Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage

 
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Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage
Sélection sur la ponte                                                                                                       INRAE Prod. Anim.,
                                                                                                                                 2021, 34 (1), 1-14

  des poules en systèmes
  alternatifs à la cage
Lorry BÉCOT1, 2 , Nicolas BÉDÈRE1, Pascale LE ROY1
1
 PEGASE, INRAE, Institut Agro, 35590, Saint-Gilles, France
2
  NOVOGEN, 5 rue des Compagnons, 22960, Plédran, France
Courriel : nicolas.bedere@inrae.fr

„„ Pour offrir aux animaux des conditions de vie en adéquation avec les besoins de l’espèce, l’élevage en cage
des poules pondeuses en Europe est aujourd’hui progressivement remplacé par des élevages alternatifs. Dans
ces élevages, les poules vivent en groupe dans un grand espace avec ou sans accès extérieur. Leur comportement
de ponte peut s’exprimer plus librement et la sélection doit évoluer pour prendre en compte ces nouvelles
conditions de vie.

Introduction                                                  En Europe, l’élevage des poules pon-       d’hiver ou à un parcours extérieur, la
                                                           deuses à l’étage de production était          lumière naturelle est souvent complé-
   L’amélioration génétique des poules                     majoritairement en cages collectives.         tée par de la lumière artificielle, surtout
pondeuses est réalisée dans des pro-                       Depuis 2012, ces cages sont dites « cages     quand les jours sont courts. La législa-
grammes de sélection pyramidaux. À                         aménagées » car équipées de nids, de          tion européenne impose que le pro-
l’étage de sélection, les animaux de                       perchoirs et d’une aire de grattage. Ces      gramme lumineux suive un rythme de
lignée pure sont habituellement élevés                     dernières années, une grande diversité        24 h, comportant une période nocturne
en cage individuelle, durant tout ou par-                  de systèmes d’élevage, dits « alterna-        continue d’au moins 8 h, et une intensité
tie de leur carrière, afin de permettre le                 tifs » à la cage, se sont aussi rapidement    lumineuse permettant aux poules de
contrôle de leurs performances indivi-                     développés afin d’offrir aux animaux des      voir et d’être vues clairement (Directive,
duelles. Les critères de sélection (enca-                  conditions de vie en adéquation avec les      1999/74/CE).
dré 1) classiquement enregistrés sont liés                 besoins de l’espèce. Dans ces systèmes,
au poids vif de l’animal, à la production                  les poules évoluent librement dans un            En 2019, les systèmes alternatifs repré-
(nombre d’œufs pondus) et aux qualités                     bâtiment équipé ou non d’une volière          sentaient 52 % des effectifs de poules
d’œuf (poids et forme de l’œuf, solidité et                (plusieurs étages dans le bâtiment ;          pondeuses commerciales élevées dans
couleur de la coquille, qualité du blanc et                figure 1). Attenant au bâtiment, il y a       l’Union Européenne (Commission
proportion de jaune ; Beaumont et al.,                     parfois une aire d’exercice couverte et       Européenne, 2021), contre 30 % en
2010). Les meilleurs individus, c’est-à-                   grillagée (jardin d’hiver ; figure 1) per-    2009 et 8 % en 1996 (ITAVI, 2019). Parmi
dire ceux qui présentent les meilleures                    mettant aux poules d’avoir accès à la         les poules élevées en systèmes alterna-
valeurs génétiques (encadré 1) pour                        lumière naturelle et aux conditions           tifs, 36 % ont eu accès à un parcours
une combinaison pondérée de ces cri-                       climatiques extérieures, tout en étant        extérieur en 2019 et 64 % ont été éle-
tères (index), sont sélectionnés comme                     protégées des intempéries. Certains           vées au sol (Commission Européenne,
futurs reproducteurs. Les descendants                      bâtiments disposent d’un accès à un           2021). Actuellement, il n’y a pas de
croisés entre différentes lignées sont                     parcours extérieur, ce sont les systèmes      programme de sélection visant spécifi-
ensuite diffusés à grande échelle par                      « plein air », « plein air Label Rouge » et   quement la création de poules élevées
l’étage de multiplication, permettant à                    « plein air biologique » (figure 1). Les      en systèmes alternatifs : les poules éle-
l’étage de production de bénéficier de                     systèmes sans parcours extérieur sont         vées dans ces systèmes sont issues des
l’amélioration génétique par croisement                    appelés systèmes « au sol » (figure 1).       mêmes lignées pures que les poules
des lignées pures (Coudurier, 2011).                       Que les poules aient accès à un jardin        élevées en cage. L’élevage en systèmes

https://doi.org/10.20870/productions-animales.2021.34.1.4680                                             INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage
2 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy

Encadré 1. Glossaire.                                                                                            pondeuses (­  p ersistance de ponte,
                                                                                                                 stabilité des qualités d’œuf (poids et
 Caractère phénotypique : élément de description des individus dans une population.                              forme de l’œuf, solidité et couleur de la
 Corrélation génétique : corrélation entre des valeurs génétiques additives estimées pour deux caractères        coquille…)).
 donnés.
                                                                                                                    Mesuré en cage individuelle, le
 Critère de sélection : caractère pouvant être mesuré sur les candidats à la sélection et/ou sur leurs appa-     nombre d’œufs pondus de l’âge au
 rentés, et permettant de classer les candidats reproducteurs d’après leur valeur génétique additive estimée.    premier œuf jusqu’à 90 semaines est
                                                                                                                 modérément héritable, avec des héri-
 GWAS : « Genome-Wide Association Study » ou étude d’association génomique, consiste à analyser les              tabilités (encadré 1) de 0,26 et de 0,34
 corrélations entre des variations génétiques et un caractère phénotypique.                                      pour les RI et WL respectivement. De
                                                                                                                 nombreuses régions chromosomiques
 Héritabilité : part de la variance phénotypique d’origine génétique, pour un caractère et une population
                                                                                                                 (QTL ; encadré 1) sont impliquées dans
 donnés.
                                                                                                                 le déterminisme génétique de la pro-
 QTL : « Quantitative Trait Locus » ou locus de caractère quantitatif, est une région chromosomique gouvernant   duction d’œufs. Vingt-et-une études ont
 une partie de la variabilité génétique d’un caractère quantitatif.                                              permis la détection de 95 QTL influen-
                                                                                                                 çant le nombre d’œufs pondus et/ou
 Valeur génétique additive : somme des effets moyens des allèles portés par un individu sur un caractère         l’intensité de ponte (Romé et Le Roy,
 donné. En moyenne, la moitié de cette valeur se transmet d’un parent à son descendant.                          2016). Les gènes codants pour trois pro-
                                                                                                                 téines impliquées dans la folliculogé-
                                                                                                                 nèse : la prolactine (chromosome 2), le
alternatifs repose donc sur des indices                  ­ ondeuses. Influencée par l’environ-
                                                         p                                                       récepteur de l’hormone folliculo-stimu-
de sélection établis sur des animaux                     nement, dont principalement la pho-                     lante (chromosome 3) et le récepteur
élevés en système conventionnel.                         topériode (Sauveur, 1996 ; England et                   de la gonadolibérine (chromosome 22)
                                                         Ruhnke, 2020), elle est aussi sous la                   ont notamment été identifiés comme
   Contrairement à l’élevage en cage,                    dépendance d’une composante géné-                       influençant le nombre d’œufs pondus.
les poules élevées en systèmes alter-                    tique. Ainsi, l’existence d’une variabilité             Ces connaissances quant au déter-
natifs évoluent au sein d’un groupe de                   d’origine génétique pour la production                  minisme génétique de la production
grande taille, doivent aller pondre dans                 d’œufs a contribué à atteindre le niveau                d’œufs, acquises dans les systèmes
des nids (figure 1) et ont parfois accès à               de production actuel chez les poules                    d’élevage en cage, doivent être revisi-
un parcours extérieur. Des nids électro-                 commerciales, capables de pondre plus                   tées dans le contexte d’élevages alter-
niques ont été développés pour pou-                      de 300 œufs par an.                                     natifs moins standardisés.
voir mesurer, dans ces environnements,
de nouveaux caractères de ponte (enca-                      Après une sélection intensive sur                    „„1.1. La ponte au nid
dré 1) liés au comportement précédant                    la maturité sexuelle et la production
la ponte, au comportement au nid et au                   d’œufs jusqu’à 55 semaines, les sélec-                    La production d’œufs dans le nid,
rythme de ponte. Ces caractères appa-                    tionneurs s’intéressent maintenant aussi                mesurée par le nombre d’œufs pon-
raissent maintenant dans les objectifs                   à la persistance de ponte, c’est-à-dire la              dus dans le nid sur une période don-
de sélection des lignées pures. L’objectif               capacité des poules à avoir une carrière                née ou par l’intensité de ponte dans
de cette synthèse bibliographique est                    de ponte plus longue. Actuellement, les                 le nid (nombre d’œufs pondus dans le
de faire un état des lieux des connais-                  poules pondeuses sont élevées jusqu’à                   nid divisé par le nombre de jours de la
sances sur les caractères de ponte en                    environ 72 semaines d’âge. Prolonger                    période), correspond à la part de la pro-
systèmes alternatifs, en se focalisant                   leur carrière jusqu’à 100 semaines,                     duction d’œufs facilement collectée et
principalement sur les deux races de                     pour une production totale de près                      valorisée par l’éleveur. L’augmentation
poules pondeuses les plus élevées                        de 500 œufs par poule, permettrait                      rapide des effectifs de poules pon-
dans le monde : Rhode Island (RI ; œufs                  de réduire les effectifs. Au Royaume-                   deuses élevées en groupe avec accès
bruns) et White Leghorn (WL ; œufs                       Uni par exemple, une carrière de 100                    à des nids collectifs a suscité de nom-
blancs).                                                 semaines réduirait de 2,5 millions les                  breuses questions sur la capacité des
                                                         effectifs de poules pondeuses dans                      animaux à pouvoir utiliser ces derniers.
                                                         le pays. Par ailleurs, une carrière de                  Pour y répondre, des nids électro-
1. La production d’œufs                                  ponte plus longue permet de réduire                     niques individuels utilisant la techno-
                                                         la quantité d’aliment et par conséquent                 logie d’identification radio fréquence
  La production d’œufs, définie par le                   les effets négatifs sur l’environnement,                (RFID ; Radio Frequency Identification)
nombre d’œufs pondus sur une période                     notamment en réduisant la quantité de                   ont été développés. Ces nids sont
donnée ou par l’intensité de ponte                       nitrates produite pour un même niveau                   équipés d’une antenne (figure 2). Un
(nombre d’œufs pondus divisé par le                      de production. Ainsi, la production                     transpondeur est fixé sur chacune des
nombre de jours de la période), est                      d’œufs des poules âgées de plus d’un                    poules, dans le cou (Burel et al., 2002),
le critère majeur pris en compte dans                    an est-elle souvent incluse dans l’ob-                  à une aile (Marx et al., 2002) ou à une
les schémas de sélection des poules                      jectif de sélection des lignées de poules               patte (Thurner et al., 2006). Lorsqu’une

INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage
Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage / 3

Figure 1. Illustration de systèmes alternatifs à la cage.

poule utilise un nid électronique, son         ponte (ordre de passage du capteur)          (2006) car c’est le seul qui a fait l’objet de
transpondeur est détecté par l’antenne         permet ensuite d’attribuer chaque            plusieurs publications jusqu’à présent.
de ce nid. Son identifiant, celui du nid       œuf à la poule qui l’a pondu. Ces nids
visité (localisation), l’heure d’accès et le   permettent ainsi de mesurer des carac-          À l’aide de nids électroniques, Icken
temps de présence sont alors enregis-          tères de ponte et de qualité d’œuf (via      et al. (2008a) ont enregistré le compor-
trés. Si la poule pond un œuf, celui-ci        l’attribution œuf – poule) à l’échelle de    tement au nid de 272 poules RI élevées
roule derrière le nid et déclenche un          l’individu. Dans cette revue, nous pré-      dans un parc au sol avec un accès à un
capteur qui enregistre l’heure de ponte.       senterons les résultats obtenus avec le      jardin d’hiver. Le nombre d’œufs pondus
Le classement des œufs par heure de            nid électronique décrit par Thurner et al.   dans le nid mesuré sur 12 périodes de
                                                                                            28 jours s’est révélé héritable, mais les
                                                                                            héritabilités estimées étaient variables
Figure 2. Principe du nid électronique individuel.                                          selon l’âge des poules (entre 0,05 à 9
                                                                                            mois et 0,45 à 14 mois). La corrélation
                                                                                            génétique (encadré 1) estimée entre le
                                                                                            nombre d’œufs pondus en cage et le
                                                                                            nombre d’œufs pondus dans le nid est
                                                                                            aussi très variable en fonction de l’âge
                                                                                            des poules, passant de valeurs positives
                                                                                            fortes, entre 0,56 et 0,97 durant les deux
                                                                                            premiers mois de ponte, à des estima-
                                                                                            tions plus faibles, entre 0,22 et 0,44 au
                                                                                            pic de ponte. Ces paramètres géné-
                                                                                            tiques, estimés sur un faible effectif,
                                                                                            demandent à être précisés mais cette

                                                                                            INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage
4 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy

étude originale révèle peut-être l’exis-       restriction alimentaire, la distribution     génétique de ce caractère passera donc
tence d’interactions génotype-envi-            d’aliment au moment de la ponte              probablement par l’utilisation de carac-
ronnement pour la production d’œufs.           pousse les poules à quitter leur nid         tères indirects associés, par exemple, au
Les valeurs de corrélations génétiques         sans pondre afin de s’alimenter et, par-     comportement précédant la ponte et
différentes de 1 entre production en           fois, à pondre leur œuf hors nid ensuite     au comportement au nid.
cage et production au nid peuvent              (Sheppard et Duncan, 2011) ;
également être dues à la signification
de ces deux phénotypes : avec le nid             – la ponte hors nid est supérieure
                                                                                            2. Le comportement
électronique, le comportement de la            avec une photopériode de 11 ou 12 h          précédant la ponte
poule, c’est-à-dire sa capacité à aller        par rapport à une photopériode de 13
pondre dans le nid, se combine avec sa         ou 14 h (Lewis et al., 2010).
capacité de ponte exprimée en cage.                                                            Le comportement précédant la ponte
Afin d’améliorer la production d’œufs             Par ailleurs, la ponte hors nid est       débute une à deux heures avant l’ovi-
dans les systèmes alternatifs, des études      aussi supérieure en début de ponte et        position (ponte de l’œuf ) et se traduit
complémentaires sont nécessaires pour          diminue avec l’âge, probablement car         tout d’abord par une augmentation de
améliorer les connaissances sur les            les poules s’habituent à l’utilisation des   l’activité avec une agitation de la poule
caractères de comportement de ponte            nids (Cooper et Appleby, 1996 ; Settar       plus importante et l’expression de
au nid des poules.                             et al., 2006 ; Oliveira et al., 2019). Des   vocalises (Wood-Gush et Gilbert, 1969 ;
                                               études réalisées à l’aide d’enregistre-      Meijsser et Hughes, 1989 ; Sherwin et
„„1.2. La ponte hors nid                       ments vidéo ont permis d’observer            Nicol, 1993). La poule choisit ensuite
                                               deux catégories de poules : des poules       un site de ponte et s’y installe. Une fois
   Les œufs pondus hors nid doivent            qui pondent systématiquement hors            installée, la poule adopte une position
être ramassés manuellement, ils repré-         nid et des poules qui pondent systé-         « assise » qu’elle va alterner avec des
sentent alors un travail laborieux qui         matiquement dans le nid (Cooper et           activités de construction du nid, telles
peut demander beaucoup de temps à              Appleby, 1996 ; Kruschwitz et al., 2008 ;    que gratter le sol ou la litière, se retour-
l’éleveur. Souvent cassés, mangés par          Zupan et al., 2008). Dans ces études, les    ner dans le nid et collecter de la litière
les poules ou souillés de fientes, ils sont    poules qui pondaient hors nid passaient      si elle est disponible avant de pondre
la plupart du temps déclassés ou non           davantage de temps à rechercher un nid       son œuf. En conditions naturelles, le
commercialisables. Pour les reproduc-          et explorer leur environnement dans          comportement de recherche d’un site
teurs, les œufs pondus hors nid ont            l’heure précédant la ponte, par rapport      de ponte permettrait à la poule de trou-
aussi un taux de fertilité et d’éclosabilité   aux poules qui pondaient dans le nid,        ver un endroit à l’abri des prédateurs,
plus faible que les œufs pondus dans le        probablement car les nids proposés ne        comme l’ont observé Duncan et al.
nid (Van den Brand et al., 2016). Dans         leur convenaient pas. Enfin, Settar et al.   (1978). Dans cette étude, les poules gar-
l’objectif d’améliorer les conditions de       (2006) ont mesuré le nombre d’œufs           daient le même nid pour pondre tous
travail et d’augmenter les revenus de          pondus hors nid de 14 258 poules RI          les œufs d’une même série (suite de
l’éleveur, la réduction de la ponte hors       durant 11 semaines à partir du début         jours consécutifs avec ponte) mais en
nid est actuellement un des enjeux             de la ponte. Les poules étaient élevées      changeaient systématiquement entre
majeurs pour les systèmes alternatifs.         au sol dans des parcs de 18 sœurs et/        les séries de ponte et les saisons, pro-
                                               ou demi-sœurs de père. L’étude a mon-        bablement pour se protéger des préda-
   Plusieurs facteurs environnementaux         tré que le pourcentage d’œufs pondus         teurs et des parasites.
peuvent avoir un effet sur la ponte hors       hors nid par jour et le pourcentage
nid : l’environnement avant le début de        d’œufs pondus hors nid par semaine             En élevage, les poules utiliseraient
ponte, les caractéristiques du bâtiment        étaient héritables, avec une héritabi-       en général le même nid pour pondre.
de ponte (structure des nids, litière, ven-    lité de 0,39 et de 0,44 respectivement.      Wall et al. (2004) ont enregistré le
tilation…), la distribution d’aliment au       Ces valeurs d’héritabilité permettent        comportement de 35 WL équipées
moment de la ponte et le programme             d’espérer un progrès génétique subs-         de transpondeurs et élevées dans des
lumineux :                                     tantiel pour réduire le nombre d’œufs        cages aménagées avec deux nids col-
                                               pondus hors nid. Toutefois, la ponte         lectifs. La cohérence du choix du nid de
   – l’utilisation de perchoirs dès la qua-    hors nid dépend de nombreux facteurs         ponte était en moyenne de 90 %, une
trième semaine d’âge des poules réduit la      environnementaux et les interactions         valeur de 50 % indiquant que la poule
ponte hors nid du début de ponte jusqu’à       génotype-environnement entre les             n’avait pas de préférence et 100 % que
35 semaines d’âge (Gunnarsson, 1999) ;         différents systèmes alternatifs doivent      la poule allait toujours pondre dans le
                                               être évaluées. Identifier les poules qui     même nid. Les valeurs de cohérence du
  – les poules préfèrent pondre dans des       pondent hors nid est difficile et labo-      choix de nid étaient comprises entre
nids en bois plutôt que dans des nids en       rieux (enregistrements vidéo) et, avec       54 et 100 %, indiquant de la variabilité
plastique (Van den Oever et al., 2020) ;       des effectifs de grande taille, il n’est     pour ce caractère. Ces résultats sont à
                                               pas possible de mesurer en routine           confirmer en systèmes alternatifs avec
   – observé sur des poules reproduc-          le nombre d’œufs pondus hors nid à           davantage de nids. Par ailleurs, les
trices pour la chair soumises à une            l’échelle de l’individu. L’amélioration      poules ont un comportement grégaire

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Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage
Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage / 5

pour la ponte. Si elles ont le choix, elles   ­mal-être. Heil et al. (1990) ont mesuré     et empêcher certaines poules d’accé-
préfèreront aller pondre dans des nids         par enregistrement vidéo en cage indi-      der aux nids, les obligeant à pondre
déjà occupés plutôt que dans des nids          viduelle, la durée d’agitation avant la     hors nid. Augmenter le nombre de nids
libres (Appleby et McRae, 1986 ; Riber,        ponte, la tentative d’échappement           par bâtiment ou réduire la densité de
2010 ; Tahamtani et al., 2018). Ce com-        les dix à cinq minutes avant la ponte       poules par nid pourrait aider à limiter
portement peut avoir des effets négatifs       (nombre de fois où la poule sort la tête    les problèmes d’affluence à un moment
en termes de bien-être animal, pouvant         de la cage) et la position (assise ou       dans la journée mais nécessiterait soit
augmenter le niveau de stress et le            debout) durant la ponte. Ils ont observé    des investissements supplémentaires
risque d’étouffement dans les nids, mais       que la durée d’agitation et la tentative    (augmenter la taille du bâtiment pour
aussi en termes de production en aug-          d’échappement étaient faiblement            ajouter des nids), soit une baisse de
mentant la ponte hors nid (les poules          héritables, 0,06 et 0,04 respectivement,    production (moins de poules dans le
pondant devant les nids occupés) et le         mais que la position était moyenne-         bâtiment). D’autres stratégies utili-
nombre d’œufs cassés. Sélectionner des         ment héritable, 0,33. Les résultats déjà    sant la génétique peuvent aussi être
poules capables d’aller pondre dans des        observés sur le comportement explo-         envisagées.
nids différents et éloignés les uns des        ratoire en jardin d’hiver et sur les com-
autres pourrait permettre de diminuer          portements de stéréotypie précédant            Heinrich et al. (2014) ont étudié le
les effets négatifs liés au comportement       la ponte confortent l’intérêt d’étudier     comportement au nid dans des nids
grégaire pour la ponte. Au regard de la        la capacité des poules à aller pondre       électroniques collectifs. Le principe de
littérature, il n’y a pas de travaux por-      dans des nids différents et éloignés les    ces nids est le même que celui des nids
tant sur ce caractère, alors que les nids      uns les autres. Ce caractère permettra      électroniques individuels (figure 2). Ils
électroniques peuvent le mesurer (par          peut-être de sélectionner un jour indi-     sont équipés d’une antenne capable
l’enregistrement de l’identifiant du nid,      rectement contre les comportements          de détecter la présence d’une poule via
donc de sa localisation). Des résultats        grégaires négatifs pour la ponte et la      son transpondeur. En revanche, les nids
ont toutefois été publiés sur le compor-       ponte hors nid. Outre le comporte-          électroniques collectifs ne permettent
tement exploratoire en jardin d’hiver          ment précédant la ponte, le compor-         pas d’identifier les poules qui pondent
et les comportements de stéréotypie            tement au nid pourrait également être       lors de leur visite, ni d’attribuer l’œuf
­précédant la ponte.                           exploité en sélection pour réduire la       à la poule qui l’a pondu, car plusieurs
                                               ponte hors nid.                             poules peuvent les utiliser simultané-
  Le comportement exploratoire sur un                                                      ment. Heinrich et al. (2014) ont comparé
jardin d’hiver a été étudié chez la poule                                                  les résultats avec les mesures faites dans
RI. Mesurées entre 9 et 16 mois d’âge,
                                              3. Le comportement                           des nids électroniques individuels. Ils
la fréquence des sorties et la durée de       au nid                                       ont observé que les poules visitaient en
sortie sont héritables avec des valeurs                                                    moyenne 1,2 à 1,4 fois les nids par jour
estimées de 0,24 pour ces deux carac-                                                      et qu’il y avait peu de différences pour
tères, qui sont aussi fortement géné-           Deux caractères peuvent être utilisés      ce caractère entre les mesures en nids
tiquement corrélés (+ 0,82). Toutefois,       pour décrire le comportement de ponte        collectifs et les mesures en nids indivi-
des corrélations génétiques défavo-           au nid de la poule : l’heure d’accès au      duels. Bien que les nids soient destinés
rables ont été observées entre la durée       nid et la durée de ponte, c’est-à-dire le    à la ponte, certaines poules les utilisent
moyenne des sorties et le nombre              temps passé dans le nid pour la ponte.       parfois sans pondre et plusieurs fois
d’œufs pondus dans le nid (– 0,34 ;                                                        dans la journée. Les poules dominées
ainsi que la couleur de la coquille des       „„3.1. L’heure d’accès au nid                peuvent aussi les utiliser comme refuge.
RI (– 0,54 ; Icken et al., 2011). Les des-
cendantes des poules RI qui passent              Les poules commerciales, fortement           Le déterminisme génétique de
le plus de temps dans le jardin d’hiver,      sélectionnées sur la production d’œufs,      l’heure d’accès au nid a été peu étudié.
pondraient moins d’œufs et feraient des       ont tendance à pondre sur une plage          Ce caractère pourrait potentiellement
œufs plus clairs par rapport aux descen-      horaire relativement réduite : Lillpers      être exploité en sélection, par exemple
dantes des poules qui y passent moins         (1991) estime ainsi que l’écart type de      pour étaler la plage horaire d’accès aux
de temps.                                     l’heure de ponte d’un lot est inférieur      nids des poules. L’heure d’accès au nid
                                              à 1 h. Les nids individuels sont utilisés    pour pondre dépend fortement de
   Concernant le comportement précé-          essentiellement dans les élevages tra-       l’heure de ponte (corrélation phéno-
dant la ponte, ce sont essentiellement        ditionnels de basse-cour. La majorité        typique : + 0,99 ; Bécot et al., 2021) qui
les comportements de stéréotypie qui          des systèmes alternatifs utilisent des       est un caractère de rythme de ponte
ont fait l’objet d’études génétiques. Ces     nids collectifs. Ces nids de grande taille   (voir partie 4.2.) et pourrait être utilisée
comportements, comme une agitation            permettent à plusieurs poules d’aller        en tant que tel pour des nids électro-
importante avant la ponte et une posi-        pondre simultanément dans le même            niques collectifs où connaître l’heure
tion debout durant la ponte, montrent         nid. Il y a potentiellement, à certaines     de ponte de la poule n’est pas possible.
que la poule ne peut pas exprimer ses         heures, concurrence entre les poules         Enfin, Lillpers (1991) suggère d’utili-
comportements naturels précédant              pour entrer dans le nid. Cela peut           ser plusieurs types génétiques diffé-
la ponte et sont des ­indicateurs de          entraîner des risques d’étouffements         rents dans un même lot pour étendre

                                                                                           INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
6 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy

l’heure de ponte des poules et leur          au sol et soumises à un programme              et leurs paramètres génétiques ont déjà
période d’utilisation des nids, mais ceci    lumineux de 13 h de lumière et 11 h de         pu être estimés, en cage individuelle
nécessite de s’assurer de l’absence de       nuit par jour. Les poules étaient placées      mais aussi en systèmes alternatifs.
comportement agressif entre les types        au sol dans des parcs de 15 à 120 indivi-
génétiques.                                  dus avec des nids collectifs. Ces auteurs      „„4.1. La longueur
                                             ont mesuré au pic de ponte (entre 24 et        et le nombre des séries
„„3.2. La durée de ponte                     37 semaines d’âge) le temps passé sur          de ponte
                                             le site de ponte (nid collectif ou un coin
   La durée de ponte correspond au           du parc) de 130 poules et le nombre de            La longueur et le nombre des séries
temps passé dans le nid pour la ponte.       coups de becs donnés et reçus au cours         de ponte ont pu facilement être mesu-
Mesurée au sol dans des parcs avec           de la ponte. Plus la poule recevait des        rés en cage individuelle car ils néces-
nids électroniques, la durée de ponte        coups de becs d’autres poules et moins         sitent seulement de compter le nombre
moyenne est de 30 min pour les RI et         elle passait de temps sur son site de          d’œufs tous les jours, sans avoir besoin
45 min pour les WL (Icken et al., 2012).     ponte. Inversement, plus elle donnait          de connaître leur heure de ponte.
Ces auteurs ont observé que la durée         des coups de bec et plus elle passait de       Trois caractères ont principalement
d’une visite sans ponte était plus           temps sur le site de ponte. Aucune dif-        été étudiés : les longueurs moyenne
courte que la durée de ponte, avec une       férence significative de comportement          et maximale des séries de ponte et le
moyenne de 10 et 28 min pour les RI          des poules entre les parcs de taille dif-      nombre de séries de ponte. Wolc et al.
et WL respectivement. Heinrich et al.        férente et le site de ponte (nid collectif     (2019) ont mesuré les séries de ponte
(2014) ont aussi observé que la durée        ou un coin du parc) n’a été observée.          jusqu’à 90 semaines de 23 809 RI et de
moyenne passée dans le nid par jour et       Ces résultats suggèrent que les interac-       22 210 WL élevées en cage individuelle
par poule, pour pondre ou non, variait       tions sociales entre poules dominantes         et ayant des caractéristiques proches
entre 23 et 30 min chez la RI et entre       et dominées peuvent avoir un effet sur         des poules commerciales actuelles.
42 et 69 min chez la WL en fonction de       la durée de ponte. Il serait intéressant       Pour les RI et les WL respectivement, ces
l’âge et du type de nid utilisé (nid indi-   de vérifier si elles ont aussi un effet sur    auteurs ont montré, par poule, que la
viduel ou nid collectif ). Ils notent que    la ponte hors nid.                             longueur moyenne des séries de ponte
le comportement au nid des RI varie                                                         était de 15,3 ± 9,9 (écart-type) et 8,6 ±
peu en fonction du type de nid utilisé                                                      4,4 œufs, et que la longueur maximale
contrairement aux WL qui sont plus sen-
                                             4. Le rythme de ponte                          des séries de ponte était de 81,8 ± 39,9
sibles au changement d’environnement                                                        et 57,3 ± 33,5 œufs. Le nombre de séries
(passage nid collectif/nid individuel et        L’intensité de ponte et le nombre           de ponte, mesuré sur la même période,
inversement).                                d’œufs pondus sont des caractères com-         était de 29,2 ± 16,9 (RI) et de 43,4 ±
                                             plexes contrôlés par le rythme de ponte        18,0 (WL). Associé à une augmentation
   Le déterminisme génétique de la           de la poule. Il faut compter en moyenne        de l’heure de ponte et de l’intervalle
durée de ponte, comme celui de la            24 à 26 h entre l’ovulation du jaune et        de temps entre pontes, le nombre de
durée des visites sans ponte, a été peu      la ponte de l’œuf (Sauveur, 1988 ; enca-       séries de ponte augmente avec l’âge
étudié. Icken et al. (2013) ont mesuré la    dré 2). Les ovulations peuvent s’enchaî-       et leur longueur diminue (Bednarczyk
durée de ponte au sol dans des parcs         ner quotidiennement, entrainant la             et al., 2000 ; Tumova et al., 2017 ; Wolc
avec nids électroniques. Pour ce carac-      ponte d’un œuf par jour. Les œufs pon-         et al., 2019).
tère, ils ont estimé des héritabilités       dus sur des jours consécutifs forment
très variables en fonction de l’âge des      une série de ponte (encadré 3). Chaque           Les longueurs moyenne et maximale
poules, allant de 0,10 à 7 mois jusqu’à      série de ponte est séparée par des jours       des séries de ponte sont faiblement à
0,56 à 11 mois. Réduire la durée de          sans ponte appelés jours de pause.             moyennement héritables chez les RI et
ponte des poules permettrait de dimi-                                                       les WL (tableau 1). Pour ces deux carac-
nuer le temps d’occupation des nids, de         Plusieurs caractères peuvent définir        tères mesurés en cage individuelle,
rendre les nids plus accessibles et par      le rythme de ponte, comme la longueur          Wolc et al. (2019) ont estimé, respecti-
conséquent de réduire la ponte hors          et le nombre des séries de ponte, l’inter-     vement, une héritabilité de 0,31 et 0,20
nid. Toutefois, pour prendre en compte       valle de temps entre pontes et l’heure         pour les RI et de 0,34 et 0,29 pour les WL.
ce caractère dans les programmes de          de ponte. Ces caractères peuvent être          Le nombre de séries de ponte était plus
sélection, les corrélations génétiques       intéressants pour augmenter la produc-         fortement héritable avec des valeurs
avec la production d’œufs et les qua-        tion d’œufs, que ce soit en cage ou en         estimées de 0,42 et 0,41 pour les RI et
lités d’œuf doivent être étudiées ainsi      systèmes alternatifs. Dans les systèmes        WL respectivement. Des héritabilités
que les interactions génotype-environ-       alternatifs, le rythme de ponte doit aussi     plus variables et en général plus faibles
nement entre les systèmes nids indivi-       être contrôlé car il est lié à l’heure d’ac-   (entre 0,03 et 0,40 ; tableau 1) ont
duels et nids collectifs. Dans les nids      cès au nid des poules, pouvant entraîner       néanmoins été estimées pour ces trois
collectifs, les interactions sociales sont   de la ponte hors nid (voir partie 3.1.). Le    caractères dans d’autres études, por-
plus fréquentes. Lundberg et Keeling         développement des nids électroniques           tant sur les mêmes races de poules et
(1999) ont étudié, par enregistrement        rend possible l’enregistrement de ces          sur des performances mesurées en cage
vidéo, le comportement de WL élevées         caractères dans des systèmes alternatifs       individuelle (Bednarczyk et al., 2000 ;

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Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage / 7

Encadré 2. Anatomie de l’appareil reproducteur de la poule et formation de l’œuf.

 L’œuf est une structure complexe qui contient tous les composants nécessaires au développement et à la protection d’un embryon. Il est synthétisé dans l’appareil
 reproducteur femelle, divisé en deux parties : l’ovaire et l’oviducte. L’ovocyte ou « jaune » est produit dans l’ovaire. À maturité, il est émis en direction de l’oviducte, c’est
 l’ovulation. Les autres composants de l’œuf (membrane vitelline, albumen ou « blanc », membranes coquillères, coquille et cuticule) sont déposés dans l’oviducte.
 L’oviducte est composé de cinq compartiments : l’infundibulum, le magnum, l’isthme, l’utérus et le vagin. À l’issue de l’ovulation, l’ovocyte est capté par l’oviducte au
 niveau de l’infundibulum. Environ cinq heures sont nécessaires pour que la membrane vitelline, l’albumen et les membranes coquillères se déposent autour du jaune.
 La synthèse de la coquille se fait essentiellement dans l’utérus. Cette étape dure environ 19 h. La cuticule est sécrétée à la fin de la formation de la coquille. L’oviposition
 ou ponte a lieu environ 24 à 26 h après l’ovulation (Sauveur, 1988 ; voir encadré 3).

 Photographie (INRAE) légendée du système reproducteur de la poule (l’ovaire en haut et l’oviducte en dessous) et résumé des étapes de la
 formation de l’œuf dans chacun des compartiments de l’oviducte (adapté de Nys et Guyot, 2011).
 Les durées moyennes des différentes étapes sont indiquées en heures. Dans l’ovaire, les follicules pré-ovulatoires sont numérotés de F1 à F6 par ordre de
 maturité décroissant (Johnson, 2015).

Akbas et al., 2002 ; Wolc et al., 2010) ou                   tribution dissymétrique. L’estimation                         de poules pondeuses commerciales
mesurées au sol dans des parcs avec                          de l’héritabilité repose sur l’utilisation                    (tableau 1).
nids électroniques (Icken et al., 2008b).                    de modèles linéaires. Si la distribution
L’héritabilité est caractéristique d’une                     des résidus du modèle génétique ne                              Les corrélations génétiques entre les
population et d’un environnement                             suit pas une loi Normale, il est néces-                       longueurs moyenne et maximale des
donné, ce qui peut expliquer les dif-                        saire de transformer le caractère en vue                      séries de ponte sont fortes et positives
férences observées. Pour des poules                          d’obtenir une variable dont la distribu-                      (entre + 0,88 et + 0,99 ; tableau 2). Les
pondeuses naines à œufs bruns, Chen                          tion suit une loi Normale, afin ne pas                        corrélations génétiques entre ces deux
et Tixier-Boichard (2003) notent aussi                       sous-estimer l’héritabilité. Cette dissy-                     caractères et le nombre de séries de
que les longueurs moyenne et maxi-                           métrie n’a cependant pas été évoquée                          ponte sont fortes et négatives (entre
male des séries de ponte ont une dis-                        dans les études portant sur des lignées                       – 0,99 et – 0,74 ; tableau 2). Ces corré-

                                                                                                                           INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
8 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy

Encadré 3. Les séries de ponte.

 Une série de ponte est une suite de jours consécutifs avec ponte bornée par un ou plusieurs jours sans ponte. Elle dure en moyenne une dizaine de jours. D’après Sauveur
 (1988), le premier œuf d’une série est pondu tôt le matin. Les œufs suivants sont pondus de plus en plus tard, l’intervalle de temps entre pontes dans une série étant
 en général supérieur à 24 h. L’existence de séries de ponte et de pauses peut être expliquée par la coordination entre un cycle externe de 24 h (rythme circadien) et
 un cycle endogène de maturation folliculaire généralement supérieur à 24 h. Ces phénomènes ont été décrits dans de nombreuses revues comme par exemple celles
 de Sauveur (1988 et 1996), Nys et Guyot (2011) et England et Ruhnke (2020). En quelques mots, l’ovulation est induite par un pic de l’hormone lutéinisante (LH ;
 hormone hypophysaire) dans le sang environ 6 h avant l’ovulation. Ce pic de LH est dépendant du rythme circadien et se produit après l’extinction de la lumière, en
 phase obscure. Dans l’ovaire, une hiérarchie entre les follicules pré-ovulatoires conduit à la présence d’un seul follicule prêt à ovuler par cycle (encadré 2). Ce follicule
 doit avoir atteint un seuil de maturité suffisant pour que le pic de LH induise son ovulation. Un décalage s’accumule de jour en jour si le cycle de maturation folliculaire
 est supérieur à 24 h, entraînant par conséquent un décalage de l’heure de ponte. Lorsque le seuil de maturité n’est pas suffisant au moment du pic, le follicule doit
 attendre le pic de LH du jour suivant pour ovuler, conduisant la poule à faire un jour de pause. Plus les intervalles de temps entre pontes sont courts et plus la série est
 longue. Les poules pondeuses actuelles, hyperspécialisées pour la ponte, peuvent faire des séries, non pas d’une dizaine de jours, mais de plus de 100 jours.

 Profil de ponte d’une poule élevée en cage individuelle et ayant fait 6 séries de ponte durant 65 jours (adapté de Lillpers et Wilhelmson, 1993a).
 La période allumée est comprise entre 7 h et 23 h. Les zones grises représentent la période d’obscurité. Chaque point représente un œuf. Les œufs d’une
 même série de ponte sont reliés par un trait. Un jour de pause (jour sans ponte) est symbolisé par un triangle.

lations indiquent que les poules ayant                     la longueur moyenne des séries de                            plus élevée améliorait la production
un potentiel génétique pour faire en                       ponte et le nombre de séries de ponte.                       d’œufs. Chen et Tixier-Boichard (2003)
moyenne de longues séries de ponte                         Les poules de cette génération avaient                       ont néanmoins estimé une corrélation
ont aussi un potentiel génétique pour                      très bien pondu en début de carrière                         génétique négative de – 0,21 entre la
faire une longue série de ponte maxi-                      (en moyenne 113 œufs à 38 semaines)                          longueur moyenne des séries de ponte
male et un potentiel génétique pour                        ce qui peut être à l’origine de l’observa-                   et le poids d’œuf (tableau 1). Sur une
faire un petit nombre de séries de ponte                   tion de telles corrélations.                                 lignée de RI plus récente, Wolc et al.
(peu de pauses) durant leur carrière.                                                                                   (2010) ont estimé des corrélations
Les longueurs moyenne et maximale                             Dans l’ensemble, ces résultats sug-                       génétiques neutres entre les caractères
des séries de ponte sont génétique-                        gèrent que sélectionner des poules qui                       de séries de ponte et les caractères de
ment fortement corrélées au nombre                         ont fait des séries de ponte longues et                      poids d’œuf (entre – 0,02 et + 0,05 ;
d’œufs pondus et à l’intensité de ponte                    un petit nombre de séries, donc peu                          tableau 1) et de poids des animaux
(entre + 0,40 et + 0,90 ; tableau 1). Les                  de pauses, sur leur carrière permettrait                     (entre – 0,13 et + 0,12 ; tableau 1). Des
corrélations génétiques sont moyennes                      d’augmenter indirectement la produc-                         études complémentaires sont néces-
à fortes et négatives entre ces deux                       tion d’œufs. C’est ce qui a été observé                      saires pour vérifier les relations géné-
caractères de production d’œufs et le                      par Chen et Tixier-Boichard (2003).                          tiques qui existent entre les caractères
nombre de séries de ponte (entre – 0,88                    Ils ont étudié deux lignées naines de                        de séries de ponte et les qualités d’œuf,
et – 0,28 ; tableau 1). Néanmoins, pour                    poules pondeuses à œufs bruns, avec                          sur des lignées à destination commer-
la génération 1996/1997 de RI élevées                      ou sans le gène cou nu, et sélection-                        ciale et élevées dans des systèmes alter-
en cage individuelle, Bednarczyk et al.                    nées durant 16 générations sur la lon-                       natifs. Les effets d’une telle sélection sur
(2000) ont estimé une corrélation géné-                    gueur moyenne des séries de ponte.                           le bien-être des poules devront aussi
tique neutre (+ 0,05) et défavorable                       Les auteurs de cette étude ont montré                        être évalués, la sélection sur la produc-
(+ 0,38) entre le nombre d’œufs pondus                     que sélectionner des poules avec une                         tion d’œufs étant déjà associée à une
jusqu’à 38 semaines et, respectivement,                    longueur moyenne des séries de ponte                         augmentation des comportements

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Sélection sur la ponte des poules en systèmes alternatifs à la cage / 9

Tableau 1. Héritabilité des caractères de séries de ponte et corrélations génétiques (rg) avec des critères de sélection.
Corrélations génétiques : favorables – neutres – défavorables.

                                     Âge
  Race           Effectif                               Lumière             Héritabilité (SE)                  rg(SE) – critère                    Référence
                                  (semaines)
Longueur moyenne des séries de ponte
                                 APO4-38                                0,06/0,22 (0,03/0,07)           + 0,05/+ 0,54          NO5          Bednarczyk et al.
RI1          4 999                                  14L:10N
                                 APO4-64                                0,15/0,34 (0,04/0,08)           + 0,81/+ 0,90          NO5          (2000)

                                                                                                        + 0,82 (0,05)          NO5
RI1          1 980               22-40                                  0,25/0,26 (0,04/0,07)                                               Akbas et al. (2002)
                                                                                                        + 0,04 (0,12)          PA6
RI1          272                 20-70              16L:8N              0,25                            + 0,64                 NO5          Icken et al. (2008b)
                                                                                                        + 0,13                 IP387
RI1          4 122               APO4-64            14L:10N             0,23 (0,03)                     + 0,04                 PO8          Wolc et al. (2010)
                                                                                                        + 0,12                 PA  6

RI 1
             23 809                                                     0,31 (0,02)                     + 0,57 (0,03)          NO5
                                 APO4-90            16L:8N                                                                                  Wolc et al. (2019)
WL2          22 210                                                     0,34 (0,02)                     + 0,61 (0,03)          NO5
                                                                                                        + 0,77 (0,02)          NO5
                                                                                                        + 0,86 (0,01)          IP7          Chen et Tixier-
PNB3         7 979               APO4-42            16L:8N              0,41/0,42 (0,02)
                                                                                                         – 0,21 (0,03)         PO8          Boichard (2003)10

                                                                                                        – 0,06 (0,03)          PA6
Longueur maximale des séries de ponte
                                 APO4-38                                0,03/0,14 (0,03/0,08)           + 0,51/+ 0,58          NO5          Bednarczyk et al.
RI1          4 999                                  14L:10N
                                 APO4-64                                0,03/0,19 (0,03/0,07)           + 0,79/+ 0,80          NO5          (2000)

                                                                                                        + 0,40                 IP387
RI1          4 116               APO4-64            14L:10N             0,11 (0,02)                     – 0,13                 PO8          Wolc et al. (2010)
                                                                                                        – 0,10                 PA  6

RI 1
             23 809              APO -90
                                       4
                                                    16L:8N              0,20 (0,01)                     + 0,61 (0,03)          NO5
                                                                                                                                            Wolc et al. (2019)
WL2          22 210                                                     0,29 (0,02)                     + 0,45 (0,03)          NO5
                                                                                                                                            Chen et Tixier-
PNB3         5 826               APO4-42            16L:8N              0,41 (0,02)                     + 0,77 (0,01)          IP7
                                                                                                                                            Boichard (2003)10
Nombre de séries de pontes
                                 APO4-38                                0,07/0,26 (0,03/0,07)           – 0,43/+ 0,38          NO5          Bednarczyk et al.
RI1          4 999                                  14L:10N
                                 APO4-64                                0,16/0,34 (0,04/0,08)           – 0,88/– 0,74          NO5          (2000)

                                                                                                        – 0,79 (0,10)          NO5
RI1          1 980               22-40                                  0,33/0,40 (0,05/0,10)                                               Akbas et al. (2002)
                                                                                                        – 0,06 (0,11)          PA6
RI1          272                 20-70              16L:8N              0,15                            – 0,53                 NO5          Icken et al. (2008b)9
                                                                                                        – 0,08                 IP387
RI1          4 118               APO4-64            14L:10N             0,23 (0,04)                     – 0,02                 PO8          Wolc et al. (2010)
                                                                                                        – 0,13                 PA  6

RI 1
             23 809                                                     0,42 (0,02)                     – 0,55 (0,01)          NO5
                                 APO4-90            16L:8N                                                                                  Wolc et al. (2019)
WL2          22 210                                                     0,41 (0,02)                     – 0,28 (0,01)          NO5
                                                                                                                                            Chen et Tixier-
PNB3         5 826               APO4-42            16L:8N              0,46 (0,02)                     – 0,54 (0,05)          IP7
                                                                                                                                            Boichard (2003)
La lumière (L : durée d’éclairage (h) ; N : durée de la nuit (h)) et les erreurs standards (SE) sont précisées si elles sont mentionnées dans les études. Le « / » indique
une gamme de variation entre les valeurs extrêmes.
1
 RI : Rhode Island ; 2WL : White Leghorn ; 3PNB : poules pondeuses naines à œufs bruns ; 4APO : âge au premier œuf pondu ; 5NO : nombre d’œufs pondus ;
6
 PA : poids de l’animal ; 7IP : intensité de ponte mesurée sur la période indiquée dans la colonne âge ou de l’âge au premier œuf pondu jusqu’à 38 semaines (IP38) ;
8
 PO : poids d’œuf ; 9Poules élevées au sol dans un parc avec nids électroniques, cage individuelle pour les autres études ; 10Caractère normalisé (transformation
Box-Cox ; Chen et Tixier-Boichard, 2003).

                                                                                                                    INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
10 / Lorry bécot, Nicolas bédère, Pascale le roy

Tableau 2. Corrélations génétiques (rg) entre les caractères de rythme de ponte.

  Caractère A          Caractère B             rg(A – B)                                               Référence

                                                                 Bednarczyk et al. (2000) ; Chen et Tixier-Boichard (2003) ;
                     LSMax2               + 0,88/+ 0,99
                                                                 Wolc et al. (2010) ; Wolc et al. (2019)

LSMoy1                                                           Bednarczyk et al. (2000) ; Akbas et al. (2002) ; Chen et Tixier-Boichard
                     NBS3                 – 0,99/– 0,83
                                                                 (2003) ; Icken et al. (2008b) ; Wolc et al. (2010) ; Wolc et al. (2019)

                     ITPMoy4              – 0,57/– 0,56          Icken et al. (2008b) ; Wolc et al. (2010)

                                                                 Bednarczyk et al. (2000) ; Chen et Tixier-Boichard (2003) ;
                     NBS3                 – 0,98/– 0,74
                                                                 Wolc et al. (2010) ; Wolc et al. (2019)
LSMax    2

                     ITPMoy4              – 0,32                 Wolc et al. (2010)

NBS3                 ITPMoy4              + 0,54/+ 0,58          Icken et al. (2008b) ; Wolc et al. (2010)

ITPMoy4              HPMoy5               + 0,51/+ 0,81          Yoo et al. (1988) ; Lillpers et Wilhelmson (1993a)

Le « / » indique une gamme de variation entre les valeurs extrêmes.
1
 LSMoy : longueur moyenne des séries de ponte ; 2LSMax : longueur maximale des séries de ponte ; 3NBS : nombre de séries de ponte ; 4ITPMoy : intervalle de
temps moyen entre pontes ; 5HPMoy : heure de ponte moyenne.

violents comme le picage ou le canni-                QTL du nombre de séries de ponte sont                par poule, une moyenne minimale de
balisme (Tixier-Boichard, 2020).                     impliqués dans la fonction de reproduc-              l’intervalle de temps entre pontes de
                                                     tion (NPVF, SRD5A2 et FOXO3) ou dans                 21 h 02 ± 1 h 22 et une moyenne maxi-
   Wolc et al. (2019) ont aussi essayé               la perception de la lumière (NR2E1).                 male de 27 h 17 ± 1 h 22. Chez certaines
de mieux comprendre l’architecture                                                                        poules, l’ovulation peut se produire un
génétique des caractères de séries de                „„4.2. L’intervalle                                  peu avant la ponte de l’œuf précédant,
ponte en étudiant la part de variance                de temps entre pontes                                ce qui peut expliquer des intervalles
génétique expliquée par des fenêtres                 et l’heure de ponte                                  de temps entre pontes inférieurs à 24
de 1Mb avec une GWAS (encadré 1).                                                                         h (Nys et Guyot, 2011). Sur des lots de
L’étude a permis d’identifier 4 QTL ayant               Contrairement à la longueur et au                 272 poules élevées au sol dans des
un effet sur la longueur moyenne des                 nombre des séries de ponte, l’inter-                 parcs avec nids électroniques, Icken
séries de ponte (2 chez la RI situés sur             valle de temps entre pontes et l’heure               et al. (2008b) ont quant à eux observé
les chromosomes 1 et 8 ; 2 chez la WL                de ponte sont plus difficiles à mesurer              un intervalle de temps moyen entre
situés sur les chromosomes 6 et 18)                  car ils nécessitent de connaître préci-              pontes de 24 h 06 ± 37 min pour un lot
ainsi que 2 QTL chez la WL ayant un effet            sément l’heure de ponte des poules.                  de RI et compris entre 24 h 05 ± 38 min
sur la longueur maximale des séries de               L’utilisation de capteurs comme ceux                 et 24 h 10 ± 43 min pour trois lots de
ponte, situés sur les chromosomes 2                  des nids électroniques permet notam-                 WL. En cage individuelle avec une
et 6. Ces QTL expliquaient entre 1,00                ment de le faire (figure 2). L’ovulation             durée d’éclairage d’au moins 15 h 15
et 3,95 % de la variance génétique de                se produit 15 à 45 min après la ponte                par jour, l’intervalle de temps moyen
chaque caractère. Cinq QTL ayant un                  de l’œuf précédant (Nys et Guyot,                    entre pontes est fortement héritable
effet sur le nombre de séries de ponte               2011). L’heure d’ovulation ne pouvant                (entre 0,42 et 0,66 ; tableau 3). Wolc
(2 chez la RI situés sur les chromo-                 être déterminée facilement, c’est sou-               et al. (2010) ont néanmoins observé une
somes 1 et 2 ; 3 chez la WL dont deux                vent l’intervalle de temps entre pontes,             héritabilité plus faible pour ce caractère,
situés sur le chromosome 3 et un sur                 c’est-à-dire le temps séparant l’heure de            0,13, enregistré sur des poules soumises
le chromosome 6), expliquant entre                   ponte de deux jours de ponte consé-                  à un programme lumineux de 14 h de
1,18 et 7,07 % la variance génétique                 cutifs, qui est mesuré dans les études.              lumière et de 10 heures de nuit par
du caractère, ont aussi été identifiés.              L’intervalle de temps entre pontes est               jour. Icken et al. (2008b) ont également
Les QTL étaient spécifiques à chaque                 en moyenne compris entre 24 et 26 h                  estimé une héritabilité faible, 0,09, sur
lignée et caractère, à l’exception de                (Lillpers et Wilhelmson, 1993a ; Chen                un lot de 272 RI élevées au sol dans un
celui situé sur le chromosome 6 (entre               et al., 2007 ; Roy et al., 2014). Une varia-         parc avec nids électroniques.
28 et 29 Mb), ayant un effet sur la lon-             bilité plus importante a néanmoins
gueur moyenne et le nombre des séries                été observée pour ce caractère : sur                   En cage individuelle et pour un même
de ponte chez la WL. Wolc et al. (2019)              environ 1 370 RI élevées en cage indi-               programme lumineux, les RI pondent
notent que 4 gènes situés au niveau des              viduelle, Wolc et al. (2010) ont mesuré,             en moyenne 1 h plus tôt que les WL

INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
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