À qui appartient la nature? - Pouvoir des grandes sociétés et ultime frontière de la marchandisation du vivant - ETC Group
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112008 À qui appartient la nature? Pouvoir des grandes sociétés et ultime frontière de la marchandisation du vivant Novembre 2008
Numéro 100 Communiqué Novembre 2008 Numéro 100 À qui appartient la nature? Pouvoir des grandes sociétés et ultime frontière de la marchandisation du vivant ETC Group www.etcgroup.org Novembre 2008 Conception de Wordsmith Services et yellowDog : creative Illustrations de Stig
Table des matières Problèmes, obsessions et occasions : une préface 3 À qui appartient la nature? 4 Graphique : Répartition du marché mondial entre les 10 grands, selon le secteur 4 Le contexte 5 Tableau : Valeur des fusions et acquisitions dans le monde 7 Section 1 : Industrie des intrants agricoles : semences, produits agrochimiques, engrais 11 Industrie des semences 11 Les 10 grands de l’industrie mondiale des semences 11 Tableau : Marché mondial des semences commerciales 11 Tableau : Répartition du marché mondial des semences exclusives entre les 10 grands 12 Tableau : Marché mondial des semences exclusives, 2007 12 Industrie agrochimique 15 Les 10 grands de l’industrie mondiale des pesticides 15 Tableau : Marché agrochimique mondial – Ventes en 2007 15 Industrie des engrais 17 Les 10 grands de l’industrie mondiale des engrais 17 Tableau : Vue d’ensemble de la chaîne alimentaire industrielle 18 Section 2 : Industrie des extrants alimentaires : breuvages et produits alimentaires, détaillants en alimentation 21 Industrie des breuvages et produits alimentaires 21 Les 10 grands de l’industrie mondiale des breuvages et produits alimentaires 21 Industrie des détaillants en alimentation 22 Les 10 grands de l’industrie mondiale du détail en alimentation 22 Tableau : Détaillants en alimentation dans le monde : les 10 grands totalisent 40 % des ventes de produits alimentaires des 100 principaux détaillants 22 Tableau : Industrie des breuvages et produits alimentaires : les 10 grands totalisent 35 % des ventes d’aliments pré-emballés des 100 principaux détaillants 23 Caricature de Tom Toles 23 Section 3 : Industrie des médicaments et de la santé : géants pharmaceutiques, biotech, produits pharmaceutiques vétérinaires, bio-informatique 25 Vue d’ensemble de l’industrie des médicaments et de la santé 25 Industrie pharmaceutique 25 Les 10 grands de l’industrie pharmaceutique mondiale 25 Tableau : Part du marché des 100 grands répartie entre les 10 géants 26 Caricature de Paul Noth 27 Industrie de la biotechnologie 28 Les 10 grands de la biotechnologie cotés en Bourse 28 Les 10 médicaments vedettes de la biotech en 2007 29 Industrie des produits pharmaceutiques vétérinaires 30 Les 10 grands de l’industrie mondiale des produits pharmaceutiques vétérinaires 30 Industrie de la bio-informatique 31 Les grands de la génération de données génétiques 32 Les grands du matériel et des logiciels informatiques, du traitement, du stockage et de l’analyse des données génétiques 33 Section 4 : Génie génétique extrême et économie du sucre à l’ère postpétrolière : feu de paille ou écran de fumée? 35 Caricature de Stig 38 Acteurs et partenaires d’affaires en biologie synthétique 40 La convergence des technologies cristallise le pouvoir des grandes sociétés 41 Principales entreprises de synthèse commerciale des gènes 42 Raffinage du pétrole : les 10 grands 42 Industrie chimique : les 10 grands 42 Foresterie, papier et emballage : les 10 grands 43 Transformation/négoce des oléagineux, céréales et sucres : les 11 grands 43 Conclusion 45 L’économie mondiale : qui détient le pouvoir 48
Problèmes, obsessions et occasions : une préface TIl y a trente ans, l’humanité avait un les gènes. Les normes de protection nano – y compris la possibilité de créer problème; la science avait une obses- des consommateurs, fruits d’un siècle de nouvelles formes de vie à partir sion; et l’industrie tenait une occasion. de luttes acharnées, devaient laisser des éléments de base. L’industrie tient Notre problème était l’injustice. Les passer les aliments et médicaments l’occasion de s’emparer des trois quarts rangs des affamés ne cessaient de génétiquement modifiés. L’industrie a de la biomasse mondiale non encore grossir et les rangs des agriculteurs, obtenu ce qu’elle voulait. Il y a trente intégrée à l’économie du marché de s’affaiblir. De son côté, la science ans, des milliers de semencières et mondial (même si elle est déjà utile et était obsédée par la biotechnologie – la d’organismes publics s’occupaient de la utilisée). Grâce aux nouvelles technolo- possibilité de modifier génétiquement sélection des végétaux. De nos jours, gies, l’industrie croit que tout produit les cultures et le bétail (et l’être humain) dix grandes sociétés contrôlent plus chimique à base de carbone tiré des pour les doter de traits qui allaient des deux tiers des ventes mondiales de combustibles fossiles peut être fabriqué régler tous nos problèmes. L’industrie semences exclusives. Des douzaines à partir du carbone végétal. Les algues agroalimentaire tenait l’occasion de de fabricants de pesticides existaient il de l’océan, les arbres de l’Amazonie prélever l’énorme valeur ajoutée tout y a trente ans, alors qu’aujourd’hui, dix et les graminées des savanes peuvent au long de la chaîne alimentaire. Le fabricants réalisent près de 90 % des fournir les matières brutes (censément) système alimentaire décentralisé à ventes de produits agrochimiques dans renouvelables qui permettront de nourrir l’extrême offrait des occasions de profit le monde. Il y avait près d’un millier les gens, faire rouler les voitures, fabri- qui ne demandaient qu’à être centrali- de biotech en démarrage il y a quinze quer des bidules et guérir les maladies, sées. Il suffisait de convaincre l’État que ans et aujourd’hui, dix sociétés empo- en plus de contrer le réchauffement de la révolution génétique de la biotech chent les trois quarts des revenus de la planète. Pour que l’industrie puisse pouvait régler la faim dans le monde l’industrie. Et six grands de l’industrie sans nuire à l’environnement. La bio- des semences sont aussi six grands Les nouvelles technologies technologie était bien trop risquée pour de l’industrie des pesticides et de la n’ont pas besoin de prouver être confiée à la petite entreprise et biotech. En trente ans, une poignée de bien trop chère pour la recherche pub- grandes sociétés a acquis le contrôle leur utilité sociale ou leur lique! Pour que le monde puisse profiter du quart de la biomasse mondiale (cul- supériorité technique pour des bienfaits de cette technologie, les tures, bétail, pêcheries, etc.) intégrée être lucratives. sélectionneurs publics devaient ces- chaque année dans l’économie du ser de concurrencer les sélectionneurs marché mondial. réaliser cette vision, il faut que l’État privés et les autorités réglementaires De nos jours, l’humanité a un prob- soit convaincu que cette technologie devaient fermer les yeux quand les gros lème; la science a une obsession; et dépasse ses moyens financiers. Il faut fabricants de pesticides achetaient des l’industrie tient une occasion. Notre que les concurrents soient convaincus semencières qui, à leur tour, achetaient problème est la faim et l’injustice dans qu’elle est trop risquée. Et il faut abolir d’autres semencières. L’État devait un monde frappé par les bouleverse- la réglementation et approuver les bre- ensuite protéger l’investissement de ments climatiques. La science est vets de monopole. l’industrie en accordant des brevets obsédée par la convergence à l’échelle d’abord sur les végétaux, puis sur Pas plus que la biotechnologie, les nouvelles technologies n’ont besoin de prouver leur utilité sociale ou leur Les gros chiffres : combien de zéros? supériorité technique (elles n’ont pas Dans ce rapport, voici le système d’unités numériques utilisé par ETC Group besoin de fonctionner) pour être lucra- Un million = 1 000 000 = 1 million tives. Il faut seulement qu’elles chas- sent la concurrence et forcent l’État à Un milliard = 1 000 000 000 = 1000 millions céder le contrôle. Une fois le marché Un billion = 1 000 000 000 000 = 1 000 000 millions monopolisé, les véritables résultats de 20 billions $ équivalent à 20 000 milliards $, qui équivalent à 20 000 000 mil- la technologie n’ont plus la moindre lions $, ou 20 000 000 000 000 $ importance.
À qui appartient la nature? Dans ce 100e numéro du Communiqué d’ETC, nous faisons une mise à jour de Oligopoly, Inc. – notre série sur la concentration des entreprises dans l’industrie du vivant. Nous analysons aussi les efforts réalisés depuis trente ans par l’industrie agroalimentaire en vue de monopoliser les 24 % de la nature qui ont été marchandisés, et exposons la nouvelle stratégie en vue de s’approprier les trois quarts restants qui ont échappé jusqu’ici à l’économie de marché. Répartition du marché mondial entre les 10 grands, selon le secteur p harmac ts eu i P ro d u t iques ie d es se r e ag och tr m ri im t s 55 % du marché en Indus Indu iq u e ces oduits a pr l t im 67 % du marché des 89 % du marché uvages e e semences exclusives ntaires dét ail en e chnolo e a ot Br u on gi ra i ed li Bi nsformat T e me u s t ri ntation 26 % du marché In d eutiqu ac e 40 % des ventes m 66 % du marché sv uits phar des 100 grands étérinair od es Pr Source: ETC Group 63 % du marché
Le contexte Le 100e numéro du Communiqué Au milieu d’une crise alimentaire, de la technologie comme solution sans d’ETC Group actualise l’information l’effondrement des écosystèmes et douleur au réchauffement de la planète, relative à la concentration des entre- des bouleversements climatiques, les les projets radicaux de la géo-ingénierie prises dans l’industrie des sciences du institutions internationales, l’État et deviennent tout à fait rationnels (créer vivant. Cela fait trente ans que nous les grandes sociétés présentent une d’immenses fermes de phytoplancton surveillons la progression du pouvoir fois encore les nouvelles technologies qui fermente à la surface des mers pour des grandes sociétés dans l’industrie comme une panacée capable de stim- absorber (censément) le CO2, ou faire de l’alimentation, l’agriculture et la uler la production alimentaire et sauver sauter des particules de sulfate dans santé. Il y a dix ans, ETC Group s’est la planète. Le recours à un remède la stratosphère pour voiler le soleil et penché sur le contrôle et la propriété technologique pour stimuler le dével- abaisser les températures, etc.). des biotech. La biotech d’aujourd’hui oppement agricole n’a rien de neuf, est du génie génétique extrême. La Prônées sous le prétexte d’éliminer mais cette fois, l’État cède la place aux convergence technologique est en train la faim dans le monde, accroître la grandes sociétés et les invite à se po- de redéfinir les sciences du vivant. La production et stopper les changements sitionner comme des acteurs clés dans biotechnologie est maintenant indis- climatiques, les technologies qui ren- la lutte contre la faim et la pauvreté. sociable de la nanotechnologie et de la forcent le pouvoir des grandes sociétés Plutôt que de contester ou modifier les biologie synthétique. Toutes les biosci- ont pour effet d’aggraver les inégalités structures qui engendrent la pauvreté ences se nourrissent des technologies existantes, accélérer la dégradation de et creusent les inégalités, l’État travaille de l’information ou de la bio-informa- l’environnement et engendrer de nou- de concert avec les grandes sociétés à tique – l’analyse informatisée de maté- veaux risques sociétaux. renforcer les institutions et les politiques …Il est impossible de à l’origine même de la crise alimen- Tout s’effondre : Pour les millions de taire agro-industrielle qui nous frappe personnes qui consacrent 60 à 80 % de comprendre le pouvoir des d’aujourd’hui. leur revenu à la nourriture, la hausse grandes sociétés sans aborder vertigineuse du coût des aliments et La concentration dans l’industrie du le concept de convergence combustibles entre 2006 et 2008 a un vivant a permis à une poignée de puis- impact « sans précédent par son am- – la convergence des santes entreprises de s’accaparer le pleur et sa brutalité » 1 En 2006-2007, technologies et celle du programme de recherche, dicter les le nombre de personnes qui vivent accords commerciaux et les politiques capital. agricoles à l’échelle nationale et in- dans l’insécurité alimentaire est passé de 849 à 982 millions. Dans son évalu- riaux biologiques. Il est donc impossible ternationale, et imposer les nouvelles ation de juillet 2008, le département de comprendre le pouvoir des grandes technologies comme solution scien- de l’Agriculture des É.-U. prédit que le sociétés sans aborder le concept de tifique capable d’accroître le rende- nombre de personnes qui souffrent de convergence – la convergence des ment des récoltes, nourrir les affamés la faim dans 70 pays du Sud atteindra technologies et celle du capital. La et sauver la planète. Les géants de 1,2 milliard d’ici 2017.2 Autrement dit, convergence est à l’origine d’alliances l’industrie génétique nous disent que loin d’être réduits de moitié d’ici 2015 nouvelles et sans précédent entre tous si l’agriculture est menacée par les (un engagement réitéré des États), les les secteurs industriels. Elle prépare rigueurs climatiques, il faut des gènes rangs des affamés vont augmenter de un virage spectaculaire de l’économie adaptés au climat (et brevetés!) afin que 50 %. La facture des importations ali- mondiale vers ce que d’aucuns quali- les cultures ainsi modifiées puissent mentaires de 82 pays pauvres (les pays fient d’économie du sucre ou économie résister à la sécheresse, à la chaleur et à faible revenu et à déficit alimentaire) des glucides. Approvisionnées par aux sols salins. Quand on étudie la faim devrait atteindre 169 milliards $US en des sucres végétaux, les plateformes dans l’optique étroite des sciences et de 2008, 40 % de plus qu’en 2007.3 (Pré- de fabrication biologique donneront à la technologie, les aliments génétique- cisons que les pays réunis au Sommet l’industrie le prétexte dont elle a besoin ment modifiés sont le remède préconisé alimentaire de la FAO en juin 2008 se pour s’emparer de ce qui reste de la par l’industrie. Quand on considère le sont engagés à verser seulement 12,3 biomasse végétale de la planète et la pic pétrolier comme un défi technique, milliards $ pour aider les pays du Sud marchandiser à une échelle colossale. les agrocombustibles industriels sont – et que la plus grande partie de cet la solution évidente. Quand on prône
argent s’est déjà envolée pour renflouer Dans la seconde moitié de 2008, les production alimentaire, le système ali- les grandes sociétés.) marchés financiers mondiaux implosent mentaire agro-industriel ne parviendra et les manchettes délaissent la crise pas à nourrir les affamés. Parce que Selon Planet Retail, les dépenses alimentaire pour s’occuper de la crise la cause de la faim et de la pauvreté, mondiales en alimentation ont atteint financière. Il y a des similitudes frap- c’est l’iniquité des systèmes – pas la 7 billions $ en 2007 et grimpé de 14 pantes entre la dégringolade des rareté des aliments ni l’insuffisance des % pour atteindre 8 billions $ en 2008. marchés et la crise alimentaire. technologies. Les dépenses mondiales en alimenta- tion devraient s’élever à 8,5 billions $ ► Le système financier et le système Les produits alimentaires en 2009 – une hausse prévue de 12 % alimentaire ont tous deux souffert des entre 2007 et 2009.4 dizaines d’années de déréglementation. malsains et dangereux et les La crise alimentaire n’est pas apparue La différence, c’est que les banques désastres environnementaux en faillite obtiennent toute l’attention connexes sont le rappel du jour au lendemain et elle n’a pas de la classe politique, contrairement commencé par une hausse record constant d’une chaîne aux queues qui s’allongent devant les des prix. Cela fait des décennies que banques alimentaires. alimentaire industrielle en les politiques de l’Europe et des É.-U. favorisent l’industrie agroalimentaire ► Les institutions et les politiques à mille morceaux. en maintenant le prix des produits l’origine du désastre sont les premiers à En mille morceaux : La déréglementa- de base à la baisse, en éliminant les profiter de la crise. tion du système alimentaire contrôlé obstacles au commerce et en marginal- ► Les États s’allient à l’industrie pour par les grandes sociétés a déclenché isant les millions de petits agriculteurs ignorer les causes fondamentales un foisonnement de calamités : nous incapables de concurrencer le déluge du désastre et éviter les réformes sommes maintenant plus malades, plus des importations alimentaires sub- structurelles. gros et plus vulnérables. Les produits ventionnées. Les quarante dernières alimentaires malsains et dangereux et années ont vu un renversement total Pourtant, on réagit à la crise financière les désastres environnementaux con- des tendances dans le commerce en prônant le retour de la réglementa- nexes sont le rappel constant d’une mondial de l’alimentation. Selon le tion alors qu’on réclame une dérégle- chaîne alimentaire industrielle en mille rapport établi par le FAO en 2004 sur mentation accrue pour réagir à la crise morceaux. Quelques exemples récents: le marché des produits de base, les alimentaire. Quand la crise alimentaire pays en développement avaient au se définit par la rareté des aliments et Les scandales en matière de sécurité début des années 1960 un excédent la multiplication des affamés, le remède (insécurité) alimentaire : En septem- commercial de près de 7 milliards $ prescrit par le marché est de libéraliser bre-octobre 2008, du lait maternisé par année en agriculture.5 À la fin des encore plus les marchés et doper la en poudre additionné d’un produit chi- années 1980, l’excédent avait fondu. Au production agricole avec des doses mique, la mélamine, a rendu malades cours des deux décennies suivantes, massives de nouvelles technologies. 53 000 bébés chinois et provoqué qua- les pays du Sud ont fait marche arrière Le vrai désastre, c’est le système ali- tre décès. Impliquant tous les grands et sont devenus des importateurs nets producteurs laitiers chinois, le scandale en alimentation. Dans les pays dits Le vrai désastre, c’est le s’est étendu à des produits alimentaires moins développés, les importations de système alimentaire agro- de grandes marques (chocolat, from- produits agricoles de base représentent age, biscuits, etc.) distribués partout industriel contrôlé par les le double du niveau des exportations. dans le monde – ce qui a entraîné des Cette tragédie est le fruit de dizaines grandes sociétés. rappels massifs et coûté des milliards d’années d’aberrations : baisse du de dollars. Après avoir décelé le produit mentaire agro-industriel contrôlé par les prix des produits de base, libéralisa- dans des aliments pour animaux, on grandes sociétés. Ce système a enraci- tion du commerce, dépérissement de a réalisé que le scandale touchait né le pouvoir des grandes sociétés tout l’investissement dans les programmes aussi des œufs et des produits carnés en minant la capacité des petits pro- agricoles et domination croissante du contenant des quantités inconnues de ducteurs agricoles de nourrir leur propre système alimentaire agro-industriel con- mélamine. communauté. On aura beau utiliser les trôlé par les grandes sociétés. nouvelles technologies pour doper la
En octobre 2008, des viandes froides Valeur des fusions et acquisitions dans le monde (billions $US) contaminées au Canada ont tué 20 5 personnes et en ont rendu malades des 4.5 centaines d’autres, ce qui a permis de 4 constater qu’à peu près la totalité des 3.5 viandes froides du Canada provient 3 d’une seule usine de transformation dé- 2.5 tenue par une seule entreprise, quelles 2 que soient la marque de fabrique ou la 1.5 destination. 1 En octobre 2008, des viandes froides 0.5 contaminées au Canada ont tué 20 0 personnes et en ont rendu malades des 2003 2004 2005 2006 2007 centaines d’autres, ce qui a permis de Year constater qu’à peu près la totalité des Excès des grandes sociétés, disparité et inégalité viandes froides du Canada provient d’une seule usine de transformation dé- Selon l’économiste du travail Tom Pizzigati, la valeur nette combinée (4,4 bil- tenue par une seule entreprise, quelles lions $) des 1125 milliardaires actuels dépasse sans doute la richesse combinée que soient la marque de fabrique ou la de la moitié de la population adulte dans le monde.16 Pour utiliser une autre destination.7 comparaison, la valeur combinée des 1125 personnes les plus riches au monde surpasse le revenu national brut de l’Allemagne en 2007. ► Alerte au plastique : En octobre Selon l’Institute for Policy Studies, les PDG des 500 plus grandes sociétés des 2008, le Canada a confirmé que le É.-U. ont reçu un salaire moyen de 10,5 millions $ en 2007, 344 fois celui du tra- bisphénol A (BPA) est une substance vailleur moyen aux É.-U. Les 50 principaux gestionnaires de fonds de placement toxique, particulièrement dangereuse spéculatif et de fonds de capital à risque privé ont reçu en moyenne 588 millions pour les nourrissons. Ce produit chi- $ chacun en 2007, plus de 19 000 fois ce que gagne le travailleur moyen aux mique est utilisé dans la fabrication É.-U.17 Alors que les coffres de l’État renflouent les banques d’investissement, des biberons et des bouteilles d’eau et les PDG continuent d’encaisser des chèques de salaire prodigieux. Le PDG de se retrouve aussi dans le revêtement Lehman Brothers, une entreprise en faillite, a gagné 17 000 $/l’heure en 2007 intérieur de toutes les canettes de bois- – environ 45 millions $ – pour avoir acculé son entreprise à la ruine.18 sons gazeuses et produits en conserve. Aux É.-U. seulement, on produit chaque En août 2008, ExxonMobil, la deuxième plus grande société au monde, en- année plus de 6 millions de livres de grangeait des profits records de 90 000 $ à la minute.19 Faisant référence au produits contenant du BPA. PDG d’Exxon et à d’autres géants de l’industrie pétrolière, le climatologue de la NASA, James Hansen, a dit au comité du Congrès des É.-U. que ces cadres ► Le poids de l’obésité : L’épidémie supérieurs « devraient être jugés pour crimes contre l’humanité et contre la mondiale d’obésité est l’un des grands nature » parce qu’ils ont semé le doute quant au réchauffement de la planète et problèmes de santé publique dans le fait obstruction à la mise en œuvre de mesures correctives. 20 monde. Une nouvelle étude révèle que près du tiers de la population adulte En 2007, les revenus de Wal-Mart étaient supérieurs au revenu national brut de dans le monde souffre de surpoids ou la Grèce ou du Danemark. Les revenus de BP en 2007 dépassaient le revenu d’obésité.8 En 2005, on estimait que national brut de l’Afrique du Sud; la même année, Toyota a fait plus que le 23 % de la population mondiale (937 Venezuela. millions) souffraient de surpoids et que En 2004, la frange de 1 % la plus riche de la population américaine détenait 35 près de 10 % (396 millions) étaient % de toute la richesse du pays – sa valeur nette dépassait de 2,5 billions $ celle obèses.9 Sur les 396 millions de per- de 90 % de la population.21 sonnes obèses, 53 % vivaient dans des pays en développement. Si la tendance Un rapport de l’OCDE révélait en 2008 que les É.-U. présentent les taux le plus se maintient, il y aura 1,2 milliard de élevés de pauvreté et d’inégalités parmi 20 pays de l’OCDE après le Mexique, personnes obèses d’ici 2030 et 62 à la Turquie et le Portugal.22
68 % d’entre elles vivront dans le Sud Le pouvoir au peuple… ou le pouvoir à la base? mondialisé.10 Aux É.-U. seulement, l’obésité coûtait annuellement environ Dans le marché mondialisé, il faut contrôler la base pour maîtriser la situation. 117 milliards $ à l’économie en 2000.11 C’est au niveau le plus élémentaire que réside le pouvoir le plus important. Au cours des trente dernières années dans l’industrie agroalimentaire, le pouvoir ► Les zones mortes : La pollution par est passé des semences aux gènes, puis à l’atome. Demain, le pouvoir ira sans les engrais chimiques est la principale doute à qui contrôlera les bases de données génomiques. Par le passé, qui cause de la mort de 400 zones côtières- contrôlait les semences, contrôlait le premier maillon de la chaîne alimentaire. qui couvrent maintenant une superficie Puis les brevets sur les gènes des années 1990 ont ébranlé les brevets sur les de 245 000 km2 (la taille du R.-U. ou variétés végétales des années 1970. Aujourd’hui, les brevets de la nanobio- du Ghana). Les eaux marines à teneur technologie menacent de ravir le contrôle au niveau de l’atome. On dirait que le d’oxygène réduite ont augmenté du pouvoir est sensible à la loi de la gravité. tiers depuis 1995. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Si vous semez un sachet d’atomes, vous ► Le goût trafiqué : Le système ali- n’êtes pas à la veille d’obtenir une récolte exceptionnelle. Si vous jetez des mentaire industriel a redéfini la notion de gènes en pagaille dans une casserole, votre dîner ne sera jamais prêt à temps. fraîcheur en dépassant les anciennes Ce sont les plantes qui nourrissent la famille. En trente ans, nous avons appris limites de la nature (ou de la réglemen- que les gènes jouent seulement un petit rôle dans la création et que les atomes tation!). L’auteur hollandais Jan Douwe sont loin d’être l’élément de base de l’univers. Alors que les semences (avec van der Ploeg explique comment la de la terre, de l’eau et du soleil) sont vraiment le premier maillon de la chaîne tendreté et le goût du poulet industriel, alimentaire. La semence est la source fondamentale du pouvoir politique – les par exemple, ne sont pas forcément États ne doivent pas l’oublier et les agriculteurs doivent la protéger. liés à la race, à l’alimentation ou au traitement de la volaille, mais peuvent une pointe de 27 % pour atteindre 4,48 taire prônée par La Via Campesina, résulter de « l’injection d’eau, de sup- billions $ en 2007. que d’autres qualifient de mouvement pléments de protéines, d’amollissants mondial du retour à la paysannerie).24 et de saveurs dans n’importe quelle La bataille mondiale de Des mouvements paysans, des mouve- race de volaille ».12 La viande brune, l’alimentation ments de la société civile et des mouve- ajoute van der Ploeg, « est broyée, ad- Les statistiques et les analyses con- ments sociaux s’efforcent de créer des ditionnée d’eau pour former une bouillie, tenues dans ce rapport offrent un systèmes de santé et des systèmes centrifugée et cuite, pour donner… un aperçu de la convergence des technolo- alimentaires fondés sur la résilience, la filet de poulet blanchâtre. »13 Il estime gies et de la concentration des entre- pérennité et la souveraineté. que dans l’industrie alimentaire, 80 % de prises dans l’industrie des sciences la RD porte sur la fabrication de ce type Les règles du jeu ne sont pas équi- du vivant. On ne saurait exagérer le tables dans la bataille mondiale pour la d’aliments trafiqués. pouvoir des acteurs de l’industrie et leur souveraineté alimentaire, mais la résis- Tendances à la consolidation emprise dans l’arène mondiale de la tance est massive par son envergure santé et l’alimentation. Par ailleurs, on et son ampleur, tant au niveau local Selon des analystes de l’industrie, la constate le développement croissant valeur totale des fusions et acquisitions qu’international. Malgré leur puissance d’un vaste mouvement de résistance à et leurs moyens, les grandes sociétés dans l’industrie alimentaire (y compris la transformation, la distribution et la n’ont pas le monopole de l’innovation vente au détail) était d’environ 200 « Notre monde n’est et du savoir. Même si les systèmes ali- milliards $ en 2007, soit deux fois plus pas à vendre. »23 mentaires industriels les marginalisent depuis des décennies, ce sont encore qu’en 2005.14 Cela reflète la tendance mondiale dans le domaine des fusions les paysans, les pêcheurs, les petits et acquisitions. l’atomisation et la dévastation engen- éleveurs et les peuples autochtones qui drées par le système alimentaire agro- produisent la plus grande partie de la En 2003, la valeur des fusions et ac- industriel. Des millions de personnes nourriture consommée dans le monde. quisitions dans le monde a atteint un luttent pour des systèmes alimentaires Ils sont le pivot du système alimentaire record de 1,38 billion $. En 2005, elle a contrôlés localement, et justes sur le mondial. Les paysans mènent plus de grimpé à 2,7 billions $ — puis a connu plan social (la souveraineté alimen- recherches scientifiques et sélection-
nent beaucoup plus de variétés végé- es). Mais les petits agriculteurs ont créé à des milliers de conditions culturel- tales que les grandes sociétés. Col- – et utilisent – des millions de variétés les, environnementales, climatiques lectivement, ils détiennent une mine de sélectionnées par des agriculteurs, le et géographiques. Les communautés connaissances et d’innovations qui vaut plus souvent des cultures vivrières.27 agricoles paysannes disposent de la bien tous les bureaux des brevets du main-d’œuvre, des ressources, du La moitié de la population mondiale vit monde entier. Il est vrai que la bataille savoir et de la résilience qu’il faut pour maintenant dans les grandes villes et mondiale pour la terre, les aliments et la soutenir les pratiques agricoles agroé- la pauvreté en milieu urbain entraîne justice obéit à des règles partiales, mais cologiques. Ce sont elles qui auront la de graves problèmes. Selon des es- il est aussi vrai que nous avons souvent responsabilité d’adapter l’agriculture timations prudentes, 15 à 20 % de une vision déformée du pouvoir des aux conditions climatiques extrêmes. l’alimentation mondiale sont cependant grandes sociétés. C’est largement une Elles sont les vraies expertes des sci- produits en zone urbaine et 800 mil- question de point de vue. ences du vivant, et c’est leur science et lions de citadins participent à une leurs technologies qui méritent d’être Même si Wal-Mart est le plus gros forme quelconque d’agriculture.28 64 % soutenues et d’être reconnues. Les acheteur et vendeur d’aliments de la des habitants de Nairobi cultivent au lecteurs de À qui appartient la nature? planète, cela représente seulement 3,5 moins une partie de leur nourriture.29 doivent se rappeler que la bataille mon- % des 5,1 billions $ dépensés pour des À Katmandou, 37 % des producteurs diale de l’alimentation est loin d’être produits alimentaires dans le monde alimentaires cultivent tous les légumes terminée. en 2007. On estime que 85 % de la consommés par leur ménage, et 11 % nourriture dans le monde est encore des produits animaux.30 À Hanoi, 80 % produite à proximité de l’endroit où elle des légumes frais, 50 % du porc, de la est consommée25 – et dans une large volaille et des poissons d’eau douce, et mesure, à l’extérieur du système de 40 % des œufs proviennent de zones marché officiel. 85 % des 450 millions urbaines.31 90 % des légumes frais con- de fermes dans le monde sont de pe- sommés à Accra sont produits dans la Notes tites exploitations agricoles de moins de ville même.32 1 Olivier De Schutter, « Renforcer la deux hectares.26 résilience : le cadre des droits de la Les 10 plus grands fabricants de mé- Même si le marché des semences dicaments réalisent 55 % des ventes personne pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle mondiale », rapport exclusives constitue plus de 80 % de mondiales de produits pharmaceu- du rapporteur spécial des Nations l’approvisionnement commercial, en- tiques, mais environ 70 % des habitants unies sur le droit à l’alimentation, As- viron les trois quarts des agriculteurs de la planète utilisent des médicaments semblée générale des Nations unies, dans le monde conservent toujours les traditionnels à base de plantes médici- 8 septembre 2008. semences de leur récolte et cultivent nales pour la majorité de leurs soins de 2 Stacey Rosen et al., « Food Security des variétés sélectionnées localement. santé. Assessment 2007 », USDA, Service Au moins 1,4 milliard de personnes Pour la plus grande partie de la de recherche économique, juillet dépendent des semences conservées population mondiale, les cultures sé- 2008. par les agriculteurs. En 2007, des lectionnées par les agriculteurs et les 3 FAO, « Food Outlook: Global Market sélectionneurs institutionnels revendi- médicaments traditionnels sont incom- Analysis », juin 2008. http://www.fao. quaient le monopole (protection des parablement plus accessibles et plus org/docrep/010/ai466e/ai466e00.htm variétés végétales) de plus de 72 000 abordables. Ils sont diversifiés, libres variétés dans le monde (dont plusieurs 4 Communication personnelle avec de brevets, décentralisés et adaptés Boris Planer et Sarah Herriein, Planet pour des fleurs et plantes ornemental- Retail, mai 2008. 5 FAO, The State of Agricultural Com- « La plus grande société au monde n’est pas Wal-Mart ou modity Markets 2004, p. 14. Cette statistique n’est pas ajustée selon General Motors; la plus grande société est la nature. » l’inflation. En ligne : http://www.fao. – Ahmed Djoghlaf, Secrétaire exécutif de la org/docrep/007/y5419e/y5419e03. Convention sur la diversité biologique, 18 Mai 2008 htm
6 Caroline S. DeWaal et David W. Plun- 17 Institute for Policy Studies, « Cor- 26 Joachim von Braun, directeur géné- kett, « Building a Modern Food Safety porate Excess 2008 », http://www. ral, Institut international de recher- System: For FDA Regulated Foods », ips-dc.org/reports/no623 che sur les politiques alimentaires, Center for Science in the Public Inter- « High and Rising Food Prices », 18 Nicholas Kristof, « Need a Job? est White Paper, octobre 2007. En présentation livrée à U.S. A.I.D., $17,000 an Hour. No Success Requi- ligne : http://www.cspinet.org/new/pdf/ Washington, D.C., 11 avril 2008. red », New York Times, 17 septembre fswhitepaper.pdf http://www.ifpri.org/presentations/ 2008. 20080411jvbfoodprices.pdf 7 Ibid. 19 Clifford Kraus, « Exxon’s Second- 27 Union internationale pour la pro- 8 T. Kelly et al., « Global burden of Quarter Earnings Set a Record », tection des obtentions végétales obesity in 2005 and projections to New York Times, 1er août 2008. (UPOV), « Statistiques relatives à la 2030 », International Journal of Obe- 20 Robert Weissman, éditeur de Multina- POV pour la période 2003-2007 », sity (2008) 32, 1431–1437; publié en tional Monitor, « Crime, Punishment document préparé par le bureau de ligne le 8 juillet 2008. and ExxonMobil ». En ligne : http:// l’UPOV, 19 octobre 2008. http://www. 9 Ibid. multinationalmonitor.org/editorsblog/ upov.int index.php?/archives/90-Crime,-Punis- 10 Communication personnelle avec 28 Voir le site Web des RUAF Resource hment-and-ExxonMobil.html Tanika Kelly, Université de Tulane, le Centres on Urban Agriculture and 29 octobre 2008. 21 Voir « Too Much », un site Web qui Food Security : http://www.ruaf. étudie les excès et les inégalités aux org/node/513 11 Département des services de santé É.-U. et dans le monde, publié par et de la personne des É.-U., bureau 29 William Rees, « Why Urban Agricul- Tom Pizzigati. http://www.toomuchon- du Directeur du Service de santé ture », notes préparées dans le cadre line.org/inequality.html publique des É.-U. « Overweight & d’un forum du CRDI, Development Obesity: At a Glance ». En ligne : 22 Andrew Taylor and Chris Giles, Forum on Cities Feeding People: A http://www.surgeongeneral.gov/to- « Rich-poor divide widens, says Growth Industry, Vancouver, C.-B., pics/obesity/calltoaction/fact_glance. OECD », Financial Times, 21 octobre 20 mai 1997. Publié par City Farmer, htm 2008. Canada’s Office of Urban Agriculture. 12 Jan Douwe van der Ploeg, The New 23 « Our World Is Not for Sale » est un 30 Ibid. Peasantries: Struggles for Autonomy réseau mondial d’organismes (dont 31 RUAF Resource Centres on Urban and Sustainability in an Era of Empire ETC Group), d’activistes et de mou- Agriculture and Food Security : and Globalization, Earthscan: Lon- vements sociaux qui remettent en question les accords sur le commerce http://www.ruaf.org/node/513 dres, 2008. et l’investissement qui favorisent les 32 Ibid. 13 Ibid. intérêts des grandes sociétés les plus 14 Grant Thornton Corporate Finance. puissantes au monde au détriment 32 Ibid. Communication personnelle avec des personnes et de l’environnement. Brian Basil, 21 octobre, 2008. Pour 24 Voir le site Web de La Via Campe- plus d’information, voir « Food Indus- sina, le mouvement paysant interna- try Snapshot », Grant Thornton, été tional : http://viacampesina.org/ Voir 2008. aussi Jan Douwe van der Ploeg, The 15 Les données statistiques sur la valeur New Peasantries: Struggles for Auto- des fusions et acquisitions dans le nomy and Sustainability in an Era of monde proviennent de Thomson Fi- Empire and Globalization, Earthscan, nancial Securities. Londres, 2008. 16 Voir « Too Much », un site Web qui 25 Jan Douwe van der Ploeg, The New étudie les excès et les inégalités aux Peasantries: Struggles for Autonomy É.-U. et dans le monde, publié par and Sustainability in an Era of Empire Tom Pizzigati. http://www.toomuchon- and Globalization, Earthscan, Lon- line.org/inequality.html dres, 2008. 10
Sec tion 1 Industrie des intrants agricoles : semences, produits agrochimiques, engrais Industrie des semences Les 10 grands de Société Semences - % du marché l’industrie mondiale Ventes 2007 mondial des (millions $US) semences des semences exclusives 1. Monsanto (US) 4,964 23% 2. DuPont (US) 3,300 15% 3. Syngenta (Switzerland) 2,018 9% 4. Groupe Limagrain (France) 1,226 6% 5. Land O’ Lakes (US) 917 4% 6. KWS AG (Germany) 702 3% 7. Bayer Crop Science (Germany) 524 2% 8. Sakata (Japan) 396
Selon le classement d’ETC Group : Répartition du marché mondial des semences exclusives Les 10 grandes semencières total- entre les dix grands Takii
biotech. En 2007, près de la moitié (48 Un échantillon des ententes au sein du cartel techno %) des revenus de DuPont sur les se- mences provenaient de produits dotés Monsanto (numéro un des semences) et BASF (numéro trois de d’un trait biotech.6 Le cabinet-conseil l’agrochimique) annoncent une collaboration colossale de 1,5 milliard $ en RD du R.-U., Cropnosis, évaluait la valeur avec un partage des profits de 60/40. « C’est un pas de géant vers la mise au globale des cultures GM à 6,9 milliards point de cultures à rendement supérieur pour les agriculteurs… »11 – Communi- $ en 2007.7 qué de presse conjoint de BASF et Monsanto (mars 2007) Cartel techno : les géants de Monsanto et Dow Agrochemicals ont allié leurs forces pour mettre au point la l’industrie génétique forgent des ac- toute première variété de maïs génétiquement modifié dotée de huit traits gé- cords hybrides : Avis aux appareils nétiques, dont le lancement est prévu pour 2010. « Les agriculteurs profiteront réglementaires antitrust (nous enten- d’un plus vaste éventail de produits pour optimiser le rendement et la protection dez-vous?) à Bruxelles et Washington : des cultures… » – Communiqué de presse de Dow (septembre 2007)12 les géants de l’industrie génétique sont Monsanto et Syngenta conviennent d’une trêve dans un litige majeur sur les en train de forger des alliances sans intérêts mondiaux en rapport avec le soja et le maïs, et concluent de nouvelles précédent qui signent l’arrêt de mort des ententes sur l’échange de licences. « Nous sommes heureux… de penser avant marchés concurrentiels. Les grandes tout à notre clientèle d’agriculteurs et de conclure une entente qui leur offrira sociétés de l’industrie agrochimique et des avantages et un éventail de produits extraordinaires au cours des saisons à des semences concluent des accords venir. » 13 – Communiqué de presse de Monsanto (mai 2008) en vue d’échanger des licences sur les technologies et le germoplasme exclu- Syngenta et DuPont annoncent un accord qui enrichira le portefeuille de pesti- sifs, consolider le travail de RD et mettre cides de chacune des sociétés. « Ces produits, qui complètent à merveille nos fin aux coûteux différends juridiques sur portefeuilles et notre structure, offriront un plus vaste choix aux producteurs… »14 la PI – ce qui a pour effet de renforcer – Communiqué de presse conjoint de DuPont et Syngenta (juin 2008) le pouvoir des géants sur le marché à leur profit mutuel. Cela ne date pas L’an dernier, même Nature Biotech- Ainsi, la variété triple résistance du d’hier, mais le cartel techno conclut des nology n’a pu nier l’évidence : « Tout maïs biotech de Monsanto contient marchés de plus en plus énormes et indique que le monde des cultures GM deux gènes insecticides (un contre le audacieux. En mars 2007, le numéro est maintenant la chasse gardée des charançon du maïs et l’autre contre le un des semences (Monsanto) et le nu- géants. » 10 ver racinaire) et un gène de résistance méro un des produits chimiques (BASF) aux herbicides (pour résister aux vapori- Maximiser le monopole – Cumul des ont annoncé une collaboration de 1,5 sations de glyphosate – commercialisé traits génétiques : L’agrobiotech a milliard $ en RD en vue d’accroître le sous le nom de Round Up). Du point de toujours offert des services en bloc : rendement et la résistance à la sécher- vue de l’industrie, deux ou trois traits l’accès aux traits biotech exclusifs d’une esse du maïs, du coton, du canola et du biotech valent toujours mieux qu’un semence est conditionnel à l’achat du soja. C’est une fusion sans fusion pour seul, parce que les variétés à double ou produit chimique connexe offert par ETC Group.8 – tous les avantages de la triple résistance sont presque deux fois l’entreprise. La réussite la plus lucrative consolidation et des marchés oligopolis- plus rentables.16 de la biotech sur le plan technique est la tiques sans les contraintes antitrust. Des création de cultures résistant à toute une Monsanto a introduit sa première variété analystes de l’industrie prévoient que série d’herbicides chimiques. De nos double en 1998, et sa première triple a ces accords auront « des répercussions jours, il y a au moins un trait génétique été lancée en 2005.17 Un porte-parole durables sur l’ensemble de l’industrie de résistance aux herbicides sur plus de Monsanto a confié à Progressive des semences, de la biotech et de la de 80 % de la superficie consacrée aux Farmer que 76 % des semences de protection des cultures ».9 Même si les cultures génétiquement modifiées.15 maïs qu’il vendra aux É.-U. en 2009 géants de l’industrie génétique répètent seront des variétés à triple résistance.18 que les agriculteurs profiteront des en- Après une douzaine d’années, la bio- Syngenta veut que le maïs à triple résis- tentes du cartel techno (voir l’encadré tech offre seulement deux traits sur le tance constitue 85 % de son portefeuille ci-dessous), il est évident que les clients marché – la résistance aux herbicides d’ici 2011.19 Aux É.-U. – où se cultive la paieront plus cher pour moins d’options et la résistance aux insectes. Mais cer- moitié des cultures GM dans le monde et moins d’innovation sur le marché. taines variétés GM combinent plus d’un – 37 % des cultures transgéniques de ces traits dans la même semence. 13
contenaient deux ou trois traits biotech terres non irriguées – parce que le maïs Les technologies génétiques breve- en 2007. Qu’ils le veuillent ou non, les biotech présente censément moins de tées n’aideront pas les petits agri- agriculteurs n’auront sans doute plus risque de baisse du rendement que les culteurs à survivre aux changements tellement le choix d’utiliser toute la pano- hybrides classiques.23 Amorcé en 2008, climatiques. Elles vont plutôt con- plie des traits vendue à prix d’or. Mon- le projet pilote est particulièrement fal- centrer le pouvoir des entreprises, santo et Dow Agrosciences ont uni leurs lacieux parce que le gouvernement des faire grimper les coûts, entraver la forces en 2007 pour mettre au point des É.-U. s’est fié à des données fournies recherche du secteur public et miner semences de maïs possiblement dotées par Monsanto pour appuyer cette davantage le droit des agriculteurs de huit traits génétiques (deux types de prétention.24 résistance aux herbicides et six gènes ces six sociétés contrôlent à peu près la Mainmise de l’industrie sur les gènes de résistance à des insectes), dont le moitié du marché des semences exclu- climatiques : La dernière campagne lancement est prévu pour 2010. sives et 75 % du marché agrochimique de séduction des biotech propose la mondial. Lors d’une réunion en juillet 2008, des nouvelle version d’un thème éculé : la représentants de Monsanto ont annoncé technologie GM est une panacée qui Les géants de l’industrie génétique veu- que le prix de certaines variétés de peut accroître la production et nourrir lent convaincre l’État, les agriculteurs maïs à triple résistance ferait un bond la planète. On prétend cette fois-ci que et les consommateurs récalcitrants que incroyable de 35 %.20 Fred Stoke, de les cultures GM sont la solution miracle le génie génétique est une stratégie à la crise alimentaire et aux change- d’adaptation essentielle pour garantir « Faute de concurrence et ments climatiques (sans parler du pic la productivité agricole en période d’innovation sur le marché, pétrolier!). (Le slogan de la Biotechnol- de changements climatiques. Selon ogy Industry Organization est Heal, fuel, Monsanto, « tout le monde sait que les les agriculteurs ont moins feed the world, soit Offrir au monde mé- vieilles méthodes traditionnelles sont de choix et Monsanto a dicaments, combustible et nourriture). tout simplement inaptes à relever ces les coudées franches pour Les géants de l’industrie génétique nouveaux défis » – le seul espoir réside augmenter les prix. » accumulent des centaines de brevets donc dans les cultures GM adaptées au – Keith Mudd, Organization for de monopole sur les gènes de végétaux climat.26 Competitive Markets, à la suite de la qui seront présentés par les grandes Il y a dix ans, ETC Group a noté que les décision de Monsanto de hausser de sociétés comme des cultures géné- géants de l’industrie des semences fai- 35 % le prix de certaines semences de tiquement modifiées pour résister aux saient appel à la génomique de pointe maïs GM, juillet 2008 22 stress de l’environnement – sécheresse, pour déterminer et contrôler des gènes chaleur, froid, inondations, salinité des clés et leur lien avec des traits impor- l’OCM (Organization for Competitive sols et plus encore. Le rapport d’ETC tants sur le plan de l’agronomie. « Le Markets) aux É.-U. commente l’effet sur Group lancé en mai 2008, « Patenting danger, écrivions-nous alors, c’est qu’une les agriculteurs : « Une hausse de 100 $ the Climate Genes », révèle que Mon- poignée de grandes sociétés acquièrent coûte très cher à l’Amérique rurale. Sup- santo, BASF, DuPont, Syngenta, Bayer la mainmise sur le germoplasme végétal posons qu’un fermier de l’Iowa ayant et Dow (ainsi que leurs partenaires de à l’échelle moléculaire ».” 27 Nous avions une terre de 1000 acres sème l’an pro- la biotech) ont déposé 532 documents malheureusement raison. chain une de ces variétés de maïs à prix de brevets sur de prétendus gènes élevé. Ses coûts bruts vont augmenter d’adaptation au climat dans des bureaux Un constat : Les prétendus gènes de plus de 40 000 $. Cette prodigieuse de brevets partout dans le monde. 25 d’adaptation au climat sont une solution hausse des prix n’est pourtant fondée Ces 532 documents représentent 55 fa- fallacieuse aux changements clima- sur aucune base scientifique. Comment milles de brevets (correspondant à une tiques. Les technologies génétiques pouvons-nous accepter que les grandes seule invention soumise en vue d’obtenir brevetées n’aideront pas les petits sociétés s’en tirent comme ça? 21 un brevet de monopole dans plus d’un agriculteurs à survivre aux changements pays). Ensemble, six géants des se- climatiques. Elles vont plutôt concentrer Le gouvernement des É.-U. subven- le pouvoir des entreprises, faire grimper mences et de l’industrie agrochimique tionne les ventes de semences du les coûts, entraver la recherche du (BASF, Monsanto, Bayer, Syngenta, maïs à triple résistance de Monsanto secteur public et miner davantage le DuPont et Dow) détiennent 42 des 55 en réduisant les primes d’assurance droit des agriculteurs de conserver les familles de brevets (79 %). Ensemble, des agriculteurs qui en sèment sur des semences et de les échanger. 14
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