Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage
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Sélection sur la ponte INRAE Prod. Anim., 2021, 34 (1), 1-14 des poules en systèmes alternatifs à la cage Lorry BÉCOT1, 2 , Nicolas BÉDÈRE1, Pascale LE ROY1 1 PEGASE, INRAE, Institut Agro, 35590, Saint-Gilles, France 2 NOVOGEN, 5 rue des Compagnons, 22960, Plédran, France Courriel : nicolas.bedere@inrae.fr Pour offrir aux animaux des conditions de vie en adéquation avec les besoins de l’espèce, l’élevage en cage des poules pondeuses en Europe est aujourd’hui progressivement remplacé par des élevages alternatifs. Dans ces élevages, les poules vivent en groupe dans un grand espace avec ou sans accès extérieur. Leur comportement de ponte peut s’exprimer plus librement et la sélection doit évoluer pour prendre en compte ces nouvelles conditions de vie. Introduction En Europe, l’élevage des poules pon- d’hiver ou à un parcours extérieur, la deuses à l’étage de production était lumière naturelle est souvent complé- L’amélioration génétique des poules majoritairement en cages collectives. tée par de la lumière artificielle, surtout pondeuses est réalisée dans des pro- Depuis 2012, ces cages sont dites « cages quand les jours sont courts. La législa- grammes de sélection pyramidaux. À aménagées » car équipées de nids, de tion européenne impose que le pro- l’étage de sélection, les animaux de perchoirs et d’une aire de grattage. Ces gramme lumineux suive un rythme de lignée pure sont habituellement élevés dernières années, une grande diversité 24 h, comportant une période nocturne en cage individuelle, durant tout ou par- de systèmes d’élevage, dits « alterna- continue d’au moins 8 h, et une intensité tie de leur carrière, afin de permettre le tifs » à la cage, se sont aussi rapidement lumineuse permettant aux poules de contrôle de leurs performances indivi- développés afin d’offrir aux animaux des voir et d’être vues clairement (Directive, duelles. Les critères de sélection (enca- conditions de vie en adéquation avec les 1999/74/CE). dré 1) classiquement enregistrés sont liés besoins de l’espèce. Dans ces systèmes, au poids vif de l’animal, à la production les poules évoluent librement dans un En 2019, les systèmes alternatifs repré- (nombre d’œufs pondus) et aux qualités bâtiment équipé ou non d’une volière sentaient 52 % des effectifs de poules d’œuf (poids et forme de l’œuf, solidité et (plusieurs étages dans le bâtiment ; pondeuses commerciales élevées dans couleur de la coquille, qualité du blanc et figure 1). Attenant au bâtiment, il y a l’Union Européenne (Commission proportion de jaune ; Beaumont et al., parfois une aire d’exercice couverte et Européenne, 2021), contre 30 % en 2010). Les meilleurs individus, c’est-à- grillagée (jardin d’hiver ; figure 1) per- 2009 et 8 % en 1996 (ITAVI, 2019). Parmi dire ceux qui présentent les meilleures mettant aux poules d’avoir accès à la les poules élevées en systèmes alterna- valeurs génétiques (encadré 1) pour lumière naturelle et aux conditions tifs, 36 % ont eu accès à un parcours une combinaison pondérée de ces cri- climatiques extérieures, tout en étant extérieur en 2019 et 64 % ont été éle- tères (index), sont sélectionnés comme protégées des intempéries. Certains vées au sol (Commission Européenne, futurs reproducteurs. Les descendants bâtiments disposent d’un accès à un 2021). Actuellement, il n’y a pas de croisés entre différentes lignées sont parcours extérieur, ce sont les systèmes programme de sélection visant spécifi- ensuite diffusés à grande échelle par « plein air », « plein air Label Rouge » et quement la création de poules élevées l’étage de multiplication, permettant à « plein air biologique » (figure 1). Les en systèmes alternatifs : les poules éle- l’étage de production de bénéficier de systèmes sans parcours extérieur sont vées dans ces systèmes sont issues des l’amélioration génétique par croisement appelés systèmes « au sol » (figure 1). mêmes lignées pures que les poules des lignées pures (Coudurier, 2011). Que les poules aient accès à un jardin élevées en cage. L’élevage en systèmes https://doi.org/10.20870/productions-animales.2021.34.1.4680 INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
2 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy Encadré 1. Glossaire. pondeuses ( p ersistance de ponte, stabilité des qualités d’œuf (poids et Caractère phénotypique : élément de description des individus dans une population. forme de l’œuf, solidité et couleur de la Corrélation génétique : corrélation entre des valeurs génétiques additives estimées pour deux caractères coquille…)). donnés. Mesuré en cage individuelle, le Critère de sélection : caractère pouvant être mesuré sur les candidats à la sélection et/ou sur leurs appa- nombre d’œufs pondus de l’âge au rentés, et permettant de classer les candidats reproducteurs d’après leur valeur génétique additive estimée. premier œuf jusqu’à 90 semaines est modérément héritable, avec des héri- GWAS : « Genome-Wide Association Study » ou étude d’association génomique, consiste à analyser les tabilités (encadré 1) de 0,26 et de 0,34 corrélations entre des variations génétiques et un caractère phénotypique. pour les RI et WL respectivement. De nombreuses régions chromosomiques Héritabilité : part de la variance phénotypique d’origine génétique, pour un caractère et une population (QTL ; encadré 1) sont impliquées dans donnés. le déterminisme génétique de la pro- QTL : « Quantitative Trait Locus » ou locus de caractère quantitatif, est une région chromosomique gouvernant duction d’œufs. Vingt-et-une études ont une partie de la variabilité génétique d’un caractère quantitatif. permis la détection de 95 QTL influen- çant le nombre d’œufs pondus et/ou Valeur génétique additive : somme des effets moyens des allèles portés par un individu sur un caractère l’intensité de ponte (Romé et Le Roy, donné. En moyenne, la moitié de cette valeur se transmet d’un parent à son descendant. 2016). Les gènes codants pour trois pro- téines impliquées dans la folliculogé- nèse : la prolactine (chromosome 2), le alternatifs repose donc sur des indices ondeuses. Influencée par l’environ- p récepteur de l’hormone folliculo-stimu- de sélection établis sur des animaux nement, dont principalement la pho- lante (chromosome 3) et le récepteur élevés en système conventionnel. topériode (Sauveur, 1996 ; England et de la gonadolibérine (chromosome 22) Ruhnke, 2020), elle est aussi sous la ont notamment été identifiés comme Contrairement à l’élevage en cage, dépendance d’une composante géné- influençant le nombre d’œufs pondus. les poules élevées en systèmes alter- tique. Ainsi, l’existence d’une variabilité Ces connaissances quant au déter- natifs évoluent au sein d’un groupe de d’origine génétique pour la production minisme génétique de la production grande taille, doivent aller pondre dans d’œufs a contribué à atteindre le niveau d’œufs, acquises dans les systèmes des nids (figure 1) et ont parfois accès à de production actuel chez les poules d’élevage en cage, doivent être revisi- un parcours extérieur. Des nids électro- commerciales, capables de pondre plus tées dans le contexte d’élevages alter- niques ont été développés pour pou- de 300 œufs par an. natifs moins standardisés. voir mesurer, dans ces environnements, de nouveaux caractères de ponte (enca- Après une sélection intensive sur 1.1. La ponte au nid dré 1) liés au comportement précédant la maturité sexuelle et la production la ponte, au comportement au nid et au d’œufs jusqu’à 55 semaines, les sélec- La production d’œufs dans le nid, rythme de ponte. Ces caractères appa- tionneurs s’intéressent maintenant aussi mesurée par le nombre d’œufs pon- raissent maintenant dans les objectifs à la persistance de ponte, c’est-à-dire la dus dans le nid sur une période don- de sélection des lignées pures. L’objectif capacité des poules à avoir une carrière née ou par l’intensité de ponte dans de cette synthèse bibliographique est de ponte plus longue. Actuellement, les le nid (nombre d’œufs pondus dans le de faire un état des lieux des connais- poules pondeuses sont élevées jusqu’à nid divisé par le nombre de jours de la sances sur les caractères de ponte en environ 72 semaines d’âge. Prolonger période), correspond à la part de la pro- systèmes alternatifs, en se focalisant leur carrière jusqu’à 100 semaines, duction d’œufs facilement collectée et principalement sur les deux races de pour une production totale de près valorisée par l’éleveur. L’augmentation poules pondeuses les plus élevées de 500 œufs par poule, permettrait rapide des effectifs de poules pon- dans le monde : Rhode Island (RI ; œufs de réduire les effectifs. Au Royaume- deuses élevées en groupe avec accès bruns) et White Leghorn (WL ; œufs Uni par exemple, une carrière de 100 à des nids collectifs a suscité de nom- blancs). semaines réduirait de 2,5 millions les breuses questions sur la capacité des effectifs de poules pondeuses dans animaux à pouvoir utiliser ces derniers. le pays. Par ailleurs, une carrière de Pour y répondre, des nids électro- 1. La production d’œufs ponte plus longue permet de réduire niques individuels utilisant la techno- la quantité d’aliment et par conséquent logie d’identification radio fréquence La production d’œufs, définie par le les effets négatifs sur l’environnement, (RFID ; Radio Frequency Identification) nombre d’œufs pondus sur une période notamment en réduisant la quantité de ont été développés. Ces nids sont donnée ou par l’intensité de ponte nitrates produite pour un même niveau équipés d’une antenne (figure 2). Un (nombre d’œufs pondus divisé par le de production. Ainsi, la production transpondeur est fixé sur chacune des nombre de jours de la période), est d’œufs des poules âgées de plus d’un poules, dans le cou (Burel et al., 2002), le critère majeur pris en compte dans an est-elle souvent incluse dans l’ob- à une aile (Marx et al., 2002) ou à une les schémas de sélection des poules jectif de sélection des lignées de poules patte (Thurner et al., 2006). Lorsqu’une INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage / 3 Figure 1. Illustration de systèmes alternatifs à la cage. poule utilise un nid électronique, son ponte (ordre de passage du capteur) (2006) car c’est le seul qui a fait l’objet de transpondeur est détecté par l’antenne permet ensuite d’attribuer chaque plusieurs publications jusqu’à présent. de ce nid. Son identifiant, celui du nid œuf à la poule qui l’a pondu. Ces nids visité (localisation), l’heure d’accès et le permettent ainsi de mesurer des carac- À l’aide de nids électroniques, Icken temps de présence sont alors enregis- tères de ponte et de qualité d’œuf (via et al. (2008a) ont enregistré le compor- trés. Si la poule pond un œuf, celui-ci l’attribution œuf – poule) à l’échelle de tement au nid de 272 poules RI élevées roule derrière le nid et déclenche un l’individu. Dans cette revue, nous pré- dans un parc au sol avec un accès à un capteur qui enregistre l’heure de ponte. senterons les résultats obtenus avec le jardin d’hiver. Le nombre d’œufs pondus Le classement des œufs par heure de nid électronique décrit par Thurner et al. dans le nid mesuré sur 12 périodes de 28 jours s’est révélé héritable, mais les héritabilités estimées étaient variables Figure 2. Principe du nid électronique individuel. selon l’âge des poules (entre 0,05 à 9 mois et 0,45 à 14 mois). La corrélation génétique (encadré 1) estimée entre le nombre d’œufs pondus en cage et le nombre d’œufs pondus dans le nid est aussi très variable en fonction de l’âge des poules, passant de valeurs positives fortes, entre 0,56 et 0,97 durant les deux premiers mois de ponte, à des estima- tions plus faibles, entre 0,22 et 0,44 au pic de ponte. Ces paramètres géné- tiques, estimés sur un faible effectif, demandent à être précisés mais cette INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
4 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy étude originale révèle peut-être l’exis- restriction alimentaire, la distribution génétique de ce caractère passera donc tence d’interactions génotype-envi- d’aliment au moment de la ponte probablement par l’utilisation de carac- ronnement pour la production d’œufs. pousse les poules à quitter leur nid tères indirects associés, par exemple, au Les valeurs de corrélations génétiques sans pondre afin de s’alimenter et, par- comportement précédant la ponte et différentes de 1 entre production en fois, à pondre leur œuf hors nid ensuite au comportement au nid. cage et production au nid peuvent (Sheppard et Duncan, 2011) ; également être dues à la signification de ces deux phénotypes : avec le nid – la ponte hors nid est supérieure 2. Le comportement électronique, le comportement de la avec une photopériode de 11 ou 12 h précédant la ponte poule, c’est-à-dire sa capacité à aller par rapport à une photopériode de 13 pondre dans le nid, se combine avec sa ou 14 h (Lewis et al., 2010). capacité de ponte exprimée en cage. Le comportement précédant la ponte Afin d’améliorer la production d’œufs Par ailleurs, la ponte hors nid est débute une à deux heures avant l’ovi- dans les systèmes alternatifs, des études aussi supérieure en début de ponte et position (ponte de l’œuf ) et se traduit complémentaires sont nécessaires pour diminue avec l’âge, probablement car tout d’abord par une augmentation de améliorer les connaissances sur les les poules s’habituent à l’utilisation des l’activité avec une agitation de la poule caractères de comportement de ponte nids (Cooper et Appleby, 1996 ; Settar plus importante et l’expression de au nid des poules. et al., 2006 ; Oliveira et al., 2019). Des vocalises (Wood-Gush et Gilbert, 1969 ; études réalisées à l’aide d’enregistre- Meijsser et Hughes, 1989 ; Sherwin et 1.2. La ponte hors nid ments vidéo ont permis d’observer Nicol, 1993). La poule choisit ensuite deux catégories de poules : des poules un site de ponte et s’y installe. Une fois Les œufs pondus hors nid doivent qui pondent systématiquement hors installée, la poule adopte une position être ramassés manuellement, ils repré- nid et des poules qui pondent systé- « assise » qu’elle va alterner avec des sentent alors un travail laborieux qui matiquement dans le nid (Cooper et activités de construction du nid, telles peut demander beaucoup de temps à Appleby, 1996 ; Kruschwitz et al., 2008 ; que gratter le sol ou la litière, se retour- l’éleveur. Souvent cassés, mangés par Zupan et al., 2008). Dans ces études, les ner dans le nid et collecter de la litière les poules ou souillés de fientes, ils sont poules qui pondaient hors nid passaient si elle est disponible avant de pondre la plupart du temps déclassés ou non davantage de temps à rechercher un nid son œuf. En conditions naturelles, le commercialisables. Pour les reproduc- et explorer leur environnement dans comportement de recherche d’un site teurs, les œufs pondus hors nid ont l’heure précédant la ponte, par rapport de ponte permettrait à la poule de trou- aussi un taux de fertilité et d’éclosabilité aux poules qui pondaient dans le nid, ver un endroit à l’abri des prédateurs, plus faible que les œufs pondus dans le probablement car les nids proposés ne comme l’ont observé Duncan et al. nid (Van den Brand et al., 2016). Dans leur convenaient pas. Enfin, Settar et al. (1978). Dans cette étude, les poules gar- l’objectif d’améliorer les conditions de (2006) ont mesuré le nombre d’œufs daient le même nid pour pondre tous travail et d’augmenter les revenus de pondus hors nid de 14 258 poules RI les œufs d’une même série (suite de l’éleveur, la réduction de la ponte hors durant 11 semaines à partir du début jours consécutifs avec ponte) mais en nid est actuellement un des enjeux de la ponte. Les poules étaient élevées changeaient systématiquement entre majeurs pour les systèmes alternatifs. au sol dans des parcs de 18 sœurs et/ les séries de ponte et les saisons, pro- ou demi-sœurs de père. L’étude a mon- bablement pour se protéger des préda- Plusieurs facteurs environnementaux tré que le pourcentage d’œufs pondus teurs et des parasites. peuvent avoir un effet sur la ponte hors hors nid par jour et le pourcentage nid : l’environnement avant le début de d’œufs pondus hors nid par semaine En élevage, les poules utiliseraient ponte, les caractéristiques du bâtiment étaient héritables, avec une héritabi- en général le même nid pour pondre. de ponte (structure des nids, litière, ven- lité de 0,39 et de 0,44 respectivement. Wall et al. (2004) ont enregistré le tilation…), la distribution d’aliment au Ces valeurs d’héritabilité permettent comportement de 35 WL équipées moment de la ponte et le programme d’espérer un progrès génétique subs- de transpondeurs et élevées dans des lumineux : tantiel pour réduire le nombre d’œufs cages aménagées avec deux nids col- pondus hors nid. Toutefois, la ponte lectifs. La cohérence du choix du nid de – l’utilisation de perchoirs dès la qua- hors nid dépend de nombreux facteurs ponte était en moyenne de 90 %, une trième semaine d’âge des poules réduit la environnementaux et les interactions valeur de 50 % indiquant que la poule ponte hors nid du début de ponte jusqu’à génotype-environnement entre les n’avait pas de préférence et 100 % que 35 semaines d’âge (Gunnarsson, 1999) ; différents systèmes alternatifs doivent la poule allait toujours pondre dans le être évaluées. Identifier les poules qui même nid. Les valeurs de cohérence du – les poules préfèrent pondre dans des pondent hors nid est difficile et labo- choix de nid étaient comprises entre nids en bois plutôt que dans des nids en rieux (enregistrements vidéo) et, avec 54 et 100 %, indiquant de la variabilité plastique (Van den Oever et al., 2020) ; des effectifs de grande taille, il n’est pour ce caractère. Ces résultats sont à pas possible de mesurer en routine confirmer en systèmes alternatifs avec – observé sur des poules reproduc- le nombre d’œufs pondus hors nid à davantage de nids. Par ailleurs, les trices pour la chair soumises à une l’échelle de l’individu. L’amélioration poules ont un comportement grégaire INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage / 5 pour la ponte. Si elles ont le choix, elles mal-être. Heil et al. (1990) ont mesuré et empêcher certaines poules d’accé- préfèreront aller pondre dans des nids par enregistrement vidéo en cage indi- der aux nids, les obligeant à pondre déjà occupés plutôt que dans des nids viduelle, la durée d’agitation avant la hors nid. Augmenter le nombre de nids libres (Appleby et McRae, 1986 ; Riber, ponte, la tentative d’échappement par bâtiment ou réduire la densité de 2010 ; Tahamtani et al., 2018). Ce com- les dix à cinq minutes avant la ponte poules par nid pourrait aider à limiter portement peut avoir des effets négatifs (nombre de fois où la poule sort la tête les problèmes d’affluence à un moment en termes de bien-être animal, pouvant de la cage) et la position (assise ou dans la journée mais nécessiterait soit augmenter le niveau de stress et le debout) durant la ponte. Ils ont observé des investissements supplémentaires risque d’étouffement dans les nids, mais que la durée d’agitation et la tentative (augmenter la taille du bâtiment pour aussi en termes de production en aug- d’échappement étaient faiblement ajouter des nids), soit une baisse de mentant la ponte hors nid (les poules héritables, 0,06 et 0,04 respectivement, production (moins de poules dans le pondant devant les nids occupés) et le mais que la position était moyenne- bâtiment). D’autres stratégies utili- nombre d’œufs cassés. Sélectionner des ment héritable, 0,33. Les résultats déjà sant la génétique peuvent aussi être poules capables d’aller pondre dans des observés sur le comportement explo- envisagées. nids différents et éloignés les uns des ratoire en jardin d’hiver et sur les com- autres pourrait permettre de diminuer portements de stéréotypie précédant Heinrich et al. (2014) ont étudié le les effets négatifs liés au comportement la ponte confortent l’intérêt d’étudier comportement au nid dans des nids grégaire pour la ponte. Au regard de la la capacité des poules à aller pondre électroniques collectifs. Le principe de littérature, il n’y a pas de travaux por- dans des nids différents et éloignés les ces nids est le même que celui des nids tant sur ce caractère, alors que les nids uns les autres. Ce caractère permettra électroniques individuels (figure 2). Ils électroniques peuvent le mesurer (par peut-être de sélectionner un jour indi- sont équipés d’une antenne capable l’enregistrement de l’identifiant du nid, rectement contre les comportements de détecter la présence d’une poule via donc de sa localisation). Des résultats grégaires négatifs pour la ponte et la son transpondeur. En revanche, les nids ont toutefois été publiés sur le compor- ponte hors nid. Outre le comporte- électroniques collectifs ne permettent tement exploratoire en jardin d’hiver ment précédant la ponte, le compor- pas d’identifier les poules qui pondent et les comportements de stéréotypie tement au nid pourrait également être lors de leur visite, ni d’attribuer l’œuf précédant la ponte. exploité en sélection pour réduire la à la poule qui l’a pondu, car plusieurs ponte hors nid. poules peuvent les utiliser simultané- Le comportement exploratoire sur un ment. Heinrich et al. (2014) ont comparé jardin d’hiver a été étudié chez la poule les résultats avec les mesures faites dans RI. Mesurées entre 9 et 16 mois d’âge, 3. Le comportement des nids électroniques individuels. Ils la fréquence des sorties et la durée de au nid ont observé que les poules visitaient en sortie sont héritables avec des valeurs moyenne 1,2 à 1,4 fois les nids par jour estimées de 0,24 pour ces deux carac- et qu’il y avait peu de différences pour tères, qui sont aussi fortement géné- Deux caractères peuvent être utilisés ce caractère entre les mesures en nids tiquement corrélés (+ 0,82). Toutefois, pour décrire le comportement de ponte collectifs et les mesures en nids indivi- des corrélations génétiques défavo- au nid de la poule : l’heure d’accès au duels. Bien que les nids soient destinés rables ont été observées entre la durée nid et la durée de ponte, c’est-à-dire le à la ponte, certaines poules les utilisent moyenne des sorties et le nombre temps passé dans le nid pour la ponte. parfois sans pondre et plusieurs fois d’œufs pondus dans le nid (– 0,34 ; dans la journée. Les poules dominées ainsi que la couleur de la coquille des 3.1. L’heure d’accès au nid peuvent aussi les utiliser comme refuge. RI (– 0,54 ; Icken et al., 2011). Les des- cendantes des poules RI qui passent Les poules commerciales, fortement Le déterminisme génétique de le plus de temps dans le jardin d’hiver, sélectionnées sur la production d’œufs, l’heure d’accès au nid a été peu étudié. pondraient moins d’œufs et feraient des ont tendance à pondre sur une plage Ce caractère pourrait potentiellement œufs plus clairs par rapport aux descen- horaire relativement réduite : Lillpers être exploité en sélection, par exemple dantes des poules qui y passent moins (1991) estime ainsi que l’écart type de pour étaler la plage horaire d’accès aux de temps. l’heure de ponte d’un lot est inférieur nids des poules. L’heure d’accès au nid à 1 h. Les nids individuels sont utilisés pour pondre dépend fortement de Concernant le comportement précé- essentiellement dans les élevages tra- l’heure de ponte (corrélation phéno- dant la ponte, ce sont essentiellement ditionnels de basse-cour. La majorité typique : + 0,99 ; Bécot et al., 2021) qui les comportements de stéréotypie qui des systèmes alternatifs utilisent des est un caractère de rythme de ponte ont fait l’objet d’études génétiques. Ces nids collectifs. Ces nids de grande taille (voir partie 4.2.) et pourrait être utilisée comportements, comme une agitation permettent à plusieurs poules d’aller en tant que tel pour des nids électro- importante avant la ponte et une posi- pondre simultanément dans le même niques collectifs où connaître l’heure tion debout durant la ponte, montrent nid. Il y a potentiellement, à certaines de ponte de la poule n’est pas possible. que la poule ne peut pas exprimer ses heures, concurrence entre les poules Enfin, Lillpers (1991) suggère d’utili- comportements naturels précédant pour entrer dans le nid. Cela peut ser plusieurs types génétiques diffé- la ponte et sont des indicateurs de entraîner des risques d’étouffements rents dans un même lot pour étendre INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
6 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy l’heure de ponte des poules et leur au sol et soumises à un programme et leurs paramètres génétiques ont déjà période d’utilisation des nids, mais ceci lumineux de 13 h de lumière et 11 h de pu être estimés, en cage individuelle nécessite de s’assurer de l’absence de nuit par jour. Les poules étaient placées mais aussi en systèmes alternatifs. comportement agressif entre les types au sol dans des parcs de 15 à 120 indivi- génétiques. dus avec des nids collectifs. Ces auteurs 4.1. La longueur ont mesuré au pic de ponte (entre 24 et et le nombre des séries 3.2. La durée de ponte 37 semaines d’âge) le temps passé sur de ponte le site de ponte (nid collectif ou un coin La durée de ponte correspond au du parc) de 130 poules et le nombre de La longueur et le nombre des séries temps passé dans le nid pour la ponte. coups de becs donnés et reçus au cours de ponte ont pu facilement être mesu- Mesurée au sol dans des parcs avec de la ponte. Plus la poule recevait des rés en cage individuelle car ils néces- nids électroniques, la durée de ponte coups de becs d’autres poules et moins sitent seulement de compter le nombre moyenne est de 30 min pour les RI et elle passait de temps sur son site de d’œufs tous les jours, sans avoir besoin 45 min pour les WL (Icken et al., 2012). ponte. Inversement, plus elle donnait de connaître leur heure de ponte. Ces auteurs ont observé que la durée des coups de bec et plus elle passait de Trois caractères ont principalement d’une visite sans ponte était plus temps sur le site de ponte. Aucune dif- été étudiés : les longueurs moyenne courte que la durée de ponte, avec une férence significative de comportement et maximale des séries de ponte et le moyenne de 10 et 28 min pour les RI des poules entre les parcs de taille dif- nombre de séries de ponte. Wolc et al. et WL respectivement. Heinrich et al. férente et le site de ponte (nid collectif (2019) ont mesuré les séries de ponte (2014) ont aussi observé que la durée ou un coin du parc) n’a été observée. jusqu’à 90 semaines de 23 809 RI et de moyenne passée dans le nid par jour et Ces résultats suggèrent que les interac- 22 210 WL élevées en cage individuelle par poule, pour pondre ou non, variait tions sociales entre poules dominantes et ayant des caractéristiques proches entre 23 et 30 min chez la RI et entre et dominées peuvent avoir un effet sur des poules commerciales actuelles. 42 et 69 min chez la WL en fonction de la durée de ponte. Il serait intéressant Pour les RI et les WL respectivement, ces l’âge et du type de nid utilisé (nid indi- de vérifier si elles ont aussi un effet sur auteurs ont montré, par poule, que la viduel ou nid collectif ). Ils notent que la ponte hors nid. longueur moyenne des séries de ponte le comportement au nid des RI varie était de 15,3 ± 9,9 (écart-type) et 8,6 ± peu en fonction du type de nid utilisé 4,4 œufs, et que la longueur maximale contrairement aux WL qui sont plus sen- 4. Le rythme de ponte des séries de ponte était de 81,8 ± 39,9 sibles au changement d’environnement et 57,3 ± 33,5 œufs. Le nombre de séries (passage nid collectif/nid individuel et L’intensité de ponte et le nombre de ponte, mesuré sur la même période, inversement). d’œufs pondus sont des caractères com- était de 29,2 ± 16,9 (RI) et de 43,4 ± plexes contrôlés par le rythme de ponte 18,0 (WL). Associé à une augmentation Le déterminisme génétique de la de la poule. Il faut compter en moyenne de l’heure de ponte et de l’intervalle durée de ponte, comme celui de la 24 à 26 h entre l’ovulation du jaune et de temps entre pontes, le nombre de durée des visites sans ponte, a été peu la ponte de l’œuf (Sauveur, 1988 ; enca- séries de ponte augmente avec l’âge étudié. Icken et al. (2013) ont mesuré la dré 2). Les ovulations peuvent s’enchaî- et leur longueur diminue (Bednarczyk durée de ponte au sol dans des parcs ner quotidiennement, entrainant la et al., 2000 ; Tumova et al., 2017 ; Wolc avec nids électroniques. Pour ce carac- ponte d’un œuf par jour. Les œufs pon- et al., 2019). tère, ils ont estimé des héritabilités dus sur des jours consécutifs forment très variables en fonction de l’âge des une série de ponte (encadré 3). Chaque Les longueurs moyenne et maximale poules, allant de 0,10 à 7 mois jusqu’à série de ponte est séparée par des jours des séries de ponte sont faiblement à 0,56 à 11 mois. Réduire la durée de sans ponte appelés jours de pause. moyennement héritables chez les RI et ponte des poules permettrait de dimi- les WL (tableau 1). Pour ces deux carac- nuer le temps d’occupation des nids, de Plusieurs caractères peuvent définir tères mesurés en cage individuelle, rendre les nids plus accessibles et par le rythme de ponte, comme la longueur Wolc et al. (2019) ont estimé, respecti- conséquent de réduire la ponte hors et le nombre des séries de ponte, l’inter- vement, une héritabilité de 0,31 et 0,20 nid. Toutefois, pour prendre en compte valle de temps entre pontes et l’heure pour les RI et de 0,34 et 0,29 pour les WL. ce caractère dans les programmes de de ponte. Ces caractères peuvent être Le nombre de séries de ponte était plus sélection, les corrélations génétiques intéressants pour augmenter la produc- fortement héritable avec des valeurs avec la production d’œufs et les qua- tion d’œufs, que ce soit en cage ou en estimées de 0,42 et 0,41 pour les RI et lités d’œuf doivent être étudiées ainsi systèmes alternatifs. Dans les systèmes WL respectivement. Des héritabilités que les interactions génotype-environ- alternatifs, le rythme de ponte doit aussi plus variables et en général plus faibles nement entre les systèmes nids indivi- être contrôlé car il est lié à l’heure d’ac- (entre 0,03 et 0,40 ; tableau 1) ont duels et nids collectifs. Dans les nids cès au nid des poules, pouvant entraîner néanmoins été estimées pour ces trois collectifs, les interactions sociales sont de la ponte hors nid (voir partie 3.1.). Le caractères dans d’autres études, por- plus fréquentes. Lundberg et Keeling développement des nids électroniques tant sur les mêmes races de poules et (1999) ont étudié, par enregistrement rend possible l’enregistrement de ces sur des performances mesurées en cage vidéo, le comportement de WL élevées caractères dans des systèmes alternatifs individuelle (Bednarczyk et al., 2000 ; INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage / 7 Encadré 2. Anatomie de l’appareil reproducteur de la poule et formation de l’œuf. L’œuf est une structure complexe qui contient tous les composants nécessaires au développement et à la protection d’un embryon. Il est synthétisé dans l’appareil reproducteur femelle, divisé en deux parties : l’ovaire et l’oviducte. L’ovocyte ou « jaune » est produit dans l’ovaire. À maturité, il est émis en direction de l’oviducte, c’est l’ovulation. Les autres composants de l’œuf (membrane vitelline, albumen ou « blanc », membranes coquillères, coquille et cuticule) sont déposés dans l’oviducte. L’oviducte est composé de cinq compartiments : l’infundibulum, le magnum, l’isthme, l’utérus et le vagin. À l’issue de l’ovulation, l’ovocyte est capté par l’oviducte au niveau de l’infundibulum. Environ cinq heures sont nécessaires pour que la membrane vitelline, l’albumen et les membranes coquillères se déposent autour du jaune. La synthèse de la coquille se fait essentiellement dans l’utérus. Cette étape dure environ 19 h. La cuticule est sécrétée à la fin de la formation de la coquille. L’oviposition ou ponte a lieu environ 24 à 26 h après l’ovulation (Sauveur, 1988 ; voir encadré 3). Photographie (INRAE) légendée du système reproducteur de la poule (l’ovaire en haut et l’oviducte en dessous) et résumé des étapes de la formation de l’œuf dans chacun des compartiments de l’oviducte (adapté de Nys et Guyot, 2011). Les durées moyennes des différentes étapes sont indiquées en heures. Dans l’ovaire, les follicules pré-ovulatoires sont numérotés de F1 à F6 par ordre de maturité décroissant (Johnson, 2015). Akbas et al., 2002 ; Wolc et al., 2010) ou tribution dissymétrique. L’estimation de poules pondeuses commerciales mesurées au sol dans des parcs avec de l’héritabilité repose sur l’utilisation (tableau 1). nids électroniques (Icken et al., 2008b). de modèles linéaires. Si la distribution L’héritabilité est caractéristique d’une des résidus du modèle génétique ne Les corrélations génétiques entre les population et d’un environnement suit pas une loi Normale, il est néces- longueurs moyenne et maximale des donné, ce qui peut expliquer les dif- saire de transformer le caractère en vue séries de ponte sont fortes et positives férences observées. Pour des poules d’obtenir une variable dont la distribu- (entre + 0,88 et + 0,99 ; tableau 2). Les pondeuses naines à œufs bruns, Chen tion suit une loi Normale, afin ne pas corrélations génétiques entre ces deux et Tixier-Boichard (2003) notent aussi sous-estimer l’héritabilité. Cette dissy- caractères et le nombre de séries de que les longueurs moyenne et maxi- métrie n’a cependant pas été évoquée ponte sont fortes et négatives (entre male des séries de ponte ont une dis- dans les études portant sur des lignées – 0,99 et – 0,74 ; tableau 2). Ces corré- INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
8 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy Encadré 3. Les séries de ponte. Une série de ponte est une suite de jours consécutifs avec ponte bornée par un ou plusieurs jours sans ponte. Elle dure en moyenne une dizaine de jours. D’après Sauveur (1988), le premier œuf d’une série est pondu tôt le matin. Les œufs suivants sont pondus de plus en plus tard, l’intervalle de temps entre pontes dans une série étant en général supérieur à 24 h. L’existence de séries de ponte et de pauses peut être expliquée par la coordination entre un cycle externe de 24 h (rythme circadien) et un cycle endogène de maturation folliculaire généralement supérieur à 24 h. Ces phénomènes ont été décrits dans de nombreuses revues comme par exemple celles de Sauveur (1988 et 1996), Nys et Guyot (2011) et England et Ruhnke (2020). En quelques mots, l’ovulation est induite par un pic de l’hormone lutéinisante (LH ; hormone hypophysaire) dans le sang environ 6 h avant l’ovulation. Ce pic de LH est dépendant du rythme circadien et se produit après l’extinction de la lumière, en phase obscure. Dans l’ovaire, une hiérarchie entre les follicules pré-ovulatoires conduit à la présence d’un seul follicule prêt à ovuler par cycle (encadré 2). Ce follicule doit avoir atteint un seuil de maturité suffisant pour que le pic de LH induise son ovulation. Un décalage s’accumule de jour en jour si le cycle de maturation folliculaire est supérieur à 24 h, entraînant par conséquent un décalage de l’heure de ponte. Lorsque le seuil de maturité n’est pas suffisant au moment du pic, le follicule doit attendre le pic de LH du jour suivant pour ovuler, conduisant la poule à faire un jour de pause. Plus les intervalles de temps entre pontes sont courts et plus la série est longue. Les poules pondeuses actuelles, hyperspécialisées pour la ponte, peuvent faire des séries, non pas d’une dizaine de jours, mais de plus de 100 jours. Profil de ponte d’une poule élevée en cage individuelle et ayant fait 6 séries de ponte durant 65 jours (adapté de Lillpers et Wilhelmson, 1993a). La période allumée est comprise entre 7 h et 23 h. Les zones grises représentent la période d’obscurité. Chaque point représente un œuf. Les œufs d’une même série de ponte sont reliés par un trait. Un jour de pause (jour sans ponte) est symbolisé par un triangle. lations indiquent que les poules ayant la longueur moyenne des séries de plus élevée améliorait la production un potentiel génétique pour faire en ponte et le nombre de séries de ponte. d’œufs. Chen et Tixier-Boichard (2003) moyenne de longues séries de ponte Les poules de cette génération avaient ont néanmoins estimé une corrélation ont aussi un potentiel génétique pour très bien pondu en début de carrière génétique négative de – 0,21 entre la faire une longue série de ponte maxi- (en moyenne 113 œufs à 38 semaines) longueur moyenne des séries de ponte male et un potentiel génétique pour ce qui peut être à l’origine de l’observa- et le poids d’œuf (tableau 1). Sur une faire un petit nombre de séries de ponte tion de telles corrélations. lignée de RI plus récente, Wolc et al. (peu de pauses) durant leur carrière. (2010) ont estimé des corrélations Les longueurs moyenne et maximale Dans l’ensemble, ces résultats sug- génétiques neutres entre les caractères des séries de ponte sont génétique- gèrent que sélectionner des poules qui de séries de ponte et les caractères de ment fortement corrélées au nombre ont fait des séries de ponte longues et poids d’œuf (entre – 0,02 et + 0,05 ; d’œufs pondus et à l’intensité de ponte un petit nombre de séries, donc peu tableau 1) et de poids des animaux (entre + 0,40 et + 0,90 ; tableau 1). Les de pauses, sur leur carrière permettrait (entre – 0,13 et + 0,12 ; tableau 1). Des corrélations génétiques sont moyennes d’augmenter indirectement la produc- études complémentaires sont néces- à fortes et négatives entre ces deux tion d’œufs. C’est ce qui a été observé saires pour vérifier les relations géné- caractères de production d’œufs et le par Chen et Tixier-Boichard (2003). tiques qui existent entre les caractères nombre de séries de ponte (entre – 0,88 Ils ont étudié deux lignées naines de de séries de ponte et les qualités d’œuf, et – 0,28 ; tableau 1). Néanmoins, pour poules pondeuses à œufs bruns, avec sur des lignées à destination commer- la génération 1996/1997 de RI élevées ou sans le gène cou nu, et sélection- ciale et élevées dans des systèmes alter- en cage individuelle, Bednarczyk et al. nées durant 16 générations sur la lon- natifs. Les effets d’une telle sélection sur (2000) ont estimé une corrélation géné- gueur moyenne des séries de ponte. le bien-être des poules devront aussi tique neutre (+ 0,05) et défavorable Les auteurs de cette étude ont montré être évalués, la sélection sur la produc- (+ 0,38) entre le nombre d’œufs pondus que sélectionner des poules avec une tion d’œufs étant déjà associée à une jusqu’à 38 semaines et, respectivement, longueur moyenne des séries de ponte augmentation des comportements INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage / 9 Tableau 1. Héritabilité des caractères de séries de ponte et corrélations génétiques (rg) avec des critères de sélection. Corrélations génétiques : favorables – neutres – défavorables. Âge Race Effectif Lumière Héritabilité (SE) rg(SE) – critère Référence (semaines) Longueur moyenne des séries de ponte APO4-38 0,06/0,22 (0,03/0,07) + 0,05/+ 0,54 NO5 Bednarczyk et al. RI1 4 999 14L:10N APO4-64 0,15/0,34 (0,04/0,08) + 0,81/+ 0,90 NO5 (2000) + 0,82 (0,05) NO5 RI1 1 980 22-40 0,25/0,26 (0,04/0,07) Akbas et al. (2002) + 0,04 (0,12) PA6 RI1 272 20-70 16L:8N 0,25 + 0,64 NO5 Icken et al. (2008b) + 0,13 IP387 RI1 4 122 APO4-64 14L:10N 0,23 (0,03) + 0,04 PO8 Wolc et al. (2010) + 0,12 PA 6 RI 1 23 809 0,31 (0,02) + 0,57 (0,03) NO5 APO4-90 16L:8N Wolc et al. (2019) WL2 22 210 0,34 (0,02) + 0,61 (0,03) NO5 + 0,77 (0,02) NO5 + 0,86 (0,01) IP7 Chen et Tixier- PNB3 7 979 APO4-42 16L:8N 0,41/0,42 (0,02) – 0,21 (0,03) PO8 Boichard (2003)10 – 0,06 (0,03) PA6 Longueur maximale des séries de ponte APO4-38 0,03/0,14 (0,03/0,08) + 0,51/+ 0,58 NO5 Bednarczyk et al. RI1 4 999 14L:10N APO4-64 0,03/0,19 (0,03/0,07) + 0,79/+ 0,80 NO5 (2000) + 0,40 IP387 RI1 4 116 APO4-64 14L:10N 0,11 (0,02) – 0,13 PO8 Wolc et al. (2010) – 0,10 PA 6 RI 1 23 809 APO -90 4 16L:8N 0,20 (0,01) + 0,61 (0,03) NO5 Wolc et al. (2019) WL2 22 210 0,29 (0,02) + 0,45 (0,03) NO5 Chen et Tixier- PNB3 5 826 APO4-42 16L:8N 0,41 (0,02) + 0,77 (0,01) IP7 Boichard (2003)10 Nombre de séries de pontes APO4-38 0,07/0,26 (0,03/0,07) – 0,43/+ 0,38 NO5 Bednarczyk et al. RI1 4 999 14L:10N APO4-64 0,16/0,34 (0,04/0,08) – 0,88/– 0,74 NO5 (2000) – 0,79 (0,10) NO5 RI1 1 980 22-40 0,33/0,40 (0,05/0,10) Akbas et al. (2002) – 0,06 (0,11) PA6 RI1 272 20-70 16L:8N 0,15 – 0,53 NO5 Icken et al. (2008b)9 – 0,08 IP387 RI1 4 118 APO4-64 14L:10N 0,23 (0,04) – 0,02 PO8 Wolc et al. (2010) – 0,13 PA 6 RI 1 23 809 0,42 (0,02) – 0,55 (0,01) NO5 APO4-90 16L:8N Wolc et al. (2019) WL2 22 210 0,41 (0,02) – 0,28 (0,01) NO5 Chen et Tixier- PNB3 5 826 APO4-42 16L:8N 0,46 (0,02) – 0,54 (0,05) IP7 Boichard (2003) La lumière (L : durée d’éclairage (h) ; N : durée de la nuit (h)) et les erreurs standards (SE) sont précisées si elles sont mentionnées dans les études. Le « / » indique une gamme de variation entre les valeurs extrêmes. 1 RI : Rhode Island ; 2WL : White Leghorn ; 3PNB : poules pondeuses naines à œufs bruns ; 4APO : âge au premier œuf pondu ; 5NO : nombre d’œufs pondus ; 6 PA : poids de l’animal ; 7IP : intensité de ponte mesurée sur la période indiquée dans la colonne âge ou de l’âge au premier œuf pondu jusqu’à 38 semaines (IP38) ; 8 PO : poids d’œuf ; 9Poules élevées au sol dans un parc avec nids électroniques, cage individuelle pour les autres études ; 10Caractère normalisé (transformation Box-Cox ; Chen et Tixier-Boichard, 2003). INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
10 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy Tableau 2. Corrélations génétiques (rg) entre les caractères de rythme de ponte. Caractère A Caractère B rg(A – B) Référence Bednarczyk et al. (2000) ; Chen et Tixier-Boichard (2003) ; LSMax2 + 0,88/+ 0,99 Wolc et al. (2010) ; Wolc et al. (2019) LSMoy1 Bednarczyk et al. (2000) ; Akbas et al. (2002) ; Chen et Tixier-Boichard NBS3 – 0,99/– 0,83 (2003) ; Icken et al. (2008b) ; Wolc et al. (2010) ; Wolc et al. (2019) ITPMoy4 – 0,57/– 0,56 Icken et al. (2008b) ; Wolc et al. (2010) Bednarczyk et al. (2000) ; Chen et Tixier-Boichard (2003) ; NBS3 – 0,98/– 0,74 Wolc et al. (2010) ; Wolc et al. (2019) LSMax 2 ITPMoy4 – 0,32 Wolc et al. (2010) NBS3 ITPMoy4 + 0,54/+ 0,58 Icken et al. (2008b) ; Wolc et al. (2010) ITPMoy4 HPMoy5 + 0,51/+ 0,81 Yoo et al. (1988) ; Lillpers et Wilhelmson (1993a) Le « / » indique une gamme de variation entre les valeurs extrêmes. 1 LSMoy : longueur moyenne des séries de ponte ; 2LSMax : longueur maximale des séries de ponte ; 3NBS : nombre de séries de ponte ; 4ITPMoy : intervalle de temps moyen entre pontes ; 5HPMoy : heure de ponte moyenne. violents comme le picage ou le canni- QTL du nombre de séries de ponte sont par poule, une moyenne minimale de balisme (Tixier-Boichard, 2020). impliqués dans la fonction de reproduc- l’intervalle de temps entre pontes de tion (NPVF, SRD5A2 et FOXO3) ou dans 21 h 02 ± 1 h 22 et une moyenne maxi- Wolc et al. (2019) ont aussi essayé la perception de la lumière (NR2E1). male de 27 h 17 ± 1 h 22. Chez certaines de mieux comprendre l’architecture poules, l’ovulation peut se produire un génétique des caractères de séries de 4.2. L’intervalle peu avant la ponte de l’œuf précédant, ponte en étudiant la part de variance de temps entre pontes ce qui peut expliquer des intervalles génétique expliquée par des fenêtres et l’heure de ponte de temps entre pontes inférieurs à 24 de 1Mb avec une GWAS (encadré 1). h (Nys et Guyot, 2011). Sur des lots de L’étude a permis d’identifier 4 QTL ayant Contrairement à la longueur et au 272 poules élevées au sol dans des un effet sur la longueur moyenne des nombre des séries de ponte, l’inter- parcs avec nids électroniques, Icken séries de ponte (2 chez la RI situés sur valle de temps entre pontes et l’heure et al. (2008b) ont quant à eux observé les chromosomes 1 et 8 ; 2 chez la WL de ponte sont plus difficiles à mesurer un intervalle de temps moyen entre situés sur les chromosomes 6 et 18) car ils nécessitent de connaître préci- pontes de 24 h 06 ± 37 min pour un lot ainsi que 2 QTL chez la WL ayant un effet sément l’heure de ponte des poules. de RI et compris entre 24 h 05 ± 38 min sur la longueur maximale des séries de L’utilisation de capteurs comme ceux et 24 h 10 ± 43 min pour trois lots de ponte, situés sur les chromosomes 2 des nids électroniques permet notam- WL. En cage individuelle avec une et 6. Ces QTL expliquaient entre 1,00 ment de le faire (figure 2). L’ovulation durée d’éclairage d’au moins 15 h 15 et 3,95 % de la variance génétique de se produit 15 à 45 min après la ponte par jour, l’intervalle de temps moyen chaque caractère. Cinq QTL ayant un de l’œuf précédant (Nys et Guyot, entre pontes est fortement héritable effet sur le nombre de séries de ponte 2011). L’heure d’ovulation ne pouvant (entre 0,42 et 0,66 ; tableau 3). Wolc (2 chez la RI situés sur les chromo- être déterminée facilement, c’est sou- et al. (2010) ont néanmoins observé une somes 1 et 2 ; 3 chez la WL dont deux vent l’intervalle de temps entre pontes, héritabilité plus faible pour ce caractère, situés sur le chromosome 3 et un sur c’est-à-dire le temps séparant l’heure de 0,13, enregistré sur des poules soumises le chromosome 6), expliquant entre ponte de deux jours de ponte consé- à un programme lumineux de 14 h de 1,18 et 7,07 % la variance génétique cutifs, qui est mesuré dans les études. lumière et de 10 heures de nuit par du caractère, ont aussi été identifiés. L’intervalle de temps entre pontes est jour. Icken et al. (2008b) ont également Les QTL étaient spécifiques à chaque en moyenne compris entre 24 et 26 h estimé une héritabilité faible, 0,09, sur lignée et caractère, à l’exception de (Lillpers et Wilhelmson, 1993a ; Chen un lot de 272 RI élevées au sol dans un celui situé sur le chromosome 6 (entre et al., 2007 ; Roy et al., 2014). Une varia- parc avec nids électroniques. 28 et 29 Mb), ayant un effet sur la lon- bilité plus importante a néanmoins gueur moyenne et le nombre des séries été observée pour ce caractère : sur En cage individuelle et pour un même de ponte chez la WL. Wolc et al. (2019) environ 1 370 RI élevées en cage indi- programme lumineux, les RI pondent notent que 4 gènes situés au niveau des viduelle, Wolc et al. (2010) ont mesuré, en moyenne 1 h plus tôt que les WL INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
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