Qui sont les primo-inscrits ? - ACTU. Sécurité des soignants : le gouvernement veut accélérer
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ACTU. Sécurité des soignants : ACTU. Loi anti-cadeaux : N° 2 0 5 / 2 3 le gouvernement veut accélérer premières sanctions exemplaires A V R I L- M A I Qui sont les primo-inscrits ?
SOMMAIRE ACTU 4 FOCUS 12 PRATIQUE 22 4. Élections : scrutins Qui sont JURIDICTIONS complémentaires les primo-inscrits ? 22. D ouble inscription 4. La disparition de France-hors UE : Jean-Louis Artus double sanction… 5. Le bureau du Conseil JURIDIQUE national à Besançon 24. Pour l’Urssaf et le juge, 6. Sécurité des soignants : l’étudiant remplaçant le gouvernement veut est un salarié… accélérer TERRITOIRE 19 Besançon accueille sa première promotion 27. La puissance du secret d’étudiants médical s’exerce jusque dans des situations 8. Loi anti-cadeaux : une singulières société lourdement condamnée, des professionnels de santé exposés 10. D aniel Densari, nouveau conseiller national 10. L a disparition de Charles Bérenholc TRIBUNE 30 11. F rance-Allemagne : ÉRIC QUIÈVRE regards croisés Président de la Caisse de retraite des chirurgiens-dentistes et sages-femmes (CARCDSF) #ONCD La Lettre n° 205 – Avril-Mai 2023 Retrouver le journal en ligne Directeur de la publication : Philippe Pommarède. Ordre national des chirurgiens-dentistes – 22, rue Émile-Menier – BP 2016 – 75761 Paris www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr Cedex 16 – Tél. : 01 44 34 78 80 – Fax : 01 47 04 36 55 – www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr Conception, rédaction et réalisation : Texto Éditions Direction artistique : Ewa Roux-Biejat – Secrétariat de rédaction : Cécile Nielly Illustrations : Dume – Couv. : Ewa Roux-Biejat Restons Photos : Henri Perrot : p. 3. Daniel Mirisch : p. 5. Shutterstock : pp. 1, 2, 8, 12, 31. DR : pp. 2, 6, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 30, 31, 32. connectés Imprimerie : Graphiprint Management. www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr Les articles sont publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Dépôt légal à parution. ISSN n° 2679-134X (imprimé), ISSN n° 2744–0753 (en ligne). 2 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ÉDITO Sécurité : le temps des réponses Depuis plusieurs mois nous n’avons eu de cesse de faire remonter auprès du ministre de la Santé, François Braun, ainsi que de la ministre déléguée aux professionnels de santé, Agnès Firmin Le Bodo, l’inquiétude de notre profession. Les chirurgiens-dentistes exerçant en cabinet libéral sont en effet, nous le savons, les pre- miers exposés aux faits de violence contre des soignants. Déli- vrer des soins en ayant peur ou, de façon plus diffuse mais pas moins corrosive, avec l’appréhension qu’une agression peut arriver à tout moment, n’est pas la meilleure façon d’exercer un métier médical. L’État doit prendre la mesure du problème, et c’est ce que Mme Firmin Le Bodo a bien compris puisqu’elle vient de lancer une concertation avec les représentants des professionnels de santé, dont bien entendu le Conseil national. Le dialogue est ouvert, des propositions sont avancées, dont les nôtres, et un calendrier a été fixé par la ministre avec des mesures concrètes attendues pour juin prochain. Mais s’il est évident que l’État doit prendre ses responsabilités, il nous appar- tiendra à nous aussi, professionnels de santé, de prendre les nôtres. Car en effet, pour prévenir efficacement la violence ou pour accompagner les victimes, c’est tout un écosystème qu’il conviendra de consolider. Parallèlement à une structuration des réponses de l’État via la police, la gendarmerie et la justice, nous aurons à travailler, entre autres, sur la formation des praticiens aux diffé- rents niveaux de prévention de la violence. Après la prise de conscience, doit venir le temps des réponses pratiques. Nous y sommes. Philippe Pommarède AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 3
ACTU RÉSULTATS Assesseurs parmi DES ÉLECTIONS les membres et anciens COMPLÉMENTAIRES membres des conseils des assesseurs de la chambre RÉUNION- Titulaires : disciplinaire de première instance MAYOTTE Luc SCHOSMANN de Réunion-Mayotte Suppléants : du 9 février 2023 Cécile BROTTIER POQUET ERRATUM Région Assesseurs SAS Chambre disciplinaire de première instance HAUTS-DE- Titulaires : du conseil régional des Benoît DELATTRE FRANCE Hauts-de-France Jacques DRANCOURT du 2 juin 2022 - Suppléants : Composition de la Marc BEVE section des assurances sociales Marie-Noëlle BRACQ Une erreur s’est glissée Cécile BRETON CORTES lors de la parution Elise DE LA FONTAINE des résultats des Rémi DE SAINT STEBAN membres titulaires Christian DURIETZ de la composition Hélène GEYSELINCK des assesseurs Patrick MARCINKOWSKI de la section des Régis MERESSE assurances sociales. Bernard TRIOLET Il fallait lire : DANIEL DENSARI, nouveau conseiller national D aniel Densari, membre du conseil départemental de la Haute-Corse, membre du conseil régional de la Corse, vient d’être élu conseiller national représentant la région Provence- Alpes-Côte d’Azur-Corse. Il succède à Vincent Vincenti, disparu des suites d’une longue maladie en 2022. Daniel Densari, 66 ans, diplômé en 1981 à Marseille, s’est d’abord installé en libéral dans le village de Calenzana, puis à Bastia en 1995 où il exercera toute sa carrière jusqu’en 2022. Membre du conseil départemental de l’Ordre de la Haute-Corse en 2008, assesseur à la Chambre disciplinaire de première instance de la région PACAC, assesseur à la Section des assurances sociale, il a œuvré, avec Vincent Vincenti, à la création du conseil régional de l’Ordre de la Corse en 2019. 4 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ACTU Le bureau du Conseil national à Besançon L es 8 et 9 mars derniers, le pré- sident, Philippe Pommarède, le bureau du Conseil national et les conseillers nationaux représen- tant la région Bourgogne-Franche- Comté, se sont rendus à Besançon (Doubs) et ce malgré les mouvements sociaux, dans les transports en parti- culier. Le Conseil national reste en effet très attaché à ces échanges directs avec les élus. En présence de Patrick Larras, président du conseil régional de l’Ordre, et de Pierre- Antoine Flusin, président du conseil Philippe Pommarède a insisté sur la le refus de soins à caractère discri- départemental du Doubs, le bureau nécessité d’une collaboration entre minatoire. Les deux secrétaires du Conseil national a pu visiter le nou- les ARS et les conseils départemen- généraux, Daniel Mirisch et Cathe- veau département d’odontologie de la taux et régionaux de l’Ordre. Il a évo- rine Eray-Decloquement (la régio- faculté, à la rencontre des étudiants qué les procédures engagées par le nale de l’étape puisqu’elle représente et d’enseignants (lire aussi notre Conseil national à l’encontre des la région au Conseil national avec reportage pp. 19-21). centres déviants, mais aussi de cer- Jean-François Largy, également pré- Lors d’un forum réunissant une tren- tains praticiens. Un point a été fait sur sent) ont abordé l’organisation et le taine d’élus ordinaux de la région, la création des nouveaux départe- fonctionnement du conseil départe- Philippe Pommarède a dressé un état ments d’odontologie ainsi que sur la mental ainsi que la circulation des d’avancement de deux propositions démographie. informations entre cet échelon et le de loi au cœur de notre actualité, celle Geneviève Wagner, vice-présidente Conseil national. visant à mieux encadrer les centres du Conseil national, est intervenue Enfin, Luc Peyrat, trésorier du de santé d’une part, et celle créant le sur le projet de réforme du code de Conseil national, a rappelé les statut d’assistant dentaire de niveau 2, déontologie, mais aussi sur les dérives contours de la réforme des rever- d’autre part. Sur ces deux sujets sectaires et sur les violences. Marie- sions des cotisations faites aux majeurs, il est clair qu’une prise de Anne Baudoui Maurel, également conseils départementaux. Une conscience des politiques a eu lieu. vice-présidente, a quant à elle évoqué réforme pour laquelle le Conseil national a consenti un effort finan- cier permettant une dotation sup- plémentaire pour les départements à faible démographie. Luc Peyrat a également insisté sur les règles de gestion comptable. Les autres sujets abordés lors des échanges entre le bureau et les élus de la région ont porté, entre autres, sur la permanence des soins, la conci- liation, le RGPD ou encore le traite- ment des propos à caractère insul- tant ou diffamatoire sur Internet. AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 5
ACTU Sécurité des soignants : le gouvernement veut accélérer « Tolérance zéro. » La ministre Agnès Firmin Le Bodo a été claire lors de la réunion de lancement de la concertation sur la sécurité des professionnels de santé à laquelle participait le Conseil national, le 16 février 2023. Le plan d’action sera présenté en juin prochain car l’enjeu est important. On sait donc gré aux autorités publiques d’avoir entendu le message des professions de santé, et en par- ticulier celui du Conseil natio- nal. Rappelons que notre profes- sion est en première ligne des violences faites aux profession- nels de santé. L’Observatoire national des violences (ONVS) faisait d’ailleurs une projection de 200 signalements environ de violences dans des cabinets dentaires en 2022. Un nombre certainement bien en deçà de la réalité, tous les praticiens ne déclarant pas ce type d’événe- ment. Face à ce phénomène alar- mant, le Conseil national milite pour actionner deux leviers : la formation et l’ac- compagnement des profes- sionnels de santé victimes de Dans le numéro 202 de La Lettre violences. Ces mesures font consen- datée de décembre dernier, le Conseil national sus, elles devraient trouver une alertait déjà sur l’exposition des praticiens aux violences. expression concrète dans le plan Le gouvernement semble avoir entendu l’alerte des d’action. Il s’agit d’inscrire dans la professionnels de santé. 6 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ACTU formation initiale les mesures de prévention avec à la clé une sensibi- lisation des professionnels de santé LES OUTILS DISPONIBLES à leurs droits et devoirs. Cette for- La plateforme-signalement de l’ONVS fait mation doit permettre de désamor- peau neuve et est désormais disponible sur cer les « petites violences » du quo- tidien, et diffuser les bonnes le lien suivant : pratiques auprès des confrères https://dgos-onvs.sante.gouv.fr/ comme des patients. D’autres points devront être abordés Nouvelle fiche d’aide/pratique : comme l’accompagnement des vic- Intitulée « Comment apporter la preuve d’une times avec des solutions pratiques violence verbale », cette fiche détaille, entre pour les professionnels redoutant des autres, les trois grands points ci-dessous : représailles en cas de déclaration ou • Déposer plainte au plus tôt, dans les de plainte. Rappelons d’ailleurs que la seule menace contre la personne 48 heures de la commission de l’infraction d’un personnel de santé, ses biens, ses (flagrant délit) ; proches, est déjà considérée comme • Rapporter exactement les mots prononcés un délit pénalement répréhensible (1). et décrire précisément les circonstances Le Conseil national insiste également des faits ainsi que les gestes et attitudes pour que toutes les victimes, les pra- ticiens comme les assistants, person- hostiles ; nels d’accueil et étudiants, soient • Rassembler les témoignages (si existants) prises en compte. Aucune violence ne afin de relater/conforter les faits. doit être tue, aucune forme d’agres- sion ne doit être taboue. Fiche téléchargeable sur : En attendant les propositions du gou- https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/comment_ vernement en juin prochain, le minis- apporter_la_preuve_d_une_violence_ tère de la Santé a récemment mis en verbale_2023-01.pdf ligne une fiche pratique à l’usage des professionnels destinée à les aider à apporter la preuve d’une violence verbale (lire l’encadré). qui continue d’être diffusée en dépit Geneviève Wagner, qui représentait des demandes répétées de l’Ordre le Conseil national lors de la réunion auprès de différents décideurs… Tous de février, a aussi insisté sur la néces- les représentants des professionnels sité de mettre en œuvre, réellement de santé attendent des autorités judi- et efficacement, les dispositifs qui ciaires des réponses rapides et dis- existent déjà. Il s’agit de sanctionner suasives. Les professionnels de santé, fortement les actes commis et signa- particulièrement exposés, assument lés. Elle a rappelé les problèmes de pourtant une mission d’intérêt géné- banalisation de la violence dans les ral pour la société. cabinets dentaires véhiculés par À suivre. exemple par la publicité des Furets (1) Articles 433-3 al. 2 et 433-3-1 du Code pénal. AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 7
ACTU LOI ANTI-CADEAUX Une société lourdement condamnée, des professionnels de santé exposés L a condamnation sans précédent tées par la loi dite « anti-cadeaux ». d’un industriel pour octroi illi- Tous les praticiens sont concernés. cite d’avantages, d'une part, et Après de longs mois d’enquête, la des professionnels de santé suscep- DGCCRF et la gendarmerie de Dijon tibles de voir leur responsabilité enga- ont révélé une fraude estimée à 55 mil- gée, d'autre part. Voilà comment l’on lions d’euros. Ce montant correspon- pourrait résumer la récente affaire drait aux cadeaux reçus par des phar- Urgo. Au-delà des faits, que nous al- maciens d’officine de la part du groupe lons exposer, cette affaire exemplaire Urgo entre 2015 et 2021. Fin janvier, sonne comme une alerte pour les les premières condamnations ont été professionnels de santé acceptant des prononcées par le tribunal judiciaire « avantages ». Car oui, ce ne sont pas de Dijon contre deux filiales de ce les seules entreprises qui sont impac- groupe : une amende de 1,125 million d’euros, qui s’ajoute aux valeurs sai- sies d’un montant de plus de 5,4 mil- lions d’euros. Tout est parti d’une enquête natio- nale lancée en 2021 par la DGCCRF, visant à vérifier le respect du dispo- sitif « encadrement des avantages » (1), plus connu sous l’ancienne appella- tion « anti-cadeaux ». Rappelons que ce dispositif vise à préserver l’indé- pendance des professionnels de santé vis-à-vis des fabricants de dispositifs médicaux afin que seules des consi- dérations de santé publique guident leurs prescriptions. En l’espèce, deux filiales du groupe Urgo avaient mis en place un système d’octroi illicite d’avantages en nature au bénéfice de près de 8 000 pharma- ciens d’officine. « Des frigos, des télés, des cafetières, des voyages, du cham- pagne », entre autres, comptaient au nombre de ces cadeaux. Dans son communiqué de presse, le procureur de la République de Dijon, 8 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ACTU ciens impliqués. Ils risquent de voir leur responsabilité pénale engagée. UN PRINCIPE D’INTERDICTION, C’est donc l’occasion ici de rappeler que, tout comme le fait d’octroyer un avan- DES DÉROGATIONS tage illégal, l’accepter expose le béné- ficiaire à des sanctions pénales et dis- Créé par la loi du 27 janvier 1993, le dispositif ciplinaires. En pratique, tout octroi « anti-cadeaux » a été remanié en 2011 puis d’un avantage par une entreprise à un renforcé par la loi du 24 juillet 2019 relative professionnel de santé doit faire l’objet à l’organisation et à la transformation du système d’une convention soumise par cette de santé. Le principe est l’interdiction des entreprise à autorisation de l’Ordre. avantages. Mais par dérogation, la loi autorise Certes, le praticien n’a aucune dé- les octrois d’avantages par les industriels aux marche déclarative à opérer : c’est professionnels de santé s’ils entrent dans une l’« offreur » (l’entreprise) qui soumet la demande. Mais il est fortement des quatre catégories prévues par le texte, et sous recommandé que le bénéficiaire de réserve, bien sûr, qu’une convention liant l’offreur l’avantage (le praticien) s’informe au- et le praticien ait été acceptée par le Conseil près de l’entreprise sur la soumission national de l’Ordre. Les quatre catégories sont : ou non de la convention à l’Ordre. Un • Activités de recherche, de valorisation praticien qui se verrait proposer des de la recherche, d’évaluation scientifique ; avantages ne peut les accepter sans • Activités de conseil, de prestation de services certitude d’une convention validée ou de promotion commerciale ; par l’Ordre. En cas de recherche de sa • Manifestation à caractère exclusivement responsabilité par les autorités judi- ciaires, il sera difficile au praticien de professionnel ou scientifique, manifestation prouver qu’il méconnaissait le refus à promotion de produits ou prestation de santé ; par l’Ordre de la convention, voire • Financement ou participation au financement l’absence pure et simple de soumis- d’actions de formation professionnelle ou de DPC. sion de la convention à l’Ordre. Dans cette situation, le chirurgien- dentiste encourt alors des sanctions Olivier Caracotch, indique que l'en- à la fois pénales et disciplinaires treprise offrait des « objets de valeur pouvant aller jusqu’à un an d’empri- ou des loisirs à certains pharmaciens, sonnement, 75 000 € d’amende, l’in- en contrepartie de l'abandon de remises terdiction temporaire ou définitive commerciales pouvant être consenties d’exercer et la confiscation du produit à leur officine ». Un système astucieux : de l’infraction (le ou les cadeau(x) en échange de l’achat par le pharma- reçu(s)). cien, sans remise, de produits Urgo, le (1) Articles L.1453-3 à L.1454-10 montant de la remise était converti en du Code de la santé publique. cadeaux personnels. Ce qui est, bien sûr, proscrit par la loi. Mis au jour par une série de perquisitions diligentées par le parquet de Dijon, ce système POUR ALLER PLUS LOIN a été reconnu par un responsable du a liste des avantages et conditions d’octroi est disponible L groupe Urgo le 27 janvier. Les pre- sur le site de la DGCCRF : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/ mières sanctions sont tombées, visant anti-cadeau_note_d_information.pdf pour l’instant l’industriel. Mais l’en- Un dossier pratique a été consacré à ce sujet dans La Lettre quête se poursuit auprès des pharma- de l’Ordre datée d’octobre 2020 (n° 185, pp. 13-16). AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 9
ACTU La disparition de Charles Bérenholc C ’est une grande fi- Bérenholc, c’est aussi un an- gure de la profession cien résistant de la Seconde qui nous a quittée Guerre mondiale : torturé le 6 février dernier. Charles par les Nazis, il demeurera Bérenholc, c’est d’abord une un modèle d’attachement à sommité de la médecine la liberté et aux valeurs de bucco-dentaire : profes- la France, qu’il a toute sa vie seur à la faculté de chirur- durant transmis aux jeunes gie dentaire de Paris et de générations. Pour son exem- Montrouge de 1975 à 1994, plarité, il se vit d’ailleurs dis- directeur de recherche dont tingué à maintes occasions, nombre d’entre nous ont notamment de la Légion pu bénéficier des conseils d’honneur, de la médaille de avisés, il fut aussi praticien Reconnaissance de la Nation, hospitalier et expert près la et des Palmes académiques. Cour de cassation. Profes- Les décorations, titres et seur émérite pendant près hauts faits garderont vivace de 30 ans, il œuvra aussi en la mémoire de Charles Bé- tant qu’expert internatio- renholc, esprit libre et bril- nal auprès de l’OMS, fonda lant qui aura consacré sa vie le Collège national odonto- à élever la médecine dentaire logique des professeurs des vers toujours plus d’excel- universités en 1989, fut pré- lence. Le Conseil national sident de l’Académie natio- rend hommage à cet homme nale de chirurgie-dentaire exceptionnel dont la renom- avant d’en devenir président mée dépassait les frontières d’honneur en 2009. Charles de notre profession. LA DISPARITION DE JEAN-LOUIS ARTUS Ancien président du conseil départemental du Calvados de 2000 à 2007, Jean-Louis Artus est décédé le 27 janvier 2023. Il était entré au conseil départemental en 1972 et avait exercé les fonctions de secrétaire général à partir de 1974 avant d’être élu président en 2000. À son épouse, à ses filles, à ses petits-enfants et toute sa famille, le Conseil national et le conseil départemental du Calvados adressent leurs plus sincères condoléances. 10 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ACTU France-Allemagne : regards croisés L e Conseil national, représenté par son président Philippe Pommarède, Marie-Anne Bau- doui Maurel, vice-présidente encharge de l'Europe, et Christine Constans, conseillère nationale, recevait, les 1er et 2 mars derniers, son homologue d’outre-Rhin, le BZAEK, qui cha- peaute les Ordres des 16 Landers alle- mands. Le BZAEK était représenté par son vice-président, le Dr von Laf- fert, et le Dr Alfred Büttner. Cette ren- contre a été l’occasion d’un échange de vues qui aura permis de mesu- rer à quel point les problématiques entre nos deux pays sont parfois lage territorial à ce jour. On notera proches. Au cœur de l’actualité pour que, comme en France, la question nos amis allemands : le pays fait face de l’accès aux soins bucco-dentaires à un important problème de recrute- est posée en Allemagne, et ce avec ment d’assistants dentaires. Rappe- d’autant plus d’intensité pour les Eh- lons qu’en Allemagne, cette catégo- pad. Les deux institutions ont aussi rie inclut, outre l’assistant dentaire, abordé la nouvelle réglementation l’adjoint administratif, l’assistant de européenne sur le cobalt ainsi que la prophylaxie et enfin, l’hygiéniste, qui question de la « vente » des aligneurs. tous, exercent sous la responsabilité Enfin, 6 % des chirurgiens-den- du chirurgien-dentiste. tistes allemands Parmi les sujets com- exercent avec un di- muns, les déserts médi- En Allemagne, historiquement, plôme étranger (UE caux restent une ques- existait une restriction à l'installation et hors UE). S’agissant tion pendante des deux des chirurgiens-dentistes. des diplômés hors UE, côtés du Rhin. Ainsi, en l’Allemagne a mis en Allemagne, historiquement, existait place un contrôle très strict avec une restriction à l’installation des des tests théoriques et pratiques. chirurgiens-dentistes. Mais ce dis- On ne s’étonnera pas que le Conseil positif coercitif n’ayant pas obtenu les national ait été particulièrement à résultats escomptés, tous les Landers l’écoute sur ce dernier point. Vont ont rétabli la liberté d’installation aux en effet s’ouvrir au Parlement fran- praticiens. Une mesure qui n’a cepen- çais les discussions sur le projet de dant pas résolu les problèmes de mail- loi sur l’immigration. AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 11
FOCUS Qui sont les primo-inscrits ? Q ui est le primo-inscrit ? Où a-t-il obtenu son diplôme ? Où exerce-t-il ? Et sous quel mode (salarié ou libéral) ? Nous de l'année 2022 a eu lieu le croi- sement des courbes entre les pra- ticiens ayant obtenu leur diplôme en France et s’inscrivant pour la allons débuter cette radiographie première fois sur le territoire na- du néo-inscrit en France avec la tional, et leurs confrères diplômés question de l’origine du diplôme. hors de France s’inscrivant éga- En effet, nous y sommes, et c’est lement pour la première fois en tout sauf une surprise : à la fin France (voir graphique p. 14). 12 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
FOCUS DIPLÔMES FRANÇAIS, chirurgiens-dentistes diplômés hors UE ET HORS UE UE est stable depuis plus de dix ans. C’est en effet, bien sûr, le nombre de 1 313 praticiens diplômés hors de praticiens diplômés dans l’UE (hors France se sont inscrits au tableau France) qui est en augmentation de l’Ordre en 2022 contre 1 294 constante et qui est la cause de cette praticiens diplômés dans une des bascule. UFR françaises. Le croisement des La dynamique était observable de- courbes a eu lieu. Certes, à deux uni- puis le début des années 2010. On tés près, il n’existerait pas (encore) si notera d’ailleurs que l’augmentation l’on ne tenait compte que des chirur- du numerus clausus en France, qui giens-dentistes à diplôme UE (1 294 a donné ses effets à partir du milieu praticiens en 2022). Ce sont en effet des années 2010, n’a pas inversé les 19 praticiens diplômés hors UE cette tendance. Elle a simplement inscrits en France en 2022 qui font retardé l’échéance de ce croisement pencher la balance. Ce nombre des des courbes. On comprend pour- Répartition des primo-inscrits en France en 2022 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 13
FOCUS Évolution des primo-inscriptions par origine du diplôme quoi le président de l’ONDPS, le a perdu ce statut de n° 1. C’est l’Es- Pr Emmanuel Touzé, lorsqu’il a pro- pagne qui lui a ravi la place. 502 pra- posé (et obtenu, avec le soutien de ticiens à diplôme espagnol se sont l’Ordre) la création de six nouvelles inscrits en France en 2022. La Rou- UFR d’odontologie en France a in- manie a même perdu la deuxième venté la formule « ré-internaliser la place en 2020 au profit du Portu- formation ». Une observation doit être faite ici sur Top 4 des pays d’origine du diplôme les praticiens diplô- chez les primo-inscrits més en UE (hors France). En effet, la donne a changé de- puis 2019 (voir gra- phique ci-contre). Longtemps en tête des pays « exporta- teurs » de diplômés en France (y com- pris des diplômés de nationalité fran- çaise comme on le sait), la Roumanie 14 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
FOCUS Primo-inscrits salariés et libéraux gal avec 399 néo-inscrits à diplôme QUELLE RÉPARTITION portugais contre 283 à diplôme rou- GÉOGRAPHIQUE ? main. Géographiquement, les primo- La majorité des primo-inscrits inscrits espagnols exercent majori- exercent dans les grandes agglomé- tairement dans le sud-ouest, et les rations et les zones « attractives ». Portugais en Île-de-France. Quant Avant d’y venir, plantons le décor. aux primo-inscrits roumains, ils La carte page 18 expose la den- exercent indifféremment sur tout le sité des praticiens en France pour territoire. Mais pour autant, ces dif- 100 000 habitants. Le Sud (à l’est férences ne doivent pas masquer l’es- et à l’ouest), la Bretagne, l’Île-de- sentiel. Statistiquement, le schéma France, l’Est et, dans une moindre du lieu d’installation reste le même mesure, le Nord, connaissent une pour tous les primo-inscrits, et c’est densité satisfaisante (et parfois ce que nous allons voir à présent. une situation de surdensité). AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 15
FOCUS Zones d’implantation des diplômés en France UFR par UFR Ailleurs, c’est ce que l’on appelle mêmes territoires que la population la fameuse « diagonale du vide », qui globale de chirurgiens-dentistes. sépare le nord et le sud du pays. Le Le cas de la Lozère est symptoma- lieu d’exercice des néo-inscrits (voir tique. C’est le département connais- la carte p. 13) épouse peu ou prou la sant la plus faible démographie carte générale de la densité profes- professionnelle en France métropoli- sionnelle. Les départements déjà bien taine avec 38 praticiens pour 100 000 pourvus en praticiens concentrent la habitants (la moyenne en France majorité des inscriptions. étant de 64 pour 100 000 habitants). La « diagonale du vide » se reflète En 2022, l’Ordre n’a enregistré au- aussi sur la carte des primo-inscrip- cune inscription dans le départe- tions. En d’autres termes, les primo- ment. À l’autre extrême, Paris, avec inscrits choisissent d’exercer dans les une densité de plus de 156 praticiens 16 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
FOCUS pour 100 000 habitants, a enregistré Ces nouveaux lieux de formation se 201 nouveaux inscrits en 2022. sont tous créés dans des aggloméra- Nous avons évoqué plus haut les tions « moyennes », et l’on peut rai- zones géographiques d’exercice des sonnablement supposer que les jeunes néo-inscrits à diplôme UE. Évoquons diplômés, là encore, s’ancreront dans à présent l’implantation de ceux qui le territoire pour constituer un vrai ont obtenu leur diplôme en France. maillage. Le mapping de leur lieu d’exercice (carte p. 16) l’indique clairement : QUEL MODE D’EXERCICE ? ils s’ancrent très majoritairement La carte page 15 indique que, dans les autour de leur UFR d’origine. On départements abritant une grande peut observer cependant que moins métropole, l’exercice salarié des pri- le centre urbain abritant l’UFR est mo-inscrits est important. À l’inverse, important, plus les néo-inscrits s’en lorsque l’on quitte ces grands centres écartent, mais tout en exerçant ma- urbains, c’est l’exercice libéral qui est joritairement dans la région. Notre privilégié, et très majoritairement. carte de la page 16 mentionne l’em- C’est un phénomène qui s’est accéléré placement des six nouveaux dépar- ces dernières années, en même temps tements d’odontologie et des deux que se sont développés les centres de antennes hospitalo-universitaires. santé. On peut y voir un lien de Évolution des modes d’exercice des primo-inscrits (toutes origines du diplôme confondues) AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 17
FOCUS Densité des praticiens (tous modes d’exercice) pour 100 000 habitants (Au 8 mars 2023) cause à effet. Là encore, et si la dyna- passée de 25 % à 41 %. Or, on constate éga- mique reste la même, on pourrait obser- lement que le statut de collaborateur sala- ver à court terme un autre basculement rié (donc au sein d'un cabinet libéral) est de courbes : celui d’un exercice salarié seulement passé de de 7 à 9 %. Il a même devenant majoritaire notamment à Paris, baissé de deux points en 2022. Bien sûr, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et cette dynamique doit être regardée sur le Montpellier. long terme et en détail. On se contentera Cette dynamique est visible avec l’histo- pour l’heure d’observer, selon les statis- gramme proposé en page 17 sur les modes tiques de l’Ordre, que 555 néo-inscrits à d’exercice des primo-inscrits. En l’espace diplôme UE exerçaient en 2022 en tant de cinq ans, et si l’on additionne le sta- que salariés contre 116 néo-inscrits à di- tut de collaborateur salarié avec celui de plôme français. On verra si ce mouvement « simple » salarié, la part des salariés est se maintient dans la durée. 18 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ Besançon accueille TERRITOIRE sa première promotion d'étudiants D Apolline, 18 ans, originaire ans les locaux de l’UFR santé du Doubs apprécie les conditions de Besançon, 13 élèves s’af- de travail. « Cela change fairent sur leurs simulateurs. de la première année Les travaux pratiques ont démarré à de médecine où l’on était 600 10 heures et se poursuivront jusqu’à dans l’amphi ! » midi. « Pas de brouhaha, ici, on circule librement sans se gêner et les condi- tions de travail sont bonnes ! » À 19 ans, Thomas apprécie ce confort après une première année en médecine, noyé dans la masse. « On était 600 dans l’am- phi » se remémore Apolline. Rien à voir avec cette promotion – de 25 au AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 19
BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ expérience et leur motivation com- pensent l’absence de titres ou de tra- vaux universitaires » insiste-t-il. Il détaille les conditions de leur recru- tement et d’évaluation : « Jugés par des pairs indépendants, leurs compétences ont été validées par l’université ». L’aga- cement du doyen Thierry Moulin est perceptible lorsque la qualité de l’ensei- gnement est discutée par la présence de ces enseignants libéraux à temps par- tiel, sous statut de maître de confé- rences associé en service temporaire. « La formation est académique. Le niveau est le même qu’ailleurs en France, et nous n’avons pas à rougir car l’excellence est au rendez-vous ! » Les deux hommes par- tagent la même vision : former des omni- Sophie praticiens et, à terme, d’ici 2035, doter le total –, qui rappelle les classes du Péchoux, maître territoire avec des chirurgiens-dentistes lycée. de conférences bénéficiant d’une solide formation initiale. Cette deuxième année en odontologie associé, tranche avec les autres facultés où les consacre une effectifs se comptent en centaines d’ap- grande partie prenants. Rouba mesure sa chance : de son temps à « Ici, les profs connaissent nos pré- ses étudiants, noms et nos parcours. Dès qu’on a le après avoir moindre souci, ils sont à notre écoute ». participé à Constat partagé et mis en avant par les l'élaboration de enseignants : cette proximité permet la maquette. du sur-mesure pour corriger les erreurs de gestuelle ou de posture. Ce matin, ils sont trois intervenants pour encadrer le groupe. Des universi- taires et des libéraux. « Une révolution des mentalités » pour le P r Edouard Euvrard, professeur associé, praticien hospitalier, qui dirige la formation en odontologie à Besançon. Recruter des libéraux s’est révélé nécessaire pour ouvrir le cursus dès septembre. On voit cela ici comme une chance pour les Malgré quelques étudiants pour lesquels des profils réticences au départ, variés assureront l’enseignement. Le Simon ne regrette pas directeur de la formation, dont le sou- Strasbourg et mesure tien du doyen, Thierry Moulin, ne s’est sa chance. « Cette jamais démenti pour la mise en route formation est top ! » du projet, revient sur cette question des libéraux : « Leurs diplômes, leur 20 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ Comme dans les quatre nouveaux Edouard Si la formation clinique est dans tous les départements d’odontologie qui ont Euvrard, esprits, la rentrée universitaire de 2022 ouvert leurs portes cette année en responsable de est une réussite. Le directeur de l’UFR France, le principe de la mutualisation la formation se félicite d’avoir « fait le plein » avec de l’enseignement hors odontologie (à gauche) 25 étudiants et une équipe pédagogique s’applique à Besançon avec des ensei- et Thierry efficiente pour assurer les cours du pre- gnants en médecine et pharmacie. L’en- Moulin, doyen mier cycle. Restera, bien sûr, à complé- jeu sera évidemment la future rentrée et directeur de ter et pérenniser l’équipe pédagogique. hospitalière de cette première promo- l’UFR (à droite) En attendant, Grégrory Vial, praticien tion puis des suivantes. Ici, on met les ont travaillé libéral assurant plusieurs vacations, se bouchées doubles. Un nouveau bâti- de concert souvient : « Ici, il y a un an, il n’y avait ment va sortir de terre, et les filières pour démarrer rien. Je suis épaté. On fustige souvent hospitalières locales sont mobilisées, ce cursus dès les difficultés pour avancer dans les destinées à devenir des points d’an- septembre. universités et là, on a un contre-exemple crage et, à terme, des terrains de stage formidable. Cette formation a été mise adéquats. Ajoutons à cela que Besançon en place en un temps record. » Comme revendique une approche complémen- ses confrères, il apprécie de sortir de taire originale, en lien avec l’associa- son cabinet pour enseigner. « On tion Handident, qui prend en charge mélange le libéral et l’universitaire. des patients en difficulté. Enfin ! ». Un vrai cri du cœur. AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 21
PRATIQUE Double inscription France-hors UE : double sanction... Une décision récente et importante du Conseil d’État sur un cas de double inscription d’un praticien en France et dans un pays hors Union européenne vient éclairer cette question sous un jour nouveau (1). En effet, le Conseil d’État a confirmé que l’Ordre pouvait sanctionner à la fois administrativement et disciplinairement tout praticien contrevenant à cette interdiction de double exercice France-hors UE. Pour bien comprendre, rappelons en premier que les inscriptions au tableau de l’Ordre relèvent de la prérogative du conseil départemental de l’Ordre. Il est en son pouvoir de les accepter ou de les refuser. Il doit tenir le tableau à jour et, lorsqu’il constate un manquement à ses obligations par un praticien, il peut radier ce dernier du tableau. Une telle radiation, qui n’est pas une sanction, constitue une mesure de police administrative (2). Il a également autorité pour traduire le praticien devant les instances disciplinaires ordinales en sus des décisions administratives de radiation, comme l’a indiqué récemment le Conseil d’État face à un cas de double inscription. Explications. 22 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
PRATIQUE Le principe Mesure administrative Un praticien ne peut être à la fois et sanction disciplinaire inscrit dans un pays non membre de Mais ce que vient de souligner le l’UE ou de l’AEEE et au tableau d’un Conseil d’État dans sa décision récente, conseil départemental de l’Ordre en c’est que ce même praticien, déjà radié France. administrativement du tableau pour En effet, l’article L. 4112-1 du Code de une double inscription « France-hors la santé publique, qui pose les règles UE » peut également faire l’objet de générales d’exercice, pose qu’un sanctions disciplinaires. La haute juri- chirurgien-dentiste « inscrit ou enre- diction administrative explicite ainsi gistré en cette qualité dans un État ne cette double sanction : « Cette préroga- faisant pas partie de l’Union euro- tive ne fait pas par elle-même obstacle à péenne ou n’étant pas partie à l’accord ce qu’une action disciplinaire soit enga- sur l’Espace économique européen gée en raison des mêmes circonstances [AEEE] ne peut être inscrit à un lorsque celles-ci permettent de caracté- tableau de l’ordre dont il relève ». riser un manquement de ce praticien à ses devoirs professionnels. » Mesure de police administrative Radiation ET interdiction Ainsi, quand un conseil départe- d’exercer mental de l’Ordre constate qu’un En pratique, quel est l’impact, pour le praticien inscrit à son tableau est praticien contrevenant, d’une radiation également inscrit au tableau d’un administrative et d’une sanction disci- État non membre de l’UE ou partie plinaire ? Concrètement, le praticien à l’AEEE, il : encourt à la fois : – doit lui demander de se mettre en – une radiation du tableau de l’Ordre conformité avec la loi, c’est-à-dire (mesure de police administrative) ; faire un choix entre les deux tableaux, – une radiation du tableau de l’Ordre et/ soit par radiation du tableau étranger, ou une interdiction temporaire ou défi- soit par radiation du tableau français. nitive d’exercer (sanction disciplinaire). – peut prononcer une mesure de police Enfin, si une radiation administrative administrative de retrait du tableau si n’empêche en rien le praticien de rede- le praticien n’obtempère pas. mander immédiatement son inscrip- Cette prérogative du conseil départe- tion au tableau d’un conseil départe- mental est mentionnée à l’article mental, il n’en est pas de même d’une L. 4112-1 du CSP cité plus haut : « Il radiation disciplinaire. Cette dernière incombe au conseil départemental de le contraint à un délai d’attente de cinq tenir à jour le tableau et, le cas échéant, ans au terme duquel il devra demander de radier de celui-ci les praticiens qui, à la chambre disciplinaire qui a pro- par suite de l’intervention de circons- noncé la radiation un relèvement d’in- tances avérées postérieures à leur ins- capacité. Et ce n’est que s’il l’obtient cription, ont cessé de remplir ces condi- qu’il pourra solliciter de nouveau une tions. » Le Conseil d’État, fort inscription au tableau. logiquement, rappelle donc qu’il appartient au conseil départemental (1) Conseil d'État, contentieux, décision de l’Ordre « siégeant dans sa forma- N° 459874 du 27 décembre 2022 tion administrative » de radier du (2) Article L. 4112-1 du Code de la santé tableau ce praticien. publique. AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 23
PRATIQUE JURIDIQUE : CONTRATS Pour l’Urssaf et le juge, l’étudiant remplaçant est un salarié… RÉSUMÉ. Lorsqu’un chirurgien-dentiste entend contracter, à des fins de remplacement, avec un étudiant ayant validé sa cinquième année, convient-il de conclure un contrat de travail ou un contrat libéral ? Alors que les parties ont retenu la qualification de contrat de remplacement libéral, une Urssaf a conclu à l’existence d’un contrat de travail, partant, elle a redressé le praticien pour un montant de plus de 25 000 €. Les juges ont donné raison à l’Urssaf. Le lien de droit entre un chirurgien-dentiste et un étudiant n’est pas un contrat libéral, mais un contrat de travail. Cet arrêt sonne comme une alerte… sachant que l’on ignore si la plus haute juridiction – la Cour de cassation – a été saisie d’un pourvoi. LE CONTEXTE. Chacun sait que le Code de la santé publique important. Si l’étudiant est salarié, le chirur- permet aux étudiants ayant validé, en France, gien-dentiste est tenu de respecter le droit du leur cinquième année, de pratiquer « soit à travail, ainsi le code éponyme ; il doit respec- titre de remplaçant, soit comme adjoint d’un ter les règles du régime général de sécurité chirurgien-dentiste » (1). Ledit étudiant doit sociale, ainsi se soumettre aux obligations obtenir, avant de pouvoir pratiquer (donc pré- déclaratives et au précompte des cotisations alablement), une autorisation délivrée par un et contributions de sécurité sociale. En conseil départemental de l’Ordre des chirur- revanche, si l’étudiant est travailleur indépen- giens-dentistes (2). Cependant, le Code de la dant, non seulement le Code du travail n’est santé publique ne détermine pas le statut pas applicable, mais il appartient à cet étu- juridique de l’étudiant, plus précisément la diant de se déclarer, de régler les cotisations nature du lien de droit qui l’unit au praticien. et contributions sociales. Il est ainsi muet sur ce point. S’agissant du remplacement, thème au centre Partant, une question a vu le jour : le lien de cette chronique, le Conseil national de relève-t-il de la qualification de contrat de l’Ordre des chirurgiens-dentistes « déconseille travail ou de contrat libéral ? L’enjeu est le recours au contrat libéral avec un étudiant, 24 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
PRATIQUE qu’il soit à temps plein ou à temps partiel car Les premiers juges (3) ne le suivent pas dans l’étudiant, n’étant ni titulaire du diplôme de son argumentation, ni la cour d’appel qu’il a docteur en chirurgie dentaire, ni inscrit au saisie par la suite (4). tableau de l’Ordre, il ne peut satisfaire aux dif- férentes obligations découlant d’un exercice ANALYSE. libéral. En particulier, l’étudiant ne peut cotiser Pourquoi cette juridiction d’appel confirme le au régime d’assurance maladie, maternité et jugement qui a validé le redressement Urssaf décès […] ». du praticien ? Son raisonnement est le suivant. Dans une affaire récemment jugée, un prati- La cour d’appel part du postulat selon lequel cien a eu recours, pour le remplacer à plu- un étudiant ayant validé sa cinquième année sieurs reprises, à des étudiants ayant validé ne peut pas satisfaire aux obligations inhé- leur cinquième année. Le contrat libéral a été rentes à l’exercice libéral, et ce parce qu’il ne choisi par les contractants. Consécutivement possède pas le diplôme de docteur en chirur- à un contrôle opéré par l’inspection d’une gie dentaire, ne peut pas être inscrit au tableau Urssaf, un redressement a été notifié à ce de l’Ordre. Elle reprend presque mot pour mot chirurgien-dentiste pour un montant de plus la position du Conseil national ; elle rappelle, de 25 000 € (auquel viendront s’ajouter des de surcroît, que celui-ci « déconseille » le majorations de retard). Selon l’Urssaf, les contrat libéral. honoraires versés aux étudiants doivent être Dans le prolongement, il a été établi que les réintégrés dans l’assiette des cotisations car étudiants n’avaient pas pu obtenir leur imma- ce sont des salaires. Bref, les étudiants sont triculation en qualité de travailleur indépen- regardés comme des salariés, et non des tra- dant auprès d’une Urssaf. De là, la cour d’ap- vailleurs indépendants. Le praticien conteste. pel conclut – par une déduction a AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 25
PRATIQUE fortiori – être en présence d’un contrat de Ces dispositions sont-elles applicables à la relation travail ; elle écrit, en effet, que « les prestations entre un chirurgien-dentiste et un étudiant ? La des intéressés ne pouvaient s’inscrire que dans le cour d’appel considère, d’une part, à juste titre, cadre d’un contrat de travail […] ». Cette déduc- que ce devoir pesait sur le chirurgien-dentiste. tion est – à tout le moins en partie – étonnante. D’autre part, elle retient que le montant règle- Car le contrat de travail doit normalement être mentaire – 5 000 €, antérieurement à 2015, prouvé (et non déduit), principalement par la 3 000 € – s’apprécie non par contrat de remplace- démonstration de l’existence d’un lien de subor- ment, mais « de façon globale en prenant compte dination, c’est-à-dire par la caractérisation l’ensemble des honoraires rétrocédés à un même d’un pouvoir (en l’occurrence celui du remplaçant ayant exécuté des prestations chirurgien-dentiste) de donner des successives sur une même période ». ordres, des directives, d’en contrô- Elle ajoute une précision que les ler l’exécution, le cas échéant, de textes ne contiennent pas ; elle les sanctionner les manquements interprète. Quoi qu’il en soit, le du subordonné. chirurgien-dentiste a lui-même Or, le chirurgien-dentiste est admis savoir que les étudiants remplacé, donc temporaire- l’ayant remplacé n’avaient pas pu ment physiquement absent, le être immatriculés à l’Urssaf. lien de subordination peut-il L’on ignore si cet arrêt d’appel a été dans ce contexte être reconnu ? l’objet d’un pourvoi devant la Cour En outre, précisons que la dénomina- de cassation, mais cette décision ne tion du contrat choisi par les parties (ici, saurait être prise à la légère… Pour contrat de remplacement libéral) ne lie pas le conclure, le contrat de travail susceptible d’être juge, ce dernier devant donner l’exacte qualifi- formé est le contrat à durée déterminée, son motif cation à l’acte juridique qui lui est soumis(5). Si le étant le « remplacement d’une personne exerçant recours à un procédé déductif est partiellement à titre libéral […] »(9). étonnant, il cache mal un malaise écarté impli- Pr David Jacotot citement mais nécessairement par les juges : que (1) Art. L. 4141-4, alinéa 1er. L’article R. 4127-275 serait un contrat qui ne serait ni libéral, ni de tra- dispose, quant à lui, qu’un « chirurgien-dentiste qui vail… La cour préfère le faire entrer dans une des cesse momentanément tout exercice professionnel ne deux catégories, privilégiant celle du contrat de peut se faire remplacer que par un praticien inscrit au travail. tableau de l’ordre ou un étudiant en chirurgie-den- taire remplissant les conditions de l’article R. 4141-4 ». La cour d’appel devait aussi trancher une autre question. Les articles L. 8222-1 et suivants du (2) Art. L. 4141-4, alinéa 2. Code du travail(6) créent un devoir de vérification (3) Le Pôle social du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire. qui consiste à s’assurer que son cocontractant satisfait aux « obligations sociales » pour « toute (4) Cour d’appel, Bordeaux, 14 avril 2022, n° RG 19/06778. opération d’un montant au moins égal à 5 000 € (5) La chambre sociale de la Cour de cassation considère hors taxes » (7). Dit autrement, pour tout contrat que « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni portant sur l’exécution d’un travail, la fourniture de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomi- d’une prestation de services d’un montant mini- nation qu’elles ont donnée à leur convention, mais des mum de 5 000 €, correspondant à la somme glo- conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité bale de la prestation (même si celle-ci fait l’objet des travailleurs ». de plusieurs paiements ou facturations), le don- (6) Aussi l’art. L. 243-15 du Code de la sécurité sociale. neur d’ordre est tenu de vérifier, lors de sa (7) Art. R. 8222-1 du Code du travail. Avant 2015, le conclusion, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de montant était de 3 000 €. son exécution, que son cocontractant s’acquitte (8) Une attestation de vigilance est délivrée par de ses obligations de déclaration et de paiement l’Urssaf de manière dématérialisée. des cotisations à l’égard de l’Urssaf (8). (9) Art. L. 1242-2, 4°, du Code du travail. 26 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
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