et Stockholm ont pu le faire, sur la prévention de la surenchère
et sur le consentement des citoyens à payer pour des événements aux retombées économiques
inexistantes.

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Annexe
                            Tableau 1.    Synthèse des principales études d’impact académiques

                   Source                         Événement        Variables étudiées          Impacts économiques

  Baade, Baumann et Matheson, V. (2005)
                                                                    Recettes fiscales
    Selling the big game: Estimating the                                                 Négatif sur l’activité et pertes de
                                                  Multiples JO      (données locales
 economic impact of mega-events through                                                  recettes fiscales sur l’événement.
                                                                      mensuelles)
                taxable sales.
                                                                       Croissance
                                                  Multiples JO                           Absence d’effets de long terme sur
 Billings et Holladay (2010) Should cities go                        économique et
                                                  (de 1950 à                                 l’activité et l’ouverture au
                 for the Gold?                                        ouverture au
                                                    2005)                                             commerce.
                                                                       commerce
Jasmand et Maennig 2007 Regional Income          JO de Munich                             Pas d’effet sur l’emploi, mais un
                                                                   Emploi et revenus
and Employment Effects of the Munich OG            (été 1972)                               effet positif sur les revenus.
                                                                                           Croissance de l’emploi à court
 Baade et Matheson (2002) Bidding for the         JO d’Atlanta
                                                                         Emploi          terme, mais perte d’emplois sur le
          Olympics: Fools Gold.                    (été 1996)
                                                                                                     long terme
Hotchkiss, Moore et Zobay (2003) Impact of
                                                                                           Création d’emplois sur le long
     the 1996 Summer Olympic Games on             JO d’Atlanta
                                                                    Emploi et salaires   terme, mais absence d’impact sur
employment and wages in Georgia. Southern          (été 1996)
                                                                                                    les salaires
          Economic Journal, 691-704.
   Feddersen, Arne et Wolfgang Maennig
(2009) Wage and employment effects of the
                                                  JO d’Atlanta                           Absence d’effet sur l’emploi et les
        Olympic Games in Atlanta 1996                               Emploi et salaires
                                                   (été 1996)                                        salaires.
    reconsidered. Hamburg contemporary
         economic discussions. No. 25.
Feddersen, A., & Maennig, W. (2013). Mega‐
                                                                    Emploi sectoriel
 Events and Sectoral Employment: The Case         JO d’Atlanta                           Création d’emploi dans l’hôtellerie,
                                                                      (données
 of the 1996 Olympic Games. Contemporary           (été 1996)                               pas dans les autres secteurs.
                                                                     mensuelles)
       Economic Policy, 31(3), 580-603.
                                                                                             Gain de recettes fiscales dans
   Baade, Baumann et Matheson, (2008)
                                                   JO de Salt       Recettes fiscales      l’hôtellerie mais pertes pour les
  Slippery Slope? Assessing the Economic
                                                    Lake City        par secteur et        autres secteurs, impliquant des
 Impact of the 2002 Winter Olympic Games
                                                  (hiver 2002)          activité          pertes nettes pour l’ensemble de
           in Salt Lake City, Utah.
                                                                                                      l’économie.
Lybbert et Thilmany (2000) Migration effects
                                                 JO de Salt lake                            Création d’emploi avec des
of Olympic siting: A pooled time series cross-
                                                   City (hiver     Emploi et migration    migrations vers la ville d’accueil.
sectional analysis of host regions. The Annals
                                                     2002)                                Mais pas d’effet sur les salaires.
     of Regional Science, 34(3), 405-420.

                                                                                                                Page|8
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