Ressources en eau de la Suisse - Ressources disponibles et utilisation - aujourd'hui et demain - NFP 61 "Nachhaltige ...
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PNR 61 – Synthèse thématique 1 dans le cadre du Programme national de recherche PNR 61 «Gestion durable de l’eau» Ressources en eau de la Suisse Ressources disponibles et utilisation – aujourd’hui et demain Astrid Björnsen Gurung et Manfred Stähli Gestion durable de l’eau Programme national de recherche PNR 61
PNR 61 – Synthèse thématique 1 dans le cadre du Programme national de recherche PNR 61 «Gestion durable de l’eau» Ressources en eau de la Suisse Ressources disponibles et utilisation – aujourd’hui et demain Astrid Björnsen Gurung et Manfred Stähli
Mentions légales Auteurs: Dr Astrid Björnsen Gurung, WSL Dr Manfred Stähli, WSL Recommandations relatives aux citations: Astrid B jörnsen Gurung; Manfred Stähli (2014): Ressources en eau de la Suisse: Ressources disponibles et utilisation – aujourd’hui et demain. Synthèse thématique 1 dans le cadre du Programme national de recherche PNR 61 «Gestion durable de l’eau», Berne. Conceptualisé et publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique dans le cadre du Programme national de recherche PNR 61 «Gestion durable de l’eau». Gestion durable de l’eau Programme national de recherche PNR 61 Comité de direction: Pr em. Christian Leibundgut (président), Université de Fribourg-en-Brisgau; Pr Günter Blöschl, Technische Universität Wien; Pr Dietrich Borchardt, Helmholtz Zentrum für Umweltforschung UFZ, Leipzig; Ulrich Bundi (jusqu’à 2013), autrefois Eawag, Dübendorf; Pr Bernd Hansjürgens, Helmholtz Zentrum für Umweltforschung UFZ, Leipzig; Pr Bruno Merz, GeoForschungsZentrum, Potsdam; Pr em. (Universität Wien) Franz Nobilis, conseiller ministériel auprès du Lebensministerium (Sektion Wasser, Hydrographisches Zentralbüro), Vienne Conseil consultatif: Dr Christoph Böbner, Service des forêts et du paysage, Canton de Lucerne; Katharina Dobler (jusqu’à 2013), Office des affaires communales et de l’organisation du territoire, Canton de Berne; Dr Anton Kilchmann, Société suisse de l‘industrie du gaz et des eaux (SSIGE); Roger Pfammatter, Association suisse pour l’aménagement des eaux (ASAE); Irène Schmidli (jusqu’à 2011), autrefois Office des eaux et des déchets, Canton de Berne; Moritz Steiner, Service de l‘énergie et des forces hydrauliques, Canton du Valais; Adèle Thorens Goumaz, conseillère nationale VD, Verts; Luca Vetterli, Pro Natura Ticino; Hansjörg Walter, conseiller national TG, UDC; Martin Würsten, Service de l‘environnement, Canton de Soleure Déléguée de la division IV du Conseil national de la recherche: Pr Nina Buchmann, EPF Zurich Représentant de la Confédération: PD Dr Stephan Müller, Office fédéral de l’environnement OFEV, Berne Coordinatrice du Programme: Dr Barbara Flückiger Schwarzenbach, Fonds national suisse FNS, Berne Chargée d’échanges de connaissances: Dr Patricia Fry, Wissensmanagement Umwelt, Zurich Porte-parole: Dr Bruno Schädler, Université de Berne Vidéo, arrêts sur image et citations: Patricia Fry, Wissensmanagement Umwelt; Renata Grünenfelder, Halbbild Halbton Mise en page et graphiques: Esther Schreier, Ilaria Curti, Bâle; Guido Köhler, Atelier Guido Köhler & Co., Binningen Impression: PrintMediaWorks, Schopfheim im Wiesental Papier: LuxoSatin, certifié FSC, 135 g/m2 (contenu), 250 g/m2 (couverture) Traduction(s): Trad8, Delémont Photos de couverture: Patricia Fry, arrêts sur image tirés des projets SACFLOOD, HYDROSERV, NELAK, GW-TEMP, WATERCHANNELS. Photos de fond Beat Ernst, Bâle Illustrations et citations: sauf par indication contraire, les illustrations et citations utilisées proviennent des clips vidéo du PNR 61 «Aperçu» et «Perspectives», cf. www.pnr61.ch. L’abréviation du projet PNR 61 indiquent la source correspondante dans chaque cas. Les citations reflètent l’opinion des personnes à l’écran. Pour ce qui a trait aux résultats de recherche mentionnés, la responsabilité en échoit aux équipes de recherche con cernées; pour les synthèses thématiques et les recommandations, la responsabilité incombe aux auteurs concernés dont les conclusions ne doivent pas nécessairement correspondre aux opinions du Fonds national suisse, des mem- bres du comité de direction ou du Conseil consultatif.
Table des matières 4 Avant-propos 6 Résumé 7 Summary 8 Les ressources en eau de la Suisse: situation actuelle 8 Disponibilité et distribution de l’eau 12 Pénurie d’eau 16 Crue 17 Etat écologique 21 Gestion actuelle des ressources en eau 21 Approvisionnement en eau potable 22 Gestion de l’énergie 25 Agriculture 27 Zones d’habitation et de circulation 28 Industrie et commerce 28 Exploitation de matières premières 29 Navigation 29 Tourisme 30 Gouvernance de l’eau et infrastructure hydraulique 33 Changement climatique et évolution de la société: les répercussions sur les ressources naturelles en eau 33 Modifications liées au climat et conséquences jusqu’en 2050 et 2085 34 Précipitations et évaporation 36 Glaciers 38 Eau de surface 39 Eau souterraine 41 Débit 44 Eaux de surface 45 Sollicitations futures de la société et de la nature 45 Evolution du paysage et de l’utilisation du sol 47 Surfaces d’habitation et de circulation, infrastructures et navigation 48 Gestion de l’énergie 49 Agriculture 52 Evolution de la forêt 53 Tourisme 53 Protection des eaux 54 Conclusions 56 Index des illustrations 56 Index des tableaux 56 Bibliographie 67 Remerciements 68 Annexe 68 Qu’est-ce que le PNR 61? 68 Les 16 projets de recherche du PNR 61 70 Produits du PNR 61
Avant-propos Le Programme national de recherche «Ges- tion durable de l’eau» (PNR 61) a été lancé en 2008 afin de jeter les bases d’une straté- gie d’avenir visant à garantir les ressources hydriques et l’économie de l’eau en Suisse. Il est apparu dès le départ que le changement climatique et les évolutions sociales, notam- ment l’urbanisation croissante de la Suisse et les ouvertures de marché à l’ international, Pr em. Dr Christian Leibundgut pèsent considérablement sur les ressources en eau. En outre, des facteurs politiques et économiques, souvent imprévisibles et dont les conséquences sont difficilement éva- luables, entravent l’utilisation durable de l’eau à laquelle l’on aspire. Ce vaste programme a permis de synthétiser et de consolider le potentiel élevé que recèle la recherche sur l’eau en Suisse. Les facteurs d’influence ne pouvant être qu’en partie maî- trisés, il conviendrait d’affiner les connaissan- ces scientifiques existantes par le biais de la recherche, de les associer au plan stratégique et de les orienter vers un objectif commun afin de jeter les bases d’une stratégie nati- onale de l’eau. Cette démarche implique un changement de paradigme de manière à passer d’une observation partielle des prob- lématiques liées à l’eau à une considération globale des systèmes et des bassins hydrolo- giques. Les ressources en eau doivent dès lors être prises en compte dans un contexte glo- bal intégrant à la fois les autres ressources et les champs d’action sociaux, parmi lesquels la production énergétique, la production agri- cole et forestière sans oublier les synergies notamment générées par la force hydrau- lique, la correction et la revitalisation des cours d’eau, le développement de l’urbanisation et l’ implantation d’activités artisanales et indust- rielles, le tourisme et le secteur des loisirs. 4 Gestion de l’eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
Ce programme privilégie une approche Le PNR 61 s’est consacré aux aspects centraux transdisciplinaire. La recherche a dès le dé de l’économie des eaux en Suisse dans le but impliqué les parties prenantes et mis cadre de 16 projets. Quatre synthèses thé- l’accent sur les modalités concrètes de mise matiques reprenant les points importants en œuvre des résultats obtenus. Des groupes avaient pour but de coordonner les résultats d’utilisateurs expérimentés ont ainsi contribué du projet à l’ intention des experts de la Confé- à l’élaboration d’outils concrets, notamment dération, des cantons et sur le terrain et de des guides et des modèles. Cette méthode de tirer les conclusions générales. Des résultats travail conceptuelle inhérente au programme, de recherches menées à l’externe ont égale- fondée sur une approche d’intégration et ment été intégrés de manière à obtenir une d’échange entre recherche et application, est vue d’ensemble de l’utilisation durable de de nature à faciliter une mise en œuvre conc- l’eau en Suisse à l’avenir. Ces éléments sont rète aux effets durables. exposés dans la synthèse globale. Une gestion durable de l’eau ne peut être Les cinq rapports de synthèse à présent dispo- conçue et réalisée, sur un plan conceptuel, nibles de ce Programme national de recherche qu’en tenant compte d’autres domaines de constituent un aide-mémoire des plus inté- la vie et de l’économie. C’est la raison pour ressants sur l’utilisation et la gestion de l’eau laquelle l’approche globale et intégrée est en Suisse. Ils montrent comment le secteur de fondamentalement au cœur des travaux rela- l’eau pourrait être organisé à l’avenir en Suisse, tifs au PNR 61; elle joue un rôle déterminant les devoirs qui nous incombent et les mesures dans une gestion efficace de l’eau et dans la de prévention à conseiller. politique de l’eau y afférente en Suisse (gou- vernance de l’eau). Un grand merci à tous ceux qui se sont impli- qués dans ce programme avec enthousiasme Nul ne pouvait se douter, au premier stade tout au long de ces années: aux chercheurs, du programme, que les «facteurs d’influence aux membres du comité de direction et du incontrôlables» se manifesteraient aussi rapi- Conseil consultatif, à la chargée d’échanges dement. La politique énergétique europé- de connaissances, à la coordinatrice du pro- enne a notamment amorcé une transition gramme et aux autres collaborateurs du FNS, énergétique accélérée, laquelle aura des con- aux représentants de l’OFEV et des autres séquences considérables également sur le offices fédéraux, aux cantons, aux régions, aux secteur de l’eau en Suisse. La stratégie de communes et aux associations, ainsi qu’aux l’eau que nous visons a été temporairement auteurs des synthèses. ajournée, aussi manque-t-il un solide pilier sur la base duquel effectuer une pesée des inté- rêts incluant d’autres domaines politiques (la Le président du comité de direction du PNR 61 politique énergétique notamment), dans une vision intégrée et solidement ancrée à tous Christian Leibundgut égards. Cette évolution montre à quelle vitesse les facteurs d’influence et les forces en présence peuvent changer et souligne la nécessité de déployer en temps utile une démarche de prévention. Avant-propos 5
Résumé A gauche: les montagnes comme capteurs de En Suisse, le massif des Alpes et ses som- ment sur de nombreuses réserves d’eau sou- nuages. (Photo DDPS) mets culminant jusqu’à 4810 m d’altitude for- terraine qui seront à l’avenir exposées plus Au milieu: les marais, des réserves d’eau ment une barrière climatique qui entraîne souvent à des épisodes de sécheresse prolon- efficaces. (Photo Ariel Bergamini) les masses d’air humide en altitude. La Suisse gée en été. Si le PNR 61 a permis de recenser A droite: les producteurs d’énergie hydraulique bénéficie dès lors de précipitations pluvieuses avec une plus grande précision les nappes seront touchés par les conséquences du chan- gement climatique. (FUGE) et neigeuses supérieures à la moyenne [1]. Le aquifères abondantes en Suisse, en particu- pays est considéré comme le château d’eau lier dans les régions karstiques, il démontre de l’Europe, car d’importants fleuves y pren- simultanément que nombre d’entre elles ne nent leur source. Les effets déjà tangibles du sont pas utilisables en raison de restrictions changement climatique, conjugués aux évo- d’ordre technique, économique, écologique lutions démographiques, économiques et ou juridique. Dans les zones à forte densité politiques, pèsent considérablement sur les de population du Plateau, la demande crois- ressources en eau et leur utilisation en Suisse. sante et les nouveaux apports de polluants La présente synthèse thématique décrit les ont une incidence supérieure à celle du climat principes régissant les ressources en eau sur la quantité et la qualité des ressources hyd- actuel les et leur utilisation en Suisse et riques. Les eaux souterraines utilisables à long esquisse les futures conditions cadres clima- terme y sont insuffisantes, en particulier pen- tiques et sociales. Elle montre clairement que dant les périodes de sécheresse prolongée. les ressources en eau sont limitées et que des Compte tenu de la diversité des usages de ajustements s’imposent dans de nombreux l’eau ayant une incidence sur les cours d’eau secteurs, principalement la gestion de l’eau de la Suisse, qui plus est sur un territoire res et de l’électricité, l’industrie et le commerce, treint, la gestion durable de l’eau ne doit pas l’agriculture, la navigation et le tourisme. Afin s’intéresser uniquement aux ressources en de disposer, à l’avenir également, de ressour- eau et à la préservation d’une eau de qualité, ces en qualité et en quantité suffisantes, la mais prendre en considération l’ensemble recherche sur l’eau en Suisse se doit de pro- de l’espace réservé aux eaux qui produit, poser, en plus de connaissances systémiques préserve et stocke la ressource «eau». Située fiables, des grands principes pour définir des à l’amont d’importants fleuves et cours d’eau, objectifs sociaux et poser les bons jalons. la Suisse endosse par ailleurs une responsa- Même si le volume d’eau disponible chaque bilité envers les pays limitrophes. Outre une année ne diminue que faiblement d’ici à la fin stratégie suisse de gestion de l’eau, il convi- du siècle, les ressources en eau des régions ent également d’adopter une vision trans- alpines évolueront sensiblement, dans le frontalière de l’utilisation future de l’espace temps et dans l’espace, sous l’effet du change- et des ressources qui fasse une place de ment climatique, en particulier après 2050. La choix aux ressources hydriques et à leur uti- baisse de la capacité de stockage de la neige lisation. Dans cette perspective, la Suisse et des glaciers aura en particulier des répercus- peut s’appuyer sur plusieurs séries de mesu- sions sur le tourisme hivernal et sur l’énergie res et sur des banques de données fournies. hydraulique. Les exploitants des centrales En comblant les lacunes en matière de don- hydroélectriques doivent s’adapter à de nou- nées (p. ex. humidité du sol ou charriage) et en veaux régimes de débits, à une plus grande intensifiant la collaboration entre les différents capacité de charriage et à de nouvelles situa- acteurs, les connaissances systémiques pour- tions de dangers, autant d’évolutions résultant raient être encore développées et mieux uti- de la fonte des glaciers et de l’apparition de lisées au profit de la gestion durable de l’eau. nouveaux lacs glaciaires. Une chose est sûre: grâce aux montagnes, la Sur le Plateau, les futures conditions clima- Suisse bénéficiera également à l’avenir de pré- tiques entraîneront, d’une part, une augmen- cipitations abondantes et de forts débits. En tation des risques de crues et, d’autre part, tant que communauté, nous nous devons de une forte diminution des débits en fin d’été, poser aujourd’hui les jalons pour les géné- ce qui devrait en particulier limiter dans le rations futures. Les projets du PNR 61 ont mis temps la navigation sur le Rhin. En outre, le à disposition les connaissances nécessaires et changement climatique influera indirecte- élaboré les instruments les mieux adaptés. 6 Gestion de l‘eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
Summary The Alps are an obstacle. With summits of up are abundant particularly in Karst areas, the A gauche et à droite: face au changement to 4,810 metres above sea level, they function results reveal that many of those vast ground- climatique, l‘agriculture et le tourisme devront as a barrier pushing water-saturated air up water resources cannot be exploited due to s‘adapter. (AGWAM) into cooler spheres, thereby triggering above- technical, economic, ecological and legal Au milieu: puits de prélèvement des eaux sou- terraines. (GW-TEMP) average rainfall and snowfall [1]. As many restrictions. In the densely populated regi- A droite: Mont-Lauchaux. (Photo Emmanuel important rivers originate in Switzerland, the ons of the central plateau, it is not so much Rey) country is referred to as the «water tower» of the changing climate but the growing user Europe. Climate change has already altered demands and new polluting factors that affect this setting. At the same time, demographic, water availability and quality. The amount of economic and political drivers influence water groundwater that can be sustainably used on availability and demand in Switzerland. the plateau is insufficiently described, espe- This thematic synthesis presents the foun- cially during extended drought events. dations of today’s water availability and Due to the wide range of overlapping user management in Switzerland and outlines the demands that have an impact on rivers and anticipated future situation with regard to lakes in Switzerland, sustainable water man climate and society. The synthesis makes clear agement cannot solely focus on water quan- that even in Switzerland water resources can tity and quality but needs to encompass become scarce and, as a consequence, call for the entire aquatic system, i.e. the system adaptation measures. Water management that generates, sustains and stores the water. agencies and hydropower companies will Moreover, the locational advantage of Swit- be particularly affected alongside industry, zerland entails a high responsibility towards agriculture, shipping and tourism. In order downstream neighbours. Accordingly, a to provide sufficient water of adequate quality cross-border vision for future spatial plan- also in future, Swiss water research is asked to ning and resource use – within which water generate sound systems knowledge. Of equal availability and management plays a central importance though is the provision of expert role – needs to be developed in addition ise to formulate social targets and, closely to a Swiss water strategy. To this end, Swit- related, the development of appropriate zerland can take stock of long-term monito- steering instruments to reach those targets. ring data and extensive databases. The clo- Even though the annual water availability will sure of knowledge gaps (e.g. soil moisture or not significantly decrease until the end of the sediment transport) and increased coopera- century, climate change will affect the spatial tion could enhance system knowledge as a and temporal water availability in Alpine whole and thereby facilitate the expansion of areas, particularly in the second half of the sustainable water management and use. century. The dwindling storage capacity of No doubt, mountains will trigger ample pre- snow and glaciers will notably have an impact cipitation and run-off also in future. Yet, on winter tourism and hydropower produc- today’s society needs to set the course for tion. Operators of hydropower plants will the generations to come. With this in mind, have to cope with altered discharge regimes, the projects of NRP 61 have elaborated the increased sediment supplies and new hazards necessary knowledge and suitable tools. triggered by melting glaciers and emerging glacial lakes. On the central plateau (Mittelland), the future climate will alter flood hazards in general and increase the number of low-flow situations in late summer, affecting, for instance, shipping on the river Rhine. Indirectly, groundwater storage will be affected and will reach crit ical levels during the more frequent summer droughts. Although the research conducted by NRP 61 succeeded in quantifying Switzer- land’s groundwater storage capacities, which Résumé | Summary 7
Les ressources en eau de la Suisse: situation actuelle La Suisse est privilégiée: en plus de pré- gement climatique. En outre, la Surveillance cipitations régulières, le pays bénéficie nationale continue des cours d’eaux (NADUF) d’énormes réserves d’eau qui représentent fournit des informations sur la qualité de six fois le volume annuel de précipitations. l’eau. Les mesures effectuées portent notam- La loi fédérale sur la protection des eaux ment sur la température de l’eau et la con- garantit la protection des ressources en eau centration en nutriments et en polluants. Le et des milieux naturels, préservant ainsi réseau de mesures de l’Observation nationale leur utilisation. Le présent chapitre expli- de la qualité des eaux de surface (NAWA) est que clairement que les utilisations des res- beaucoup plus dense; la Confédération et les sources en eau varient non seulement dans cantons y documentent l’état et l’évolution le temps et dans l’espace, mais qu’elles peu- des eaux à l’aide de paramètres physico-chi- vent également être sensiblement réduites miques et biologiques. En collaboration avec sous l’effet des apports en substances nutri la Confédération, les universités, les entre- tives et polluantes ou de la température. prises de distribution d’eau et les cantons, Pour disposer d’une vision globale des res- l’Observation nationale des eaux souterraines sources hydriques de la Suisse, il convient (NAQUA) enregistre des données quantitati- de prendre en compte, outre les impératifs ves et qualitatives, établissant ainsi des bases de la société et de l’économie, les besoins pour la protection coordonnée des eaux sou- de l’écosystème. terraines suisses. Dans le cadre du programme NAQUA, le module ISOT a été créé pour obser- ver les isotopes dans le cycle de l’eau. Diffé- Disponibilité et distribution rentes institutions prennent part au niveau de l’eau national aux mesures d’isotopes dans l’eau Avec un volume de 363 km3 environ, la Suisse de pluie, les cours d’eau, les lacs, les glaciers, dispose de réserves d’eau abondantes. Si l’on la neige et l’eau souterraine [3]. Les mesu- divise le volume d’eau renouvelé chaque res d’isotopes permettent l’enregistrement année (40 km3) par le nombre d’habitants des volumes d’eau, des voies d’écoulement (8 millions), l’on obtient un volume d’eau et des temps de séjour aux différents stades de 5000 m3 d’eau par personne. C’est certes du cycle de l’eau. Indispensable à la réalisa- beaucoup. Cependant, il n’est pas possible de tion de nombreuses prévisions et modélisa- capter toute cette eau et de la mettre à dispo- tions, le système intercantonal de mesure et sition au bon endroit, au bon moment, dans d’information IMIS fournit des informations la quantité et la qualité requises. Les ressour- sur la hauteur de la couverture de neige et ces en eau effectivement disponibles varient d’autres paramètres climatiques à des altitu- considérablement selon les saisons, la topo- des élevées dans toutes les Alpes suisses. Les graphie et le sous-sol. Pour les utiliser, il faut données transmises toutes les heures servent déterminer leur volume et leur qualité. En à différentes prévisions (enneigement, risques Suisse, la surveillance des eaux de surface d’avalanche, débit et dangers naturels). La sur- et des eaux souterraines par un vaste réseau veillance des sédiments est également impor- de stations de mesure permet de détecter à tante pour l’évaluation des risques mais aussi temps les fluctuations de niveaux, les impure- pour la renaturation des eaux. Sous l’égide de tés et autres modifications problématiques et l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), de prendre les contre-mesures qui s’imposent. SOLID est l’un des rares réseaux de mesures du volume des sédiments du monde privilé- Réseaux de mesures giant une approche à grande échelle et à long Si la quantité et la qualité des ressources en terme [4]. En outre, l’Institut fédéral de recher- eau sont généralement bien enregistrées, la ches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) coordination, la mise en réseau et la disponi- réalise régulièrement des mesures indirectes bilité des données gagneraient quant à elles de l’intensité du charriage au moyen système à être améliorées [2]. Des efforts en ce sens Swiss Plate Geophone dans plusieurs bassins sont déployés au niveau fédéral pour mettre versants. Les données climatiques des précipi- en place un système d’observation de l’envi- tations, du rayonnement et de la vapeur d’eau, ronnement à l’échelle de la Suisse (RSO). Les telles qu’elles sont relevées par le réseau auto- réseaux de mesures ci-après sont particulière- matique de mesure au sol (SwissMetNet) et, ment importants dans le cadre de la gestion depuis des décennies, par le réseau manuel de durable de l’eau. mesures des précipitations de MétéoSuisse, Le réseau de base de l’Office fédéral de sont également utiles pour le cycle de l’eau. l’environnement mesure les niveaux d’eau Pour l’évaluation de l’état écologique des eaux ainsi que les débits des eaux de surface et de surface, le système modulaire gradué a sert de référence pour la protection con- été développé en collaboration avec la Con- tre les crues, l’utilisation de l’énergie hydrau- fédération, les cantons et l’Institut de recher- lique et l’étude des conséquences du chan- che sur l’eau (Eawag) [5] (ill. 1). 8 Gestion de l‘eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
La Suisse dispose d’un grand nombre de don- son de la forte variabilité naturelle [7]. De plus, A gauche: les mesures réalisées au moyen de nées concernant les ressources en eau, leur les précipitations annuelles moyennes oscil- trappes à sédiments sur l’Erlenbach enregistrent état et leur répartition. Il subsiste toutefois lent entre des valeurs maximales > 2300 mm/ le volume de sédiments transportés par char des lacunes. Les données sur l’évaporation an dans les Alpes bernoises et valaisannes, des riage. (Photo Dieter Rickenmann, WSL) Au milieu: le site de Rietholzbach est l‘une des et l’humidité du sol, qui seraient importan- valeurs élevées dans le Tessin et des valeurs régions d‘Europe la mieux étudiée au niveau tes pour de nombreux modèles hydrolo- minimales (800-900 mm/an) dans le Seeland, hydrologique. (DROUGHT-CH) giques et pour les prévisions des périodes de la région du lac de Constance, la région de A droite: la quantité d’eau qui s’infiltre dans un sécheresse (cf. DROUGHT-CH), ne sont acces- Bâle, mais aussi dans le Valais et en Engadine sol ou qui s’en évapore est mesurée grâce à un sibles, en Suisse que ponctuellement dans le [8]. Les précipitations sont moins importantes lysimètre. La photo a été prise dans l’installation cadre de projets distincts (SwissFluxnet pour en hiver qu’en été [1]. Deux tiers des précipi- souterraine de Rietholzbach. (DROUGHT-CH) l’évaporation, SwissSMEX pour l’humidité du tations tombent sous forme de pluie, un tiers sol). Exigeantes du point de vue technique, sous forme de neige [9]. les observations liées au charriage et au trans- La neige, composante clé du système clima- port de sédiments sont également insuffisan- tique, a fait l’objet de nombreuses recherches, tes, tout comme les observations de l’état éco- y compris en relation avec le réchauffement logique des cours d’eau. Généralement, les climatique. Non seulement la présence de données des régions alpines sont moins fiab- neige est influencée par le climat, mais elle a les que celles du Plateau. En plus de la ques- elle-même une incidence sur le climat. Etant tion de l’accessibilité, cela est dû au fait que donné que la couche de neige réfléchit les les programmes de mesure à long terme sont rayons du soleil bien plus que ne le ferait le souvent créés pour répondre à des problèmes sol à nu, l’air reste frais au-dessus des paysa- spécifiques (p. ex. la fertilisation excessive). ges enneigés. Il ne faut pas oublier que le sto- Les données relatives à la demande et à la ckage des précipitations sous forme de neige consommation sont souvent insuffisantes, y retarde les écoulements, ce dont profitent les compris à l’échelle cantonale, et se fondent écosystèmes et l’homme. Des séries de mesu- essentiellement sur les volumes des conces- res échelonnées sur plus de 100 ans indiquent sions, des estimations et des projections. Ce que les températures moyennes en hiver aug- constat est également valable pour la con- mentent au détriment de la quantité de neige sommation d’eau des canaux d’irrigation tra- [10]. ditionnels dans le Valais (MONTANAQUA [6]). Un tiers des précipitations annuelles (20 km3) s’évapore. Le volume, le lieu et le moment de Précipitations, évaporation et débit l’évaporation dépendent de la saison, du ter- Avec un volume annuel de précipitations de rain, de l’altitude, de la végétation, de la nature 60 km3 environ, la Suisse bénéficie de fortes et de l’affectation du sol ainsi que du type de précipitations. Il est très difficile de faire des précipitations. Sur le Plateau et dans le Jura, le commentaires sur les modifications des pré- pourcentage d’évaporation atteint 50%, voire cipitations au cours du siècle dernier, en rai- 70% dans certains cas des précipitations de la 2011 NAWA (111) Ill. 1: les séries de données des différents paramètres des eaux suisses sont parfois très 1996 IMIS (160) anciennes. Le nombre entre parenthèses se 1992 ISOT (135) réfère au nombre de stations de mesure. (A. Björnsen) 1985 SOLID (103) Fin des années 1970 NAQUA (545) 1972 NADUF (19) 1864 Premières stations automatisées en 1981 2005 SwissMetNet (208) 1862 Réseau de base (260) 1850 1970 1980 1990 2000 2010 Les ressources en eau de la Suisse: situation actuelle 9
Volume de réserve 100% région. Dans les régions alpines, les pourcen- pour éviter les inondations. tages d’évaporation sont faibles et ne repré- Les glaciers, très importants du point de vue 150 km3 130 km3 sentent plus que 10% des précipitations dans hydrologique, représentent une réserve d’eau 42% 36% les Hautes-Alpes. Les effets de l’évaporation particulière. Les Alpes bénéficient de précipi- selon l’altitude s’expliquent d’abord par la pré- tations relativement importantes; elles tom- sence prolongée, en surface, de neige et par bent en hiver et, selon l’altitude, toute l’année les températures moins clémentes. Souvent, sous forme de neige. Elles sont conservées sur les sols alpins sont également plus plats et de longues périodes. Les glaciers suisses con- présentent des associations végétales limitées servent environ 55 ± 15 km3 (NELAK [13]), les 57 km3 voire inexistantes, avec des phases de crois- glaciers alpins au total environ 80 ± 20 km3 4 km 3 9 km 3 13 km 3 16% sance plus courtes. L’évaporation est faible (NELAK [14, 15]), les glaciers les plus impor- 1% 2% 2,8% au niveau des surfaces de rochers et de glace. tants et les plus épais se trouvant en Suisse De même, les sols plats du Jura et les surfaces (à Aletsch, Gorner et Fiesch). Depuis la fin du affectées à l’habitat, à l’industrie et à la circu- petit âge glaciaire vers 1850, le volume des Fleuves = 0,25 km3 lation présentent de faibles valeurs d’évapo- glaciers a cependant diminué d’une bonne ration. On compte, parmi les régions à forte moitié [9] et continue à diminuer. Les glaciers Débit total annuel 11% évaporation, les collines boisées du Plateau, le retardent le débit des précipitations hiverna- Tessin et les zones bordant le lac Léman. Les les qui alimentent les débits seulement au 57% 42% lacs ont également de fortes valeurs d’évapo- printemps et en été. En été surtout, l’eau de ration [11]. Plus de la moitié de l’évaporation fonte fournit une part importante du débit 1% se produit pendant les mois d’été, de juin à qui est lui-même essentiel pour l’eau souter- août. raine, l’approvisionnement en eau potable, Deux tiers des précipitations annuelles (40 l’agriculture et l’écologie des cours d’eau. Eau souterraine Eau pluviale km3) s’écoulent dans des canaux [8], qui se Environ un tiers des précipitations en Suisse Lacs Fonte des neiges composent en moyenne de 57% d’eau de est aujourd’hui stocké temporairement sous Glaciers Fonte des glaciers Neige pluie, 42% de fonte de neige et de 1% de fonte forme de neige [9]. Selon la météorologie de Eaux de surface de glaciers. Environ la moitié du débit provient l’hiver précédent, la couche de neige con- Retenues artificielles du sous-sol. Le débit et la répartition tempo- serve chaque année de 4 à 20 km3 d’eau au relle de l’écoulement de l’eau dépendent du moment où elle est le plus étendue, en mars volume de précipitations, mais aussi de l’alti- [16, 17]. Bien que la capacité de stockage soit Ill. 2: le débit annuel de la Suisse correspond tude qui influence la conservation de la neige assez faible, l’incidence climatique est consi- à environ 11% du volume total des réserves. et de la glace. L’eau de fonte libérée au prin- dérable, car la limite de la neige, le nombre de (A. Björnsen sur la base des chiffres des référen- temps et en été influence le débit. En Suisse, jours d’enneigement et l’épaisseur de la cou- ces [7, 27]) les différents modèles de débit sont répar- che de neige dépendent fortement de la tem- tis en 16 régimes [12], sensiblement influen- pérature et, partant, du climat. La part de l’eau cés par le changement progressif du climat. de fonte est également considérable dans le L’homme a lui aussi une influence sur le débit. débit total (ill. 2). Il a en effet réaménagé de nombreux lacs Représentant 130 km3 d’eau, les lacs suisses et fleuves pour éviter les crues, gagner des constituent la deuxième plus grande réserve terres cultivables et produire de l’énergie. En d’eau. L’eau contenue dans les quelque 200 parallèle, l’utilisation du sol influence aussi les lacs d’accumulation, soit environ 4 km3 [17], débits. est certes négligeable dans le bilan global, mais elle est importante pour la gestion de Réserve d’eau l’énergie. A l’exception du lac de Constance L’on entend par réserve d’eau une quantité et du lac de Walenstadt, tous les grands lacs d’eau qui est stockée durant une période suisses sont régulés, c’est-à-dire qu’ils peuvent plus ou moins longue avant de s’écouler ou contribuer à préserver un équilibre, en particu- de s’évaporer. Parmi les principales réserves, lier en cas de crues et de fonte de neige ou de citons les eaux souterraines, les lacs naturels, glacier et qu’ils alimentent aussi suffisamment les glaciers et la couche de neige. Mais les les grands cours d’eau du Plateau en cas de bassins de retenue (p. ex. pour les centrales, sécheresse prolongée. En plus de ses grands l’enneigement, l’eau d’extinction, l’arrosage), lacs, la Suisse dispose de plus de 6668 petits les réservoirs d’eau potable, l’eau de surface, lacs, dont une grande partie se situe au-des- les marais et les régions humides contribuent sus de 2200 m d’altitude [18]. Un chiffre élevé, aussi au processus de réserve (ill. 2). En règle mais sans comparaison avec le passé. Au cours générale, les réserves sont alimentées par des 200 dernières années, plusieurs centaines les précipitations, qui compensent en partie de milliers de petits cours d’eau ont disparu. les pertes de réserves dues au débit. Chaque Les lacs, petits lacs et petits cours d’eau jouent année, les réserves diminuent d’environ 1 km3 un rôle déterminant comme réserves mais en raison de la fonte continue des glaciers. Le aussi comme milieux naturels et espaces de volume d’eau des fleuves suisses n’a pas été repos [19]. quantifié jusqu’ici, ceux-ci n’étant pas considé- Avec un volume d’environ 150 km3, l’eau sou- Ill. 3: à partir de la gauche: les aquifères de rés comme des réserves. Le volume estimé de terraine constitue la plus grande réserve d’eau roche meuble, fissurés et karstiques se distin- 0,25 km3 est très faible par rapport aux autres de la Suisse. La principale réserve d’eau sou- guent par leur morphologie et permettent, réserves et indique clairement qu’en cas de terraine, d’un volume de 120 km3, se trouve par conséquent, des utilisations de techniques fortes précipitations, ce sont surtout le sol et dans les aquifères karstiques, tandis que les différentes. les autres réserves qui doivent absorber l’eau aquifères fissurés contiennent environ 20 km3 10 Gestion de l’eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
et les sols meubles 10 km3 (ill. 3). Ce volume la zone non saturée [25], et d’autres facteurs A gauche: environ un tiers des précipitations en est certes considérable, mais quelle en est la comme les débits, l’utilisation du sol et les Suisse est aujourd’hui stocké temporairement part réellement utilisable? propriétés intrinsèques de l’aquifère devraient sous forme de neige. (NELAK) Le type d’aquifère détermine la profondeur de aussi jouer un rôle essentiel à cet égard [24]. Au milieu: un nouveau lac au pied du glacier du Gauli dans l’Oberland bernois (août 2012). Dans la réserve d’eau et, par là même, les possibili- Une augmentation de la température de l’eau la zone plane de niveau supérieur, un autre lac tés d’exploitation technique. Tandis que les souterraine karstique de 0,5° C par an a égale- va probablement se former dans les 10 à 20 ans aquifères contenus dans les roches meubles ment été observée au cours des 22 dernières à venir. (Photo Michael Bütler) sont à proximité de la surface, les aquifères fis- années (SWISSKARST [26]). A droite: représentant 130 km3 d’eau, les lacs surés et karstiques se situent à de grandes pro- Les ressources en eau souterraine peuvent suisses constituent la deuxième plus grande fondeurs. Les débits de soutirage qu’il faudrait donc être limitées par les possibilités d’ex- réserve d’eau. (IWAGO) atteindre ne seraient pas suffisamment ren- ploitation technique, la rentabilité, l’impact tables, l’exploitation de ces réserves n’est pas sur l’environnement et la qualité de l’eau. L’on envisageable [20]. Cela est également valable désigne par débit de sécurité le volume d’eau pour les gisements d’eau souterraine situés moyen qui peut être prélevé chaque année dans les moraines, les graviers argileux et les du sous-sol sur le long terme. Il s’agit des sables fins [21]. réserves renouvelables, celles qui se reconsti- La qualité de l’eau souterraine dépend de tuent grâce aux précipitations et à l’infiltration l’aquifère et de l’eau infiltrée. Si celle-ci est de l’eau des cours d’eau. Pour la Suisse, leur contaminée, elle ne pourra pas être utilisée volume représente 18 km3 (ill. 4) [9]. Selon la comme eau potable. En Suisse, les surfaces de loi fédérale sur la protection des eaux (art. 43), Nappes d’eau souterraine production d’eau potable diminuent sous l’ef- il ne doit pas y avoir de réduction notable du fet de l’urbanisation croissante (zones dédiées volume des eaux souterraines ni d’effet éco- à l’habitat, l’industrie et aux voies de communi- logique négatif dans le cadre de l’exploitation cation), la qualité de l’eau souterraine ne pou- à long terme. Afin d’éviter toute surexploita- vant plus être garantie. De même, les subs- tion, des quotas de concession sont fixés pour Eau souterraine 150 km3 tances utilisées dans le cadre de l’agriculture le prélèvement d’eau souterraine. Cependant, et la pollution des eaux de surface influencent les connaissances demeurent souvent insuf- aussi la qualité de l’eau souterraine. L’ampleur fisantes sur les ressources réellement utiles. de sa dégradation n’a été que peu quantifiée Dans la pratique hydrogéologique, il est cou- jusqu’à présent, car les aquifères non utilisa- rant que l’exploitation des ressources en eau Renouvelable 18 km3 Utilisé 1,3 km3 bles pour la production d’eau potable ne sont souterraine par des puits de prélèvement généralement plus analysés. L’eau souterraine donne lieu à l’utilisation de près de 20% du Ill. 4: part renouvelable, actuellement exploitée, servant à la production de chaleur ou au refroi- renouvellement naturel [20], ce qui est éga- des ressources en eau souterraine en Suisse. dissement ne pourra être utilisée pour l’appro- lement acceptable en général. Pour détermi- (A. Björnsen) visionnement en eau potable que de manière ner de manière fiable le volume utile à long restreinte. Cependant, les cantons appliquent terme, il faut procéder à une étude différen- des méthodes différentes pour évaluer le ciée tenant compte des spécificités locales. risque de pollution que représentent les instal- A l’instar des cours d’eau de surface, l’eau sou- lations de prélèvement et de rejet. terraine présente des variations selon les sai- La température est également un facteur sons, influencées par les infiltrations des pré- déterminant pour la qualité. L’étude du pro- cipitations et de l’eau de fonte ou encore par jet PNR 61 GWTEMP, qui comporte cinq séries les infiltrations de l’eau des cours d’eau. Dans de mesures effectuées sur une période de 20 un régime d’eau souterraine alimenté par les ans, a montré une augmentation de la tem- eaux pluviales dans les sols meubles du Jura pérature de l’eau souterraine de 0,7 à 1,1° C, et du Plateau, par exemple, les eaux souterrai- ce qui correspond approximativement à nes atteignent leur niveau maximal aux mois l’augmentation des températures de l’air et de janvier à mars et leur niveau minimal en fin de l’eau de rivière [22, 23]. Même la brusque d’été. Si, en revanche, une réserve d’eau sou- hausse des températures à la fin des années terraine se trouve dans le bassin versant d’un 1980 s’est répercutée sur la température de fleuve dont le débit est marqué par la fonte l’eau souterraine |24]. En revanche, dans les estivale de neige et de glaciers, l’eau souter- eaux souterraines uniquement alimentées par raine en profite aussi (régime d’eau souter- les précipitations, l’augmentation des tem- raine nivo-glaciaire importé). Ce phénomène, pératures devrait être atténuée et ralentie par typique des Préalpes et du versant sud des Les ressources en eau de la Suisse: situation actuelle 11
A gauche: le confluent de l’Aar, de la Reuss et de Alpes, présente un niveau d’eau souterraine Pénurie d’eau la Limmat, également appelé «château d’eau», maximal en mars et avril et un niveau minimal Malgré ses ressources hydriques considéra a transporté en 2011 moins de la moitié du en hiver [21] ( voir SWISSKARST p. 14). bles, la Suisse peut elle aussi être confrontée volume d’eau par rapport aux années normales. L’eau de surface de la Suisse disponible pour à la sécheresse et la pénurie d’eau, avec des (Photo WSL, Nadine Hilker) les plantes est estimée entre 5 et 7 km3 [27]. Il conséquences sur les écosystèmes, l’éco- Au milieu: dégâts causés par la sécheresse sur les betteraves à sucre. (Photo Jürg Fuhrer) n’existe pas de statistiques fiables sur les réser- nomie et la population. Comme en témoigne A droite: les crues provoquent d’importants ves d’eau sous forme de permafrost (dans le l’année 2003, les Alpes ne sont pas à l’abri déplacements de matériaux charriés. sol au-dessus de 2500 m d’altitude et dans les de la sécheresse pendant les étés canicu- (SACFLOOD) glaciers rocheux). Le volume de l’eau devrait laires (DROUGHT-CH [29]). Les effets de la être relativement faible et sans importance à canicule ont touché l’environnement (p. ex. moyen terme pour le cycle de l’eau [28]. débits réduits, fonte des glaciers et chutes de rochers), l’économie (baisses de production dans les secteurs agricole et énergétique) et la société (conséquences sanitaires et hausse de la mortalité), mais ils n’ont pas été exclusi- vement négatifs (DROUGHT-CH [30]). En com- paraison avec les siècles passés, les grandes «Pour ce qui est des sécheresses, sécheresses ont été rares au XXe siècle (1947, il en existe différents aspects. 1949 et 1976) [31]. Selon les scénarios clima- On pense souvent à un manque tiques, la fréquence de la sécheresse devrait de précipitations. Pourtant, pour augmenter dans les décennies à venir. D’une l‘agriculture, l‘humidité du sol joue manière générale, les impacts climatiques un rôle plus important.» attendus sur les écosystèmes sont plus pro- noncés dans les régions plus basses, sur les Sonia Seneviratne versants exposés au sud et sur les sous-sols DROUGHT-CH calcaires [32]. EPF Zurich Le terme sécheresse se rapporte exclusive- ment à la ressource disponible («trop peu de ressources pour l’utilisation souhaitée»). Il s’agit ici d’un déficit de précipitations limité dans le temps et dans l’espace (sécheresse météorologique), d’une humidité du sol insuf- fisante (sécheresse agricole), d’un faible débit ou de niveaux d’eau souterraine peu élevés (sécheresse hydrologique) (DROUGHT-CH [33]). Les facteurs responsables de la séche Plus d‘informations DROUGHT-CH resse agricole sont l’absence ou l’insuffisance sur www.pnr61.ch de précipitations et une forte évaporation due aux propriétés et à l’utilisation du sol, qui influ- encent la retenue d’eau. La pénurie désigne un déséquilibre entre les ressources à disposition et les besoins en eau [17]. Elle apparaît dès que les besoins sont supérieurs aux ressources disponibles. La pén- urie d’eau dépend par conséquent non seu- lement du climat et de la météorologie, mais aussi du besoin des écosystèmes et des autres utilisations (énergie hydraulique, pêcherie, agriculture et approvisionnement en eau potable). Ce besoin varie notamment suite à des modifications de l’exploitation. Pour une entreprise agricole, par exemple, il change avec le passage de la gestion de l’irrigation à la sécurisation des revenus. 12 Gestion de l’eau durable PNR 61 | Synthèse thématique 1
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