Ressources en eau de la Suisse - Ressources disponibles et utilisation - aujourd'hui et demain - NFP 61 "Nachhaltige ...

 
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PNR 61 – Synthèse thématique 1
         dans le cadre du Programme national de recherche PNR 61
         «Gestion durable de l’eau»

         Ressources en eau de la Suisse
         Ressources disponibles et utilisation –
         aujourd’hui et demain
         Astrid Björnsen Gurung et Manfred Stähli

Gestion durable de l’eau
Programme national de recherche PNR 61
Ressources en eau de la Suisse - Ressources disponibles et utilisation - aujourd'hui et demain - NFP 61 "Nachhaltige ...
Ressources en eau de la Suisse - Ressources disponibles et utilisation - aujourd'hui et demain - NFP 61 "Nachhaltige ...
PNR 61 – Synthèse thématique 1
dans le cadre du Programme national de recherche PNR 61
«Gestion durable de l’eau»

Ressources en eau de la Suisse
Ressources disponibles et utilisation –
aujourd’hui et demain
Astrid Björnsen Gurung et Manfred Stähli
Ressources en eau de la Suisse - Ressources disponibles et utilisation - aujourd'hui et demain - NFP 61 "Nachhaltige ...
Mentions légales
Auteurs:
Dr Astrid Björnsen Gurung, WSL
Dr Manfred Stähli, WSL

Recommandations relatives aux citations: Astrid B jörnsen Gurung; Manfred Stähli (2014): Ressources en eau de
la Suisse: Ressources disponibles et utilisation – aujourd’hui et demain. Synthèse thématique 1 dans le cadre du
Programme national de recherche PNR 61 «Gestion durable de l’eau», Berne.

Conceptualisé et publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scienti­fique dans le cadre du
Programme national de recherche PNR 61 «Gestion durable de l’eau».

       Gestion durable de l’eau
       Programme national de recherche PNR 61

Comité de direction: Pr em. Christian Leibundgut (président), Université de Fribourg-en-Brisgau; Pr Günter Blöschl,
Technische Universität Wien; Pr Dietrich Borchardt, Helmholtz Zentrum für Umweltforschung UFZ, Leipzig; Ulrich
Bundi (jusqu’à 2013), autrefois Eawag, Dübendorf; Pr Bernd Hansjürgens, Helmholtz Zentrum für Umweltforschung
UFZ, Leipzig; Pr Bruno Merz, GeoForschungs­Zentrum, Potsdam; Pr em. (Universität Wien) Franz Nobilis, conseiller
ministériel auprès du Lebensministerium (Sektion Wasser, Hydrographisches Zentralbüro), Vienne
Conseil consultatif: Dr Christoph Böbner, Service des forêts et du paysage, Canton de Lucerne; Katharina Do­bler
(jusqu’à 2013), Office des affaires communales et de l’organisation du territoire, Canton de Berne; Dr Anton
Kilchmann, Société suisse de l‘industrie du gaz et des eaux (SSIGE); Roger Pfammatter, Association suisse pour
l’aménagement des eaux (ASAE); Irène Schmidli (jusqu’à 2011), autrefois Office des eaux et des déchets, Canton
de Berne; Moritz Steiner, Service de l‘énergie et des forces hydrauliques, Canton du Valais; Adèle Thorens Goumaz,
conseillère nationale VD, Verts; Luca Vetterli, Pro Natura Ticino; Hansjörg Walter, conseiller national TG, UDC; Martin
Würsten, Service de l‘environnement, Canton de Soleure
Déléguée de la division IV du Conseil national de la recherche: Pr Nina Buchmann, EPF Zurich
Représentant de la Confédération: PD Dr Stephan Müller, Office fédéral de l’environnement OFEV, Berne
Coordinatrice du Programme: Dr Barbara Flückiger Schwarzenbach, Fonds national suisse FNS, Berne
Chargée d’échanges de connaissances: Dr Patricia Fry, Wissensmanagement Umwelt, Zurich
Porte-parole: Dr Bruno Schädler, Université de Berne

Vidéo, arrêts sur image et citations: Patricia Fry, Wissensmanagement Umwelt; Renata Grünenfelder, Halbbild
Halbton
Mise en page et graphiques: Esther Schreier, Ilaria Curti, Bâle; Guido Köhler, Atelier Guido Köhler & Co., Binningen
Impression: PrintMediaWorks, Schopfheim im Wiesental
Papier: LuxoSatin, certifié FSC, 135 g/m2 (contenu), 250 g/m2 (couverture)
Traduction(s): Trad8, Delémont
Photos de couverture: Patricia Fry, arrêts sur image tirés des projets SACFLOOD, HYDROSERV, NELAK, GW-TEMP,
WATERCHANNELS. Photos de fond Beat Ernst, Bâle
Illustrations et citations: sauf par indication contraire, les illustrations et citations utilisées proviennent des clips
vidéo du PNR 61 «Aperçu» et «Perspectives», cf. www.pnr61.ch. L’abréviation du projet PNR 61 indiquent la source
correspondante dans chaque cas. Les citations reflètent l’opinion des personnes à l’écran.

Pour ce qui a trait aux résultats de recherche mentionnés, la responsabilité en échoit aux équipes de recherche con­
cernées; pour les synthèses thématiques et les recommandations, la responsabilité incombe aux auteurs concernés
dont les conclusions ne doivent pas nécessairement correspondre aux opinions du Fonds national suisse, des mem-
bres du comité de direction ou du Conseil consultatif.
Table des matières
4    Avant-propos
6    Résumé
7    Summary

 8   Les ressources en eau de la Suisse: situation actuelle
 8   Disponibilité et distribution de l’eau
12   Pénurie d’eau
16   Crue
17   Etat écologique

21   Gestion actuelle des ressources en eau
21   Approvisionnement en eau potable
22   Gestion de l’énergie
25   Agriculture
27   Zones d’habitation et de circulation
28   Industrie et commerce
28   Exploitation de matières premières
29   Navigation
29   Tourisme
30   Gouvernance de l’eau et infrastructure hydraulique

33   Changement climatique et évolution de la société:
		   les répercussions sur les ressources naturelles en eau
33   Modifications liées au climat et conséquences jusqu’en 2050 et 2085
34 		     Précipitations et évaporation
36		Glaciers
38		      Eau de surface
39		      Eau souterraine
41		Débit
44		      Eaux de surface
45   Sollicitations futures de la société et de la nature
45		      Evolution du paysage et de l’utilisation du sol
47		      Surfaces d’habitation et de circulation, infrastructures et navigation
48		      Gestion de l’énergie
49		      Agriculture
52		      Evolution de la forêt
53		      Tourisme
53		      Protection des eaux

54   Conclusions

56   Index des illustrations
56   Index des tableaux
56   Bibliographie
67   Remerciements

68   Annexe
68   Qu’est-ce que le PNR 61?
68   Les 16 projets de recherche du PNR 61
70   Produits du PNR 61
Avant-propos
                                                              Le Programme national de recherche «Ges-
                                                              tion durable de l’eau» (PNR 61) a été lancé
                                                              en 2008 afin de jeter les bases d’une straté-
                                                              gie d’avenir visant à garantir les ressources
                                                              hydriques et l’économie de l’eau en Suisse.

                                                              Il est apparu dès le départ que le changement
                                                              climatique et les évolutions sociales, notam-
                                                              ment l’urbanisation croissante de la Suisse
                                                              et les ouvertures de marché à l’ international,
    Pr em. Dr Christian Leibundgut                            pèsent considérablement sur les ressources
                                                              en eau. En outre, des facteurs politiques et
                                                              économiques, souvent imprévisibles et dont
                                                              les conséquences sont difficilement éva-
                                                              luables, entravent l’utilisation durable de l’eau
                                                              à laquelle l’on aspire.

                                                              Ce vaste programme a permis de synthétiser
                                                              et de consolider le potentiel élevé que recèle
                                                              la recherche sur l’eau en Suisse. Les facteurs
                                                              d’influence ne pouvant être qu’en partie maî-
                                                              trisés, il conviendrait d’affiner les connaissan-
                                                              ces scientifiques existantes par le biais de la
                                                              recherche, de les associer au plan stratégique
                                                              et de les orienter vers un objectif commun
                                                              afin de jeter les bases d’une stratégie nati-
                                                              onale de l’eau. Cette démarche implique un
                                                              changement de paradigme de manière à
                                                              passer d’une observation partielle des prob-
                                                              lématiques liées à l’eau à une considération
                                                              globale des systèmes et des bassins hydrolo-
                                                              giques. Les ressources en eau doivent dès lors
                                                              être prises en compte dans un contexte glo-
                                                              bal intégrant à la fois les autres ressources et
                                                              les champs d’action sociaux, parmi lesquels la
                                                              production énergétique, la production agri-
                                                              cole et forestière sans oublier les synergies
                                                              notamment générées par la force hydrau-
                                                              lique, la correction et la revitalisation des cours
                                                              d’eau, le développement de l’urbanisation et
                                                              l’ implantation d’activités artisanales et indust-
                                                              rielles, le tourisme et le secteur des loisirs.

4   Gestion de l’eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
Ce programme privilégie une approche                 Le PNR 61 s’est consacré aux aspects centraux
trans­disciplinaire. La recherche a dès le dé­­      de l’économie des eaux en Suisse dans le
but impliqué les parties prenantes et mis            cadre de 16 projets. Quatre synthèses thé-
l’accent sur les modalités concrètes de mise         matiques reprenant les points importants
en œuvre des résultats obtenus. Des groupes          avaient pour but de coordonner les résultats
d’utilisateurs expérimentés ont ainsi contribué      du projet à l’ intention des experts de la Confé-
à l’élaboration d’outils concrets, notamment         dération, des cantons et sur le terrain et de
des guides et des modèles. Cette méthode de          tirer les conclusions générales. Des résultats
travail conceptuelle inhérente au programme,         de recherches menées à l’externe ont égale-
fondée sur une approche d’intégration et             ment été intégrés de manière à obtenir une
d’échange entre recherche et application, est        vue d’ensemble de l’utilisation durable de
de nature à faciliter une mise en œuvre conc-        l’eau en Suisse à l’avenir. Ces éléments sont
rète aux effets durables.                            exposés dans la synthèse globale.

Une gestion durable de l’eau ne peut être            Les cinq rapports de synthèse à présent dispo-
conçue et réalisée, sur un plan conceptuel,          nibles de ce Programme national de recherche
qu’en tenant compte d’autres domaines de             constituent un aide-mémoire des plus inté-
la vie et de l’économie. C’est la raison pour        ressants sur l’utilisation et la gestion de l’eau
laquelle l’approche globale et intégrée est          en Suisse. Ils montrent comment le secteur de
fondamentalement au cœur des travaux rela-           l’eau pourrait être organisé à l’avenir en Suisse,
tifs au PNR 61; elle joue un rôle déterminant        les devoirs qui nous incombent et les mesures
dans une gestion efficace de l’eau et dans la        de prévention à conseiller.
politique de l’eau y afférente en Suisse (gou-
vernance de l’eau).                                  Un grand merci à tous ceux qui se sont impli-
                                                     qués dans ce programme avec enthousiasme
Nul ne pouvait se douter, au premier stade           tout au long de ces années: aux chercheurs,
du programme, que les «facteurs d’influence          aux mem­bres du comité de direction et du
incontrôlables» se manifesteraient aussi rapi-       Conseil consultatif, à la chargée d’échanges
dement. La politique énergétique euro­­­pé­­­­­-     de connaissances, à la coordinatrice du pro-
en­­ne a notamment amorcé une transition             gramme et aux autres collaborateurs du FNS,
é­­ner­­­gétique accélérée, laquelle aura des con-   aux représentants de l’OFEV et des autres
séquences considérables également sur le             offices fédéraux, aux cantons, aux régions, aux
secteur de l’eau en Suisse. La stratégie de          com­­munes et aux associations, ainsi qu’aux
l’eau que nous visons a été temporairement           au­­teurs des synthèses.
ajournée, aussi manque-t-il un solide pilier sur
la base duquel effectuer une pesée des inté-
rêts incluant d’autres domaines politiques (la       Le président du comité de direction du PNR 61
politique énergétique notamment), dans une
vision intégrée et solidement ancrée à tous          Christian Leibundgut
égards.

Cette évolution montre à quelle vitesse les
facteurs d’influence et les forces en présence
peuvent changer et souligne la nécessité de
déployer en temps utile une démarche de
prévention.

                                                                                            Avant-propos   5
Résumé
A gauche: les montagnes comme capteurs de         En Suisse, le massif des Alpes et ses som-                ment sur de nombreuses réserves d’eau sou-
nuages. (Photo DDPS)                              mets culminant jusqu’à 4810 m d’altitude for-             terraine qui seront à l’avenir exposées plus
Au milieu: les marais, des réserves d’eau         ment une barrière climatique qui entraîne                 souvent à des épisodes de sécheresse prolon-
efficaces. (Photo Ariel Bergamini)                les masses d’air humide en altitude. La Suisse            gée en été. Si le PNR 61 a permis de recenser
A droite: les producteurs d’énergie hydraulique
                                                  bénéficie dès lors de précipitations pluvieuses           avec une plus grande précision les nappes
seront touchés par les conséquences du chan-
gement climatique. (FUGE)                         et neigeuses supérieures à la moyenne [1]. Le             aquifères abondantes en Suisse, en particu-
                                                  pays est considéré comme le château d’eau                 lier dans les ré­gions karstiques, il démontre
                                                  de l’Europe, car d’importants fleuves y pren-             simultanément que nombre d’entre elles ne
                                                  nent leur source. Les effets déjà tangibles du            sont pas utilisables en raison de restrictions
                                                  changement climatique, conjugués aux évo-                 d’ordre technique, économique, écologique
                                                  lutions démographiques, économiques et                    ou juridique. Dans les zones à forte densité
                                                  politiques, pèsent considérablement sur les               de population du Plateau, la demande crois-
                                                  ressources en eau et leur utilisation en Suisse.          sante et les nouveaux apports de polluants
                                                  La présente synthèse thématique décrit les                ont une incidence supérieure à celle du climat
                                                  principes régissant les ressources en eau                 sur la quantité et la qualité des ressources hyd-
                                                  actuel­ les et leur utilisation en Suisse et              riques. Les eaux souterraines utilisables à long
                                                  esquisse les futures conditions cadres clima-             terme y sont insuffisantes, en particulier pen-
                                                  tiques et sociales. Elle montre clairement que            dant les périodes de sécheresse prolongée.
                                                  les ressources en eau sont limitées et que des            Compte tenu de la diversité des usages de
                                                  ajustements s’imposent dans de nombreux                   l’eau ayant une incidence sur les cours d’eau
                                                  secteurs, principalement la gestion de l’eau              de la Suisse, qui plus est sur un territoire res­
                                                  et de l’électricité, l’industrie et le commerce,          treint, la gestion durable de l’eau ne doit pas
                                                  l’agriculture, la navigation et le tourisme. Afin         s’intéresser uniquement aux ressources en
                                                  de disposer, à l’avenir également, de ressour-            eau et à la préservation d’une eau de qualité,
                                                  ces en qualité et en quantité suffisantes, la             mais prendre en considération l’ensemble
                                                  recherche sur l’eau en Suisse se doit de pro-             de l’espace réservé aux eaux qui produit,
                                                  poser, en plus de connaissances systémiques               préserve et stocke la ressource «eau». Située
                                                  fiables, des grands principes pour définir des            à l’amont d’importants fleuves et cours d’eau,
                                                  objectifs sociaux et poser les bons jalons.               la Suisse endosse par ailleurs une responsa-
                                                  Même si le volume d’eau disponible chaque                 bilité envers les pays limitrophes. Outre une
                                                  année ne diminue que faiblement d’ici à la fin            stratégie suisse de gestion de l’eau, il convi-
                                                  du siècle, les ressources en eau des ré­gions             ent également d’adopter une vision trans-
                                                  alpines évolueront sensiblement, dans le                  frontalière de l’utilisation future de l’espace
                                                  temps et dans l’espace, sous l’effet du change-           et des ressources qui fasse une place de
                                                  ment climatique, en particulier après 2050. La            choix aux ressources hydriques et à leur uti-
                                                  baisse de la capacité de stockage de la neige             lisation. Dans cette perspective, la Suisse
                                                  et des glaciers aura en particulier des répercus-         peut s’appuyer sur plusieurs séries de mesu-
                                                  sions sur le tourisme hivernal et sur l’énergie           res et sur des banques de données fournies.
                                                  hydraulique. Les exploitants des centrales                En comblant les lacunes en matière de don-
                                                  hydroélectriques doivent s’adapter à de nou-              nées (p. ex. humidité du sol ou charriage) et en
                                                  veaux régimes de débits, à une plus grande                intensifiant la collaboration entre les différents
                                                  capacité de charriage et à de nouvelles situa-            acteurs, les connaissances systémiques pour-
                                                  tions de dangers, autant d’évolutions résultant           raient être encore développées et mieux uti-
                                                  de la fonte des glaciers et de l’apparition de            lisées au profit de la gestion durable de l’eau.
                                                  nouveaux lacs glaciaires.                                 Une chose est sûre: grâce aux montagnes, la
                                                  Sur le Plateau, les futures conditions clima-             Suisse bénéficiera également à l’avenir de pré-
                                                  tiques entraîneront, d’une part, une augmen-              cipitations abondantes et de forts débits. En
                                                  tation des risques de crues et, d’autre part,             tant que communauté, nous nous devons de
                                                  une forte diminution des débits en fin d’été,             poser aujourd’hui les jalons pour les géné-
                                                  ce qui devrait en particulier limiter dans le             rations futures. Les projets du PNR 61 ont mis
                                                  temps la navigation sur le Rhin. En outre, le             à disposition les connaissances nécessaires et
                                                  changement climatique influera indirecte-                 élaboré les instruments les mieux adaptés.

6                                                 Gestion de l‘eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
Summary
The Alps are an obstacle. With summits of up       are abundant particularly in Karst areas, the    A gauche et à droite: face au changement
to 4,810 metres above sea level, they function     results reveal that many of those vast ground-   climatique, l‘agriculture et le tourisme devront
as a barrier pushing water-saturated air up        water resources cannot be exploited due to       s‘adapter. (AGWAM)
into cooler spheres, thereby triggering above-     technical, economic, ecological and legal        Au milieu: puits de prélèvement des eaux sou-
                                                                                                    terraines. (GW-TEMP)
average rainfall and snowfall [1]. As many         restrictions. In the densely populated regi-
                                                                                                    A droite: Mont-Lauchaux. (Photo Emmanuel
important rivers originate in Switzerland, the     ons of the central plateau, it is not so much    Rey)
country is referred to as the «water tower» of     the changing climate but the growing user
Europe. Climate change has already altered         demands and new polluting factors that affect
this setting. At the same time, demographic,       water availability and quality. The amount of
economic and political drivers influence water     groundwater that can be sustainably used on
availability and demand in Switzerland.            the plateau is insufficiently described, espe-
This thematic synthesis presents the foun-         cially during extended drought events.
dations of today’s water availability and          Due to the wide range of overlapping user
management in Switzerland and outlines the         demands that have an impact on rivers and
anticipated future situation with regard to        lakes in Switzerland, sustainable water ma­­n­
climate and society. The synthesis makes clear     agement cannot solely focus on water quan-
that even in Switzerland water resources can       tity and quality but needs to encompass
become scarce and, as a consequence, call for      the entire aquatic system, i.e. the system
adaptation measures. Water management              that generates, sustains and stores the water.
agencies and hydropower companies will             Moreover, the locational advantage of Swit-
be particularly affected alongside industry,       zerland entails a high responsibility towards
agriculture, shipping and tourism. In order        downstream neighbours. Accordingly, a
to provide sufficient water of adequate quality    cross-border vision for future spatial plan-
also in future, Swiss water research is asked to   ning and resource use – within which water
generate sound systems knowledge. Of equal         availability and management plays a central
importance though is the provision of expert­      role – needs to be developed in addition
ise to formulate social targets and, closely       to a Swiss water strategy. To this end, Swit-
related, the development of appropriate            zerland can take stock of long-term monito-
steering instruments to reach those targets.       ring data and extensive databases. The clo-
Even though the annual water availability will     sure of knowledge gaps (e.g. soil moisture or
not significantly decrease until the end of the    sediment transport) and increased coopera-
century, climate change will affect the spatial    tion could enhance system knowledge as a
and temporal water availability in Alpine          whole and thereby facilitate the expansion of
areas, particularly in the second half of the      sustain­able water management and use.
century. The dwindling storage cap­acity of        No doubt, mountains will trigger ample pre-
snow and glaciers will notably have an impact      cipitation and run-off also in future. Yet,
on winter tourism and hydropower produc-           today’s society needs to set the course for
tion. Operators of hydropower plants will          the gener­ations to come. With this in mind,
have to cope with altered discharge re­gimes,      the projects of NRP 61 have elaborated the
increased sediment supplies and new hazards        necessary knowledge and suitable tools.
triggered by melting glaciers and emerging
glacial lakes.
On the central plateau (Mittelland), the future
climate will alter flood hazards in general and
increase the number of low-flow situations in
late summer, affecting, for instance, shipping
on the river Rhine. Indirectly, groundwater
storage will be affected and will reach crit­
ical levels during the more frequent summer
droughts. Although the research conducted
by NRP 61 succeeded in quantifying Switzer-
land’s groundwater storage cap­acities, which

                                                                                 Résumé | Summary                                                      7
Les ressources en eau de la Suisse:
    situation actuelle
    La Suisse est privilégiée: en plus de pré-                gement climatique. En outre, la Surveillance
    cipitations régulières, le pays bénéficie                 nationale continue des cours d’eaux (NADUF)
    d’énormes réserves d’eau qui représentent                 fournit des informations sur la qualité de
    six fois le volume annuel de précipitations.              l’eau. Les mesures effectuées portent notam-
    La loi fédérale sur la protection des eaux                ment sur la température de l’eau et la con-
    garantit la protection des ressources en eau              centration en nutriments et en polluants. Le
    et des milieux naturels, préservant ainsi                 réseau de mesures de l’Observation nationale
    leur utilisation. Le présent chapitre expli-              de la qualité des eaux de surface (NAWA) est
    que clairement que les utilisations des res-              beaucoup plus dense; la Confédération et les
    sources en eau varient non seulement dans                 cantons y documentent l’état et l’évolution
    le temps et dans l’espace, mais qu’elles peu-             des eaux à l’aide de paramètres physico-chi-
    vent également être sensiblement réduites                 miques et biologiques. En collaboration avec
    sous l’effet des apports en substances nutri­             la Confédération, les universités, les entre-
    tives et polluantes ou de la température.                 prises de distribution d’eau et les cantons,
    Pour disposer d’une vision globale des res-               l’Observation nationale des eaux souterraines
    sources hydriques de la Suisse, il convient               (NAQUA) enregistre des données quantitati-
    de prendre en compte, outre les impératifs                ves et qualitatives, établissant ainsi des bases
    de la société et de l’économie, les besoins               pour la protection coordonnée des eaux sou-
    de l’écosystème.                                          terraines suisses. Dans le cadre du programme
                                                              NAQUA, le module ISOT a été créé pour obser-
                                                              ver les isotopes dans le cycle de l’eau. Diffé-
    Disponibilité et distribution                             rentes institutions prennent part au niveau
    de l’eau                                                  national aux mesures d’isotopes dans l’eau
    Avec un volume de 363 km3 environ, la Suisse              de pluie, les cours d’eau, les lacs, les glaciers,
    dispose de réserves d’eau abondantes. Si l’on             la neige et l’eau souterraine [3]. Les mesu-
    divise le volume d’eau renouvelé chaque                   res d’isotopes permettent l’enregistrement
    année (40 km3) par le nombre d’habitants                  des volumes d’eau, des voies d’écoulement
    (8 millions), l’on obtient un volume d’eau                et des temps de séjour aux différents stades
    de 5000 m3 d’eau par personne. C’est certes               du cycle de l’eau. Indispensable à la réalisa-
    beaucoup. Cependant, il n’est pas possible de             tion de nombreuses prévisions et modélisa-
    capter toute cette eau et de la mettre à dispo-           tions, le système intercantonal de mesure et
    sition au bon endroit, au bon moment, dans                d’information IMIS fournit des informations
    la quantité et la qualité requises. Les ressour-          sur la hauteur de la couverture de neige et
    ces en eau effectivement disponibles varient              d’autres paramètres climatiques à des altitu-
    considérablement selon les saisons, la topo-              des élevées dans toutes les Alpes suisses. Les
    graphie et le sous-sol. Pour les utiliser, il faut        données transmises toutes les heures servent
    déterminer leur volume et leur qualité. En                à différentes prévisions (enneigement, risques
    Suisse, la surveillance des eaux de surface               d’avalanche, débit et dangers naturels). La sur-
    et des eaux souterraines par un vaste réseau              veillance des sédiments est également impor-
    de stations de mesure permet de détecter à                tante pour l’évaluation des risques mais aussi
    temps les fluctuations de niveaux, les impure-            pour la renaturation des eaux. Sous l’égide de
    tés et autres modifications problématiques et             l’Office fédéral de l’environnement (OFEV),
    de prendre les contre-mesures qui s’imposent.             SOLID est l’un des rares réseaux de mesures
                                                              du volume des sédiments du monde privilé-
    Réseaux de mesures                                        giant une approche à grande échelle et à long
    Si la quantité et la qualité des ressources en            terme [4]. En outre, l’Institut fédéral de recher-
    eau sont généralement bien enregistrées, la               ches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL)
    coordination, la mise en réseau et la disponi-            réalise régulièrement des mesures indirectes
    bilité des données gagneraient quant à elles              de l’intensité du charriage au moyen système
    à être améliorées [2]. Des efforts en ce sens             Swiss Plate Geophone dans plusieurs bassins
    sont déployés au niveau fédéral pour mettre               versants. Les données climatiques des précipi-
    en place un système d’observation de l’envi-              tations, du rayonnement et de la vapeur d’eau,
    ronnement à l’échelle de la Suisse (RSO). Les             telles qu’elles sont relevées par le réseau auto-
    réseaux de mesures ci-­après sont particulière-           matique de mesure au sol (SwissMetNet) et,
    ment importants dans le cadre de la gestion               depuis des décennies, par le réseau manuel de
    durable de l’eau.                                         mesures des précipitations de MétéoSuisse,
    Le réseau de base de l’Office fédéral de                  sont également utiles pour le cycle de l’eau.
    l’environnement mesure les niveaux d’eau                  Pour l’évaluation de l’état écologique des eaux
    ainsi que les débits des eaux de surface et               de surface, le système modulaire gradué a
    sert de référence pour la protection con-                 été développé en collaboration avec la Con-
    tre les crues, l’utilisation de l’énergie hydrau-         fédération, les cantons et l’Institut de recher-
    lique et l’étude des conséquences du chan-                che sur l’eau (Eawag) [5] (ill. 1).

8   Gestion de l‘eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
La Suisse dispose d’un grand nombre de don-            son de la forte variabilité naturelle [7]. De plus,                A gauche: les mesures réalisées au moyen de
nées concernant les ressources en eau, leur            les précipitations annuelles moyennes oscil-                       trappes à sédiments sur l’Erlenbach enregistrent
état et leur répartition. Il subsiste toutefois        lent entre des valeurs maximales > 2300 mm/                        le volume de sédiments transportés par char­
des lacunes. Les données sur l’évaporation             an dans les Alpes bernoises et valaisannes, des                    riage. (Photo Dieter Rickenmann, WSL)
                                                                                                                          Au milieu: le site de Rietholzbach est l‘une des
et l’humidité du sol, qui seraient importan-           valeurs élevées dans le Tessin et des valeurs
                                                                                                                          régions d‘Europe la mieux étudiée au niveau
tes pour de nombreux modèles hydrolo-                  minimales (800-900 mm/an) dans le Seeland,                         hydrologique. (DROUGHT-CH)
giques et pour les prévisions des périodes de          la région du lac de Constance, la région de                        A droite: la quantité d’eau qui s’infiltre dans un
sécheresse (cf. DROUGHT-CH), ne sont acces-            Bâle, mais aussi dans le Valais et en Engadine                     sol ou qui s’en évapore est mesurée grâce à un
sibles, en Suisse que ponctuellement dans le           [8]. Les précipitations sont moins importantes                     lysimètre. La photo a été prise dans l’installation
cadre de projets distincts (SwissFluxnet pour          en hiver qu’en été [1]. Deux tiers des précipi-                    souterraine de Rietholzbach. (DROUGHT-CH)
l’évaporation, SwissSMEX pour l’humidité du            tations tombent sous forme de pluie, un tiers
sol). Exigeantes du point de vue technique,            sous forme de neige [9].
les observations liées au charriage et au trans-       La neige, composante clé du système clima-
port de sédiments sont également insuffisan-           tique, a fait l’objet de nombreuses recherches,
tes, tout comme les observations de l’état éco-        y compris en relation avec le réchauffement
logique des cours d’eau. Généralement, les             climatique. Non seulement la présence de
données des régions alpines sont moins fiab-           neige est influencée par le climat, mais elle a
les que celles du Plateau. En plus de la ques-         elle-même une incidence sur le climat. Etant
tion de l’accessibilité, cela est dû au fait que       donné que la couche de neige réfléchit les
les programmes de mesure à long terme sont             rayons du soleil bien plus que ne le ferait le
souvent créés pour répondre à des problèmes            sol à nu, l’air reste frais au-dessus des paysa-
spécifiques (p. ex. la fertilisation excessive).       ges enneigés. Il ne faut pas oublier que le sto-
Les données relatives à la demande et à la             ckage des précipitations sous forme de neige
consommation sont souvent insuffisantes, y             retarde les écoulements, ce dont profitent les
compris à l’échelle cantonale, et se fondent           écosystèmes et l’homme. Des séries de mesu-
essentiellement sur les volumes des conces-            res échelonnées sur plus de 100 ans indiquent
sions, des estimations et des projections. Ce          que les températures moyennes en hiver aug-
constat est également valable pour la con-             mentent au détriment de la quantité de neige
sommation d’eau des canaux d’irrigation tra-           [10].
ditionnels dans le Valais (MONTANAQUA [6]).            Un tiers des précipitations annuelles (20 km3)
                                                       s’évapore. Le volume, le lieu et le moment de
Précipitations, évaporation et débit                   l’évaporation dépendent de la saison, du ter-
Avec un volume annuel de précipitations de             rain, de l’altitude, de la végétation, de la nature
60 km3 environ, la Suisse bénéficie de fortes          et de l’affectation du sol ainsi que du type de
précipitations. Il est très difficile de faire des     précipitations. Sur le Plateau et dans le Jura, le
commentaires sur les modifications des pré-            pourcentage d’évaporation atteint 50%, voire
cipitations au cours du siècle dernier, en rai-        70% dans certains cas des précipitations de la

                                                                                     2011   NAWA (111)                    Ill. 1: les séries de données des différents
                                                                                                                          paramètres des eaux suisses sont parfois très
                                                              1996                          IMIS (160)                    anciennes. Le nombre entre parenthèses se
                                                     1992                                   ISOT (135)                    réfère au nombre de stations de mesure.
                                                                                                                          (A. Björnsen)
                                              1985                                          SOLID (103)
                                        Fin des années 1970                                 NAQUA (545)
                     1972                                                                   NADUF (19)
       1864                         Premières stations automatisées en 1981 2005            SwissMetNet (208)
    1862                                                                                    Réseau de base (260)

1850                    1970         1980         1990           2000           2010

                                                                 Les ressources en eau de la Suisse: situation actuelle                                                     9
Volume de réserve 100%                 région. Dans les régions alpines, les pourcen-            pour éviter les inondations.
                                                       tages d’évaporation sont faibles et ne repré-             Les glaciers, très importants du point de vue
           150 km3                      130 km3
                                                       sentent plus que 10% des précipitations dans              hydrologique, représentent une réserve d’eau
            42%                          36%           les Hautes-Alpes. Les effets de l’évaporation             particulière. Les Alpes bénéficient de précipi-
                                                       selon l’altitude s’expliquent d’abord par la pré-         tations relativement importantes; elles tom-
                                                       sence prolongée, en surface, de neige et par              bent en hiver et, selon l’altitude, toute l’année
                                                       les températures moins clémentes. Souvent,                sous forme de neige. Elles sont conservées sur
                                                       les sols alpins sont également plus plats et              de longues périodes. Les glaciers suisses con-
                                                       présentent des associations végétales limitées            servent environ 55 ± 15 km3 (NELAK [13]), les
                                        57 km3
                                                       voire inexistantes, avec des phases de crois-             glaciers alpins au total environ 80 ± 20 km3
4 km 3
         9 km   3
                      13 km   3          16%           sance plus courtes. L’évaporation est faible              (NELAK [14, 15]), les glaciers les plus impor-
 1%       2%           2,8%                            au niveau des surfaces de rochers et de glace.            tants et les plus épais se trouvant en Suisse
                                                       De même, les sols plats du Jura et les surfaces           (à Aletsch, Gorner et Fiesch). Depuis la fin du
                                                       affectées à l’habitat, à l’industrie et à la circu-       petit âge glaciaire vers 1850, le volume des
                      Fleuves = 0,25 km3
                                                       lation présentent de faibles valeurs d’évapo-             glaciers a cependant diminué d’une bonne
                                                       ration. On compte, parmi les régions à forte              moitié [9] et continue à diminuer. Les glaciers
                    Débit total annuel 11%             évaporation, les collines boisées du Plateau, le          retardent le débit des précipitations hiverna-
                                                       Tessin et les zones bordant le lac Léman. Les             les qui alimentent les débits seulement au
                          57%     42%                  lacs ont également de fortes valeurs d’évapo-             printemps et en été. En été surtout, l’eau de
                                                       ration [11]. Plus de la moitié de l’évaporation           fonte fournit une part importante du débit
                                  1%                   se produit pendant les mois d’été, de juin à              qui est lui-même essentiel pour l’eau souter-
                                                       août.                                                     raine, l’approvisionnement en eau potable,
                                                       Deux tiers des précipitations annuelles (40               l’agriculture et l’écologie des cours d’eau.
         Eau souterraine          Eau pluviale
                                                       km3) s’écoulent dans des canaux [8], qui se               Environ un tiers des précipitations en Suisse
         Lacs                     Fonte des neiges
                                                       composent en moyenne de 57% d’eau de                      est aujourd’hui stocké temporairement sous
         Glaciers                 Fonte des glaciers
         Neige
                                                       pluie, 42% de fonte de neige et de 1% de fonte            forme de neige [9]. Selon la météorologie de
         Eaux de surface
                                                       de glaciers. Environ la moitié du débit provient          l’hiver précédent, la couche de neige con-
         Retenues artificielles                        du sous-sol. Le débit et la répartition tempo-            serve chaque année de 4 à 20 km3 d’eau au
                                                       relle de l’écoulement de l’eau dépendent du               moment où elle est le plus étendue, en mars
                                                       volume de précipitations, mais aussi de l’alti-           [16, 17]. Bien que la capacité de stockage soit
Ill. 2: le débit annuel de la Suisse correspond        tude qui influence la conservation de la neige            assez faible, l’incidence climatique est consi-
à environ 11% du volume total des réserves.            et de la glace. L’eau de fonte libérée au prin-           dérable, car la limite de la neige, le nombre de
(A. Björnsen sur la base des chiffres des référen-     temps et en été influence le débit. En Suisse,            jours d’enneigement et l’épaisseur de la cou-
ces [7, 27])                                           les différents modèles de débit sont répar-               che de neige dépendent fortement de la tem-
                                                       tis en 16 régimes [12], sensiblement influen-             pérature et, partant, du climat. La part de l’eau
                                                       cés par le changement progressif du climat.               de fonte est également considérable dans le
                                                       L’homme a lui aussi une influence sur le débit.           débit total (ill. 2).
                                                       Il a en effet réaménagé de nombreux lacs                  Représentant 130 km3 d’eau, les lacs suisses
                                                       et fleuves pour éviter les crues, gagner des              constituent la deuxième plus grande réserve
                                                       terres cultivables et produire de l’énergie. En           d’eau. L’eau contenue dans les quelque 200
                                                       parallèle, l’utilisation du sol influence aussi les       lacs d’accumulation, soit environ 4 km3 [17],
                                                       débits.                                                   est certes négligeable dans le bilan global,
                                                                                                                 mais elle est importante pour la gestion de
                                                       Réserve d’eau                                             l’énergie. A l’exception du lac de Constance
                                                       L’on entend par réserve d’eau une quantité                et du lac de Walenstadt, tous les grands lacs
                                                       d’eau qui est stockée durant une période                  suisses sont régulés, c’est-à-dire qu’ils peuvent
                                                       plus ou moins longue avant de s’écouler ou                contribuer à préserver un équilibre, en particu-
                                                       de s’évaporer. Parmi les principales réserves,            lier en cas de crues et de fonte de neige ou de
                                                       citons les eaux souterraines, les lacs naturels,          glacier et qu’ils alimentent aussi suffisamment
                                                       les glaciers et la couche de neige. Mais les              les grands cours d’eau du Plateau en cas de
                                                       bassins de retenue (p. ex. pour les centrales,            sécheresse prolongée. En plus de ses grands
                                                       l’enneigement, l’eau d’extinction, l’arrosage),           lacs, la Suisse dispose de plus de 6668 petits
                                                       les réservoirs d’eau potable, l’eau de surface,           lacs, dont une grande partie se situe au-des-
                                                       les marais et les régions humides contribuent             sus de 2200 m d’altitude [18]. Un chiffre élevé,
                                                       aussi au processus de réserve (ill. 2). En règle          mais sans comparaison avec le passé. Au cours
                                                       générale, les réserves sont alimentées par                des 200 dernières années, plusieurs centaines
                                                       les précipitations, qui compensent en partie              de milliers de petits cours d’eau ont disparu.
                                                       les pertes de réserves dues au débit. Chaque              Les lacs, petits lacs et petits cours d’eau jouent
                                                       année, les réserves diminuent d’environ 1 km3             un rôle déterminant comme réserves mais
                                                       en raison de la fonte continue des glaciers. Le           aussi comme milieux naturels et espaces de
                                                       volume d’eau des fleuves suisses n’a pas été              repos [19].
                                                       quantifié jusqu’ici, ceux-ci n’étant pas considé-         Avec un volume d’environ 150 km3, l’eau sou-
Ill. 3: à partir de la gauche: les aquifères de
                                                       rés comme des réserves. Le volume estimé de               terraine constitue la plus grande réserve d’eau
roche meuble, fissurés et karstiques se distin-        0,25 km3 est très faible par rapport aux autres           de la Suisse. La principale réserve d’eau sou-
guent par leur morphologie et permettent,              réserves et indique clairement qu’en cas de               terraine, d’un volume de 120 km3, se trouve
par conséquent, des utilisations de techniques         fortes précipitations, ce sont surtout le sol et          dans les aquifères karstiques, tandis que les
différentes.                                           les autres réserves qui doivent absorber l’eau            aquifères fissurés contiennent environ 20 km3

10                                                     Gestion de l’eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
et les sols meubles 10 km3 (ill. 3). Ce volume       la zone non saturée [25], et d’autres facteurs                   A gauche: environ un tiers des précipitations en
est certes considérable, mais quelle en est la       comme les débits, l’utilisation du sol et les                    Suisse est aujourd’hui stocké temporairement
part réellement utilisable?                          propriétés intrinsèques de l’aquifère devraient                  sous forme de neige. (NELAK)
Le type d’aquifère détermine la profondeur de        aussi jouer un rôle essentiel à cet égard [24].                  Au milieu: un nouveau lac au pied du glacier du
                                                                                                                      Gauli dans l’Oberland bernois (août 2012). Dans
la réserve d’eau et, par là même, les possibili-     Une augmentation de la température de l’eau
                                                                                                                      la zone plane de niveau supérieur, un autre lac
tés d’exploitation technique. Tandis que les         souterraine karstique de 0,5° C par an a égale-                  va probablement se former dans les 10 à 20 ans
aquifères contenus dans les roches meubles           ment été observée au cours des 22 dernières                      à venir. (Photo Michael Bütler)
sont à proximité de la surface, les aquifères fis-   années (SWISSKARST [26]).                                        A droite: représentant 130 km3 d’eau, les lacs
surés et karstiques se situent à de grandes pro-     Les ressources en eau souterraine peuvent                        suisses constituent la deuxième plus grande
fondeurs. Les débits de soutirage qu’il faudrait     donc être limitées par les possibilités d’ex­­­-                 réserve d’eau. (IWAGO)
atteindre ne seraient pas suffisamment ren-          ploitation technique, la rentabilité, l’im­pact
tables, l’exploitation de ces réserves n’est pas     sur l’environnement et la qualité de l’eau. L’on
envisageable [20]. Cela est également valable        désigne par débit de sécurité le volume d’eau
pour les gisements d’eau souterraine situés          moyen qui peut être prélevé chaque année
dans les moraines, les graviers argileux et les      du sous-sol sur le long terme. Il s’agit des
sables fins [21].                                    réserves renouvelables, celles qui se reconsti-
La qualité de l’eau souterraine dépend de            tuent grâce aux précipitations et à l’infiltration
l’aquifère et de l’eau infiltrée. Si celle-ci est    de l’eau des cours d’eau. Pour la Suisse, leur
contaminée, elle ne pourra pas être utilisée         volume représente 18 km3 (ill. 4) [9]. Selon la
comme eau potable. En Suisse, les surfaces de        loi fédérale sur la protection des eaux (art. 43),                        Nappes d’eau souterraine
production d’eau potable diminuent sous l’ef-        il ne doit pas y avoir de réduction notable du
fet de l’urbanisation croissante (zones dédiées      volume des eaux souterraines ni d’effet éco-
à l’habitat, l’industrie et aux voies de communi-    logique négatif dans le cadre de l’exploitation
cation), la qualité de l’eau souterraine ne pou-     à long terme. Afin d’éviter toute surexploita-
vant plus être garantie. De même, les subs-          tion, des quotas de concession sont fixés pour                                   Eau souterraine
                                                                                                                                          150 km3
tances utilisées dans le cadre de l’agriculture      le prélèvement d’eau souterraine. Cependant,
et la pollution des eaux de surface influencent      les connaissances demeurent souvent insuf-
aussi la qualité de l’eau souterraine. L’ampleur     fisantes sur les ressources réellement utiles.
de sa dégradation n’a été que peu quantifiée         Dans la pratique hydrogéologique, il est cou-
jusqu’à présent, car les aquifères non utilisa-      rant que l’exploitation des ressources en eau                      Renouvelable 18 km3         Utilisé 1,3 km3
bles pour la production d’eau potable ne sont        souterraine par des puits de prélèvement
généralement plus analysés. L’eau souterraine        donne lieu à l’utilisation de près de 20% du                     Ill. 4: part renouvelable, actuellement exploitée,
servant à la production de chaleur ou au refroi-     renouvellement naturel [20], ce qui est éga-                     des ressources en eau souterraine en Suisse.
dissement ne pourra être utilisée pour l’appro-      lement acceptable en général. Pour détermi-                      (A. Björnsen)
visionnement en eau potable que de manière           ner de manière fiable le volume utile à long
restreinte. Cependant, les cantons appliquent        terme, il faut procéder à une étude différen-
des méthodes différentes pour évaluer le             ciée tenant compte des spécificités locales.
risque de pollution que représentent les instal-     A l’instar des cours d’eau de surface, l’eau sou-
lations de prélèvement et de rejet.                  terraine présente des variations selon les sai-
La température est également un facteur              sons, influencées par les infiltrations des pré-
déterminant pour la qualité. L’étude du pro-         cipitations et de l’eau de fonte ou encore par
jet PNR 61 GW­TEMP, qui comporte cinq séries         les infiltrations de l’eau des cours d’eau. Dans
de mesures effectuées sur une période de 20          un régime d’eau souterraine alimenté par les
ans, a montré une augmentation de la tem-            eaux pluviales dans les sols meubles du Jura
pérature de l’eau souterraine de 0,7 à 1,1° C,       et du Plateau, par exemple, les eaux souterrai-
ce qui correspond approximativement à                nes atteignent leur niveau maximal aux mois
l’augmentation des températures de l’air et          de janvier à mars et leur niveau minimal en fin
de l’eau de rivière [22, 23]. Même la brusque        d’été. Si, en revanche, une réserve d’eau sou-
hausse des températures à la fin des années          terraine se trouve dans le bassin versant d’un
1980 s’est répercutée sur la température de          fleuve dont le débit est marqué par la fonte
l’eau souterraine |24]. En revanche, dans les        estivale de neige et de glaciers, l’eau souter-
eaux souterraines uniquement alimentées par          raine en profite aussi (régime d’eau souter-
les précipitations, l’augmentation des tem-          raine nivo-glaciaire importé). Ce phénomène,
pératures devrait être atténuée et ralentie par      typique des Préalpes et du versant sud des

                                                             Les ressources en eau de la Suisse: situation actuelle                                                   11
A gauche: le confluent de l’Aar, de la Reuss et de   Alpes, présente un niveau d’eau souterraine               Pénurie d’eau
la Limmat, également appelé «château d’eau»,         maximal en mars et avril et un niveau minimal             Malgré ses ressources hydriques considéra­
a transporté en 2011 moins de la moitié du           en hiver [21] ( voir SWISSKARST p. 14).                  bles, la Suisse peut elle aussi être confrontée
volume d’eau par rapport aux années normales.        L’eau de surface de la Suisse disponible pour             à la sécheresse et la pénurie d’eau, avec des
(Photo WSL, Nadine Hilker)
                                                     les plantes est estimée entre 5 et 7 km3 [27]. Il         conséquences sur les écosystèmes, l’éco-
Au milieu: dégâts causés par la sécheresse sur
les betteraves à sucre. (Photo Jürg Fuhrer)          n’existe pas de statistiques fiables sur les réser-       nomie et la population. Comme en témoigne
A droite: les crues provoquent d’importants          ves d’eau sous forme de permafrost (dans le               l’année 2003, les Alpes ne sont pas à l’abri
déplacements de matériaux charriés.                  sol au-dessus de 2500 m d’altitude et dans les            de la sécheresse pendant les étés canicu-
(SACFLOOD)                                           glaciers rocheux). Le volume de l’eau devrait             laires (DROUGHT-CH [29]). Les effets de la
                                                     être relativement faible et sans importance à             canicule ont touché l’environnement (p. ex.
                                                     moyen terme pour le cycle de l’eau [28].                  débits réduits, fonte des glaciers et chutes de
                                                                                                               rochers), l’économie (baisses de production
                                                                                                               dans les secteurs agricole et énergétique) et
                                                                                                               la société (conséquences sanitaires et hausse
                                                                                                               de la mortalité), mais ils n’ont pas été exclusi-
                                                                                                               vement négatifs (DROUGHT-CH [30]). En com-
                                                                                                               paraison avec les siècles passés, les grandes
     «Pour ce qui est des sécheresses,                                                                         sécheresses ont été rares au XXe siècle (1947,
     il en existe différents aspects.                                                                          1949 et 1976) [31]. Selon les scénarios clima-
     On pense souvent à un manque                                                                              tiques, la fréquence de la sécheresse devrait
     de précipitations. Pourtant, pour                                                                         augmenter dans les décennies à venir. D’une
     l‘agriculture, l‘humidité du sol joue                                                                     manière générale, les impacts climatiques
     un rôle plus important.»                                                                                  attendus sur les écosystèmes sont plus pro-
                                                                                                               noncés dans les régions plus basses, sur les
     Sonia Seneviratne                                                                                         versants exposés au sud et sur les sous-sols
     DROUGHT-CH                                                                                                calcaires [32].
     EPF Zurich                                                                                                Le terme sécheresse se rapporte exclusive-
                                                                                                               ment à la ressource disponible («trop peu
                                                                                                               de ressources pour l’utilisation souhaitée»). Il
                                                                                                               s’agit ici d’un déficit de précipitations limité
                                                                                                               dans le temps et dans l’espace (sécheresse
                                                                                                               météorologique), d’une humidité du sol insuf-
                                                                                                               fisante (sécheresse agricole), d’un faible débit
                                                                                                               ou de niveaux d’eau souterraine peu élevés
                                                                                                               (sécheresse hydrologique) (DROUGHT-CH
                                                                                                               [33]). Les facteurs responsables de la séche­
     Plus d‘informations       DROUGHT-CH                                                                      resse agricole sont l’absence ou l’insuffisance
     sur www.pnr61.ch                                                                                          de précipitations et une forte évaporation due
                                                                                                               aux propriétés et à l’utilisation du sol, qui influ-
                                                                                                               encent la retenue d’eau.
                                                                                                               La pénurie désigne un déséquilibre entre
                                                                                                               les ressources à disposition et les besoins en
                                                                                                               eau [17]. Elle apparaît dès que les besoins sont
                                                                                                               supérieurs aux ressources disponibles. La pén-
                                                                                                               urie d’eau dépend par conséquent non seu-
                                                                                                               lement du climat et de la météorologie, mais
                                                                                                               aussi du besoin des écosystèmes et des autres
                                                                                                               utilisations (énergie hydraulique, pêcherie,
                                                                                                               agriculture et approvisionnement en eau
                                                                                                               potable). Ce besoin varie notamment suite à
                                                                                                               des modifications de l’exploitation. Pour une
                                                                                                               entreprise agricole, par exemple, il change
                                                                                                               avec le passage de la gestion de l’irrigation à
                                                                                                               la sécurisation des revenus.

12                                                   Gestion de l’eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
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